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15.04.2024 à 16:06

Pourquoi Simenon, le créateur de Maigret, reste un auteur indémodable

Laurent Demoulin, Enseignant en littérature romane, conservateur du Fonds Simenon, Université de Liège

L’œuvre de Simenon a franchi toutes les frontières, qu’elles soient temporelles, culturelles ou géographiques.
Texte intégral (1548 mots)

L’écrivain belge francophone Georges Simenon, auteur de 192 romans signés de son nom, dont 75 enquêtes du commissaire Maigret, ne risque guère de sombrer dans l’oubli.

Le romancier, né à Liège en 1903 et décédé à Lausanne en 1989, a traversé le XXe siècle. Or, l’on associe volontiers ses romans aux années 1930 ou aux années 1950. De même, bien que quelques titres importants, comme Les Frères Rico ou Trois chambres à Manhattan, aient pour cadre les États-Unis – pays dans lequel Simenon a vécu entre 1945 et 1955 – et d’autres encore l’Afrique (Le Coup de lune) ou l’URSS (Les Gens d’en face), ses romans se passent majoritairement en France, de sorte que, spontanément, son univers fait songer aux rues de Paris ou aux canaux du Nord.

Pourtant, malgré ce double cadre, historique et spatial, l’œuvre a franchi toutes les frontières, qu’elles soient temporelles, culturelles ou géographiques : ses romans sont traduits en une cinquantaine de langues ; de nouvelles traductions voient régulièrement le jour, par exemple en allemand, en roumain et en néerlandais ; des aires linguistiques demeurées jusque-là vierges, comme celles du coréen, du vietnamien et du géorgien, ont été récemment conquises. Des rééditions sous de nouveaux formats ne cessent d’être mises sur le marché, particulièrement en France et en Italie. On se souvient que le succès des deux tomes de La Pléiade, annotés et commentés par Jacques Dubois et Benoît Denis, mis en vente en 2003, avait été tel que les éditeurs commanditèrent un troisième tome, concocté par la même équipe et paru en 2009.

De nombreuses adaptations

D’autres frontières ont été allégrement franchies : celles qui séparent les arts. La télévision n’a jamais cessé d’adapter Simenon, que ce soit pour des téléfilms tirés de ses romans psychologiques (que l’écrivain appelait ses « romans durs ») ou pour des séries de Maigret : après Jean Richard (de 1967 à 1990), la France a longtemps identifié le commissaire à Bruno Cremer (de 1991 à 2005), mais des séries ont également été produites aux Pays-Bas, en Allemagne, en Italie (avec Gino Cervi), au Japon, en Israël, et surtout au Royaume-Uni, qui a en connu trois : avec, dans le rôle-titre, Ruppert Davies au début des années 1960, Michael Gambon dans les années 1990 et, en 2016 et 2017, Rowan Atkinson.

Par ailleurs, on le sait, Simenon est sans doute le romancier les plus adaptés de l’histoire du cinéma, avec une cinquantaine de films, français pour la plupart, mais aussi italiens ou américains. La source semblait quelque peu tarie jusqu’à ce qu’en 2022 deux films soient projetés sur grand écran : Maigret de Patrice Leconte et Les Volets verts de Jean Becker. Notons encore que les scénarios d’Audiard adaptés de Le Sang à la tête, Maigret tend un piège et Le président ont été publiés en 2020 de façon scientifique, avec un appareil de notes digne de La Pléiade, par les bons soins de Benoît Denis – ce qui est unique dans l’histoire éditoriale.

Enfin, alors que des bandes dessinées avaient mis en scène Maigret dans les années 1980 et 1990, grâce à la plume de dessinateurs peu connus du public (Rumeau, Wurm, Brichau), depuis l’an dernier, ce sont de grands noms du neuvième art qui se sont attaqués aux « romans durs », Le Passager du Polarlys et La neige était sale : José-Louis Bocquet et Jean-Luc Fromental au scénario et au dessin Christian Cailleaux et Yslaire, rien de moins. À quoi s’ajoute une autre bande dessinée, scénarisée par Bocquet, Fromental et John Simenon et dessinée par Loustal, qui raconte les débuts de la carrière de l’écrivain.

Enfin, l’an dernier, sous la houlette de Benoît Denis et de John Simenon, la ville de Liège a organisé un festival Simenon qui a attiré les foules.

Où que l’on tourne la tête, avec Simenon, le succès est au rendez-vous : depuis son décès, les ventes de ses romans dans le monde n’ont jamais baissé. Comment expliquer ce succès dans l’espace et dans le temps ? Il est évidemment périlleux de répondre à une telle question. Contentons-nous de quelques hypothèses.

