07.03.2025 à 12:27
LA LETTRE DE REGARDS ET POLITIS DU 7 MARS
Tous les vendredis, les rédactions web de Regards et Politis unissent leurs forces pour vous donner à lire, à écouter et à penser. Des éditos, des articles et des vidéos pour comprendre une actualité de la semaine. Emmanuel Macron l’a dit une nouvelle fois mercredi soir, face à la menace russe et au revirement étasunien, il faut agir rapidement « en Européens ». Pourtant la donne politique sur notre continent a de quoi poser de sérieuses questions quant à la construction d’une défense commune. Entre les États dirigés par l’extrême droite comme l’Italie ou la Hongrie, et la puissance de la dynamique fasciste dans les autres pays, la création d’une force armée qui nous réunirait peut même inquiéter. C’est cette inquiétude que nous avons proposée à des politiques de gauche de France et d’Italie et au philosophe Etienne Balibar (à retrouver ici, ici et là). A dire vrai, notre angoisse n’a rencontré que peu d’écho. Chacun renouvelle ses convictions. Ceux qui, à gauche, veulent avancer dans une intégration plus grande de l’Europe veulent croire que la création d’une armée commune et son corollaire, une politique internationale partagée, est de nature à souder les Européens et à contenir la poussée d’extrême droite. A ces Européens convaincus, on fera remarquer que cela n’est jamais advenu. Il faut s’interroger sur ce point. Si l’Union européenne ne s’est jamais dotée d’une armée ce n’est pas parce que les États-membres qui la composent sont antimilitaristes mais parce que jamais une direction commune n’a réussi à voir le jour. L’opposition à la Russie de Vladimir Poutine qui nous unit largement ne suffit pas à déterminer une politique commune de défense en de larges points et pour longtemps. Des dynamiques convergentes, largement sous influence néolibérales, ont réussi à instaurer un espace de libre-échange et un marché commun ; le mouvement ouvrier et les forces progressistes ont réussi à conquérir quelques droits sociaux ; d’autres à élargir l’espace du droit. Mais pas davantage – et surtout ni politique étrangère commune ni armée européenne. Ces objections massives et objectives demeurent. Vouloir n’est pas toujours pouvoir. Une autre partie de la gauche pense que la médiocrité des politiques sociales et écologiques européennes sont des carburants pour l’extrême droite. Ils ne voient pas dans cette intégration nouvelle au travers d’une armée une solution pour bloquer l’extrême droite et en nourrissent dès lors de vives inquiétudes. A ceux-là nous pouvons dire que la question n’est pas pour ailleurs. Les idées de l’extrême droite se nourrissent d’une légitime peur de la guerre et d’égoïsmes dangereux et elles ne reculeront pas du fait d’un retrait des affaires du monde. Ajoutons que la dissuasion nucléaire dans les mains du Rassemblement National a de quoi effrayer. Nos nuits seront courtes… Alors que s’ouvre un débat sur la stratégie autonome de défense européenne à l’heure de la guerre en Ukraine et plus largement de la menace Poutine, nous avons sollicité l’avis de cinq hommes et femmes politiques, parmi lesquelles Aurélien Saintoul (député LFI), Ilaria Salis (eurodéputée italienne), Cyrielle Chatelain (présidente du groupe écologiste et social à l’Assemblée), Hélène Conway-Mouret (sénatrice PS) et Vincent Boulet (responsable des relations internationales au PCF). Nous leur avons demandé de répondre à la question suivante : que penser d’une défense européenne à l’heure de la montée du fascisme sur le continent et de la progression des pays gouvernés par l’extrême droite dans l’Union européenne ? Un article à lire juste Alors que les forces politiques se divisent suite à l’abandon américain de l’aide à l’Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l’Europe de la défense ne fait quant à elle pas l’unanimité. Un article à lire juste Le train de la guerre semble s’emballer en Europe et le monde se réarme rapidement. Qu’en pense le philosophe Etienne Balibar ? Il est l’invité de #LaMidinale. Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter ! Texte intégral 1309 mots
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Se doter d’une armée quand les fascismes soufflent fort ?
