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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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21.07.2025 à 06:00

États-Unis : Des migrants détenus en Floride dans des conditions abusives

Human Rights Watch

Click to expand Image © 2025 John Holmes pour Human Rights Watch

 

Des personnes détenues dans des centres de rétention pour migrants en Floride y sont soumises à des conditions inhumaines, notamment le refus de soins médicaux, le surpeuplement et des traitements dégradants. Au moins deux décès récents pourraient être liés à l’insuffisance de soins médicaux.Il ne s'agit pas d'incidents isolés, mais plutôt du résultat d'un système de détention fondamentalement défaillant et entaché de graves abus.Le gouvernement américain devrait privilégier les alternatives communautaires à la détention de migrants, remédier immédiatement aux conditions de détention abusives et autoriser un contrôle indépendant des centres de rétention.

(Washington, 21 juillet 2025) – Le gouvernement des États-Unis a soumis des migrants détenus dans trois centres de rétention en Floride à des conditions abusives et dégradantes, et dans certains cas à des risques mortels, ont déclaré Americans for Immigrant Justice, Human Rights Watch et Sanctuary of the South dans un rapport conjointement publié aujourd'hui.

21 juillet 2025 “You Feel Like Your Life Is Over”

Ce rapport de 92 pages, intitulé « “You Feel Like Your Life is Over”: Abusive Practices at Three Florida Immigration Detention Centers Since January 2025 » (« “Vous avez l'impression que votre vie est finie” : Pratiques abusives dans trois centres de rétention pour migrants en Floride depuis janvier 2025 »), révèle que les personnes détenues au Krome North Service Processing Center (« Krome »), au Broward Transitional Center (« BTC ») et au Federal Detention Center de Miami (« FTC ») ont été enfermées dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité, soumises à des traitements dégradants, et privées d’accès à des soins médicaux rapides et adéquats. Le rapport décrit les expériences vécues par 17 migrants dans ces trois centres de rétention depuis le 20 janvier.

Americans for Immigrant Justice est un cabinet d'avocats à but non lucratif qui lutte pour la justice pour les migrants par le biais d’assistance juridique, de litiges visant des changements à long terme, ainsi que des actions de plaidoyer et de sensibilisation. Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale internationale qui enquête sur des violations des droits humains dans le monde entier, publie des rapports et vise à promouvoir la justice et l’obligation de rendre des comptes. Sanctuary of the South est une association dont la mission est de promouvoir la justice et la libération de personnes injustement détenues, en s’appuyant sur « l'amour et le soutien mutuel ».

Les chercheur-euse-s des trois organisations ont mené des entretiens avec des migrants actuellement ou précédemment détenus, des membres de leurs familles et des avocats spécialisés en droit de l'immigration ; les chercheur-euse-s ont aussi analysé les données publiées par les services d'immigration et de douane des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE), ainsi que d'autres documents officiels.

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Donald Trump, son administration a provoqué une forte hausse du nombre de migrants détenus à travers le pays. Les données de l'ICE montrent qu’à la mi-avril, le taux de population dans 45 des 181 centres de rétention officiels à travers le pays dépassait la capacité contractuelle prévue.

La hausse du nombre de personnes détenues par l'ICE a été particulièrement forte en Floride, suite aux politiques fédérales et étatiques qui ont élargi le champ d'application des mesures de contrôle de l'immigration. Dans le centre Krome, le nombre de migrants détenus a plus que triplé au cours des trois premiers mois de 2025, atteignant un niveau près de trois fois sa capacité opérationnelle. Le centre FDC, conçu à l’origine comme prison fédérale, a commencé à être utilisé pour détenir des centaines de migrants en février.

Centres de rétention pour migrants en FloridePopulation quotidienne moyenne Click to expand Image Le nombre moyen de personnes détenues quotidiennement dans les centres de rétention pour migrants en Floride est passé d'environ 1 480 en mars 2024 à environ 3 280 en mars 2025. © 2025 Human Rights Watch

« L'escalade des mesures contre l’immigration et les tactiques répressives de l'administration Trump terrorisent des communautés et déchirent des familles ; ceci est particulièrement cruel en Floride, dont la prospérité repose pourtant sur ses communautés immigrées », a déclaré Katie Blankenship, avocate spécialisée en droit de l'immigration et cofondatrice de Southern Sanctuary. « L'approche rapide, chaotique et cruelle utilisée pour arrêter et détenir des personnes a des conséquences mortelles, et provoque une crise des droits humains qui affectera cet État et le pays tout entier pendant des années. »

Les chercheur-euse-s ont constaté que les détenus de Krome étaient régulièrement enfermés dans des cellules glaciales, surpeuplées et sans literie, qu’ils étaient privés d'accès à des mesures hygiéniques et que lors de leur transport, ils étaient menottés de manière prolongée et injustifiée. Les personnes détenues dans les trois centres n'ont pas pu bénéficier des soins médicaux nécessaires, notamment pour des maladies chroniques comme le diabète, l'asthme et le VIH. Des femmes ont été détenues à Krome, un centre de rétention conçu pour des hommes, sans accès à des soins adaptés à leur genre ni à leur intimité. Au moins deux décès en détention – l'un à Krome et l'autre au BTC – pourraient être liés à une négligence médicale.

Un homme détenu au centre Krome a déclaré qu'on lui y avait refusé des soins médicaux pour une hernie étranglée, jusqu'à ce qu'il s'effondre de douleur. « Le médecin de l'hôpital m'a dit que si je n'étais pas venu à ce moment-là, mes intestins se seraient probablement rompus », a-t-il affirmé. « J'ai dû me jeter par terre pour obtenir de l'aide. »

Cet homme a aussi déclaré avoir vu d’autre détenus de Krome ligotés et frappés, après une manifestation pacifique et leur refus de de monter dans un bus qui devait les transférer vers un autre centre : « Ils leur ont sauté dessus, les ont ligotés et les traînés [vers le bus]. »

Une détenue a déclaré avoir été punie pour avoir sollicité un soutien psychologique : « Si vous demandez de l'aide, ils vous détiennent [à l'isolement]. Si vous pleurez, ils peuvent vous placer [à l'isolement] pendant deux semaines. Alors les gens préfèrent ne rien dire. »

Cette détenue a aussi déclaré avoir été témoin de la mort de Marie Ange Blaise, une Haïtienne âgée de 44 ans, après que le personnel a tardé à appeler les secours. « Nous avons commencé à crier à l'aide, mais les gardiens nous ont ignorés », a-t-elle expliqué. « Lorsque les secours sont arrivés, elle ne bougeait plus. »

Au cours d'un incident particulièrement dégradant, des détenus du centre FDC ont été contraints de manger alors que leurs mains étaient menottées derrière le dos. « Nous devions nous pencher et manger la nourriture placée sur des chaises, rien qu’avec la bouche, comme des chiens », a déclaré Harpinder Chauhan, un entrepreneur britannique arrêté par l'ICE lors d'un rendez-vous avec les services d'immigration. Chauhan, qui souffre de diabète et de maladies cardiaques, a déclaré s'être vu refuser de l'insuline à plusieurs reprises pendant sa détention dans chacun des trois centres (Krome, FDC et BTC) ; au centre BTC, il a fini par s’effondrer après presque une semaine, et a alors été hospitalisé.

Les chercheur-euse-s ont recueilli des témoignages sur le problème de surpeuplement dans les centres ; des personnes y ont été détenues pendant plusieurs jours pendant que leurs dossiers étaient traités, assis et dormant sur des sols en béton lors de températures parfois glaciales, dans des pièces conçues pour accueillir beaucoup moins de personnes pendant des périodes beaucoup plus courtes. Un homme a décrit avoir dormi à côté des toilettes, dans une pièce tellement surpeuplée que les gens devaient s'enjamber pour se déplacer. Un autre homme a affirmé qu’il s’est vu refuser l'accès à l'eau et au savon pendant 20 jours consécutifs. Au centre Krome, certaines cellules étaient occupées par plus du double du nombre de personnes correspondant à leur capacité prévue.

Des femmes détenues au centre Krome pendant que leurs demandes d’asile étaient traitées ont déclaré avoir été confinées dans des pièces dont les toilettes exposées étaient visibles pour les hommes détenus dans des cellules adjacentes. « Si des hommes se mettaient debout sur des chaises, ils pouvaient avoir une vue directe sur notre pièce et sur les toilettes », a déclaré une femme argentine. « Nous avons supplié [les gardiens] de nous autoriser à prendre une douche, mais ils ont dit que c'était impossible car c'était un centre conçu [en principe] pour des hommes. »

Ces conditions bafouent le droit international, et semblent également enfreindre certaines normes essentielles du gouvernement fédéral américain. Les normes de détention de l'agence ICE exigent un traitement humain, l'accès aux soins médicaux et la protection contre les abus. Les chercheur-euse-s ont toutefois constaté que l'ICE et ses prestataires ne respectent pas ces obligations.

« Des mères, des pères, des frères et des sœurs, des enfants et des amis proches de citoyens américains sont arrachés à leurs foyers et à leurs communautés, et disparaissent dans un système de détention profondément préjudiciable et déshumanisant », a déclaré Denise Noonan Slavin, conseillère senior du directeur exécutif d'Americans for Immigrant Justice. « Permettre que ces injustices perdurent est à la fois dégradant et profondément contraire aux valeurs fondamentales que les États-Unis sont censés défendre. »

Le gouvernement américain devrait mettre fin à son recours à la détention de migrants en tant que conséquence automatique de la quasi-totalité des arrestations effectuées lors de la vague d’opérations des agents de l'ICE, et privilégier plutôt des alternatives communautaires à la détention, ont déclaré les trois organisations. L'ICE devrait immédiatement mettre fin aux conditions de détention abusives, garantir aux migrants l'accès aux soins médicaux et de santé mentale, et permettre un contrôle indépendant des centres de rétention.

« Le gouvernement américain détient de nombreuses personnes qui ne représentent aucune menace pour la sécurité publique, dans des conditions qui portent atteinte aux droits humains fondamentaux et à la dignité humaine », a conclu Belkis Wille. « Les États-Unis ont la responsabilité de traiter toutes les personnes détenues avec dignité et humanité. »

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Articles

Le Figaro  L'Express/AFP  RFI

Le Devoir  20Minutes.ch

18.07.2025 à 17:26

Angola : La police a recouru à une force excessive contre des manifestants pacifiques

Human Rights Watch

Click to expand Image Des membres de la Force d'intervention rapide d'Angola bloquaient une route à Luanda, face à des manifestants qui protestaient contre la hausse des prix du carburant et des coûts de transport, le 12 juillet 2025. © 2025 Julio Pacheco Ntela/AFP via Getty Images

(Johannesburg) – La police angolaise a fait un usage excessif de la force et procédé à des arrestations arbitraires lors de la dispersion de manifestants pacifiques à Luanda, la capitale, le 12 juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc de manière injustifiée et a agressé des manifestants, blessant plusieurs personnes. Les policiers ont également arrêté 17 manifestants, dont certains n'ont été libérés qu'après une intervention judiciaire.

Le gouvernement devrait enquêter rapidement et impartialement sur le recours à la force et sur les arrestations, et sanctionner ou poursuivre les responsables, quel que soit leur rang.

« Les Angolais devraient pouvoir manifester pacifiquement contre des politiques gouvernementales sans subir un recours excessif à la force ni d'autres violations de leurs droits fondamentaux », a déclaré Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait ouvrir une enquête impartiale sur ces abus et demander des comptes aux responsables. »

Des centaines de personnes ont participé à la manifestation, qui a débuté dans le quartier de São Paulo à Luanda et devait se terminer au Largo 1º de Maio, une place d’une grande importance symbolique dans le centre-ville. Des mouvements de jeunesse et des organisations de la société civile avaient appelé à manifester, suite à la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant et de supprimer les subventions aux transports publics, sans aucune consultation publique préalable.

« La manifestation… était un moyen légitime d'exprimer notre mécontentement face à la décision du gouvernement angolais de mettre en œuvre des politiques antisociales », a déclaré Simão Afonso, un avocat qui a contribué à obtenir l'autorisation de la manifestation, et a ensuite fourni une assistance juridique aux détenus. « La réaction répressive de la police nationale est profondément regrettable. … L'État ne remplit pas ses obligations légales à l’égard des garanties fondamentales des droits et des libertés des citoyens. »

Le 12 juillet, le porte-parole du commandement général de la police angolaise a affirmé dans une déclaration aux médias que l'intervention de la police lors de la marche « visait à maintenir l'ordre et la tranquillité publics, les manifestants n'ayant pas suivi le parcours [autorisé] ».