Un style dépouillé

L’écrivain a toujours recherché une forme de simplicité stylistique. Toute sa vie, il a retenu le conseil que Colette lui a donné à ses débuts : « Pas de littérature, mon petit Sim ! » Ses phrases sont en effet rarement longues ; les métaphores sont peu nombreuses ; les dialogues abondent. Qui observe ses manuscrits et ses dactylogrammes s’aperçoit que le romancier corrige peu et presque toujours dans le sens de la suppression ou du remplacement d’un mot rare par un mot plus courant selon une stratégie dont il s’est expliqué en 1955 à André Parinaud :

« J’ai essayé de me créer un style très simple, et au départ, cela n’a pas été facile. […] Ce que j’ai essayé d’acquérir ensuite, c’est un style qui rende le mouvement, qui soit avant tout mouvement. […] L’ordre des mots, dans une phrase, a une importance capitale, beaucoup plus, à mon avis, qu’une syntaxe raffinée. Ce que je cherche, encore, c’est à n’employer que ce que j’appelle des “mots-matières” […], des mots qui aient du poids. […] Il y a des mots qui sont très beaux, comme “crépuscule”, mais qui ne sont que poétiques. On ne les sent pas. Tandis que le mot “pluie” est matériel. »

Sans doute cette matérialité et cette simplicité du style participent-elles au succès de l’écrivain, notamment en ce qui concerne les traductions.

Un romancier qui s’adresse à toutes et tous

Simenon disait vouloir peindre « l’homme nu », c’est-à-dire l’être humain débarrassé du carcan social. Certes, il s’agit là d’une quête impossible : nul n’existe indépendamment du monde dans lequel il a grandi. Du moins l’écrivain s’est-il penché sur des hommes et des femmes ordinaires – non pas des héros et des héroïnes, mais des êtres humains normaux, si bien que l’on finit toujours par se reconnaître dans tel ou tel personnage de l’immense comédie humaine que constituent ses 192 romans. Même le commissaire Maigret, contrairement à ses pairs, n’a rien d’un surhomme : c’est un fonctionnaire, un homme banal, un policier sensible, qui trouve la clé de l’énigme non pas grâce à ses « petites cellules grises » comme Hercule Poirot, le héros des polars d’Agatha Chrisitie, mais en se fiant à son empathie, c’est-à-dire à son humanité.

Cela ne signifie pas qu’il ne se passe rien dans les vies dépeintes par Simenon, bien au contraire : ses romans sont captivants car les personnages sont saisis au moment où ils traversent une crise, comme nous en connaissons toutes et tous tôt ou tard. Chacun a son histoire et toutes les existences méritent d’être racontées, semble-nous dire Simenon. En outre, quand il dépeint des êtres en marge de la société, des clochards, des prostituées ou des délinquants, il les rapproche de nous au point de nous aider à les comprendre.

Il faudrait évoquer ici également l’efficacité, relevée par la critique dès les années 1930, avec laquelle Simenon rend les « atmosphères », le réalisme de sa peinture du monde, le rôle que joue le thème universel de la filiation dans ses récits, le dépouillement de sa psychologie, etc. Terminons en insistant sur ce que Jean-Louis Dumortier a appelé, dans la revue Traces, la « réticence » de Simenon. Il faut entendre par là le fait que jamais les romans du père de Maigret ne contiennent d’explications psychologiques explicites. S’il dispose d’une clé, au dernier moment, l’écrivain la garde pour lui. Il nous laisse ainsi le soin de tirer par nous-mêmes, de manière active, la leçon du livre que nous sommes en train de lire. J’aime à penser que cette particularité fait partie du succès de l’œuvre de Simenon.

The Conversation

Laurent Demoulin est conservateur du Fonds Simenon de l'Université de Liège.

15.04.2024 à 16:06

Vivre à deux : une organisation sociale qui remonte à 70 millions d’années

Charlotte-Anaïs Olivier, Doctorante, Université de Strasbourg

On a longtemps imaginé que l’ancêtre commun de tous les primates était solitaire, mais une nouvelle étude démontre une organisation sociale plus complexe.
Texte intégral (1709 mots)
Une paire de Semnopithèque obscur en Thaïlande. Maria Krasnova/Unsplash, CC BY

Il a souvent été suggéré que l’ancêtre de tous les primates était solitaire et que d’autres formes d’organisation sociale ont évolué plus tard. Or, pour la première fois, notre étude publiée fin 2023 a montré que l’ancêtre des primates, vivant il y a 70 millions d’années, avait en fait une organisation sociale variable avec environ 85 % des individus vivant en paire composée d’un mâle et d’une femelle et seulement 15 % des individus optant pour un mode de vie solitaire. Ces nouvelles découvertes bousculent donc notre compréhension de l’évolution sociale des primates et de l’homme.

