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13.02.2025 à 16:39

« Le viol, c’est aussi toutes les fois où l’on n’a pas eu la possibilité de dire non »

Marie Kirschen
Le 21 janvier 2025, une mission parlementaire menée par les députées Marie-Charlotte Garin (Les Écologistes) et Véronique Riotton (Renaissance) rendait un rapport préconisant une clarification de la notion de consentement dans la loi française sur le viol. Le même jour, une proposition de loi transpartisane allant dans le même sens était déposée à l’Assemblée nationale. […]

Texte intégral 1194 mots

Le 21 janvier 2025, une mission parlementaire menée par les députées Marie-Charlotte Garin (Les Écologistes) et Véronique Riotton (Renaissance) rendait un rapport préconisant une clarification de la notion de consentement dans la loi française sur le viol.

Le même jour, une proposition de loi transpartisane allant dans le même sens était déposée à l’Assemblée nationale. De l’extrême gauche à la droite républicaine, une grande partie de la classe politique – sans doute marquée par les 12 semaines du procès des violeurs de Mazan – se dit aujourd’hui favorable à une révision de la définition pénale du viol. Pourtant, dans le champ féministe, le sujet est loin de faire consensus.

Pourquoi la notion de consentement n’a « jamais été une chose simple et évidente » à saisir, comme vous l’écrivez dans votre livre ?

À l’heure actuelle, on parle du consentement comme s’il s’agissait d’une nouveauté. Pourtant, c’est une notion centrale aussi bien dans la théorie politique moderne que dans les systèmes juridiques des démocraties occidentales. Ce qui se passe, c’est qu’une nouvelle approche du consentement est en train de percer, celle du consentement positif, ou affirmatif.

Dans les années 1980, il y a eu tout un débat aux États-Unis sur les violences sexuelles au sein des universités, avec des cas impliquant des professeurs et des étudiantes. Sous l’impulsion des mouvements féministes, l’idée s’est imposée que, pour plus de prudence, le consentement devait être exprimé de manière positive : le consentement, ce n’est pas seulement les situations dans lesquelles on ne dit pas « non », c’est quand on dit « oui ».

Dans cette configuration, le « oui » devient la seule manière de prouver le consentement. Dans les années 1990, cette nouvelle conception du consentement a infusé dans la rédaction de textes en loi, en Californie par exemple. Est-ce la seule façon d’envisager le consentement et de l’inscrire dans la loi ? Non, mais c’est l’idée la plus répandue aujourd’hui.

Une autre manière de définir le consentement est la voie négative, comme en France [lire notre encadré ci-dessous], où la définition légale du viol déduit le non-consentement lorsqu’il est fait usage de violence, de menace, de contrainte ou de surprise…

C’est vrai. Et l’Allemagne est aussi un bon exemple de cette manière de concevoir les choses : les textes de loi établissent qu’il n’y a pas consentement quand une personne dit « non », mais détaillent également les circonstances où il n’est pas possible de dire « non » — et de manière plus exhaustive que dans les textes français actuels. Car le viol c’est aussi toutes les fois où l’on n’a pas eu la possibilité de dire « non » : parce qu’on a eu peur, parce qu’on est mineure, parce que l’agresseur a utilisé son pouvoir pour nous contraindre…


« Le consentement est un concept qui peut dissimuler des inégalités de pouvoir. »

Clara Serra

Vous dites que vous regrettez que l’on soit passé du slogan « non c’est non » à l’idée que « seul un oui est un oui ». Pourquoi ?

Si l’on s’engage dans la voie où le « oui » devient la preuve indiscutable du consentement, on se retrouve dans une perspective clairement libérale et, à mon sens, problématique. Car il existe des situations où le consentement est vicié. Par exemple, une femme peut dire « oui » sous la menace, dans un contexte d’intimidation… Ce contexte n’est pas pris en compte lorsque l’on fait du « oui » un mot magique ; il est au contraire complètement occulté. Il faut être conscient·es que le consentement est un concept qui peut dissimuler des inégalités de pouvoir. Il me semble que la gauche avait raison quand, face au libéralisme, elle rappelait qu’aucun « oui » n’est libre s’il n’est pas assorti de la possibilité de dire « non ». Un·e travailleur·euse n’accepte un emploi de manière libre que si le refuser est également possible. Les femmes ne sont libres de dire « oui » que lorsqu’elles sont libres de dire « non », et le « non » me semble alors être une délimitation beaucoup plus claire du consentement.

Ces derniers mois, en France, dans le contexte du procès des violeurs de Mazan, des féministes et des politiques ont proposé d’intégrer le terme de « consentement » à la définition légale du viol. Qu’en pensez-vous ?

