15.03.2021 à 00:35
Instagram et NFT : comment les artistes numériques ont réussi à percer
Le 25 février dernier s’ouvrait une vente historique pour la société de vente aux enchères britannique Christie’s. Après 255 ans d’existence, la maison proposait pour la première fois la vente d’une œuvre d’art 100 % numérique, baptisée les « Les 5000 premiers jours ». Composée par l’artiste américain Mike Winkelmann, aussi connu sous le nom […]
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Le 25 février dernier s’ouvrait une vente historique pour la société de vente aux enchères britannique Christie’s. Après 255 ans d’existence, la maison proposait pour la première fois la vente d’une œuvre d’art 100 % numérique, baptisée les « Les 5000 premiers jours ». Composée par l’artiste américain Mike Winkelmann, aussi connu sous le nom de Beeple, cette mosaïque est une compilation des œuvres que l’artiste a produites chaque jour depuis 13 ans. Le spectacle, qui touchait à sa fin le jeudi 11 mars, a été à la hauteur de l’événement. Le dernier jour d’enchères a vu le prix de l’œuvre s’envoler, pour finalement atteindre la somme hallucinante de 69 millions de dollars. Cet exploit place l’auteur de l’œuvre « parmi les trois artistes vivants les plus cotés », selon Christie’s. L’emballage final a même poussé plusieurs millions de visiteurs à rejoindre le site de l’institution pour assister à l’événement en direct. Quelques jours auparavant, c’est la chanteuse Grimes qui avait vendu plusieurs courtes vidéos artistiques accompagnées de musiques originales. Si certaines œuvres étaient disponibles en plusieurs centaines d’exemplaires, une autre n’était disponible que pour un seul acheteur. Baptisée « Death of the Old », le clip vidéo de 56 secondes s’est vendu à près de 389 000 dollars. L’heureux acheteur est donc officiellement l’unique propriétaire de la nouvelle création, bien que celle-ci soit accessible à tous sur Internet. Au total, la vente de la collection « WarNymph », qu’elle a créée en collaboration avec son frère, Marc Boucher, aura rapporté à la Canadienne de 32 ans le joli pactole de six millions de dollars. Image de « Death of the Old » Dans le même temps, le tout premier message posté sur Twitter a lui aussi été mis aux enchères par son auteur, Jack Dorsey, le créateur du réseau social à l’oiseau bleu. Et s’il faudra attendre la clôture de la vente le 21 mars pour avoir le prix final, la meilleure offre est déjà de 2,5 millions de dollars, une somme que l’entrepreneur compte reverser à des associations caritatives. Et ce ne sont pas les seuls objets numériques que s’arrachent les collectionneurs récemment. Chris Torres, l’artiste derrière Nyan Cat, a remasterisé l’animation originale du meme et l’a vendue pour 560 000 dollars au cours du mois de février… Le point commun entre ces différents succès : ils sont tous basés sur une technologie qui assure l’authentification et la traçabilité de l’œuvre, tout en empêchant sa reproduction. Ce système, appelé NFT, bouleverse le monde de l’art numérique depuis quelques mois maintenant. « Je considère cela comme le prochain chapitre de l’histoire de l’art », a déclaré Beeple, car il « existe maintenant un moyen de collectionner de l’art numérique ». À l’image des autres secteurs, l’art a donc aussi accéléré sa transformation numérique, nous donnant un aperçu de ce que pourrait être le futur de ce marché si particulier. La fascination d’une partie du monde de l’art pour les NFT remonte au moins à une poignée d’années. Dès 2018, l’artiste américain Kevin Abosch travaillait à donner corps à cette la technologie de la blockchain pour donner un sens et une valeur à ses œuvres. Cette quête l’avait alors conduit à utiliser ce certificat d’authenticité numérique appelé « jeton non-fongible », ou NFT en abrégé, pour donner naissance au « crypto-art ». Dans sa forme la plus simple, une œuvre d’art NFT est composée de deux choses. Tout d’abord, une œuvre d’art, généralement numérique, mais aussi parfois physique. Deuxièmement, un jeton numérique représentant l’œuvre, également créé par l’artiste. Ce jeton est un actif unique stocké sur une blockchain, le type de registre qui sécurise les cryptomonnaies comme le bitcoin. En d’autres termes, il s’agit d’une capsule numérique qui contient l’œuvre originale ainsi que toutes les informations y étant associées, permettant une authentification et une traçabilité parfaites. « Ce faisant, les NFT ont créé une nouvelle voie pour le marché de l’art numérique », résume Beverly Bueninck, responsable des relations publiques chez Christie’s France. Mais dans le cas de Kevin Abosch, sa démarche allait encore plus loin. En effet, les œuvres qu’il a produites à l’époque étaient uniquement composées du jeton NFT, sans être connectées à des supports externes, donc sans existence concrète en dehors de la blockchain. « On pourrait dire qu’ils étaient “purs”, car le NFT lui-même était l’art », explique l’artiste avec du recul. « Pour moi, le NFT était un proxy pour distiller de la valeur émotionnelle. » Si le concept peut paraître abstrait, il a aussi pour but d’amener les gens à réfléchir à