LUNDI SOIR LUNDI MATIN VIDÉOS AUDIOS
26.09.2022 à 06:00
Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique - Fanny lopez
Dans À Bout de Flux, qui vient de paraître aux Éditions Divergences, l’historienne de l’architecture Fanny Lopez poursuit un travail qui s’attache à décortiquer les dimensions politiques et spatiales des infrastructures énergétiques. L’auteur y déploie une double histoire du numérique et des réseaux de production, d’acheminement et de transmission électrique : un éventail de prises pratiques par lesquelles comprendre le fonctionnement de cette « mégamachine ».
A l’heure où les appareils gouvernementaux présentent la sobriété individuelle comme réponse à la crise de l’énergie, et où Ursula Von Der Leyen nous apprend comment nous laver les mains sans gaspiller de l’eau en sifflant l’hymne européen, Fanny Lopez revient avec clarté et finesse sur les aspects matériels de ces infrastructures, et met en relief différentes propositions pour les mettre en déroute : leur opposer d’autres formes de réseaux, d’autres rapports à la technique.
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19.09.2022 à 20:00
Rêver quand vient la catastrophe - Nastassja Martin
Ce lundisoir, nous accueillons l’anthropologue Nastassja Martin qui vient de publier le fabuleux À l’est des rêves : Réponses even aux crises systémiques. Il s’agira de parler de ses recherches sur la tribu Even du Kamtchatka, sédentarisée pendant l’ère soviétique et dont certains membres ont décidé, depuis l’effondrement de l’URSS, de repartir en forêt et d’y recréer un mode de vie autonome fondé sur la chasse, la pêche et la cueillette. À mille lieux de tout exotisme, ce que les travaux de Nastassja Martin viennent éclairer, c’est la persistance, dans les interstices du capitalisme, de rapports singuliers au monde, de formes-de-vie. Et ce que tout cela nous indique, c’est qu’il existe, entre le folklore de la tradition et l’étouffement de tout par l’économie, la possibilité de composer et recomposer des mondes inédits.
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12.09.2022 à 20:00
Comment les fantasmes de complot défendent le système - Wu Ming 1
À l’occasion de la publication en français de Q comme qomplot, son auteur Wu Ming 1 est passé nous rendre visite.
L’origine de ce fascinant pavé théorico-politico-journalistico-littéraire de 550 pages est en elle-même une intrigue déconcertante. Au fil des premiers messages diffusés sur les réseaux sociaux par le fameux Q qui déclenchera la vague de délire Qanon et accidentellement l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021, Wu Ming reconnaissent de très nombreuses références à leur roman lui aussi nommé Q et paru en 1999. Connus et reconnus de l’autre côté des Alpes pour avoir organisé des canulars subversifs gigantesques et piégé des pelletés de journalistes, la question s’est immédiatement retrouvée sur toutes les lèvres : le phénomène Qanon est-il une œuvre et une blague de Wu Ming qui auraient dégénérées ? (spoiler: la réponse est non)
C’est-à-partir de ces coïncidences mystérieuses que Wu Ming 1 s’est attelé pendant 3 ans à comprendre, décrypter et historiciser ce phénomène dont tout le monde parle mais ne dit jamais grand-chose : le complotisme. A mille lieux de la condescendance et de l’anti-complotisme du parti de l’ordre, à rebours de la complaisance opportuniste des esprits malins qui espèrent y trouver une nouvelle rente, Wu Ming a travaillé l’histoire, les concepts et le phénomène afin de le comprendre et l’appréhender politiquement, c’est-à-dire éthiquement.
Q comme Qomplot propose une boîte à outils pour lutter contre les narrations toxiques qui prolifèrent et abîment les esprits, jusqu’à leur faire oublier le monde. De ceux qui étaient convaincus que Paul McCartney était mort ou que Kennedy ne l’était pas à ceux qui réduisent le Covid 19 à une grippette ou croient que la pandémie a été planifiée (ou les deux). Avec une érudition impressionnante, l’auteur analyse un phénomène politique qui capte l’immense malaise dans la civilisation, court-circuite la colère et propage le ressentiment, la paranoïa et l’impuissance. C’est de tout cela dont nous avons parlé avec l’auteur. L’entretien a été mené par Yves Pagès, qui a beaucoup travaillé sur ces questions. Merci au traducteur et la traductrice à l’interprétariat.
