04.04.2025 à 14:43
Human Rights Watch
Cette semaine, la junte militaire du Niger a libéré une cinquantaine de personnes de prison, dont plusieurs anciens membres du gouvernement, des officiers militaires et un journaliste qui avaient été arrêtés à la suite du coup d'État de juillet 2023. Toutefois, plusieurs autres personnes, notamment l'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse, sont toujours derrière les barreaux pour des motifs politiques.
La décision de libérer les prisonniers fait suite aux recommandations d'une commission nationale représentant les participants aux pourparlers de février sur la transition du pays vers un régime démocratique. Cette libération intervient quelques jours après que le chef de la junte, Abdourahamane Tiani, a été investi en tant que président du Niger pour les cinq prochaines années. Tous les partis politiques ont été dissous.
Parmi les personnes libérées figurent plusieurs ministres de Mohamed Bazoum, dont Mahamane Sani Issoufou, ancien ministre du Pétrole, et Kalla Moutari, ancien ministre de la Défense, ainsi que Foumakoye Gado, président de l'ancien parti au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), et le journaliste Ousmane Toudou.
Depuis le coup d'État, la junte militaire a réprimé l'opposition, les médias et la dissidence pacifique. Les autorités ont arrêté arbitrairement plusieurs responsables du gouvernement déchu et des personnes proches du président renversé, leur refusant le droit à une procédure régulière et à un procès équitable. Les services de renseignement ont détenu de nombreuses personnes au secret avant de les transférer dans des prisons de haute sécurité sur la base d'accusations forgées de toutes pièces, notamment celle d’« atteinte à la sûreté de l’État ». Elles ont été traduites devant des tribunaux militaires, bien qu'elles soient des civils.
Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus au palais présidentiel de Niamey, la capitale du Niger. En février, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, un organe d'experts indépendants qui enquête sur des cas de privation de liberté, a conclu que la détention de Mohamed Bazoum et de son épouse constituait une violation du droit international relatif aux droits humains, et a demandé leur libération immédiate.
Moussa Tiangari, éminent militant des droits humains et détracteur de la junte, qui a été arrêté arbitrairement en décembre 2024, est lui aussi toujours détenu pour des accusations liées au terrorisme.
La libération par la junte d'anciens fonctionnaires détenus à tort est un pas dans la bonne direction, mais il faut aller plus loin. Les autorités nigériennes devraient libérer toutes les personnes, y compris Mohamed Bazoum et son épouse, qui n'ont pas été inculpées de manière crédible pour des crimes reconnus, ainsi que les personnalités et les militants de l'opposition qui ont été pris pour cible en raison de leurs opinions politiques. La junte devrait également reconnaître les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique.
03.04.2025 à 19:59
Human Rights Watch
(Genève, le 3 avril 2025) – L’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’une résolution prolongeant le mandat de Mission d’établissement des faits sur l’Iran et élargissant considérablement le champ de ses enquêtes constitue une étape cruciale dans la lutte contre la crise croissante de l’impunité en Iran, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
La Mission d’établissement des faits sur l’Iran, dont le rôle est soutenu par de nombreuses organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, a été initialement créée dans le contexte de la répression meurtrière des manifestations « Femme, Vie, Liberté » de 2022. La Mission aura désormais pour mandat de surveiller et d’enquêter sur les allégations de violations graves des droits humains, récentes et en cours ; d’établir les faits, les circonstances et les causes structurelles de ces violations ; et de recueillir, consolider, analyser et préserver les preuves de violations en vue de faciliter de futures procédures judiciaires.
« La décision du Conseil, soutenue par 24 États de toutes les régions du monde, envoie un signal fort : le fossé de l'impunité qui favorise les violations flagrantes des droits humains en Iran, dont des crimes en vertu du droit international, se rétrécit progressivement », a déclaré Bahar Saba, chercheuse senior sur l'Iran à Human Rights Watch. « La résolution garantit une surveillance internationale continue, et vise la collecte et la préservation des preuves, afin de faciliter de futures poursuites contre les auteurs de crimes selon le droit international, à tous les niveaux. »
Dans son rapport de mars 2025, la Mission d'établissement des faits a constaté que des violations flagrantes des droits humains, dont certaines constituent des crimes contre l'humanité, se poursuivent et a recommandé la poursuite des enquêtes sur la situation des droits humains dans le pays.