la manière dont la technologie blockchain peut être appliquée au monde de l’art. « Les NFT sont particulièrement adaptés aux artistes qui travaillent numériquement, ils fournissent une méthode pour prouver à la fois l’authenticité et la propriété. » Et s’il tient à souligner une certaine artificialité dans la tentative de donner de la rareté à un objet numérique, il n’en résulte pas moins l’outil ultime pour les artistes numériques qui cherchent à valoriser leur art. 89b23 / 80bd5 / c6dc8 Le marché des NFT est d’ailleurs en pleine expansion. Il couvre de nombreux domaines et peut englober toute une gamme de produits, allant de stickers aux cartes de sport à collectionner, en passant par les personnages de jeux vidéo et l’immobilier virtuel. Fin 2017, le lancement du jeu CryptoKitties avait été le premier succès de ce nouveau système de vente, provoquant même la congestion du réseau Ethereum, sur lequel il était basé. Le but était simple : il fallait collectionner des stickers de chats, et les associer pour créer de nouveaux modèles plus rares. Le succès avait été tel qu’une pièce exclusive s’était vendue pour 170 000 dollars. Aujourd’hui, même des marques telles que Nike, Louis Vuitton ou la NBA ont déjà créé leurs propres gammes de NFT. La ligue américaine de basket a même mis en ligne le site NBA Top Shot pour permettre aux utilisateurs d’acheter et de vendre des clips vidéo des plus belles actions de jeu. Celui d’un dunk spectaculaire de LeBron James s’est récemment vendu pour plus de 200 000 dollars. Au total, le marché des NFT a d’ailleurs explosé de 200 % en 2020 pour atteindre 250 millions de dollars, selon l’atelier BNP Paribas. Le marché du crypto-art s’est lui aussi développé au cours de l’année passée. Ainsi, en l’espace de 12 mois, les ventes cumulées des principales plateformes de NFT ont avoisiné les 20 millions de dollars. Cet engouement pousse certains artistes à sauter le pas, comme le Suédois Criss Bellini, qui voit les NFT prendre une part importante dans le monde le l’art numérique. « En Europe c’est plutôt récent, mais aux États-Unis c’est déjà plus accepté. Les gens ne savent juste pas encore ce que c’est », explique-t-il. « Mais d’ici cinq ans les NFT représenteront la majorité de l’art numérique. » Une publication partagée par Criss Bellini | Art (@crissbelliniart) Et quand il s’agit de trouver le bon modèle économique pour valoriser son art, l’artiste anonyme est un expert. S’il n’a lancé sa carrière sur Instagram qu’en janvier 2020, Criss Bellini a déjà imposé son nom parmi les personnalités artistiques les plus influentes de la plateforme. Ses œuvres, des peintures numériques mixant art traditionnel et pop culture contemporaine, lui ont déjà rapporté son premier million en un an. Mais son succès à lui est lié à une autre mutation du marché de l’art, qui a vu les artistes prendre de plus en plus d’indépendance dans la promotion de leur travail. Derrière son masque cagoule, qui représente pour lui « le reflet le plus fidèle de ce que nous sommes », Criss Bellini a su allier l’élégance de l’art traditionnel à la décadence de la modernité. Il s’inspire notamment de peintures anciennes, qu’il recrée à son image, et leur donne un nouveau sens. Il peint ses œuvres numériquement, avant de les imprimer sur des supports qu’il veut digne de musées. Mais pour conserver un sentiment d’exclusivité, seules 250 pièces par œuvre sont créées. Lorsqu’un design est épuisé, il disparaît pour toujours. S’il a eu l’idée de procéder ainsi, c’est qu’il s’est rendu compte d’un manque de choix dans le marché de l’art. « Soit je trouvais des posters vraiment bon marché comme tout le monde en a, soit des peintures qui coûtent super cher et pour lesquelles je n’avais pas les moyens », se rappelle l’artiste suédois. Au moment de se lancer, il a donc décidé de se passer d’intermédiaire et d’ouvrir sa propre galerie d’art en ligne, utilisant principalement Instagram, mais aussi les autres réseaux sociaux, comme vitrine de son travail. Une publication partagée par Criss Bellini | Art (@crissbelliniart) C’est ainsi qu’il est parvenu à atteindre une nouvelle clientèle qui n’aurait jamais investi d’argent dans une toile. « Les gens qui ne savent même pas ce qu’est l’art, qui n’ont jamais acheté d’art, peuvent acheter mes œuvres », affirme Criss Bellini. Il n’y a qu’à voir l’intérêt que celles-ci ont reçu de la part d’influenceurs du monde entier pour comprendre que le peintre anonyme a visé juste. Instagram et son milliard d’utilisateurs actifs mensuels a donc été l’eldorado pour l’artiste suédois. « Tout le monde a Instagram », confirme-t-il. « Donc il est plus facile de montrer qui tu es et ton travail, de toucher davantage de gens. » Il faut dire que la plateforme a tout prévu pour être la plus grande galerie d’art au monde. Depuis son lancement en 2010, elle est une source abyssale d’inspiration et de diffusion pour tous. Et la tendance ne va qu’en s’accélérant, avec de plus en plus de millennials qui achètent des œuvres d’art en ligne, selon un rapport d’Hixos. En passant directement par les réseaux sociaux, les artistes laissent donc de côté les