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18.09.2025 à 18:29

Les luttes sociales à la une

La Déferlante
🗞️ Revue de presse Grévistes des villes, grévistes de champs À peine la première journée de mobilisation du 10 septembre terminée, l’extrême droite prenait ses distances avec le mouvement, l’accusant de […]

Texte intégral 2975 mots

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Revue de presse

Grévistes des villes, grévistes de champs

À peine la première journée de mobilisation du 10 septembre terminée, l’extrême droite prenait ses distances avec le mouvement, l’accusant de ne représenter qu’une frange de privilégié·es urbain·es. Dans un entretien, la chercheuse Clara Deville démonte la théorie, chère au Rassemblement national, de la fracture territoriale, qu’elle qualifie de « piège à penser assez dangereux ».

🐄 → À lire sur le site de Mediapart.

Convergence des luttes

« Nous savons que seule l’abolition de la société de classe permettra notre émancipation intégrale, mais avec une rage supplémentaire au cœur, celle de nos vies fracassées par l’homophobie et la transphobie. » Publié par la revue de critique communiste Contretemps, l’appel à la mobilisation du collectif LGBTQIA+ Les Inverti·es, dans le cadre du mouvement Bloquons tout, explique avec clarté les raisons de la convergence des luttes queers et anticapitalistes.

🏳️‍🌈 → Retrouvez l’appel à mobilisation sur le site de Contretemps

Les campus sous surveillance

Dans une lettre adressée à l’avocat principal de l’université de Berkeley où elle enseigne, la philosophe Judith Butler s’inquiète que son employeur ait transmis à l’administration étasunienne une liste de 160 étudiant·es et professeur·es –dont elle fait partie – pour nourrir une enquête sur des actes « présumés antisémites ». Et ce, sans que la nature des faits qui leur sont reprochés n’ait été jamais été précisée, encore moins reconnue par la justice.

👩🏽‍🎓 → Retrouvez cette tribune dans Libération

📖
On lit

« Ces gens-là »

Née dans l’Ain, partie faire Sciences Po à Paris et devenue activiste pour la justice sociale et l’écologie à la fin du premier confinement, Lumir Lapray est momentanément retournée vivre dans le département qui l’a vue grandir. De ce retour aux sources, elle tire un livre, portrait intime des habitant·es de la France rurale et périphérique, régulièrement accusé·es de faire le lit de l’extrême droite. Pourtant, dans cette « France des ronds-points » d’où partit, en 2018, le mouvement des Gilets jaunes, les personnalités qu’elle rencontre – des anciennes copines d’école ou de nouvelles connaissances croisées au bar du coin – sont bien plus complexes qu’on ne le laisse entendre depuis les grandes villes. Surtout, au-delà de ce qu’elles et ils votent, toutes et tous partagent le même sentiment d’appauvrissement et de déclassement, la même sensation d’être méprisé·es autant par les élu·es que par les médias. Mais comme le souligne l’autrice, dans ce décor de lotissements et de villages, « les ultra-riches, les multinationales, les élus corrompus » sont invisibles, et les boucs émissaires bien plus faciles à trouver parmi les « cassos » et les « assistés », dont le vécu déroge à l’idéal de réussite – un pavillon à soi, un CDI, des vacances deux fois par an – des ouvrier·es et employé·es qui peuplent majoritairement ces territoires à la périphérie des villes et ces campagnes.

👩🏼‍🌾 → Lumir Lapray, « Ces gens-là ». Plongée dans cette France qui pourrait tout faire basculer, Payot, 24 septembre 2025. 19,50 euros.

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On écoute

Faire peur aux riches

Dans les 4e et 5e épisodes de son nouveau podcast Renverser la table, Victoire Tuaillon reçoit Nicolas Framont, sociologue et créateur du magazine en ligne Frustration, pour une masterclass décoiffante sur les effets concrets qu’ont sur nos vies les actions, les arbitrages et les alliances réalisées par les très riches, au sein du système capitaliste. Qu’on parle de marchandisation des transports, de l’éducation ou du soin, il s’agit bien selon les deux intervenant·es d’une « guerre » menée en toute impunité par les riches contre les pauvres, dans le but de gagner encore plus d’argent. Prenant pour exemple l’assassinat de Brian Thompson, patron de l’assurance santé privée UnitedHealthcare, accusé d’avoir refusé le remboursement de soins vitaux à des malades (on pense aussi à celui plus récent de Charlie Kirk, l’influenceur misogyne et transphobe), Nicolas Framont remet sur le tapis une question vieille comme les luttes sociales : la violence du système capitaliste qui détruit des vies, ne doit-elle pas être jugée et condamnée au même titre que des meurtres qui eux, tombent sous le coup de la loi ?