Cependant, Aidilson Manuel, activiste et porte-parole de la manifestation, a déclaré que l'organisation de cet événement était conforme aux exigences gouvernementales : « Le 10 juillet, nous avons adressé une lettre au gouvernement provincial de Luanda pour l'informer de la manifestation. Nous avons également transmis la même lettre au commandement de la police provinciale, qui nous a contactés pour discuter du trajet. La police a suggéré un itinéraire différent de celui que nous avions proposé. L'approbation officielle est arrivée le 11 juillet vers 16 heures, c’était une réponse favorable. »

Malgré l'autorisation officielle, la police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes et à coups de matraques dès que le groupe s'est approché du Largo 1º de Maio. « Sans aucun avertissement préalable, la répression a commencé brutalement », a déclaré Aidilson Manuel.

Aidilson Manuel a ajouté que quatre personnes avaient été grièvement blessées : « Une personne a été touchée directement au visage par une grenade lacrymogène, provoquant une profonde coupure nécessitant une intervention chirurgicale. Une autre a subi une grave blessure à la bouche et a dû être soignée d'urgence. Deux autres manifestants ont subi des fractures et des blessures graves après avoir été agressés par des policiers. »

Le porte-parole de la police a déclaré que deux personnes avaient été blessées lors de la manifestation. Cependant, les médias ont signalé qu'au moins neuf personnes avaient été blessées.

L'Angola est un État partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; en vertu de ces instruments juridiques, le gouvernement a l’obligation de respecter et de protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d'expression.

Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, ainsi que les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des rassemblements en Afrique, prévoient un recours à la force uniquement en cas de stricte nécessité. Lorsqu'ils recourent à la force, les responsables de l'application des lois doivent faire preuve de retenue et agir proportionnellement à la gravité de l'infraction, et à l'objectif légitime visé.

En 2020, les Nations Unies ont publié des Lignes directrices portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois ; selon ce texte, les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir des violences physiques, et ne doivent pas être employés pour disperser des manifestations non violentes.

Human Rights Watch a précédemment documenté des cas où les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, et ont procédé à des arrestations arbitraires. Les appels lancés par Human Rights Watch et d'autres organisations en faveur de réformes significatives et concrètes des méthodes employées par les forces de sécurité ont abouti à certaines mesures visant un meilleur respect des normes internationales en matière de droits humains. Toutefois, le recours persistant à une force policière excessive lors de manifestations montre que les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, a déclaré Human Rights Watch.

« Le recours excessif à la force par la police contre des manifestants pacifiques s'inscrit dans le cadre plus large des problèmes liés aux forces de sécurité en Angola », a observé Ashwanee Budoo-Scholtz. « Le gouvernement devrait adopter et appliquer des réformes globales portant sur le comportement des forces de sécurité, afin de garantir que les policiers respectent la loi et soient tenus responsables lorsqu'ils violent les droits des manifestants. »

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15.07.2025 à 01:00

Thaïlande : Les autorités maltraitent et exploitent des ressortissants du Myanmar

Human Rights Watch

Click to expand Image Un travailleur migrant originaire du Myanmar était assis dans l’appartement où il réside, dans la province de Samut Sakhon, en Thaïlande, le 26 janvier 2025.  © 2025 Lillian Suwanrumpha/AFP via Getty Images

 

Les autorités thaïlandaises menacent, extorquent et détiennent des ressortissants du Myanmar qui ont fui la junte militaire pour trouver refuge en Thaïlande.La seule façon pour la plupart de ces personnes d’obtenir un statut légal est de devenir des travailleurs migrants, mais ce statut est exclu d’une récente mesure du gouvernement thaïlandais visant à fournir une protection à certains réfugiés.Le gouvernement thaïlandais devrait instaurer un régime de protection temporaire pour les ressortissants du Myanmar.

(Bangkok, 15 juillet 2025) – Les autorités thaïlandaises menacent, extorquent et détiennent des ressortissants du Myanmar qui ont fui la junte militaire pour trouver refuge en Thaïlande, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

14 juillet 2025 “I’ll Never Feel Secure”

Le rapport de 48 pages, intitulé « “I’ll Never Feel Secure”: Undocumented and Exploited Myanmar Nationals in Thailand » (« “Je ne me sentirai jamais en sécurité” : Des ressortissants du Myanmar sans papiers et exploités en Thaïlande »), examine la manière dont la police thaïlandaise arrête et interroge fréquemment des ressortissants du Myanmar et les extorque en les menaçant d’arrestation et de détention s’ils ne paient pas de pots-de-vin. Human Rights Watch a constaté que cette pratique était répandue dans la ville de Mae Sot, près de la frontière avec le Myanmar, où les autorités qui profitent de cette corruption qualifient les ressortissants birmans de « distributeurs automatiques ambulants de billets ». Vivant sous la menace constante d'une expulsion qui pourrait les mettre en danger, les ressortissants du Myanmar limitent leurs déplacements pour rester hors de vue de la police et des autres autorités qui cherchent à les exploiter.

« Après avoir fui le conflit, la persécution et les privations, les ressortissants du Myanmar ont besoin de protection en Thaïlande », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Au lieu de cela, la Thaïlande leur refuse un statut juridique sûr, et ses autorités profitent de cette vulnérabilité pour les exploiter et les extorquer. »

Depuis le coup d'État militaire au Myanmar en février 2021, la junte a commis des exactions généralisées dans tout le pays, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Un grand nombre de personnes ont fui la violence, la persécution, l'effondrement de l'économie et le blocage de l'aide humanitaire pour se rendre dans les pays voisins. Plus de quatre millions de personnes originaires du Myanmar vivent actuellement en Thaïlande, dont près de la moitié sont sans papiers.

En février 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de 30 ressortissants du Myanmar vivant en Thaïlande. Bon nombre d'entre eux sont des réfugiés au sens du droit international, même s'ils n'ont pas été reconnus comme tels, et que les voies d'accès à un statut reconnu en Thaïlande sont limitées. Ces ressortissants du Myanmar sans papiers sont contraints de chercher la sécurité et des moyens de subsistance en Thaïlande afin d'éviter d'être renvoyés vers la répression, le conflit et les crises humanitaires au Myanmar.

Les personnes interrogées ont déclaré que les pratiques des autorités thaïlandaises les effrayaient et les intimidaient, leur donnant le sentiment d'être marginalisées et exploitées en Thaïlande. Les forces de sécurité thaïlandaises se livrent à des pratiques de racket par le biais d'un système d'extorsion semi-officiel consistant à « vendre » des « cartes de police » non officielles à des ressortissants du Myanmar cherchant à obtenir des papiers ou simplement à éviter une arrestation. La seule option pour les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas acheter ces cartes est l'assignation à résidence volontaire.

Un journaliste birman de 30 ans, réfugié à Mae Sot, a déclaré : « La principale menace [à Mae Sot], c'est la police. J'avais peur d'eux… J'ai été arrêté [par la police] six fois : trois fois, j'ai payé les policiers et ils m'ont laissé partir. »

Même les personnes qui paient pour des « cartes de police » ne sont pas totalement protégées contre l'expulsion. Les expulsions massives de ressortissants du Myanmar, notamment d'enfants, se poursuivent dans tout le pays, sans tenir compte des risques qu'ils pourraient encourir à leur retour au Myanmar. Une femme a déclaré que malgré le versement d'un pot-de-vin pour elle-même et sa nièce de 12 ans, les autorités d'immigration thaïlandaises les ont arrêtées toutes les deux, les ont retenues dans un centre de détention pendant neuf jours, puis les ont expulsées vers le Myanmar.

La plupart des ressortissants du Myanmar auprès de qui Human Rights Watch a mené des entretiens étaient en train de demander ou de renouveler une carte de travailleur migrant, communément appelée « carte rose ». Il s'agit du principal document dont disposent les ressortissants du Myanmar en Thaïlande pour obtenir un statut légal. Cette procédure nécessite le parrainage du travailleur migrant par un employeur.

La Thaïlande n’est pas un État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni à son Protocole de 1967. Le pays ne dispose pas de loi sur les réfugiés ni de procédures d’asile formalisées applicables à toutes les nationalités. Au lieu de cela, en 2023, le gouvernement a introduit un nouveau Mécanisme national de filtrage (« National Screening Mechanism », NSM) en vertu duquel certaines personnes, qui ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leur pays d’origine en raison de craintes de persécution, peuvent demander une protection.

Bien que présenté comme une avancée vers une meilleure protection internationale, le Mécanisme national de filtrage et ses règlements d'application excluent largement certaines nationalités de l'accès, notamment les travailleurs migrants originaires du Myanmar, du Cambodge et du Laos.

Des ressortissants du Myanmar ont déclaré que, qu'il s'agisse de renouveler leurs documents de travailleur migrant grâce à une « fenêtre de régularisation » – une période spécifique pendant laquelle le gouvernement thaïlandais autorise les travailleurs migrants sans papiers à régulariser leur statut juridique – ou de déposer une première demande, ils faisaient appel à un intermédiaire pour gérer la procédure et payaient des frais, souvent exorbitants, pour obtenir les documents nécessaires et gérer cette procédure complexe. Dans tous les cas examinés par Human Rights Watch, l’employeur indiqué sur leur « carte rose » de travailleur migrant n’était pas leur véritable employeur, mais un employeur fictif.

Bien qu’une carte rose offre une certaine protection contre l’arrestation, la détention et l’expulsion, elle ne constitue pas un document précis ou approprié pour les personnes qui sont très probablement des réfugiés, malgré l’absence d’un système permettant de reconnaître ce statut.

Le gouvernement thaïlandais devrait adopter une législation établissant des critères ainsi que des procédures de reconnaissance du statut de réfugié et d'octroi de l'asile conformes aux normes juridiques internationales, selon Human Rights Watch. Le statut de réfugié devrait être ouvert à toutes les nationalités selon les mêmes critères, conformément à la définition internationale du réfugié, notamment des formes complémentaires de protection pour les personnes fuyant les conflits, et les réfugiés devraient être autorisés à travailler.

Dans l’intervalle, la Thaïlande devrait mettre en place un cadre de protection temporaire pour les ressortissants du Myanmar, reconnaissant les besoins immédiats de milliers de personnes qui ont fui les persécutions ou les conflits du pays. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne devrait pas y avoir de retours forcés au Myanmar : « Les personnes fuyant le Myanmar doivent être autorisées à accéder au territoire pour demander l’asile et être protégées contre le refoulement. »

« Les autorités thaïlandaises devraient prendre des mesures conformes aux normes internationales pour assurer une protection efficace aux personnes fuyant le Myanmar », a conclu Nadia Hardman. « Le gouvernement thaïlandais devrait mettre fin à l'exploitation et aux souffrances de plusieurs millions de ressortissants du Myanmar sans papiers. »

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14.07.2025 à 23:03

Le droit des femmes à vivre sans violence doit être fermement protégé

Human Rights Watch

Click to expand Image Des femmes sud-africaines manifestaient contre les violences sexistes, ainsi que le harcèlement sexuel au sein d’entreprises, devant la Bourse de Johannesburg, le 13 septembre 2019. © 2019 Alet Pretorius/Gallo Images via Getty Images

Il ne fait aucun doute que les droits des femmes sont actuellement menacés de manière destructrice, à l’échelle mondiale.

C’est dans ce contexte régressif que le Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu sa 91ème session, du 16 juin au 4 juillet. Le Comité a examiné le respect par divers pays de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination against Women, CEDAW), et a publié une déclaration sur la nécessité d’appliquer fermement le droit international relatif aux droits humains.

Cette déclaration répond aux efforts de certains pays visant à élaborer un nouveau Protocole facultatif à la CEDAW qui serait axé en particulier sur la violence fondée sur le genre (« gender-based violence »). Toute modification de l’actuel Protocole facultatif, indique la déclaration du Comité, « devrait être fondée sur les normes existantes » dans ce domaine.

La violence sexiste à l'égard des femmes et des filles constitue une violation de la Convention CEDAW. Déjà en 1992, le Comité l’avait souligné : « La violence sexiste est une forme de discrimination qui entrave gravement la capacité des femmes à bénéficier de leurs droits et libertés sur un pied d'égalité avec les hommes. »

Faire pression en faveur d'un nouveau Protocole concernant des droits déjà inscrits dans le droit international, dans le contexte actuel de menaces aux droits des femmes, risque d'affaiblir ces droits. La déclaration du Comité évoque ce risque : « Toute initiative qui aboutirait à un système de protection inégale parmi les États parties compromettrait les protections et garanties existantes au titre de la Convention. Le Comité est convaincu qu'un nouveau Protocole facultatif risque de créer un processus parallèle susceptible de compromettre l’obligation de rendre des comptes pour des abus en vertu de la Convention. »

Les attaques contre les droits des femmes surviennent dans un nombre alarmant de pays ; un rapport d’ONU Femmes a signalé qu’en 2024, « une hostilité croissante vis-à-vis de l’égalité des sexes » a été observée dans près d’un pays sur quatre. Le recul des droits reproductifs – aux États-Unis, en Roumanie et ailleurs – n'en est qu'un exemple. Le danger est aussi de plus en plus visible dans des enceintes internationales comme l'ONU, où les droits des femmes sont pris pour cible par certains activistes et mis à mal par des coupes budgétaires drastiques. Un nombre croissant d'États œuvrent ouvertement, dans ces enceintes, à affaiblir les protections des droits des femmes.

