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La Lettre de Philosophie Magazine

07.03.2025 à 13:00

“Les femmes vont-elles libérer les hommes ?” Lisez un extrait de notre dernier ouvrage

hschlegel
“Les femmes vont-elles libérer les hommes ?” Lisez un extrait de notre dernier ouvrage hschlegel ven 07/03/2025 - 13:00

Les relations entre les hommes et les femmes sont aujourd’hui au cœur de tous les débats : il est temps de proposer un scénario alternatif et stimulant où les femmes ne sont plus cantonnées au statut de victimes et les hommes à celui d’éternels salauds.

C’est l’objectif que se donne Les femmes vont-elles libérer les hommes ?, de Laure Adler, Emma Becker et Romain Roszak, qui paraît aujourd’hui dans la collection « On poursuit le débat », fruit d’une collaboration avec les équipes de l’émission C ce soir, présentée par Karim Rissouli sur la chaîne France 5, et Philosophie magazine Éditeur !

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Pour débattre du sujet, nous avons réuni dans ce livre Laure Adler, journaliste et historienne, Emma Becker, écrivaine dont la voix singulière heurte un certain credo féministe et Romain Roszak, philosophe spécialiste de la pornographie. Une discussion qui ne laissera personne indifférent… Découvrez ci-dessous un extrait de la préface, par Martin Legros. L’ouvrage est disponible en librairie, ou ici à la commande.

 

« C’est au détour d’une phrase [dans Le Deuxième Sexe, I. Les Faits et les Mythes] que Beauvoir envisage, entre le moment de la guerre sans fin héritée du passé et celui de la fraternité de l’avenir, un scénario d’échappée à double entrée où la libération des hommes serait coextensive à celle des femmes. “Que de temps et de forces il gaspille, écrit-elle à propos de l’homme, à liquider, sublimer, transposer des complexes, à parler des femmes, à les séduire, à les craindre ! On le libérerait en les libérant. Mais c’est précisément ce qu’il redoute. Et il s’entête dans les mystifications destinées à maintenir la femme dans ses chaînes.” On LE libérerait en LES libérant ! La formule est lapidaire, mais claire : on libérerait l’homme en libérant les femmes. Au lieu de laisser l’homme captif des représentations mystificatrices qui font de lui le maître et le séducteur, il serait incité à s’ouvrir à une autre expérience de la liberté, plus authentique et plus profonde parce que mutuelle.

Les femmes peuvent-elles libérer les hommes ? Si brièvement évoquée soit-elle par Beauvoir, l’hypothèse mérite d’être examinée de plus près. En sus des droits, des responsabilités, des bonheurs nouveaux qu’elles sont en train de conquérir pour elles-mêmes, les femmes ne vont-elles pas libérer les hommes de tout le galimatias de représentations, d’attentes et de pratiques malsaines que des siècles de domination ont distillées dans leurs corps et leurs esprits ? 

Dans l’affirmative, est-ce qu’il faut envisager cette libération comme un objectif que les femmes pourraient se donner ? Mais celles-ci n’ont-elles pas déjà assez à faire avec leur propre libération ? Pourquoi leur reviendrait-il de se charger, une fois de plus, du soin des hommes ? Ne faut-il pas plutôt la concevoir comme un effet second et positif sur les rapports entre les sexes de la libération des femmes ? Qui inciterait par exemple les hommes à ne plus se considérer comme des individus abstraits, incarnation du genre Homo, mais comme des êtres sexués, tout aussi déterminés que les femmes par cette condition. “L’homme oublie superbement que son anatomie comporte aussi des hormones, des testicules”, relevait Beauvoir dès l’ouverture du Deuxième Sexe. “Il saisit son corps comme une relation directe et normale avec le monde qu’il croit appréhender dans son objectivité, tandis qu’il considère le corps de la femme comme alourdi par tout ce qui le spécifie : un obstacle, une prison.” Voilà un des effets possibles de la libération des femmes : que les hommes arrêtent de considérer qu’ils sont de plain-pied dans l’universel et se pensent, enfin, à partir du point de vue particulier, partiel et partial, qui est le leur. Or, dans ce registre, les femmes ont une longueur d’avance. “La femme, l’être relatif...” La formule de Michelet qu’aime à citer Beauvoir pourrait s’appliquer aux deux sexes. L’homme s’est pensé comme “Sujet”, comme “Absolu”, face à “l’Autre”, la femme, constate Beauvoir. Et s’il se pensait, à son tour, comme l’Autre ?

