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« Putain ça pue »

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L'antitsiganisme comme fondement caché de la rationalité patriarcale-capitaliste

- été 2025 / , ,

Texte intégral 9464 mots

Cet article expose les analyses développées par Roswitha Scholz dans son dernier livre traduit en français Homo sacer et les « Tsiganes » pour les replacer dans le cadre « français » et dans l'actualité antitsigane (Lire dans cette édition, le compte rendu d'audience de Ritchy Thibault).

« Putain ça pue » : l'antitsiganisme comme fondement caché de la rationalité patriarcale-capitaliste

Les Roms : un « groupe à part »

À notre connaissance, le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) [1] n'a pas fait l'objet d'âpres discussions dans les médias ou dans les dits cercles militants de gauche et leurs espaces de réflexion – lorsqu'il l'a été, la question des Roms et de l'antitsiganisme dont ils sont victimes n'a été abordée que de manière incidente, sans haine ni passion [2]. Toutefois, ce rapport – et le silence qui entoure le cas des Roms – confirme une fois de plus, une fois encore, une fois pour toute, ce que nous pourrions nommer la banalité de l'antitsiganisme, ce « racisme sans nom » [3] qui ouvertement et quotidiennement se déverse en France et plus largement en Europe [4].

59 % des personnes interrogées en 2024 dans le cadre des enquêtes pour le rapport de la CNCDH estiment que les Roms constituent un « groupe à part dans la société française », ce qui est le pourcentage le plus élevé parmi les groupes étudiés par la Commission. Ce chiffre monte même jusqu'à 65 % lorsque la question porte sur les « Gens du voyage », soit près de deux fois plus que pour les « Musulmans » (32 %), les « Maghrébins » (28 %), les « Asiatiques » (26 %) et les « Juifs » (24 %), et cinq fois plus que pour les « Noirs » (13 %) ; chiffre qui en fait donc, d'après le rapport de la CNCDH, la minorité la plus stigmatisée en France.

En outre, selon les personnes interrogées, cette « mauvaise intégration » dans la société française serait « provoquée par les Roms eux-mêmes ». 49% des répondants soutiennent « qu'ils [les Roms] ne veulent pas s'intégrer en France. » Pour la majorité des personnes interrogées, le mode de vie des Roms serait « très spécifique » voire « condamnable » : ils et elles seraient « nomades » (67 %), « exploiteraient très souvent des enfants » (50 %) et « vivraient essentiellement de vols et de trafics » (45 %). Les Roms contribueraient donc, pour de nombreuxses Françaises, à l'insécurité.

Le rapport note que seulement 4 % des personnes interrogées considèrent que l'on parle trop de « l'extermination des Tsiganes et des Roms pendant la Seconde Guerre mondiale ». Ce pourcentage relativement bas par rapport aux 16 % des Français qui pensent que l'on « parle trop de l'extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale » masque une autre réalité. En effet, quelle proportion de la population française a déjà entendu parler de l'extermination des Roms et des Sintés pendant de la Seconde Guerre mondiale ?

Aujourd'hui les populations Roms, qui sont en très grande majorité sédentaires [5], sont toujours reléguées aux marges de la société, voire de l'humanité. Les Roms qui vivent dans des bidonvilles ou des « aires d'accueil » sont victimes de graves inégalités environnementales ; les aires sont par exemple fréquemment nichées dans un écrin de bitume, pris en tenaille entre une route nationale et un site Seveso [6]. Les inégalités d'accès aux soins touchent fortement ces groupes et sont renforcées par le mépris et les maltraitances du personnel de santé à leur égard [7] ; ces inégalités et leurs prolongements ne sont d'ailleurs que les expressions les plus transparentes et les plus brutales d'une stigmatisation et d'une violence institutionalisées.

Des stérilisations forcées de femmes « Tsiganes » ont été pratiquées jusqu'à très récemment dans l'Union Européenne [8]. Cette pratique prolonge, dans une effrayante continuité historique largement passée sous silence, la politique de stérilisation forcée menée, dès juillet 1933, par le régime nazi sur les populations dites « Tsiganes », « asociales », « parasites » ou indésirables ; elle visait à éradiquer la « peste tsigane » [Zigeunerplage] : le régime nazi considérait en effet « les Roms comme une population malade devant être stérilisée à titre prophylactique. » [9] La « maladie tsigane » est l'« asocialité », la prétendue rétivité au travail et le déracinement du chemineau ; la vie du « Tsigane », en plus d'être « indigne d'être vécue », met en péril la pureté et la vitalité de la communauté du peuple. À l'écriture de ces mots, c'est dans un écho macabre que se rappelle à nous la poursuite des stérilisations forcées de personnes en situation de handicap aujourd'hui, en 2025, dans l'Union Européenne, où au moins 14 pays [10] les pratiquent officiellement. L'Europe a la main verte, quand il s'agit de « jardinage » eugénique [11].