Les systèmes sociaux sont constitués de différentes composantes, notamment l’organisation sociale (composition du groupe), la structure sociale (interactions entre les individus), le système de soins (qui s’occupe des nourrissons) et le système d’accouplement (qui s’accouple avec qui). Il a été avancé que ces composantes devraient être étudiées indépendamment les unes des autres pour comprendre l’évolution sociale, en particulier chez les primates. Par exemple, la vie en paire en tant que forme d’organisation sociale a souvent été assimilée à la monogamie, même si la monogamie fait référence à un système d’accouplement. Il est important de noter que les espèces vivant en paire peuvent varier considérablement dans leur système d’accouplement, par exemple dans le degré de paternité hors paire.

Une histoire de souris et de variation

L’organisation sociale décrit la taille, la composition sexuelle et la cohésion spatio-temporelle d’un groupe. Il existe trois grandes catégories d’organisation sociale : la vie solitaire (les mâles et les femelles vivent seuls avec ou sans progéniture à charge), la vie en paire (un mâle et une femelle vivant ensemble) ou la vie en groupe (un mâle et plusieurs femelles, une femelle avec plusieurs mâles, un groupe de mâles, un groupe de femelles ou un groupe de plusieurs mâles et femelles vivant ensemble).


À lire aussi : Comme les humains, les babouins coopèrent avec le concept du « donnant-donnant »


Auparavant, il était largement admis que chaque espèce possédait une forme spécifique d’organisation sociale, qui variait d’une espèce à l’autre. Cependant, il a été récemment reconnu que l’organisation sociale peut également varier au sein des espèces. En effet, Schradin a découvert en 2018 que la souris rayée pouvait modifier son organisation sociale entre la vie solitaire, en paire et en groupe en fonction de facteurs écologiques et d’histoire de vie. Par exemple, lorsque la densité de population chez les souris rayées est importante, elles ont tendance à vivre en groupe.

Des variations intraspécifiques de l’organisation sociale (IVSO) ont également été signalées chez de nombreux autres taxons tels que les musaraignes et leurs proches, ce qui suggère que l’organisation sociale variable chez les mammifères pourrait être plus courante qu’on ne le pensait auparavant. Cependant, bien que l’IVSO ait été signalée dans certains ordres de mammifères, des études détaillées manquent encore pour la plupart des ordres. En considérant l’IVSO pour la première fois dans notre étude, nous avons transformé notre compréhension de l’évolution sociale des primates en décrivant plus précisément l’organisation sociale par rapport à une simple catégorisation.

450 espèces de primates analysées

Nous avons identifié les 450 espèces de primates à l’aide de la base de données de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) et avons ensuite mené des recherches bibliographiques sur l’organisation sociale.

Seule la littérature évaluée par des pairs issue d’études de terrain a été prise en compte, tandis que les revues, les études en laboratoire et les études en captivité ont été ignorées, afin de garantir que l’organisation sociale observée par une espèce donnée se produisait également dans son habitat naturel.

La répartition des organisations sociales parmi les populations de primates existantes. La figure montre comment nous avons codé l’organisation sociale par population comme étant solitaire, mâle-femelle (MF) ou vivant en paire, mâle-multifemelles (MFF), femelle-multimâles (FMM) ou multimâles-multifemelles (MMFF). Fourni par l'auteur

L’IVSO a été identifiée et entrée dans notre base de données lorsque différentes formes d’organisation sociale se produisaient au sein d’une population, indiquant un certain degré de plasticité dans l’organisation sociale d’une espèce. Cette recherche a donné lieu à plus de 2 000 articles analysés à la recherche d’informations sur l’organisation sociale. Parmi ceux-ci, un total de 946 articles contenaient des données utilisables. Dans l’ensemble, des données sur l’organisation sociale ont été trouvées pour 499 populations de 223 espèces.

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Une fois la base de données créée, nous avons intégré des données de traits d’histoire de vie pour chacune des espèces de primates pour lesquelles une organisation sociale avait été répertoriée dans la littérature primaire.

Notre base de données, associée à l’arbre phylogénétique des primates et à la création d’un modèle statistique développé par le Dr. Martin nous a permis de retracer l’évolution de l’organisation sociale des primates.

Des résultats inattendus

Grâce à notre méthodologie innovante, nous avons trouvé pour la première fois que l’ancêtre des primates avait en fait une organisation sociale variable avec 85 % des individus vivant en paire et 15 % des individus vivant de manière solitaire.

Ces résultats contrastent grandement avec les études précédentes qui avaient été menées sur l’organisation sociale ancestrale des primates. En effet, dans de précédentes études qui ne prenaient pas en compte l’IVSO, l’ancêtre avait été décrit comme vivant de manière solitaire.

