20.07.2025 à 00:10
Avec Haïr le monde, recueil de textes et de poésies dédié « aux irrécupérables / aux casse-couilles / et aux mécontents », Leïla Chaix rue joliment dans les brancards. Réhabilitant la haine comme moteur du jaillissement des affects, elle plante un clou bien raide dans le cercueil de notre civilisation agonisante. Elle est colère, Leïla Chaix. Elle est rage, dégoût et éruption. Et elle le crie bien fort dans Haïr le monde (Le Sabot, 2025), manifeste polymorphe pour une poésie ne se (…)
- CQFD n°243 (juillet-août 2025) / BouquinAvec Haïr le monde, recueil de textes et de poésies dédié « aux irrécupérables / aux casse-couilles / et aux mécontents », Leïla Chaix rue joliment dans les brancards. Réhabilitant la haine comme moteur du jaillissement des affects, elle plante un clou bien raide dans le cercueil de notre civilisation agonisante. Elle est colère, Leïla Chaix. Elle est rage, dégoût et éruption. Et elle le crie bien fort dans Haïr le monde (Le Sabot, 2025), manifeste polymorphe pour une poésie ne se regardant pas le nombril mais défonçant la laideur de l'existant. Car oui, tout ça part d'un constat : « L'autodestruction permanente qu'est devenue la société déborde notre entendement. C'est tellement gros que c'est hors cadre. […] Le déni est devenu vital, automatique et chose commune. » Une déploration qui englobe les choses les plus simples, comme la laideur uniformisée de la gare de Nice et son « désert-vitrine », mais aussi les causes les plus terribles, à l'image du génocide palestinien, d'autant plus monstrueux qu'il parade sur la toile : « On éructe devant nos écrans, on pleure, on craque, on devient fous. On partage on clique on commente. On communie dans l'impuissance. » Mais attention, cette « haine » revendiquée n'est pas tournée vers n'importe qui. Sa cible ? Les bourreaux de la planète et leurs sécrétions quotidiennes, qui polluent chaque parcelle des villes et des champs : « Quand je dis le monde, je parle de cette prison immonde ; je parle de ce parking odieux, ce packaging artificiel, cette vitre en plexiglas qui floute. […] Je ne parle pas des êtres fragiles, des montagnes millénaires, sublimes, des graines bizarres, des animaux, des bestioles ou des lieux vivants. » Car bien sûr, tout n'est pas à jeter : il y a des fulgurances, des amitiés, des liens tissés hors de l'immonde. Entre Anne Sylvestre (« J'aime les gens qui doutent »), les Sex Pistols (« Nevermind the bollocks »1) et Günther Anders (« Je hais donc je suis »), Leïla Chaix, déjà autrice de l'énergique OK Chaos2, ne baisse pas les bras, surtout pas : « Dessous cette haine il y a des larmes / c'est un pessimisme cosmique / qui induit l'amour de ce qui grouille / des larmes à feu, pour le combat. » Car hors le repli du monde, qu'elle endosse en fuyant la ville pour la vallée de la Roya (« La montagne est un lieu têtu, elle ne se laisse pas enlaidir si facilement »), c'est dans la bagarre et ses étincelles que résiste l'espoir d'une bifurcation : « Qu'est-ce qui fait qu'on lâche pas l'affaire ? / qu'on continue à essayer / faire des brèches / des interstices / qu'est-ce qui fait qu'on est encore là / et qu'en fuyant on cherche des armes et des outils ? » D'une manif No Tav agitée à la défense des derniers squats, les pistes ne manquent pas. Pour elle, graphomane invétérée, cela passe aussi par des jets de plume : « L'écriture est un cri, un cric. C'est une arme ultime de défense. » Et si ça ne suffit pas, il y aura au moins eu un beau baroud d'honneur, glaviot rouge et noir : « La moindre des choses serait quand même de lui gicler des gros geysers de jus bouillant sur sa sale gueule à ce vieux monde. » A voté. Texte intégral 776 mots
15.07.2025 à 13:49
Ceci n'est pas une baguette : c'est un sac Moschino
Supermarché Chanel, burgers géants signés Moschino, orgies néo-baroques chez Gucci… Le luxe s'empare de la nourriture pour en faire une démonstration d'abondance, une esthétique de la satiété qui oublie volontiers la faim des autres. « En dehors de son talent de couturier, Christian Dior fut un gourmet passionné, à la recherche des recettes les plus subtiles et les plus raffinées. Ce grand artiste mettait autant de soin à composer ses menus qu'à créer ses modèles ». Tirée du livre de (…)
