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17.11.2021 à 22:00

100 douilles sur le sol : qui voulait tuer Young Dolph ?

Servan Le Janne

Young Dolph est mort. Le rappeur de 36 ans, de son vrai nom Adolph Robert Thornton Jr., a été assassiné ce mercredi 17 novembre dans sa ville de Memphis. Il achetait des gâteaux dans une boutique quand, d’après le témoignage du propriétaire, un homme à bord d’une voiture a ouvert le feu sur le rappeur. […]

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Texte intégral 2370 mots

Young Dolph est mort. Le rappeur de 36 ans, de son vrai nom Adolph Robert Thornton Jr., a été assassiné ce mercredi 17 novembre dans sa ville de Memphis. Il achetait des gâteaux dans une boutique quand, d’après le témoignage du propriétaire, un homme à bord d’une voiture a ouvert le feu sur le rappeur. Les policiers ont constaté son décès sur les lieux.

Ce n’était pas la première fois que Young Dolph était la cible de tirs. Il avait même bâti une partie de sa réputation après avoir survécu à une fusillade : en 2017, des tireurs l’avaient pris pour cible 100 fois dans la ville de Charlotte, en Caroline du Nord. Après avoir survécu à l’assaut, il avait intitulé son deuxième album Bullettproof. Ce mercredi malheureusement, Young Dolph ne se relèvera pas.

Alors qu’une enquête pour homicide va s’ouvrir, nous avions écrit cet article en 2017 pour tenter de comprendre qui en avait après le rappeur.

Sang et or

Une silhouette longiligne contourne l’enseigne du Loews Hollywood Hotel pour se diriger vers l’entrée. Depuis le parvis, ce mardi 26 septembre 2017, le rappeur américain Young Dolph voit les palmiers bordant la Highland Avenue de Los Angeles se refléter dans l’immense tour de verre qui lui fait face. À côté d’eux, l’ombre laissée par son mètre quatre-vingt dix sous le soleil de 13 heures apparaît minuscule. Mais enfin, Young Dolph est le « King of Memphis ». La veille, l’artiste du Tennessee né Adolph Thornton Jr était en concert à Austin, au Texas, aux côtés de 2 Chainz. Pour chauffer la salle, il a dégainé les morceaux de son deuxième album Bulletproof, sorti le 1er avril 2017 et classé 36e au classement Billboard. Le dauphin qu’il arborait au bout d’un pendentif s’est alors balancé sur les beats de grands producteurs comme Zaytoven, Metro Boomin ou DJ Squeeky. Et les dorures de son t-shirt Gucci blanc brillaient comme en clin d’œil à Gucci Mane, auteur d’un featuring sur le morceau « That’s How I feel ». Les deux hommes sont amis.

Young Dolph à L.A.

À Los Angeles, Young Dolph porte un t-shirt Gucci noir, un pantalon vert et un bandana rouge et jaune au moment de rentrer à l’hôtel. Dans deux jours, il doit jouer au Marke, une boîte de la ville californienne. Mais devant l’édifice, trois hommes lui coupent la route. Une rixe dont les origines restent mystérieuses éclate. Envoyé au sol, le rappeur reçoit plusieurs balles. Tandis qu’il se traîne vers la boutique Shoe Palace située juste à côté du Loews, ses agresseurs décampent en laissant derrière eux leur Cadillac Escalade dorée. Dans un état critique mais stable lorsqu’il arrive à l’hôpital, Adolph Thornton Jr s’en sortira. Son pronostic vital n’est pas engagé. Quant à ceux qui lui ont tiré de dessus, il est encore trop tôt pour savoir s’ils courent toujours. Dans les heures qui suivent les coups de feu, des témoins mettent la police de Los Angeles sur la trace de « deux hommes noirs et un Hispanique », selon  l’inspecteur du Los Angeles Police Department Meghan Aguilar. Sur les trois hommes arrêtés dans les environs, deux sont rapidement relâchés. Le t-shirt blanc du dernier pourrait correspondre à cette « couleur vive » décrite par des passants. Mais c’est bien peu. La police a une autre piste. D’après des sources proches du dossier, un rappeur venant lui aussi de Memphis, Yo Gotti, avait une chambre au Loews. Or leur relation n’est que conflit depuis 2014. Lui en voulait-il suffisamment pour tirer ? En sondant le passé de Young Dolph, les enquêteurs découvrent qu’un de ses amis, Bankroll Fresh, a été tué par balles devant leur studio commun d’Atlanta, Street Execs, en mars 2016.

