30.06.2025 à 17:38
Immigration : Pourquoi les gouvernements n’écoutent-ils pas les chercheurs ?
Les gouvernements choisissent des politiques jugées unanimement inefficaces par les chercheurs spécialistes des migrations. Comment comprendre cette absence d’écoute ? Comment y remédier ? Les migrations sont omniprésentes, dans le débat politique comme dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Les chercheurs, pourtant, sont relativement peu visibles. Cette situation est a priori surprenante. Malgré des moyens importants, les États ne semblent pas parvenir à maîtriser les déplacements de populations et pourraient donc bénéficier d’un échange avec les spécialistes. Or, la recherche sur les migrations est dynamique, avec un nombre croissant de connaissances sur le sujet. Mais en pratique, le dialogue entre chercheurs et politiques est peu développé. Une des conséquences de cette situation est que les gouvernements s’obstinent dans des politiques qui sont unanimement jugées inefficaces, et même contre-productives, par les spécialistes. C’est notamment le cas des politiques qui visent à développer l’Afrique pour freiner l’immigration. L’Union européenne y consacre des dizaines de millions d’euros, notamment au travers du Fonds fiduciaire. Pourtant la recherche a de longue date établi que le développement ne limite pas mécaniquement l’émigration, au point que le premier peut même, dans certains cas, favoriser la seconde. Il en va de même pour la réponse à la « crise » des migrants et des réfugiés en Méditerranée. Les décideurs – et une bonne partie de la société avec eux – sont persuadés que l’Europe fait face à une hausse sans précédent des arrivées de migrants en Europe. Or la recherche montre que la crise n’est pas seulement due à une augmentation des flux, mais aussi à une politique d’accueil inadaptée. En refusant de prendre en compte cette nuance, les politiques migratoires ne font que renforcer le contrôle – avec le risque d’aggraver encore la crise. La difficulté majeure tient donc dans l’approche excessivement idéologique des États. Nombre de gouvernements sont élus sur un programme de lutte contre l’immigration et blâment les migrants, les réfugiés (et même leurs descendants) pour toutes sortes de problèmes, du chômage à l’insécurité en passant par la cohésion sociale. On conçoit donc qu’ils soient hostiles aux critiques, et même à tout raisonnement légèrement nuancé. Cette approche clivante inspire l’ensemble des politiques publiques. En France, par exemple, pas moins de 28 lois sur l’immigration ont été adoptées depuis 1980. À ce rythme, chaque loi est adoptée avant que précédente n’ait été entièrement mise en œuvre – et encore moins évaluée. Là encore, on conçoit que les chercheurs ne soient pas les bienvenus dans une activité législative qui relève en grande partie de l’affichage et de la gesticulation. Cela s’inscrit dans une défiance plus générale vis-à-vis des sciences sociales, qui ont toujours été accusées d’idéalisme, d’irénisme – et aujourd’hui de « wokisme ». Rappelons qu’en 2015, un ancien premier ministre affirmait qu’en « expliquant » certaines réalités (comme la radicalisation), les sciences sociales contribuaient à les « excuser ». La réalité est un peu plus complexe, cependant. L’indifférence des pouvoirs publics à la recherche ne les empêche pas de la financer. La Commission européenne a ainsi débloqué plus de 160 millions d’euros depuis 2014 pour les universités travaillant sur les migrations. En France, dans le cadre du programme France 2030, l’Agence nationale de la recherche (ANR) a financé à hauteur de près de 14 millions d’euros l’Institut Convergences Migrations (IC Migrations) depuis sa création en 2017. Cela contribue au dynamisme de la recherche sur les migrations : plus de mille chercheurs vont ainsi se réunir à Aubervilliers, en région parisienne, en juillet 2025 pour la 22ᵉ conférence annuelle du réseau européen IMISCOE, organisée par l’IC Migrations. Mais, bien que l’écrasante majorité de ces chercheurs soient critiques des politiques migratoires, celles-ci ne changent pas pour autant. Les premiers surpris sont les chercheurs eux-mêmes : en 2020, soixante d’entre eux ont écrit à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen pour exprimer leur frustration d’être financés par la Commission – mais jamais écoutés. Dans une logique de « politiques fondées