galeries d’art traditionnelles au profit d’une plus grande indépendance dans leur communication. « Avant, on dépendait totalement des galeries qui exposaient notre travail, et de tout leur système marketing », confie le peintre français Yannick Fournié. Mais la réelle évolution est due à de simples raisons pratiques. « Une galerie a toujours une vingtaine d’artistes avec lesquels elle tourne donc elle ne peut pas garantir à tous une régularité dans la visibilité », explique-t-il, ce qui poussé nombre d’entre eux à prendre leur indépendance. Avec sa fonctionnalité marchande, Instagram a même offert la possibilité aux créateurs de se passer d’autres plateformes et de vendre directement leurs œuvres à travers leur compte. Mais l’option manque d’authenticité pour Yannick Fournié, qui a opté pour une autre solution. « Je veux pouvoir continuer à proposer un univers », justifie le peintre. Il préfère donc sponsoriser ses publications pour rediriger son audience vers son site. Le numérique se retrouve en conséquence intégré à l’art à tous les niveaux. À tel point que même l’appellation d’art numérique semble perdre son sens. « L’art numérique, ça ne veut plus rien dire, puisque aujourd’hui tout est numérique », soutient Justine Emard. « Même les peintres travaillent à partir de photos qu’ils ont prises sur leur smartphones. » Après être passée par une école d’art, où elle a pu apprendre à travailler l’image, la Française utilise différents médiums, qui vont de la photographie à la réalité virtuelle, pour délivrer son message. « Je m’intéresse aux liens entre la technologie et nos existences », confie l’artiste. Une de ses créations, baptisée Soul Shift (échange d’âmes), est un film illustrant une interaction entre deux robots humanoïdes générée par une intelligence artificielle. L’artiste prête également énormément d’attention à la représentation de ses œuvres, à leur format, à l’immersion qu’elle peut procurer au spectateur. Cette physicalité de son travail qu’elle essaie de faire passer semble pourtant à l’opposé de sa nature numérique. Mais ses œuvres sont pensées pour être diffusées dans un espace concret, et chacune d’entre elles a été réalisée en choisissant le médium à travers lequel elle serait la plus impactante. « Pour moi, si on présente des œuvres en ligne, cela doit faire sens avec l’œuvre elle-même », affirme Justine Emard. Et quant à la possibilité d’utiliser un jour les NFT pour une de ses créations, elle ne l’exclut pas. « C’est une nouvelle façon d’acquérir des œuvres, mais aussi de s’interroger sur le monde qui nous entoure, sur le capitalisme, sur le fait de vouloir posséder. Donc si un jour je fais une œuvre en NFT, ce sera en rapport à ça », songe-t-elle. Au-delà de l’origine de l’œuvre, que ce soit un dessin réalisé sur une tablette ou une reconstitution 3D d’une statue, son travail souligne donc l’impact du moyen de diffusion sur la relation du spectateur avec elle. De ce point de vue, la réalité virtuelle a révolutionné la conception même des créations, en offrant un nouvel espace illimité pour les artistes du monde entier. Peindre une œuvre virtuelle en trois dimensions, puis la parcourir, la traverser et l’observer sous tous les angles devient alors possible. La technologie permet aussi de jouer sur les perceptions du spectateur, de lui faire vivre des expériences toujours plus immersives. C’est le cas de « The Life », une performance de 19 minutes de l’artiste Marina Abramović, présentée en réalité mixte en 2019. Les participants, qui avaient enfilé une paire de lunettes IRM, voyaient s’animer un véritable double numérique de la performeuse, devant les murs réels de la galerie et les autres visiteurs en toile de fond. L’évènement, d’après l’artiste, avait pour but de questionner l’immortalité, en proposant une version numérique et donc immortelle de l’artiste. « Cent ans après le moment où quiconque connaissant Marina soit décédé, il y aura des gens qui la verront entrer dans la pièce et ressentiront ce sentiment de connexion, d’expérience humaine », avait ajouté Todd Eckert, le fondateur de Tin Drum, l’équipe de production de réalité mixte derrière le projet. Si l’immortalité de l’œuvre n’est pas assez, qu’en est-il de celle de l’artiste ? Car si la capacité à inventer, à créer, a toujours été considérée comme l’apanage de l’être humain, nous ne sommes désormais plus les seuls artistes reconnus sur la planète. En effet, un tableau produit par une intelligence artificielle a été vendu en 2018 pour la somme de 432 500 dollars. Il fait partie d’un groupe de portraits de la famille fictive Belamy créé par Obvious, un collectif parisien composé de Hugo Caselles-Dupré, Pierre Fautrel et Gauthier Vernier. « Les 5000 premiers jours » de Beeple Ils s’efforcent d’explorer l’interface entre l’art et l’intelligence artificielle, en apprenant à leur algorithme à repérer les différences entre les œuvres produites par les humains et les autres. S’il n’est plus capable de différencier son travail d’une création humaine, alors les créateurs considèrent le tableau comme un original. Mais si le programme arrive à imiter la créativité