Si l’on écoute de nombreux exécutifs européens, à commencer par la France, la guerre qui point à l’Est clôt le débat sur une défense commune : il en faut une. Pourtant, les inquiétudes sont légitimes et certaines questions aussi cruciales qu’irrésolues.
Europe de la défense : qu’en pense la gauche ?
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Face à la nouvelle donne géopolitique, les syndicats ne veulent pas lâcher les travailleurs ukrainiens
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« Il nous faut une armée défensive européenne »
07.03.2025 à 12:23
Alors que les forces politiques se divisent suite à l’abandon américain de l’aide à l’Ukraine, les syndicats essaient de rester unis dans le soutien aux travailleurs et travailleuses ukrainiennes, défendant tous une « paix juste et durable ». La question de l’Europe de la défense ne fait quant à elle pas l’unanimité. « Le moment exige des décisions sans précédent depuis bien des décennies. […] C’est pourquoi […] j’invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à faire des propositions à l’aune de ce nouveau contexte. Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d’hier. » Dans son allocution télévisée sur la situation géopolitique, Emmanuel Macron s’est adressé directement aux organisations syndicales. Depuis trois ans et l’attaque Russe sur le territoire ukrainien, tous les syndicats français sont unis en intersyndicale pour soutenir, sans faille, la « résistance ukrainienne ». Ainsi, toutes les organisations syndicales étaient présentes aux mobilisations pour soutenir l’Ukraine le 23 février dernier, trois ans après le début de l’invasion russe. « L’intersyndicale est toujours unie en soutien des travailleurs et travailleuses en Ukraine. En plus de la mobilisation du 23 février, on réfléchit à un nouveau rassemblement dans les prochains jours. Dans le contexte actuel, il faut que la société civile s’exprime sur cette question. C’est trop important pour qu’on entende seulement le politique », souligne Béatrice Lestic, en charge des relations internationales au sein de la CFDT. « La situation s’est considérablement dégradée et cela nous inquiète énormément. Plus que jamais, la solidarité avec les ukrainiens est à l’ordre du jour », embraye Boris Plazzi, secrétaire confédérale en charge des relations internationales à la CGT. Le contexte actuel, c’est un bouleversement sans précédent du rapport de force géopolitique avec un rapprochement inquiétant des Etats-Unis avec la Russie. Un basculement qui, forcément, interroge les positions historiques de bon nombre d’organisations progressistes, syndicats en tête. « On ne peut pas faire comme si rien ne se passait », soutient Béatrice Lestic. La syndicaliste accuse le modèle de société défendu par l’axe Trump-Poutine qui est dangereux selon elle, pour les travailleurs et les travailleuses. « Jamais un régime d’extrême-droite n’a été favorable aux organisations syndicales. Ce à quoi on assiste n’est pas la folie d’un homme, mais bien un projet politique qui est à l’encontre de tout ce qu’on défend, sur le travail, sur les services publics. Donc le mouvement syndical ne se trompe pas en réitérant, plus que jamais, son soutien à l’Ukraine. » De la CFDT à Solidaires, la position est partagée aux deux extrémités du spectre syndical, même si la radicalité des termes utilisés diffèrent d’un syndicat à l’autre. « En Ukraine, comme en Palestine, en Afrique, ou en Kanaky, partout, l’impérialisme, les régimes liberticides, l’extrême droite sont les ennemis des populations qui aspirent à la liberté, à l’émancipation sociale », peut-on lire dans un communiqué publié le 3 mars par Solidaires. Depuis le début de la guerre, les syndicats ont ainsi envoyé plusieurs convois syndicaux selon les besoins des organisations de travailleurs ukrainiens. Le dernier en date est parti mi-2024. C’est d’ailleurs un point que tous nos interlocuteurs syndicaux soulignent. Le soutien à l’Ukraine passe, pour eux, par les organisations syndicales locales et non par Volodomyr Zelensky. « On n’est absolument pas dans une Zelensky mania, comme d’autres », explique Béatrice Lestic. En effet, le président ukrainien profite aussi de la période de guerre pour faire passer des lois qui cassent le droit du travail et les acquis sociaux locaux. « Nous sommes en pleine bataille avec le gouvernement ukrainien depuis de nombreux mois. Car le ministère