Cependant des défenseures des droits des femmes à travers le monde poursuivent leurs efforts, s'unissant pour défendre et appliquer résolument le droit international, notamment la Convention CEDAW, qui reconnaît le droit des femmes à l'égalité. Les mises en garde du Comité de la CEDAW méritent une attention particulière.

Comme le rappelle le Comité : « Le principe de non-discrimination énoncé dans la Convention couvre la violence sexiste à l'égard des femmes et des filles. » Les instruments juridiques internationaux sont clairs, tout comme leur interprétation. Il est essentiel que les gouvernements respectent leurs obligations juridiques internationales, et mettent fin à toutes les formes de violence à l'égard des femmes.

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11.07.2025 à 17:46

Cuba : Des ex-détenus décrivent les abus subis en prison

Human Rights Watch

Deux policiers cubains emmenaient un homme arrêté lors d'une manifestation contre le gouvernement du président Miguel Diaz-Canel à La Havane, le 12 juillet 2021. © 2021 Yamil Lage/AFP via Getty Images Des manifestants détenus pour avoir participé aux manifestations pacifiques de juillet 2021 à Cuba ont été victimes de graves abus en prison, notamment de coups, d'isolement et de manque de soins médicaux.Bien que certains aient été libérés, ils affirment rester sous surveillance constante. Des centaines d'autres sont toujours en prison. Les conditions de vie contre lesquelles ils manifestaient ne se sont pas améliorées.Les autres gouvernements devraient condamner la détention arbitraire et le harcèlement des manifestants, exprimer leurs inquiétudes quant à la grave situation humanitaire dans le pays et soutenir les groupes de défense des droits humains et les journalistes indépendants à Cuba.

(New York) – Des manifestants arrêtés pour avoir participé aux manifestations pacifiques de juillet 2021 à Cuba ont été victimes de graves abus en prison, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Un accord conclu en janvier 2025 a conduit à la libération de nombreux prisonniers, mais des centaines d’autres personnes sont toujours en détention.

D'anciens détenus libérés en janvier, à la suite de négociations menées principalement avec le Vatican, ont déclaré à Human Rights Watch avoir été battus lors de leur détention, et parfois placés à l'isolement en guise de puntion. Ils ont décrit des conditions de détention insalubres et dangereuses pour leur santé, y compris l’insuffisance de l’alimentation et de l’accès à l’eau. Ils ont indiqué qu'ils restent sous surveillance constante, et sont soumis à des conditions strictes, dont certaines semblent avoir été imposées de manière informelle. Nombre d'entre eux craignent d'être renvoyés en prison, et au moins trois des personnes libérées ont été de nouveau arrêtées.

« Il y a quatre ans, le gouvernement cubain a déclenché une vague de répression contre des milliers de Cubains qui sont descendus pacifiquement dans la rue pour réclamer leurs droits et leurs libertés », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Aujourd'hui, des centaines de personnes sont toujours derrière les barreaux dans des conditions déplorables. »

Entre mars et mai 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 17 anciens détenus cubains. Parmi eux figuraient des hommes qui avaient été détenus dans six prisons pour hommes (Alto Río de Guanajay, Boniato, Cerámica Roja, Mar Verde, Valle Grande et Unidad 1580) ainsi que des femmes qui avaient été incarcérées dans deux prisons pour femmes (centres de Guamajal et de Matanzas). Plusieurs personnes ont déclaré avoir été transférées dans des camps pénitentiaires ou d’autres établissements avec des normes sécuritaires moins strictes au cours de leur détention. Trois organisations indépendantes de défense des droits humains – Cubalex, Justicia 11J et Prisoners Defenders – ont facilité le contact avec certains ex-détenus. En raison du risque de représailles, Human Rights Watch s’abstient de divulguer l'identité de la plupart des personnes interrogées.

De nombreux anciens détenus ont décrit des violences physiques infligées par des gardiens de prison. Ils ont déclaré avoir été battus par des gardiens pour avoir crié des slogans antigouvernementaux ou protesté contre les conditions de détention. Nombre d'entre eux ont déclaré avoir été soumis à des positions pénibles, comme celle de la « bicyclette » (« la bicicleta ») parfois aussi appelée position de la « brouette » (« la carretilla »), lors de laquelle les prisonniers sont contraints de courir, menottés, les bras levés au-dessus de la tête.

D'anciens détenus ont systématiquement décrit la surpopulation des cellules et le manque d'accès à la nourriture et à l'eau potable, tant pour les prisonniers politiques que pour les prisonniers de droit commun. « Si ta famille ne t'apporte pas à manger, tu meurs », a déclaré un ancien détenu. « La nourriture qu'ils te donnaient était immangeable. Il y avait des vers dedans », a ajouté un autre.

Les anciens détenus ont décrit des épidémies de gale, de tuberculose, de dengue et de Covid-19, qui, selon eux, n'étaient pas traitées. Ils ont indiqué que les autorités pénitentiaires ignoraient régulièrement les préoccupations médicales et, dans de nombreux cas, punissaient les détenus qui s'inquiétaient de l'insalubrité ou des pénuries alimentaires. Ceux qui protestaient ont déclaré qu'ils étaient fréquemment placés à l'isolement ou privés de visites, d'appels ou d'accès aux colis envoyés par leurs proches.

En janvier 2025, les autorités cubaines ont annoncé la libération de 553 prisonniers à la suite de négociations entre le gouvernement cubain, le Vatican et les États-Unis. Des organisations indépendantes de défense des droits humains, dont Cubalex, Justicia 11J, et Prisoners Defenders, estiment qu'environ 200 des personnes libérées étaient des prisonniers politiques, les autres étant des prisonniers de droit commun.

Le 14 janvier 2025, peu après l’annonce par le gouvernement cubain concernant la libération des prisonniers, l'administration Biden a retiré Cuba de la liste américaine des pays soutenant le terrorisme ; les pays figurant sur cette liste sont soumis à des restrictions portant sur l'aide fournie par les États-Unis, et sur les liens commerciaux. Toutefois, le 20 janvier, premier jour de son deuxième mandat, le président Donald Trump a révoqué cette mesure de l’administration Biden, et a à nouveau rajouté Cuba à cette liste.

De nombreux manifestants libérés ont déclaré être tenus d'accepter des emplois assignés par l'État, de se présenter régulièrement aux agents de sécurité et de demander l'autorisation de quitter leur municipalité. Plusieurs ont également déclaré qu'il leur était interdit de participer à des manifestations publiques, de s'associer à des groupes d'opposition et de publier sur les réseaux sociaux. Dans certains cas au moins, ces conditions semblent avoir été imposées de manière informelle et arbitraire, car elles ne figurent ni dans un ordre écrit ni dans les conditions de libération imposées par un tribunal.

Des membres des services de renseignement, connus sous le nom de « sécurité de l'État », ont suivi les personnes libérées dans la rue et se sont rendus à leur domicile, ont déclaré d'anciens détenus, pour les menacer, les surveiller et leur remettre des convocations écrites ou verbales à comparaître devant un tribunal ou un commissariat. « Bien que libéré de prison, je suis toujours prisonnier », a déclaré l'un d'eux. « C'est comme être un prisonnier dans la rue. »

En avril, les autorités ont de nouveau arrêté José Daniel Ferrer, leader de l'Union patriotique cubaine (Unión Patriótica Cubana, UNPACU), mouvement d'opposition, et Félix Navarro, fondateur du Parti pour la démocratie Pedro Luis Boitel (Partido por la Democracia Pedro Luis Boitel), qui avaient été libérés en janvier. En mai, les autorités ont de nouveau arrêté Donaida Pérez Paseiro, présidente de l'Association des Yorubas libres de Cuba (Asociación Yoruba Libre de Cuba), après qu'elle eut fait campagne sur les réseaux sociaux pour la libération de son mari. Ce dernier est toujours emprisonné en lien avec les manifestations de 2021.

Les Cubains continuent de subir une grave crise économique et sont confrontés à de graves pénuries de nourriture et de médicaments, un facteur important qui les a poussés à descendre dans la rue en juillet 2021. Une enquête menée en 2024 par l'Observatoire cubain des droits humains auprès de plus de 1 100 personnes a révélé que 7 Cubains sur 10 sautent un repas chaque jour et que 61 % d'entre eux peinent à subvenir à leurs besoins essentiels. Dans tout le pays, la population est également confrontée à des coupures de courant quotidiennes allant de 4 à 20 heures.

En raison de la pauvreté et de la répression politique, les Cubains ont quitté le pays en grand nombre. Dix pour cent de la population cubaine, soit plus d'un million de personnes, ont quitté le pays entre 2022 et 2023, selon le directeur de l'Office national des statistiques du pays. Des rapports indépendants indiquent que ce chiffre total pourrait être bien plus élevé.

Les gouvernements d'Amérique latine, du Canada et de l'Union européenne devraient condamner la détention arbitraire et le harcèlement par le gouvernement cubain de manifestants, de journalistes et d’activistes, et exprimer leurs inquiétudes quant aux violations des droits humains et à la grave situation humanitaire dans le pays, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements devraient également accroître leur soutien aux groupes indépendants de défense des droits humains et aux journalistes à Cuba.

Suite en anglais, comprenant des témoignages d’ex-détenus.

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AgenziaNova

10.07.2025 à 18:58

Les États-Unis imposent des sanctions à la Rapporteuse spéciale de l'ONU sur le TPO

Human Rights Watch

Click to expand Image La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, photographiée lors d'une conférence de presse au centre Forenede Nationer Byen (« Cité des Nations Unies ») à Copenhague, au Danemark, le 5 février 2025.  © 2025 Ritzau Scanpix/Sipa USA via AP Photo

Le 9 juillet, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions à Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, poste auquel elle avait été nommée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies ; ces sanctions ont été imposées dans le cadre d’un décret précédemment émis par le président Donald Trump en février 2025.

Réagissant à l’annonce des sanctions, Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a fait la déclaration suivante :

« La décision du gouvernement américain de sanctionner Francesca Albanese pour avoir cherché à obtenir justice à travers la Cour pénale internationale vise en réalité à réduire au silence une experte de l'ONU qui fait son travail, dénonce les violations commises par Israël à l’encontre des Palestiniens, et appelle les gouvernements et les entreprises à ne pas se rendre complices de ces violations. Les États-Unis cherchent à démanteler les normes et les institutions sur lesquelles s’appuient les survivants de graves abus. Les pays membres de l'ONU et de la CPI devraient fermement résister aux efforts éhontés du gouvernement américain visant à bloquer la justice pour les crimes les plus graves au monde, et condamner les sanctions scandaleuses prises à l’encontre de Francesca Albanese. »

Autres communiqués de HRW sur Israël et la Palestine :

https://www.hrw.org/fr/moyen-orient/afrique-du-nord/israel/palestine

Autres communiqués de HRW sur la justice internationale :

https://www.hrw.org/fr/topic/justice-internationale

09.07.2025 à 06:00

Un an plus tard, deux activistes guinéens toujours portés disparus

Human Rights Watch

Click to expand Image Une affiche créée par la coalition de l'opposition, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), montrant Mamadou Billo Bah (à gauche) et Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Mengué (à droite). © 2024 Front National pour la Défense de la Constitution

(Nairobi) – Les autorités militaires guinéennes devraient mener une enquête crédible sur les disparitions de deux activistes politiques, divulguer leur lieu de détention, et soit les inculper, soit les libérer immédiatement, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Il y a un an, les forces de sécurité ont arrêté arbitrairement trois membres de la coalition d'opposition Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC), Oumar Sylla (connu sous le nom de Foniké Menguè), Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, à Conakry, la capitale guinéenne, et les ont transférés vers un lieu non identifié. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles, confirmées par des médias nationaux et internationaux, selon lesquelles les forces de sécurité auraient torturé les trois hommes. Mohamed Cissé a été libéré le 10 juillet 2024, tandis qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus.

