05.06.2025 à 17:22
On aime, on partage : les recos de la semaine de La Déferlante
Très investi ces trois dernières années dans la protection des cliniques accueillant des personnes en transition de genre, le FBI appelle désormais les États-unien·nes à dénoncer les médecins pratiquant des actes chirurgicaux de réassignation de genre sur des enfants. Ces opérations, peu fréquentes en réalité, sont stigmatisées par l’administration Trump qui tente de les faire passer pour des mutilations. Dossiers impossibles à remplir sans aide extérieure, délais de réponse interminables, non-reconnaissance de handicaps pourtant avérés : les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), créées en 2005 pour regrouper et simplifier les démarches des usager·es, sont devenues le cauchemar des personnes handicapées et de leurs familles. L’essor des locations Airbnb met sous pression les employées de ménage qui y travaillent. Prestations minutées, manque de matériel, transport de charges lourdes, menace de commentaires négatifs : ces femmes, souvent âgées et/ou issues de l’immigration récente, travaillent parfois jusqu’à 60 heures par semaine pour un tarif horaire inférieur au smic. Cette semaine, une plaque commémorative a été apposée devant l’église Saint-Nizier à Lyon, en souvenir de son occupation par des travailleuses du sexe qui, en 1975, protestaient contre la répression policière. Premier mouvement d’ampleur des prostituées en France, cette lutte marque le début de leur mobilisation politique. Avez-vous déjà entendu parler de shifting, de rêve lucide ou de rêverie compulsive ? Dans un documentaire tout en poésie, la réalisatrice Jeanne Mayer suit Charlotte, qui s’immerge dans l’univers de Harry Potter grâce à l’auto-hypnose ; Elona, qui s’adonne à des rêveries compulsives quasi addictives, ou encore Raphaëlle, qui s’évade grâce au rêve lucide. Interviews de psychiatres à l’appui, le film montre comment ces pratiques spectaculaires, popularisées en partie grâce à TikTok, peuvent, lorsque les injonctions sociales ou patriarcales pèsent trop fortement sur les épaules de ces adolescentes, devenir libératrices. La rêverie peut aussi se muer en projet collectif, comme le montre la séquence de l’atelier avec l’écrivaine et plasticienne Sabrina Calvo, qui propose aux trois protagonistes de mettre en commun leurs échappées mentales. Fermetures d’antennes départementales, baisse des subventions, retraits d’agréments… le Planning familial vit actuellement une situation particulièrement difficile qui menace la pérennité de son action en faveur de la santé sexuelle des personnes sur l’ensemble du territoire. Une campagne numérique est en préparation pour le 16 juin, mais on peut d’ores et déjà signer une tribune de soutien qui paraîtra dans la presse. De 11h à 19h, La Déferlante tiendra un stand dans le cadre du Festival Mediapart. Vous y retrouverez nos revues, nos livres, nos goodies et pourrez rencontrer notre équipe. Le festival propose des tables rondes, un concert, un quiz de Miskin Télé, le tout en présence d’autres médias indépendants. L’évènement est complet mais une liste d’attente est ouverte. Emmanuelle Josse, corédactrice en chef de La Déferlante, donne rendez-vous aux lectrices à 18h pour parler du dernier numéro de la revue dont le dossier s’intitule : « Pour une éducation qui libère ». Texte intégral 1488 mots
Revue de presseLe FBI contre les enfants trans
→ Lire l’article (en anglais) sur le site The Dissident
Kafkaïen
→ Lire l’enquête sur le site de Mediapart
Les petites mains d’Airbnb
→ Lire l’article sur le site du Monde
50 ans de luttes
→ Lire l’article sur Libération
On regardePartir ailleurs
→ Dreams. Shifting, rêve lucide, rêverie compulsive de Jeanne Mayer, 53 minutes, Talweg Production. Disponible sur france.tv jusqu’au 20 novembre 2025.
On soutientProtéger la santé sexuelle
→ Je signe la tribune de soutien au Planning familial
On y seraFestival Mediapart
Sam 7 Juin 2025
Point Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)
Rencontre à Poitiers
Sam 19 Juin 2025
Librairie La Belle Aventure, Poitiers
28.05.2025 à 17:56
Pourquoi le procès Le Scouarnec a‑t-il si peu intéressé les médias ?