- CQFD n°243 (juillet-août 2025) / Pole Ka, Le dossierSupermarché Chanel, burgers géants signés Moschino, orgies néo-baroques chez Gucci… Le luxe s'empare de la nourriture pour en faire une démonstration d'abondance, une esthétique de la satiété qui oublie volontiers la faim des autres. « En dehors de son talent de couturier, Christian Dior fut un gourmet passionné, à la recherche des recettes les plus subtiles et les plus raffinées. Ce grand artiste mettait autant de soin à composer ses menus qu'à créer ses modèles ». Tirée du livre de recettes de Christian Dior, La Cuisine Cousu-Main, cette citation dit bien plus qu'un simple goût pour la gastronomie : elle révèle à quel point mode et nourriture partagent un imaginaire commun, une même attention à la composition, un même attrait pour la mise en scène. Dans cet ouvrage, les recettes ne sont d'ailleurs accompagnées d'aucune photo, uniquement des croquis de mode, comme si les plats se devaient d'être envisagés avec les mêmes codes esthétiques qu'une silhouette de défilé. Quand un créateur aime la cuisine, il évacue son iconographie pour mieux intégrer la mode. Et quand la mode veut vendre, elle vide son caddie de course. Exit les natures mortes, les bouquets délicats ou les desserts dressés à la pince. Aujourd'hui, on jette tout sur la table, sauce comprise. On en fout partout. Le bon goût ? Trop ringard. L'élégance ? Avant tout une question de surdosage. Si aucune image de recette ne figurait dans La Cuisine Cousu-Main de Christian Dior, les campagnes publicitaires de la mode d'après les années 2000, elles, sont saturées de nourriture. Exemple clinique : la campagne Dolce & Gabbana Time de 2009, où deux montres brillantes, bien sages sur des poignets distingués, s'échouent dans une mer de frites, ketchup en éruption, mayonnaise en coulée. C'est la rencontre entre le luxe horloger et le happy meal du dimanche soir, version trash-chic.
Ici, il n'est pas question de gastronomie. Ce qu'on nous sert, c'est un festin de trop. Une assiette qui déborde et une image qui claque. La pub de D&G a ouvert la voie à une nouvelle grammaire visuelle du luxe : celle du gras chic. Une première bouchée de mauvais goût assumé. Et la mode, jamais rassasiée, en redemande. Car une décennie plus tard, c'est au tour de Gucci, griffe italienne elle aussi, sous l'ère Alessandro Michele, de remettre le couvert. Cette fois-ci avec des perruques poudrées et des robes à crinoline en guise de serviettes. La campagne est mise en images par Glen Luchford, photographe friand des mises en scène de ce genre. On y voit des mannequins mettre littéralement les pieds dans le plat. Une performance d'excès, de débordement, savamment orchestrée qui rappelle La Grande Bouffe de Marco Ferreri, cette farce rabelaisienne où la nourriture n'est pas tant consommée qu'étalée, engloutie, puis expulsée. Mais si le film de Ferreri est évidemment critique, le monde de la mode, lui, reste en adéquation totale avec ce qu'attend la société du spectacle. Les mets d'exception comme le caviar ou le champagne, pourtant emblématiques dans ce milieu, semblent avoir disparu des campagnes. Place aux fruits frais, aux fast-foods et aux gâteaux industriels… Un paradoxe plus que révélateur : alors que les sacs, robes, et autres souliers de luxe restent inaccessibles à la majorité, ils sont traités comme des symboles de consommation ordinaire. Une manière fine de cultiver une proximité avec le public, en jouant sur des références familières et un imaginaire de simplicité. En injectant des icônes de la culture de masse dans des sphères élitistes, les marques utilisent ce que le sociologue Manuel Calvo désigne comme des « plats totems » : ces mets qui, au-delà de leur valeur nutritive, concentrent des récits collectifs et des appartenances culturelles. La nourriture – vidée de sa fonction première – devient un accessoire de narration, un support de fantasmes et/ou un outil de distinction. Paradoxalement, cet étalage alimentaire s'adresse à des corps qui, dans les codes visuels du luxe, restent majoritairement maigres. Quand la nourriture s'invite à la table des publicités des grandes maisons, elle devient un simple