Ils se rappellent aussi que Tupac, 50Cent et Rick Ross se sont auparavant fait tirer dessus. L’histoire bégaye. « C’est très rare, mais quand ça arrive c’est habituellement parce que les rappeurs intègrent vraiment le monde criminel », analyse l’écrivain et journaliste américain Seth Ferranti. Une autre fusillade à laquelle Young Dolph a échappé il y a six mois peut donc peut-être aider la police à y voir plus clair.

Le LAPD devant le Loews Hotel après la fusillade
Crédits : DR

L’avertissement

Quelques heures avant son arrivée à Los Angeles, Young Dolph s’assoit sur un trône en or devant le public de l’Emo’s Austin, une salle de concert de la ville texane. Puis, levant le micro qu’il tient dans sa main gauche au niveau de sa bouche, il entonne « In Charlotte », le deuxième morceau de l’album Bulletproof, nommé ainsi d’après le nom de la ville de Caroline du Nord. « Ce type a tiré toute ses putains de balles, il n’a rien touché », éructe-t-il. Une référence non dissimulée aux tirs qui ont ciblé sa voiture six mois plus tôt, justement à Charlotte. Le vendredi 24 février, le roi de Memphis autoproclamé débarque dans un club de cette ville de 800 000 habitants, le Cameo, avec 21 Savage et Migos.

C’est le lendemain, alors qu’il s’apprête à remonter sur scène à l’occasion d’une compétition d’athlétisme, que son SUV noir reçoit une rafale d’une centaine de balles sur la North Caldwell Street où il est garé, à 18 h 39. Constatant que personne n’est blessé, le rappeur donne le concert avant de tweeter « Perdu » le lendemain. À qui s’adresse-t-il ? Tous les regards se tournent vers Yo Gotti, son rival de Memphis qui vient de sortir un titre en forme d’avertissement deux semaines plus tôt, intitulé « Don’t Beef With Me (Young Dolph Diss) ». L’enquête écarte néanmoins son profil pour privilégier celui d’un de ses proches, Blac Youngsta, moins connu mais plus impliqué dans leur duel à distance, démarré en 2014. À cette période, Young Dolph a déjà sorti une dizaine de mixtapes dont une, l’année précédente avec Gucci Mane. C’est la seule à ne pas être signée sur le label qu’il a fondé en commençant la musique, Paper Route Empire, en 2008. Né en 1985 à Chicago, Adolph Thornton Jr. grandit à Memphis à partir de l’âge de deux ans avec deux sœurs, autant de frères et un manque : le duo parental fait défaut. « Maman étant toujours dans la rue, devine qui m’a éduqué », rappe-t-il dans le tube « Preach ». L’album Rich Crack Baby revient plus tard pudiquement sur l’addiction du couple à la drogue. À la mort de sa grand-mère, en 2008, le jeune homme décide de « raconter [s]on histoire ».

Ses amis et lui estiment que, contrairement à beaucoup de rappeurs, il connaît d’expérience les thèmes de prédilection du genre. « Un de mes amis qui n’arrêtait pas de me dire de faire de la musique m’a conseillé d’aller voir DJ Squezzy pour acheter des beats », raconte le rappeur. « Il m’a envoyé dans la bonne direction parce que Squezzy et moi avons fait l’histoire. » Très vite, les sollicitations qui arrivent montrent à Young Dolph qu’il a du talent. D’autant que Gucci Mane, rencontré par l’intermédiaire du producteur Drumma Boy, veut bien poser avec lui. Pour la sortie de sa mixtape High Class Street Music 4, en juillet 2014, il reçoit une invitation du journaliste de MTV Sway Calloway à participer à l’émission de radio « Sway in the Morning ». Rétif à signer avec un label, il explique avoir refusé de signer un contrat avec Yo Gotti. Les embrouilles commencent.

Un trône pour deux

Pendant près de deux ans, la déclaration de Young Dolph est restée sans réaction publique. Plus âgé et plus expérimenté, Yo Gotti peut passer pour le grand frère. Aussi goûte-t-il visiblement mal le nom de l’album que sort son cadet en février 2016 : King of Memphis. C’est par ce titre qu’il se fait appeler. « Alors que mon frère était mon fan numéro 1 et voulait me signer, c’est devenu un GROS JALOUX », commente soudain Dolph sur Twitter. Blac Youngsta s’adjuge alors le rôle de porte-flingue – sur Internet du moins, puisqu’il récuse tout lien avec les balles qui ont terminé dans la voiture de Young Dolph.