« Nous voulions que la presse s’approprie notre vécu, on a le sentiment qu’il a été effacé. » Gabriel Trouvé, membre du collectif de victimes de Joël Le Scouarnec, Comme le procès des viols de Mazan, qui s’est tenu à l’automne 2024 à Avignon, celui de Joël Le Scouarnec ne peut être évoqué sans égrener des chiffres effrayants : 299 victimes identifiées – la plupart mineures –, un accusé poursuivi pour les 111 viols et 188 agressions sexuelles commises sur une période de vingt-cinq ans, des faits intégralement consignés dans des « carnets noirs » versés au dossier d’instruction… Pourtant, dans les médias comme sur les réseaux sociaux, la couverture des audiences n’a pas été proportionnelle aux enjeux. Le site Arrêt sur images rappelle ainsi que la salle de presse du palais de justice de Vannes, aménagée en prévision d’un afflux de journalistes, a été fermée au bout de quelques jours. Dans le même temps, les chaînes d’information en continu ont peu, voire pas couvert le procès : « un silence assourdissant », selon les mots des victimes cités par le magazine Elle. Juliette Campion, journaliste pour Franceinfo.fr, a couvert les deux procès et avance une explication : « Les faits de Mazan étaient beaucoup plus ramassés [dans le temps et sur le territoire], spectaculaires et faciles à suivre pour le public. » Par ailleurs, « il n’y avait qu’une seule victime face à 51 accusés très identifiés », tandis que devant la cour criminelle de Vannes se présentaient « un homme terne, qui parle peu » et de très nombreuses victimes et avocat·es. Résultat : dans un monde médiatique qui « a besoin de personnaliser », les victimes de Joël Le Scouarnec « sont restées une foule », regrette Hugo Lemonier, journaliste indépendant qui a suivi l’affaire pour Mediapart. « Pourtant, l’immense majorité d’entre elles avaient fait le choix d’audiences publiques, souligne-t-il, et certain·es étaient prêt·es à parler à la presse. Mais pas toujours dans l’immédiat, et pas pour tout raconter. Il aurait fallu accepter ces conditions. » Giuseppina Sapio, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8 s’intéresse à la « médiagénie » des procès pour violences sexuelles. « Les victimes de Le Scouarnec, analyse-t-elle, étaient des enfants, dont la parole est remise en cause dans notre société. Ils et elles sont de surcroît devenu·es adultes, ce qui empêche les médias de puiser dans le registre empathique habituel. » À l’inverse, selon elle, « la forte médiatisation de Mazan était d’abord due à la figure de Gisèle Pelicot, qui se présente avec les conditions de la respectabilité – une femme blanche, de classe supérieure, qui incarne aussi une forme de “féminisme à la française” ». La chercheuse rappelle également que les violences exercées par les médecins sont peu souvent traitées par les médias, plus familiers de celles qui s’exercent dans la sphère domestique. Juliette Campion tient malgré tout à rendre hommage au travail de la presse locale et au fait que de nombreuses rédactions nationales se sont régulièrement déplacées. « Il ne faut pas non plus oublier nos conditions de travail, indique-t-elle. Ce genre de procès est très lourd à suivre, et, à Franceinfo.fr, nous ne sommes que trois journalistes et une alternante à suivre la justice, donc notre mobilisation est déjà très importante sur cette affaire. » Hugo Lemonier salue également le « choix très fort » de Mediapart de l’avoir embauché en tant qu’indépendant pour suivre la quasi-totalité de ce procès-fleuve. « Mais en réalité, on devrait être six ou sept par rédaction pour bien faire le travail. Ce procès est peut-être trop grand pour les médias tels qu’ils sont organisés aujourd’hui. » « La forte médiatisation de Mazan était d’abord due à la figure de Gisèle Pelicot : une femme blanche, de classe supérieure » L’absence de réactions des institutions, notamment médicales, et de la classe politique n’a pas non plus joué en faveur de la médiatisation du procès. « Nous sommes contre la concurrence victimaire, insiste Gabriel Trouvé du collectif de victimes de Joël Le Scouarnec, mais on constate que l’affaire Bétharram a focalisé l’attention. C’est regrettable que l’information soit produite en silo, sans analyse systémique ni liens entre les affaires, alors qu’on parle ici des mêmes choses : les violences patriarcales, la pédocriminalité. » Juliette Campion estime qu’il est important de sortir de la logique « des comptes rendus d’audience qui s’empilent » pour « écrire sur les autres enjeux : l’omerta, l’inceste, les failles de l’institution médicale… » Un travail de fond qui n’est pas fait non plus par les responsables politiques, selon Hugo Lemonier : « L’affaire est publique depuis 2019. Quand le procès s’ouvre six ans plus tard, on n’a pas eu une commission d’enquête parlementaire, pas un rapport du ministère de la Santé… Les institutions attendent que les victimes renoncent à l’anonymat et aillent au combat pour réagir, et les médias reproduisent cette logique. C’est donc sur les seules épaules des victimes qu’on fait reposer le changement social. » Hugo Lemonier, Piégés. Dans le « journal intime » du Dr Le Scouarnec, Nouveau Monde Éditions, 2025. Texte intégral 1181 mots