💸 → « Comment faire peur aux riches ? », 2 épisodes de 55 minutes. Produit par Victoire Tuaillon, disponible sur la plupart des plateformes d’écoute.

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Dans les archives

Grève féministe

En mars 2025, dans le cadre de son dossier sur le thème du travail, La Déferlante publiait un article de Mathilde Blézat sur la grève féministe, un processus révolutionnaire difficilement réductible aux seules grèves d’ouvrières qui jalonnent l’histoire sociale. Car avant même que les Espagnoles ou les Suisses s’emparent de cet outil, qu’en Argentine le mouvement de lutte contre les féminicides Ni una menos ne s’allie avec le mouvement social, ce sont les Islandaises, qui en 1975 ouvraient le bal. Cette année-là, le 24 octobre, 90 % des femmes du pays se mettaient en grève : pas de soins aux enfants, pas de repas en cuisine, pas de guichetières dans les banques ni d’hôtesses dans les avions. Le pays mis à l’arrêt réalise alors – comme le verbaliseront les militantes sud-américaines des années plus tard – que « la grève féministe, c’est la vraie grève générale ».

🚀 → Commandez le numéro 17 de La Déferlante sur le thème « Travailler »

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Un glossaire pour tout comprendre

Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Grève féministe, temps partiel, travail domestique, intersectionnalité : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui sera alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier.

🔏 → Retrouvez toutes nos définitions en libre accès

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On soutient

Tandis que Sans parler des blessé·es, le recueil de la correspondance entre Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger, est en précommande sur notre site (il sortira le 3 octobre en librairie), notre partenaire, le média épistolaire La Disparition a besoin d’un coup de pouce. Il vient en effet de lancer de son côté les préventes d’une deuxième correspondance, cette fois entre les écrivaines Alice Zeniter et Phoebe Hadjimarkos Clarke. Une lettre par mois ou un espace de dialogue sur l’actualité, dont l’intégralité sera publiée, cette fois-ci encore, par La Déferlante Éditions.

→ Commandez la correspondance entre Alice Zeniter et Phoebe Hadjimarkos Clarke

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On y sera

🎉 Festival Livresse

Jeu 25 septembre 2025, à 20h30
Charleroi, Belgique

Marion Pillas, cofondatrice de La Déferlante échangera avec une de ses consœurs du magazine féministe belge Axelle lors d’une soirée sur le thème « Comment les femmes peuvent-elles gagner la guerre de l’info ? »

👉🏼 → Informations pratiques et inscriptions

💥 Salon Formula Bula

Ven 26, Sam 27 et Dim 28 septembre 2025
Césure, Paris

La Déferlante sera présente tout le week-end pour vendre ses revues, livres et goodies. Dimanche 28 septembre à 15h, la journaliste Marie Kirschen animera une table ronde sur le thème « Peut-on encore faire l’histoire de la BD sans parler des femmes qui y ont contribué ? » Avec Camille de Singly et l’équipe du Zine FFF.

🎟 → Réservations

📖 Aurélien Bellanger en librairie

Jeu 9 octobre 2025 à 19h
Librairie Ici grands boulevards, Paris

Coauteur, avec Kaoutar Harchi, de Sans parler des blessé·es publié à La Déferlante Éditions, Aurélien Bellanger rencontrera lectrices et lecteurs parisien·nes. Il sera accompagné par Lucie Geffroy, cofondatrice de la revue et éditrice du livre.

👉🏼 → Informations pratiques et réservations

🎞 Festival du film féministe des Lilas

Sam 11 octobre 2025 à 18h
Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas (Seine-Saint-Denis)

Pour la troisième année consécutive, La Déferlante est partenaire du Festival du film féministe des Lilas. Cette année, l’évènement a pour thématique « La joie militante ». Pour discuter de ce qu’apportent le rire et les émotions dans les luttes, Marion Pillas recevra Tahnee, Sarah Durieux et Ludivine Bantigny.

👉🏼 → Informations et réservations à venir sur notre site

11.09.2025 à 13:09

Y a‑t-il un backlash antiféministe sur la première radio de France ?

