22.09.2025 à 20:00
Pouvoir et puissance (ou pourquoi refuser de parvenir) - Sébastien Charbonnier
Philosophe et spécialiste des sciences de l’éducation, Sébastien Charbonnier vient de publier Pouvoir et puissance (Vrin), un petit manuel de philosophie pratique. Le sous-titre de l’ouvrage a valeur de programme : Refuser de parvenir : une joie pure. Spontanément, on pense au dégoût que peuvent susciter des Rastignac et des Bel-Ami, voire plus proche de nous, les figures plus ou moins pathétiques de Attal ou autre Darmanin ; dents qui rayent le parquet et dalle du requin-outsider déterminé à dévorer à sa tour. En réalité, il s’agit ici de quelque chose d’à la fois plus précis et plus vaste.
Ce mot d’ordre (de désordre) issu du milieu pédagogique-libertaire, anarcho-syndicaliste, de l’entre-deux-guerres est repris par l’auteur qui choisit d’en étendre le sens à l’ensemble des rapports de pouvoir. Non pas le refus sacrificiel et/ou stratégique de l’établi maoiste, qui projette une fin (la révolution) au-delà de moyens non désirables pour eux-mêmes (l’exploitation quotidienne) – et c’est là un autre sens de l’idée de « parvenir », parvenir à ses fins, remettre à plus tard, et s’extraire ainsi de toute prise sur le présent – non pas cela, donc, mais la joie pure de ne pas se laisser tyranniser par les tristes affects que la vie du tyran (qu’il soit étatique ou domestique) charrie toujours avec elle.
C’est à partir de recherches qu’il mène depuis longtemps autour des philosophies de l’éducation et des rapports de pouvoir entre adultes et enfants, que l’auteur puise ses remarques sur la puissance collective qui réside dans le refus des dominations. Si bien que la forme du livre correspond, elle aussi, à ces enjeux d’émancipation : abandonner la velléité d’ « éduquer » depuis une position de prétendue supériorité épistémocrate mais multiplier, par la dispersion joyeuse des aphorismes, les occasions de produire une rencontre avec autrui. Or, ce n’est pas en moralisant qu’on rencontre, mais plutôt en commençant dès maintenant à pratiquer les relations que les pouvoirs rendent impossibles.
Pour accompagner l’entretien, des bonnes feuilles sont disponibles ici.
Ajoutons que les éditions lundimatin publieront le prochain livre de Sébastien Charbonnier: La fabrique de l’enfance, anthropologie de la comédie adulte dont vous pouvez déjà lire quelques extraits ici.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
15.09.2025 à 13:00
10 septembre : un debrief - Avec Cultures en lutte et Ritchy Thibault [lundisoir]
Ce lundisoir a été tourné à chaud, soit le 11 septembre. Nous y avons convié Ritchy Thibault pour qui avait passé la journée du 10 entre blocages et manifestations sauvages et trois membres de Cultures en lutte ayant participé à l’occupation de la « Maison des cultures urbaines » de la Villette. Toutes les informations sur le mouvement n’étaient pas encore parvenues à nos oreilles. La discussion tient le juste équilibre entre l’exaltation joyeuse d’une potentielle séquence insurrectionnelle qui s’ouvre et la critique modérée d’une situation qui s’est présentée sur un mode mou, incertain, hésitant, parfois même virtuel ou quantique. On s’excuse pour la piètre qualité du son qu’il a fallu remixer avec les moyens du bord à cause d’un gros problème technique.
Notons que les points de vue partagés sont, de facto, très parisiens. Et après réflexion, il nous semble qu’un point n’a pas pu être soulevé. Avec cette présentation, nous voulons nous rattraper. Si le dispositif policier était énorme, la répression a été, grosso modo, moins intense que d’habitude. Pourtant, de nombreuses images de brutalité féroce sont remontées. On en tire la conclusion hypothétique suivante : le dispositif policier avait pour mot-d’ordre de ventiler d’éventuels points de fixation (blocage) et de détruite dans l’œuf toute initiative. Son objectif n’était pas, directement, de pratiquer le terrorisme répressif tout azimut comme au temps des Gilets Jaunes. Les multiples cruautés policières que nos camarades ont pu constater ont donc un autre sens que stratégique : un certain nombre de policiers font du zèle, et ce zèle, est précisément ce surplus de jouissance brutaliste qui caractérise la jouissance fasciste. Nous vous laissons découvrir le contenu de la discussion, mais, s’il fallait retenir une seule chose, ce serait celle-ci : il faut passer du blocage à l’occupation. Le blocage sans occupation est éphémère ; l’occupation sans blocage est sans piquant.
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.
09.09.2025 à 14:00
Et ce qui devait arriver... arriva. La police, les juges, le tribunal et tout le tralala. On va pas vous mentir, si nous avons toujours anticipé quelques éventuelles difficultés avec la justice, nous n’avions pas imaginé que ce serait à cause d’un article sur l’architecture et le greenwashing ou pour avoir publié le droit de réponse d’un collectif féministe. On en est pourtant là, on vous explique tout cela !
Tout est (à peu près) bien expliqué dans l'audio ci-dessus, mais si vous préférez lire, une synthèse rapide.
En juin 2023, nous avons publié cet excellent article du chercheur et architecte Mathias Rollot : Architecture et greenwashing ou comment biodiversifier le béton. Quelques jours plus tard, l’avocat de l’agence ChartierDalix, notamment connu pour sa défense de la télé-réalité et de Gérard Depardieu, nous envoie une mise en demeure. L’agence dont les pratiques écologiques sont largement évoquées dans l’article, nous somme de le dépublier sous peine de poursuites. Le ton étant grossier et la tentative d’intimidation loufoque, nous faisons le pari qu’ils n’oseront pas se tourner en ridicule au point de nous assigner en justice, mais finalement si.
Un article du monde relate cette affaire ici.
Une tribune de soutien signée par des centaines de chercheurs et architectes a été publié là.
Ainsi que divers éditoriaux dans des revues d’architecture comme ici.
Beaucoup moins lunaire, une seconde plainte a été déposée contre lundimatin il y a maintenant deux ans. À la suite d’un article élogieux à propos du film Boum Boum de Laurie Lassalle, un collectif de femme nous avait demandé de publier un droit de réponse, non pas par rapport à notre article mais du fait de la présence dans le film d’un homme accusé de viol par l’une d’entre elles et qui y profère des propos qu’elles jugent répugnants. L’homme en question a choisi de déposer plainte pour diffamation contre lundimatin, les autrices du texte n’étant pas identifiables a priori. Un procès se tiendra le 30 septembre prochain au TGI de Paris.
Comme nous l’exposons dans la vidéo, il y a un véritable enjeu à gagner dans ces deux procédures. Cependant, les procès en diffamations relèvent d’un droit particulièrement technique, ce qui nécessite beaucoup de temps de travail, des avocats et du temps de travail d’avocat. C’est pourquoi nous lançons une cagnotte pour nous aider à gagner.
Merci !
Le lien vers la cagnotte est ici
Vous aimez ou au moins lisez lundimatin et vous souhaitez pouvoir continuer ? Ca tombe bien, pour fêter nos dix années d’existence, nous lançons une grande campagne de financement. Pour nous aider et nous encourager, C’est par ici.