Lundi 23 juin avait lieu le procès de la manifestation ayant menée à l'expulsion de familles roms d'un bidonville situé sur la commune de Villeron, dans le Val-d'Oise [12]. Au terme de la journée, le tribunal a relaxé les six prévenus, le maire de la commune, Dominique Kudla et cinq de ses administrés [13]. Or, ce qui s'est joué ce jour-là n'avait rien d'une simple « manifestation pacifique et bonne enfant », comme le prétendent les prévenus ; les faits reprochés étaient d'une gravité qui devraient en principe bannir ces qualificatifs : « manœuvre en vue de forcer une personne à quitter son lieu d'habitation, dégradation d'un bien appartenant à autrui commise en raison de la race ou de l'ethnie, violences commises en raison de la race ou de l'ethnie. »

Les propos tenus lors de cette manifestation « bonne enfant », tout de même intitulée « Pour la dissolution du camp de Roms », laissent en effet peu de doute sur le caractère raciste de la haine qui s'est déchainée ce 30 janvier 2023 : « Vous aimez ça vivre dans la merde. […] Ça gueule, ça gueule, les gens, ils en ont marre » ; ou encore : « Putain ça pue […] Ils vivent là-dedans comme des rats, comme des rats. » [14] Sur une pancarte brandie lors de l'événement, on pouvait voir associé les Roms avec, pêle-mêle, l'« insécurité », le « braconnage », les « vols », la « déforestation ». Cette même pancarte appelait à « protéger nos enfants ». Une participante déclarait d'ailleurs sans ambages, dans un reportage de Médiapart qui relatait les faits : « J'ai envie de dire, c'est leur mode de vie le problème. » En amont, le maire dénonçait, dans l'édito du journal du village, « les dérives du nomadisme destructeur de la communauté Roms », faisant une fois de plus écho à la Zigeunerplage [15]. Sommé de s'expliquer sur ses propos lors du procès, l'édile laisse libre cours à son antitsiganisme (« Rien que d'évoquer leur nom, mes poils se hérissent ») et élabore sur « l'action négative et polluante de cette population sans foi ni loi. » Il est intéressant de noter que lors de ce procès, qui portait donc sur des propos et des violences racistes, les avocats de la défense ont plaidé la « liberté d'expression ».

Pour la cour, qui d'après ses dires, n'est pas là pour « apprécier le reste », les infractions reprochées n'étaient pas constituées et les éléments de preuve n'étaient pas suffisants. À la suite du prononcé de la relaxe générale, les messages de soulagements et de soutien ont afflué sur le groupe Facebook de la commune. On s'y réjouit tour-à-tour de cette décision de justice (« Pour une fois que la justice juge correctement »), on loue « l'action citoyenne » menée par l'édile et ses administrés. Comme les indemnisations pour dommages-intérêts ou « citation abusive » accordées au débotté par le tribunal ne suffisaient vraisemblablement pas, une habitante a, dans un élan tout fraternel, pris l'initiative de partager une cagnotte en ligne pour couvrir les frais de justice des mis en cause ; elle qui vante la solidarité – face aux familles roms : « l'union fait la force, comme lorsque nous avons nettoyé le bois tous ensemble ! »

Les propos tenus, que ce soit lors de la manifestation ou après, notamment lors du procès, prennent leur source dans le bréviaire de la racialisation, de la déshumanisation et de l'« hygiène raciale » : on y retrouve la figure du « rat », celle de la peste tsigane vectrice de maladies – dont celle de l'« asocialité », qui « hérisse » les poils – ou le trope des « sauterelles sans nombre » : « Nous avons réussi à déloger les roms du bois de Villeron. Soyez vigilants, ils sont partis en direction de Vemars et Saint Wits. » – mais la cour n'était pas là pour apprécier ce « reste » [16].

Ces propos entrent en résonnance avec des discours politiques en apparence plus maitrisés ; en apparence seulement, car les prémisses sont dans les faits en tout point identiques : mêmes images, même source, même haine antitsigane. En 2013, dans un communiqué, Louis Aliot, alors vice-Président du FN, aujourd'hui maire RN de Perpignan, déclarait : « Le Front National, en plus d'une politique de priorité nationale, demande un arrêt de l'immigration, le démantèlement des camps de Roms et par mesure de sécurité sanitaire et sociale leur expulsion immédiate dans leur pays d'origine. » [17] Le député Horizon Xavier Albertini a récemment déposé une proposition de loi, examinée dans l'hémicycle le 3 avril, visant à « réformer l'accueil des gens du voyage », entendre faciliter l'expulsion des Voyageurs lorsqu'ils stationnent sur des terrains sans autorisation et renforcer l'arsenal répressif à leur endroit [18]. Argument avancé : le droit à la propriété, bien sûr, mais également la préservation de l'environnement. Ainsi, le texte stipule que « des atteintes d'une exceptionnelle gravité à l'environnement du fait d'un préjudice écologique avéré ou au vu de l'imminence de sa réalisation » pourraient justifier une expulsion par la force publique. Le déploiement de l'imaginaire raciste du Rom sale, salissant même, est ici bien visible sous le masque des considérations « environnementales ». Sans vouloir faire une liste exhaustive, nous pourrions aussi signaler les propos tenus à la radio, en 2024, par le président de l'UDI, Hervé Marseille, qui jugeait que LFI « transform[ait] l'Assemblée nationale en camp de gitans », alors que pour lui cette vénérable institution « ce n'est pas les Saintes-Maries-de-la-Mer ! » [19] ; ou nous pourrions évoquer les propos de Gilles Bourdouleix, actuel maire de Cholet, pour qui, parlant des « Gens du Voyage », « Hitler n'en avait peut-être pas tué assez » [20].