sur les faits », l’objectif affiché par les bailleurs de fonds est pourtant de mieux comprendre les migrations pour mieux les gouverner. Cette approche est louable et nécessaire, a fortiori dans une époque marquée par les fake news, par l’influence de médias ouvertement populistes et par des politiques « anti-science » dans l’Amérique trumpiste. Mais force est d’admettre que les obstacles sont nombreux. Rappelons que, si les chercheurs sont en général ouverts au dialogue avec les décideurs ainsi qu’avec les médias et la société civile, il ne s’agit pas de leur cœur de métier. Ils évoluent dans un milieu professionnel qui a son propre rythme, nécessairement plus lent que celui des médias ou des soubresauts politiques. Leurs carrières répondent à des logiques spécifiques, dans lesquelles les publications jouent un rôle prépondérant – ce qui conduit à une forte spécialisation et à l’usage de la lingua franca de la recherche qu’est l’anglais. Ajoutons que beaucoup travaillent dans des conditions dégradées, marquées par un précariat croissant et le sous-financement chronique des universités. La grande majorité des chercheurs ne sont donc pas formés, pas incités (et encore moins payés) pour dialoguer avec les politiques. Cela a conduit à l’émergence d’intermédiaires, comme les think tanks (à l’instar du Migration Policy Institute à Bruxelles) ou certains centres de recherche spécialisés (dont le « Co-Lab » à l’Institut européen, à Florence). De par leurs réseaux parmi les décideurs et leur capacité à leur parler, ces acteurs comblent un manque. Mais leur existence indique aussi à quel point le dialogue recherche-politique est un exercice à part entière, que seule une poignée de chercheurs maîtrise. Une autre difficulté tient à l’hétérogénéité des positions des chercheurs. Des économistes aux anthropologues en passant par les juristes, tous sont critiques des politiques actuelles – mais pas pour les mêmes raisons. Certains leur reprochent de freiner la croissance en limitant l’immigration de travail, d’autres de violer les droits fondamentaux, etc. Face à cette multiplicité de critiques, les États peuvent aisément ne « piocher » que les résultats qui les arrangent. Par exemple, quand les sciences sociales documentent la vulnérabilité des migrants et le rôle des passeurs dans l’immigration irrégulière, les États retiennent l’impératif de lutter contre ces réseaux – mais oublient que leur existence est en grande partie une réponse au contrôle des migrations qui, en empêchant les mobilités légales, incitent les migrants à se tourner vers les passeurs. Il existe enfin des obstacles plus fondamentaux, car la recherche renforce parfois les politiques qu’elle critique. Les politiques migratoires sont ainsi très « occidentalo-centrées ». L’Europe s’affole de l’arrivée de réfugiés sur son sol, en oubliant que la très grande majorité d’entre eux restent dans les pays du Sud. Or, c’est aussi dans les pays du Nord que la majorité du savoir est produit, avec le risque d’étudier davantage ce qui se passe en Europe qu’ailleurs. Les appels à « décentrer » (voire à « décoloniser ») la recherche se multiplient, mais il reste difficile d’échapper à ce biais. À cet égard, les financements européens sont à double tranchant : s’ils permettent un essor de la recherche, ils sont aussi orientés vers les problématiques jugées importantes en Europe, tout en accentuant les inégalités de financement entre le nord et le sud de la Méditerranée. Mais surtout, la notion même de « migration » n’est pas neutre : elle suppose un cadre étatique, au sein duquel les populations et les territoires sont séparés par des frontières, où citoyens et étrangers font l’objet d’un traitement bien différencié. Il est possible d’avancer que c’est justement cette organisation « westphalienne » du monde qui empêche de mieux gouverner les migrations, lesquelles témoignent des multiples interdépendances entre États. Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui ! Le dilemme est donc assez clair. Les chercheurs sont des citoyens comme les autres et, à ce titre, ils ne sont donc pas extérieurs aux réalités sur lesquelles ils travaillent. Il est donc logique que la recherche se focalise sur les aspects les plus saillants des migrations contemporaines, et ce, d’autant plus que c’est justement vers ces réalités que les financements sont orientés. À bien des égards, pour produire un savoir pertinent et parler aux politiques, les chercheurs doivent « coller » à l’actualité. Mais ce faisant, ils risquent de négliger des réalités moins visibles, et en conséquence de renforcer les biais qui affectent la perception sociale et politique des migrations. Il ne s’agit évidemment pas d’en appeler à une illusoire neutralité scientifique, mais de trouver un équilibre entre une logique de recherche autonome et la production d’un savoir utile à l’amélioration des politiques migratoires – à condition bien sûr que les États finissent un jour par les écouter. Antoine Pécoud intervient sur ce sujet lors du colloque annuel de l’IMISCOE (International Migration Research Network), qui se tient sur le campus Condorcet à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), du 1er>/sup> au 4 juillet 2025. Antoine Pécoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche. Texte intégral 2144 mots
Approche idéologique des États
Le paradoxe du financement public de la recherche
Des chercheurs peu incités à dialoguer avec les politiques
Des politiques migratoires « occidentalo-centrées »
30.06.2025 à 17:37
« Maman, Papa, je m’ennuie ! » Comment aider votre enfant à gérer son ennui pendant les vacances
Il est normal que les enfants s’ennuient. En fait, l’ennui peut même les aider à développer un certain nombre de compétences importantes. À l’approche des vacances, les parents entendront sans doute leur enfant leur dire cette phrase classique : « Je m’ennuie… » Nous nous ennuyons tous de temps en temps, et il n’y a rien de mal à cela. En fait, s’ennuyer est même utile, car cela nous aide à réfléchir et à modifier ce que nous faisons ou à prêter plus d’attention à notre environnement extérieur. Cependant, de nombreux enfants doivent encore apprendre à gérer l’ennui. Si vous vous demandez comment réagir lorsque les enfants se plaignent de s’ennuyer (sans les laisser regarder davantage la télévision), voici quelques idées à tester. L’ennui est légèrement désagréable, mais il n’y a pas de mal à ce que les enfants s’ennuient. En fait, l’ennui permet aux enfants de développer un certain nombre de compétences importantes, notamment : supporter des expériences désagréables, gérer la frustration et réguler les émotions, développer son imaginaire, résoudre des problèmes, planifier et organiser, acquérir de l’indépendance et de l’autonomie. Ces compétences sont essentielles pour que les enfants développent un sentiment de contrôle sur leur propre bonheur et leur bien-être. Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui ! En général, la vie des enfants est structurée et organisée pour eux. Lorsqu’ils disposent de temps libre, les enfants peuvent éprouver des difficultés à penser à des choses à faire et à les organiser. Si, dès qu’un enfant se plaint de s’ennuyer, un adulte vient le divertir, alors cet enfant n’aura peut-être pas la possibilité d’apprendre à s’occuper tout seul et à développer son esprit créatif. Il arrive que les enfants rejettent toutes les idées qu’on leur propose. Ils savent peut-être d’expérience qu’au bout du compte, cela va conduire à une longue discussion ou à ce qu’on s’engage avec eux dans une activité. Dans les deux cas, l’enfant n’a pas à gérer son propre ennui. L’astuce consiste donc à aider les enfants à avoir leurs propres idées (plutôt que de leur suggérer quoi faire). Les parents peuvent faire beaucoup pour se préparer à l’ennui et pour aider leur enfant à apprendre à gérer son propre ennui. Voici quelques idées. Discutez avec votre enfant de ce qu’il aime faire, de ses centres d’intérêt et de ses passions. Élaborez avec lui un menu d’activités auquel il pourra se référer lorsqu’il s’ennuie. Les enfants plus jeunes peuvent avoir envie d’illustrer leur menu avec des dessins. Essayez de dresser une liste d’activités que votre enfant peut faire sans votre aide – un mélange de choses nouvelles et d’activités qu’il a déjà bien aimées par le passé. Incluez des activités plus rapides (comme le coloriage ou un pique-nique avec un ours en peluche), ainsi que des projets à plus long terme (comme un grand puzzle, la lecture d’un roman, l’acquisition de compétences sportives). Placez le menu à un endroit où votre enfant pourra s’y référer. Assurez-vous que les jouets, outils ou autre matériel soient disponibles et accessibles pour que votre enfant puisse faire ce