La prolongation et l'élargissement du mandat de la Mission reflètent la reconnaissance internationale croissante de la nécessité de lutter contre l'impunité systématique et structurelle des violations des droits humains et des crimes internationaux, qui alimente les cycles de violence d'État en Iran depuis des décennies. Ce mandat contribuera à traduire en justice les auteurs de ces crimes et à soutenir les efforts déployés par les survivants, les victimes et leurs familles pour faire valoir leurs droits à la vérité, à la justice et à des réparations.
Le Conseil des droits de l'homme a également renouvelé le mandat de la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme en Iran, qui a joué un rôle crucial dans la réponse apportée à diverses violations, notamment en lançant des appels urgents pour protéger les personnes en danger, en particulier celles qui risquent une exécution imminente.
La résolution du Conseil des droits de l'homme a attiré l'attention sur la situation désastreuse des droits humains en Iran, qui nécessite une surveillance continue. Parmi ces préoccupations figurent la recrudescence continue des exécutions, la violence et la discrimination généralisées, en droit et en pratique, à l'égard des femmes, des filles et des personnes appartenant à des minorités ethniques, linguistiques et religieuses ou de conviction, reconnues ou non, ainsi que l'absence généralisée d’obligation de rendre des comptes pour les abus commis en Iran. Le Conseil a appelé les autorités iraniennes à coopérer pleinement avec la Rapporteure spéciale, ainsi qu’avec la Mission d'établissement des faits, notamment en leur accordant un accès sans entrave au pays.
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02.04.2025 à 21:40
Human Rights Watch
« Je suis monté en grade ! » ironisait mardi Maixent Somé, militant et détracteur burkinabé en exil de la junte militaire du pays sur X, après avoir appris que son nom figurait sur une liste de terroristes recherchés.
Le 1er avril, le ministre de la sécurité du Burkina Faso a publié une liste d'individus « activement recherchés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et a appelé le public à fournir des informations sur le lieu où ils se trouvent.
Parmi les personnes recherchées figurent Jafar Dicko, chef du Groupe pour le soutien de l'islam et aux musulmans (GSIM, en arabe Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, qui combat les forces armées du Burkina Faso depuis 2016, et d'autres chefs djihadistes tels que Dicko Hamadoun, alias « Poulkotou », Bolly Oumarou Idrissa, alias « Oumi », et Dicko Hamadou Abou.
Mais la liste comprend également d'éminents détracteurs des autorités, tels que les journalistes en exil Newton Ahmed Barry et Abdoulaye Barry, ainsi que les militants en exil Naïm Touré ; Aminata Ouédraogo, alias « Aminata Raschow » ; Oumar Coulibaly ; Barry Al Hassane ; et Maixent Somé.
Certains de ces détracteurs avaient récemment dénoncé un massacre de civils perpétré le 11 mars par des milices pro-gouvernementales dans les environs de Solenzo, dans l'ouest du Burkina Faso. Dans une interview accordée le 15 mars, Newton Ahmed Barry a qualifié la junte dirigée par Ibrahim Traoré de « tyrannique » et a expliqué pourquoi il avait été contraint de fuir le Burkina Faso : « lorsque vous n’êtes pas d’accord avec elle [la junte], vous avez le choix entre l’exil, la prison ou le front, et donc la mort. »
Depuis qu'elles ont pris le pouvoir à la suite d'un coup d'État en 2022, les autorités militaires burkinabè ont systématiquement réprimé les médias, l'opposition politique et la dissidence pacifique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Le 30 mars, des hommes armés affirmant être des gendarmes ont arrêté Miphal Ousmane Lankoandé, secrétaire exécutif du Balai Citoyen, un groupe de la société civile, à Ouagadougou, selon des médias et des membres du groupe. Le lieu où il se trouve actuellement n'est pas connu, ce qui fait craindre qu'il n'ait été victime d'une disparition forcée.
L'inscription de journalistes et d'activistes en exil sur une liste de terroristes constitue une tentative flagrante d'intimidation et risque d’avoir un effet dissuasif sur leur travail. Les autorités devraient immédiatement retirer leurs noms de la liste, respecter le droit à la liberté d'expression et mettre fin à leur répression de la dissidence.
02.04.2025 à 14:56
Human Rights Watch
Mise à jour : Le 1er avril 2025, le Premier ministre finlandais a annoncé que son gouvernement se préparait à se retirer du Traité d'interdiction des mines.
La Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines, le 4 avril, est l'occasion de mettre en lumière le travail des milliers de démineurs qui, dans le monde entier, déminent et détruisent les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Ils risquent leur vie pour aider les communautés à se remettre des conflits armés et de leurs conséquences sur plusieurs générations.