Les avantages de vivre en paire

Ainsi, il semble que la vie en paire soit une pratique bien plus ancienne qu’on ne l’avait précédemment estimé, résultant de bénéfices reproductifs tels que l’accès à des partenaires et une diminution de la compétition entre les sexes. Parmi les nombreux avantages associés à la vie en paire, on peut également citer une meilleure accessibilité à la nourriture par rapport à la vie en groupe. Il demeure désormais nécessaire de comprendre les forces qui ont poussé l’évolution de la vie en paire vers la vie en groupe ou de manière solitaire. Dans un contexte de changements globaux et environnementaux, il serait également pertinent d’observer si les espèces présentant une organisation sociale variée réagiront à ces bouleversements en modifiant leur organisation sociale. Ainsi, la variation d’organisation sociale pourrait s’avérer bénéfique pour certaines d’entre elles.

The Conversation

Charlotte-Anaïs Olivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

15.04.2024 à 16:04

Faut-il s’attendre à un #MeToo des armées ? L’exemple de la gendarmerie nationale

Luc Demarconnay, Docteur en histoire, Sorbonne Université

Les violences faites aux femmes dans les armées font à nouveau la une de l’actualité. L’histoire récente de la gendarmerie montre pourtant que les militaires ne sont pas inactifs face à elles.
Texte intégral (1754 mots)
Le processus de féminisation de la gendarmerie dût lent et tardif. Il s'est heurté à de nombreuses réticences. Shutterstock, CC BY-SA

Dix ans après la publication du livre-enquête La Guerre invisible des journalistes Leila Minano et Julia Pascual, qui avait soulevé la question des violences faites aux femmes dans l’armée française, un article du journal Le Monde, publié le 20 mars dernier, révèle à nouveau une affaire d’agressions sexuelles dans la Marine.

Que s’est-il donc passé depuis 10 ans alors que certains évoquent un possible #Meetoo des armées ? Jetons un regard d’historien en prenant l’exemple de la Gendarmerie nationale, observatoire d’autant plus intéressant que cette force de l’ordre au statut militaire est chargée de faire respecter la loi.


À lire aussi : Gendarmerie : comment les femmes ont-elles gagné leurs galons ?


Une féminisation lente et tardive

Rappelons tout d’abord que la féminisation dans l’armée française, et dans la Gendarmerie en particulier, est un phénomène récent.

Certes, l’histoire institutionnelle voit dans la figure révolutionnaire de Marie Charpentier, seule femme décorée de la médaille des Vainqueurs de la Bastille pour avoir participé à la prise de la Bastille et première femme à entrer dans la Gendarmerie en 1794, une pionnière, mais la réalité de la présence des femmes dans les casernes reste pendant très longtemps celle de l’épouse du gendarme cantonnée au foyer et aux travaux ménagers.

Fruit du choix politique de Charles Hernu, ministre de la Défense de 1981 à 1985, dans un contexte de difficultés de recrutement et d’évolution sociétale, la féminisation de la gendarmerie à proprement parler se concrétise par deux décrets statutaires en 1983 et ne s’achève qu’en 2016, date à laquelle les femmes ont désormais accès aux mêmes unités que leurs camarades masculins.

Le processus, tardif et lent, s’est heurté à de nombreuses réticences internes, notamment de la part de gendarmes qui considéraient que les femmes n’avaient pas leur place sur le terrain.

Comment aurait-il pu en être autrement dans un milieu militaire empreint de culte de la virilité qui charrie son lot de clichés, où l’identité virile s’oppose à une fragilité forcément féminine. Une mauvaise appréhension de l’encadrement hiérarchique a pu également être un vecteur d’aggravation du phénomène des violences sexistes, comme a pu le montrer l’exemple des lycées militaires qui ont vu certains élèves faire preuve de sexisme, de sectarisme et de misogynie.

Vers une acceptation globale de la présence des femmes

En 1995, un article de la revue de la Gendarmerie nationale dresse un premier bilan de cette féminisation.

Son autrice, la capitaine Isabelle Guion de Méritens, qui deviendra, en 2013, la première femme générale de Gendarmerie, évoque alors les difficultés rencontrées par les premières gendarmes, confrontées au rejet ou au paternalisme de leurs camarades masculins, même si aucune ne regrette leur engagement. « J’avais l’impression d’être là pour faire le café et les tâches ménagères » confie à l’époque une gendarme au cours de l’enquête.

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Pour autant, du côté de l’institution on montre que la présence des femmes dans les rangs est définitivement admise et des dispositifs sont mis en place afin de lutter contre les comportements sexistes.

L’École des officiers Gendarmerie nationale communique sur la féminisation de l’institution à l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes le 8 mars 2024.

Des mesures contre la stigmatisation et les violences faites aux femmes

La prise en compte des agressions, harcèlements et stigmatisations auxquels peuvent faire face les personnels féminins s’est cantonnée dans un premier temps au strict respect des règles militaires de déontologie et à celles de la discipline, entre rappels à l’ordre et sanctions. Elles n’ont fait l’objet d’un traitement particulier que tardivement.