de l’Économie a décidé de réformer le Code du travail sans aucune consultation en bonne et due forme. [Ce] nouveau projet protège les intérêts des employeurs et non des salariés. […] Les Ukrainiens seront transformés en esclaves », affirme, auprès de nos confrères de L’Humanité, Mykhailo Volynets, président de la Confédération des syndicats libres d’Ukraine (KVPU). « On soutient aussi les ukrainiens dans leurs actions syndicales, c’est très important », glisse Boris Plazzi. « En 2022, le soutien de la population ukrainienne vis-à-vis de l’État et de certaines institutions comme l’armée était énorme. Zelensky était perçu comme le chef charismatique de la résistance. Cela ne veut pas dire qu’on soutenait toutes les initiatives du gouvernement, loin de là. La position des syndicats consistait par exemple à émettre des désaccords avec les actions du gouvernement, notamment avec les modifications du code du travail, sans pour autant s’engager dans une lutte sociale frontale, à la fois parce que la loi martiale interdit les grèves et les manifestations, mais aussi parсe que l’insécurité matérielle des travailleurs risquait de rendre toute grève impopulaire. Jusqu’au début 2023, il y avait cette forte unité derrière l’État mais les tensions sociales reviennent », analysait, il y a quelques jours, la philosophe Daria Saburova dans nos colonnes. Malgré tout, la nouvelle donne géopolitique pourrait ébranler cette unité. Notamment sur la question de « l’Europe de la défense », alors que plusieurs organisations de travailleurs ont une tradition profondément pacifiste. A la CFDT, on assume défendre l’idée également voulue par Emmanuel Macron. « On a voté cela lors de notre dernier congrès, à Lyon. Mais dire qu’on veut une Europe de la défense ne veut pas dire que cela doit se faire au détriment des dépenses sociales et des acquis sociaux », martèle Béatrice Lestic. Une posture loin d’être celle de Force Ouvrière (FO). Le troisième syndicat hexagonal dénonce dans un communiqué, « les postures va-t’en guerre et toute escalade guerrière », et assure que « sans être indifférente à la sécurité de la nation, FO ne veut participer ni à l’instrumentalisation, ni à l’intégration des organisations syndicales de salariés dans une économie de guerre, synonyme de renoncement et d’abandon des revendications des travailleurs ». La CGT, elle, se tient, pour l’instant, à l’égard de ce débat. « On n’a pas pris de position sur la question », souffle Boris Plazzi qui assure, toutefois, « préférer une économie de la paix à une économie de guerre ». La CGT, comme le reste des organisations s’inquiète, notamment, de comment se mettrait en place de telles hausses de dépenses dans le secteur de la défense dans un contexte de crise des finances publiques. Et alors qu’Emmanuel Macron a déjà assuré – sans pouvoir le garantir, ne disposant plus de majorité – qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôts. « Il faudra des réformes, du choix, du courage », a-t-il ainsi soutenu. Un discours qui peut légitimement inquiéter les organisations syndicales quand on connaît l’historique des réformes menées depuis près de huit ans par la feue majorité présidentielle. Au niveau européen c’est d’ailleurs cette question qui risque de cristalliser les tensions, alors que plusieurs pays européens – notamment du sud – pourraient augmenter drastiquement leur dépense liée à la défense. Au détriment de quoi ? Alors que la Confédération Européenne des syndicats (CES) qui regroupe 88 confédérations syndicales européennes a rapidement pris position en soutien à l’Ukraine lors de l’invasion Russe. Mais une position commune sur la question des moyens à mettre en œuvre pour soutenir le peuple ukrainien n’émerge pas, malgré le contexte. « Il y a une unanimité pour dire que la Russie est l’agresseur et l’Ukraine l’agressé mais, sur les moyens de se mettre en mouvement, il n’y a pas de position tranchée commune », souffle Béatrice Lestic. Une chose reste toutefois sûre : dans un contexte de montée de tensions certain et de course à l’armement, les syndicats devront, plus que jamais, être vigilants. Parce que la guerre est rarement – si ce n’est jamais – l’amie des avancées sociales. Texte intégral 1514 mots
La solidarité ouvrière internationale à l’épreuve de la guerre
Des divisions syndicales sur l’Europe de la défense
07.03.2025 à 12:18
Europe de la défense : qu’en pense la gauche ?