Si l'intolérance à l'égard des Roms est plus marquée chez les électeurs de droite et d'extrême droite, elle n'est pas pour autant absente chez les électeurs de gauche, comme l'indique le rapport de la CNCDH de 2023 [21] ou le révèlent sur le terrain les politiques municipales en matière d'accès à l'éducation, de ramassage des ordures, etc. Pour le sociologue Éric Fassin, dans ce dernier cas, nous pourrions même parler d'une véritable « politique municipale de la race » – transpartisane [22].

L'exclusion matérielle totale de la population rom, dans toutes les sphères de la société et à tous les niveaux, est parachevée par les agressions verbales et physiques, par la déshumanisation et le meurtre. Comme le 22 février 2024, jour où Angela Rosta, femme Rom enceinte de 7 mois, était assassinée devant son mobile-home, situé dans la commune de Chênex [23]. Après avoir tiré, le 20 février, sur des caravanes stationnées dans une aire d'accueil non loin, le jeune homme de 26 ans aujourd'hui écroué et mis en examen pour « meurtre et tentative de meurtre commis en raison de la race, l'ethnie, la nation ou la religion » a abattu, deux jours plus tard, Angela Rosta [24].

Les Roms sont donc un « groupe à part », plus précisément un groupe mis à part ; dans ces conditions, le « Tsigane » peut être stigmatisé, discriminé, voire tout bonnement tué – il est, dans le capitalisme, l'incarnation du hors-la-loi, de l'être-hors-société que la société bourgeoise cherche à expugner en inscrivant l'exclusion dans le corps de la loi.

Antitsiganisme et capitalisme : Roswitha Scholz et la théorie de la valeur-dissociation

Ce lien entre le capitalisme, le patriarcat et le « Tsigane » a été théorisé plus avant dans l'article de Roswitha Scholz intitulé Homo Sacer et les « Tsiganes », publié pour la première fois, en allemand, en 2007, dans la revue Exit ! n°4 [25], et enfin disponible dans une traduction française.

Roswitha Scholz a, dès les années 1990, formulé une critique négative du « patriarcat producteur de marchandises », en tant que rapport social dont le « cadre catégoriel fondamental » est celui de « valeur-dissociation ». Elle part du problème de constitution suivant : « soit le travail abstrait et la valeur sont déjà compris dès leur constitution et ainsi dans leur essence comme principe masculin ; soit une hiérarchie de concepts est à nouveau introduite, dans laquelle l'indexation sexuée est bannie dans un espace secondaire comme simple problème de dérivation et concrétisation. » [26] En d'autres termes, pour la théorie de la valeur-dissociation, il faut partir du principe que « le rapport entre les genres structure lui-même de manière centrale le principe de synthèse sociale. » Prenant comme prémisse cette exigence théorique, Roswitha Scholz démontre que le travail abstrait, auparavant présenté comme « neutre du point de vue du genre », est étayé, est rendu possible, en tant qu'activité médiatisante historiquement spécifique du rapport patriarcal-capitaliste, par l'exclusion des femmes, mais aussi des « racisés », des « invalides », des « marginaux », etc. – c'est-à-dire par le « dissocié » de la valeur, qui lui est pourtant dialectiquement lié.

Dans cet ouvrage, Homo Sacer et les « Tsiganes », il s'agit pour Roswitha Scholz, à travers sa théorie critique de la valeur-dissociation, de penser le contenu spécifique de l'antitsiganisme comme variante spécifique et oubliée du racisme dans la totalité capitaliste. Dans les dix chapitres d'Homo Sacer et les « Tsiganes », l'autrice déploie une critique de l'antitsiganisme comme moment catégoriel fondamental du patriarcat producteur de marchandises, moment culturel, social-symbolique, économique et comme fondement négatif de la subjectivité pulsionnelle bourgeoise.