écho visuel, un motif, une couleur, un décor. Et l'usage de l'intelligence artificielle dans les campagnes les plus récentes achève de rompre tout lien avec la matérialité. La campagne de Jacquemus et ses cerises géantes est l'une des plus représentatives de cette tendance. Afin de promouvoir sa collection “Le Chouchou”, le plus provençal des créateurs a diffusé sur ses réseaux une vidéo générée par IA dans laquelle on voit sa boutique de l'avenue Montaigne envahie de cerises géantes. Un amoncellement de gros fruits ronds et lisses qui provoquent le frétillement des papilles, immédiatement transmué en désir d'achat. Ce glissement du réel vers le simulacre est à l'image d'un marketing sensoriel qui ne cherche pas à nourrir, mais à stimuler – une pulsion éphémère, instagrammable, détachée de toute corporalité. Jacquemus n'en est pas à son coup d'essai, la marque aime jouer avec la nourriture, et particulièrement avec les échelles. Un grille-pain, bien réel cette fois, mais en taille XXL, trône en devanture de l'une de ses boutiques. Et de décor en vitrine, la nourriture devient alors un accessoire de mode à part entière. Loewe, sous la direction de Jonathan Anderson, proposait, pour sa collection Automne/Hiver 2024, un sac en forme de botte d'asperges à associer avec un ensemble aux motifs carotte-navet. De son côté, la marque de luxe italienne Moschino sortait en 2020 un sac en forme de baguette de pain, à glisser sous le bras. Une réappropriation des aliments du quotidien qui transforme le primeur du coin en corner de luxe, et qui figure la capacité des élites à recycler des éléments de la culture française pour en faire des signes de distinction. Soirée de lancement, collaboration… Dans la mode, tout est prétexte à festoyer. On ne parle pas ici de vrais dîners ni de fêtes spontanées, mais de rituels bien huilés du marketing contemporain. Gâteaux estampillés d'un logo, glaces aux couleurs de la dernière collection, cocktails rebaptisés pour l'occasion… La nourriture ne se contente pas d'être affichée dans les campagnes : elle s'invite aussi dans les événements des marques. Le temps d'une soirée, tout peut être brandé, jusqu'au contenu des assiettes. Et cette stratégie va au-delà de la cohérence esthétique : c'est aussi une façon d'offrir du contenu à repartager sur les réseaux sociaux. Chaque mets devient un support visuel, un élément destiné à nourrir les imaginaires et surtout les stories Instagram. Dans ces événements, on ne se restaure pas : on affirme son appartenance à un petit cercle de privilégiés. Certaines marques poussent la démarche encore plus loin en investissant dans le secteur de la restauration, avec l'ouverture de cafés et de restaurants. Ces espaces deviennent de véritables façades pour les marques, conscientes qu'on ne s'y rend pas seulement pour boire un café, mais pour consommer un univers – et s'acquitter de 18 euros pour une mignardise monogrammée Louis Vuitton. Frayer dans ces lieux, c'est montrer, une fois de plus, que l'on peut s'offrir une part symbolique du luxe. Ici ce qui prime c'est d'afficher qu'on est en mesure de fréquenter ces adresses où le geste de manger devient secondaire mais où la consommation elle, est statutaire. À force de jouer avec la nourriture, la mode oublie que, pour beaucoup, elle manque. En célébrant une abondance inaccessible, elle transforme le contenu de nos assiettes en vitrine. Et malgré l'apparente accessibilité des aliments mis en scène, seules les élites semblent conviées au festin. Texte intégral 1537 mots
15.07.2025 à 13:46
Mathieu Rigouste : « Les empires s'épuisent avant les peuples »
Dans son dernier livre, La guerre globale contre les peuples – Mécanique impériale de l'ordre sécuritaire (La Fabrique, 2025) Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales et militant, nous embarque dans une histoire moderne de la contre-insurrection. Face aux régimes et leurs innovations sécuritaires, les peuples, qui savent ce qu'ils veulent, gagnent du terrain. Entretien. Depuis 20 ans, Mathieu Rigouste, militant et chercheur en sciences sociales, cartographie les rouages de la (…)