« Cela fait un an qu’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah ont disparu, et les autorités guinéennes n'ont toujours pas mené d'enquête crédible », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités guinéennes devraient mener une enquête approfondie et indépendante sur ces disparitions et poursuivre les responsables. »

Les autorités ont ouvert une enquête sur la disparition des trois hommes. Mais elles ont nié toute responsabilité et n'ont pas reconnu la détention des hommes ni révélé où ils se trouvaient, malgré les demandes d'informations de leurs avocats et d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains.

Le 9 juillet 2024, des dizaines de soldats, de gendarmes et d'hommes armés en civil ont fait irruption au domicile d’Oumar Sylla et l’ont arrêté arbitrairement, ainsi que les deux autres hommes. Les forces de sécurité ont frappé à plusieurs reprises les trois militants politiques, puis les ont emmenés au quartier général de la gendarmerie à Conakry, avant de les transférer dans un camp militaire sur l'île de Kassa, au large de de la capitale.

Le FNDC appelle au rétablissement de la démocratie en Guinée depuis le coup d'État militaire de septembre 2021. En août 2022, la junte guinéenne, dirigée par le général Mamady Doumbouya, a dissous le FNDC pour des raisons politiques, mais celui-ci a poursuivi ses activités.

Le matin de sa disparition, Oumar Sylla, qui est le coordinateur du FNDC, avait exhorté ses partisans à manifester le 11 juillet 2024 contre la fermeture des médias par les autorités et le coût élevé de la vie.

Oumar Sylla faisait partie des personnes arrêtées en 2022 pour « manifestation illicite [et] destruction d’édifice public et privé » à la suite des manifestations violentes ayant eu lieu à Conakry au cours desquelles au moins cinq personnes ont été tuées. Mamadou Billo Bah, le coordinateur de la communication du FNDC, avait déjà été arrêté en janvier 2023 pour « complicité de destruction d’édifices publics et privés, coups et blessures volontaires » pour avoir participé à des manifestations. Tous deux ont été libérés en mai 2023 et innocentés de toute accusation.

Depuis sa prise de pouvoir, la junte a suspendu les médias indépendants et procédé à des arrestations arbitraires et à des disparitions forcées de journalistes et d'opposants politiques. Les forces de sécurité ont fait un usage excessif de la force, notamment de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles, pour disperser des manifestants pacifiques, causant la mort de dizaines de personnes depuis janvier 2024.

Le 21 juin, des hommes armés ont enlevé et torturé Mohamed Traoré, un éminent avocat et ancien président du barreau, en représailles apparentes à sa décision de démissionner du Conseil national de transition, le principal organe de transition de la junte.

Les autorités militaires ont promis d'organiser des élections avant la fin de 2024, mais n'ont pas respecté ce délai, ce qui a déclenché des manifestations menées par l'opposition à Conakry en janvier. À la suite de ces manifestations, les autorités ont annoncé un nouveau calendrier électoral. Le général Mamady Doumbouya a fixé la date du référendum constitutionnel au 21 septembre, et le Premier ministre Amadou Oury Bah a annoncé en mai que les élections présidentielles auraient lieu en décembre.

« Après quatre ans de régime militaire, la répression des droits et libertés n'a fait que s'intensifier », a déclaré un éminent membre du FNDC qui est entré dans la clandestinité. « Le gouvernement a étouffé la liberté d'expression et de réunion ; il a neutralisé l'opposition politique par des arrestations arbitraires, des disparitions forcées, du harcèlement et des intimidations. Trop c’est trop. »

Selon le droit international, une disparition forcée survient lorsque des personnes agissant au nom du gouvernement arrêtent, détiennent ou enlèvent des personnes. puis refusent de reconnaître cet acte ou dissimulent leur lieu de détention ou ce qui leur est arrivé. Le droit international interdit les disparitions forcées, qui violent les droits fondamentaux à la liberté et à la sécurité, ainsi que le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains et dégradants.

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées stipule que « nul ne sera soumis à une disparition forcée » et impose une interdiction absolue de la détention en secret. Elle exige également des pays qu'ils mettent fin aux pratiques abusives qui facilitent les disparitions forcées, notamment la détention arbitraire au secret, la torture et les exécutions extrajudiciaires.

La Guinée n'est pas un État partie à ce traité, mais est tenue de respecter le droit international relatif aux droits humains qui interdit les arrestations illégales, les enlèvements, les détentions arbitraires, les mauvais traitements infligés aux détenus et autres violations de procédure. Elle garantit aux victimes d'abus le droit à un recours effectif.

« Lorsque les autorités nient avoir connaissance des détentions, elles privent les détenus de toute protection et les exposent à des crimes encore plus graves, comme la torture », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités devraient prendre des mesures immédiates et concrètes en menant une enquête crédible sur les disparitions des deux activistes, et en ratifiant la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. »

09.07.2025 à 00:00

Corée du Sud : Des travailleurs âgés peu rémunérés dans des conditions précaires

Human Rights Watch

Click to expand Image Des offres d’emploi ne spécifiant pas de limites d’âge étaient affichées sur le mur d’un salon de l’emploi pour des personnes âgées tenu dans la ville de Suwon, au sud de Séoul, en Corée du Sud, en octobre 2019. © 2019 Yonhap/EPA-EFE/Shutterstock Les lois et les politiques sud-coréennes en matière d’emploi qui sont fondées sur l’âge discriminent les travailleurs âgés en les forçant souvent à prendre leur retraite de leur emploi principal et en les poussant à effectuer des travaux mal payés et précaires.L’insuffisance de la sécurité sociale aggrave cette perte de revenus, ce qui crée un système qui punit les travailleurs pour avoir vieilli.Le gouvernement devrait supprimer l’établissement d’un âge de retraite obligatoire, fixé à 60 ans ou plus, ainsi que le système de « pic salarial », et réformer les programmes de réemploi et de sécurité sociale.

(Séoul, 9 juillet 2025) – Les lois et les politiques sud-coréennes en matière d’emploi qui sont fondées sur l’âge discriminent les travailleurs âgés, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’insuffisance du système de sécurité sociale aggrave les difficultés que rencontrent les personnes âgées.

Le rapport de 72 pages, intitulé « Punished for Getting Older: South Korea’s Age-based Policies and Older Workers’ Rights » (« Punis pour avoir vieilli : Politiques sud-coréennes fondées sur l’âge et droits des travailleurs âgés »), décrit comment trois lois ou politiques fondées sur l’âge – la fixation de l’âge de retraite obligatoire à 60 ans ou plus, le système de « pic salarial » et les politiques de réemploi – portent préjudice aux travailleurs âgés, et en quoi les programmes insuffisants de sécurité sociale aggravent leur situation.

8 juillet 2025 Punished For Getting Older

« Les lois et les politiques sud-coréennes qui devraient protéger les travailleurs âgés contre la discrimination liée à l’âge produisent l’effet inverse», a déclaré Bridget Sleap, chercheuse senior sur les droits des personnes âgées auprès de Human Rights Watch. « Elles privent ces personnes de l’opportunité de continuer à travailler dans leur emploi principal, conduisent à une rémunération inferieure et les poussent vers des travaux moins bien payés et précaires, uniquement à cause de leur âge. Le gouvernement devrait cesser de punir des travailleurs simplement parce qu’ils prennent de l’âge. »

Entre février et septembre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 34 travailleurs sud-coréens, âgés de 42 à 72 ans, ayant été employés dans les secteurs public et privé à Séoul, ainsi qu’avec 41 autres personnes : des chercheurs, des syndicalistes sud-coréens, des représentants d’organisations non gouvernementales et un journaliste. Human Rights Watch a également examiné la législation nationale et des rapports en coréen et en anglais émis par le gouvernement, des universitaires, des syndicats, des médias et des institutions internationales.

La loi sud-coréenne interdisant la discrimination fondée sur l’âge dans le monde du travail (en anglais « Act on Prohibition of Age Discrimination in Employment and Elderly Employment Promotion »), autorise les employeurs des secteurs public et privé à fixer un âge obligatoire de retraite à 60 ans ou davantage, quelles que soient les compétences professionnelles de l’employé-e. Cette pratique est particulièrement répandue dans le secteur public sud-coréen, et dans les grandes entreprises de plus de 300 employés.

Human Rights Watch a constaté que le système de « pic salarial » (« peak wage »), qui permet aux employeurs de réduire les salaires des travailleurs les plus âgés au cours des trois à cinq ans qui précèdent leur retraite obligatoire, représente un préjudice financier et mental, et qu’il est fondé sur des stéréotypes âgistes. Ce système peut également affecter d’autres bénéfices auxquels ont droit les travailleurs, comme les contributions à la retraite, les indemnités de licenciement ou les allocations chômage.

Un homme âgé de 59 ans a expliqué à Human Rights Watch que son employeur l’a ainsi prévenu qu’il serait obligé de prendre sa retraite dans un an. Mais lors de sa dernière année professionnelle, il ne touchera que 52 % de ce qu’il gagnait à 55 ans. « C’est de la discrimination, puisque notre revenu n’a été réduit qu’en raison de notre âge », a-t-il déclaré. « Ce n’est pas justifié.  »

Human Rights Watch a constaté que le fait d’être forcé à prendre sa retraite affectait par ailleurs les travailleurs les plus âgés sur le plan de leur santé mentale et de leur bien-être.

Une infirmière de 59 ans, qui sera obligée de prendre sa retraite à 60 ans, après avoir travaillé pendant 36 ans, a témoigné : « Je ne peux pas m’imaginer en dehors de cette organisation. J’aurais l’impression de me retrouver toute seule au bord d’une route balayée par le vent. » 

D’après le droit international relatif aux droits humains, le fait de traiter les personnes différemment en se fondant sur un motif prohibé, comme l’âge, doit répondre à un critère de justification afin de veiller à ce que ce traitement ait un objectif légitime et soit à la fois proportionnel et nécessaire. Mais dans le droit sud-coréen, le fait de fixer un âge de retraite obligatoire ne nécessite aucune justification et les travailleurs plus âgés ne peuvent pas le remettre en question comme discriminatoire. 

Human Rights Watch a constaté que les lois et politiques sud-coréennes fondées sur l’âge constituaient bien une discrimination. Les objectifs respectifs de l’âge obligatoire de retraite et du système de pic salarial sont de maintenir les travailleurs âgés dans leur emploi principal jusqu’à l’âge de 60 ans au moins, et de financer l’emploi de jeunes travailleurs. Cependant, le préjudice causé aux travailleurs les plus âgés pèse davantage dans la balance que les avantages éventuels. 

Le gouvernement pourrait employer des méthodes moins nocives pour atteindre ces objectifs, notamment le développement des compétences professionnelles des travailleurs plus âgés et des subventions incitant les employeurs à recruter de jeunes travailleurs. Même si ces politiques affectent tous les travailleurs âgés, elles ont un impact disproportionné sur les femmes, qui ont souvent moins d’opportunités, au cours de leur carrière, d’obtenir des postes importants, des salaires élevés et des économies ou des retraites confortables.

D’après la loi nationale interdisant la discrimination fondée sur l’âge dans le monde du travail, les gouvernements locaux ainsi que l’État ont la responsabilité de soutenir le réemploi des travailleurs âgés après que ceux-ci ont pris leur retraite de leur emploi principal. Toutefois, Human Rights Watch a constaté que ce n’était pas une solution, puisque les programmes existants de réemploi forcent les travailleurs âgés à accepter du travail moins bien payé et plus précaire. 

En moyenne, les travailleurs ayant 60 ans et plus gagnent 29 % de moins que ceux qui sont plus jeunes, d’après des données issues du gouvernement. De plus, les travailleurs âgés réemployés se concentrent dans les activités mal payées, comme celles d’agent de sécurité ou de soin aux personnes, dont les travailleurs plus jeunes ne veulent pas. Une telle « ségrégation professionnelle » fondée sur l’âge est une forme de discrimination. 

Ces problèmes sont exacerbés par un système de sécurité sociale insuffisant, qui ne répond pas aux normes relatives aux droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les personnes forcées à prendre leur retraite à 60 ans n’ont droit qu’à une allocation chômage de maximum 270 jours. Elles peuvent attendre jusqu’à cinq ans pour être éligibles à la « pension nationale du troisième âge » ou à la pension de base. En 2023, seules 40 % des personnes de plus de 60 ans recevaient une pension nationale du troisième âge.