Yo Gotti
Crédits : Billboard

Dans une vidéo postée sur Instagram, la rappeur du label de Gotti interpelle son nouvel ennemi le 2 mars 2016 : « Dolph t’es une sa¤¤¤¤, t’es une petite nature, si t’as un problème, dis que tu as un problème. Tu n’es pas le roi de Memphis, tu n’est même pas d’ici, sa¤¤¤¤. » En légende, il se lâche carrément en lettres capitales : « QUAND JE VERRAI CE TYPE @YOUNGDOLPH JE JURE QUE JE VAIS LE DÉFONCER. » Gotti n’approuve pas. Il rappelle même son « frère » à la raison dix jours plus tard au cours d’une interview donnée au journaliste Tim Westwood. Ne fait-il que soigner les apparences ? Young Dolph est persuadé de sa duplicité. « Tout le monde sait que c’est toi Gotti qui envoie ton artiste dire ces conneries », écrit-il sur Instagram le 16 mars. « J’ai l’impression que tu es encore énervé parce que je n’ai pas signé chez toi. À moins que tu regrettes encore d’avoir échoué avec Gucci Mane alors que j’ai continué à envoyer du lourd avec lui. » Le lendemain, Blac Younsta sort un morceau dans lequel il lui conteste encore le titre de roi de Memphis et le renvoie à ses origines de Chicago. Vu de l’extérieur, on se perd dans ces disputes tant leurs fondements paraissent fragiles. « Les rappeurs s’embrouillent en général sur des bêtises », souffle Seth Ferranti. « Prenez le beef de NWA. Il ne s’est jamais traduit par des violences et il sont maintenant de nouveau tous amis. » Dolph, d’ailleurs, déclare n’avoir de problème avec personne. En dépit de ces tensions, Yo Gotti l’aime bien, confie Blac Youngsta après avoir laissé six mois s’écouler. Tout porte à croire que la querelle est terminée.

Blac Youngsta
Crédits : VICELAND

Mais le plus jeune des rois de Memphis n’en a pourtant pas fini. Sur la mixtape Gelato, parue début février 2017, il reprend la critique qui a mis le feu aux poudres dans le morceau « Play wit yo bitch » : « Tu es passé de fan à jaloux. » Le morceau est accompagné d’un clip de huit minutes dans lequel est reproduit le moment pendant lequel Gotti aurait proposé à Dolph de signer sur son label. Non content de refuser sèchement, ce dernier se permet de lui piquer sa copine dans la vidéo. La réplique musicale, « Don’t Beef With Me (Young Dolph Diss) » sort quelques jours plus tard. Et la voiture de Dolph est retrouvée criblée de balles le 25 février. Adolph Thornton Jr a puisé dans sa jeunesse heurtée pour percer dans le rap. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il s’inspire de cet épisode malheureux pour écrire l’album Bulletproof, sorti en avril. Mais la dure réalité dont il se joue grâce aux mots l’a rattrapé le 26 septembre 2017, devant le Loews Hollywood Hotel. « La plupart du temps, les démêlés sont verbaux et non physiques », observe Seth Ferranti. « Les rappeurs ne sont pas des gangsters, mais j’ai l’impression que certains ont tendance à l’oublier ces derniers temps. Ils veulent faire les vrais plutôt que le show. » Young Dolph, lui, était seulement venu à Los Angeles pour donner un concert.


Couverture : Young Dolph. (Billboard/Ulyces.co)


 

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11.09.2021 à 08:15

Ce chien guide a sauvé son maître lors des attentats du 11 septembre

Malaurie Chokoualé Datou

par Malaurie Chokoualé | 8 min | 11/05/2014 1463 marches Les gens applaudissent autour de Michael. Il sent des formes le frôler, qui grimpent quatre à quatre. Il sert un peu plus fort le harnais de Roselle dans sa main. Ce sont des pompiers. Il tape sur une épaule qu’il sent passer non loin de lui,…