- CQFD n°243 (juillet-août 2025) / Simon EcaryDans son dernier livre, La guerre globale contre les peuples – Mécanique impériale de l'ordre sécuritaire (La Fabrique, 2025) Mathieu Rigouste, chercheur en sciences sociales et militant, nous embarque dans une histoire moderne de la contre-insurrection. Face aux régimes et leurs innovations sécuritaires, les peuples, qui savent ce qu'ils veulent, gagnent du terrain. Entretien. Depuis 20 ans, Mathieu Rigouste, militant et chercheur en sciences sociales, cartographie les rouages de la machine sécuritaire. Ses travaux portent « sur l'évolution des armées et des polices, des prisons et des frontières, des formes de savoir-pouvoir et tout ce qui leur résiste dans le monde contemporain », explique-t-il sur son site. À travers ses livres et ses films, il a montré, entre autres, comment les guerres coloniales ont servi de laboratoire pour élaborer les techniques de répression des peuples qui, de leur côté, se révoltent (L'Ennemi intérieur : La Généalogie coloniale et militaire de l'ordre sécuritaire dans la France contemporaine ; Un seul héros, le peuple). Il s'est également immergé parmi les businessmen de la sécurité intérieure (Les Marchands de peur : La Bande à Bauer et l'idéologie sécuritaire ; La Police du futur : Le Marché de la violence et ce qui lui résiste ; Nous sommes des champs de bataille). Sa dernière enquête, La guerre globale contre les peuples – Mécanique impériale de l'ordre sécuritaire (La Fabrique, 2025), apparaît comme une synthèse brillante de ses recherches. Mathieu Rigouste nous entraîne dans une histoire globale et moderne de la contre-insurrection. Analysant une centaine de traités militaires, soulevant chaque pierre posée par les bras armés des classes dominantes, il retrace, en creux, le chemin emprunté par les damnés de la terre qui ne cessent, face aux violences qu'on leur inflige, de rebondir, de s'organiser, de se révolter et de faire peuple. *** Le concept de « mécanique impériale » est au cœur de ton livre, est-ce que tu peux nous en donner ta définition ? « C'est l'un des principes qui assurent la reproduction de la modernité capitaliste. Il désigne les allers-retours et les réverbérations de dispositifs de pouvoir, entre périphéries coloniales et métropoles impérialistes. Des savoir-faire en termes de contrôle, de surveillance, de répression, de guerre, de police, d'enfermement, des armes et des technologies, mais aussi des réseaux humains (administrateurs, officiers, policiers, urbanistes, politiciens, etc.) sont exportés, expérimentés et normalisés dans les périphéries coloniales. Les dominations coloniales servent ensuite de malles à outils dans lesquelles les métropoles impérialistes vont puiser lorsqu'elles sont confrontées à des crises. » Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples concrets de ces « réverbérations » ? « La police, par exemple, n'est pas uniquement un système de maintien de l'ordre bourgeois. Elle repose aussi sur l'histoire des milices esclavagistes. Autre exemple : les grenades de désencerclement ont été utilisées par la France en Algérie avant d'être réimportées pour le maintien de l'ordre métropolitain. Idem pour les Flash-Balls qui ont été d'abord testés par Israël en Palestine occupée ou par la Grande-Bretagne en Irlande du Nord. Cette histoire vaut aussi pour les bombardements aériens : c'est un avion italien qui lâche la première bombe de l'histoire sur un campement de civils en Lybie en 1911. Ou bien encore : quand il a fallu écraser les soulèvements ouvriers du XIXe siècle en France, on a fait revenir les généraux qui avaient commis des massacres en Algérie. Ils appelaient le peuple insurgé de la Commune des “bédouins”, les comparaient aux colonisés et utilisaient sur eux des méthodes de guerre coloniale. En faisant une socio-histoire globale de la guerre, du contrôle, de la surveillance, de la répression et de l'enfermement depuis le point de vue des opprimés, on se rend compte que cette dynamique d'aller-retour est permanente. C'est elle qui permet au capitalisme globalisé de se rétablir face à tout ce qui lui résiste. » Tu utilises le terme de « peuples ». Les classes dominantes, afin de légitimer leur violence, convoquent un autre vocabulaire (sauvages, subversifs, terroristes, etc.) Est-ce que tu peux nous parler