A 5 hommes et femmes politiques, nous avons posé la question suivante : que penser d’une défense européenne à l’heure de la montée du fascisme sur le continent et de la progression des pays gouvernés par l’extrême droite dans l’Union européenne ? La question de la défense est d’abord une question de souveraineté. La souveraineté étant liée au peuple, il faudrait se demander s’il existe une souveraineté populaire européenne. Bien sûr que non puisqu’il y a plusieurs peuples au sein de notre continent. Donc il y a déjà un problème de principe. Ensuite, il faut aussi se poser les questions concrètes qu’entrainerait cette “défense commune européenne” : qui pour la commander ? Quels Etats pourraient décider de l’engager ? Et au service de quels intérêts cette défense commune pourrait être utilisée ? Les dirigeants fascistes et assimilés n’ont évidemment pas les mêmes intérêts que les gouvernants démocrates. Il ne faut pas oublier cette constante : les fascistes ne respectent pas le droit. Pourquoi voudraient-ils mobiliser une défense européenne ? Pour lutter contre l’immigration ? Quels genres de relations envisagent ces forces fascistes avec les régimes autoritaires comme la Russie ou d’autres pays dirigés par l’extrême droite comme les Etats-Unis ? Giorgia Meloni n’a pas dit un mot après l’humiliation de Volodymyr Zelensky par Donald Trump et l’Italie a contracté avec Starlink pour 1,5 milliard d’euros… Les annonces faites par Emmanuel Macron qui rêve de cette “défense commune européenne”, c’est surtout un affichage. Il cherche à montrer qu’il fait encore des choses, il veut détourner l’opinion publique de son mandat national. C’est de la poudre aux yeux. Il dit vouloir un “réveil stratégique” au regard de la ligne politique conduite par Donald Trump sur le champ international. Mais comme la plupart de nos partenaires, la France est incapable d’agir en dehors de l’influence américaine. On a accepté de former des pilotes de chasse en partie aux Etats-Unis, on a du matériel de renseignement américain, on a des catapultes du Charles de Gaulle qui sont américaines, on est dépendant du pétrole américain qui est notre premier fournisseur. Et la France n’est pas le seul pays européen à connaître cette situation. Ce projet de “défense commune” ne répond pas aux vrais problèmes comme, par exemple, les capacités de production européenne qui sont à leur limite aujourd’hui. Et c’est pourquoi nous n’arrivons pas à satisfaire les demandes des Ukrainiens. Il faut donc mettre sur pied un programme de prise d’indépendance qui prendra des mois et des années. Dans quel calendrier peut-on le faire ? Et quels sont les pays européens qui voudront vraiment prendre leur essor indépendamment de la tutelle américaine ? Face à l’alliance qui s’est nouée entre les puissances impérialistes américaine et russe, ce qui était déjà nécessaire auparavant devient aujourd’hui une urgence. Depuis plus de deux ans maintenant, l’est du continent européen est attaqué par la Russie et ses alliés ; depuis quelques semaines, c’est le Groenland, une province danoise, qui est directement menacé par les États-Unis. Dans cette situation de montée des périls, nous ne pouvons pas céder à la logique du « deal » que Trump et ses affidés libertariens tentent d’imposer sur la scène internationale au détriment du principe d’autodétermination des peuples, comme le voudraient les partis européens d’extrême droite. Mais nous ne devons pas non plus nous lancer dans une course aveugle aux armements qui, en l’état actuel des choses, ne ferait que nourrir une industrie militaire livrée à elle-même, et renforcer en fin de compte les logiques impérialistes déjà à l’œuvre. Il est donc temps d’imaginer à gauche et de construire d’en bas un nouvel ordre international, cohérent avec nos principes et valeurs : l’internationalisme, le multilatéralisme et