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Texte intégral 2206 mots



1463 marches

Les gens applaudissent autour de Michael. Il sent des formes le frôler, qui grimpent quatre à quatre. Il sert un peu plus fort le harnais de Roselle dans sa main. Ce sont des pompiers. Il tape sur une épaule qu’il sent passer non loin de lui, un geste qu’il espère encourageant. Il ne sait pas où ils vont, mais ce ne peut être qu’en enfer. La file avance pas à pas, marche après marche. Michael sue à grosses gouttes sous son costume un peu trop large pour lui et ses cheveux éparses collent sur son crâne. Une insistante odeur de carburant flotte dans l’air du couloir surchauffé, brûlant les yeux des marcheurs. Alors qu’ils passent le 50e étage, un bruit effroyable les saisit tous. C’est le vol 175 d’United Airlines qui vient de percuter la tour Sud, mais ils ne l’apprendront que plus tard.

Roselle halète, cherchant elle aussi un peu d’air pour avancer. Étage après étage, sa respiration se fait plus rauque, difficile, la gorge abîmée par l’odeur du fuel et de la fumée. Son pelage jaune à l’origine, est terni par un mélange grisâtre de suie et de débris. Michael s’inquiète pour elle, creusant les rides qui barrent son front.

Roselle avec un autre chien
héros du 11 septembre 2001, Salty

Après 50 minutes de descente, ils atteignent enfin le hall de l’immeuble. Le sol est inondé à cause des nombreux tuyaux brisés. Roselle lape les flaques ici et là pour étancher sa soif dévorante. Il leur faut encore dix minutes pour sortir du bâtiment. « Courez, ne regardez pas en haut, ne regardez pas en arrière ! » crient des policiers à la foule qui défile devant eux. Soudain, leurs voix sont noyées par un bruit monstrueux. C’est la tour Nord qui s’effondre.

Autour de Michael, les gens hurlent et les pas battent encore plus rapidement le bitume. « À la bouche de métro ! » hurle quelqu’un. Tout le monde se met à courir. Roselle guide son maître à travers les débris, toujours devant lui dans cette course effrénée. Elle reste concentrée et balaie de son regard clair l’apocalypse qui les entoure. Ils atteignent le métro et y attendent l’accalmie. En sortant à l’air libre peu de temps après, la tour Sud a disparu du ciel de New York. La tour Nord, est toujours là, vaillante mais fumante. Une trentaine de minutes plus tard, elle part rejoindre sa jumelle, emportant dans sa chute 2 605 vies. Tout le monde est couvert de suie. Et dans ce paysage de désolation, Roselle et Michael avancent toujours ensemble.

Roselle

Lorsqu’elle ne travaille pas, Roselle est allongée de tout son long sous le bureau de Michael. En ce tranquille matin du 11 septembre 2001, sa respiration laisse échapper un léger sifflement rassurant qui atteste de sa présence. Michael a su dès leur rencontre qu’ils seraient parfaitement assortis. La première fois qu’ils se sont rencontrés le 22 mai 1999, Roselle a traversé la pièce et lui a donné un coup de langue affectueux en guise d’alliance éternelle.

« Quand elle porte son harnais, elle devient moins agitée, plus concentrée »

Roselle est née le 12 mars 1998 dans l’unité de mise à bas de l’association Guide dogs for the blind, qui élève, entraîne et donne des chiens guides d’aveugles à ceux qui en font la demande. À huit semaines, ce chiot Labrador retriever jaune est amené dans une famille d’adoption à Santa Barbara qui l’élèvera pendant plusieurs mois. Elle est ensuite renvoyée chez Guide dogs for the blinds pour y compléter sa formation de chien guide d’aveugle. En novembre 1999, Roselle rencontre Michael et devient son cinquième chien guide.

Michael Hingson a eu son premier chien guide à l’âge de 14 ans, Squire. L’Américain est né à Palmdale, en Californie, en 1950. À cette époque, il existait une procédure médicale standard pour aider les nouveau-nés prématurés à respirer. Cette pratique consistait à placer le bébé dans un incubateur scellé de manière à lui fournir de l’oxygène pur jusqu’à ce qu’il soit prêt à respirer seul. Cette pratique a entraîné une épidémie de cécité chez des enfants prématurés. Entre 1941 et 1953, aux États-Unis, plus de 10 000 bébés prématurés sont devenus aveugles, comme c’est le cas du chanteur Stevie Wonder, ou de lui-même. Michael a toujours été encouragé par ses parents à être indépendant. Ils ne l’ont jamais traité différemment de son frère aîné de deux ans, Ellery.