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05.09.2022 à 20:00
Le pouvoir du son - Juliette Volcler
On a parfois le sentiment que la pensée critique tourne en rond. Que chaque petit détail de notre quotidien comme toute méga-structure institutionnelle ont déjà été décortiqués, analysés et contextualisés dans les régimes de pouvoir qui nous enserrent, nous calibrent, nous tiennent. Juliette Volcler vient justement prouver le contraire. Depuis plusieurs années, la chercheuse s’intéresse à une dimension du réel à la fois proche et omniprésente mais impensée : le son. Le son comme arme et ses usages policiers et militaires, le son comme dispositif de contrôle et de manipulation et plus récemment dans son dernier ouvrage paru à La Découverte , le son comme orchestration du quotidien. De la musique d’ascenseur, aux annonces de la SNCF, des publicités au maintien de l’ordre, Juliette Volcler raconte et explique comment nos oreilles sont elles aussi un champs de bataille.
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04.07.2022 à 20:00
Anthropologie du désert (australien) - Barbara Glowczewski
Dans un entretien avec Jean Vioulac, nous remarquions que l’anthropologie est devenue peu à peu le refuge de la philosophie anarchiste. Depuis Clastres, Scott, Graeber - renouant avec un courant de dissidence qui commence peut-être avec Rousseau ou Montaigne, mais dont la filiation est plus récemment inscrite en Mauss, Radcliff-Brown, Salhins et même le Levi-Strauss de Tristes tropiques - les anthropologues ne furent que rarement de simples théoriciens en fauteuils, et depuis leurs carnets de notes, avec les concepts autochtones qu’ils rencontraient, en essayant de suivre et d’écouter ce que les Bororos, les Nambikuaras, les Guyakis, les Achuars, les archives des sociétés des collines de l’Asie du sud-est, avaient peut-être à dire du “simple fait de vivre”. C’est aussi par l’anthropologie, entre autre, que les prétentions de l’occident furent une à une disloquées, parce que venaient du dehors des témoins de vérités bien autres, qui, renforcées théoriquement par le contraste avec l’Empire étouffant des maîtres et possesseurs et ses citoyens affadis, n’ont cessé de ventiler d’ondées sensibles le désert halluciné. Hier on accusait les cultures sur abattis-brulis de détruire les forêts, aujourd’hui les maîtres et destructeurs de l’agriculture de chez nous reconnaissent que ces pratiques conjurent les ravages des méga-feux.
Barbara Glowczewski ne se dit pas anarchiste, mais sa manière d’appréhender la question de la vie collective, avec ses amis et amies du désert central australien, sa famille et ses proches de Lajamanu, les gens qu’elle est partie connaître et regarder tracer leurs trajectoires-chantées dans les sables d’un désert plus vivant que le notre, et qui ont lié leur destin au sien sans que les parts respectives de ce qui revient au même et à l’autre soient discernables, sans que nous puissions vraiment décréter que ce sont les aborigènes Warlpiri qui pensent comme Deleuze et Guattari ou Deleuze et Guattari qui, grâce à Barbara Glowczewski, qui a été leur amie, pensent avec et comme elles et eux.
L’anarchisme n’a pas besoin de se dire anarchiste ou libertaire. Il ne ferait que refaire du slogan, de l’identité, du marketing. Ce sont des formes de vie fort variées qui l’expriment, et leurs pratiques sont des théories. Lorsque les Warlpiris conçoivent leurs territoires d’existence comme de vastes trajets constellés de noeuds ou d’étapes où, dans les temps reculés, et depuis l’espace virtuel du dessous, des êtres du Rêve (leur totem de patriclan) se sont fossilisés dans des roches et des points d’eau, des arbres ou des crevasses, dont ils et elles sont les gardiens et les gestionnaires, ils et elles proposent des formes d’habitation du monde, qui peuvent servir de point d’Archimède, à des luttes pour leurs terres colonisées, de puissances tactiques qui prennent corps à partir d’un ailleurs et non pas au coup par coup d’une situation sans issue. Bien entendu, la perfection n’est pas de ce monde. L’hostilité et la hiérarchie peuvent de temps à autre ressurgir. Mais on peut alors se séparer.
Devant l’omnicide, écocide, ethnocide, genocide, il y a bien entendu de la vie. Et elle se lève. Non parce qu’elle aurait une force mystique en elle. Mais parce que les gens n’aiment pas être dominés, c’est comme ça, et qu’ils cherchent à ce qu’on leur foute la paix. C’est peut-être le premier axiome de l’anthropologie anarchiste.
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