C'est d'abord comme identité historique négative d'avec l'émergence de la modernité patriarcale-capitaliste que le racisme spécifique à l'égard des Sintés et des Roms est présenté. Au tournant de la modernité, la féodalité en crise laisse place au rapport social fondé sur le travail. Le grand partage entre labeur et oisiveté qui caractérise la conception moderne du travail, ainsi que plus tard la formation des États-Nation, réorganisent la société et ses territoires, écartant des pans entiers de populations nomades et que l'on juge politiquement incontrôlables. La figure du « Tsigane » comme vagabond et sans patrie, voleur et paresseux apparaît alors, et les populations désignées comme « tsiganes » deviennent la cible de politiques discriminatoires, de décrets de proscription ou de sédentarisation forcée. Avec les Lumières, le stéréotype tsigane, jusqu'ici mal défini, prend sa coloration raciale spécifique. Le « Tsigane », en plus d'être un asocial, devient le représentant d'une race inférieure, accessible au discours scientifique, à sa vérité spécifique et à ses pratiques propres. Se joint à l'antitsiganisme un sexisme spécifique à l'égard des femmes sintezza et roms. La modernité s'accomplit dans une réorganisation des rapports de genres, et constitue comme apparemment autochtones et dérangés les rapports de genres des populations « tsiganes ». Ainsi, Scholz décortique le double cliché de « la Tsigane » comme figure spécifique de la modernité patriarcale capitaliste et polarité indissociable de la femme au foyer bourgeoise – la Carmen sensuelle et la vieille sorcière qui vous lit dans la main.

Conjointement au développement, dans l'ère moderne, de l'antitsiganisme et de son objet, la figure du « Tsigane » et de « la Tsigane », se déploie dans les imaginaires le pendant romantique du même racisme antitsigane : la fougueuse liberté et les talents musicaux des « Tsiganes » sont célébrés dans les productions culturelles, la « drôle de vie des Tsiganes » [Das lustige Zigeunerleben] [27] est partout fantasmées. Scholz, sur ce point, est claire : l'antitsiganisme ouvert et l'antitsiganisme romantique sont les deux faces d'une même médaille raciste, indissociable de la totalité capitaliste. Ces deux variantes d'un même racisme subsument sous l'abstraction de la figure du « Tsigane » le concret des individualités. [28]

Sur les territoires de l'actuelle Allemagne, les politiques discriminatoires à l'encontre des populations Roms et Sintés sont inconstantes et sans grande cohérence jusqu'au XIXe siècle. Sous l'Empire et dans la république de Weimar, des registres commencent d'être tenus, des « camps tsiganes » [Zigeunerlagern] sont construits, et la systématicité des persécutions fait prélude aux politiques exterminatoires du régime Nazi. Dès les années 30, un antitsiganisme organisé, systématique, et que guide la science raciale, est appliqué par le régime national-socialiste. Dès 1933, les populations Roms et Sintés sont stérilisées de force ; elles sont internées dans des camps dès 1936 ; la « solution finale à la question tsigane » est ordonnée en 1938 par Himmler. Roswitha Scholz, alors, pose la question que « l'histoire déchirée » (Enzo Traverso) du XXe siècle semble suggérer : celle d'un ressaisissement conjoint possible de l'antisémitisme et de l'antitsiganisme, dans ce qu'ils ont de spécifiques et d'inséparables dans la totalité capitaliste. À la comparaison de leur histoire, particulièrement dans le cadre des deux génocides sous le régime Nazi, Scholz fait succéder une comparaison critique au niveau des catégories de la modernité et de la structuration négative de la subjectivité bourgeoise. Si, dans la modernité capitaliste occidentale, le Juif fait figure d'auteur surcivilisé de la modernité elle-même, le « Tsigane » représente, lui, le passé fantasmé de la culture occidentale ; un passé tout à la fois brutalement refoulé et nostalgiquement désiré par les populations que la modernité a mises violemment au travail.

La fin de la seconde guerre mondiale est une rupture historique paradoxale et sans discontinuité dans la matrice des rapports de valeur-dissociation. Les fonctionnaires, les registres, les lois et règlements qui avaient présidés aux persécutions et à l'élimination des populations Roms et Sintés sous la république de Weimar puis le régime Nazi subsistent pour la plupart. Les persécutions et l'extermination de masse des populations dites « tsiganes » ne sont, pendant longtemps, pas reconnues, et aucune réparation n'est apportée. L'antitsiganisme n'est pas thématisé, et continue, comme dans l'ombre, de structurer les rapports sociaux. Les populations roms et sintés sont marginalisées et criminalisées.

Il faut attendre le climat libéral des années post-68 pour que des mouvements de reconnaissance des communautés Roms et Sintés s'organisent, que des politiques de réparations soient mises en place et que la question de l'antitsiganisme soit prise au sérieux, son histoire documentée et son présent combattu, quoiqu'insuffisamment. Dès les années 70, certaines franges de la gauche s'emparent de la figure du “Tsigane” pour en faire le symbole d'une résistance à l'ordre bourgeois du capitalisme industriel. Les motifs de l'antitsiganisme romantique sont repris à la sauce de la flexi-paupérisation pomo, de la van-life forcée et des critiques tronquées du travail. La flexibilité de la soi-disant « contre-culture tsigane » est glorifiée, tandis que dans un même mouvement on refuse aux Sintés et aux Roms d'être autre chose que le « Tsigane » lui-même. Ainsi, alors même que les études subalternes et postcoloniales ont pu invoquer la notion « d'identités hybrides » [29] comme alternative à la vision binaire du colonialisme, il existe à propos du « Tsigane » un « tabou de l'hybridité » : le « Tsigane » n'est pas un en-dehors, un Autre exotique, et représente au contraire le dedans total de la culture occidentale ; en cela, son identité est Une. En parallèle, dans un contexte de décomposition de la souveraineté postmoderne et de précarisation généralisée, un antitsiganisme structurel vient charpenter les rapports sociaux et les subjectivités – un antitsiganisme structurel qui se manifeste par la haine des « assistés » et des exilés, la peur de la déchéance sociale et la surveillance globalisée des populations et de leurs déplacements.

