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Libertés fondamentales dans l’environnement numérique

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26.04.2024 à 17:13

QSPTAG #306 — 26 avril 2024

robinson

VSA et JO : top départ Vous le savez, la loi JO votée en 2023 autorise la vidéosurveillance algorithmique (VSA) à titre « d’expérimentation » sur une période assez étendue, jusqu’à 2025. On attendait les arrêtés préfectoraux nécessaires pour…
Texte intégral (1410 mots)

VSA et JO : top départ

Vous le savez, la loi JO votée en 2023 autorise la vidéosurveillance algorithmique (VSA) à titre « d’expérimentation » sur une période assez étendue, jusqu’à 2025. On attendait les arrêtés préfectoraux nécessaires pour les utilisations de la VSA lors des événements publics qui doivent servir de terrain d’essai. Les premiers arrêtés sont arrivés durant ce mois d’avril.

La RATP et la SNCF ont ainsi pu surveiller automatiquement les personnes à l’occasion du match PSG-OL du 21 au 22 avril et lors du concert des Black Eyed Peas le 20 avril, sur des caméras installées à la Gare de Lyon et près du pont du Garigliano, ainsi que l’ensemble des caméras des stations de métro et de RER dans les gares de Nanterre Préfecture et de La Défense Grande Arche.

La Quadrature du Net s’est mobilisée depuis 2019 contre cette technologie et continue sa bataille. Nous vous tiendrons au courant dans les prochaines semaines des actions à venir !

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2024/04/17/experimentation-de-la-vsa-les-premieres-autorisations-sont-tombees/

La loi SREN aggravée en commission paritaire

Nous avions suivi depuis mai 2023 les discussions de la loi pour « Sécuriser et réguler l’espace numérique » (SREN), qui était encore travaillée en mars dernier par la commission mixte paritaire – un groupe de membres de l’Assemblée nationale et du Sénat à parts égales – pour trouver un accord sur un texte commun entre les deux chambres.

La commission a rendu son travail le 16 mars, et le résultat n’est pas bon. Vérification obligatoire de l’âge des internautes sur les plateformes, retrait des contenus signalés par la police sans validation par un juge (censure administrative), « délit d’outrage en ligne » mal défini, filtrage des sites au niveau du navigateur, etc.

La plupart de ces mesures sont nocives parce qu’elles instaurent des exceptions ou des restrictions à la liberté de communication sous des prétextes populaires (protéger les enfants, en particulier), en autorisant des moyens d’action faciles à utiliser ensuite pour d’autres buts, et placés entre les mains de la police ou des caprices des gouvernements.

Certaines mesures entrent même directement en conflit avec le droit de l’Union européenne. Le texte oblige par exemple les plateformes à vérifier l’âge des internautes. Une obligation qui ne peut être imposée qu’au niveau européen. Pour contourner l’obstacle, la dernière version du texte cible seulement les plateformes situées « en France ou hors de l’Union européenne »

Découvrez tous les détails diaboliques du texte en lisant notre article.

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2024/04/09/projet-de-loi-sren-le-parlement-saccorde-pour-mettre-au-pas-internet/

Surveillance des militants

Soupçonnées de s’être introduites dans une cimenterie Lafarge en décembre 2023, dans le cadre d’une action écologiste, dix-sept personnes ont été arrêtées le 8 avril 2024. Dans le cadre d’un rassemblement de soutien organisé à Aix-en-Provence, un membre de La Quadrature a lu un texte pour exprimer l’inquiétude de l’association. Sous prétexte de « lutte contre le terrorisme », on a donné à la police et aux services de renseignement des moyens de surveillance numérique démesurés, très intrusifs, peu ou mal contrôlés, utilisés pour monter des dossiers criminels contre des citoyen·nes exerçant des droits politiques légitimes. De l’aveu même des services, la part des militant·es surveillé·es a doublé dans les cinq dernières années. Un texte à lire en intégralité sur notre site.