qui figure sur sa liste. Les jouets et les activités n’ont pas besoin d’être coûteux pour être amusants. Préparez votre enfant. Informez-le du programme de la journée et du temps qu’il est censé consacrer aux activités de son menu. Cela le rassurera sur le fait qu’il n’est pas livré à lui-même « pour toujours ». Une série d’images illustrant le programme de la journée peut être utile. Avant une période de temps libre, discutez de deux ou trois règles. Par exemple, « Joue tranquillement jusqu’à ce que papa et maman aient fini et si tu as besoin de nous parler, dis-le », ou bien « Excuse-moi et attends que nous soyons disponibles ». Au début, vous pouvez offrir une récompense (comme une activité spéciale avec vous, son goûter préféré ou du temps d’écran) si votre enfant s’occupe correctement pendant un certain temps. Au fil du temps, éliminez progressivement les récompenses en augmentant le temps dont votre enfant a besoin pour trouver à s’occuper, puis ne les lui offrez que de temps en temps. Si votre enfant vous dit qu’il s’ennuie, redirigez-le vers sa liste. Cette conversation doit être brève et précise. Si nécessaire, aidez votre enfant à démarrer. Certains enfants peuvent avoir besoin d’aide pour démarrer une activité. Il peut être nécessaire de passer quelques minutes à les installer. Essayez de ne pas tout faire vous-même, mais posez plutôt des questions pour les aider à résoudre les problèmes. Vous pouvez demander : « Que vas-tu fabriquer ? De quoi auras-tu besoin pour cela ? Par où vas-tu commencer ? » S’il est important que les enfants apprennent à gérer l’ennui, ils ont aussi besoin de se sentir valorisés et de savoir que leurs parents veulent passer du temps avec eux. Prenez du temps pour votre enfant et soyez disponible pour lui lorsque vous êtes ensemble. Trevor Mazzucchelli est co-auteur de « Stepping Stones Triple P - Positive Parenting Program » et consultant auprès de Triple P International (Australie). Le Parenting and Family Support Centre (Australie) est en partie financé par les ouvrages publiés par le Triple P - Positive Parenting Program, développé et détenu par l'Université du Queensland (UQ). Les redevances sont également distribuées à la Faculté des sciences de la santé et du comportement de l'UQ (Université de Queensland) et aux auteurs des publicatiions de Triple P. Triple P International (TPI) Pty Ltd est une société privée autorisée par UniQuest Pty Ltd, au nom de l'UQ, à publier et à diffuser Triple P dans le monde entier. Il n'est ni actionnaire ni propriétaire de TPI, mais il a reçu et pourrait recevoir à l'avenir des redevances et/ou des honoraires de conseil de la part de TPI. TPI n'a pas participé à la rédaction de cet article. Texte intégral 2537 mots
L’ennui aide les enfants à apprendre
Pourquoi les enfants se plaignent-ils de l’ennui
Comment les parents peuvent-ils aider les enfants à apprendre à gérer l’ennui ?
30.06.2025 à 17:36
Le Brésil, laboratoire du vin de demain
Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement son rôle : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale. Après le football et le café, le vin, nouvel emblème du Brésil ? Le Brésil, pays le plus peuplé d’Amérique du Sud avec 212 583 750 d’habitants et cinquième producteur de vin de l’hémisphère sud, suscite un intérêt international croissant. Longtemps perçu comme un acteur marginal sur la scène viticole, il connaît une transformation rapide, portée par des innovations techniques, une diversification de ses terroirs et une nouvelle génération de consommateurs. Cette dynamique fait du pays un véritable laboratoire des nouvelles tendances mondiales du vin. Le marché brésilien connaît une croissance impressionnante : 11,46 milliards d'euros de chiffre d’affaires en 2024, avec des prévisions atteignant 19,12 milliards d'euros d’ici 2030, à un rythme de croissance annuelle moyen de 9,1 %. En valeur, le Brésil représente aujourd’hui 2,6 % du marché mondial du vin. Comment expliquer ce marché émergent ? Le pays produit entre 1,6 et 1,7 million de tonnes de raisins par an, sur près de 81 000 hectares. Le sud du pays reste le cœur de la viticulture brésilienne, avec 90 % de la production concentrée dans l’État du Rio Grande do Sul. La région de Pinto Bandeira s’est distinguée pour ses vins mousseux de qualité, produits selon la méthode traditionnelle, à base de Chardonnay et de Pinot