Nora Bouazzouni
Après l’inexplicable suppression, l’année dernière, de l’émission quotidienne de satire politique présentée par Charline Vanhoenacker et sa bande et le licenciement de Guillaume Meurice (qui a valu à Adèle Van […]

Texte intégral 1597 mots

Après l’inexplicable suppression, l’année dernière, de l’émission quotidienne de satire politique présentée par Charline Vanhoenacker et sa bande et le licenciement de Guillaume Meurice (qui a valu à Adèle Van Reeth, directrice de la station, une motion de défiance signée par 80 % des titulaires), la grille des programmes de la rentrée 2025 semble confirmer le raidissement éditorial de France Inter.

Moins d’investigation, moins de reportages et deux thématiques élaguées à la machette : l’écologie et le genre. L’émission « La Terre au carré » se voit amputée de son dernier quart d’heure, lors duquel des militant·es écologistes (Cyril Dion, Claire Nouvian, Féris Barkat…), des médias indépendants et auditeur·ices prenaient la parole. Exit également l’émission hebdomadaire sur les luttes sociales « C’est bientôt demain ».

Côté féminisme, c’est l’hécatombe. La chronique hebdomadaire d’Anne-Cécile Mailfert, présidente fondatrice de la Fondation des femmes, passe à la trappe. La journaliste Giulia Foïs, journaliste productrice depuis 2019 des émissions « Pas son genre » puis « En marge » (qui a réalisé la saison dernière plusieurs pics d’audience à 775 000 auditeur·ices) est, pour sa part, remerciée.

Celle qui faisait exister les sujets liés aux droits des femmes et des minorités de genre depuis dix ans sur cette antenne a d’abord vu ses chroniques sauter, avant d’assister à la lente dilution de sa ligne éditoriale, sous prétexte de convergence des luttes. « En 2022, Adèle Van Reeth m’a proposé d’interroger plus largement la norme et pas seulement le genre. Avec le recul, je me demande si ce n’est pas là que commence le lissage des questions féministes : lorsqu’elles n’ont plus un créneau qui leur soit spécifiquement dédié. », confie-t-elle à La Déferlante.

« Complètement à côté de l’époque »

Alors que la saison dernière a été marquée par le procès des violeurs de Mazan, le renvoi aux assises de l’affaire « French Bukkake », la diffusion sur Netflix d’un documentaire accablant sur l’affaire Cantat ou la remise du prix Albert-Londres à la journaliste du Monde Lorraine de Foucher, spécialiste des violences masculines, à quoi joue la première radio de France ? « France Inter a choisi de couper le micro des féministes au moment où les masculinistes sortent du bois et où les personnes minorisées sont encore plus exposées qu’avant à la haine et au rejet. Elle passe complètement à côté de l’époque », tranche Giulia Foïs.

Sans croire à une « résistance » active de la part d’Inter à traiter de ces sujets, Magalie Lacombe, journaliste-formatrice experte des questions de genre et d’égalité, voit dans les choix de la direction une « validation et un renforcement du pouvoir politique » en place. Elle rappelle que de nombreuses études (ici et ) attestent d’une sous-représentation des femmes dans les médias. « Lorsque France Inter choisit délibérément d’effacer progressivement la présence des femmes de ses antennes, elle est consciente de les minoriser encore plus, et cette domination lui convient. »


« France Inter a choisi de couper le micro des féministes au moment où les masculinistes sortent du bois. »

Giulia Foïs, journaliste

Avec l’arrivée de Benjamin Duhamel pour remplacer Léa Salamé à la présentation de la matinale aux côtés de Nicolas Demorand, deux hommes sont désormais aux manettes de la tranche la plus écoutée de France – près de 5 millions d’auditeur·ices pour la saison 2024–2025. « Ce sont deux hommes blancs, cisgenres et socialement aisés : comment, avec si peu de diversité, peut-on imaginer raconter la société dans sa réalité ? », interroge Magalie Lacombe, elle-même ancienne journaliste à Radio France et autrice du podcast L’Info en tous genres.

Une situation qui ne semble émouvoir ni Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, ni Philippe Corbé, directeur de l’information depuis le printemps dernier. « La parité est une valeur très importante de cette chaîne, mais jamais aux dépens de la compétence », aurait affirmé la première, tandis que pour le second, Benjamin Duhamel « est le seul aujourd’hui à Paris en capacité » de coanimer la matinale. Des propos cités dans Télérama début juillet 2025, que le service de communication de la radio se dit incapable de nous confirmer. L’argument fait en tout cas bondir Magalie Lacombe : « C’est hallucinant de désuétude, en plus d’être complètement fallacieux ! Si c’est la seule personne compétente qu’ils ont trouvée, c’est qu’ils n’ont pas cherché. Je doute même qu’il y ait eu un casting pour ce poste… » L’équipe d’Adèle Van Reeth le concède : « Avoir deux voix masculines à 8 h 20, ce n’est pas idéal. » Elle plaide un mauvais concours de circonstances lié à l’annonce tardive du départ de Léa Salamé pour présenter le journal de 20 heures sur France 2.