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2024/04/08/contre-la-criminalisation-et-la-surveillance-des-militant%c2%b7es-politiques/

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Présentation des grands chantiers de 2024 : https://www.laquadrature.net/donner/ et https://www.laquadrature.net/2023/11/15/de-nouveaux-combats-pour-2024/
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Agenda

  • 2 mai 2024 : A-t-on besoin de la vidéosurveillance pour être en sécurité dans nos espaces publics ? À l’occasion d’une conférence à l’ENSAD Paris, nous essayerons d’y répondre en questionnant la notion de sécurité, et la place de la vidéosurveillance dans nos espaces publiques. École des Arts Décoratifs (amphithéatre Rodin), 31 rue d’Ulm, Paris 5e arrondissement, de 18h30 à 20h30. Plus d’informations : https://www.ensad.fr/fr/videosurveillance-espace-public.
  • 3 mai 2024 : Apéro public dans nos locaux, 115 rue de Ménilmontant, 75020 Paris, à partir de 19h. Venez nous rencontrer !
  • 18 mai 2024 : Conférence « Surveillance de masse et gestion des données personnelles », de 16h à 17h30, Médiathèque Visages du Monde, 10 place du Nautilus, à Cergy. Détails dans le programme de la médiathèque.
  • 18 mai 2024 : La Quadrature sera au Festival du livre et des cultures libres à l’espace autogéré des Tanneries, à Dijon. Plus d’infos ici : https://festivaldulivre.tanneries.org/.
  • 25 mai 2024 : Journées du logiciel libre à Lyon – Conférence « La vidéosurveillance algorithmique menace nos villes, contre-attaquons ! », à 13h. Plus d’infos sur la conférence ici : https://pretalx.jdll.org/jdll2024/talk/ZNZL3Z/ et plus d’infos sur les JDLL : https://www.jdll.org/.
  • Retrouvez tout l’agenda en ligne.

La Quadrature dans les médias

VSA et JO

Algos de contrôle social

Loi SREN

Surveillance

Divers

17.04.2024 à 14:25

Expérimentation de la VSA : les premières autorisations sont tombées

bastien

Les premiers arrêtés préfectoraux autorisant la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans le cadre de la loi JO viennent d’être publiés. La RATP et la SNCF peuvent désormais surveiller automatiquement les personnes à l’occasion du match PSG/OL…
Texte intégral (698 mots)

Les premiers arrêtés préfectoraux autorisant la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans le cadre de la loi JO viennent d’être publiés. La RATP et la SNCF peuvent désormais surveiller automatiquement les personnes à l’occasion du match PSG/OL du 19 au 22 avril et du concert des Black Eyed Peas le 20 avril. La Quadrature du Net s’est mobilisée depuis 2019 contre cette technologie et continue sa bataille. Nous vous tiendrons au courant dans les prochaines semaines des actions à venir.

Déployée en toute illégalité depuis des années et autorisée de façon inédite en Europe avec la loi sur les JOP, la vidéosurveillance algorithmique était dans les starting blocks pour être utilisée pour la première fois par la police. C’est maintenant chose faite.

La préfecture de police de Paris a autorisé ce 17 avril 2024 l’utilisation du logiciel de VSA de la société Wintics par la SNCF et la RATP. La surveillance commencera dès le 19 avril sur 118 caméras de la gare de Lyon et du pont du Garigliano à Paris. Elle concernera également le 20 avril l’ensemble des caméras des stations de métro et de RER des gares de Nanterre Préfecture et de La Défense Grande Arche.

La rumeur d’une autorisation de VSA à l’occasion du match PSG-OL circulait depuis plusieurs semaines puisque la SNCF annonçait depuis quelques temps sur des affiches gare de Lyon avoir obtenu une autorisation de la préfecture de Police. On apprenait sur cette affiche que la SNCF procédait déjà à des « tests » liés à la phase de conception de l’algorithme, où les personnes filmées servent de cobayes pour ajuster les logiciels. Des tests ont aussi été effectués lors de deux concerts de Depeche Mode à Paris. Une autre affiche dans les couloirs du métro parisien indiquait que des expérimentations allaient aussi bientôt être mises en œuvre par la RATP.