la paix dans la justice. Mais cela signifie aussi œuvrer en faisant preuve d’intelligence stratégique, en étant conscients des compromis nécessaires et du caractère processuel du chemin qui peut nous mener à une paix durable. Pour ce faire, il faut avant en premier lieu rompre le lien historique de subordination aux États-Unis et affirmer une véritable autonomie. Washington ne traite pas l’Europe comme un allié à part entière, mais comme un vassal. Rester dans l’OTAN — surtout sous la direction de Trump — signifie renoncer à sa liberté de décision et d’action, en acceptant un rôle subalterne plutôt que d’agir en tant qu’acteurs indépendants sur la scène mondiale. Nous devons pour cela prendre pour modèle des États-membres comme l’Autriche et l’Irlande, qui se sont historiquement tenus à une stricte neutralité et au refus de l’implantation de toute base étrangère sur leur territoire. Afin de conquérir notre autonomie stratégique contre les puissances impérialistes, mais aussi pour contrer les nationalismes souverainistes en Europe et les conflits continentaux qu’ils sont toujours capables de provoquer, une intégration de la défense à l’échelle communautaire est nécessaire. Cette option — comme l’existence même de toute armée — représente hélas un mal nécessaire, du moins dans la phase actuelle. La forme qu’elle doit prendre est toutefois indissociable du niveau d’intégration politique et institutionnelle que l’Europe parviendra à atteindre. Une armée européenne à part entière serait certes la solution la plus à même d’empêcher des conflits entre États-membres ou des initiatives militaires hasardeuses en dehors du continent de la part de certains d’entre eux. Mais elle semble difficilement concevable si les quelques États-membres qui aspirent non pas à l’autonomie du continent, mais à intégrer pleinement l’alliance impérialiste USA-Russie, sont en mesure de bloquer tout processus décisif depuis l’intérieur du Conseil européen. En cela, la question rejoint une autre préoccupation : il est avant tout nécessaire d’assurer un meilleur contrôle collectif et démocratique des infrastructures et des ressources destinées à la défense, pour les soustraire aux intérêts privés et empêcher la formation d’un complexe militaro-industriel. Au niveau européen, cela doit dès maintenant passer par plus de transparence, en particulier de la part de la Commission, dont les programmes en matière de défense sont élaborés de manière particulièrement opaque, laissant craindre une forte influence du lobby de l’armement au vu des décisions prises jusque-là. À terme, cela signifie surtout une révision des traités, qui renforcerait le rôle des élus du Parlement et la responsabilité de la Commission et du Conseil devant eux. L’Europe se tient seule. Prise en étaux entre la menace Russe et le fanatisme de Donald Trump. Dans sa guerre contre l’Ukraine, Vladimir Poutine a trouvé en Donald Trump un complice idéal. En à peine un mois à la tête des États-Unis, ce dernier a trahi l’Ukraine et abandonné l’Europe. Nous sommes donc à un moment de bifurcation décisif : l’éclatement ou la coopération ; la rivalité ou la solidarité ; le repli ou le dépassement. Et disons-le clairement, la capacité des états européens à garantir séparément leur sécurité est faible, tant en terme opérationnel, économique que stratégique. Dans ce chaos mondial, l’Europe doit s’affirmer comme une force politique, dotée d’une politique étrangère partagée et cohérente, parlant ainsi d’une seule voix au monde. Une force en capacité de garantir la sécurité de ses membres par une logique de garanties mutuelles et la construction d’une base industrielle de défense entièrement européenne, permettant l’indépendance vis-à-vis des États-Unis. Une force, qui ne sera pleinement libre et autonome que grâce à une sortie des énergies fossiles rapide, ambitieuse et