Après Squire, Michael a été mis en binôme avec Holland, qui l’a guidé à travers ses années d’études supérieures, conclues par un master en physique. Il était également à ses côtés durant ses premières années d’emploi. Klondike a guidé Michael pendant une grande partie de sa vie professionnelle, avant d’être remplacé par Linnie, dont la carrière s’est brusquement terminée quand elle a contracté la maladie de Lyme. Fin 1999, c’est au tour de Roselle de guider Michael.

Roselle se révèle rapidement amusante, énergique et calme à la fois, comme la plupart des chiens guides. Joueuse quand elle le peut, mais travailleuse quand elle le doit. Le harnais, pour elle, est comme un uniforme. Lorsque Michael parle de sa vieille coéquipière, il ne tarit pas d’éloge à son sujet. « Quand elle porte son harnais, son comportement change », explique-t-il. « Elle devient moins agitée, plus concentrée, elle prend toujours son travail au sérieux. Elle exige que je fasse mon travail aussi. Et elle aime faire partie d’une équipe. »

Amours chiennes

Six mois après les attentats, Michael a laissé derrière lui 27 ans de carrière dans le domaine de la vente pour devenir le directeur des relations humaines de Guide dogs for the blinds. Toujours précédé par Roselle. Toute sa famille est repartie sur la côte Ouest, tirant un trait sur six ans de vie dans le New Jersey. En juin 2008, Michael a quitté Guide dogs pour créer le Michael Hingson Group afin de se consacrer essentiellement à sa carrière de conférencier et de conseiller les entreprises en matière de formation inclusive et de diversité. Il a également créé la Roselle’s Dream Foundation qui a pour objectif « d’aider la société en général et les aveugles en particulier à comprendre que la cécité ne doit pas empêcher qui que ce soit d’accomplir ce qu’il souhaite. » En 2009, rougissant légèrement de fierté, il est devenu l’ambassadeur national pour la campagne d’alphabétisation Braille, toujours accompagné de sa fidèle Roselle et de ses successeurs.

Avoir survécu aux attentats du 11 septembre 2001 a inévitablement rapproché Roselle et Michael. « Nos vies ont été menacées et évidemment notre relation en est ressortie plus forte », explique Michael. Depuis près de 17 ans, il parcourt le monde pour raconter inlassablement son histoire. Il vole de conférence en conférence, d’allocutions en discours d’inauguration, pour parler de confiance, de persévérance, de handicap et d’esprit d’équipe.

Michael présente son livre, Thunder Dog

Le matin du 11 septembre 2011, Michael s’était rendu au World Trade Center pour une journée de formation. À cette époque, il était directeur régional des ventes pour une société qui fournit des systèmes de protection des données et de stockage réseau. Quand la tour Nord a été percutée, Michael s’est astreint à ne s’affoler sous aucun prétexte. En effet, il avait un atout que n’importe quel voyant n’avait pas : Roselle. La chienne était là, à ses côtés, toujours aussi calme. Sa tranquillité présageait d’une absence de danger immédiat et Michael a choisi de suivre son jugement et de ne pas céder à la panique. « Roselle et moi, nous sommes une équipe », s’est-il dit au moment d’empoigner le harnais et de descendre les 1463 marches jusqu’à la sortie.

Selon Michael, la confiance inconditionnelle d’un chien pour un humain n’existe pas. Un chien veut de l’amour, mais n’accordera pas nécessairement sa confiance. Pour qu’elle soit forte, il faut qu’elle se développe avec le temps et que le maître arrive à imposer des règles. « Les chiens aiment les règles », affirme Michael. « Ils ont besoin de savoir qui est le patron, qui est le leader. Ils respectent quelqu’un qui les guide, avec amour et confiance. » C’est précisément ce lien profond qui a sauvé Michael. Il n’a fait que se consolider, jusqu’au décès de Roselle en 2011.

Le tonnerre

Le 24 juin 2011, Roselle est emmenée chez son vétérinaire, qui soupçonne un ulcère à l’estomac. Son état empire rapidement. Le médecin et la famille Hingson décident douloureusement de mettre fin à ses souffrances. Roselle s’éteint deux jours plus tard, en héroïne nationale. Après sa mort, elle est élue « chien héros » de l’année 2011 par American Humane Society. Les interventions de Michael à la télévision, ses conférences et surtout les deux livres qu’il a écrits en son honneur n’y sont pas étrangers.