Affiche de la SNCF Affiche de la RATP
 

Nous avons développé un outil de recensement des autorisations préfectorales de surveillance, dont l’information fait quasi systématiquement défaut, ce qui empêche les personnes surveillées d’être au courant de ces mesures. Cet outil, dénommé « Attrap’Surveillance » (pour Automate de Traque des Termes de Recherche dans les Arrêtés Préfectoraux), analyse automatiquement les recueils des actes administratifs de chaque préfecture afin d’y repérer les autorisations préfectorales d’utilisation des drones et de VSA. C’est comme cela que nous avons pu apprendre la publication aujourd’hui de la première autorisation formelle d’une utilisation répressive de la VSA à Paris. En publiant aussi tardivement ces arrêtés, le préfet de police tente d’éviter au maximum les recours en justice, qui n’auront probablement pas le temps d’être jugés avant le début de la surveillance algorithmique.

Face à la concrétisation de cette surveillance, aux abus qui se profilent et à la Technopolice qui avance illégalement en parallèle de la loi JO, La Quadrature du Net s’apprête à répliquer. Nous vous tiendrons au courant dans les prochaines semaines des actions à venir.

09.04.2024 à 15:10

Projet de loi SREN : le Parlement s’accorde pour mettre au pas Internet

bastien

Nous vous parlions l’année dernière du projet de loi SREN (pour « Sécuriser et réguler l’espace numérique »). Il s’agit d’un texte censé réguler les plateformes en ligne, dont nombre de ses mesures ont révélé une vision…
Texte intégral (2874 mots)

Nous vous parlions l’année dernière du projet de loi SREN (pour « Sécuriser et réguler l’espace numérique »). Il s’agit d’un texte censé réguler les plateformes en ligne, dont nombre de ses mesures ont révélé une vision archaïque d’Internet1Voir notre analyse générale du texte, celle spécifique du filtre anti-arnaque, et celle sur la vérification de l’âge en ligne co-écrite avec Act Up-Paris.. Le 26 mars dernier, député·es et sénateur·rices de la commission mixte paritaire (CMP) se sont accordé·es sur une version commune du texte. Les modifications apportées ne sont pourtant que cosmétiques. Après son vote la semaine dernière par le Sénat, cette version commune doit encore être votée par l’Assemblée nationale demain. Nous appelons cette dernière à le rejeter.

Vérification de l’âge : s’isoler plutôt que de se conformer au droit européen

Si le projet de loi SREN met autant de temps à être voté, c’est que la France mène depuis plusieurs mois un bras de fer avec la Commission européenne. Normalement, la régulation des plateformes en ligne se décide au niveau de l’ensemble de l’Union européenne. Pourtant, avec ce texte, le gouvernement français a décidé de n’en faire qu’à sa tête. En voulant forcer les plateformes hébergeant du contenu pornographique à vérifier l’âge des internautes, mesure inutile qui n’empêchera pas les mineur·es d’accéder à ces contenus, la France souhaite ainsi s’affranchir des règles européennes qui s’imposent normalement à elle.

La Commission européenne n’a évidemment pas vu cela d’un bon œil. Elle a donc actionné les pouvoirs qui lui sont octroyés dans ce genre de situations, et a bloqué le texte à deux reprises, arguant que le projet de loi SREN empiétait sur le droit de l’Union.

La parade trouvée par la CMP consiste à restreindre l’obligation de vérification de l’âge des internautes aux seules plateformes établies « en France ou hors de l’Union européenne ». Autrement dit, puisque les plateformes européennes ne sont plus concernées par cette vérification d’âge, cette mesure ne rentre plus dans le champ du droit européen, et la Commission européenne n’a plus rien à dire ! Stupide, mais habile formalisme.