Le cœur de l'analyse scholzienne se tient dans son investissement particulier du concept d'homo sacer, qu'elle reprend à Agamben. Issu du droit romain archaïque [30], l'homo sacer désigne un individu qui, par suite de sa condamnation, est exclu du droit civique ; l'homme jugé sacer peut être assassiné par quiconque sans que cet assassinat ne soit considéré comme un homicide, ni son assassin comme coupable ; en revanche, l'homme sacer n'est pas sacrifiable selon les rites ; c'est une vie nue, hors de la loi des hommes et de celles des dieux, indigne tout à la fois d'être vécue et sacrifiée. Pour Agamben, l'homo sacer est la figure « biopolitique » par excellence du sujet de la modernité politico-juridique occidentale. Reprenant à Carl Schmitt, de manière critique, la notion d'une souveraineté fondée sur la possibilité de l'état d'exception [31], il analyse le rapport de l'individu à la loi comme motif géminé d'inclusion et d'exclusion, et fait du camp (de concentration, mais aussi de travail, d'exilés etc. [32]), en tant que lieu de cet état d'exception réalisé, le nomos de la subjectivité juridique moderne. Pour Agamben, nous sommes toutes et tous des homines sacri potentiels, inclus dans la loi par la possibilité toujours de s'en trouver exclus, bannis [33]. La loi se maintient souveraine par sa suspension possible ; c'est en se suspendant que la loi constitue sa propre exception — l'absence de loi est une absence grosse, en quelque sorte, de la positivité de cette loi même. Scholz reprend cette figure et le motif géminé d'inclusion excluante qui s'y noue. Mais ceci, elle le fait en redonnant un contenu concret à l'homo sacer — contenu que la définition juridico-philosophique faite par Agamben avait réduit à néant, pour n'en laisser qu'une forme vide et androcentrique. Pour Scholz, nous ne sommes pas toutes et tous au même titre des homines sacri en puissance et ce sont bien les Sintés et les Roms, ceux que l'antitsiganisme constitue sans cesse en « Tsiganes », qui sont les homines sacri par excellence de la modernité capitaliste — ils sont maintenus « en état d'exception perpétuel ». Ce sont « les derniers des derniers », persécutés, exterminés sans conséquence, exclus même des critiques habituelles du racisme. De même que la loi se fonde elle-même par la possibilité de sa suspension, de même le rapport social est fondé par l'asocialité qu'il rend possible. Ainsi, la figure du « Tsigane » n'est pas celle de la lie de la société, mais bien le terreau fertile du grand partage entre le travail et l'oisiveté, entre le travailleur potentiel et l'irrécupérable. L'absence de loi réalisée dans l'existence-comme-homo-sacer du « Tsigane » constitue la loi véritable, le nomos, du rapport social de la valeur-dissociation, et tout à la fois l'existence comme homo sacer constitue le contenu particulier de l'antitsiganisme. Comme l'écrit Scholz, « la valeur-dissociation, en tant que principe fondamental, a elle-même pour fondement le ‘‘Tsigane'' en tant qu'homo sacer par excellence, et inversement. »

Vers une critique radicale des rapports de domination ?

Au moyen de ce geste théorique et critique, Roswitha Scholz met en évidence que l'objet particulier de l'antitsiganisme, dans son existence au cœur du patriarcat producteur de marchandises, ne peut en être déconnecté ou descellé ; il doit être traité dans son existence même, dans ses médiations et son articulation au cadre catégoriel fondamental historiquement spécifique du patriarcat-capitalisme.

Roswitha Scholz, et ce avec et au-delà d'Adorno et de Lukács, interroge plus largement et profondément, à travers sa théorie de la valeur-dissociation et son étude de l'antitsiganisme, le statut de la théorie et de la critique sociale ainsi que son rapport à son objet, à « la chose » elle-même. Pour elle, l'approche abstraite-subsumante écrase l'objet sous la lourdeur de la « neutralité » conceptuelle « universalisante », pour finalement en araser les particularités. Alors, nous pouvons nous demander avec Roswitha Scholz si une pensée qui occulte, pour ne prendre qu'un exemple, l'écrasement, la domination, l'asservissement de la moitié de la population, de ces « âmes damnées » dont parle Monique Wittig dans son Virgile, non ; si cette pensée, donc, délibérément aveuglée par sa prétention à l'universalité, à la généralité conceptuelle la plus lisse, peut être « critique », « négative » ou même tout simplement « sociale » – sa prolixité rappelle toutefois le proverbe rabelaisien : « à cul foireux toujours merde abonde ».

