LUNDI SOIR LUNDI MATIN VIDÉOS AUDIOS
21.10.2024 à 20:00
Combattre la technopolice à l'ère de l'IA - Felix Tréguer | Thomas Jusquiame | Noémie Levain (LQDN)
lundimatin
De l’eau a coulé sous les ponts depuis que Patrick Balkany installa en 1993 les premières caméras de vidéo-surveillance de Levallois-Perret pour lutter contre la délinquance. Elles sont désormais partout, dans les rues, les bibliothèques, les magasins et halls d’immeubles. Bien malgré nous, on nous enregistre, on nous surveille, on nous « protège ». Et petit à petit, nous nous sommes faits à cette immense ramification de dispositifs de contrôle qui décompose et recompose notre rapport au monde, à la police, à la ville, à la norme, aux autres. Si beaucoup a déjà été dit et écrit sur le sujet, deux livres important viennent de paraître et qui réactualisent la question : que se passe-t-il lorsque ces millions de lentilles qui parsèment la planète se retrouvent branchées sur des ordinateurs, connectées à l’intelligence artificielle ? Pour ce lundisoir, nous accueillons Félix Tréguer qui vient de publier Technopolice, la surveillance policière à l’ère de l’IA (Divergences), Thomas Jusquiame qui raconte dans Circulez, la ville sous surveillance (Marchially) comment il a infiltré une start-up de la surveillance intelligente et Noémie Levain qui co-anime la campagne contre la Technopolice de La Quadrature du Net.
On discutera de l’état de l’art du monde de la surveillance, évidemment, de comment le lobbying s’organise entre politiciens, entrepreneurs de la tech et forces de l’ordre ; mais aussi des concepts qui nous permettent de nous opposer à cette dystopie déjà bien avancée. L’affect sécuritaire et le désir paranoïaque de contrôle se renversent-ils depuis l’idée de l’État de droit et l’abstraction des libertés publiques et individuelles ?
18.10.2024 à 16:00
Des Kibboutz en Bavière (feat. Tsedek)
lundimatin
Depuis un an maintenant, la destruction méthodique et déchaînée de Gaza par l’armée israélienne maintient son effet de sidération. Qu’y aurait-il à dire ou penser de plus lorsque nous assistons impuissants au carnage, à l’écrasement d’un bout du monde ? Nous avons pourtant retrouvé un petit texte dans le limbes de lundimatin : manifeste kibboutz in Bavaria, rédigé en 2010 et publié en 2016 et qu’il nous a semblé, par-delà son caractère burlesque et fantasque, important de re-discuter. On a donc invité des camarades de Tsedek pour essayer de réfléchir au sionisme non à partir de sa seule réalité, mais à partir d’une contre-proposition sioniste en apparence « comique » et pourtant suffisamment sensée pour faire apparaître les contradictions des actuels soutiens inconditionnels à Israël. Cette proposition est la suivante : et si les Allemands, réellement affectés de culpabilité historique pour les crimes d’un certain IIIe Reich, se proposaient de nous confier, à nous juifs européens, un territoire sympathique en Bavière, pas loin de Bayreuth (plutôt que de Beyrouth), pour y installer nos kibboutzim socialistes et communalistes ? Que ferions nous ? Que faire des bavarois ? Sera-ce le judaïsme qui définira l’État de Bavière ? Ou l’État de Bavière qui définira le judaïsme ? Être juif, est-ce faire peuple, ethnie, religion ou, plus essentiellement, comme le pense Ammon Rav Krakotzkin, vivre et penser depuis une conscience de l’exil et donc, la conscience de la nécessité d’un droit supérieur à celui des peuples à disposer d’eux-mêmes, un droit plus fondamental encore que celui des nations : le droit à traverser le monde et les États, à migrer et émigrer, à s’exiler, apatride, et à errer dans le désert, d’une errance adverse ?
14.10.2024 à 20:00
Macron est-il un pervers narcissique ? Marc Joly
lundimatin
La dissolution de l’Assemblée nationale a plongé brusquement une large partie de la population dans un état de sidération. Ce sentiment, qui n’a pas affecté seulement les gauchistes mais les membres même du camp macroniste les plus proches, n’est peut-être pas dû au hasard. Nous avons l’habitude des mensonges cyniques de la popote oligarchique. Ce qui est ici étonnant, c’est que l’on éprouve un choc qui confine à l’outrage, au scandale intime, au sentiment d’avoir été plongé depuis presque dix ans, sous la houlette non d’un politicien menteur mais d’une sorte d’ex toxique, de manipulateur équivoque, en réalité, et c’est l’intuition du sociologue Marc Joly comme d’Anne Crignon (Voir : Ve République : un soupçon de perversion narcissique), sous l’emprise d’un « pervers narcissique » en pleine crise.