humaine, il est difficile de considérer qu’il y a une intention, un sens derrière cette production. Il devient cependant clair que les frontières du monde de l’art se brouillent, que ce soit dans l’appréciation même de ce que l’on considère comme de l’art : une carte à jouer, une paire de chaussure virtuelle ou un jeton NFT, ou dans la façon que l’on a de catégoriser les différents types d’arts. Mais cela n’empêche pas le marché de l’art de gagner en popularité chaque année, et d’intéresser de nouveaux acheteurs de différents horizons. Et avec l’intérêt grandissant vient l’opportunité pour de nouveaux artistes de se lancer, et peut-être d’inventer les outils de demain pour créer ou de consommer de nouvelles formes d’art. Couverture : GU$$I GANG de Criss Bellini L’article Instagram et NFT : comment les artistes numériques ont réussi à percer est apparu en premier sur Ulyces. Texte intégral 3809 mots
De la cryptomonnaie au crypto-art
Kevin Abosch, 2020
La galerie Insta
De nouvelles formes d’art
08.03.2021 à 09:30
Clubhouse : comment devenir un géant des réseaux sociaux dans la douleur
Diffuser en direct une interview exclusive de l’homme le plus riche du monde est une bonne façon de faire parler de votre réseau social. Aussi, quand Elon Musk a annoncé qu’il participait à un live audio sur l’application Clubhouse, la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre à travers les différentes strates du web. […]
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Diffuser en direct une interview exclusive de l’homme le plus riche du monde est une bonne façon de faire parler de votre réseau social. Aussi, quand Elon Musk a annoncé qu’il participait à un live audio sur l’application Clubhouse, la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre à travers les différentes strates du web. Ce 1er février 2021, beaucoup d’entre nous n’avaient alors jamais entendu parler du nouveau réseau social audio, lancé près d’un an auparavant. En un rien de temps, la capacité maximale de 5 000 auditeurs de la « room » a été atteinte, avec des centaines de journalistes et des flux vidéos redirigés vers YouTube. Depuis ce jour, Clubhouse fait couler beaucoup d’encre et son nombre d’utilisateurs.trices croît de plus en plus rapidement. Clubhouse n’est pas un réseau social comme les autres. Uniquement basé sur la voix, il est à la croisée d’une radio libre géante et d’une plateforme de podcasts. L’application comprend des salons (ou rooms) aux thématiques précises, créés par les utilisateurs.trices. Si la majorité des discussions tournent encore autour du monde des technologies et de l’entrepreneuriat, tout est possible. Les créateurs.trices des rooms peuvent choisir à qui ils.elles y donnent accès, d’un groupe privé à une discussion ouverte à tous.tes. Ils.elles peuvent aussi donner la parole à l’auditeur.trice de leur choix, en qualité de modérateur.trice, ces derniers.ères n’ayant qu’à « lever la main » pour participer. Crédits : Erin Kwon Si cette brève explication est nécessaire, c’est que la plateforme n’est pas encore en libre accès. Toujours en version bêta depuis son lancement en mars 2020, l’application n’est disponible que sur iOS. Et même pour un.e utilisateur.trice Apple, il est nécessaire d’avoir été invité.e par un membre pour intégrer la communauté. Cette fonctionnalité, mise en place pour limiter dans un premier temps le nombre de personnes sur la plateforme, offre au réseau 100 % vocal une image de club VIP. En combinant cet effet « club » et la présence de personnalités allant de Mark Zuckerberg au rappeur 21 Savage, Clubhouse est en voie de devenir un nouveau géant des réseaux. En quelques semaines, il a décuplé son nombre d’utilisateurs.trices, dépassant récemment la barre des 10 millions de téléchargements. Pourtant, ses développeurs cherchent pour l’instant à garder un certain contrôle sur le nombre d’invitations disponibles. Car si la plateforme fait parler d’elle, ce n’est pas que pour des bonnes raisons. Plusieurs cas d’intimidation et de harcèlement de la part d’utilisateurs.trices ont déjà été rapportés dans les médias, de même que l’apparition de rooms racistes, antisémites ou misogynes. Sans compter les graves préoccupations pour la sécurité des données personnelles des utilisateurs.trices. Clubhouse saura-t-il trouver sa voix au milieu de ce brouhaha ? Après moins d’un an d’existence, des dizaines d’affaires relevant de l’intimidation ou du harcèlement en ligne sur Clubhouse ont été rapportées. Il faut dire que l’application possède de sérieux désavantages comparée à ses concurrents. Tout d’abord, la plateforme est jeune et toujours en cours de développement, il semble donc normal qu’elle ne puisse pas proposer un service aussi complet et sécurisé que des acteurs mieux établis. Mais en proposant des contenus uniquement vocaux et en direct, il semble impossible pour les développeurs d’empêcher tous les débordements. Le problème s’est surtout présenté dans le cadre de sujets clivants, lorsque des idéologies s’affrontent et que les débats s’échauffent. L’une des controverses les plus vocales a eu lieu suite aux propos tenus par