du choix de ces termes ? « Quand je parle de peuples, c'est au sens de classes populaires et pas au sens nationaliste. C'est aussi dans le sens de “faire peuple”, c'est-à-dire pour désigner des processus par lesquels se forme un corps commun au cœur des mouvements révolutionnaires. Le peuple au sens de classe populaire cheminant vers une émancipation collective. Dans les doctrines de contre-insurrection, par contre, les auteurs pointent “la population” comme une entité, souvent féminisée, décrite comme hystérique, apolitique, source de tous les maux et abritant un ennemi intérieur manipulé depuis l'extérieur. Dans le registre colonial, il y a toujours une sorte de criminalisation qui va avec la bestialisation, soutenant des imaginaires qui justifient la mise à mort de masse. » Tu t'es appuyé sur une centaine de manuels, doctrines et traités de contre-insurrection. On voit qu'à travers les époques, leurs auteurs radotent, tant dans les idées qu'ils défendent que dans certaines techniques utilisées... « Ils se mettent en scène comme des experts qui auraient découvert la bonne manière d'en finir définitivement avec les insurrections et on voit bien que ça ne marche pas ! Il y a beaucoup de choses qu'ils passent sous silence dans ces textes. Ils ne parlent jamais de l'usage du viol comme arme de guerre ni des tortures ou des disparitions en masse, qui sont systématiques. Par contre, ils détaillent l'usage des méthodes guerrières contre les civils, les déplacements de population, des internements de masse, la propagande et le pouvoir militaire. Ils décrivent aussi la façon dont ils mettent en place des dynamiques supplétives, c'est-à-dire l'utilisation de milices mercenaires qui sont capturées ou formées parmi les classes dominées et qui leur servent d'intermédiaires. Surtout, leurs techniques sont toujours adossées aux technologies de l'époque. La poudre, les fusils, les canons dans les premiers temps. Puis arrive le barbelé, les bombardements, les blindés. Aujourd'hui, c'est le pouvoir algorithmique, l'intelligence artificielle. À travers des logiciels de ciblage par IA comme Lavender ou Habsora, Israël automatise et accélère la guerre génocidaire en Palestine occupée. La destruction des Palestiniens constitue ainsi un terrain d'essai et une vitrine pour une nouvelle marchandise au service de la contre-insurrection globale. » Justement, on assiste à un déploiement de forces considérables par l'État d'Israël et ses alliés. Mais aussi à une grande résistance des peuples du monde entier qui clament leur soutien aux Palestiniens. Ça fait écho à ce que tu écris dans tes dernières lignes : « aucun pouvoir n'est tout puissant et les empires s'épuisent avant les peuples ». Est-ce que tu peux développer ? « Dans les interstices des mécaniques de domination, on voit qu'en permanence, les dominés, dès qu'ils le peuvent, conspirent, se réorganisent, mettent en place des rapports d'entraide et de solidarité qui leur permettent de reconstruire des oppositions, des résistances et de pouvoir un jour contre-attaquer. Assez régulièrement, il y a des victoires, même partielles. Il y a aussi des Grands Soirs. Il faut aussi regarder l'histoire sous l'angle de résistances collectives qui se réinventent continuellement face au pouvoir. La contre-insurrection s'épuise face à la détermination des opprimés à lutter pour exister et se libérer. C'est ce que le peuple palestinien appelle le sumud, (l'esprit de la résistance).
Quand on fait cette socio-histoire globale, sur le temps long, on se rend compte que la grande majorité des puissances impérialistes (et on pourrait dire ça des systèmes de domination en général) ne sont pas des structures absolues. Ces configurations de pouvoir n'ont que quelques siècles. À l'échelle de l'histoire humaine, c'est ridicule. Et l'immense majorité des systèmes d'oppression finissent par être renversés grâce à la persévérance des opprimés. Cela devrait guider nos perspectives de lutte et nourrir l'espoir. Rappelons-nous que notre détermination à constamment réorganiser nos luttes tout en construisant nos solidarités par delà les frontières constituent les chemins les plus sûrs vers nos libérations réciproques. » Texte intégral 1632 mots