Une répartition genrée

Dans un autre article publié le 3 septembre, Télérama, qui a épluché la nouvelle grille de programmes, pointe plus largement « une répartition qui reflète les stéréotypes de genre ». Aux femmes les chroniques et entretiens culturels ; aux hommes les interviews et éditos politiques ou économiques. « Agir de la sorte, c’est refuser une société plus égalitaire », analyse Magalie Lacombe. « Mais ces gens-là [la direction de France inter] s’en moquent, parce qu’ils bénéficient d’un grand nombre de privilèges. »

Désormais soumis au bon vouloir des rédacteur·ices en chef et des chroniqueur·euses, le traitement des luttes sociales – en particulier féministes – est-il encore un enjeu d’intérêt général aux yeux de la radio publique, dont la directrice martelait, à son arrivée en 2022, qu’elle n’était « ni de gauche ni de droite » ? Interrogée par La Déferlante, la direction de la station réaffirme son intérêt pour les sujets liés au genre : « c’est pourquoi ils sont présents partout sur l’antenne et ne se limitent pas à quelques émissions comme cela était le cas au moment où ces sujets ont commencé à émerger dans la société ». Pas convaincue par les arguments de son ex-direction, Giulia Foïs interroge : « Quelle est la raison d’être de France Inter, si ce n’est d’être un rempart contre les haines et les discriminations, un endroit où peut s’exprimer une pluralité d’opinions et de regards ? Aujourd’hui, ce n’est plus la radio de toutes et tous, mais bel et bien celle d’un courant de pensée unique. »

Thomas Legrand suspendu après une polémique lancée par l’extrême droite

Vendredi 5 septembre, après la diffusion d’une vidéo enregistrée à son insu sur le site du magazine d’extrême droite L’Incorrect, l’éditorialiste politique Thomas Legrand était suspendu de l’antenne d’Inter à titre conservatoire.

Filmé discrètement lors d’un déjeuner informel avec son confrère Patrick Cohen et deux personnalités du Parti socialiste, le journaliste assurait : « Nous, on fait ce qu’il faut pour Dati. » Accusé par la droite et l’extrême droite de mener campagne contre la ministre de la Culture, candidate autoproclamée à la mairie de Paris, le journaliste s’est fendu d’une tribune, publiée dans Libération dans laquelle il reconnaît des propos maladroits pouvant semer la confusion mais affirme également : « J’assume […] de m’employer à dire la vérité sur les mensonges et l’attitude néotrumpienne de la ministre de la Communication (sic) […] il s’agit là de défendre notre métier, si menacé à travers le monde. »

Mardi 9 septembre il a finalement annoncé renoncer à son émission politique hebdomadaire, sans pour autant arrêter d’intervenir ponctuellement à l’antenne.

02.09.2025 à 19:36

Sans parler des blessé.es : une correspondance pour penser le fractures du monde

Lucie Geffroy

Nous sommes nombreux et nombreuses à ressentir comme une accélération du temps. Depuis plusieurs mois, chaque jour, où que l’on regarde, nous sommes confronté·es à des nouvelles toujours plus catastrophiques. La guerre génocidaire contre le peuple palestinien, les bombardements en Ukraine, la politique menée par l’administration Trump, l’urgence climatique, etc.

En France, le 9 juin 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale rendait tout à coup possible la prise du pouvoir par le Rassemblement national, ouvrant une de ces brèches propres à faire basculer l’histoire. C’est précisément à ce moment-là qu’est née l’idée d’une correspondance entre Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger. Cette idée, ce sont nos ami·es du média épistolaire indépendant La Disparition, qui l’ont eue.

D’ici à l’élection présidentielle de 2027, les fondateur·ices de ce média indépendant ont proposé à trois duos d’écrivain·es de correspondre – à raison d’une lettre par mois pendant six mois, envoyée à leurs abonné·es – sur trois grandes thématiques : antiracisme, antisexisme et écologie.

La première correspondance entre Kaoutar Harchi, sociologue et écrivaine, autrice de Ainsi l’animal et nous (Actes Sud, 2024), et Aurélien Bellanger, romancier, auteur de Les Derniers Jours du Parti socialiste (Seuil, 2024), explore la question de l’antiracisme. Suivra ensuite un échange de lettres entre Alice Zeniter et Phoebe Hadjimarkos Clarke sur le thème de l’antisexisme. Puis Vidya Narine et Hadrien Klent correspondront sur l’écologie. Il nous a semblé important de diffuser plus largement ce projet, en rassemblant ces lettres pour en faire des livres.

