10.10.2025 à 15:31
Bonjour à toutes et à tous, Alex, Bastien, Eva, Félix, Marne, Mathieu, Myriam, Noémie, Nono et Vi On en parlait déjà le mois dernier, le projet de règlement Chat Control continue son cheminement législatif dans le long couloir des institutions européennes. Ce mois-ci, les gouvernements des États membres, réunis dans le Conseil européen qui est une des trois grandes instances décisionnaires avec le Parlement et la Commission, devaient prendre une décision : pour ou contre ce texte et ses mesures très controversées pour le chiffrement des communications. La réunion du Conseil devait se tenir le 14 octobre prochain, et notre article du 3 octobre expliquait en détails les mesures envisagées et les enjeux du vote. Nous disions aussi que rien n’était encore franchement arrêté : certains États sont « pour » de façon certaine (la France notamment) et d’autres sont « contre », mais il restait des États indécis, dont l’Allemagne, qui pèse dans le game. Aux dernières nouvelles, la pression publique aurait fait basculer la position allemande vers le rejet des mesures liberticides. Vous pouvez lire dans cet article en anglais une explication de la position allemande et le rôle joué par la coalition EDRi (dont La Quadrature est membre) dans la mobilisation contre Chat Control. En raison du rejet probable du texte, le vote du Conseil est reporté au mois de décembre. Pourquoi ne pas acter son rejet ? C’est une des bizarreries de la démocratie communautaire : pour repousser un texte, on l’ajourne indéfiniment jusqu’à ce qu’il tombe dans l’oubli. C’est tout le mal qu’on souhaite à Chat Control. Notre article du 3 octobre : Chat Control : on fait le point Martin Drago est un suspect connu : il a été salarié de la Quadrature, il a longtemps porté la campagne Technopolice contre la surveillance urbaine et la VSA, et il est toujours membre de l’association. Il publie ce mois d’octobre un nouveau livre sur les caméras de vidéosurveillance – mais en décalant le regard. Après un rappel rapide des origines et du déploiement massif de la vidéosurveillance, Caméras sous surveillance pose la question candide qui guide souvent les historiens inventifs : qui s’est opposé à ces caméras, et comment ? Alors on part dans un voyage temporel et très dépaysant où des employés municipaux refusent d’installer des caméras, où des députés expriment la crainte qu’on puisse « surveiller les ouvriers et les ouvrières dans les ateliers », où un tribunal administratif peut annuler l’installation de caméras au motif qu’elles portent « une atteinte excessive aux libertés individuelles » et où un vice-président de la CNIL peut affirmer la nécessité de préserver « un espace de fraude sans lequel il n’existe pas […] de démocratie ». Quel étrange et beau pays, la France d’il y a trente ans… On écrit ensemble les futurs chapitres de l’histoire ? L’annonce du 8 octobre : Parution du livre « Caméras sous surveillance » Notre campagne de soutien pour 2025 est toujours ouverte ! Nous avons récolté environ 85% de notre objectif pour l’année. En comptant les dons mensuels à venir d’ici à la fin de l’année, on pense arriver environ à 90% de l’objectif. Il manquera des sous. Aidez-nous à boucler le budget 2025 ! Vous pouvez nous faire un don sur notre site. Divers S’abonner à la newsletter : https://www.laquadrature.net/nous/ Datalove Texte intégral 1052 mots
cette semaine, on revient sur le parcours législatif du règlement de Chat Control, et on se réjouit de la publication du livre Caméras sous surveillance, écrit par un membre de La Quadrature, qui se penche sur l’histoire discrète, méconnue et jamais racontée de la résistance contre les caméras de surveillance dans nos rues.