Logique d’incarnation
Un procès « trop grand ? »
Pour aller plus loin :
22.05.2025 à 13:04
Dans un « parti pris », la journaliste spécialiste des questions d’éducation Mathilde Mathieu partage sa stupeur à l’écoute de l’audition de François Bayrou à l’Assemblée nationale dans l’affaire Bétharram, le 14 mai dernier. Le Premier ministre continue à défendre les vertus éducatives de la gifle et ne propose aucun plan concret pour lutter contre les violences du #MeToo scolaire, lancé par d’anciens élèves d’institutions catholiques d’excellence. À la faveur des exonérations gouvernementales, le nombre d’apprenti·es est passé d’environ 300 000 à près d’un million depuis le début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Mais, alors que l’État vient de décider la baisse de leur rémunération et que les accidents du travail les concernant se multiplient, l’apprentissage apparaît de plus en plus nettement comme un cadeau fait aux entreprises, sur le dos des jeunes des classes populaires. Agrégé d’éducation physique et sportive (EPS) et docteur en sciences de l’éducation, Raffi Nakas décrit comment l’enseignement du sport à l’école agit comme un révélateur des hiérarchies de classe et de genre. Mais permet également une nouvelle répartition du pouvoir à la faveur d’élèves en difficulté dans d’autres matières. Lorsqu’elles étaient enfants ou adolescentes, entre les années 1930 et 1960, Édith, Michèle, Éveline et Marie-Christine ont été enfermées dans des maisons de correction pour jeunes filles, tenues par la congrégation de Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur. Dans le documentaire Mauvaises Filles, elles témoignent du traitement qu’elles y ont subi, notamment des violences sexistes et sexuelles. Financés par l’État français, ces établissements catholiques accueillaient au moins jusqu’aux années 1970, des jeunes filles que la société considérait comme « perdues » : filles-mères, victimes de viols ou délinquantes. En mars 2025, la présidente de l’association des victimes du Bon Pasteur déclarait à Libération voir dans l’affaire Bétharram une « chance à saisir » pour relancer une plainte collective. Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain, tous deux pères et journalistes, cherchent à comprendre l’effarant décalage entre l’image des prétendus « nouveaux pères », qui circule partout dans les médias, au cinéma comme dans la littérature, et la réalité statistique : selon l’enquête Insee (2010) sur laquelle s’appuient les deux auteurs, les femmes assurent encore 71 % des tâches ménagères et 65 % des tâches parentales. Pour expliquer ce décalage, ils vont à la rencontre de militantes, de chercheuses, d’hommes politiques, et interrogent leurs propres pères et leurs compagnes. Leur investigation s’achève en Suède, un pays érigé en modèle du partage des tâches où – spoiler – les inégalités persistent aussi. Militante écologiste dès les années 1970, membre du Mouvement de libération des femmes (MLF), Christiane Rochefort a très tôt, dans ses livres, dénoncé l’inceste et pris le parti des enfants. Dans cet essai aux allures de pamphlet, elle s’insurge de l’éducation que la société capitaliste donne aux plus jeunes, qui vise à en faire des êtres dociles et productifs. Une fois « adultés », ils reproduiront ces mécaniques d’oppression dont ils ont été victimes. Le plus ébouriffant dans cet ouvrage, c’est qu’il semble avoir été écrit hier, tant il résonne avec les débats de 2025 autour de la domination adulte. Une preuve supplémentaire que les luttes, aussi nouvelles qu’elles paraissent, s’inscrivent toujours dans une généalogie. En 2017 et en 2018, l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a déposé deux plaintes contre le syndicat SUD éducation 93 : la première pour diffamation pour l’emploi de l’expression de « racisme d’État », la seconde pour discrimination à la suite de l’organisation d’un atelier réservé aux personnes racisées. « Pourquoi l’emploi de certains termes est-il si tabou qu’il nécessite […] une forme de répression jamais vue auparavant dans l’institution scolaire ? » s’interrogent les militant·es du syndicat dans ce manuel collectif publié