Pascal-Emmanuel Gobry, auteur français et membre du think tank conservateur américain Ethics & Public Policy Center. « Nous ne savons même pas combien de musulmans il y a en France… Nous ne savons pas combien d’entre eux sont “islamistes”, c’est-à-dire qui soutiendraient la charia », a-t-il déclaré au cours d’une discussion sur Clubhouse. « Car si être islamiste ne signifie pas nécessairement que vous soutenez le terrorisme, il y a nécessairement un spectre, n’est-ce pas ? Le nombre de personnes problématiques est assez important. » Suite à cette intervention, il a demandé comment faire face aux « potentiels millions » de citoyens musulmans en France qui « rejettent fondamentalement tout ce que la nation défend et veulent soit la détruire, soit la remplacer par un régime de la charia ». En réaction, un vigoureux débat s’est lancé sur le type de discours à empêcher sur la plateforme, et sur les moyens de le faire. C’est d’ailleurs un des points sur lesquels se concentrent le plus les développeurs de l’application, de leur propre aveu. « Nous avons introduit le blocage, la mise en sourdine, la création de rapports en room et la possibilité pour les modérateurs de mettre fin à une room », écrivent-ils sur leur site. Ils disent aussi « enquêter » chaque fois que quelqu’un signale une violation des conditions d’utilisation ou du règlement de la communauté, et prendre des mesures adaptées. Mais d’après Bacely Yorobi, entrepreneur de la tech ivoirien et fréquent utilisateur de Clubhouse, le problème se trouve plutôt du côté des intervenant.e.s. https://twitter.com/BacelyYorobi/status/1366957176930119686 Au travers de sa société ConnectX Global, il fait intervenir des talents issus de la diversité, et organise des conférences autour de l’entrepreneuriat, de l’e-commerce, de l’innovation, du codage et du design. « Prendre la parole en public et modérer une audience, ce n’est pas la même chose », explique-t-il. Cet échec dans la modération de la part d’un.e animateur.trice amateur.e est pour l’entrepreneur la cause principale des polémiques actuelles. « Quand c’est mal géré, sur des sujets très polarisés, ça part vite dans tous les sens et il n’y a plus de respect. » Une dérive à laquelle la nature-même du réseau l’exposait fatalement. La seconde, tout aussi préoccupante, concerne précisément la sécurité des données de ses utilisateurs.trices, auxquel.le.s Clubhouse recommande instamment d’utiliser leur véritable identité. Si dans un premier temps les développeurs annonçaient qu’aucune conversation ne pouvait être enregistrée, plusieurs cas de figures ont prouvé le contraire. Tout d’abord, la plateforme enregistre maintenant une partie des discussions tenues dans chaque room afin de pouvoir, en cas de rapport, enquêter sur de potentiels actes répréhensibles et leurs auteurs. Si aucune réclamation n’est faite, l’enregistrement est supprimé dès la fermeture de la room. Si le procédé pose des problèmes de sécurité en soi, il ne garantit en aucun cas que des utilisateurs.trices ne puissent pas enregistrer les conversations à l’insu des intervenant.e.s. « Cela m’est déjà arrivé », confie Bacely Yorobi. « Heureusement que je n’avais pas dit quelque chose de négatif. » Clubhouse n’est pour le moment pas un endroit sûr, résume l’entrepreneur ivoirien. De nombreux.ses utilisateurs.trices ont fait part de leur inquiétude concernant la protection de leurs données personnelles. En cause, l’entreprise américaine fait appel à une start-up basée à Shanghai, appelée Agora, pour gérer une grande partie de ses opérations back-end. En effet, Clubhouse s’appuie sur la société chinoise pour traiter son trafic de données et sa production audio. Sauf que les obligations d’Agora vis-à-vis des lois chinoises sur la cybersécurité signifient qu’elle serait légalement tenue de donner accès aux fichiers audios au gouvernement chinois, s’il juge que leur contenu met potentiellement en danger la sécurité nationale. « Une plateforme qui a une API et des serveurs gérés par une technologie chinoise ne peut pas être totalement digne de confiance », remarque Bacely Yorobi, précisant tout de même que « les développeurs sont en train de travailler pour basculer tout le système sur une technologie américaine ». Clubhouse semble donc apprendre de ses erreurs jour après jour, comme il s’est construit. « Clubhouse évolue rapidement aujourd’hui, mais à certains égards, on a l’impression que le voyage a commencé il y a longtemps. » C’est ainsi que les deux fondateurs, Paul Davison et Rohan Seth, expliquent la naissance de leur projet. Après leur rencontre en 2011, les deux Américains se sont vite retrouvés autour d’une passion commune : les produits sociaux. À l’époque, Rohan Seth travaillait sur des moyens d’aider ses amis à se retrouver dans les villes, et Paul Davison développait une application appelée Highlight, qui devait aider les utilisateurs.trices à nouer des amitiés autour d’eux. Au cours des dix années suivantes, ils ont tous deux expérimenté de nouvelles applications, échoué et recommencé. À l’automne 2019, le duo a finalement été amené à faire équipe. Après de nombreuses itérations dans