La loi française fonctionne déjà sur le principe du consentement, mais par la négative : c’est l’absence de consentement que la loi tente d’identifier lorsqu’elle tient compte de la violence, la menace, la contrainte ou la surprise qui ont pu s’exercer. Mais ce n’est pas explicite, c’est vrai ; or il est opportun que la loi énonce clairement son propre principe réglementaire. Je pense qu’il est possible d’être exhaustif·ves dans la recherche des critères qui faussent le consentement. Par exemple, dans un cas où il y a eu intimidation, il faut se demander à partir de quel moment l’asymétrie des positions de pouvoir est suffisante pour invalider le consentement. La véritable discussion politique se cache ici et c’est là que le féminisme a beaucoup à dire.

Ce que dit la loi française

En France, le Code pénal définit le viol comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». Si la base de cette définition date de 1980, le critère de menace n’a été introduit qu’en 1994, et la mention des actes bucco-génitaux en 2021. Cette dernière permet de parler de viol même lorsque la victime n’est pas pénétrée.

→ Pour aller plus loin :
Clara Serra, La Doctrine du consentement, La fabrique éditions, 2025, 13 euros.

07.02.2025 à 10:15

Un article sur l’éducation des garçons, un court métrage d’animation et une sacrée soirée le 8 mars.

La Déferlante
🪂Il est là Le numéro 17 est imprimé  Tout droit sorti des presses de notre imprimeur à Tours, il est arrivé cette semaine dans notre bureau parisien : le prochain numéro de La Déferlante et son dossier « Travailler », avec un grand entretien avec Angela Davis ou un reportage auprès des sages-femmes libanaises. Les envois aux abonné·es débuteront […]

Texte intégral 1964 mots

🪂
Il est là

Le numéro 17 est imprimé 

Tout droit sorti des presses de notre imprimeur à Tours, il est arrivé cette semaine dans notre bureau parisien : le prochain numéro de La Déferlante et son dossier « Travailler », avec un grand entretien avec Angela Davis ou un reportage auprès des sages-femmes libanaises.

Les envois aux abonné·es débuteront lundi, alors surveillez vos boîtes aux lettres… Sortie en librairie le vendredi 21 février !


❤️‍🔥 → Moi aussi je veux ce numéro !


📍
On y sera

🛎 Réservez votre soirée du 8 mars

Sam 8 Mars 2025
Maison des métallos, Paris 11e

Juste après la manif, La Déferlante vous accueille à la Maison des métallos (Paris, 11e) pour une soirée engagée et festive sur le thème de la grève féministe. Au programme, à partir de 18h : table ronde, quiz géant, concert et DJ set. Plus d’infos sur la programmation dans quelques jours. Bloquez votre agenda !

⚡ Tonnerre, le ciné-club féministe

Ven 14 Fév 2025, à 20h
Cinéma Majestic Bastille, Paris 11e

Le rendez-vous féminisme et cinéma d’Elvire Duvelle-Charles dont La Déferlante est partenaire revient avec l’avant-première du film d’Émilie Brisavoine : Maman déchire. La projection sera suivie d’une discussion avec la réalisatrice.

🎟→ Informations et billetterie

🐟 Rencontre à Concarneau

Jeu 27 Fév 2025, à 19h
Librairie Albertine, Concarneau (Finistère)

Marie Barbier, corédactrice en chef de La Déferlante, échangera avec les lecteur·ices finistérien·nes.

📱→ Informations à suivre sur leur compte Instagram


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Revue de presse

Un an d’infanticides

Il n’existe en France que très peu d’outils statistiques permettant de recenser les infanticides de manière fiable. Et parce qu’elles passent sous les radars, ces morts d’enfants – poignardé·es, secoué·es, battu·es, affamé·es – ne font l’objet d’aucune médiatisation ni d’aucune politique spécifique de prévention. Sur le modèle de ce qu’ont entrepris des collectifs militants et des médias pour les féminicides, Mediapart tente de comptabiliser les victimes sur l’ensemble de l’année 2024 et de raconter leur histoire dans un dossier aussi insoutenable que nécessaire.

😿→ à lire ici et dans Mediapart

Victimes et préjugés

Quelle est la responsabilité des journalistes dans la perpétuation des préjugés sur les femmes victimes de violences sexuelles ? La linguiste Gaëlle Planchenault a comparé le traitement médiatique des prises de parole d’Adèle Haenel et de Judith Godrèche et décrit la manière dont les citations choisies, comme les mots utilisés pour les commenter, dessinent immanquablement deux stéréotypes de femmes victimes.