Une première étape est franchie avec la nomination, en 2012, d’une référente nationale égalité professionnelle et diversité, placée auprès du directeur des personnels.

Mais c’est bien en 2014, à la suite de l’enquête lancée par le ministère de la Défense après la publication de l’ouvrage des journalistes Leila Minano et Julia Pascual, que la Gendarmerie élabore son premier plan d’action en la matière.

Celui-ci s’accompagne de la création d’une plate-forme de signalement, « StopDiscri », afin de permettre aux victimes ou aux témoins d’envoyer un signalement à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), garante du respect de la déontologie.

Présentation de la plate-forme StopDiscri de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale) par deux personnels du bureau des signalements et réclamations (BSR) de la division des signalements et de la déontologie (DSD).

Ces premiers outils de lutte contre les discriminations et le harcèlement sont complétés par la mise en place d’un réseau de coordonnateurs et de référents égalité professionnelle et diversité (CED et RED), à partir de 2016, l’élaboration d’un second plan d’action triennal, en 2021, et la création d’un observatoire pour l’égalité et contre les discriminations en 2023.

Vers une libération de la parole et de l’écoute ?

En dépit de cette politique volontariste, le rapport 2022 de l’IGGN révèle que sur les 231 enquêtes administratives internes menées, les affaires de harcèlement sexuel et de discriminations représentent 15,6 % du total des enquêtes.

La plate-forme de signalement « StopDiscri », quant à elle, voit les signalements augmenter depuis 2019 pour atteindre le nombre de 256 en 2022, même si tous ne sont pas avérés.

Néanmoins, les chiffres révélés par le rapport de l’IGGN permettent de montrer que la politique mise en œuvre par la gendarmerie contribue à une plus grande libération de la parole des victimes, ce qui est essentiel pour permettre un accompagnement adapté et pour sanctionner les auteurs. Le rapport souligne ainsi l’augmentation du nombre de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la radiation des cadres.

François Dieu, sociologue spécialiste de la gendarmerie, a souligné récemment que « la présence de la femme sous l’uniforme de gendarme se heurte encore aujourd’hui à un certain nombre d’obstacles et de résistances, de réticences et de préjugés ». Toutefois, consciente de cet état de fait, la gendarmerie entend démontrer sa volonté de répondre fermement et sans concession au moindre manquement à l’égard de ses personnels féminins. La publication du rapport annuel de l’IGGN, la nomination d’un magistrat à sa tête, sont autant d’illustrations des velléités de transparence de l’institution sur ce sujet comme sur d’autres.

Cela ne signifie pas que la politique d’égalité et de diversité de la gendarmerie est achevée, loin de là. Mais la tentation d’une stigmatisation des armées présente le risque d’oublier que les violences faites aux femmes sont avant tout un fait de société qu’il faut impérativement traiter dans sa globalité.

The Conversation

Luc Demarconnay, docteur en histoire, chercheur associé au Centre d'histoire du XIXe siècle et affilié à la chaire HiGeSeT, sert au sein de la direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale.

15.04.2024 à 16:03

Banques et finance durable : comment choisir où placer notre épargne ?

Mathieu Garnero, Directeur du projet Finance ClimAct, Ademe (Agence de la transition écologique)

Depuis quelques années, des réglementations viennent progressivement encadrer les investissements des banques pour les rendre plus vertueux et aider les clients à choisir où leur argent est placé.
Texte intégral (2087 mots)

Parce que les entreprises dépendent d’elles pour financer leurs projets, les banques jouent un rôle de taille dans la trajectoire climatique. Un rôle loin d’être anodin : 98 % des émissions liées aux activités bancaires sont générées en aval, par les projets qu’elles facilitent par le crédit.

Les banques financent de nombreuses opérations dans l’économie. Pour ne citer que quelques exemples : exploitation de gaz, un terminal méthanier, gazoduc, industrie chimique, exploitation agricole, etc. Cela peut amener une banque à financer de nombreuses fois toute la chaîne responsable d’une même émission de CO2.

Ce qui a conduit l’ONG Oxfam à titrer :

« L’empreinte carbone des grandes banques françaises représente près de huit fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière. »

En réalité, il ne s’agit pas d’une responsabilité directe, mais d’une mesure de la dépendance des banques et de leur modèle d’affaire à une économie très carbonée.

Parce qu’elles sont des entreprises privées, les banques font des choix de financement d’abord guidés par la rentabilité, la profitabilité à un instant donné. Quand bien même elles peuvent montrer de la bonne volonté, elles vont surtout agir en fonction des contraintes économiques du moment.

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Seuls un cadre réglementaire et des incitations sont donc à même de pousser les banques à financer des secteurs favorables à la lutte contre le changement climatique au détriment de secteurs rentables, mais polluants.