La France décide ainsi de s’isoler du reste de l’Union : les plateformes françaises ou non-européennes devront faire cette vérification d’âge, alors que les plateformes européennes en seront épargnées. On félicitera l’audace de la parade : alors qu’habituellement, pour refuser les régulations sur les sujets numériques, le gouvernement français est le premier à brandir la concurrence des États sur Internet et le risque que les acteurs français s’enfuient à l’étranger en cas de « sur-régulation » (argument brandi par exemple pour détricoter le règlement IA ou supprimer l’interopérabilité des réseaux sociaux), il semble ici s’accommoder précisément de ce qu’il dénonce, puisque les plateformes françaises seront pénalisées par rapport à celles situées dans le reste de l’UE. Tout ça pour garder la face.

Ce tour de passe-passe politique ne doit néanmoins pas masquer la réalité de cette vérification d’âge. Au-delà d’une question d’articulation avec le droit de l’Union européenne, cette mesure, comme nous le dénonçons depuis le début, mettra fin à toute possibilité d’anonymat en ligne, notamment sur les réseaux sociaux (voir notre analyse et celle d’Act Up-Paris sur la question de la vérification de l’âge).

Vous reprendrez bien un peu de censure automatisée ?

Le texte final de ce projet de loi prévoit d’étendre la censure automatisée. Ses articles 3 et 3 bis A prévoient une obligation de censure en 24 heures des contenus, respectivement d’abus sexuels sur enfants et de représentation d’actes de torture et de barbarie. Le mécanisme est un calque de la censure automatisée des contenus à caractère terroriste : une notification de la police, une obligation de censure en 24h sous peine de fortes amendes et de plusieurs années de prison, un contrôle par la justice qui n’est pas obligatoire puisque le juge doit être saisi une fois la censure effective par l’hébergeur des contenus et non par la police.

La Quadrature du Net, tout comme de nombreuses autres organisations, dénoncent depuis des années le fait que ce système de censure administrative en très peu de temps aura comme conséquence une automatisation de la censure : face aux sanctions monstrueuses en cas de non-retrait, et alors que les hébergeurs n’ont que très peu de temps pour agir, ils seront nécessairement poussés à ne pas contester la police et à censurer les contenus qu’on leur demande de retirer. C’est d’ailleurs exactement ce mécanisme qu’avait censuré le Conseil constitutionnel en 2020 avec la loi Avia, et qu’avec cinq autres associations nous dénonçons devant la justice à propos du règlement européen de censure terroriste.

Et le prétexte de la lutte contre les abus sexuels sur mineur·es ou la lutte contre les actes de torture ou de barbarie ne peut justifier ces censures. Tout comme le projet de règlement européen CSAR (pour « Child sexual abuse regulation », aussi appelé « Chat Control »), le projet de loi SREN ne résoudra pas le problème des abus sexuels sur mineur·es ni des actes de torture en censurant ces contenus. Une autre politique, ambitieuse, pour lutter contre les réseaux et trafiquants, est pour cela nécessaire.

Prendre les gens pour des schtroumpfs

Les débats sur ce projet de loi auront, une fois de plus, démontré la piètre qualité des débats parlementaires lorsqu’il s’agit de numérique2Ce qui n’est pas inédit, voir par exemple ce qui s’est passé pendant les débats sur la loi JO qui a légalisé une partie de la vidéosurveillance algorithmique.. Les débats autour du filtre « anti-arnaque » ou de la peine de bannissement ont été particulièrement révélateurs de la manière dont le gouvernement voit les internautes : comme des incapables à qui il faudrait montrer la voie, quitte à mentir.