La Corée du Sud a l’obligation, en vertu du droit international relatif aux droits humains, de veiller à ce que tout le monde puisse jouir de ses droits à la non-discrimination, au travail et à la sécurité sociale, quel que soit son âge. Le gouvernement sud-coréen devrait abolir la possibilité de fixer un âge de retraite obligatoire à 60 ans ou davantage, ainsi que le système de pic salarial. Il devrait également réformer les programmes de réemploi et de sécurité sociale afin de garantir que les personnes âgées aient le même accès à des opportunités d’emploi équitables, favorables et significatives, et qu’elles reçoivent au moins un revenu permettant de vivre.

« Les lois et politiques sud-coréennes en matière d’emploi fondées sur l’âge discriminent les personnes âgées et les générations futures », a conclu Bridget Sleap. « Le gouvernement devrait adopter une loi anti-discrimination de vaste portée pour lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris celle fondée sur l’âge et les préjugés âgistes. »

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08.07.2025 à 18:37

Afghanistan : La CPI a émis des mandats d'arrêt contre deux hauts dirigeants talibans

Human Rights Watch

Click to expand Image Une salle de classe vide dans une école à Kaboul, en Afghanistan, photographiée le 22 décembre 2022. Les talibans ont interdit aux filles de ce pays de bénéficier d’un enseignement secondaire. © 2022 Ebrahim Noroozi/AP Photo

(New York, 8 juillet 2025) – Le 8 juillet, dans le cadre de son enquête sur l’Afghanistan, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre deux hauts dirigeants talibans ; ces deux mandats sont actuellement sous scellés.

Réagissant à cette annonce, Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch, a fait la déclaration suivante :

« Deux hauts dirigeants talibans sont désormais recherchés par la Cour pénale internationale en raison de leur persécution présumée de femmes et de filles afghanes, et de personnes non conformes en matière de genre. La communauté internationale devrait soutenir pleinement le travail crucial de la CPI portant sur l’Afghanistan, y compris par le biais d’efforts concertés à l’échelle mondiale pour faire exécuter les mandats d’arrêt de la Cour. Les arrestations prennent du temps, mais le transfert à la CPI de l’ex-président philippin Rodrigo Duterte pour répondre d’accusations d’exécutions extrajudiciaires présumées montre que lorsque la justice est soutenue, les victimes peuvent être entendues. Le Bureau du Procureur de la CPI devrait poursuivre ses enquêtes afin d’offrir un espoir de justice aux victimes d’autres exactions commises par les talibans, ainsi qu’aux victimes d’abus commis par les forces de l’État islamique de la Province du Khorassan, par les anciennes forces de sécurité afghanes, et par des membres des forces américaines. Pour mettre fin aux cycles de violence et d’impunité en Afghanistan, il est essentiel de garantir un accès égalitaire à la justice à toutes les victimes, quels que soient les auteurs des abus. »

Précédent communiqué du 23/01/25 :

https://www.hrw.org/fr/news/2025/01/23/afghanistan-le-procureur-de-la-cpi-requiert-des-poursuites-pour-persecution-liee-au

08.07.2025 à 07:00

Pérou : Le Congrès compromet la lutte contre le crime organisé

Human Rights Watch

Un homme brandissait une pancarte avec le message « Pour nos vies, nous marchons aujourd'hui », lors d’une manifestation tenue le 21 mars 2025 dans la capitale du Pérou, Lima, pour protester contre la criminalité croissante et l'insécurité dans ce pays. © 2025 Reuters/Sebastian Castaneda Des lois adoptées par le Congrès péruvien ont porté atteinte à l’indépendance des juges et des procureurs, et à leur capacité à lutter contre le crime organisé.Le nombre d’homicides, d’actes d’extorsion et d’incidents d’exploitation minière illégale a connu une croissance exponentielle ces dernières années, portant atteinte au droit à la vie et à l’intégrité physique des Péruviens.Alors que le Pérou poursuit son processus d’adhésion à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), cette organisation devrait faire pression sur les autorités péruviennes pour qu’elles suppriment les obstacles à la lutte contre la criminalité et garantissent la séparation des pouvoirs.

(Lima, 8 juillet 2025) – Le Congrès péruvien porte atteinte à l’indépendance des juges et des procureurs et à leur capacité à lutter contre le crime organisé, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. 

8 juillet 2025 Congress in Cahoots

Le rapport de 43 pages, intitulé « Congress in Cahoots: How Peru’s Legislature is Allowing Organized Crime to Thrive » (« Le Congrès complice : Comment le parlement péruvien permet l’essor du crime organisé »), détaille comment les récentes mesures législatives et décisions prises par le Congrès ont entravé les efforts déployés pour enquêter sur les réseaux criminels et engager des poursuites en justice, érodé l’autonomie d’institutions publiques clés et réduit les protections environnementales. L’administration de la présidente Dina Boluarte a souvent facilité la mise en œuvre de cette approche, tout en s’appuyant largement sur des déclarations d’« état d’urgence » – suspendant provisoirement les droits constitutionnels – comme principal outil de lutte contre la criminalité.

« L’attaque du Congrès contre l’état de droit a exposé des millions de Péruviens à davantage de menaces liées au crime organisé », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques de Human Rights Watch. « Le Congrès et l’administration de la présidente Dina Boluarte devraient d’urgence changer de cap et prendre des mesures efficaces pour protéger les droits de tous les Péruviens. »

Entre septembre 2023 et décembre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 125 procureurs, juges, policiers, défenseurs de l’environnement, dirigeants autochtones, journalistes et responsables au sein du gouvernement. Des chercheurs se sont rendus à Lima, Puerto Maldonado, Pucallpa et Trujillo, et ont passé en revue 34 lois, projets de loi et décisions législatives adoptés par le Congrès, ainsi que 54 décrets présidentiels publiés depuis 2023.

La situation sécuritaire au Pérou s’est détériorée ces dernières années. Selon les données fournies par la police, le nombre annuel d’homicides a augmenté de près de 137 % entre 2018 et 2024, et les chiffres provisoires pour 2025 laissent présager une nouvelle année record. Selon la police, plus de la moitié des homicides commis en 2024 l’ont été par des tueurs à gages. Les plaintes pour extorsion, qui touchent particulièrement les zones urbaines et le transport de marchandises, ont atteint un pic en 2023. Elles sont restées élevées en 2024 et pourraient atteindre un nouveau pic en 2025.

Hausse du nombre d'homicides au Pérou (2018-2024) Click to expand Image Tableau montrant la forte hausse du nombre d’homicides officiellement enregistrés au Pérou entre 2018 (1 076 homicides) et 2024 (2 552 homicides). © 2025 Human Rights Watch

Le Congrès, dont plus de la moitié des députés font l’objet d’enquêtes pour corruption ou autres crimes, a pris des mesures qui sapent l’indépendance et les pouvoirs des tribunaux et des procureurs. Il a fortement limité la capacité des procureurs à réunir des preuves et poursuivre des pistes d’enquête auprès des accusés disposés à coopérer, portant un coup dur aux efforts de démantèlement des groupes criminels et de détection des liens avec des responsables accusés de corruption. Le Congrès a par ailleurs modifié la définition du « crime organisé » dans le code pénal en vue d’exclure de nombreux délits de corruption, tout en créant des obstacles aux perquisitions menées dans le cadre des enquêtes. De plus, les députés ont arbitrairement démis de leurs fonctions des juges et des procureurs de haut rang, le plus souvent dans le but de bloquer les enquêtes sur la corruption.

« Une politique de sécurité effective et respectueuse des droits au Pérou implique de renforcer, et non d’affaiblir, les outils dont disposent les experts médico-légaux, les procureurs et les juges pour rendre justice aux victimes du crime organisé », a déclaré Juanita Goebertus.

Le Congrès a également adopté des lois qui nuisent à la protection de l’environnement, notamment en légalisant rétroactivement la déforestation illégale de vastes superficies et en protégeant de facto les mineurs illégaux contre les poursuites judiciaires. L’exploitation minière illégale, principalement celle de l’or à petite échelle, a connu une forte augmentation ces dernières années et constitue la principale infraction permettant le blanchiment d’argent, selon des données fournies par le gouvernement.

Si l’exploitation minière à petite échelle peut constituer une source importante de revenus pour les populations pauvres, elle comporte également des risques considérables pour l’environnement, la santé et les droits du travail lorsqu’elle n’est pas soumise à une réglementation et à une surveillance rigoureuses. Près de la moitié des attaques contre des défenseurs de l’environnement et des leaders autochtones entre 2020 et 2023 étaient liées à l’exploitation minière illégale, selon le Bureau du médiateur.

« Le nombre d’hectares touchés par l’exploitation minière illégale continue d’augmenter d’année en année, sans aucune réaction de la part de l’État, entraînant une recrudescence, dans ces régions, de crimes liés à cette activité, tels que le trafic, les viols et les homicides », a déclaré à Human Rights Watch un procureur de haut rang travaillant en Amazonie péruvienne.

Pour lutter contre la criminalité, la présidente Dina Boluarte a de plus en plus recours à la mise en place d’états d’urgence qui entraînent la suspension des droits constitutionnels dans les zones où ils sont décrétés. Ces mesures n’ont cependant pas permis de réduire le niveau de la violence.

De récentes mesures législatives menacent également de restreindre considérablement le travail des journalistes indépendants et des organisations de la société civile au Pérou. En mars 2025, le Congrès a adopté un projet de loi qui augmente fortement les pouvoirs du gouvernement en matière de contrôle des journalistes et des organisations non gouvernementales qui reçoivent des financements étrangers.

Le Pérou est actuellement candidat à l’adhésion à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui regroupe principalement des pays à revenu élevé et promeut des politiques visant à améliorer le bien-être économique et social des populations à travers le monde. Plus d’une douzaine de comités de l’OCDE examinent actuellement la conformité du Pérou aux normes applicables en matière de gouvernance publique, de politique environnementale et d’état de droit.

« L’OCDE devrait insister pour que les autorités péruviennes s’engagent à lever les obstacles à la lutte contre le crime organisé, la destruction de l’environnement et la corruption, et à garantir la séparation des pouvoirs », a affirmé Juanita Goebertus.

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LaLibre.be 

07.07.2025 à 20:00

Un activiste de premier plan toujours détenu au Niger

Human Rights Watch

Le 4 juillet, un tribunal de Niamey, la capitale du Niger, a rejeté le recours en appel de Moussa Tiangari, éminent activiste des droits humains et détracteur du gouvernement. Détenu depuis décembre 2024, cet appel était sa troisième tentative de faire annuler les poursuites engagées contre lui pour des motifs politiques.

Click to expand Image Moussa Tiangari, Niamey, Niger, Juin 2024. © 2024 Amnesty International

Âgé de 55 ans, Moussa Tiangari est le Secrétaire général de l'organisation de la société civile Alternative Espaces Citoyens (AEC). Il a été arrêté à son domicile à Niamey le 3 décembre 2024, et le lieu de sa détention est resté inconnu pendant deux jours. Le 5 décembre, ses avocats l’ont finalement retrouvé au Service Central de Lutte contre le Terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisée (SCLCT/CTO) du Niger.

Un mois plus tard, le 3 janvier 2025, la Haute Cour de Niamey l’a inculpé d’« association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » et de « complot contre l’autorité de l’État en intelligence avec des puissances ennemies », entre autres infractions. S'il est reconnu coupable de complot avec des puissances ennemies, il risque la peine de mort. Depuis lors, il est maintenu en détention provisoire et son affaire n'a pas encore été portée devant un juge.

La décision rendue la semaine dernière par la Cour d’appel de Niamey de maintenir Moussa Tiangari en détention est survenue quelques jours seulement après l’interdiction par le ministre de l'Intérieur du Niger d’une série de séminaires sur le droit à l'alimentation prévus par l'AEC à travers le pays. Selon les Nations Unies, plus de 2,2 millions de personnes au Niger sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë cette année en raison des conflits, des chocs climatiques et de la flambée des prix. Le ministre de l'Intérieur n'a fourni aucune raison pour justifier cette interdiction.

Depuis sa prise de pouvoir lors d'un coup d'État en juillet 2023, la junte militaire nigérienne a réprimé l'opposition, les médias et la société civile. L'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse sont détenus arbitrairement à Niamey pour des raisons politiques, depuis le coup d'État. Le 31 mai, la junte a expulsé du pays le Comité international de la Croix-Rouge, qui menait un travail humanitaire essentiel, accusant l'organisation de « collusion avec des groupes armés ».

Moussa Tiangari n'a pas sa place en prison. Il devrait être libéré et les autorités devraient abandonner toutes les accusations retenues contre lui. Les autorités devraient en outre libérer toutes les autres personnes arrêtées arbitrairement, et mettre fin à leurs attaques contre la société civile.