Par ailleurs, Roswitha Scholz s'efforce de critiquer le « dérivatisme » ambiant ; cette « méthode » qui consiste à dissoudre les médiations sous les dérivations depuis un principe premier abstrait, « en dernière instance » économique, qui clôture la totalité brisée dans l'idée pour rendre celle-ci transparente, adamantine, diaphane – méthode dont la lumineuse clarté fait percer à jour, en creux, comme ombre projetée d'elle-même, du principe d'identité, le non-identique, le hors-concept, le particulier, la chose en soi.

La poésie de Paul Célan est traversée par cette tension entre général et particulier, entre abstrait et concret, elle est tout entière cette recherche, rendue quasiment impossible par la langue, de la « véracité de la rencontre », de la rencontre avec l'« Autre », le « mortel », le « pour rien » [34] :

Celui qui n'est prêt qu'à déplorer la disparition de la beauté aux yeux en amande, il la tue, lui aussi ; il ne fait que l'enterrer, cette beauté aux yeux en amande ; il l'enterre une fois de plus et encore plus profondément dans l'oubli. — Si, pour commencer, tu pars avec ta douleur la plus propre à la rencontre des morts au nez crochu, des morts bossus, parlant yiddish et tordus comme des tuyaux de plume, ceux de Treblinka, d'Auschwitz et de n'importe quel autre camp, alors tu rencontres aussi l'œil et son eidos : l'amande. — Ce n'est pas le motif mais la pause et l'intervalle, les silences, les souffles qui répondent dans le poème de la véracité d'une telle rencontre […]. Ce serait déjà bien d'arriver à nommer ici ce qui se manifeste comme un phénomène silencieux dans la vérité d'une telle rencontre. [35]

Cette pensée du silence, de la strette, cette pensée dialectique, de la contradiction a, en matière de théorie critique, été approchée par Roswitha Scholz, à tout le moins dans ses enjeux épistémologiques ; c'est cette pensée, celle de l'épanorthose, à même de saisir ce qui « sonne faux » dans les concepts, c'est cette pensée qui prête l'oreille à la « fausse note du cor anglais » qui est à creuser plus avant. Elle se veut être l'antipode de ce qu'est la philosophie incarnée par M. Obláth dans le Kaddish d'Imre Kertész :

[…] le visage de M. Obláth arbora de nouveau l'expression de l'intellectuel professionnel moyen disposant de perspectives moyennes, de taille moyenne, d'âge moyen, d'opinions moyennes, aux revenus moyens, au milieu de ces moyennes montagnes de Hongrie, et les fentes de ses yeux disparurent dans les rides de son sourire cynique et heureux. Sa voix redevint immédiatement objective, voire objectale, cette voix huilée, habituée aux tergiversations, sûre d'elle-même, qui ne s'était brisée un instant auparavant qu'à cause de la proximité menaçante de questions pleines de vie […] les esprits supérieurs ont déjà depuis longtemps interdit à l'être d'exister. [36]

Sachant cela et pour ne point sombrer dans l'« objectivité » d'un M. Obláth, la gageure consiste à maintenir la tension entre général, singulier et particulier sans jamais réduire l'un de ces niveaux à l'agrégation ou la dissection des autres :

[…] la critique de la valeur-dissociation renonce à toute affirmation d'un principe premier. Une théorie critique de la valeur-dissociation, en tant qu'elle insiste précisément sur une pensée de la totalité brisée, doit faire reconnaître des dimensions différentes, comme les niveaux matériel, culturel-symbolique, socio-psychique, donc les niveaux micro, méso et macro […], ainsi que les dimensions globale et locale. Elle conçoit ces dimensions à la fois comme articulées entre elles et comme des dimensions pour soi […] et elle doit maintenir la tension, tout en la mettant en évidence dans ce contexte-là, entre les niveaux général et particulier. [37]

Une distinction – qui ne suspend cependant pas la dialectique – est donc à opérer entre la matérialité des rapports sociaux et leurs traitements réflexifs, à partir de cet état de fait historiquement déterminé. D'où l'importance des dimensions culturelle-symbolique et socio-psychique mais aussi des études sur la « personnalité autoritaire » (Adorno).