partagée. S’approvisionner en gaz ou en engrais Russes ou en gaz de schiste américain présente un risque existentiel, surtout en cas de conflit mondial. Notre dépendance nous affaiblit. Enfin, la haine du progressisme, du féminisme, de l’anti-racisme et de l’humanisme est le ciment idéologique du pacte Trump-Poutine. Une haine qu’ils propagent : ingérence Russe en Roumanie, soutien de Musk à l’extrême droite allemande et diffusion de fake news sur les réseaux sociaux. Ils s’immiscent dans la gouvernance européenne grâce à leur partenaire hongrois ou en France à l’aide du Rassemblement national. Il convient donc de ne pas être naïfs. Au niveau européen, il ne faut pas céder au blocage de Victor Orban. Il faudra avancer avec une coalition de pays partageant les mêmes objectifs et constituant la colonne vertébrale et le moteur d’une défense européenne, en capacité de coopérer avec les pays alliés non alignés. En France, il conviendra de ne pas nous laisser piéger par la rhétorique de l’union nationale, nous contraignant à une austérité accrue, à la casse sociale, aux reculs environnementaux ou à la restriction de nos libertés et des droits des étrangers. Ce serait abandonner la bataille vitale contre l’extrême droite, qui rêve de faire de la France l’un des rouages de l’axe Poutine-Trump. La menace qui pèse sur le continent européen est à la fois extérieure, avec l’agression par la Russie d’un certain nombre de pays, et intérieure avec les tentatives de déstabilisation de nos démocraties. La défense européenne est essentielle aujourd’hui pour nous nous donner les moyens suffisants pour défendre nos territoires, alors que de nombreux services de renseignement européens signalent la possibilité d’un conflit avec la Russie dans les cinq ans. Dans les démocraties occidentales, les extrêmes-droites profitent du principe de liberté d’expression et jouent sur les émotions négatives de peur, d’angoisse et de haine, afin de mieux marteler leur message d’un besoin d’ordre et de discipline. Elles instrumentalisent la liberté d’expression au profit de leur propagande. À l’échelle européenne, il est important que les règlements et les directives instaurent des contrôles et des filtres pour combattre cette propagande et ces fake news comme le permet le Digital Service Act adopté en 2022 par l’Union européenne, mais aussi de renforcer les échanges d’informations pour identifier les sources d’attaques cyber et les prévenir. Pour cette raison, le démantèlement par Donald Trump la Cybersecurity and Infrastructure Security Agency en charge de la lutte contre la propagande et la désinformation a une incidence directe sur l’utilisation des réseaux sociaux par les Européens. Les exemples des ingérences pendant les élections moldaves, roumaine fin 2024 et allemande début 2025 démontrent bien que L’Union européenne doit faire bloc pour protéger l’intégrité de ses processus démocratiques. Le continent européen est le dernier bloc qui, globalement, résiste encore à la montée des mouvements fascistes. Il est donc fondamental de les combattre, eux qui sont favorables à cette dérégulation et à ces ingérences tout en bénéficiant du soutien de l’administration Trump, comme l’a démontré le discours de JD Vance à la Munich Security Conference. Une réponse coordonnée, collective et européenne est la meilleure protection contre les ingérences étrangères, notamment en matière de cyber et d’influence des opinions publiques face à la levée de toutes les barrières et tous les filtres par les GAFAM. Protéger nos infrastructures, depuis les câbles sous-marins jusqu’à la modération des réseaux sociaux, se fera grâce à de nouveaux investissements et l’action collective de l’Union européenne, à laquelle il est important de rattacher la Grande-Bretagne. Enfin, la meilleure protection contre l’arrivée au pouvoir des extrêmes-droites