l’espace audio, ils finissent par lancer Clubhouse en mars 2020, avec une nouvelle start-up : Alpha Exploration Co. En mai, l’application comptait 1 500 utilisateurs et annonçait sa première levée de fonds, avec l’ambition de se développer. À travers leur société de capital-risque AH Capital Management, aussi appelée A16Z, les business angels Ben Horowitz et Marc Andreessen ont cru flairer le bon filon. Ils ont donc décidé d’investir une première fois la somme de 10 millions de dollars dans le projet. Au cours des mois qui ont suivi, l’application a continué de se développer et grandir. Fin janvier 2021, deux millions de personnes dans le monde avaient rejoint Clubhouse. C’est à ce moment-là que Davison et Seth ont annoncé leur deuxième tour de table. Sous la supervision d’Andreessen Horowitz, le réseau social basé à San Francisco a réussi à lever environ 100 millions de dollars, portant sa valorisation à près d’un milliard de dollars, selon Axios. C’est à ce moment-là qu’A16Z a fait jouer ses contacts. La conversation entre Elon Musk et le PDG de Robinhood Markets Inc., Vlad Tenev, à propos de la négociation des actions de GameStop Corp, n’est pas arrivée par hasard. Car A16Z, en plus d’être un gros investisseur de Robinhood et Clubhouse, soutient des startups qui travaillent avec les entreprises de Musk. Le réseau avait tout d’abord réussi à percer en Chine, où de nombreuses rooms sont apparues début février, permettant aux utilisateurs.trices de débattre notamment du sort des Ouïghours. Mais la politique chinoise concernant les réseaux sociaux et sites étrangers n’a pas changé, et les échanges concernant certains sujets sont toujours mis sous clé. Pékin a finalement décidé d’interdire le réseau social dans le pays, comme il l’a fait pour tous les autres réseaux occidentaux auparavant. Malgré ce contretemps, sorte de reconnaissance pour la jeune société, les développeurs souhaitent continuer à développer leur réseau. Une part de la dernière levée de fonds sera dédiée au développement d’un programme pour les créateurs.trices de contenu de la plateforme, qui pourrait augmenter leur nombre et ouvrir le canal de revenus de Clubhouse. Cela rappelle le fonds de 200 millions de dollars lancé par TikTok pour soutenir les influenceurs.ceuses de sa plateforme, et les sommes engagées par Snapchat pour attirer les stars sur Spotlight. Car il ne faut pas oublier que si Clubhouse est le premier réseau social 100 % vocal, la concurrence dans le milieu reste rude et peu de bonnes idées ne sont jamais copiées. Les géants de l’industrie numérique n’ont pas tardé à réagir face au succès fulgurant de l’application de Paul Davison et Rohan Seth. Et notamment Facebook, qui s’est fait une spécialité du clonage de réseaux populaires ou du rachat de ses concurrents. L’année dernière, la plateforme a lancé Messenger Rooms pour concurrencer l’application vidéo Zoom pendant la pandémie de coronavirus. Instagram, propriété de Facebook, a de son côté rivalisé avec TikTok avec l’ajout des Reels. Et début février 2021, le réseau social a donc commencé à plancher sur un nouveau produit baptisé Fireside, qui doit reprendre exactement les mêmes fonctionnalités de Clubhouse. « L’histoire se répète », note Bacely Yorobi, qui a pu discuter du futur de la plateforme dans des rooms sur le réseau. Mais l’entreprise dirigée par Mark Zuckerberg n’est pas la première à avoir dégainé. En effet, Twitter a été le plus réactif. Le 17 décembre dernier, le réseau à l’oiseau bleu annonçait le lancement de sa propre itération audio sur iOS, avec le même système de bêta fermée sur invitation. La plateforme, baptisée Spaces, a même pris de vitesse les créateurs de Clubhouse, en lançant sa version disponible sur Android depuis le 2 mars. C’est un sacré avantage quand on sait que le système d’exploitation est celui qu’utilisent 85 % des téléphones portables. Les Spaces de Twitter Si la course est déjà lancée entre les géants du milieu et la start-up, d’autres acteurs peuvent encore créer la surprise et venir rafler le gros lot sous le nez des concurrents. C’est l’idée qu’avance Bacely Yorobi. « C’est clair que dans cette bataille, Twitter ne gagnera pas, car il est victime de son histoire, avec énormément de trolls », prédit l’entrepreneur. « Moi, je parie sur Spotify ! On ne les voit pas mais ils arrivent. » Il faut dire que la puissance de Spotify sur le marché de la musique et du podcast est déjà immense. Les rachats des plateformes de Gimlet Media et d’Anchor lui avaient même permis de consolider sa domination. Il ne serait donc pas étonnant de voir débarquer une fonctionnalité pour permettre des discussions. « ll suffit juste qu’ils développent une couche d’interaction et c’est terminé », conclut le conférencier ivoirien. Clubhouse a ouvert son club privé dans une arène sans merci. Couverture : Clubhouse par Alexander Shatov L’article Clubhouse : comment devenir un géant des réseaux sociaux dans la douleur est apparu en premier sur Ulyces. Texte intégral 2967 mots
Grandir dans l’adversité
Made in Silicon Valley
La course est lancée
22.02.2021 à 10:42
Le rap italien est-il génial ou nul ?
