18.10.2024 à 16:00
Des Kibboutz en Bavière (feat. Tsedek)
Depuis un an maintenant, la destruction méthodique et déchaînée de Gaza par l’armée israélienne maintient son effet de sidération. Qu’y aurait-il à dire ou penser de plus lorsque nous assistons impuissants au carnage, à l’écrasement d’un bout du monde ? Nous avons pourtant retrouvé un petit texte dans le limbes de lundimatin : manifeste kibboutz in Bavaria, rédigé en 2010 et publié en 2016 et qu’il nous a semblé, par-delà son caractère burlesque et fantasque, important de re-discuter. On a donc invité des camarades de Tsedek pour essayer de réfléchir au sionisme non à partir de sa seule réalité, mais à partir d’une contre-proposition sioniste en apparence « comique » et pourtant suffisamment sensée pour faire apparaître les contradictions des actuels soutiens inconditionnels à Israël. Cette proposition est la suivante : et si les Allemands, réellement affectés de culpabilité historique pour les crimes d’un certain IIIe Reich, se proposaient de nous confier, à nous juifs européens, un territoire sympathique en Bavière, pas loin de Bayreuth (plutôt que de Beyrouth), pour y installer nos kibboutzim socialistes et communalistes ? Que ferions nous ? Que faire des bavarois ? Sera-ce le judaïsme qui définira l’État de Bavière ? Ou l’État de Bavière qui définira le judaïsme ? Être juif, est-ce faire peuple, ethnie, religion ou, plus essentiellement, comme le pense Ammon Rav Krakotzkin, vivre et penser depuis une conscience de l’exil et donc, la conscience de la nécessité d’un droit supérieur à celui des peuples à disposer d’eux-mêmes, un droit plus fondamental encore que celui des nations : le droit à traverser le monde et les États, à migrer et émigrer, à s’exiler, apatride, et à errer dans le désert, d’une errance adverse ?
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14.10.2024 à 20:00
Macron est-il un pervers narcissique ? Marc Joly
La dissolution de l’Assemblée nationale a plongé brusquement une large partie de la population dans un état de sidération. Ce sentiment, qui n’a pas affecté seulement les gauchistes mais les membres même du camp macroniste les plus proches, n’est peut-être pas dû au hasard. Nous avons l’habitude des mensonges cyniques de la popote oligarchique. Ce qui est ici étonnant, c’est que l’on éprouve un choc qui confine à l’outrage, au scandale intime, au sentiment d’avoir été plongé depuis presque dix ans, sous la houlette non d’un politicien menteur mais d’une sorte d’ex toxique, de manipulateur équivoque, en réalité, et c’est l’intuition du sociologue Marc Joly comme d’Anne Crignon (Voir : Ve République : un soupçon de perversion narcissique), sous l’emprise d’un « pervers narcissique » en pleine crise.
Cette intuition n’est pas anodine. Elle indique un changement dans les structures actuelles de la domination et de sa légitimation. Selon Joly, nous serions passés d’une légitimation des inégalités sociales par la « violence symbolique », soit l’intériorisation inconsciente de l’ordre injuste et de la vision du monde des dominants, à une sorte de mise à nue brutale de la domination, mise à nue où le pouvoir de jouissance du pouvoir, ne se jouant plus sur le mode narquois de l’apparence, sur le mode satisfaisant d’une couleuvre avalée en silence par le truchement de symboles, mais sur le mode terriblement médiocre de la « violence morale », du harcèlement moral, de la jouissance non de l’apparence, mais du micromanagement, de la capacité à disloquer les âmes, la cohérence des choses, le sens du monde et les vérités essentielles, la faculté de titiller à mort ses victimes vampirisées, de s’assumer irresponsable, et de martyriser des citoyens comme s’il s’agissait de petits jouets dans les mains d’un pervers infantile. Pour Joly, le déclin, du fait de la critique féministe ou autre, du camouflage dans la violence symbolique des masculinités patriarcales et capitalistes, a engendré une société dans laquelle le mode par lequel le dominant jouit de sa domination sur le dominé n’est pas fondé sur le sentiment de l’avoir bien eu, bien dupé, mais celui de pouvoir continument le plonger dans un état de sidération, d’offense, d’inexistence, sur la base d’un arsenal d’injonctions paradoxales, d’indifférence à la contradiction et à la vérité (paradoxalité), d’effacement des continuités historiques (gaslighting) et de tout ce qui fait sens. Le monde de la violence symbolique semble laisser place au monde mis à nu de la violence morale, et dans cet entre-deux surgissent partout, dans les familles, les groupes, les entreprises et les institutions de l’État même, ces figures inquiétantes du « pervers narcissique », du « prédateur », de l’être dont la vie n’est vouée qu’à conserver l’emprise et à la renouveler sans cesse. Macron est-il l’une d’entre elle ? Qu’est-ce que cela nous révèle de nos sensibilités contemporaines, de nos grilles d’analyse du pouvoir et de l’épuisement des institutions de la Ve République ? Là où la domination semble laisser éclater sa franche perversité sans le tampon des apparences, avons-nous affaire à la fin d’une époque de la gouvernementalité ? Vivons-nous un crépuscule du pouvoir secoué sur ses bases et obligé de se réduire à l’efficacité perverse pure ? Ou sommes nous en train de découvrir que le pouvoir pour jouir de lui-même n’a plus besoin de se cacher, parce qu’il est devenu total et sans issu ?
On dira que le désert ne peut plus croître. Certes. Mais Joly nous apprend qu’il peut encore s’enlaidir.
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08.10.2024 à 20:00
Science-fiction, politique et utopies - Vincent Gerber
1984, MadMax, La Route, Les furtifs, La zone du dehors, les dépossédés, V comme Vendetta. La science-fiction explore l’avenir qui vient. Dans son dernier essai, l’imaginaire au pouvoir. Science-fiction, politique et utopies aux Éditions du Passager clandestin, Vincent Gerber interroge les puissances politiques de la science-fiction. À l’heure du culte du pragmatisme et du réalisme, de la disqualification permanente des joyeuses divagations, la science-fiction et ses imaginaires pourraient bien s’inviter aux débats politiques. Réfléchir demain, anticiper les catastrophes qui viennent mais aussi percer l’avenir en projetant quelques mondes désirables sont sans doute quelques-uns des défis de la S.F. Dans de sombres temps, l’imagination en mouvement est une nécessité politique : elle utopie le ici et le maintenant et donne des raisons de croire au monde et d’y croire malgré tout.
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