Bonne fin de semaine et bonne lecture à vous !Chat revient et Chat s’en va
Notre commentaire du 9 octobre après l’ajournement de la décisionLa communauté invisible contre l’œil de Sauron
Commander le livre ou le lire en ligne : Éditions terres de FeuCampagne de soutien 2025
Agenda
La Quadrature dans les médias
08.10.2025 à 11:59
Parution du livre « Caméras sous surveillance »
Le livre Caméras sous surveillance – Luttes contre l’œil électronique est paru cette semaine aux éditions Terres de feu. Écrit par Martin Drago, membre de La Quadrature du Net, l’ouvrage s’intéresse aux personnes et collectifs qui ont refusé les caméras de vidéosurveillance, en mettant en lumière cette résistance qui persiste : multiple, artistique, locale et internationale, inspirante pour les combats à mener. Il y a 30 ans était promulguée la loi « d’orientation et de programmation relative à la sécurité » qui autorisait en France le déploiement sur la voie publique des caméras de vidéosurveillance. Comme c’est le cas pour chaque loi sécuritaire, il ne s’agissait évidemment pas d’un quelconque encadrement ou limitation de l’usage des caméras, mais bien d’une normalisation, la première étape officielle d’une surveillance vidéo à grande échelle du territoire français. C’est aussi la couche nécessaire à l’avènement de la Technopolice contre laquelle La Quadrature du Net et de multiples collectifs et personnes luttent aujourd’hui. Le livre paru cette semaine revient sur l’historique du déploiement de la vidéosurveillance en France, depuis son invention dans les années 40 en passant par sa légalisation en 1995. Il s’intéresse particulièrement aux mouvements qui ont lutté contre ces dispositifs, leurs victoires, leurs outils, leurs arguments et aux forces que ces organisations ont dû affronter – entre État sécuritaire et lobbies avides d’un nouveau marché. « Refuser que les caméras deviennent un détail architectural de notre quotidien et en refaire un objet politique contesté, tel est l’un des enjeux de cet ouvrage » Le lien vers le site des éditions Terres de Feu, avec un accès libre au PDF : Caméras sous surveillance Lire 331 mots
03.10.2025 à 14:19
Chat Control : on fait le point
Ceci est une traduction de l’article « Chat Control: What is actually going on? » publié le 24 septembre 2025 par EDRi, réseau d’associations européennes dont La Quadrature du Net fait partie. Au cours de l’été 2025, le dossier « Chat Control » est devenu un sujet brûlant dans le débat public. Lors d’un vote très important, le 14 octobre prochain, les gouvernements des États membres de l’UE décideront d’approuver ou de rejeter un texte qui veut instaurer une surveillance de masse, briser le chiffrement des communications et mettre fin à l’anonymat en ligne : le règlement CSAR. Mais nous avons encore une bonne occasion d’empêcher l’adoption de ces mesures qui contrôleraient nos conversations, car le système législatif européen nous laisse encore des possibilités de contrepouvoirs démocratiques. Durant l’été 2025, le sujet des libertés numériques a percé la bulle du microcosme législatif européen pour devenir un sujet de conversation pour les législateurs nationaux, les influenceurs en ligne, et même pour les apéros entre amis et les dîners en famille. Tout ça à cause d’une proposition de règlement européen appelée « Chat Control ». Chat Control a suscité un grand intérêt sur les réseaux sociaux et dans le débat public, à juste titre, en raison de plusieurs mesures draconiennes. De nombreuses voix ont dénoncé les atteintes particulières aux droits des journalistes, des communautés LGBTQIA+, des parents qui partagent leurs photos de famille, des avocats, et même des enfants eux-mêmes – que ce texte est pourtant censé protéger. Mais heureusement, il est encore possible de faire bouger les choses au sein de l’UE pour lutter contre ce texte de loi, lisez la suite pour voir comment vous pouvez contribuer à aider ! « Chat Control » est en réalité le surnom d’un projet de règlement européen « établissant des règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants », baptisé « Child Sexual Abuse Regulation » ou CSAR en anglais. Depuis sa présentation en 2022 par l’ex-commissaire européenne Ylva Johanssson, très controversée, EDRi et sa campagne Stop Scanning Me ont démontré qu’en dépit de son objectif annoncé de traquer les contenus pédocriminels en ligne, le projet n’est ni légitime ni réaliste. 1. D’après le projet de règlement, les communications privées de tout un chacun pourraient être scannées à l’aide de filtres douteux fondés sur de l’intelligence artificielle, pour voir si les messages contiendraient des contenus pédopornographiques. Il s’agit là d’un cas parfait de surveillance de masse qui, en plus d’être contraire au principe de la présomption d’innocence, n’est pas très efficace d’un point de vue mathématique. La Commission prétend que l’analyse resterait ciblée, mais nous expliquons ici pourquoi cela est faux. 2. La proposition exige que ce scan soit effectué par tous les services de messagerie chiffrés de bout en bout, tels que WhatsApp et Signal. Tous les spécialistes tech du monde entier sont catégoriques, une telle analyse ne pourrait pas se faire sans compromettre l’intégrité même des services chiffrés. Cela reviendrait à déployer un logiciel espion personnalisé sur les appareils de millions de personnes (ordinateurs ou téléphones). En plus d’être un cauchemar en matière de cybersécurité (à tel point que même les agences de renseignement mettent en garde contre cette mesure !), l’ONU et la Cour européenne des droits de l’Homme ont rappelé que compromettre le chiffrement constituerait une violation massive du droit à la vie privée de chacun. 