Sorti en 2012, Thunder Dog devient rapidement un best-seller. « Je voulais que les gens comprennent que quand quelque chose d’horrible leur arrive, ils peuvent aller de l’avant. Je voulais que les gens sachent ce qu’est un chien guide, ce qu’est un aveugle ou une personne avec des déficiences visuelles », expliquait-il à l’époque. Thunder Dog est une histoire de persévérance, de compréhension de soi et de confiance en ses propres capacités. Malgré sa peur du tonnerre, Roselle a pu guider son maître à travers 78 étages d’une tour frappée par la foudre. « C’est pour cela que l’éditeur a choisi ce titre, Thunder Dog. Elle était nerveuse bien sûre, mais quand j’ai eu besoin d’elle, elle a fait exactement ce que je voulais qu’elle fasse. »

Michael avec son nouveau chien, Alamo

Près de sept ans après son décès, Michael garde un souvenir ému de Roselle. À ses côtés aujourd’hui, un Labrador noir au regard placide, tout aussi calme que ses prédécesseurs. C’est Alamo, son huitième chien guide, avec qui il travaille depuis plusieurs mois, apparemment avec succès. Les techniques d’entraînements de l’association Guide dogs for the Blinds ont évolué. Les chiens que Michael reçoit sont de plus en plus réactifs et il admet de bon cœur qu’Alamo est peut-être le meilleur qu’il ait jamais eu. « Mais Roselle était tout ce que j’aurais pu attendre d’un chien guide. »


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01.09.2021 à 09:26

Final Fantasy football : l’histoire totale de MPG racontée par ses créateurs

Servan Le Janne

par Servan Le Janne | 8 min | 17/10/2018 L’herbe folle pousse toujours là où l’attend le moins. En semant négligemment quelques graines il y a sept ans, les trois fondateurs de Mon petit gazon (abrégé MPG) étaient loin de se douter qu’ils récolteraient de tels fruits. Aujourd’hui, le jeu de « fantasy football » rythme le…

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Texte intégral 2380 mots

L’herbe folle pousse toujours là où l’attend le moins. En semant négligemment quelques graines il y a sept ans, les trois fondateurs de Mon petit gazon (abrégé MPG) étaient loin de se douter qu’ils récolteraient de tels fruits. Aujourd’hui, le jeu de « fantasy football » rythme le week-end de centaines de milliers de fans français. Depuis la terrasse de leur bureau du IXe arrondissement de Paris et sa fausse pelouse, Martin Jaglin, Grégory Rota et Benjamin Fouquet reviennent sur leur épopée digne d’un Petit Poucet en Coupe de France.

Au début de l’aventure, en 2011, ces trois collègues d’une agence de marketing numérique ont voulu créer un jeu de fantasy football convivial. Leur espèce de Football Manager en ligne, simplifié mais néanmoins arrimé aux performances réelles, était personnel. Ils n’avaient pas le temps d’essayer d’en faire la promotion ou de le complexifier. C’est cette simplicité, conjuguée à une bonne dose de second degré, qui ont fait son succès.

À ceux qui ne connaissent pas encore MPG, Martin Jaglin explique que « chaque week-end, quelqu’un défie un ami dans le jeu virtuel et le bat si ses joueurs jouent bien dans le championnat de France réel ». Le trio se référait aux notes de L’Équipe pour juger leurs performances et aux matchs de la Ligue 1. Ce qui lui a valu des menaces de poursuite. Mais quand, fort de leur succès, ils ont cessé de n’être que des amateurs, pour devenir des promoteurs du football français, Martin, Grégory et Benjamin ont été adoubés par le quotidien et les instances. La réussite est totale.

La fibre du jeu

Martin Jaglin : Au moment de lancer Mon petit gazon, en septembre 2011, je travaillais dans une société de marketing numérique qui marchait bien, 1000mercis. J’y suis arrivé en 2005, deux ans après Grégory et Benjamin. Rien ne nous poussait à chercher une autre activité. De toute manière, ce projet entre potes n’était pas voué à prendre une grande ampleur. L’univers de ce qu’on appelle le « football fantasy », alors bien plus développé en Angleterre qu’en France, ne nous était guère familier. Nous jouions ensemble à FIFA et PES quand un jour, nous avons découvert un jeu créé par des Lyonnais, Fantaleague, qui ressemblait à un Football Manager en ligne. Le côté interactif nous a séduits.