Mais en raison des développements dévastateurs dus en grande partie à deux pays qui n'ont pas interdit les mines antipersonnel, les États-Unis et la Russie, cette Journée internationale des mines ne semble pas vraiment mériter de célébrations.
Depuis plus de trente ans, les États-Unis sont le plus grand contributeur mondial au déminage humanitaire, à la sensibilisation aux risques liés aux mines et aux programmes de réhabilitation pour les survivants des mines terrestres. Mais les coupes drastiques de l'administration Trump à l'aide étrangère perturbent désormais les opérations de déminage. Des milliers de démineurs ont été licenciés ou mis en congé administratif en attendant la fin des soi-disant audits. On ne sait pas si ce soutien crucial se poursuivra. Les conséquences des coupes de l'administration Trump deviendront évidentes à mesure que le nombre de victimes va augmenter.
L'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie en février 2022 et l'incertitude quant à la sécurité future de l'Europe contribuent également à créer un environnement difficile. Les ministres de la Défense de la Pologne, de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie ont annoncé en mars leur intention de se retirer de la Convention de 1997 interdisant les mines antipersonnel.
Les forces russes ont largement utilisé des mines terrestres antipersonnel en Ukraine depuis 2022, causant des victimes civiles et contaminant des terres agricoles. L'Ukraine a également utilisé des mines antipersonnel et en a reçu des États-Unis, en violation de la Convention d'interdiction des mines.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a cherché à justifier le retrait proposé par son gouvernement, déclarant au Parlement : « Tout ce qui peut renforcer la défense de la Pologne sera mis en œuvre. Nous utiliserons toutes les options disponibles. » Quelques jours plus tard, le ministre polonais de la Défense a déclaré que le gouvernement avait l'intention de relancer la production de mines antipersonnel.
Les mines antipersonnel utilisées dans les conflits armés actuels n'ont rien de sophistiqué. Ce sont des armes indiscriminées qui font principalement des victimes civiles, violent les droits humains et ont un impact sociétal à long terme. L'usage des mines antipersonnel porte atteinte au droit international humanitaire et aux protections civiles établies de longue date.
Les retraits proposés de la Convention soulèvent la question de savoir quels autres traités de désarmement humanitaire sont menacés : les armes chimiques ? les armes à sous-munitions ? L'utilité militaire de toute arme doit être considérée par rapport aux dommages humanitaires attendus.
Pour éviter de porter davantage atteinte aux normes humanitaires, la Pologne et les États baltes devraient rejeter les propositions de retrait de la Convention d'interdiction des mines. Ils devraient plutôt réaffirmer leur engagement collectif envers les normes humanitaires visant à protéger l'humanité en temps de guerre.
01.04.2025 à 21:27
Human Rights Watch
(Washington) – La Hongrie devrait refuser l'entrée au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ou l'arrêter s'il entre dans le pays, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le bureau de Netanyahou a annoncé qu'il prévoit de se rendre en Hongrie le 2 avril 2025 à l'invitation du Premier ministre Viktor Orban.
Netanyahou est visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) le 21 novembre 2024, date à laquelle les juges de la Cour ont émis des mandats d'arrêt contre lui et Yoav Gallant, son ministre de la Défense de l'époque, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza à partir du 8 octobre 2023 au moins. Ces crimes comprennent notamment la famine imposée aux civils, des attaques intentionnelles contre une population civile, des meurtres et des persécutions. Human Rights Watch a documenté des crimes de guerre, des et des actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza.
« L'invitation d'Orban à Netanyahou est un affront aux victimes de crimes graves », a déclaré Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « La Hongrie devrait respecter ses obligations légales en tant qu’État partie à la CPI et arrêter Netanyahou s'il met les pieds dans le pays. »
En tant que pays membre de la CPI, la Hongrie est tenue de coopérer dans l'arrestation et la remise de tout suspect entrant sur son territoire. Ne disposant pas de sa propre force de police, la CPI compte sur les États pour l'aider à procéder aux arrestations.
Malheureusement, des responsables de plusieurs gouvernements de l'UE, dont la France, la Pologne, l'Italie, la Roumanie et l'Allemagne, ont récemment explicitement déclaré qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations ou ont refusé de s'engager à faire exécuter le mandat de la Cour et à arrêter Netanyahou. Des militants des droits humains et des organisations non gouvernementales en Pologne ont protesté contre des déclarations du gouvernement polonais en janvier, selon lesquelles Netanyahou serait le bienvenu dans le pays sans risquer d'être arrêté.