3. Pour se conformer à cette proposition, les services de communication en ligne devraient probablement exiger que les utilisateurs se soumettent d’abord à une vérification d’âge. Il a pourtant été démontré que tous les outils actuels de vérification d’âge constituent une menace pour la liberté d’expression, l’indépendance et le droit à la vie privée. Par conséquent, de telles mesures risqueraient d’exclure systématiquement les personnes qui ne possèdent pas de documents d’identité numériques et pourraient également signer la fin de l’anonymat en ligne. Cela mettrait également en danger de nombreuses personnes : les lanceur·euses d’alerte, les militant·es, les personnes qui ont besoin de soins de santé, etc. En bref, l’impact négatif de Chat Control sur la démocratie serait sans précédent. Et en légitimant ces pratiques dangereuses, l’UE enverrait au reste du monde un signal indiquant que la confidentialité des communications en ligne n’existe plus. Le 14 octobre 2025, le Conseil de l’UE (le regroupement des gouvernements des États membres de l’UE) votera sur le règlement CSAR. Ce vote encourage malheureusement les pays de l’UE à prendre officiellement position en faveur de ce texte. Cependant, le projet Chat Control devra encore franchir plusieurs obstacles législatifs avant de pouvoir entrer en vigueur. Il n’a même pas encore atteint le stade des négociations finales (appelées « trilogues ») et il est possible qu’il n’y arrive même pas. En effet, le droit européen prévoit une série de contre-pouvoirs visant à garantir que les projets de loi soient examinés démocratiquement, et bon nombre de nos législateurs sont heureusement à l’écoute des arguments qui sont avancés. L’un de ces principaux contre-pouvoirs est que le Parlement européen, qui jouera un rôle majeur dans les négociations finales, a adopté une position forte sur ce texte en 2023. Avec l’accord de député·es venant de l’ensemble de l’éventail politique, le Parlement a adopté une position qui exclut la surveillance de masse, garantit que le chiffrement ne serait pas compromis et fixe des critères stricts quant à l’utilisation excessive des outils de vérification d’âge. Cela a son importance, car si le Conseil adopte une mauvaise position, nous compterons sur le Parlement pour nous protéger contre Chat Control pendant les trilogues. Cependant, le Parlement a historiquement moins de pouvoir dans ces négociations et le député rapporteur a laissé entendre qu’il pourrait assouplir sa position sur le chiffrement. Il est donc plus important que jamais que le Parlement tienne sa position. Une autre bonne nouvelle est que, même après trois ans de discussions intenses, les gouvernements des pays de l’UE ne parviennent toujours pas à se mettre d’accord sur la marche à suivre. Si certains pays favorables à la surveillance des communications, comme la Hongrie, l’Irlande, l’Espagne et le Danemark, ont soutenu sans faiblir les mesures d’analyse de masse des contenus et de contournement du chiffrement, de nombreux autres pays se sont inquiétés à juste titre. Par exemple, le Luxembourg, l’Autriche, l’Allemagne et la Pologne se sont toujours opposés à Chat Control et d’autres pays comme les Pays-Bas, la Slovénie, la Finlande, la Belgique, la République tchèque et l’Estonie ont tous pris position contre ou se sont abstenus à divers moments. [Ajout de La Quadrature : Après avoir été contre le texte, puis s’être abstenue, la France risque désormais désormais de voter en faveur du texte.] Mais nous savons aussi que le département des affaires intérieures de la Commission européenne (qui a été un acteur notoire dans la promotion du texte, et ce, de façon illégale) a tout fait pour que les États membres la suivent dans ses plans au sein du Conseil. La rumeur dit que certains pays, notamment l’Allemagne, ont fait l’objet de pression pour « abandonner » dans le dossier Chat Control. C’est pourquoi ce vote d’octobre sera décisif. Le moment est venu pour que les citoyens de toute l’UE fassent entendre leur voix. Faire entendre aux eurodéputé·es que nous soutenons la position du Parlement leur sera utile pour les éventuelles négociations futures. Plus encore, les gouvernements des États membres de l’UE doivent absolument entendre l’opposition populaire à toute mesure qui reviendrait à contrôler et surveiller les conversations. Le droit européen et international les oblige à s’opposer au règlement CSAR puisqu’il ne protège ni nos droits, ni nos libertés, ni notre sécurité. Le texte actuel du Conseil qui fera l’objet d’un vote en octobre est très loin de remplir ces objectifs. Signez la pétition de la campagne Stop Scanning Me [coordonnée par le réseau EDRi, à l’origine de l’article et dont La Quadrature du Net fait partie] et rejoignez les milliers de personnes qui s’opposent à cette atteinte à la sécurité de nos communications. Dès que notre pétition aura atteint le seuil nécessaire, nous la remettrons aux décideurs politiques, comme nous l’avons déjà fait par le passé. Texte intégral 1910 mots
Chat Control : de quoi s’agit-il ?
Que contient le projet de loi « Chat Control » ?
Pourquoi Chat Control est-il soudainement devenu un sujet d’actualité ?
L’importance des contre-pouvoirs démocratiques de l’UE
Que pouvez-vous faire maintenant ?