Martin Jaglin (à droite)
Crédits : L’Équipe

Gregory Rota : Les sites de football fantasy qui existaient ne nous emballaient pas vraiment. En fait, MPG a été conçu comme le jeu auquel nous voulions jouer, et nous avons eu la chance qu’il plaise. Nous étions loin de penser que ça deviendrait une entreprise.

Benjamin Fouquet : Il y avait non seulement une certaine alchimie, mais aussi une complémentarité entre nous trois. En jouant à Fantaleague, nous nous sommes dit que nous pourrions allier nos compétences pour l’améliorer. Fantaleague était un peu trop compliqué. Alors nous avons repris le site pour partir de zéro. Certains collègues se sont mis à jouer mais nous n’en parlions pas tellement au bureau. Ça restait une agence marketing. En revanche, le projet nous a rapprochés d’ami·e·s qui aiment le foot.

Gregory Rota : Martin a grandi à côté de Paris et supporte donc le PSG, tandis que Benjamin est Bordelais. J’ai beau être originaire de Vesoul, dans l’est de la France, mon cœur battait pour l’Olympique de Marseille. Dans les années 1990, c’était l’équipe qui faisait rêver tant par ses résultats que par la ferveur qu’elle drainait. À cette période-là, il y a eu un premier ordinateur chez moi. J’aimais déjà les jeux vidéo donc je me suis passionné pour le web. En parallèle de mes études en informatique, je jouais à FIFA, PES et Football Manager.

Benjamin Fouquet : Internet m’a toujours attiré mais, comme beaucoup d’étudiants, je n’avais aucune idée du métier que je voulais exercer. J’ai fait une école de commerce pour me spécialiser, au sein de laquelle je me suis naturellement dirigé vers les nouvelles technologies. Ensuite je suis monté à Paris pour travailler dans le marketing en ligne. Je lisais L’Équipe mais je n’étais pas non plus du genre à regarder les notes de chaque joueur après les matchs.

La rançon du succès

Martin Jaglin : Au départ, les notes des joueurs de MPG étaient celles de L’Équipe. Nous avions conçu un robot pour les récupérer sur le site du quotidien sportif. Quand elles ont été retirées d’Internet, nous avons dû les rentrer une par une à partir du journal papier, le dimanche soir et le lundi matin. Dès que le jeu a commencé à se faire un peu connaître, L’Équipe nous a envoyé une lettre en recommandé, menaçant de nous attaquer en justice car nous nous servions de leur propriété intellectuelle. Alors, nous avons dû développer notre propre algorithme.

Benjamin Fouquet : Ça a été un mal pour un bien car cela nous a permis de conserver notre indépendance. Avant ça, c’était vraiment archaïque, on entrait les dernières notes à 7 heures du matin le lundi. Nous nous sommes tournés vers une société qui fournissait des statistiques, Opta, et nous les avons entrées dans un algorithme. Grâce à lui, on avait le pied à l’étrier et on pouvait appliquer la technique à d’autres championnats.

Grégory Rota : À partir de 2015, le site a commencé à être pas mal fréquenté. Nous passions du temps à répondre à des e-mails et corriger les erreurs. En octobre, j’ai pris la décision de quitter mon poste pour m’occuper à plein temps de MPG. Je ne voulais pas regretter de passer à côté de cette aventure. Le site était encore assez laid donc nous avons lancé une campagne de crowdfunding en février 2016. Alors que nous espérions récolter 16 000 euros, les internautes nous en ont donné 40 000. Ça nous a permis de concevoir une application, et d’embaucher un graphiste et un technicien pour refondre le site. On l’a cassé pour tout refaire en trois mois.

Martin Jaglin : À mon tour, j’ai quitté 1000mercis pour consacrer tout mon temps à MPG en 2016. Les réunions se passaient d’abord dans la cuisine de l’un ou de l’autre, puis dans des espaces de co-working. Cela dit, je n’aime pas trop parler de start-up pour décrire MPG. Ça laisse l’impression qu’on émet des idées simplement pour récolter des fonds. Nous avons monté notre entreprise pas à pas, ce qui nous donnait l’impression de réaliser quelque chose de cool qui grandissait petit à petit. Il a bien fallu cinq ans pour qu’on lâche nos emplois.