Tous les pays membres de la CPI devraient respecter leurs obligations en vertu du traité de la Cour, a déclaré Human Rights Watch. La décision prise par l'UE sur la CPI engage le bloc régional à soutenir la coopération avec la CPI, y compris pour les arrestations. Les dirigeants de l'UE et des États membres de l'UE, ainsi que les autres pays membres de la CPI, devraient appeler publiquement la Hongrie et tous les pays membres de la CPI à coopérer avec elle en arrêtant Netanyahou s'il se rendait sur leur territoire.
En mai 2024, le Procureur de la CPI a demandé cinq mandats d'arrêt dans le cadre de l'enquête sur la Palestine : contre Netanyahou, Gallant, ainsi que contre trois hauts responsables du Hamas. Le Bureau du Procureur a par la suite retiré la demande contre deux des dirigeants du Hamas après confirmation de leur mort. En novembre 2024, les juges de la CPI ont décidé de délivrer un mandat d'arrêt contre le dernier dirigeant du Hamas, Mohammed Diab Ibrahim al-Masri (« Mohammed Deif »), en même temps qu'ils ont délivré les mandats contre Netanyahou et Gallant. En février, après confirmation de la mort de Deif, les juges de la CPI ont mis fin aux poursuites contre lui.
Au moment où les mandats ont été émis, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjártó, a critiqué les mandats en les qualifiant de « honteux et absurdes » et d'« inacceptables », et Orbán a annoncé son intention d'inviter Benyamin Netanyahou en Hongrie. Vera Jourova, alors Commissaire européenne à la Justice, a rappelé à la Hongrie que cela constituerait une « violation évidente » de ses obligations en vertu du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, et nuirait à la réputation de la Hongrie.
Lorsque le président américain Donald Trump a publié en février un décret autorisant l'utilisation de sanctions contre les responsables de la CPI, dans le but notamment de contrarier l'action de la Cour contre Netanyahou, Orbán a annoncé son soutien aux sanctions américaines et a appelé à une « révision » des relations de son pays avec la CPI.
Depuis sa victoire électorale en 2010, Orban et son gouvernement ont fait preuve d'un mépris de plus en plus flagrant pour l'État de droit et les droits humains. Au cours des 14 dernières années, le gouvernement a réduit l'indépendance de la justice, restreint et harcelé la société civile et porté atteinte à l'indépendance des médias.
La détérioration de la situation de la Hongrie en matière de démocratie et de droits a conduit l'UE à engager en 2018 une procédure d'exécution politique en vertu de l'article 7 du traité de l'UE, en raison du risque que les actions de la Hongrie violent les valeurs fondamentales de l'UE. Orban s'est rendu à Moscou en juillet 2024 pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine, lui-même faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes graves en Ukraine.
« Autoriser la visite de Netanyahou en violation des obligations de la Hongrie envers la CPI serait le dernier exemple en date des attaques d'Orban contre l'État de droit, qui s’ajouterait au triste bilan du pays en matière de droits humains », a déclaré Liz Evenson. « Tous les pays membres de la CPI doivent clairement signifier qu'ils attendent de la Hongrie qu'elle respecte ses obligations envers la Cour, et qu'ils feront de même. »
31.03.2025 à 06:15
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Les autorités iraniennes menacent de renvoyer la militante des droits humains Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, en prison pour purger le reste de sa peine injuste, afin de la contraindre à cesser ses activités de défense des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités devraient immédiatement mettre fin à leur harcèlement continu de Narges Mohammadi et la libérer sans condition ; elles devraient aussi libérer toutes les autres personnes détenues arbitrairement en raison de leur activisme en faveur des droits humains.
Narges Mohammadi purge une peine de 13 ans et neuf mois de prison, basée sur des accusations liées à ses activités en faveur des droits humains. Le 4 décembre 2024, elle a été libérée provisoirement de la prison d'Evin après que les autorités ont suspendu sa peine de prison pendant 21 jours. Elle suit actuellement un traitement médical pour divers problèmes de santé, et sa remise en liberté temporaire lui a été accordée après plusieurs mois durant lesquels les autorités pénitentiaires lui ont refusé des soins médicaux. Précédemment, en novembre 2024, Narges Mohammadi avait déjà bénéficié d’une brève libération provisoire afin de subir une opération chirurgicale à une jambe, l’ablation d’une lésion osseuse suspectée d’être cancéreuse ; suite à cette opération et malgré l’avis des médecins, les autorités l’avaient renvoyée en prison.