noir. De nouvelles régions émergent. Santa Catarina, avec ses vignobles d’altitude à São Joaquim, favorise une production de mousseux fins dans un climat frais. Plus audacieux encore, la vallée du São Francisco, dans le nord-est tropical, permet deux vendanges par an grâce à son climat semi-aride. Dans les zones plus chaudes comme São Paulo ou Minas Gerais, les producteurs innovent avec la technique de la poda invertida, ou taille inversée. Ils repoussent la récolte vers des périodes plus fraîches, améliorant la qualité des raisins. En 2023, le Brésil a importé 145 millions de litres de vin, soit une baisse de 5,91 % en volume – en gommant l’inflation –, mais une hausse de 5 % en valeur – sans effet d’un changement de prix. Les vins d’entrée de gamme – inférieurs à 20 euros – dominent avec 65 % du volume. Les vins premium – supérieurs à 80 euros – ont progressé de 31 % en volume et 34 % en valeur. Le Chili reste le principal fournisseur, devant le Portugal et l’Argentine. La France, cinquième fournisseur avec 7 % de parts de marché. L’Hexagone consolide sa position grâce à ses effervescents et ses Indications géographiques protégées (IGP). Longtemps dominé par le rouge et les mousseux, le marché brésilien voit le vin blanc progresser fortement : 11 % d’importations en plus en 2023, représentant désormais 22 % du marché. Cette tendance s’explique par le climat, mais aussi par une recherche de fraîcheur, de légèreté, et de moindres teneurs en alcool. Les vins blancs aromatiques et floraux séduisent particulièrement les jeunes et les femmes, bouleversant les codes traditionnels. Le renouveau du marché brésilien repose en grande partie sur les jeunes générations. Selon une étude, 37 % des millennials et Gen Z déclarent préférer le vin, juste derrière la bière (44 %), et devant les spiritueux. La consommation de vin devient plus quotidienne, intégrée à des moments conviviaux. Les Brésiliennes représentent 53 % des consommateurs en 2024, contre 47 % en 2019. La part des consommatrices âgées de 55 à 64 ans est même passée de 14 % à 19 %. Ce public, en pleine mutation, recherche des vins plus accessibles, des expériences partagées, et des marques engagées. Du lundi au vendredi + le dimanche, recevez gratuitement les analyses et décryptages de nos experts pour un autre regard sur l’actualité. Abonnez-vous dès aujourd’hui ! La durabilité devient un atout compétitif majeur. À Encruzilhada do Sul, le domaine Chandon (LVMH) a lancé un mousseux premium, à partir de pratiques durables certifiées PIUP, bien que non bio. Selon son œnologue Philippe Mével, ces démarches améliorent la santé des sols et la productivité, tout en réduisant les intrants. La vinícola Salton, quant à elle, compense ses émissions de 951 tonnes de CO₂ en 2020 par la conservation de 420 hectares de pampa native, et des actions de reforestation. Elle vise la neutralité carbone d’ici 2030 via des énergies renouvelables et des matériaux recyclés. Malgré ces avancées, le vin brésilien souffre d’une image encore trop classique. Pour séduire les jeunes, la filière doit adopter des codes plus spontanés, centrés sur les expériences, les moments de vie et les émotions. Instagram, TikTok, micro-influenceurs, étiquettes au design moderne : les leviers sont nombreux. Le visuel est désormais un facteur déterminant d’achat. Les jeunes générations attendent aussi que le vin s’intègre à leur quotidien via des événements festifs, des pique-niques, des festivals ou des bars éphémères. La consommation moyenne de vin par habitant reste faible (2,7 litres/an), mais le potentiel est considérable. Avec une offre en pleine diversification, des terroirs multiples, une jeunesse curieuse et exigeante, et une montée en gamme affirmée, le Brésil change de visage viticole. Des événements comme ProWine São Paulo, devenu la plus grande foire du vin et des spiritueux des Amériques, témoignent de cet engouement croissant. Le Brésil dispose de tous les atouts pour devenir un acteur clé du vin au XXIe siècle… à condition d’assumer pleinement ce qu’il est en train de devenir : un laboratoire d’expérimentation, de consommation et de durabilité viticole à l’échelle mondiale. Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche. Texte intégral 1905 mots
Nouveaux terroirs
Vin d’entrée de gamme et vin blanc
Millennials et Gen Z
Vers une viticulture plus durable
Adapter la communication