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06.03.2025 à 12:05

LA LETTRE DU 6 MARS

la Rédaction
Ukraine : Macron et la stratégie du choc

Texte intégral 1160 mots

Ukraine : Macron et la stratégie du choc

par Catherine Tricot

Pour faire face à la dangereuse situation, le président entend dépenser plus dans l’armée sans impôt supplémentaire. Une fin de mandat pour boucler la boucle du macronisme originel.

Hier soir, mercredi 5 mars, Emmanuel Macron a employé un ton sans manière et solennel pour marquer les esprits et une rupture. Signe d’une inquiétude grandissante dans le pays, nous étions très nombreux devant nos écrans, plus de 15 millions, pour écouter son analyse et ses propositions. D’entrée, il le confirme : « Nous entrons dans une nouvelle ère ».

Il n’a pas lésiné pour convaincre que la guerre avec la Russie a déjà commencée et nous ne connaissons pas ses développements. Son argument était double : la guerre n’est pas que militaire et elle nous frappe déjà. Les cyberattaques contre les hôpitaux en est un exemple particulièrement anxiogène. Les autres exemples pris par le président, ceux des assassinats politiques, des influences étrangères dans les élections, de la manipulation des opinions, on le pressentait déjà et on ne l’attribue pas qu’aux Russes, hélas.

Il a poursuivi sa démonstration avec un chiffre choc : les Russes consacrent « plus 40% de leur  budget » à l’armement. Selon Statista, les Russes dépensaient en 2023, 110 milliards de dollars (100 milliards d’euros) par an pour leur armée, soit autour de 6% de leur PIB. C’est un doublement en 15 ans. C’est déjà beaucoup. Inutile d’en rajouter. Pour se fixer les ordres de grandeur, les Américains dépensent plus de 750 milliards de dollars par an pour leur armée, les Chinois 260. Le président a surtout montré, graphiques à l’appui, leurs intentions de poursuivre leurs efforts d’armements et de modernisation.

Dans un langage diplomatique, sans chercher l’affrontement avec les États-Unis, il a voulu préparer la fin du partenariat avec ces grands alliés historiques. Là encore, deux arguments : les évolutions récentes de la politique américaine conduisent à préparer cette hypothèse – « Je veux croire que les États-Unis resteront à nos côtés. Mais il nous faut être prêts si tel n’était pas le cas ». Il ajoute un argument moins conjoncturel, qu’il a souvent répété : « L’avenir de l’Europe n’a pas à se décider à Moscou ou à Washington«  et « la menace revient à l’Est ».

Donc il faut accroître nos dépenses militaires. Rappelons qu’elles vont passer de 32 milliards par an en 2017 à 50 milliards aujourd’hui et 69 milliards en 2030. Mais, selon Emmanuel Macron, les nouvelles augmentations de dépenses devront se faire sans augmentation des impôts. Ha ! Mais pourquoi ? Parce qu’il en a décidé ainsi. « Il faudra des réformes, du choix, du courage […] les moment exigent des décisions sans précédent […] Nous ne pouvons avoir les mêmes débats que naguère. » Revoilà notre Macron disruptif et libéral ! Mettant en oeuvre les analyses de Naomie Klein développées dans son livre La stratégie du choc, Emmanuel Macron se saisit de ce moment de hausse des dépenses militaires pour ouvrir une nouvelle brèche dans le modèle social français. Ce qu’il n’a pas réussi à faire en sept ans de présidence, il compte le faire en deux ans.

Ce faisant, le chef de l’État contredit une de ses assertions les plus justes : Pour défendre la démocratie, une certaine idée de l’humanisme […] les décisions politiques, les équipements militaires, les budgets sont une chose. Mais ils ne remplaceront jamais la force d’âme d’une nation ». Alors faut-il une fois encore la brutaliser ? La France défend la démocratie, l’humanisme parfois par les armes et toujours par des politiques sociales, de redistribution et protectrice. Sinon, ça ne convainc pas et affaiblit le force d’âme de notre nation. Emmanuel Macron a tort d’ouvrir ce front.

Catherine Tricot

RÉSISTANCE DU JOUR

La science se lève contre l’obscurantisme

Les capitalistes, les anti-wokes, les climatosceptiques, les religieux, galvanisés par l’arrivée au pouvoir de Trump, s’attaquent à l’université. Entre coupes budgétaires ciblées, interdictions d’ouvrages et annulations d’enseignements, les libertés académiques sont sévèrement attaquées. Le mouvement étasunien « Stand up for Science » qui réunit professeurs, chercheurs et étudiants, s’organise. Il trouve des échos en France où la situation inquiète : un rassemblement est prévu vendredi 7 mars à 13h30 devant Jussieu à Paris.

P.P.-V.