Le filtre anti-arnaque n’a pas été substantiellement modifié en CMP et la vision paternaliste que nous dénoncions (voir notre analyse) est toujours présente en l’état actuel du texte. Ce filtre fait le constat de l’inefficacité des listes anti-hameçonnages qu’utilisent les principaux navigateurs mais, au lieu de fournir une liste anti-hameçonnage complémentaire, de qualité et transparente, le gouvernement préfère forcer la main des navigateurs en leur imposant de censurer les contenus et de devenir des auxiliaires de police.

Main sur le cœur, le gouvernement nous promet toutefois que seuls les contenus d’hameçonnage seront concernés par ce nouveau dispositif de censure que devront implémenter les navigateurs. N’ayons aucune crainte, cette nouvelle manière de censurer ne sera jamais étendue à tout le reste ! Difficile, en réalité, de croire un gouvernement d’Emmanuel Macron alors que ce dernier a clairement adopté depuis son arrivée à l’Élysée une politique de remise en cause drastique des libertés fondamentales (voir notre récapitulatif en 2022 pour son premier mandat).

Et difficile de croire un gouvernement dont le ministre Jean-Noël Barrot, lorsqu’il était chargé de défendre ce texte avant d’être débarqué des affaires numériques, n’hésitait pas à raconter n’importe quoi pour mieux faire passer la pilule. Car la peine de bannissement de réseaux sociaux, prévue à l’article 5 du projet de loi, nécessite que les plateformes connaissent l’identité des personnes ouvrant un compte (et ce afin d’empêcher que les personnes bannies ne reviennent sur la plateforme). Or, questionné sur France Culture à propos des atteintes à l’anonymat en ligne qu’implique cette mesure, le ministre Barrot a préféré mentir plutôt que d’admettre le problème. Il a affirmé que le projet de loi ne prévoyait qu’« une obligation de moyens [d’empêcher un·e internaute banni·e de se refaire un compte] mais qui n’est pas sanctionnée par une amende ». Sauf que c’est totalement faux : un réseau social qui n’aurait pas empêché un·e internaute banni·e de se refaire un compte risquera jusqu’à 75 000 € d’amende par compte recréé. Et ce point n’a pas évolué lors des débats parlementaires.

Détricoter la loi de 1881 sur la liberté d’expression

Le texte final comporte une grande nouveauté : le délit d’outrage en ligne a été réintroduit par la CMP. Cette disposition, initialement introduite par le Sénat puis supprimée par l’Assemblée nationale car jugée trop dangereuse, consiste à faire des abus d’expression en ligne une circonstance aggravante par rapport aux cas où ils seraient commis hors ligne. Concrètement, le projet de loi SREN sanctionne de 3 750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement le fait de « diffuser en ligne tout contenu qui soit porte atteinte à la dignité d’une personne ou présente à son égard un caractère injurieux, dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Il s’agit donc d’un délit extrêmement large puisque la notion de « situation intimidante, hostile ou offensante » n’est nullement définie légalement et sera la porte ouverte aux interprétations larges. De plus, la possibilité de sanctionner ce délit par une amende forfaitaire rajoute des possibilités d’abus, ce que dénoncent déjà des avocat·es et la Défenseure des droits. Mais ce délit peut également être sanctionné par une peine de bannissement.

Surtout, ce délit d’outrage en ligne déroge à la loi de 1881. Cette loi est le socle qui régit aujourd’hui les abus d’expression, y compris en ligne : elle prévoit des mécanismes qui évitent les abus (délais de prescription courts, procédures particulières, etc.). Exit ces garde-fous : en introduisant ce délit d’outrage en ligne dans le code pénal et non dans la loi de 1881, le législateur concrétise une longue envie de la droite autoritaire de détricoter cette loi. Pourquoi, pourtant, faudrait-il abandonner les protections de la loi de 1881 pour le simple fait que ce serait en ligne, alors que la presse papier ou la télévision sont souvent des déversoirs de haine ?