⚖→ Lire cet article dans The Conversation

Éduquer les garçons

Dans le sillage du procès des violeurs de Mazan, la question de l’éducation spécifique des garçons et de ses liens avec les violences sexuelles a surgi pour de bon dans le débat public. Très peu questionnées avant les années 2010, les pratiques éducatives s’adressant aux garçons (encouragement à la performance, valorisation de la compétition…) ont même été appliquées aux filles dans un souci d’égalité. Chez les garçons, estime l’article qui cite le sociologue Éric Macé, les adultes « espèrent une forme de mise en mouvement permanente qui traduit un investissement. Pour y répondre, les garçons développent un égocentrisme légitime fondé sur l’idée que ce qu’ils réalisent a de la valeur et que les autres sont les supports de ce projet et non des alter ego. »

👦 → Lire l’article dans Le Monde

Faire disparaître les personnes trans

Libération revient sur la rafale de mesures portant atteinte aux droits des personnes trans, décrétées en l’espace de quelques jours aux États-Unis. Au-delà des décisions purement discriminatoires mettant en danger la vie des personnes (transfert des femmes trans vers les prisons pour hommes, suspension des traitements de transition pour certain·es adolescent·es), c’est aussi une purge symbolique qui s’exerce à travers le retrait de la mention LGBTQ (Lesbiennes, gay, bi, trans, queer) des sites gouvernementaux, remplacé par le sigle LGB. Le journal rappelle que ces mesures s’inscrivent dans un cycle électoral qui aura vu le candidat Trump dépenser plus de 210 millions d’euros pour financer des publicités télévisées hostiles aux personnes trans.

🏳️‍⚧️ → Lire l’article

Elle se souvient d’Auschwitz

Le salut nazi d’Elon Musk a replongé l’écrivaine Pauline Harmange dans ses souvenirs de lycéenne. Il y a quinze ans, raconte-t-elle dans sa newsletter, elle s’est rendue avec sa classe à Auschwitz. Aujourd’hui encore, quand elle ferme les yeux, elle revoit « les traces laissées par des milliers d’ongles désespérés sur les parois des chambres à gaz ». Les survivant·es des camps vieillissent et, comme les derniers poilus, finiront par disparaître complètement, et leurs récits avec eux. « L’oubli, ça commence comme ça, écrit-elle. C’est quand on parvient à se convaincre que ce n’est pas un salut nazi mais un salut romain […]. C’est quand on parvient à se convaincre que ce qui se passe à Gaza ce n’est rien, ou que c’est mérité. C’est quand on parvient à fermer les yeux sur cet endroit du cœur qui saigne à chaque fois qu’un être humain souffre de la main d’un semblable. »

🕎 → Lire la newsletter de Pauline Harmange


📺
On regarde

Gigi la sirène

« J’ai compris que je n’avais pas le droit d’être moi-même. » Gigi, petite sirène assignée poisson à la naissance est le personnage principal d’un film d’animation poétique réalisé par Cynthia Calvi. Elle y raconte son parcours de transition, traversé de peines, de déceptions, mais aussi empreint de beaucoup de douceur. En lice pour les Césars 2025, ce film s’adresse à tous les âges et se révèle même être un excellent support pédagogique pour aborder la question des transidentités en famille.

📺 → Regarder Gigi sur Arte (disponible jusqu’au 29 juin 2025)

29.01.2025 à 14:49

Travailler moins, espérer plus

La Déferlante
Le 24 octobre 1975, des dizaines de milliers d’Islandaises décident d’arrêter le travail. En grève ! 90 % d’entre elles refusent de faire à manger, de garder les enfants et d’aller au travail. Évidemment, le pays tout entier est bloqué pendant vingt-quatre heures : les écoles, les magasins et les banques restent fermées, tandis que les usines tournent […]

Texte intégral 1240 mots

Le 24 octobre 1975, des dizaines de milliers d’Islandaises décident d’arrêter le travail. En grève ! 90 % d’entre elles refusent de faire à manger, de garder les enfants et d’aller au travail. Évidemment, le pays tout entier est bloqué pendant vingt-quatre heures : les écoles, les magasins et les banques restent fermées, tandis que les usines tournent au ralenti.

Cette histoire que nous vous racontons dans notre prochain numéro, dont le dossier central porte sur le thème « Travailler », est riche d’enseignements. Elle invite à repenser les frontières si minces qui séparent, pour les femmes, le travail rémunéré du travail gratuit. Elle met en lumière la relégation des femmes racisées et/ou issues des classes populaires aux emplois précaires et mal payés. Elle montre aussi les inégalités salariales, qui persistent aujourd’hui, notamment en France où les femmes perçoivent des revenus inférieurs de 23,5 % à ceux de leurs collègues masculins. Enfin, cette lutte historique rappelle que la grève féministe est un outil révolutionnaire qui peut faire bouger les lignes. Ainsi, dans la foulée du 24 octobre 1975, les Islandaises obtiennent, entre autres, le droit à l’avortement, la création de crèches et des gages d’égalité.