L’expérience collective du chaos

De décembre 2024 à juin 2025, Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger ont donc échangé au sujet des visées impérialistes d’un Donald Trump en roue libre, de la déshumanisation des Palestien·nes, de la montée de l’islamophobie en France, etc., analysant les faits qui, par à‑coups, ont rendu l’opinion de plus en plus perméable au racisme et à la violence. L’intérêt de cette correspondance est justement de nommer cette expérience collective du chaos, tout en permettant aux lecteur·ices une prise de recul – grâce à la temporalité mensuelle des lettres. Au fil des mois, l’échange a donné un écho de plus en plus fort au génocide à Gaza, faisant émerger « la question des corps colonisés sur des territoires colonisés » et la notion d’« handicapement colonial », selon les termes de Kaoutar Harchi.

Mais, à travers cette expérience littéraire, les deux auteur·ices s’interrogent également sur leur rôle d’écrivain·es, sur ce que peut la littérature face à ce basculement. « Mais où  va-t-on ? Quel est ce monde ? », questionne l’autrice. Le livre n’a pas vocation à répondre à cette question mais il insiste sur « notre devoir politique » de garder espoir en imaginant d’autres possibles. « Être réaliste dans un monde qui délire, c’est délirer avec lui », écrit ainsi Aurélien Bellanger.

Bonne lecture !

Texte intégral 645 mots

Nous sommes nombreux et nombreuses à ressentir comme une accélération du temps. Depuis plusieurs mois, chaque jour, où que l’on regarde, nous sommes confronté·es à des nouvelles toujours plus catastrophiques. La guerre génocidaire contre le peuple palestinien, les bombardements en Ukraine, la politique menée par l’administration Trump, l’urgence climatique, etc.

En France, le 9 juin 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale rendait tout à coup possible la prise du pouvoir par le Rassemblement national, ouvrant une de ces brèches propres à faire basculer l’histoire. C’est précisément à ce moment-là qu’est née l’idée d’une correspondance entre Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger. Cette idée, ce sont nos ami·es du média épistolaire indépendant La Disparition, qui l’ont eue.

D’ici à l’élection présidentielle de 2027, les fondateur·ices de ce média indépendant ont proposé à trois duos d’écrivain·es de correspondre – à raison d’une lettre par mois pendant six mois, envoyée à leurs abonné·es – sur trois grandes thématiques : antiracisme, antisexisme et écologie.

La première correspondance entre Kaoutar Harchi, sociologue et écrivaine, autrice de Ainsi l’animal et nous (Actes Sud, 2024), et Aurélien Bellanger, romancier, auteur de Les Derniers Jours du Parti socialiste (Seuil, 2024), explore la question de l’antiracisme. Suivra ensuite un échange de lettres entre Alice Zeniter et Phoebe Hadjimarkos Clarke sur le thème de l’antisexisme. Puis Vidya Narine et Hadrien Klent correspondront sur l’écologie. Il nous a semblé important de diffuser plus largement ce projet, en rassemblant ces lettres pour en faire des livres.

L’expérience collective du chaos

De décembre 2024 à juin 2025, Kaoutar Harchi et Aurélien Bellanger ont donc échangé au sujet des visées impérialistes d’un Donald Trump en roue libre, de la déshumanisation des Palestien·nes, de la montée de l’islamophobie en France, etc., analysant les faits qui, par à‑coups, ont rendu l’opinion de plus en plus perméable au racisme et à la violence. L’intérêt de cette correspondance est justement de nommer cette expérience collective du chaos, tout en permettant aux lecteur·ices une prise de recul – grâce à la temporalité mensuelle des lettres. Au fil des mois, l’échange a donné un écho de plus en plus fort au génocide à Gaza, faisant émerger « la question des corps colonisés sur des territoires colonisés » et la notion d’« handicapement colonial », selon les termes de Kaoutar Harchi.

Mais, à travers cette expérience littéraire, les deux auteur·ices s’interrogent également sur leur rôle d’écrivain·es, sur ce que peut la littérature face à ce basculement. « Mais où  va-t-on ? Quel est ce monde ? », questionne l’autrice. Le livre n’a pas vocation à répondre à cette question mais il insiste sur « notre devoir politique » de garder espoir en imaginant d’autres possibles. « Être réaliste dans un monde qui délire, c’est délirer avec lui », écrit ainsi Aurélien Bellanger.

Bonne lecture !

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