07.07.2025 à 01:00

Chine : Dix ans après la « Répression 709 », des avocats sont toujours harcelés

Human Rights Watch

Click to expand Image Des manifestants tenaient des pancartes appelant à la libération d’avocats chinois emprisonnés, dont Wang Quanzhang, lors d’un rassemblement devant le Bureau de liaison du gouvernement chinois à Hong Kong, le 26 décembre 2018.  © 2018 S.C. Leung/SOPA Images/LightRocket via Getty Images Dix ans après une vague de répression contre des avocats défenseurs des droits humains, le gouvernement chinois continue de persécuter et de réduire au silence les avocats qui dénoncent les abus commis par les autorités.Le gouvernement de Xi Jinping a cherché à éradiquer l'influence des avocats qui défendent les droits humains, tout en contraignant les autres professionnels du secteur juridique à soutenir le programme politique du Parti communiste chinois.Le gouvernement chinois devrait cesser de persécuter les avocats défenseurs des droits, et rétablir les licences révoquées. Les gouvernements préoccupés devraient s'exprimer ouvertement pour soutenir ces avocats, y compris ceux qui cherchent refuge à l'étranger.

(New York, 6 juillet 2025) – Dix ans après le lancement de l’opération « Répression 709 » ciblant les avocats défenseurs droits humains, le gouvernement chinois continue de persécuter et de réduire au silence les avocats qui dénoncent les abus commis par les autorités, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le Parti communiste chinois a également renforcé le contrôle idéologique sur la profession juridique au sens large.

En juillet 2015, la police chinoise a arrêté et interrogé environ 300 avocats, assistants juridiques et activistes à travers le pays ; ces personnes étaient membres d'une communauté informelle connue sous le nom de « mouvement de défense des droits », dont l'influence avait augmenté entre 2003 et 2013. Parmi les individus arrêtés, certains ont été victimes de disparition forcée pendant des mois et torturés, et dix ont été condamnés à de lourdes peines de prison. Au cours de la décennie qui a suivi, les autorités ont soumis nombre d'entre eux à la surveillance, au harcèlement, à l'humiliation publique et a des punitions collectives ; dans certains cas, elles ont révoqué ou annulé leur licence ou celles de leur cabinet d'avocats.

« Sous Xi Jinping, le gouvernement chinois cherche à éradiquer l'influence des avocats qui défendent les droits humains, tout en contraignant les autres professionnels du secteur juridique à soutenir les programmes du Parti communiste chinois », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Au cours de la dernière décennie, les autorités ont réduit au silence les avocats défenseurs des droits, même si nombre d'entre eux trouvent encore des moyens de lutter contre l'injustice sociale. »

Human Rights Watch a examiné divers documents officiels concernant les avocats et les cabinets d'avocats visés par la campagne « Répression 709 », surnommée ainsi en raison de la date de son lancement, le 9 juillet 2015. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec sept avocats défenseurs des droits humains, et un autre avocat non impliqué dans ce type d’activisme.

Outre le harcèlement constant des avocats, les autorités exigent de plus en plus souvent qu'ils fassent preuve d'une « loyauté absolue » envers le Parti communiste chinois (PCC), requérant que des cabinets d’avocats créent des cellules du PCC et suivent leurs directives. L'élargissement de l'accès aux services juridiques publics fournis par le gouvernement a accru le rôle des avocats agréés par le PCC, au détriment de celui des avocats défenseurs des droits humains ; le gouvernement utilise ainsi le système judiciaire pour désamorcer des conflits, et renforcer son contrôle social.

Le gouvernement chinois devrait cesser de persécuter les avocats défenseurs des droits humains, indemniser les victimes d'abus passés et récents et rétablir les licences de ces avocats et de leurs cabinets, a déclaré Human Rights Watch. À l'occasion du 10ème anniversaire de la « Répression 709 », les gouvernements préoccupés devraient exprimer leur soutien aux avocats chinois défenseurs des droits humains, et soutenir ceux qui cherchent refuge à l'étranger.

« Les avocats chinois défenseurs des droits humains et leurs familles ont énormément souffert en raison de leurs efforts visant à aider des concitoyens à obtenir justice », a conclu Maya Wang. « Afin de contrer leur persécution continuelle et les tentatives de les réduire au silence, les gouvernements étrangers devraient soutenir ces juristes courageux par le biais d’une reconnaissance internationale et de mesures de solidarité. »

Suite détaillée en anglais, comprenant des témoignages d’avocats chinois.

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04.07.2025 à 13:55

République centrafricaine : Des activistes arrêtés lors d'une cérémonie commémorative

Human Rights Watch

Click to expand Image Des participants à la veillée organisée en la mémoire des élèves décédés dans l'explosion du 25 juin au lycée Barthélémy Boganda, le 27 juin 2025, à Bangui, en République centrafricaine. © 2025 Privé

(Nairobi) – Les autorités centrafricaines ont arrêté des activistes qui organisaient une cérémonie commémorative en hommage aux élèves décédés dans une explosion ayant eu lieu dans un lycée, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.

Le 27 juin 2025, des activistes de la société civile ont organisé une veillée en mémoire des élèves décédés dans l'explosion du 25 juin au lycée Barthélemy Boganda de Bangui, la capitale, où ils passaient leurs examens de fin d'année. Selon les médias, le bilan s’est élevé à 29 morts et au moins 250 blessés. Les autorités ont arrêté sept personnes lors de la cérémonie commémorative, dont trois organisateurs, qui ont toutes depuis été libérées.

« Des élèves ne devraient pas craindre pour leur vie ou leur intégrité physique lorsqu'ils vont à l'école, et ils ont droit à une pleine reddition des comptes publique », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait respecter son obligation de mener des enquêtes transparentes et efficaces et ne pas prendre pour cible ceux qui réclament des comptes. »

Le gouvernement a publié une déclaration le 1er juillet indiquant que 20 élèves étaient morts et 65 autres avaient été hospitalisés. Il a promis d'enquêter sur les causes de l'explosion.

L'explosion, qui s'est produite lors du rétablissement de l'alimentation électrique d'un transformateur électrique sur place, a provoqué une bousculade parmi les 5 000 élèves qui passaient des examens, selon des témoins et des médias. Un élève a déclaré à Human Rights Watch que les ambulances avaient mis beaucoup de temps à arriver et que des passants avaient dû transporter les blessés à l'hôpital en taxi-moto.

« Ma fille a sauté d’une fenêtre au deuxième étage », a déclaré à Human Rights Watch le père d'une victime âgée de 21 ans, qui n'était pas sur les lieux. « Ses amis et camarades de classe ont attendu plus d'une heure l'arrivée d'une ambulance et ont décidé de la transporter en moto, mais elle est décédée pendant le trajet vers l'hôpital. C'était son examen de fin d'études secondaires et elle était enthousiaste quant à son avenir. Nous l'avons enterrée hier et nous sommes encore sous le choc. »

Les journalistes qui ont couvert l'incident ont déclaré à Human Rights Watch que le nombre de morts s'élevait à 29 et que le nombre de blessés, y compris les blessés graves, était également supérieur au bilan officiel. Le gouvernement devrait mener immédiatement une enquête efficace, transparente et publique sur les causes et l'ampleur des dégâts, a déclaré Human Rights Watch.

Le président a décrété trois jours de deuil national, du 27 au 29 juin. Des activistes de la société civile appartenant à un groupe de coordination, le Groupe de Travail de la Société Civile, ont organisé une veillée le 27 juin pour commémorer la mort des victimes, réclamer des écoles plus sûres et exiger une enquête.

L'un des activistes a déclaré à Human Rights Watch que les organisateurs avaient tenté d'organiser la cérémonie commémorative au lycée, mais que le ministère de l'Éducation leur avait refusé l'accès au motif de l’enquête en cours. Comprenant cette raison, ils ont choisi un autre lieu, mais le ministre de la Sécurité a déclaré que la veillée n'était pas autorisée, invoquant une interdiction de manifester dans l’espace public datant de 2022.

Les organisateurs, les élèves et les familles d’élèves ont tout de même commencé à tenir la veillée, avant que la police ne les disperse et arrête sept personnes, dont les trois organisateurs, Gervais Lakosso, Fernand Mandé Djapou et Paul Crescent Beninga, ont déclaré les activistes.

Des photos montrant la police en train de frapper les participants à la veillée, vues par Human Rights Watch, ont circulé sur les réseaux sociaux. Human Rights Watch a également reçu des photos de l'un des organisateurs de la veillée montrant les blessures qu'il a subies lorsqu'il a été jeté dans un camion de police.

« Nous essayions d'allumer des bougies et de déposer des fleurs en mémoire de ceux que nous avons perdus », a déclaré Paul Crescent Beninga. « En quoi cela représente-t-il un risque sécuritaire ? Nous faisions le deuil de nos jeunes qui étudiaient pour leur avenir, et la police est venue, nous a frappés, arrêtés et emmenés. »

Au cours de leur interrogatoire, trois militants de la société civile ont été accusés de manière informelle par la police d'« association avec des criminels » et d'avoir des liens avec le Bloc républicain pour la défense de la constitution, une coalition de partis d'opposition. Les proches du gouvernement dénigrent souvent cette coalition et l'accusent de soutenir des groupes armés.

« Nous avons été traités comme des criminels et des traîtres », a déclaré Fernand Mandé Djapou.

Le ministère de la Sécurité intérieure a publié sur sa page Facebook son refus de la demande des activistes d'organiser la cérémonie commémorative, accompagnée de photos des trois activistes menottés. Le message indique que les « détenus », bien que libres, seront « soumis à une surveillance policière étroite ».

Les autorités ont emmené Gervais Lakosso et Fernand Mandé Djapou dans une cellule de l'Unité de sécurité nationale et Paul Crescent Beninga dans une cellule de l'Office central pour la répression du banditisme (OCRB), une unité de police de Bangui connue pour ses abus, où ils ont passé la nuit. Envoyer un activiste placé en détention pour avoir organisé une cérémonie commémorative en hommage à des élèves décédés dans un établissement géré par une unité connue pour ses actes de torture, ses exécutions et ses tirs à vue sur les suspects ne peut avoir pour but que d'intimider et d'envoyer un message menaçant aux activistes.

Les trois militants, ainsi que les quatre autres personnes arrêtées avec eux, ont été libérés après l'intervention du président Faustin-Archange Touadéra, selon les activistes et la page Facebook du ministère.

Depuis 2022, les autorités centrafricaines répriment la société civile, les médias et les partis politiques d'opposition. La police a empêché des manifestations politiques de l'opposition et des responsables gouvernementaux ont porté des accusations infondées selon lesquelles des activistes de la société civile collaboreraient avec des groupes armés.

La répression s'est intensifiée à l'approche des élections locales et nationales de 2023, et un référendum organisé en 2023 a abouti à une nouvelle constitution qui supprime la limitation du nombre de mandats et permet au président Touadéra de se présenter pour un troisième mandat, ce qui n'était pas autorisé par la constitution de 2016.

« Lorsque des tragédies comme celle-ci se produisent, la société civile devrait pouvoir commémorer, demander des comptes et soutenir les personnes dans leur deuil », a déclaré Lewis Mudge. « La répression exercée par le gouvernement lors de cet événement commémoratif montre à quel point il s'appuie sur celle-ci et présume le pire de la société civile. »

02.07.2025 à 20:44

Cambodge : Des activistes de l’ONG Mother Nature emprisonnés depuis un an

Human Rights Watch

Click to expand Image Cinq activistes de l’ONG écologiste Mother Nature – Ly Chandaravuth, Thun Ratha, Yim Leanghy, Phuon Keoraksmey et Long Kunthea – photographiés à l’extérieur du Tribunal de première instance de Phnom Penh, au Cambodge, le 11 juin 2024, lors d’une pause du procès les visant. Le 2 juillet 2024, ils ont été reconnus coupables de « complot contre l’État » et d’« insulte au roi », et condamnés à des peines comprises entre six et dix ans de prison. © 2024 Privé

(Bangkok, le 2 juillet 2025) – Cinq activistes écologistes cambodgiens emprisonnés depuis un an sur la base d’accusations infondées devraient être libérés immédiatement et sans condition, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui ; leurs peines sont comprises entre six ans et huit ans de prison.

Le 2 juillet 2024, un tribunal de Phnom Penh a rendu un verdict de culpabilité envers dix activistes de l'association écologiste de jeunes Mother Nature qui étaient accusés de « complot contre l’État » et d'« insulte au roi » (lèse-majesté). Ces accusations étaient liées à leur militantisme pacifique en faveur de l’environnement. Cinq activistes ont été alors immédiatement incarcérés, tandis que quatre autres, dont on ignore le sort, étaient jugés par contumace. Le dixième, un ressortissant espagnol, avait été expulsé du pays en 2015.