L’espoir que font naître ces luttes victorieuses – dont la mémoire est trop rarement transmise – guide les collectifs et organisations qui se battent pour une grève féministe dans le monde et en France. Elle est à leurs yeux un redoutable outil de blocage, qui permet aussi « de se dégager du temps pour élaborer et construire ensemble le monde auquel on aspire et que l’on mérite », comme l’explique dans notre article Val, une militante du collectif NousToutes35 à Rennes.

Penser la complexité des expériences

L’espoir de mieux gagner leur vie et d’être davantage entendues et reconnues anime celles dont le travail est invisibilisé et peu rémunérateur. Dans ce numéro, nous sommes ainsi allées à la rencontre des sardinières de l’usine Saupiquet qui fermait ses portes en décembre à Quimper ; des assistantes maternelles dont le travail essentiel se situe au croisement d’enjeux de genre et de classe sociale ; des agricultrices qui peinent à redonner du sens à leur travail à cause de la pression du rendement ; enfin, des travailleuses du sexe (TDS), qui alertent depuis la loi de 2016 sur la précarisation de leurs conditions de travail. Leur présence dans notre dossier sur le travail ne manquera d’ailleurs pas de faire débat. Mais, comme dans tous nos articles, nous avons tenu à recueillir le point de vue des premières concernées. Une nécessité que résume Ting, une des femmes interviewées pour ce reportage : « Nous sommes tous·tes contre l’exploitation. Une fois que c’est dit, comment fait-on pour arriver à discuter et penser la complexité des expériences de vie [des TDS] sans qu’elles soient ignorées ? »


« L’espoir et la perspective d’un monde qui change ne viendront de nulle part ailleurs que de nous-mêmes. »

Goundo Diawara


Dans ce numéro, vous ne trouverez pas la rencontre habituelle entre deux personnalités mais un grand entretien avec la militante féministe et antiraciste états-unienne Angela Davis, mené par la journaliste et autrice Rokhaya Diallo. À l’heure où Donald Trump prend ses fonctions à la Maison Blanche, Angela Davis affirme avec force « l’exigence absolue » d’espoir : « C’est un élément essentiel de la mobilisation contre la menace imminente du fascisme. Trouver des moyens de générer de l’espoir relève de notre responsabilité d’activistes. » C’est ce même discours que porte la militante antiraciste Goundo Diawara dans sa chronique : « L’espoir et la perspective d’un monde qui change ne viendront de nulle part ailleurs que de nous-mêmes. »

Quelle espérance peut naître d’une situation si sombre ? La question s’est également posée au procès des violeurs de Mazan, dans lequel cinquante et un hommes ont été jugés et condamnés en première instance à des peines allant de trois à vingt ans d’emprisonnement pour avoir violé Gisèle Pelicot alors qu’elle était profondément sédatée par son mari. La chroniqueuse judiciaire et dessinatrice Marion Dubreuil lui consacre un article : « Je m’accroche à l’espoir d’un changement, écrit-elle. On saura tirer un enseignement de ce procès historique, pas seulement avec l’inscription du consentement dans la loi, mais surtout grâce à une prise de conscience collective. »

À La Déferlante, pour l’année à venir, nous espérons raconter des luttes victorieuses et nous voulons aussi prendre soin de nous. Aussi, le prochain numéro comportera 16 pages de moins que les précédents. Nous avons décidé cette baisse de pagination afin d’alléger la charge de travail de notre équipe : moins de pages, ce sont moins d’articles à relire, à corriger, à mettre en maquette. Et, en fin de compte, des cadences plus respectueuses des temps de vie de chacun·e. Et du temps pour penser l’espoir.

Réservez votre 8 mars !

L’urgence des luttes et la grève féministe seront au cœur de l’événement que nous organisons le samedi 8 mars à la Maison des Métallos (Paris). Plus qu’une soirée de lancement du numéro 17 « Travailler », c’est un mini-festival au cours duquel nous vous proposons de nous retrouver après la manifestation féministe. Au programme : une table ronde réunissant militantes et chercheuses, un quiz géant organisé par Miskin Télé, un concert et une fin de soirée surprise. Vous retrouverez aussi un stand proposant nos revues, nos livres, nos goodies. Le tout en présence de l’équipe de La Déferlante au grand complet !

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