« Narges Mohammadi a profité de ce bref répit pour poursuivre son activisme et mettre en lumière la situation désastreuse des droits humains en Iran. La menace des autorités iraniennes de la renvoyer en prison rappelle brutalement leur tolérance zéro envers la dissidence », a déclaré Federico Borello, directeur exécutif par intérim de Human Rights Watch. « Les autorités iraniennes ont l'obligation légale de libérer sans condition Narges Mohammadi, lauréate du prix Nobel de la paix, ainsi que toutes les autres personnes détenues arbitrairement, et de garantir à toutes les personnes détenues l'accès à des soins médicaux rapides et adéquats. »
Précédemment en mars 2025, Narges Mohammadi a participé à une réunion virtuelle avec Federico Borello, afin de discuter de la situation des droits humains en Iran. Elle a attiré l'attention sur la crise des droits dans ce pays, en particulier sur l'escalade choquante du recours à la peine de mort par les autorités et sur la répression continue des défenseurs des droits humains. Elle a décrit le traitement des prisonniers politiques, y compris la privation de soins médicaux, ainsi que la torture et les mauvais traitements, notamment l'isolement cellulaire prolongé pour extorquer des aveux forcés. Elle a souligné l'importance de maintenir une surveillance internationale sur le bilan désastreux des autorités iraniennes en matière de droits humains.
Durant plusieurs mois avant sa libération provisoire, Narges Mohammadi a souffert de divers problèmes de santé, notamment de troubles cardiaques, de douleurs aiguës au dos et au genou, et d'une hernie discale. Les autorités lui ont refusé l’accès à des soins médicaux adéquats, malgré les nombreux appels leur demandant de le faire.
Le 25 décembre 2024, date d’expiration de la suspension temporaire de sa peine de prison qui lui avait été accordée le 4 décembre, Narges Mohammadi a refusé de retourner à la prison d'Evin. Le 28 décembre, son avocat a déposé une demande auprès de l'Organisation iranienne de médecine légale, placée sous l’autorité de la branche judiciaire, afin de prolonger la suspension de la peine de prison de Narges Mohammadi conformément à l'avis de ses médecins. Selon les informations reçues par Human Rights Watch, l'Organisation de médecine légale a approuvé cette demande, mais les autorités ont néanmoins exercé des pressions sur Narges Mohammadi pour qu'elle retourne en prison. Ses médecins ont affirmé qu'elle avait besoin d'au moins six mois hors de prison, pour bénéficier d'examens et de soins médicaux approfondis et réguliers.
Les autorités iraniennes exercent depuis longtemps une politique axée sur le refus d’accorder aux prisonniers l’accès adéquat et rapide aux soins médicaux ; cette politique est appliquée en particulier dans le cas de personnes détenues arbitrairement en raison d’accusations liées à la sécurité nationale et basées sur des motifs politiques, en tant que tactique pour les punir davantage et les réduire au silence. Des dizaines de prisonniers politiques continuent de se voir refuser des soins médicaux rapides et adéquats, tels que des traitements spécialisés dans des hôpitaux. Parmi ces personnes figurent Zeynab Jalalian, une prisonnière politique kurde condamnée à la prison à vie ; Fatemeh Sepehri, condamnée à 18 ans de prison après avoir critiqué de manière répétée le Guide suprême de la République islamiste d’Iran, l’Ayatollah Ali Khamenei ; Raheleh Rahemi-Pour, une militante des droits civiques âgée de 72 ans ; Warisha Moradi, une militante kurde condamnée à mort ; et Motaleb Ahmadian, un prisonnier politique kurde. Par ailleurs, Mahvash Sabet, ex-codirigeante de la communauté bahaïe en Iran, a été provisoirement libérée de prison pour motif médical, après s'être vu refuser des soins médicaux pendant longtemps ; mais elle risque toujours d'être renvoyée en prison.
Selon l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, ceux « qui requièrent des traitements spécialisés ou soins chirurgicaux doivent être transférés vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils ». Le refus de soins médicaux aux personnes détenues peut s'apparenter à de la torture ou à d'autres mauvais traitements, interdits de manière absolue par le droit international. Comme l'a constaté Amnesty International, certains prisonniers privés des soins médicaux nécessaires sont décédés lors de leur détention en Iran, ce qui a constitué une privation arbitraire de la vie.
« La politique odieuse des autorités iraniennes consistant à refuser des soins médicaux aux détenus et aux prisonniers peut avoir des conséquences mortelles », a conclu Federico Borello. « La communauté internationale devrait les tenir responsables de leur mépris flagrant non seulement à l’égard du droit à la liberté, mais aussi à l’égard du droit à la vie des personnes placées sous leur garde. »
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