« Les peines lourdes et infondées infligées aux activistes de Mother Nature il y a un an témoignent du profond mépris du gouvernement cambodgien envers l’environnement dans ce pays », a déclaré Bryony Lau, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait annuler ces condamnations pour militantisme environnemental pacifique, et libérer immédiatement les personnes emprisonnées. »

Les autorités ont incarcéré les cinq activistes dans cinq différentes prisons reparties à travers le pays et situées à des centaines de kilomètres de leurs familles, une mesure qualifiée de cruelle et sans précédent par l’organisation cambodgienne de défense des droits humains LICADHO. Le 30 avril 2025, la Cour suprême du Cambodge a rejeté la dernière demande de libération sous caution des activistes, confirmant le jugement rendu par la Cour d'appel de Phnom Penh le 17 février et la condamnation des cinq activistes.

Les cinq activistes emprisonnés sont Thun Ratha (à Tbong Khmum), Ly Chandaravuth (à Kandal), Phuon Keoraksmey (à Pursat), Yim Leanghy (à Kampong Speu) et Long Kunthea (à Preah Vihear). Les lieux éloignés des prisons limitent considérablement les visites familiales, les soins médicaux et l'accès à l'assistance juridique, ce qui représente un risque sérieux pour le bien-être des activistes et leur droit à une procédure régulière.

Click to expand Image Carte du Cambodge montrant les sites des prisons où sont incarcérés cinq activistes de l’ONG écologiste Mother Nature, suite à leur condamnation le 2 juillet 2024. © 2024 LICADHO

Pendant plus d’une décennie, l’ONG Mother Nature a dénoncé la corruption dans la gestion des ressources naturelles au Cambodge, s'oppose à des projets d'infrastructures destructeurs et mobilise la jeunesse pour défendre la biodiversité du pays, l'une des plus menacées au monde en raison des taux élevés de déforestation et de trafic d'espèces sauvages. Parmi les réussites de Mother Nature figurent d’une part la cessation de la construction d'un barrage financé par un consortium chinois et qui menaçait le mode de vie d’une communauté autochtone, et d’autre part l'arrêt des exportations de sable de l'île de Koh Kong dans le cadre d’un système corrompu.

En 2023, le groupe a reçu le prix Right Livelihood pour son « activisme courageux et engagé ». En octobre 2024, lors d’une réunion du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, l’ONG Right Livelihood a dénoncé l'emprisonnement des activistes de Mother Nature qualifiant leurs arrestations et condamnations de « sans précédent, […] injustes et arbitraires ».

Les autorités cambodgiennes ont souvent accusé des militants des droits humains d'« incitation à commettre un crime », infraction passible d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans de prison. En 2021, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l'homme au Cambodge a déclaré qu’il était préoccupé par le fait que « des défenseurs des droits humains sont actuellement en détention et accusés d'incitation à commettre un crime ». Les activistes de Mother Nature ont été les premiers militants écologistes à être inculpés de « complot contre l’État », infraction passible d’une peine pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison. Quatre activistes – Ly Chandaravuth, Phuon Keoraksmey, Long Kunthea et Thun Ratha – ont été condamnés en 2024 à six ans prison, soit jusqu'en 2030 ; Yim Leanghy a été condamné à huit ans de prison, soit jusqu'en 2032.

Suite aux condamnations des activistes de Mother Nature, les autorités cambodgiennes ont également ciblé des journalistes pour des reportages sur des questions environnementales.

Le 4 janvier, le journaliste britannique Gerald Flynn s'est vu interdire de revenir au Cambodge, apparemment en représailles à ses reportages. À son arrivée à Siem Reap depuis l'étranger, les autorités de l'immigration ont déclaré à Flynn que la prolongation de son visa était « invalide », alors qu'il avait pu entrer et sortir librement du Cambodge avec les mêmes documents en novembre 2024. Les autorités ont informé Flynn, l'un des rares journalistes étrangers encore basés au Cambodge, qu'il lui était interdit de revenir au Cambodge pour une durée indéterminée. Flynn avait enquêté sur des réseaux d'exploitation forestière illégale au Cambodge, et était apparu dans un documentaire vidéo de France 24 que le ministère cambodgien de l'Environnement avait publiquement qualifié de « fake news ».

Le 16 mai, trois policiers en civil circulant dans un véhicule banalisé ont arrêté et menotté un journaliste environnemental cambodgien, Ouk Mao, près de son domicile à Stung Treng ; ils n’ont présenté aucun mandat d’arrestation, a déclaré son épouse au site d’informations Mongabay. En juin 2024, la police militaire l'avait déjà interrogé au sujet de son enquête sur le défrichement de terres dans une forêt communautaire de Stung Treng.

Entre cet incident et son arrestation le 16 mai, Ouk Mao a continué à couvrir les questions de déforestation. Le 12 mai, Mongabay avait publié un article sur de précédentes agressions physiques et poursuites arbitraires le visant ; il avait aussi été interviewé par le service khmer de Radio France Internationale (RFI), dans une vidéo diffusée le 13 mai et vue par des dizaines de milliers de personnes.

Ouk Mao a été libéré sous caution le 25 mai après neuf jours de détention provisoire, mais il est toujours visé par plusieurs graves accusations liées à ses reportages sur l'environnement et à ses commentaires publics.

Le 27 mai, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les défenseurs des droits humains a exprimé sa préoccupation au sujet d'Ouk Mao, déclarant que « le harcèlement judiciaire et physique des [défenseurs des droits environnementaux] qui dénoncent l'exploitation forestière illégale et la déforestation au Cambodge doit cesser immédiatement ».

« Le ciblage des activistes écologistes et des journalistes par le gouvernement cambodgien est désastreux », a conclu Bryony Lau. « Emprisonner ou expulser ceux qui sont encore prêts à risquer leur vie et leurs moyens de subsistance pour protéger l'environnement au Cambodge, ou forcer ces personnes à agir de manière clandestine, ne peut qu'entraîner des dommages à long terme pour le peuple cambodgien. »

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02.07.2025 à 19:17

Au Soudan du Sud, les filles et les femmes sont constamment menacées

Human Rights Watch

Click to expand Image Deux filles sud-soudanaises qui avaient été enlevées avec d’autres jeunes filles par un groupe armé avant d’être finalement relâchées se tenaient la main lors d'une cérémonie célébrant leur libération, à Yambio, au Soudan du Sud, le 7 février 2018.  © 2018 Stefanie Glinski/AFP via Getty Images

Les récentes attaques contre des filles et des jeunes femmes au Soudan du Sud illustrent les risques auxquels elles sont exposées et le manque de protections adéquates.

Le 25 juin, selon les médias, des hommes armés ont enlevé quatre lycéennes dans la commune Pochalla North (État de Jonglei), alors qu'elles se rendaient à leur école pour y passer des examens de fin d’année scolaire. Malgré les recherches menées par la communauté locale, les quatre lycéennes sont toujours portées disparues.

Le 19 juin, la police a annoncé l'arrestation de sept suspects dans l’affaire du viol collectif d'une adolescente de 16 ans à Juba, la capitale du Soudan du Sud. Une vidéo présumée de l'attaque avait circulé en ligne et suscité l'indignation du public. Suite à cet incident, la ministre sud-soudanaise du Genre, de l'Enfance et de la Protection sociale a appelé à une enquête approfondie et à la reddition de comptes. Des activistes ont réclamé des réformes juridiques et organisé des forums pour encourager les survivantes à s'exprimer. Mais même lorsque les affaires suscitent un tel intérêt public, les condamnations sont rares.

En mai, un groupe de jeunes hommes armés a encerclé un pensionnat pour filles à Marial Lou, dans l'État de Warrap, piégeant au moins 100 élèves à l'intérieur. Selon la mission de maintien de la paix des Nations Unies, les enseignants ont verrouillé les portes jusqu'à ce que les Casques bleus sécurisent l'école et négocient la fin du siège.

Ces incidents sont tristement courants au Soudan du Sud, où les filles subissent constamment des menaces, qu’il s’agisse de leur corps, de leur éducation ou de leur avenir. Des anciens conflits, l'accès généralisé aux armes et les coutumes patriarcales, menant parfois à des mariages forcés, ont depuis longtemps transformé les corps de filles et de femmes en champs de bataille, utilisés comme butin de guerre ou monnaie d'échange dans des conflits intercommunautaires.

La mobilisation de communautés pour protéger les filles permet d’espérer que ces comportements et pratiques peuvent changer, mais une protection efficace dépend avant tout du respect par l'État de ses obligations légales.

Le Soudan du Sud est un État partie à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (acronyme anglais CEDAW). Ce pays a également ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, s'engageant ainsi à protéger les élèves et étudiantes contre des attaques. Le ministère du Genre, de l'Enfance et de la Protection sociale, ainsi que le ministère de la Justice, ont promu un projet de loi sur la lutte contre les violences basées sur le genre et visant une meilleure protection de l'enfance. Ce projet de loi renforcerait les protections juridiques, criminaliserait les mariages forcés et les mariages d'enfants, et garantirait aux survivantes un soutien médical et psychosocial gratuit. Le Parlement devrait donner la priorité à l'adoption de ce projet de loi.

Le gouvernement devrait également renforcer les institutions sud-soudanaises chargées de faire respecter l’état de droit, et garantir la reddition de comptes pour les abus. Il est essentiel de protéger les écoles contre les attaques, notamment en renforçant la présence des forces de sécurité, en organisant des dialogues avec les jeunes personnes et en mettant en œuvre des processus de désarmement respectueux des droits.

Au Soudan du Sud, les filles devraient pouvoir se rendre à l'école à pied et poursuivre leur éducation sans crainte ; et les autorités devraient agir pour garantir ces droits fondamentaux.

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02.07.2025 à 08:00

Guatemala : Une loi sur l’eau est urgemment requise

Human Rights Watch

Play Video Le manque généralisé d’accès à l’eau potable et à des services d’assainissement adéquats au Guatemala menace le droit à la santé et d’autres droits de millions de personnes, en particulier des peuples autochtones et des femmes.Alors que le Guatemala est un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, une part importante de sa population est obligée de vivre sans avoir accès à un élément aussi fondamental que l’eau potable.Les autorités guatémaltèques devraient adopter une législation sur l’eau qui garantisse le droit des personnes à l’eau et l’assainissement.

(Guatemala City) – Le manque généralisé d’accès à l’eau potable et à des services d’assainissement adéquats au Guatemala menace le droit à la santé et d’autres droits de millions de personnes, en particulier des peuples autochtones et des femmes, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

2 juillet 2025 “Without Water, We Are Nothing”

Ce rapport de 88 pages, intitulé « “Without Water, We Are Nothing”: The Urgent Need for a Water Law in Guatemala » (« “Sans eau, nous ne sommes rien” : L’urgente nécessité d’une loi sur l’eau au Guatemala ») décrit l’indisponibilité fréquente de services sûrs et suffisants de distribution d’eau et d’assainissement au Guatemala, qui affecte de façon disproportionnée les membres de communautés autochtones, surtout les femmes et les filles. Le rapport détaille également l’impact de cet accès insuffisant à l’eau et à l’assainissement sur le droit à la santé, y compris pour les enfants, dans un pays où près d’un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre de malnutrition chronique.

« Alors que le Guatemala est un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, une part importante de sa population est forcée à vivre sans avoir accès à un élément aussi fondamental que l’eau potable », a déclaré Juanita Goebertus, directrice de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les autorités guatémaltèques devraient approuver d’urgence un projet de loi de portée nationale sur l’eau, accomplissant ainsi un pas essentiel pour garantir à toutes et tous un accès sûr, fiable et universel aux services de distribution d’eau et d’assainissement. »

Le Guatemala dispose d’une quantité d’eau douce par habitant supérieure à la moyenne mondiale, mais depuis longtemps, le pays n’a pas su protéger et distribuer ces ressources comme il se doit. En l’absence de législation établissant clairement les droits et obligations liés à l’eau, de système de réglementation et de financement clair pour garantir ces droits, ainsi que de mécanismes d’application qui vont avec, la disponibilité et la qualité de l’eau dans le pays resteront compromises.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec 108 personnes, surtout des femmes, issues de communautés majoritairement autochtones des départements de Jalapa, Santa Rosa et Totonicapán. L’équipe de recherche a mené des entretiens de suivi avec des experts, demandé des informations au gouvernement et analysé les données concernant l’eau, l’assainissement et la pauvreté issues de l’Enquête nationale sur les conditions de vie, réalisée en 2023 par l’Institut national de la statistique du Guatemala.