Le projet de loi SREN n’a donc pas fondamentalement évolué. Il s’agit toujours d’un texte fondé sur un mode de régulation d’Internet à la fois vertical et brutal, qui ne peut mener qu’à une impasse et une restriction des libertés. Comme si l’État ne savait pas réguler un média autrement sur ce modèle autoritaire. Les autres modèles de régulation, notamment l’obligation d’interopérabilité des réseaux sociaux, ont été sèchement rejetés par le pouvoir. Le résultat de ce refus de voir ce qu’est Internet est un texte inadapté, dangereux pour les droits fondamentaux et l’expression libre en ligne, et qui ne résoudra aucunement les problèmes auxquels il prétend s’attaquer. L’Assemblée nationale doit donc rejeter ce projet de loi. Et pour nous aider à continuer la lutte, vous pouvez nous faire un don.

References

References
1 Voir notre analyse générale du texte, celle spécifique du filtre anti-arnaque, et celle sur la vérification de l’âge en ligne co-écrite avec Act Up-Paris.
2 Ce qui n’est pas inédit, voir par exemple ce qui s’est passé pendant les débats sur la loi JO qui a légalisé une partie de la vidéosurveillance algorithmique.

08.04.2024 à 16:44

Contre la criminalisation et la surveillance des militant·es politiques

startuffenation

Ce texte a été lu par un·e membre de La Quadrature du Net le 5 avril 2024 lors du rassemblement devant le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, à l’occasion des deux nouvelles mises en examen dans l’affaire…
Texte intégral (1255 mots)

Ce texte a été lu par un·e membre de La Quadrature du Net le 5 avril 2024 lors du rassemblement devant le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, à l’occasion des deux nouvelles mises en examen dans l’affaire Lafarge.

On est là aujourd’hui pour dire notre soutien aux personnes convoquées, à toutes les personnes placées en garde à vue et inquiétées dans cette affaire. On est là pour dénoncer l’instrumentalisation de la justice et des services antiterroristes pour réprimer les militantes et militants et dissuader toute forme de désobéissance civile. Là, enfin, pour dire notre indignation face au recours systématique à des formes de surveillance intrusives et totalement disproportionnées.

Les mises en examen de ce jour, ou celles qui les ont précédé dans cette « affaire Lafarge », s’inscrivent dans un contexte plus global. Jusqu’à un passé pas si lointain, de nombreuses formes d’action directes étaient tolérées par les autorités. Mais progressivement, en lien avec la dérive néo-libérale amorcée dans les années 1980, l’espace accordé à la critique d’un système injuste et écocide a fondu comme neige au soleil. De crise en crise, on a assisté à la consolidation d’un État d’exception, à l’inflation des services de renseignement, à la multiplication de dérogations au droit libéral — un droit certes bien trop imparfait, mais qui n’en demeurait pas moins un héritage fondamental des luttes passées. On a également vu un pouvoir politique s’entêter au point de ne plus tolérer la moindre contestation, instrumentalisant le droit commun à coup d’amendes, de dissolutions, de maintien de l’ordre hyper-violent.

Le tout pour réprimer toutes celles et ceux qui ont la dignité de dire leur refus d’un système à la violence décomplexée, et le courage de mettre ce refus en actes. Dans ce processus du criminalisation des militant·es, les services de renseignement, de police judiciaire comme les magistrats du parquet peuvent désormais s’appuyer sur les exorbitants moyens de surveillance. Autant de dispositifs qui se sont accumulés depuis 25 ans et qui, dans l’affaire Lafarge et d’autres jugées récemment, s’emboîtent pour produire une surveillance totale. Une surveillance censée produire des éléments sur lesquels pourront s’édifier le récit policier et la répression.

Cette surveillance, elle commence par l’activité des services de renseignement. Contrôles d’identité qui vous mettent dans le viseur des services, caméras et micro planquées autour de lieux militants ou dans des librairies, balises GPS, interceptions, analyse des métadonnées, … Tout est bon pour servir les priorités politiques et justifier la pérennisation des crédits. L’activité du renseignement consacrée à la surveillance des militant·es – érigée en priorité depuis la stratégie nationale du renseignement de 2019 –, elle a doublé sous Macron, passant de 6 % au moins du total des mesures de surveillance en 2017 à plus de 12% en 2022.