est bien de revenir aux fondamentaux de la construction européenne : mobilité des personnes qui se connaissent, se côtoient, se comprennent et construisent un avenir en commun. Une « défense européenne » est dangereuse, mais la sécurité européenne est nécessaire et urgente. Une défense européenne supposerait une armée commune ou, comme l’a annoncé Emmanuel Macron, une européanisation du parapluie nucléaire français. Cela est impossible tant les forces centrifuges à l’œuvre dans l’Union Européenne sont grandes, entre Meloni et Orban qui font allégeance à Trump, ou le gouvernement polonais soumis au parapluie de défense américain. Une européanisation de la force nucléaire française ne se situe absolument plus dans le domaine de la dissuasion mais elle revient à prendre le risque de la confrontation nucléaire. Quelle crédibilité ont les discours sur « l’indépendance » d’une défense européenne provenant d’un pouvoir qui n’a cessé d‘aligner notre pays sur les choix des États-Unis et a poursuivi la politique de ses prédécesseurs qui a liquidé nos industries, à commencer par nos industries de défense ? L’économie de guerre annoncée par Macron et ses appels aux sacrifices des Français dessinent une austérité aggravée, à un moment où le pouvoir d’achat est en berne et où nos services publics manquent de l’essentiel. Elle ne servira que les marchés financiers. Trump doit se féliciter. Sa politique de transfert du fardeau d’une guerre sans issue à l’Europe fonctionne pleinement. Répondre aux exigences du moment implique au contraire de mener une politique de sécurité et d’autonomie stratégique, reposant sur deux piliers. D’abord, une initiative pour une paix juste en Ukraine. Trois ans après l’agression injustifiable du régime de Poutine contre l’Ukraine, il n’y a aucune solution militaire. C’est une solution politique et diplomatique, avec l’Ukraine, la Russie, les États européens et sous les auspices des Nations unies, qui est à l’ordre du jour, avec pour base la souveraineté et la neutralité de l’Ukraine, sur les principes de la charte des Nations unies et de l’Acte final de la conférence d’Helsinki. Cela doit mener à une conférence de sécurité collective pour l’ensemble du continent, avec la sortie et la dissolution de l’OTAN. Ensuite, notre pays a besoin de reconstruire un pôle public de défense, au service des besoins capacitaires de sa défense nationale, en toute indépendance de l’OTAN et des Etats-Unis. Elle doit aller de pair avec une grande politique de renouveau industriel de la France. Plutôt que d’encourager les tentations bellicistes qui entraînent les peuples vers la catastrophe, il faut porter en Europe une voix forte en faveur de la paix et du droit. Texte intégral 3085 mots
Aurélien Saintoul, député LFI, membre de la commission de défense nationale et des forces armées : « Le projet de défense commune ne répond pas aux vrais problèmes »
Ilaria Salis, eurodéputée italienne, membre de la GUE : « Il faut un contrôle collectif et démocratique des infrastructures et des ressources destinées à la défense »
Cyrielle Chatelain, députée,présidente du groupe écologiste et social : « Il faut avancer avec une coalition de pays partageant les mêmes objectifs et constituant la colonne vertébrale et le moteur d’une défense européenne »
Hélène Conway-Mouret, sénatrice PS, vice-présidente de la commission des affaires étrangères et de défense, ancienne ministre déléguée aux Affaires étrangères : « Le continent européen est le dernier bloc qui, globalement, résiste encore à la montée des mouvements fascistes »
Vincent Boulet, responsable des relations internationales du PCF, vice-président du Parti de la Gauche Européenne : « Plutôt que d’encourager les tentations bellicistes qui entraînent les peuples vers la catastrophe, il faut porter en Europe une voix forte en faveur de la paix et du droit »