Cette intuition n’est pas anodine. Elle indique un changement dans les structures actuelles de la domination et de sa légitimation. Selon Joly, nous serions passés d’une légitimation des inégalités sociales par la « violence symbolique », soit l’intériorisation inconsciente de l’ordre injuste et de la vision du monde des dominants, à une sorte de mise à nue brutale de la domination, mise à nue où le pouvoir de jouissance du pouvoir, ne se jouant plus sur le mode narquois de l’apparence, sur le mode satisfaisant d’une couleuvre avalée en silence par le truchement de symboles, mais sur le mode terriblement médiocre de la « violence morale », du harcèlement moral, de la jouissance non de l’apparence, mais du micromanagement, de la capacité à disloquer les âmes, la cohérence des choses, le sens du monde et les vérités essentielles, la faculté de titiller à mort ses victimes vampirisées, de s’assumer irresponsable, et de martyriser des citoyens comme s’il s’agissait de petits jouets dans les mains d’un pervers infantile. Pour Joly, le déclin, du fait de la critique féministe ou autre, du camouflage dans la violence symbolique des masculinités patriarcales et capitalistes, a engendré une société dans laquelle le mode par lequel le dominant jouit de sa domination sur le dominé n’est pas fondé sur le sentiment de l’avoir bien eu, bien dupé, mais celui de pouvoir continument le plonger dans un état de sidération, d’offense, d’inexistence, sur la base d’un arsenal d’injonctions paradoxales, d’indifférence à la contradiction et à la vérité (paradoxalité), d’effacement des continuités historiques (gaslighting) et de tout ce qui fait sens. Le monde de la violence symbolique semble laisser place au monde mis à nu de la violence morale, et dans cet entre-deux surgissent partout, dans les familles, les groupes, les entreprises et les institutions de l’État même, ces figures inquiétantes du « pervers narcissique », du « prédateur », de l’être dont la vie n’est vouée qu’à conserver l’emprise et à la renouveler sans cesse. Macron est-il l’une d’entre elle ? Qu’est-ce que cela nous révèle de nos sensibilités contemporaines, de nos grilles d’analyse du pouvoir et de l’épuisement des institutions de la Ve République ? Là où la domination semble laisser éclater sa franche perversité sans le tampon des apparences, avons-nous affaire à la fin d’une époque de la gouvernementalité ? Vivons-nous un crépuscule du pouvoir secoué sur ses bases et obligé de se réduire à l’efficacité perverse pure ? Ou sommes nous en train de découvrir que le pouvoir pour jouir de lui-même n’a plus besoin de se cacher, parce qu’il est devenu total et sans issu ?
On dira que le désert ne peut plus croître. Certes. Mais Joly nous apprend qu’il peut encore s’enlaidir.
08.10.2024 à 20:00
Science-fiction, politique et utopies - Vincent Gerber
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1984, MadMax, La Route, Les furtifs, La zone du dehors, les dépossédés, V comme Vendetta. La science-fiction explore l’avenir qui vient. Dans son dernier essai, l’imaginaire au pouvoir. Science-fiction, politique et utopies aux Éditions du Passager clandestin, Vincent Gerber interroge les puissances politiques de la science-fiction. À l’heure du culte du pragmatisme et du réalisme, de la disqualification permanente des joyeuses divagations, la science-fiction et ses imaginaires pourraient bien s’inviter aux débats politiques. Réfléchir demain, anticiper les catastrophes qui viennent mais aussi percer l’avenir en projetant quelques mondes désirables sont sans doute quelques-uns des défis de la S.F. Dans de sombres temps, l’imagination en mouvement est une nécessité politique : elle utopie le ici et le maintenant et donne des raisons de croire au monde et d’y croire malgré tout.
30.09.2024 à 20:00
Combattantes: quand les femmes font la guerre - Camille Boutron
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Si guerre et force virile sont fréquemment associées, souvent à raison, il existe cependant un angle mort qui tient presque du tabou, celui de la puissance de la féminité combattante.
Dans “Combattantes, quand les femmes font la guerre”, la sociologue Camille Boutron récapitule 10 années de recherches et de terrains. Des prisons péruviennes pour prisonnières du Sentier Lumineux aux camps des guérillas FARC, jusqu’au hauts rangs des armées françaises, elle est allée à la rencontre de cette subjectivité duale qui consiste à être femme et combattante dans un monde très masculin.
Même si tout oppose idéologiquement une militaire occidentale à une guérillera latino-américaine ou à une militante de l’Etat islamique, elles partagent cependant un même intérêt à faire reconnaître leur trajectoire comme étant éminemment politique. Toutes inscrivent leur engagement, humaniste ou brutal, révolutionnaire ou réactionnaire, dans un domaine que l’on voudrait leur faire croire réserver aux hommes.
« La guerre, j’en suis persuadée, commence chez soi, en soi. Elle vient de ces conflits familiaux insolubles et destructeurs, des non-dits qui font hurler lors des repas de famille, elle bouillonne chez ces petites filles qui, comme ma grand-mère, ont vécu le pire sans jamais pouvoir en parler. L’inceste, le viol, l’emprise sont autant de déclarations de guerre faites aux femmes (et de façon générale à l’ensemble des personnes vulnérables) dans le cercle intime et discret de la famille. L’état du monde est un reflet de ces violences, encore insuffisamment abordées dans leur dimension structurelle et politique. Parce que l’on considère avant tout les femmes comme des victimes – comme si cela était un statut en soi. Or être victime ne veut pas dire que l’on ne peut plus agir. On peut en outre être victime et bourreau à la fois, que l’on soit un homme ou une femme. »