ON VOUS RECOMMANDE

La soirée de lancement du livre de Clémentine Autain L’avenir, c’est l’esprit public, ce vendredi à 19h au point Éphémère (200 quais de Valmy dans le 10ème arrondissement de Paris). Au programme, des discussions avec des représentants de luttes sociales, dans l’industrie, l’hôpital ou l’éducation. Avec le syndicaliste Christophe Delecourt, l’économiste Anne-Laure Delatte, le philosophe Michaël Foessel et le journaliste Edwy Plenel. (Et pour ceux qui n’habitent pas à Paris, elle fait une tournée ! Plus d’infos en cliquant ici)

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06.03.2025 à 11:26

7 grands axes pour construire la paix

Clémentine Autain
L'élection de Donald Trump accélère le cours de l'histoire. L'ordre mondial en est chamboulé, avec la guerre pour moteur. Clémentine Autain en appelle au réveil de "l'esprit public" contre la loi du plus fort.

Texte intégral 1242 mots

L’élection de Donald Trump accélère le cours de l’histoire. L’ordre mondial en est chamboulé, avec la guerre pour moteur. Clémentine Autain en appelle au réveil de « l’esprit public » contre la loi du plus fort.

Il faut du temps pour digérer et ingérer la rupture qui vient de se produire dans l’ordre mondial. Et pourtant, il y a urgence à défendre une perspective stratégique de paix, et donc de justice et de démocratie. C’est pourquoi je mets ici en partage 7 grands axes. Comme pour la politique intérieure, ils reposent sur le réveil de ce que j’appelle l’esprit public, c’est-à-dire la solidarité, la coopération, la démocratie contre la loi du plus fort, la prédation et la marchandisation, l’autoritarisme :

  1. Nous devons affirmer notre solidarité avec le peuple ukrainien agressé par la Russie de Vladimir Poutine et méprisé par Donald Trump, qui encourage le massacre des populations civiles ukrainiennes et la russification des territoires occupés. Notre fil à plomb est dans la défense du principe de l’autodétermination des peuples et des frontières reconnues par le droit international. Nous ne pouvons accepter que la loi du plus fort et l’accaparement de ressources l’emporte sur le droit international et la démocratie.
  1. Ce soutien au peuple ukrainien doit se traduire dans les actes, loin de tout esprit munichois et sans engrenage guerrier. C’est une ligne de crête mais elle est la seule qui peut enrayer la mécanique conduisant à une troisième guerre mondiale. Autrement dit, il s’agit d’aider concrètement les Ukrainiens qui se battent pour leurs droits, et non d’entrer en guerre directement avec la Russie.
  1. Ni Poutine, ni Trump, ce mot d’ordre rassemble. Si les régimes aux États-Unis et en Russie ne sont pas les mêmes, ces deux présidents portent, l’un et l’autre, la haine de la démocratie et l’impérialisme. L’un et l’autre se battent pour accaparer, et de façon brutale, les ressources rares sur une planète dont les limites deviennent tangibles. Combattre Poutine et Trump signifie que nous devons en finir avec l’atlantisme et avec le campisme – non, les ennemis de nos ennemis ne sont pas nos amis. Cela signifie aussi que nous ne nous inscrivons pas dans une logique de camps. À la puissance de la force, nous opposons la force des principes, les règles de droit, la logique de biens communs. Il faut rompre avec la prédation, la loi du profit et le productivisme débridé, pour défendre un changement profond de modèle de développement, soutenable pour l’écosystème et favorisant la paix. Le capitalisme insatiable conduit à la guerre pour l’accès aux ressources.
  1. Prendre la mesure des bouleversements monde qui n’est plus celui d’hier, c’est chercher à nouer des alliances sur toute la scène internationale pour faire avancer la justice et la démocratie, et donc la paix, par la diplomatie et le multilatéralisme. Face aux puissances impérialistes brutales, il nous faut construire des convergences sur la base de la défense de principes et d’objectifs précis. Il nous faut plaider pour un nouvel ordre mondial fondé sur le droit, et non la force. Car il n’y a plus d’Occident. Il n’y a pas non plus de Sud Global. C’est pourquoi chercher des alliés à l’intérieur de l’Union européenne et en dehors pour faire contrepoids aux puissances impérialistes est une nécessité. Cela suppose de sortir de la culture des blocs.
  1. La guerre en Ukraine et la menace de son extension impliquent que nous soyons capables de nous défendre. Il est désormais clair pour toutes et tous que les États-Unis de Trump ne peuvent aucunement assurer notre sécurité. Et puis, Poutine va-t-il s’arrêter là ? Rien ne l’indique. Il nous revient donc de renforcer notre système de défense car nous devons montrer que personne n’a intérêt à une guerre contre nous. Mais les dépenses militaires ne peuvent se faire en comprimant celles qui servent les besoins essentiels de la population. Elles n’ont pas non plus vocation à se substituer à une stratégie diplomatique, ni à servir les besoins du capitalisme. Leur financement doit passer par une contribution des ultra-riches et des grands groupes et par une coordination européenne – l’UE pourrait d’ailleurs commencer son aide par un effacement partiel de la dette des États par la BCE pour leur permettre d’investir. Comment se fait-il que lorsqu’il s’agit de défendre l’esprit public, l’État social et la transition écologique, il n’y a pas d’argent et quand il s’agit d’armement, la présidente de Commission européenne, Ursula von der Leyen, trouve 150 milliards d’euros tout de suite et annonce garantir 800 milliards d’euros en tout ? Quand on sort des critères de Maastricht, c’est pour investir dans l’armement ! Mais que chacun soit lucide : on ne refait pas nos capacités militaires pour combler le défaut des États-Unis dont on a si longtemps dépendu en quelques semaines, ni en quelques mois. On ne partage pas non plus à 27 la dissuasion nucléaire, surtout quand ces 27 comptent la Hongrie de Orban et l’Italie de Meloni. Et on ne bâtit pas une armée sans socle commun partagé et sans contrôle démocratique digne de ce nom. Raisons de plus pour se doter avant tout d’une stratégie d’alliances sur la scène internationale et d’investir le champ de la diplomatie.
  1. Le réarmement ne fait pas une stratégie. Nous ne voulons pas seulement défendre les intérêts de la France mais aussi des principes, une certaine vision géopolitique appuyée sur le droit, la démocratie et la justice qui servent les peuples à travers le monde. C’est pourquoi le droit international est fondamental. Si l’organisation mondiale issue du compromis de 1945 ne correspond plus aux coordonnées de notre temps, il nous faut travailler à un nouvel équilibre, à un nouvel édifice international.
  1. Dans ce contexte, la victoire ou non de Marine Le Pen en France est aussi un enjeu de paix mondiale. C’est pourquoi le rassemblement des forces de gauche et écologistes pour offrir une perspective de victoire, pour ouvrir un espoir de progrès face à la montée du RN est une responsabilité empreinte de gravité. Devant le tragique de l’histoire, l’heure est venue de se mettre au travail pour construire l’alternative à la vague brune dans notre pays. Et elle passe par une doctrine géopolitique commune aux forces de gauche et écologistes.