Faire rompre le concept sous son propre poids, telle est le défi du « réalisme dialectique » en quête des déterminations intrinsèques et réciproques de son objet :

Il s'agit donc, dans le sens de la totalité concrète déployée, d'une nouvelle détermination des rapports sociaux mondiaux qui ne doit pas craindre les « bas-fonds de l'empire » (Kant) et qui doit donc, suivant Adorno, donner la priorité à l'objet réel. Lorsque la réalité sociale change, la théorie doit changer, tout en maintenant la critique du principe de forme et donc la distinction entre essence et apparence. L'empirisme et les niveaux d'analyse plus concrets ne doivent pas être subordonnés à la détermination de la forme sociale fondamentale. [38]

Une fois de plus Imre Kertész nous semble offrir une formulation du problème qui éclaire le chantier théorique ouvert par Roswitha Scholz :

Plus nous soulignons la nature irrationnelle d'un phénomène, plus nous le repoussons, moins nous le comprenons, moins nous voulons le comprendre, puisqu'il a été dit qu'il était incompréhensible. Le rationnel et l'irrationnel sont tombés au niveau de mots qui ont perdu leur signification intrinsèque et reflètent seulement notre volonté, notre intention de repousser la compréhension du simple fait, de la chose réelle, de la chose en soi. Il se peut qu'elle ne soit pas compréhensible ; mais l'impératif moral dicte, comme le formule le savant anonyme de l'imaginaire poétique de Thomas Bernhard : « […] nous devons avoir chaque fois au moins la volonté d'aller jusqu'à l'échec. » [39]

Tel que précisé précédemment par Roswitha Scholz, les catégories de la critique sont elles-mêmes processuelles et historiques ; dans la plus pure tradition de la Théorie critique de l'École de Francfort, la théorie doit être en mesure de « penser contre elle-même » pour changer avec son objet, voire se relativiser elle-même, se retirer comme théorie devant les singularités de son objet. Cela offre la possibilité de saisir les développements les plus contemporains du patriarcat-capitalisme sans jamais forcer la coïncidence entre des phénomènes nouveaux et un chablon conceptuel rigide.

Or, justement, le fascisme, un nouveau fascisme, est dans l'air du temps – l'air qu'il nous faut respirer. Nous assistons à une racialisation des disparités sociales et de la marginalité, dont le « Tsigane » reste, en Europe, l'idéal-type. Dans le contexte de crise mondiale du patriarcat-capitalisme, alors que la superfluité rattrape jusqu'au « bon travailleur » bien intégré dans le processus de production, la « mentalité de soumission [Radfahrernatur] » [40] se répand. Le « Tsigane » réel est la cible toute désignée, il est la figure repoussoir par excellence, l'incarnation d'une « asocialité » aussi crainte que fantasmée : le « Tsigane » est « l'homo sacer par excellence ». Le nouveau fascisme, tout comme son aîné, tend vers une universalité négative, « vers l'universalité non par l'amour, mais juste par son contraire, c'est-à-dire la haine et le meurtre. » [41] Le nouveau fascisme claironne ses aspirations palingénésiques : se dessine une eschatologie qui en appelle à une « extermination rédemptrice », une purification du corps social pour que de celui-ci, amputé, advienne, « revienne » l'universel. Ces discours et ces visées sont en tous points identiques à ceux portés par la NRx (Neo-reactionary movement aussi appelé le Dark Enlightenment) étatsunienne. C'est aussi ce que nous voyons sourdre des discours sur « la France des honnêtes gens », qui opposent la bonne France des travailleurs à la mauvaise des « parasites », des « assistés » [42]. L'antitsiganisme n'est donc pas un anachronisme du capital, il est sa structure d'exclusion la plus actuelle.

D'autre part, l'attrait pour la vie nomade ou la vie en roulotte, la flatterie « de pogromiste » à « La belle Tsigane » [43] ou cette fascination pour la « drôle de vie des Tsiganes » – faria faria ho ! –, ne sont que l'autre face de la même médaille antitsigane. Enfin, la négation abstraite de l'être-« Tsigane », dans son existence concrète, n'est qu'une « fuite inauthentique » (de Beauvoir), une négation omineuse de l'antitsiganisme réel lui-même.

Dans la crise terminale du patriarcat producteur de marchandises, la prise en compte du « dissocié », dans son rapport dialectique avec la valeur, est d'une urgente nécessité ; ses implications, nombreuses, notamment épistémologiques, n'ont été ici que très partiellement effleurées – la théorie de la valeur-dissociation ne se résume pas à coup d'operational terms. Toutefois, retenons que pour la critique de la valeur-dissociation, les mouvements ou les théories qui revendiquent positivement les catégories fondamentales du rapport social, comme le « dissocié », qui déterminent sa dynamique, ne présentent – précisément du fait de cette détermination – aucune perspectives émancipatrices ou révolutionnaires. Au contraire, pour Roswitha Scholz, « un réalisme dialectique doit porter un regard impitoyable, intègre et non romantique sur les rapports sociaux (mondiaux) afin d'affirmer l'objectif selon lequel, sur ses ruines, quelque chose de totalement nouveau doit naître. » [44]


[2] Exception notable : Médiapart.

[3] Ilsen About, « Un Racisme Sans Nom. Les Origines Historiques de la Haine Antitsigane », dans Communications, 107(2), 2020, p. 89-101. Disponible en ligne : https://doi.org/10.3917/commu.107.0089 >.

[4] Voir par exemple, « Les Roms de Transcarpatie et la guerre en Ukraine », disponible en ligne : https://lundi.am/Les-Roms-de-Transcarpatie-et-la-guerre-en-Ukraine >.