Après le fichage administratif, après les notes blanches du renseignement, vient le stade des investigations judiciaires. Là encore, comme l’illustre l’affaire Lafarge, la surveillance en passe par le recours à la vidéosurveillance – plus de 100 000 caméras sur la voie publique aujourd’hui –, puis par l’identification biométrique systématique, notamment via la reconnaissance faciale et le fichier TAJ, ou quand ce n’est pas possible par le fichier des cartes d’identité et de passeport, l’infâme fichier TES, qui est ainsi détourné.

Pour rappel, le recours à la reconnaissance faciale via le fichier TAJ, ce n’est pas de la science fiction. Ce n’est pas non plus l’exception. Il est aujourd’hui utilisée au moins 1600 fois par jour par la police, et ce alors que cette modalité d’identification dystopique n’a jamais été autorisée par une loi et que, de fait, son usage n’est pas contrôlé par l’autorité judiciaire.

Cette reconnaissance faciale, elle est employée y compris pour des infractions dérisoires, notamment lorsqu’il s’agit d’armer la répression d’opposants politiques comme l’ont illustré les jugements de la semaine dernière à Niort, un an après Sainte-Soline. Et ce alors que le droit européen impose normalement un critère de « nécessité absolue ».

La surveillance découle enfin du croisement de toutes les traces numériques laissées au gré de nos vies et nos activités sociales. Dans cette affaire et d’autres encore, on voit ainsi se multiplier les réquisitions aux réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook, l’espionnage des conversations téléphoniques et des SMS, le suivi des correspondances et des déplacements de groupes entiers de personnes via leurs métadonnées, la surveillance de leurs publications et de leurs lectures, la réquisition de leurs historiques bancaires ou des fichiers détenus par les services sociaux, … Le tout, souvent sur la seule base de vagues soupçons. Et à la clé, une violation systématique de leur intimité ensuite jetée en pâture à des policiers, lesquels n’hésitent pas à à s’en servir pour intimider ou tenter d’humilier lors des interrogatoires, et construire une vision biaisée de la réalité qui puisse corroborer leurs fantasmes.

De plus en plus, c’est la logique même de la résistance à la dérive autoritaire qui est criminalisée. Vous utilisez des logiciels libres et autres services alternatifs aux multinationales qui dominent l’industrie de la tech et s’imbriquent dans les systèmes de surveillance d’État ? Cela suffit à faire de vous un suspect, comme le révèle l’affaire du « 8 décembre » jugée il y a quelques mois. Vous choisissez des messageries dotées de protocoles de chiffrement pour protéger votre droit à la confidentialité des communications ? On pourra recourir aux spywares et autres méthodes d’intrusion informatique pour aspirer le maximum de données contenues dans vos ordinateurs ou smartphones. C’est ce dont a été victime le photographe mis en cause dans cette affaire. Et si vous refusez de livrer vos codes de chiffrement lors d’une garde à vue, on retiendra cela contre vous et on intentera des poursuites, quand bien même l’infraction censée légitimer votre garde à vue s’est avérée tout à fait grotesque.

Pour conclure, nous voudrions rappeler que, dans les années 30, alors que l’Europe cédait peu à peu au fascisme, un gouvernement français pouvait faire du pays une terre d’accueil pour les militant·es, les artistes, les intellectuelles. C’était juste avant la fin honteuse de la IIIe république, juste avant le régime de Vichy. Aujourd’hui, alors que, à travers l’Europe comme dans le monde entier, les militant·es des droits humains, les militant·es écologistes, celles et ceux qui dénoncent la violence systémique des États ou les méfaits des multinationales, sont chaque jour plus exposé·es à la répression, l’État français se place aux avant-gardes de la dérive post-fasciste.