06.03.2025 à 11:26

Grand remplacement : et la volaille tua le cochon

Loïc Le Clerc
Les Français consomment désormais plus de volaille que de porc. C'est la fin de la civilisation judéo-chrétienne !

Texte intégral 630 mots

Les Français consomment désormais plus de volaille que de porc. C’est la fin de la civilisation judéo-chrétienne !

Alors que le musulmans sont en plein ramadan, les fachos partagent des photos sur les réseaux d’eux posant avec des saucissons. Isabelle la catholique et Charles Martel n’ont qu’à bien se tenir !

Mais il y a un mal bien plus insidieux : le grand replacement dans l’assiette. Le site d’extrême droite Boulevard Voltaire s’en est fait l’écho : « Moins de porc, plus de poulet : des tendances alimentaires qui en disent long. La popularité croissante du poulet en France ne serait pas sans lien avec un certain changement démographique… »

Il est un fait : pour la première fois en France, en 2024, la consommation de volaille a dépassé celle de porc. Et nos amis les fachos, il en comprennent quoi ? Que c’est la faute à l’immigration. Les Noirs aiment le poulet et les musulmans ne mangent pas de porc. CQFD, fin de la démonstration.

Une analyse poussée qui nous a donné envie d’aller voir plus loin. On a tapé « Quel est le plat préféré des Français ? » sur Google et – roulement de tambour –, le grand remplacement est pire que ce qu’en disent nos copains fachos !

Selon un sondage CSA, le deuxième plat préféré des Français est la raclette. Le troisième plat ? La pizza – la France est même le premier consommateur de pizzas au monde ! C’est à cause de l’immigration suisse et italienne ! Le quatrième ? Le coucous ! Tuez-moi sur le champ… Le huitième ? La paella. Saleté d’Espingouins ! Neuvième ? La choucroute. V’là les Boches !

On n’est plus chez nous !!!

Certes, mais qu’on se rassure, LE plat préféré des Français, c’est le traditionnel poulet-frites du dimanche. Et selon une autre étude, Opinionway, c’est le magret de canard. Ça serait donc cette bonne vieille France qui mange de la volaille ?

Or, comme le note Konbini, « il y a un hic. Pourquoi cette enquête est surprenante ? Parce que ‘préférés’ ne signifie pas ‘consommés’. » Et en matière de consommation, ce qui domine, ce sont les pâtes et le riz. Salauds de ritals et enfoirés de Chinois ! Côté sucré, c’est… le Nutella. Côté fromage ? L’emmental suisse et la mozzarella italienne…

On n’est toujours pas chez nous !

Mais alors, y aurait-il derrière cette victoire du gallinacé sur le porcin une explication plus économique ? À l’instar des autres viandes, tout est plutôt en baisse, l’inflation oblige. Reste que le poulet, ça coûte moins cher que le reste. Ça peut être aussi simple que ça. Ou mieux : les Français aiment bien manger un peu de tout, qu’importe l’origine culturelle du plat et puis ça évolue avec le temps et tout le monde s’en porte bien – sauf les fachos. Car rien n’est plus vendeur qu’une pancarte « C’est la faute aux métèques ! »

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