Assise devant sa maison d’enfance, sur les hauteurs de la petite ville portuaire italienne de La Spezia, en Ligurie, ANNA ressemble à une adolescente comme une autre. Pourtant, la jeune rappeuse de 17 ans est la nouvelle star du rap italien. Depuis la sortie de son single « Bando » début 2020, tout s’est vite […]
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Assise devant sa maison d’enfance, sur les hauteurs de la petite ville portuaire italienne de La Spezia, en Ligurie, ANNA ressemble à une adolescente comme une autre. Pourtant, la jeune rappeuse de 17 ans est la nouvelle star du rap italien. Depuis la sortie de son single « Bando » début 2020, tout s’est vite enchaîné. Anna Pepe a d’abord signé un contrat avec Virgin Records avant de devenir la plus jeune artiste à atteindre la première place du Hit Parade italien. Au cours des mois qui ont suivi, le morceau est devenu viral grâce à TikTok, traversant les Alpes pour conquérir l’Europe, avec un remix de JUL, et les USA, où il a été repris par le rappeur new-yorkais Rich the Kid. Dans son survêtement noir, celle qui incarne le renouveau du rap italien n’a pas l’air chamboulée outre-mesure. ANNA Libérée des rythmes trop restrictifs des instrus à l’ancienne, la nouvelle génération d’artistes italiens a profité de l’arrivée de nouvelles influences pour rénover le genre. « Bando » en est l’exemple parfait avec son beat rap electro, signé par le producteur français Soulker. Parmi cette nouvelle vague, on trouve aussi Ernia. Avec la sortie de son dernier album, Gemini, le Mmilanais a prouvé qu’il pouvait naviguer entre différents univers musicaux sans trahir son style. Lorsqu’on lui demande ce qu’il pense du rap italien actuel, lors de notre rencontre à Milan, il répond humblement qu’ « il a commencé à atteindre un niveau intéressant ». « Il y a 10-15 ans, quand tu parlais du rap italien à un étranger, il se marrait », dit-il. Après des années passées dans l’ombre de ses contreparties anglo-saxonnes, la scène rap italienne a pris son envol, égrainé de collabs internationales. On a notamment vu Capo Plaza apparaître aux côtés de Ninho, ou Sfera Ebbasta sur le titre « Cartine Cartier » de SCH. Le rappeur phocéen JUL a pour sa part repris le titre phare d’ANNA. « Jul a voulu faire ce remix spontanément, car le morceau lui a plu », raconte la jeune rappeuse. « J’ai beaucoup apprécié, car à Milan, on écoute beaucoup de musique française. » Car c’est notamment à Milan que s’écrit que s’écrit l’avenir international du rap italien. C’est au cœur du QT8, un quartier de Milan, que nous retrouvons Ernia adossé au comptoir du Billard. Ce bar, un des derniers commerces du coin, est aussi son QG depuis des années. « J’y passe tous les jours, au moins pour acheter des cigarettes ou prendre un café », confie-t-il. Quand le rappeur parle du quartier dans lequel il a grandi, on sent l’influence qu’il a eu sur sa musique et sa carrière. « QT8 c’est un peu moi », résume le Milanais. « C’est une voie médiane, ce n’est pas un quartier périphérique dégradé ou populaire, mais ce n’est pas non plus un quartier central. » Ses parents n’ayant jamais eu d’intérêt pour la musique, Ernia a puisé ses inspirations dans les sessions de freestyles du quartier. Au cours de ces années, il a développé d’excellentes capacités d’adaptation, qui lui permettent aujourd’hui de varier ses sons comme il le souhaite. « Le langage est toujours celui du rap, mais en passant par 1 000 sonorités, souvent en piochant dans l’indie italien », explique-t-il, assis sur une table de billard, tout vêtu de blanc. Dans son dernier album, Gemelli (jumeaux), il aborde d’ailleurs cette thématique des multiples facettes de sa personnalité, passant de la trap au sons plus « mainstream ». Ernia à Milan L’autre révolution de la scène rap italienne a été l’arrivée de voix féminines. Sous l’influence de super stars internationales, de jeunes Italiennes talentueuses ont osé franchir le pas. Avant ANNA, il y avait Priestess. Avec trois singles diffusés sur les plateformes de streaming, puis l’EP Torno Domani en novembre 2017, la jeune femme fait des millions d’écoutes et parvient à se faire une place. Sur des instrus de trap typiquement américaine, la chanteuse parle sans tabou d’argent, de drogues ou de mecs dans un mélange de rap et de pop. « Ce que je raconte est vrai, c’est la vie d’une jeune fille de 22 ans qui est née et a grandi dans les Pouilles », confiait-elle à l’époque. C’est sans doute l’authenticité qui fait l’attrait de cette génération. Des artistes qui assument leurs origines, leurs goûts et leurs envies, et qui ne s’interdisent rien. Capo Plaza fait pour sa part partie des nouvelles têtes du rap napolitain, chez qui l’influence de la mafia dans la région transparaît. Avec un style beaucoup plus gang, son quartier et sa ville, Salerne, sont présents dans tous ses textes. Il est sans doute, parmi les artistes cités, celui qui se rapproche le plus des sonorités qui nous sont familières dans l’Hexagone. Après un premier album, intitulé 20, qui l’a fait connaître en 2018, il a d’ailleurs d’ailleurs