Benjamin Fouquet : MPG a fonctionné parce qu’il avait un côté trublion par rapport aux jeux de fantasy football classiques. Alors que la plupart proposent de se mesurer à des milliers d’inconnus, nous avons voulu créer un environnement convivial dans lequel s’affrontent des amis. Ça permet de vibrer le week-end et de se chambrer le lundi. Et puis les participants se mettent à suivre les matchs de petites équipes pour savoir si leurs joueurs font de bonnes performances. Ça redore le blason de la Ligue 1.

« La LFP a compris que MPG était une bonne chose pour son image. »

Martin Jaglin : Pourtant, la Ligue de football professionnel (LFP), qui organise le championnat de France, a elle aussi voulu nous attaquer. En avril 2016, la discussion que nous avions avec elle par avocats a fuité dans la presse, ce qui a créé une sorte de mauvais buzz pour elle. Ses dirigeants ont donc fini par nous laisser faire. Le directeur général, Didier Quillot, croyait au projet. Lorsque son président Frédéric Thiriez a été remplacé, au mois de mai, cette position a été infléchie. Finalement, la LFP a compris que MPG était une bonne chose pour son image.

Rotaldo à domicile

Grégory Rota : D’ailleurs, des vrais joueurs sont inscrits sur notre site. Je crois que le premier a été le défenseur du Stade Malherbe de Caen Emmanuel Imorou. Il y a aussi Nicolas Benezet, Valère Germain ou Umut Bozok. Nos utilisateurs ont en général entre 18 et 35 ans et viennent d’un milieu urbain. La LFP estime le nombre de fans de foot en France à 20 millions et nous pensons que trois ou quatre millions sont convertibles à MPG.

Benjamin Fouquet : À la base, MPG était surtout joué en Île-de-France. À Paris, j’ai commencé à voir des gens consulter l’application sur leur portable en 2016. C’était la preuve que ça rentrait dans les conversation et dans le quotidien. Les gens commençaient à en parler à la radio et sur Twitter. On nous a ensuite raconté un tas d’anecdotes de gens qui jouaient en famille ou qui concevaient de gros trophées. Il y a même une mère de famille qui, venant d’accoucher, jouait avec son mari pour garder le lien. Nous avons pénétré le foyer de A à Z.

Grégory Rota : L’application était initialement payante mais nous sommes revenus sur cette décision. Pour payer nos serveurs, nous avons commencé par mettre un peu de publicité. Ce sont en fait les options proposées – comme le mercato permanent ou les maillots personnalisés – qui nous ont permis de gagner de l’argent.

Martin Jaglin : En janvier 2018, nous avons levé un million d’euros auprès d’investisseurs privés comme l’ancien président du PSG Sébastien Bazin, le DJ Martin Solveig et une personne de la famille Amaury, actionnaire de L’Équipe. Nous avons depuis lancé un partenariat avec le quotidien sportif, ainsi qu’avec la LFP.

Benjamin Fouquet : De la même manière que nos interlocuteurs ne sont plus les mêmes depuis le départ de Frédéric Thiriez à la LFP, ils ont changé à L’Équipe. Les personnes en charge du numérique au sein du média ont fait comprendre à leurs collègues que MPG ne pouvait qu’inciter les fans de football à lire les articles. Désormais, on peut choisir entre les notes décernées par leurs journalistes ou celles de l’algorithme. La deuxième option est plus objective, mais il ne faut pas oublier qu’une frappe de 30 mètres qui termine sur la barre comptera toujours, dans ce cas de figure, comme un tir non cadré. Les joueurs de MPG trouvent ainsi un plus grand intérêt à regarder les matchs. Des collaborations ponctuelles avec Red Bull, Puma et Intersport ont aussi été lancées. Les visites commencent à être régulières et nombreuses.

Martin Jaglin : Pour le moment, les championnats français, anglais et espagnols sont sélectionnables sur MPG. Chaque année, on nous demande d’en proposer de nouveaux, ou de créer des versions équivalentes pour d’autres sports comme le rugby ou le basket. On se pose toujours la question, mais nous ne voulons pas ajouter une option pour ajouter une option.

Benjamin Fouquet : Notre objectif est pour le moment de personnaliser davantage l’expérience et de développer notre version espagnole pour trouver des joueurs de l’autre côté des Pyrénées. Environ 90 % de notre audience se trouve en France, mais on essaye d’activer des plateformes d’influence ailleurs.


Couverture : MPG by Ulyces.


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