Les données analysées par Human Rights Watch révèlent que les Guatémaltèques autochtones ont moins accès à l’eau et à l’assainissement que les autres citoyens, ce qui correspond à des schémas anciens de discrimination et d’accès inéquitable aux services publics fondant les droits. D’après les données officielles, dans l’ensemble, 40 % des Guatémaltèques n’ont pas l’eau courante chez eux. Mais concernant les Guatémaltèques autochtones, ils sont 50 % à ne pas avoir pas l’eau courante, alors que cela n’est le cas que pour 33 % des citoyens non autochtones. De même, les personnes d’origine autochtone ont trois fois plus de chances de n’avoir à leur disposition que des latrines ou des fosses, formes d’assainissement qui peuvent représenter un risque pour la sécurité ou la santé, alors que les personnes d’origine non autochtone ont deux fois plus de chances de disposer de toilettes débouchant sur un système d’égout.

Click to expand Image María Magdalena Cac Pú, une femme guatémaltèque contrainte à chercher régulièrement de l’eau à un point d'eau situé loin de son domicile, transportait un bidon d’eau attaché à son dos tout en portant son bébé, dans la municipalité de Santa María Chiquimula (département de Totonicapán) au Guatemala. © 2025 Víctor Peña pour Human Rights Watch

Sans accès fiable à l’eau courante, des millions de Guatémaltèques sont forcés de récupérer de l’eau dans des puits, des fleuves, des lacs, des sources naturelles, ou encore de l’eau de pluie, comme source d’eau primaire. Cela implique de graves risques sanitaires, puisque le gouvernement estime que plus de 90 % des eaux de surface au Guatemala sont contaminées.

Ce sont souvent les femmes qui ont la responsabilité d’aller chercher de l’eau pour elles-mêmes et leur famille, de même qu’elles sont chargées des soins aux enfants. D’après les données de l’enquête officielle, deux tiers des adultes ayant rapporté qu’ils étaient allés chercher de l’eau le jour précédent étaient des femmes.

Rosalía Maribel Osorio Chivalan, une femme de 24 ans de la municipalité de Santa María Chiquimula, dans le département de Totonicapán, a décrit sa routine matinale qui l’oblige à se lever à 5 heures ou 5 heures et demie du matin et à effectuer un circuit de deux heures pour aller chercher de l’eau à un puits, avant de faire un trajet de 40 minutes aller-retour pour amener ses enfants à l’école à 8 heures.

Les enfants, eux aussi, doivent souvent aller chercher de l’eau. Une femme de 29 ans, mère célibataire de trois enfants à Santa María Chiquimula, a expliqué que ses enfants marchaient avec elle deux heures par jour pour aller chercher de l’eau, car elle ne pouvait pas le faire toute seule. « Parfois j’ai un moment de désespoir quand je les vois marcher en portant l’eau, les pauvres », a-t-elle déclaré.

Même les familles qui sont connectées à un réseau de distribution d’eau connaissent des difficultés d’accès à l’eau, notamment parce que le service fonctionne de façon intermittente. En analysant les données gouvernementales de 2023, Human Rights Watch a constaté que seuls 19 % des ménages rapportaient avoir eu de l’eau chez eux de façon ininterrompue, 24 heures sur 24, chaque jour du mois précédant cette enquête.

Comme le souligne le rapport, la qualité de l’eau est un sujet de préoccupation majeur au Guatemala. De nombreuses femmes interrogées avaient observé des signes de contamination, notamment une eau trouble, une mauvaise odeur et des débris polluant l’eau, sachant que très peu d’options de traitement de l’eau leur sont accessibles. Beaucoup ont déclaré qu’elles et leurs enfants souffraient de maux d’estomac, de vomissements et de diarrhées après avoir consommé cette eau, mais que ces sources contaminées représentaient pourtant la seule option accessible.

María Carolina Barrera Tzun, une femme de 28 ans, mère de trois enfants, de Santa María Chiquimula, a témoigné que le puits où elle allait chercher de l’eau pour elle et ses enfants était sale, et que ses enfants lui demandaient parfois : « Pourquoi l’eau est-elle si sale ? Pourquoi on n’a pas l’eau à la maison ? » Pourtant ils doivent la boire, a-t-elle expliqué, parce qu’ils n’ont pas d’autre possibilité.

Les infrastructures d’assainissement inadaptées représentent également un danger pour la santé et contribuent à la mauvaise qualité de l’eau. Seuls 42 % des foyers guatémaltèques rapportaient qu’ils disposaient de toilettes débouchant sur un réseau d’évacuation des eaux usées. Environ un tiers de la population est obligée de se servir de latrines, de fosses, ou encore de déféquer à l’air libre. D’après les informations officielles, en 2021, 97 des 340 municipalités du Guatemala, soit 29 %, n’avaient aucune station d’épuration des eaux usées opérationnelle.

Les impacts sanitaires d’un accès risqué ou insuffisant à l’eau et d’un assainissement inadéquat sont graves. D’après l’Organisation mondiale de la santé, en 2019, le taux de mortalité dû à l’eau non potable et aux services d’assainissement et d’hygiène inadaptés était au Guatemala de 15,3 décès pour 100 000 personnes, plus du double de celui de n’importe quel pays voisin. L’accès limité à l’eau et à l’assainissement contribue par ailleurs à la malnutrition chronique. Au Guatemala, près d’un enfant sur deux de moins de cinq ans souffre de malnutrition de façon chronique : c’est un des taux les plus élevés du monde. 

Afin de faciliter une gouvernance globale en matière d’eau et un investissement efficace dans les infrastructures dédiées à l’eau et à l’assainissement, les autorités guatémaltèques devraient adopter un projet de loi sur l’eau qui crée la capacité institutionnelle de protéger la disponibilité en eau pour toutes et tous, et inflige des amendes pour la contamination des nappes d’eau.

En élaborant cette loi, le gouvernement devrait veiller au respect des pratiques autochtones de gestion de l’eau ainsi qu’à une réelle participation et consultation des peuples autochtones, qui sont souvent en première ligne des pratiques de conservation et de préservation des ressources et qui sont les plus affectés par la crise actuelle.

Les autorités devraient par ailleurs mettre en place un système réglementaire et financier qui permette au Guatemala d’honorer son obligation de prendre des mesures, dans la limite de ses ressources disponibles, pour garantir la disponibilité, l’accessibilité et la qualité de l’eau à usage personnel et domestique.

« Le gouvernement du président Bernardo Arévalo a une occasion historique de régler une ancienne dette et d’apporter un changement durable aux Guatémaltèques », a conclu Juanita Goebertus. « Il ne devrait pas la laisser passer. »

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01.07.2025 à 22:00

Malawi : Inaction de la police face à l'agression de manifestants pacifiques

Human Rights Watch

Click to expand Image Un policier tenait son arme à Blantyre, au Malawi, le 6 mai 2020, lors de la campagne précédant l’élection présidentielle de juillet 2020. La période préélectorale avait alors été entachée de violences. Fin juin 2025, des violences dans la capitale, Lilongwe, ont suscité des inquiétudes quant aux élections prévues au Malawi en septembre 2025. © 2020 Amos Gumulira/AFP via Getty Images

(Johannesburg) – Le 26 juin, une douzaine d'hommes armés ont attaqué des manifestants qui protestaient pacifiquement au Malawi contre la manière dont le gouvernement planifie les prochaines élections nationales, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le refus apparent de la police d’intervenir pour mettre fin aux violences ou pour arrêter les responsables suscite de vives inquiétudes quant à la capacité du gouvernement à organiser les élections générales de septembre de manière juste et impartiale.

L'incident s'est produit lors d’un rassemblement organisé par l’association Citizens for Credible Elections (« Citoyens pour des élections crédibles » - CCE), afin de réclamer un audit indépendant des listes électorales et la démission de hauts responsables de la Commission électorale du Malawi (Malawi Electoral Commission, MEC). Lors du rassemblement tenu dans la capitale, Lilongwe, entre 10 et 20 hommes – certains masqués et armés de bâtons, de sjamboks (fouets en cuir) et de grands couteaux – ont attaqué les manifestants, blessant plusieurs personnes et endommageant également des biens. Des groupes de la société civile et le principal parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (Democratic Progressive Party, DPP), affirment que les assaillants étaient liés à une milice de jeunes affiliée au Parti du Congrès du Malawi (Malawi Congress Party, MCP), au pouvoir. Le MCP est accusé d’employer des tactiques d'intimidation contre des citoyens souhaitant s’exprimer librement à l'approche des élections de septembre.

« Les autorités malawiennes devraient enquêter sur cette attaque brutale contre des manifestants pacifiques et veiller à ce que les responsables soient dûment punis », a déclaré Idriss Ali Nassah, chercheur senior auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Pour que les Malawiens aient confiance dans l'équité des prochaines élections, ils doivent avoir la certitude que la police réagira rapidement et impartialement aux menaces ou aux actes de violence, quels qu'en soient les responsables. »

Le gouvernement et les forces de l'ordre ont la responsabilité de garantir le respect des droits fondamentaux à la liberté d'expression et de réunion pacifique, et de veiller à ce que les manifestants puissent manifester en toute sécurité, conformément à la Constitution du Malawi et aux normes internationales. Par ailleurs, la commission électorale MEC a rejeté la demande de plusieurs organisations locales qui souhaitaient examiner les listes électorales afin de déceler toute incohérence susceptible de conduire à des fraudes électorales ; ce refus a accru les inquiétudes des citoyens et de la société civile quant à l'équité des prochaines élections.

Sylvester Namiwa, directeur du Centre pour la démocratie et les initiatives de développement économique (Center for Democracy and Economic Development Initiatives, CDEDI Malawi) et principal organisateur des manifestations, a déclaré à Human Rights Watch qu'au moment où la manifestation allait commencer, des assaillants ont attaqué les personnes rassemblées. Il a déclaré que, sous le regard de la police et d'autres agents des forces de l'ordre, les hommes l'ont violemment battu, l'ont traîné vers un SUV Toyota et ont tenté de l'enlever. Il a ajouté qu'il a échappé à la tentative d'enlèvement grâce aux tirs de gaz lacrymogènes de la police. Les assaillants ont ensuite volé un système de sonorisation utilisé par les manifestants, endommagé plusieurs véhicules et incendié deux voitures.

Sylvester Namiwa a ensuite été soigné pour ses blessures dans un hôpital local.

Une femme qui est membre de l’organisation CCE a déclaré qu’alors que les assaillants la frappaient, elle a imploré les policiers de la secourir. Mais ils ne sont pas intervenus, et lors de l'attaque, elle a été blessée au dos à l’une de ses mains.

Des militants locaux des droits humains et des journalistes couvrant les manifestations ont corroboré les témoignages des manifestants, affirmant avoir vu des policiers observer les manifestants sans rien faire pour les protéger, même lorsqu'il était clair que leur vie était en danger. Aucun agresseur n'a été arrêté ; de plus, la police n'a pas répondu aux questions des médias sur la réaction des forces de l'ordre face aux attaques.

Précédemment en novembre 2024, des partis d'opposition et des organisations de la société civile ont allégué que le MCP avait organisé une violente attaque menée par des hommes masqués et armés contre des personnes qui manifestaient pacifiquement en faveur des réformes électorales. Des témoins avaient alors accusé les forces de l'ordre d'être restées passives lors de l’attaque, tout comme lors du récent incident du 26 juin.

Les gouvernements ont l'obligation, en vertu du droit international, de respecter, de faciliter et de protéger le droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique. Le Malawi est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, qui énoncent ces droits. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe international d'experts chargé de surveiller le respect du PIDCP, a déclaré dans son Observation générale no 37 que les États parties ont « l’obligation positive de faciliter la tenue des réunions pacifiques et de permettre aux participants d’atteindre leurs objectifs ».

Les Lignes directrices sur la liberté d'association et de réunion en Afrique, publiées par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) indiquent ceci : « Les droits à la liberté d’association et de réunion restent des droits fondamentaux qui devraient sous-tendre toute société démocratique dans laquelle la personne humaine pourrait faire entendre librement sa voix sur toute question de société. » L’article 30 stipule ceci : « Les États sont censés protéger les associations, notamment leurs responsables les plus en vue, des menaces, actes de harcèlement, d’ingérence, d’intimidation ou de représailles de la part de tierces parties ou d’acteurs non étatiques. »

« Le gouvernement malawien devrait respecter les droits humains et l'État de droit en enquêtant, en arrêtant et en poursuivant en justice les agresseurs et les auteurs des violences », a conclu Idriss Nassah. « À l'approche des élections générales cruciales de septembre, les autorités doivent envoyer un message fort : les violations des droits humains ne seront pas tolérées. »

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