collaboré sur deux morceaux avec Ninho. Et les ressemblances entre les deux artistes ne sont pas anodines. « On a grandi en ayant des rappeurs français pour idoles, et même en s’inspirant de certains rappeurs français de notre génération », avoue le Salernitain. Il semble pourtant étrange que les banlieues italiennes aient eu besoin d’autant de temps pour rattraper leur retard sur leurs pairs français ou américains. À l’instar de l’Hexagone, la culture hip-hop est arrivée en Italie au début des années 1980. Et comme en France, il faudra attendre une décennie supplémentaire pour voir apparaître les premiers groupes, comme Radical Stuff, qui rappent le plus souvent en anglais. Mais c’est dans les années 1990 qu’émerge réellement une première scène italienne, avec notamment Bassi Maestro dans le nord de l’Italie et Sangue Misto dans le sud. Mais la volubilité de la langue italienne colle mal avec les mesures étroites et répétitives des beats de l’époque. Même dans les années 2000, le rap italien passe largement inaperçu auprès du public français et international. La scène transalpine, portée par Fabri Fibra, commence à tourner en rond, avec une manière de rapper très monocorde – très « à l’ancienne » selon nos critères français. L’autre frein majeur à son développement est dû à une particularité linguistique italienne. Si en France nous avons bien différents accents, ils n’empêchent pas la compréhension des uns ou des autres. Mais en Italie, ces différences sont bien plus importantes, formant de vrais dialectes. Par exemple pour la série italienne Gomorra, la version originale a dû être sous-titrée en italien pour faciliter la compréhension du napolitain dans tout le pays. Et le milieu du rap en particulier se recentre sur les valeurs de quartier, d’identité et d’appartenance, en faisant usage de ses dialectes. Cette barrière de la langue interne au pays n’a donc pas favorisé l’émergence d’une scène nationale. Ernia à l’extérieur du stade de San Siro Les premiers à s’être tirés de ce guêpier sont les membres du groupe Troupe d’Elite qui, entre 2011 et 2014, ont proposé un rap alternatif rafraîchissant pour le public de la Botte. Avec son producteur Fonzi Beat, qui y a apporté des sonorités electro, les rappeurs du groupe se font rapidement un nom, avant de se séparer à la suite de désaccords. Parmi les membres, on retrouvait deux des têtes d’affiche de la nouvelle vague : Ghali et Ernia. D’abord critiqués pour leur approche, ces artistes ont rebâti le rap italien et ouvert la porte à de toutes nouvelles créations. Lorsqu’il se remémore cette époque, Ernia se rappelle avant tout de la rupture entre leur musique et ce qui se faisait avant. « Nous sommes les premiers à avoir fait de la trap en Italie », assène-t-il fièrement. « Nous avons été le bélier qui a défoncé la grande porte. » Mais celui qui a achevé de faire basculer le genre se nomme Sfera Ebbasta. En 2015, le rappeur a percé grâce à la sortie de son projet XDVR. Avec Charlie Charles à la production, il devient vite un succès national. Ses instrumentales trap et cloud rap ont donné aux artistes leurs lettres de noblesse, les amenant à collaborer avec de nombreux autres rappeurs, en Italie comme à l’étranger. Trois ans après, les deux musiciens ont annoncé le lancement du label BillionHeadz Music Group, plateforme grâce à laquelle ils ont enchaîné les featurings, leur permettant de toucher un public plus vaste. Car c’est là que se trouve la clé du renouveau. Grâce aux plateformes de streaming et aux réseaux, la musique se propage beaucoup plus facilement et les rappeurs italiens ont finalement pu trouver leur audience, chez eux comme à l’étranger. Pour ANNA, c’était grâce à TikTok. Malgré son succès, la jeune rappeuse continue de vivre une vie d’adolescente normale. Elle vit encore chez sa mère et espère déménager à Milan quand elle sera majeure pour prendre son indépendance. Motivée à s’imposer avec sa musique, elle espère que d’autres Italiennes suivront son exemple. « Je pense qu’il y beaucoup de jeunes filles talentueuses en Italie, mais elles ne réussissent pas à se faire une place parce qu’elles se sentent un peu écrasées par le machisme ambiance qu’il y a dans la musique italienne », confie-t-elle aux abords du port de La Spezia. ANNA sur le port de La Spezia L’autre tendance à suivre sera l’effacement des frontières de la musique. Avec l’augmentation des collaborations internationales ces dernières années, les artistes s’influencent de plus en plus pour créer de nouvelles sonorités. Sfera Ebbasta a par exemple publié deux versions de son album Rockstar, une italienne et une internationale. Sur ce second volet, on retrouve la participation de l’Anglais Tinie Tempah, de l’Allemand Miami Yacine, de l’Espagnol Lary Over et de l’Américain Rich the Kid. Si le contexte actuel ne se prête pas au voyage, le rap italien ne connaît désormais plus aucune frontière. Couverture : ANNA par Ulyces L’article Le rap italien est-il génial ou nul ? est apparu en premier sur Ulyces. Texte intégral 2092 mots
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