Depuis deux ans, de nouvelles réglementations sont mises en place au niveau européen afin de contraindre les institutions financières (banques, assurances et sociétés de gestion) à prendre leurs responsabilités en réorientant leurs financements vers plus de durabilité. Ces contraintes les obligent à adopter des stratégies de transition à long terme et à se montrer plus transparentes : vis-à-vis de la société civile, des institutions et des épargnants, qui réclament de savoir ce que leur argent sert à financer.

Quelles nouvelles obligations s’imposent désormais aux banques et comment pouvons-nous, en tant que particulier, choisir à qui nous confions notre épargne ?

Prise de conscience des risques climatiques

Pour faire évoluer le secteur financier, l’Union européenne s’est emparée de plusieurs leviers : le premier a été de lui faire prendre conscience que ses intérêts étaient exposés à plusieurs titres par les risques climatiques. Depuis 2020 avec la Banque de France, et 2022 au niveau européen, les grandes banques, assurances et sociétés de gestion ont dû mesurer leur vulnérabilité financière aux risques climatiques et aux risques liés à la transition.

  • Par risques climatiques, on entend d’abord les risques physiques. La fréquence accrue des catastrophes naturelles, par exemple, expose davantage à ces risques les activités classiques qu’elles financent. Les banques et assurances dépendent du secteur l’immobilier, lui-même vulnérable aux sécheresses et à l’érosion des côtes.

  • Mais il faut aussi considérer les risques de transition : les actifs non durables des banques – un bâtiment mal isolé ou un puits de pétrole – risquent d’être dépréciés en cas de politique climatique ambitieuse.

La Banque centrale européenne et la Banque de France ont donc essayé de projeter les banques dans un univers plus ambitieux au plan climatique, ou plus dégradé au plan des risques physiques, afin qu’elles analysent les impacts financiers sur leurs portefeuilles présents et futurs.


À lire aussi : Les banques centrales, nouvelles gardiennes du chaos ?


Une transparence accrue

Deuxième axe sur lequel l’Union européenne a mené son action, la transparence. Dès 2025, le secteur privé sera contraint par la directive européenne sur le « Corporate Sustainability Reporting » à livrer un certain nombre d’informations sur ses activités.

Dans le cas des banques, cela les force à dévoiler le contenu de leurs portefeuilles, les secteurs qu’elles financent et les émissions associées à ces financements. Elles n’ont en outre plus la possibilité de se dédouaner vis-à-vis de ce que font les entreprises qu’elles financent, puisque celles-ci sont soumises aux mêmes contraintes de reporting : la transparence est donc imposée à tous les niveaux. Les données publiées seront contrôlées par les Commissaires aux comptes.

L’accès à ces informations est en outre précieux pour la société civile, qui peut s’en saisir à tout moment pour alerter sur les mauvaises pratiques d’une entreprise ou le non-respect des engagements qu’elle a pris.

Plans de transition et taxonomie verte

Enfin, les entreprises – dont les banques – pourront élaborer, d’ici au premier trimestre 2025, des plans de transition et les restituer au format de la CSRD afin d’aligner leur activité sur la taxonomie verte européenne. Cet outil mis en place par l’UE pour mettre en avant les investissements durables est « un système de classification des activités économiques qui permet d’identifier celles qui sont durables sur le plan environnemental, c’est-à-dire qui n’aggravent pas le changement climatique », selon les termes de l’Union européenne.

Elle passe au crible de six objectifs plus de 200 secteurs pour établir des critères en fonction desquelles une activité économique est considérée comme durable. Ce référentiel se veut un dictionnaire anti-greenwashing, ses définitions doivent pouvoir servir dans de nombreux cas : commande publique, labels et obligations vertes.

Si sa mise en place a fait l’objet de nombreux débats – certains secteurs controversés comme le nucléaire, la production de gaz ou l’aviation y ayant été intégrés sous certaines conditions strictes – elle fixe aux entreprises un référentiel précis pour réduire leurs émissions.

Dans la pratique, les entreprises concernées sont encore loin d’être au niveau des critères de la taxonomie. Leur plan de transition sera donc regardé de près : et si ces plans de transition n’ont rien d’obligatoire, une entreprise sur un secteur à fort enjeu qui n’en aurait pas enverrait un message clair au marché.


À lire aussi : Comment les grandes entreprises prennent-elles en compte les enjeux climatiques ?


Donner ses préférences à sa banque

À notre échelle d’épargnant individuel, nous disposons aussi de nouvelles marges de manœuvre pour contrôler l’action de nos banques.