Si l’émancipation des femmes ne peut manquer de bouleverser également le destin des hommes, ce serait faire preuve d’une étrange appréhension que de présumer que le solde de cette transformation ne puisse être pour eux que négatif, que les libertés nouvelles que les unes sont en train de conquérir ne puissent se traduire pour eux qu’en sacrifices et renoncements. Qui dit qu’il n’y a pas derrière le partage de toutes les tâches et de toutes les responsabilités des satisfactions nouvelles, pour les deux sexes ? L’expérience d’une communication nouvelle débarrassée de “l’équivoque” que des siècles d’inégalité ont installée entre eux, selon la formule de Beauvoir ? »

 

Les femmes vont-elles libérer les hommes ?, extrait de la préface, par Martin Legros

Les femmes vont-elles libérer les hommes ? est disponible ici.

mars 2025

07.03.2025 à 08:00

Quel type de régime veut instaurer Donald Trump ? La chronique de Michel Eltchaninoff

nfoiry
Quel type de régime veut instaurer Donald Trump ? La chronique de Michel Eltchaninoff nfoiry ven 07/03/2025 - 08:00

Le retour au pouvoir de Donald Trump inaugure un projet inédit. Le président américain s’appuie à la fois sur la conviction de la supériorité des riches et sur la volonté d’en faire profiter tous les Américains… aux dépens des autres peuples. De quoi créer un nouveau type de régime ? Réponse de Michel Eltchaninoff dans sa chronique « Jeux de stratégie » extraite de notre nouveau numéro.

mars 2025

06.03.2025 à 18:20

Administration Trump : la conjuration des imbéciles

hschlegel
Administration Trump : la conjuration des imbéciles hschlegel jeu 06/03/2025 - 18:20

« Stand up for science, le mouvement initié aux États-Unis pour résister aux attaques lancées par l’administration Trump contre les grandes institutions scientifiques américaines, fait tache d’huile en France : demain, vendredi 7 mars, ce sera l’occasion d’affirmer avec Orwell que la liberté, c’est d’abord la liberté de pouvoir dire que deux et deux font quatre. Faut-il vraiment emboucher les trompettes de 1984 pour se lever pour la science ? Oh que oui.

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Se lever pour la science, ce n’est pas seulement bâtir une digue contre le climato-scepticisme et les antivax. C’est défendre le travail d’une communauté de gens, éclatée en tribus qui ne parlent pas le même langage, ne poursuivent pas les mêmes buts, ne sont pas plus (ou moins) éthiques que vous et moi, et pas plus objectifs : “Ce serait une erreur, écrit Karl Popper, de croire que les scientifiques sont plus ‘objectifs’ que les autres. L’objectivité du savant n’est pas une affaire d’individu mais de de la science elle-même (ce que l’on peut appeler la coopération amicalement hostile des scientifiques, autrement dit leur aptitude à exercer une critique mutuelle).” Si quelqu’un affirme avoir découvert la supraconduction à température ambiante ou déclare avec Microsoft que la nouvelle puce Majorana 1 représente une percée sans précédent vers l’ordinateur quantique, il y aura un paquet de gens qui vont analyser l’annonce, refaire l’expérience si c’est possible, critiquer ses étapes et, le cas échéant, dire que non, pas cette fois. Mais il y a plus : cette communauté unie par la critique l’est également, et peut-être avant tout, par le désir de savoir, connaître, découvrir et lever, chacun à sa manière, un petit “coin du grand voile”(comme l’écrivait Einstein à propos de la dualité onde-corpuscule suggérée par Louis de Broglie). Au fond – je résume –, la plupart des scientifiques pensent que tout n’est pas relatif et qu’il y a une vérité du monde derrière le grand voile. Ça vaut le coup de se lever, non ?

Car nous assistons aujourd’hui à une forme de populisme anti-science qui dépasse largement les frontières des États-Unis. Celui-ci vient puiser une énergie renouvelée dans la haine professée par le mouvement MAGA contre tout ce qui ressemble à une vérité absolue, un savoir venu d’un monde d’experts qu’ils considèrent comme des ennemis dès lors que ces derniers se font les défenseurs d’une vérité scientifique pouvant être contestée uniquement sur des bases scientifiques.

Hannah Arendt note que “le totalitarisme, une fois au pouvoir, remplace invariablement tous les vrais talents, quelles que soient leurs sympathies, par ces illuminés et ces imbéciles dont le manque d’intelligence et de créativité reste la meilleure garantie de leur loyauté”. La présidence Trump ne conduit pas au totalitarisme (il faudrait inventer un mot : le capitalotarisme ? la couillosphère ?) et ne rassemble certes pas que des imbéciles ou des illuminés (tout de même, ils paraissent nombreux) ; en revanche elle incorpore des “éléments” de totalitarisme. Et parmi ceux-ci, il y a cette étonnante mafia qui compose son gouvernement, à commencer par un vice-président qui aime à répéter le mot de Richard Nixon : “Les professeurs, voilà l’ennemi.” Aux Origines du totalitarisme, Arendt identifiait un élément central : pas tant la solitude des individus dans le monde moderne que la désolation – -solé, la privation de sol. Ce sentiment de déracinement que ressent, je le suppose, une partie des électeurs trumpistes aujourd’hui est probablement l’une des clefs du succès de Donald Trump. Et la voie royale vers le monde de la Conjuration des imbéciles, de John Kennedy Toole, où “les dieux du Chaos, de la démence et du mauvais goût prirent le dessus”»

mars 2025

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