en 2023. Elles et ils y partagent les outils proposés lors de ces stages de pédagogie antiraciste pour comprendre les racines du racisme à l’école, en parler avec les élèves et intégrer l’antiracisme aux méthodes d’apprentissage. Ancienne professeure de français devenue documentariste radio, Delphine Saltel est l’autrice de plusieurs séries et podcasts sur l’éducation. Le tout dernier, produit par Arte Radio, s’intéresse aux mécaniques de ségrégation sociale à l’œuvre dans les parcours scolaires et aux effets à long terme de la désertion de l’enseignement public par les classes culturellement et économiquement privilégiées. Prenant pour fil rouge un entretien passionnant avec le sociologue Marco Oberti, elle démontre de manière extrêmement convaincante que le choix de l’école privée, s’il est une promesse d’ascension sociale (rarement tenue) pour les familles des classes populaires, est, pour la bourgeoisie, une manière de maintenir sa domination sociale. Alors que l’actualité montre à quel point la guerre culturelle qui fait rage est aussi une bataille sémantique, il nous a paru important que La Déferlante propose à ses lecteur·ices des définitions de concepts clés pour appréhender l’époque dans une perspective féministe intersectionnelle. Évars, infantisme, panique morale : toutes les définitions sont en accès libre sur notre site internet, qui sera alimenté au fil des numéros pour faciliter la compréhension des concepts mobilisés dans chaque dossier. On ignore encore aujourd’hui combien de femmes, en France, sont décédées des suites d’un avortement avant sa dépénalisation en 1975. Un collectif d’artistes, d’universitaires et de militantes féministes demande que leur soit érigé, à elles aussi, un monument aux mortes. L’association féministe Safe Place qui lutte depuis sept ans contre toutes les formes de domination, rencontre actuellement des difficultés financières. Pour sauver puis pérenniser son activité, elle lance une campagne : objectif 1 000 nouvelles adhésions. Dans le cadre du festival Littérature Live, Emmanuelle Josse, corédactrice en chef de La Déferlante, modérera une rencontre entre les autrices Irene Solà et Louise Chennevière le samedi à 15h. Le dimanche à 17h30, elle animera une conversation entre la poétesse Rim Battal et la violoncelliste Lola Malique. La Déferlante tiendra un stand dans le cadre de la nouvelle édition du Festival Mediapart. Vous y retrouverez nos revues, nos livres, nos goodies et pourrez échanger avec notre équipe. Le festival, gratuit mais sur réservation, propose par ailleurs des tables rondes, un concert et un quiz de Miskin Télé. Emmanuelle Josse, cofondatrice et corédactrice en chef de notre média, rencontrera les lectrices autour du numéro 18 « Pour une éducation qui libère ». Nous serons présentes tout un week-end dans ce festival normand qui promeut l’écologie, les féminismes et les luttes sociales. Anne-Laure Pineau, journaliste et membre du comité éditorial de La Déferlante, participera à une table ronde sur le rôle de la désinformation dans la montée des populismes. Sur notre stand, vous retrouverez nos revues, nos livres et nos goodies, et vous pourrez rencontrer le reste de l’équipe Texte intégral 2913 mots
Revue de presseImprovisation
→ à lire sur le site de Mediapart
Le piège de l’apprentissage
→ Lire l’article sur le site du magazine Frustration
EPS et luttes de pouvoir
→ Lire sur le site de The Conversation
On regardeRedresser les filles perdues
→ Émérance Dubas, Mauvaises filles, Les Films de l’œil sauvage, 71 minutes, 2022. Disponible en VOD.
On litLes « nouveaux pères » n’existent pas
→ Guillaume Daudin et Stéphane Jourdain (texte), Antoine Grimée (dessin), L’Arnaque des nouveaux pères, Glénat, 2024. 20,50 euros.
Les enfants d’abord
→ Christiane Rochefort, Les Enfants d’abord, Grasset, 1976. 15,90 euros.
Pédagogie antiraciste
→ SUD Éducation 93 (collectif), Entrer en pédagogie antiraciste. D’une lutte syndicale à des pratiques émancipatrices, Shed Publishing, 2023. 25 euros.
On écouteDeux écoles
→ « Reste dans ta classe », de Delphine Saltel, 53 minutes, 2024, à écouter sur Arte Radio.
Un glossaire pour tout comprendre
On soutientMonument aux mortes
En lieu sûr
On y sera Littérature live
Sam 24 Mai — Dim 25 Mai 2025
Villa Gillet, Lyon (4e arrondissement)
→ Plus d’informations sur le programme
Festival Mediapart
Sam 7 Juin 2025, 19h
Le Point Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)
La Déferlante à Poitiers
Jeu 19 juin 2025, à 18h
Librairie La bonne Aventure, Poitiers
→ Informations à suivre sur le site de la librairie
Les pluies de juillet
Sam 19 — Dim 20 juillet 2025
Festival Les Pluies de juillet, Le Tanu, (Manche)