16.09.2024 à 20:00
Tabou de l'inceste et grands méchants loups, anatomie du Petit Chaperon rouge - Lucile Novat
Et si nous n’avions rien compris au conte du Petit Chaperon rouge ? Et si le bon sens et la morale populaire transmis par Perrault et les frères Grimm n’étaient pas d’avertir des dangers de la forêt et des prédateurs inconnus mais de se méfier de ce qui se cache derrière la bobinette et sous le bonnet de grand-mères un peu trop aimantes et poilues ?
C’est l’hypothèse défendue par Lucile Novat dans le formidable De grandes dents, enquête sur un petit malentendu qui vient de paraître aux éditions Zones. La démonstration est implacable, le style impeccable et drôle mais ce qui rend ce livre décisif, c’est ce qu’il dit de nous, de nos aveuglements, de nos dénis et de nos tabous. Ce que l’on comprend à sa lecture, ce n’est pas seulement ce que nous ne voyons pas ou ne voulons pas voir mais pourquoi l’on s’arrange si bien d’une telle cécité. Si Claude Lévi-Strauss voyait dans l’interdit de l’inceste le passage de la nature à la culture, soit le signe de notre civilisation, Lucile Novat s’attache à démontrer que c’est l’interdit de parler de l’inceste qui scelle une certaine solidarité. Comme si ce que contient l’enfance de vérité et de puissance devait à tout prix rester tu. En novembre 2023, la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) rend un rapport accablant dans lequel elle dénombre 129 600 cas d’agressions incestueuses chaque année. Si pour l’heure, aucune suite n’a été donnée à ces conclusions, le programme gouvernemental pour redresser la jeunesse a continué de se diffuser : en avril 2024 Gabriel Attal annonce que « la République contre-attaque » face à « l’addiction à la violence » des adolescents. Emmanuel Macron lui emboîte le pas et dénonce le « surgissement de l’ultra-violence dans le quotidien, chez des citoyens de plus en plus jeunes » et en appelle à « un retour de l’autorité à chaque niveau, et d’abord dans la famille. » Ce que l’on comprend en lisant cet essai de Lucile Novat, c’est que l’inceste et son tabou ne sont qu’un dommage collatéral et massif dans une société qui a toutes les raisons de se méfier d’une enfance pas encore tout à fait fondue dans le mensonge civilisé.
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09.09.2024 à 20:00
L'école contre l'enfance - Bertrand Olgivie
Toute notre vie, nous la passons entre le lion, le chameau et l’enfant : la rébellion, le devoir et la création. Voilà que Bertrand Ogilvie décorrèle l’enfance de l’enfant : l’enfance est l’ensemble des « virtualités faibles » à laquelle tout un chacun doit pouvoir revenir pour se débarrasser du lion comme du chameau. Pour cette rentrée des classes, on se questionne avec lui sur le lien entre l’école et l’enfance et sur la façon dont l’école française, « institution structurellement perverse » produit tout le contraire de ce qu’elle prétend. Si pour certains c’est une évidence, pour d’autres cela serait peut-être un paradoxe : à l’École, on n’apprend rien. Mais quel est ce « rien », alors, que l’on apprend ?
Lieu proclamé de transmission des savoirs, elle est aussi celui de l’évaluation, de l’apprentissage de l’échec et de l’apprentissage d’une place sociale. La question qui se pose alors est celle de savoir comment il est possible de ressaisir et de laisser place au désir de savoir comme condition de possibilité d’un apprentissage joyeux — et cela, nous dit Ogilvie, n’exige pas autre chose, pour celles et ceux qui transmettent le savoir que de « désobéir, quotidiennement, sans cesse, discrètement, obstinément, avec désinvolture » — de saboter l’école
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02.09.2024 à 20:00
Une histoire politique de l'homophobie - Mickaël Tempête
À qui (quoi) sert l’homophobie ?
L’état, premier acteur de l’oppression homosexuelle - et ce dès l’invention de l’homosexualité au XIXe siècle- serait devenu, en quelques décennies, le garant de la sécurité des homos...
Mickaël Tempête, pd, auteur et éditeur nous propose dans son premier ouvrage d’explorer l’histoire de l’homophobie, concept phare des nouvelles frontières de l’identité gay dont la lutte institutionnelle en serait un des principaux ciments.
Comment s’est d’abord construite l’homophobie d’État ? A-t-elle réellement disparue ? Ou bien s’est elle seulement transformée ? La gaie panique propose une analyse historico-politique de la paranoïa et des angoisses qui ont toujours entouré la question homosexuelle masculine jusqu’à son instrumentalisation par les sociétés libérales comme affirmation de leur pseudo supériorité civilisationnelle... On parle, dans ce lundisoir, d’enjeux sécuritaires, de contrôle des désirs, de fléau social et d’espoirs d’émancipation...
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