Depuis 2022, un règlement européen élargit en effet le devoir fiduciaire : jusqu’ici, la responsabilité qu’avait le tiers vis-à-vis de l’épargnant lui confiant son argent était limitée à la fiabilité du placement. La seule exigence imposée à l’institution financière était de questionner son client sur ses préférences autour du rapport entre rentabilité et risque : préférait-il un placement plus rentable, mais moins sûr ou inversement ?

Depuis 2022 août, ce devoir fiduciaire étend les obligations des grands réseaux de distribution. Le conseiller bancaire est maintenant tenu de demander à ses épargnants d’exprimer leur souhait quant à la destination de l’argent – c’est-à-dire leurs préférences d’investissement en matière environnementale (climat, biodiversité, eau…) ou sociale.

Une liste de questions est établie pour permettre à l’épargnant d’exprimer ses préférences de durabilité. En retour, le conseiller doit alors proposer des produits correspondant aux attentes exprimées afin de permettre à l’épargnant de placer son épargne sur des investissements durables qui lui correspondent, dans la limite de l’offre disponible de produits financiers.

Choisir des placements labélisés

Autre levier existant pour se repérer dans la jungle de la finance durable, les labels. En France, l’épargnant particulier peut se référer à trois principaux labels, qui sont en cours de révision :

  • Le label FinanSol : consacré à la dimension sociale, il vise à apporter 10 % de la somme placée au financement d’entreprises ou d’associations de l’économie sociale et solidaire. Les 90 % restants restent dédiés à l’économie classique.

  • GreenFin : ce label créé en France permet d’investir au moins 16 % dans des secteurs jugés durables (énergies renouvelables, mobilités douces, etc.) et exclut tous les secteurs portant préjudice à l’environnement. Créé avant la taxonomie européenne, il suit pour le moment un référentiel qui lui est propre, mais va être aligné sur la taxonomie verte européenne.

  • ISR (Investissement socialement responsable) : plus connu, ce troisième label sous la responsabilité du ministère des Finances est aussi beaucoup moins exigeant, puisqu’il couvre quasiment 50 % du marché des fonds. Il a été critiqué ces dernières années car il visait uniquement à sélectionner les « meilleurs » de chaque secteur et ne comprenait pas de filtre d’exclusion sur les secteurs polluants comme les énergies fossiles.

L’an dernier, un travail important a toutefois été mené pour définir des normes d’exclusion : désormais, toutes les entreprises qui développent de nouveaux projets sur les énergies fossiles sont écartées du label ISR et la qualité des plans de transition va être évaluée sur les secteurs à enjeux.

Choisir sa banque

Ces labels ont tous leurs limites, et surtout ne concernent que des fonds. Ils ne s’appliquent donc pas aux banques dans leur ensemble.

Quand bien même nous plaçons notre épargne sur des fonds durables, cela ne garantit pas que la banque soit globalement vertueuse. Certes, presque l’intégralité des groupes bancaires français s’est engagé à une démarche de neutralité carbone à l’occasion de la COP26 à Glasgow. Mais il faudra mesurer si les promesses sont tenues dans le temps.

Les stratégies des banques ne sont par ailleurs pas toutes les mêmes : certaines arrêteront le financement de secteurs émetteurs de gaz à effet de serre quand d’autres se contenteront de mettre en place des financements sous conditions (par exemple, d’utiliser des technologies plus avancées et plus propres).

La question est aussi de savoir si les investissements vertueux se substituent ou simplement s’additionnent aux investissements émetteurs. Pour les épargnants les plus convaincus, il existe aussi la possibilité de se tourner vers des banques plus engagées dans la durabilité, telles que la NEF ou le Crédit coopératif.

Quoi qu’il en soit, si l’évolution rapide des réglementations peut porter à confusion, la transparence accrue des banques et des entreprises devrait faciliter à terme l’appropriation du sujet par la société civile : nombre de médias et d’ONG décryptent et analysent ces évolutions pour aider le particulier à faire des choix plus éclairés en la matière.

The Conversation

Mathieu Garnero ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

15.04.2024 à 16:03

Sommes-nous prêts à confier nos décisions d’achat à une IA ?

Patricia Rossi, Associate Professor of Marketing, SKEMA Business School

Mariyani Ahmad Husairi, Assistant Professor of Marketing, Neoma Business School

Une étude révèle que notre volonté de préserver notre autonomie dans nos choix d’achat dépasse le besoin de réduire le temps et les efforts. Sauf, curieusement, quand notre identité entre en jeu.
Texte intégral (1163 mots)

Beaucoup de ce que nous faisons semble porter la marque de l’intelligence artificielle (IA) et des algorithmes. Ils sont censés nous faciliter la vie en prenant en charge certaines tâches. Jusqu’à bientôt nous aider à choisir au moment d’effectuer des achats ?