Reste à voir si, plutôt que de s’en faire la complice active comme le font craindre les décisions récentes, l’institution judiciaire aura encore la volonté d’y résister.

22.03.2024 à 16:25

QSPTAG #305 — 22 mars 2024

robinson

Pour mieux surveiller ses allocataires, La CAF aura dorénavant accès aux revenus des Français en temps réel Notre travail d’enquête sur les algorithmes de contrôle social continue. Après avoir obtenu l’algorithme utilisé par la CAF pour…
Texte intégral (1339 mots)

Pour mieux surveiller ses allocataires, La CAF aura dorénavant accès aux revenus des Français en temps réel

Notre travail d’enquête sur les algorithmes de contrôle social continue. Après avoir obtenu l’algorithme utilisé par la CAF pour contrôler ses allocataires en fonction d’un « score de risque », après avoir analysé cette méthode de calcul et démontré qu’elle ciblait volontairement les personnes les plus précaires, nous poursuivons nos recherches du côté des outils utilisés par d’autres services sociaux : assurance vieillesse, assurance maladie, assurance chômage, etc. Vous pouvez retrouver l’ensemble de ces travaux sur notre page de campagne.

Mais les dernières nouvelles concernant les pratiques de la CAF nous sont arrivées par la presse : tout en se défendant des mauvaises intentions que nous lui prêtions, la CAF continuait/continu ? de demander l’accès à toujours plus de données, pour mieux surveiller ses allocataires. Elle a donc obtenu récemment le droit d’accéder au fichier du Dispositif des ressources mensuelles (DRM), qui recense quotidiennement pour chaque personne l’intégralité de ses sources de revenus : les salaires perçus et les prestations sociales touchées. Créé pour faciliter le calcul des aides personnalisées pour le logement (APL), le fichier connaît donc une déviation flagrante de sa finalité première. Et l’utilisation que compte en faire la CAF n’est pas brillante : il s’agit d’améliorer la « productivité » de son algorithme de contrôle.
Les revenus des allocataires étaient jusqu’à présent connus annuellement au moment de la déclaration de revenus, ou chaque trimestre auprès des allocataires. La surveillance mensuelle des variations de revenus, en permettant une révision plus serrée des droits des allocataires, permettra sans doute de détecter de plus nombreux « trop perçus » – voilà pour la « productivité ». Et qui sont les personnes dont les revenus varient le plus, et ont le plus besoin des aides sociales ? Les plus pauvres, encore une fois.

En plus de cette discrimination automatisée, cette annonce nous paraît révéler deux problèmes : d’une part l’inefficacité du contrôle opéré par la CNIL, pourtant créée pour surveiller l’usage des fichiers, et d’autre part le dévoiement du projet gouvernemental de « solidarité à la source », annoncé comme un moyen de lutter contre le « non recours » aux aides sociales, en passe de devenir un système de centralisation des donnée pléthorique et sans contrôle.

Lire l’article : https://www.laquadrature.net/2024/03/13/notation-des-allocataires-la-caf-etend-sa-surveillance-a-lanalyse-des-revenus-en-temps-reel/

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Nous sommes toujours en campagne de soutien pour financer notre travail en 2024. C’est pour nous l’occasion de présenter les grands chantiers en cours, principalement la lutte contre les algorithmes de contrôle social dans les administrations, la défense du droit au chiffrement des communications, la promotion de l’interopérabilité des services Web, et la réflexion nécessaire autour du numérique dans le contexte de la crise écologique mondiale.

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  • 29 mars 2024 : apéro public dans nos locaux, 115 rue de Ménilmontant, 75020 Paris, à partir de 19h.
  • 11 avril 2024 : causerie mensuelle du groupe Technopolice Marseille, au Manifesten, 59 rue Adolphe Thiers, 13001 Marseille, à partir de 19h.

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