[5] Henriette Asséo, « Non, les Tsiganes ne sont pas des nomades », dans le Monde diplomatique : https://www.monde-diplomatique.fr/2012/10/ASSEO/48249 >.

[6] Voir Lise Foisneau, « Les aire d'accueil des Gens du voyage : une source majeure d'inégalités environnementales », Études tsiganes, 2019, n° 67, p. 28-51. Sur lundiam, se reporter à https://lundi.am/Antitsiganisme-poussieres-et-chaleur-suffocante >.

[7] Prud'homme, Dorothée. « La racialisation des patientes “roms” par les médecins urgentistes : Invisibilisation des précarités et révélation des ambitions professionnelles ». Actes de la recherche en sciences sociales, 2021/4 N° 239, 2021. p.50-65. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2021-4-page-50 ?lang=fr.

[8] Bien qu'aucunes données précises sur l'arrêt de cette pratique ne soient, à notre connaissance, disponibles.

[9] Kóczé, Angéla. « La stérilisation forcée des femmes roms dans l'Europe d'aujourd'hui ». Cahiers du Genre, 2011/1 n° 50, 2011. p.133-152. CAIRN.INFO, shs.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2011-1-page-133 ?lang=fr.

[10] Autriche, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Portugal et Slovaquie. Pour plus de détails, se reporter à : https://www.edf-feph.org/content/uploads/2022/09/Final-Forced-Sterilisarion-Report-2022-European-Union-copia_compressed.pdf > ; ainsi qu'à : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-10-2025-000193_EN.html >.

[11] Zygmunt Baumann, Modernité et Holocauste, Paris, La fabrique, 2002.

[15] Soit la « peste tsigane » .

[22] Éric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard, Aurélie Windels, Roms et riverains, Paris, La fabrique, 2014.

[25] On trouvera une version condensée de ce texte dans la revue allemande Phase 2 sous le titre « WASTE TO WASTE – Die Roma und “wir” ». Une traduction française est disponible en ligne : https://lundi.am/Waste-to-waste-les-Roms-et-nous >.

[26] Roswitha Scholz, Le Sexe du Capitalisme, « masculinité » et « féminité » comme piliers du patriarcat producteur de marchandises, Albi, Crise & Critique, 2019, p. 21.

[27] En référence à une chanson populaire.

[28] Voir Collette Guillaumin, L'idéologie raciste.

[29] Voir par exemple Homi K. Bhabha, les Lieux de la culture. Une théorie postcoloniale, Paris, Payot & Rivages, 2007.

[30] Désigne le droit élaboré à Rome avant l'Empire et la mise en place du droit romain dit « classique » (soit entre 753 et le milieu du IIe siècle avant JC).

[31] « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle. » (C. Schmitt, Théologie politique, Paris, Galimard, 1988)

[32] Robert Kurz a lui-même fait une lecture de l'homo sacer comme figure centrale du rapport-capital dans Impérialisme d'exclusion, état d'Exception ; Roswitha Scholz lui reproche de n'avoir pas mentionné la question de l'antitsiganisme, alors même que Robert Kurz critique Agamben pour son utilisation de l'homo sacer comme forme vide.

[33] « nous appellerons ban […] cette puissance […] de la loi qui lui permet de se maintenir dans sa propre privation et de s'appliquer en se désappliquant. La relation d'exception est une relation de ban. Celui qui est mis au ban, en effet, n'est pas simplement placé en dehors de la loi ni indifférent à elle ; il est abandonné par elle, exposé et risqué en ce seuil où la vie et le droit, l'extérieur et l'intérieur se confondent. » (Giorgio Agamben, Homo sacer ; l'intégrale, 1997-2015, p.33, sq §1.7)

[34] Voir Paul Celan, Le Méridien.

[35] Voir la Correspondance Adorno/Celan, Caen, Nous, 2008, p. 15.

[36] Imre Kertész, Kaddish pour l'enfant qui ne naître pas, Arles, Actes Sud, 1994, p. 19 sq.

[37] Roswitha Scholz, « La nouvelle critique sociale et le problème de la différence » dans Le Sexe du Capitalisme, op.cit., p. 138, souligné dans l'original.

[38] Roswitha Scholz, Forme sociale et totalité concrète, Albi, Crise & Critique, 2024, p. 107.

[39] Imre Kertész, L'Holocauste comme culture, Arles, Actes Sud, 2009, p. 115.

[40] Theodor W. Adorno, « La personnalité autoritaire », dans Prismes, Volume 4, Éditions la Tempête, Bordeaux, 2022, p. 190.

[41] Imre Kertész, L'Holocauste comme culture, op. cit., p. 48

[42] Renvoyons aussi à Félicien Faury, Des électeurs ordinaires, Paris, Le seuil, 2024.

[43] Imre Kertész, Kaddish pour l'enfant qui ne naître pas, op. cit., p. 29

[44] Roswitha Scholz, Forme sociale et totalité concrète, op. cit., p. 113.

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