Le processus de décision peut s’avérer complexe : prendre conscience d’un besoin ou du désir de quelque chose, recueillir des informations sur les différentes possibilités qui s’offrent à nous, les comparer, puis enfin choisir. Ce processus peut aller plus ou moins vite : plus nous sommes impliqués dans le produit, plus nous réfléchissons à chaque étape de ce processus.

L’IA peut y intervenir au moins à deux titres. D’abord, lorsqu’elle recommande quelque chose, elle réduit les choix à notre place. Elle prend en charge une partie de la collecte d’informations sur les produits concurrents et la comparaison des alternatives possibles et réduit ici notre « autonomie de choix ». Elle peut également intervenir activement dans la décision d’achat finale et agir sans notre intervention. On parle ici d’« autonomie de décision ». Les réfrigérateurs intelligents, par exemple, fournissent déjà des données à un algorithme qui détermine quand se réapprovisionner et ce qu’il faut acheter. De même, le service en ligne Boxed.com expédie des produits en fonction de prédictions sur le moment où ses clients seraient à court d’articles.

Ce genre d’« initiatives » de l’IA peut présenter des avantages : gains de temps, mois d’effort de réflexion, économie d’argent aussi potentiellement. Pourtant, nous voulons toujours être aux commandes, être nos propres maîtres. L’autonomie de choix et de décision nous procure des avantages psychologiques, nous permet d’afficher nos valeurs et de construire, entre autres, notre identité. L’autonomie contribue à notre bien-être.

Notre récente étude a tenté d’approfondir cette ambivalence. Nous avons mis en place plusieurs études expérimentales pour comprendre quand l’autonomie de choix et de décision peut avoir un impact sur l’adoption d’outils reposant sur l’IA dans un contexte de consommation. Nous avons isolé deux variables, l’autonomie de choix de l’autonomie de décision, afin de déterminer si elles modifient individuellement notre probabilité d’adopter pareils outils.

La liberté, même quand le choix est compliqué

Que montrent systématiquement nos études ? De façon peu surprenante, plus l’autonomie de choix perçue et l’autonomie de décision perçue sont faibles, plus la probabilité d’acceptation de l’IA est faible. En d’autres termes, lorsque les consommateurs ont l’impression de disposer d’une autonomie de choix et de décision, ils sont plus susceptibles d’adopter une technologie reposant sur l’IA que lorsqu’ils ressentent un manque d’autonomie.

Que se passe-t-il lorsque l’IA est destinée à faciliter une décision d’achat complexe, par exemple, si un consommateur doit faire un choix sur la base de 20 attributs importants ? Serait-il alors plus enclin à renoncer à son autonomie ? C’était ce que nous imaginions à l’origine. Nous supposions que, lorsque des facteurs de complexité entraient en jeu, les consommateurs se fieraient davantage aux recommandations générées par les algorithmes. À notre grande surprise, même face à de telles complexités, les consommateurs souhaitent conserver leur liberté de choix et leur autonomie de décision.

Dans l’ensemble, les résultats de notre étude montrent que le désir des clients de préserver leur autonomie dépasse le besoin de réduire le temps et les efforts résultant de décisions complexes. Nous ne voulons pas que l’IA prenne complètement en charge nos tâches d’achat, car notre autonomie compte encore.

Quand l’identité est en jeu

Cela signifie-t-il que nous préférons toujours conserver notre autonomie plutôt que de céder nos choix et nos décisions d’achat à l’IA ? C’est le cas dans la plupart des situations. Sauf… lorsque nous pensons que l’IA peut nous aider à acheter les choses dont nous avons besoin pour mener à bien des activités que l’on considère importantes pour notre identité. La pêche, la pâtisserie et la course à pied sont, par exemple, des activités liées à l’identité. Des études antérieures ont pourtant montré que lorsque la technologie prenait en charge des fonctions pertinentes pour l’identité d’une personne, il en résultait une aversion pour la technologie car nous voulons effectuer ces activités nous-mêmes : nous ne pouvons pas nous considérer comme des boulangers si une machine fait la plupart du travail à notre place !

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Mais nos travaux montrent que, lorsqu’une activité est importante pour nous, nous sommes heureux de renoncer à notre autonomie d’achat au profit de l’IA, si celle-ci finit par nous aider. Un coureur passionné est par exemple plus susceptible de laisser l’IA acheter ses chaussures de course qu’un coureur occasionnel.

Ces effets se produisent parce que les outils d’achat reposant sur l’IA complètent les objectifs identitaires des consommateurs tout en leur permettant de s’attribuer le résultat. Si l’IA se charge, par exemple, de l’achat des chaussures d’un passionné, cela permet à ce dernier d’économiser du temps et de l’énergie pour courir. Il pourra alors dire sans gêne : « J’ai laissé l’IA acheter mes chaussures de course afin de pouvoir consacrer plus de temps à ce qui compte vraiment : la course à pied ! »

The Conversation

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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