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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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21.07.2025 à 06:00

États-Unis : Des migrants détenus en Floride dans des conditions abusives

Human Rights Watch
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Click to expand Image © 2025 John Holmes pour Human Rights Watch

 

Des personnes détenues dans des centres de rétention pour migrants en Floride y sont soumises à des conditions inhumaines, notamment le refus de soins médicaux, le surpeuplement et des traitements dégradants. Au moins deux décès récents pourraient être liés à l’insuffisance de soins médicaux.Il ne s'agit pas d'incidents isolés, mais plutôt du résultat d'un système de détention fondamentalement défaillant et entaché de graves abus.Le gouvernement américain devrait privilégier les alternatives communautaires à la détention de migrants, remédier immédiatement aux conditions de détention abusives et autoriser un contrôle indépendant des centres de rétention.

(Washington, 21 juillet 2025) – Le gouvernement des États-Unis a soumis des migrants détenus dans trois centres de rétention en Floride à des conditions abusives et dégradantes, et dans certains cas à des risques mortels, ont déclaré Americans for Immigrant Justice, Human Rights Watch et Sanctuary of the South dans un rapport conjointement publié aujourd'hui.

21 juillet 2025 “You Feel Like Your Life Is Over”

Ce rapport de 92 pages, intitulé « “You Feel Like Your Life is Over”: Abusive Practices at Three Florida Immigration Detention Centers Since January 2025 » (« “Vous avez l'impression que votre vie est finie” : Pratiques abusives dans trois centres de rétention pour migrants en Floride depuis janvier 2025 »), révèle que les personnes détenues au Krome North Service Processing Center (« Krome »), au Broward Transitional Center (« BTC ») et au Federal Detention Center de Miami (« FTC ») ont été enfermées dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité, soumises à des traitements dégradants, et privées d’accès à des soins médicaux rapides et adéquats. Le rapport décrit les expériences vécues par 17 migrants dans ces trois centres de rétention depuis le 20 janvier.

Americans for Immigrant Justice est un cabinet d'avocats à but non lucratif qui lutte pour la justice pour les migrants par le biais d’assistance juridique, de litiges visant des changements à long terme, ainsi que des actions de plaidoyer et de sensibilisation. Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale internationale qui enquête sur des violations des droits humains dans le monde entier, publie des rapports et vise à promouvoir la justice et l’obligation de rendre des comptes. Sanctuary of the South est une association dont la mission est de promouvoir la justice et la libération de personnes injustement détenues, en s’appuyant sur « l'amour et le soutien mutuel ».

Les chercheur-euse-s des trois organisations ont mené des entretiens avec des migrants actuellement ou précédemment détenus, des membres de leurs familles et des avocats spécialisés en droit de l'immigration ; les chercheur-euse-s ont aussi analysé les données publiées par les services d'immigration et de douane des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE), ainsi que d'autres documents officiels.

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Donald Trump, son administration a provoqué une forte hausse du nombre de migrants détenus à travers le pays. Les données de l'ICE montrent qu’à la mi-avril, le taux de population dans 45 des 181 centres de rétention officiels à travers le pays dépassait la capacité contractuelle prévue.

La hausse du nombre de personnes détenues par l'ICE a été particulièrement forte en Floride, suite aux politiques fédérales et étatiques qui ont élargi le champ d'application des mesures de contrôle de l'immigration. Dans le centre Krome, le nombre de migrants détenus a plus que triplé au cours des trois premiers mois de 2025, atteignant un niveau près de trois fois sa capacité opérationnelle. Le centre FDC, conçu à l’origine comme prison fédérale, a commencé à être utilisé pour détenir des centaines de migrants en février.

Centres de rétention pour migrants en FloridePopulation quotidienne moyenne Click to expand Image Le nombre moyen de personnes détenues quotidiennement dans les centres de rétention pour migrants en Floride est passé d'environ 1 480 en mars 2024 à environ 3 280 en mars 2025. © 2025 Human Rights Watch

« L'escalade des mesures contre l’immigration et les tactiques répressives de l'administration Trump terrorisent des communautés et déchirent des familles ; ceci est particulièrement cruel en Floride, dont la prospérité repose pourtant sur ses communautés immigrées », a déclaré Katie Blankenship, avocate spécialisée en droit de l'immigration et cofondatrice de Southern Sanctuary. « L'approche rapide, chaotique et cruelle utilisée pour arrêter et détenir des personnes a des conséquences mortelles, et provoque une crise des droits humains qui affectera cet État et le pays tout entier pendant des années. »

Les chercheur-euse-s ont constaté que les détenus de Krome étaient régulièrement enfermés dans des cellules glaciales, surpeuplées et sans literie, qu’ils étaient privés d'accès à des mesures hygiéniques et que lors de leur transport, ils étaient menottés de manière prolongée et injustifiée. Les personnes détenues dans les trois centres n'ont pas pu bénéficier des soins médicaux nécessaires, notamment pour des maladies chroniques comme le diabète, l'asthme et le VIH. Des femmes ont été détenues à Krome, un centre de rétention conçu pour des hommes, sans accès à des soins adaptés à leur genre ni à leur intimité. Au moins deux décès en détention – l'un à Krome et l'autre au BTC – pourraient être liés à une négligence médicale.

Un homme détenu au centre Krome a déclaré qu'on lui y avait refusé des soins médicaux pour une hernie étranglée, jusqu'à ce qu'il s'effondre de douleur. « Le médecin de l'hôpital m'a dit que si je n'étais pas venu à ce moment-là, mes intestins se seraient probablement rompus », a-t-il affirmé. « J'ai dû me jeter par terre pour obtenir de l'aide. »

Cet homme a aussi déclaré avoir vu d’autre détenus de Krome ligotés et frappés, après une manifestation pacifique et leur refus de de monter dans un bus qui devait les transférer vers un autre centre : « Ils leur ont sauté dessus, les ont ligotés et les traînés [vers le bus]. »

Une détenue a déclaré avoir été punie pour avoir sollicité un soutien psychologique : « Si vous demandez de l'aide, ils vous détiennent [à l'isolement]. Si vous pleurez, ils peuvent vous placer [à l'isolement] pendant deux semaines. Alors les gens préfèrent ne rien dire. »

Cette détenue a aussi déclaré avoir été témoin de la mort de Marie Ange Blaise, une Haïtienne âgée de 44 ans, après que le personnel a tardé à appeler les secours. « Nous avons commencé à crier à l'aide, mais les gardiens nous ont ignorés », a-t-elle expliqué. « Lorsque les secours sont arrivés, elle ne bougeait plus. »

Au cours d'un incident particulièrement dégradant, des détenus du centre FDC ont été contraints de manger alors que leurs mains étaient menottées derrière le dos. « Nous devions nous pencher et manger la nourriture placée sur des chaises, rien qu’avec la bouche, comme des chiens », a déclaré Harpinder Chauhan, un entrepreneur britannique arrêté par l'ICE lors d'un rendez-vous avec les services d'immigration. Chauhan, qui souffre de diabète et de maladies cardiaques, a déclaré s'être vu refuser de l'insuline à plusieurs reprises pendant sa détention dans chacun des trois centres (Krome, FDC et BTC) ; au centre BTC, il a fini par s’effondrer après presque une semaine, et a alors été hospitalisé.

Les chercheur-euse-s ont recueilli des témoignages sur le problème de surpeuplement dans les centres ; des personnes y ont été détenues pendant plusieurs jours pendant que leurs dossiers étaient traités, assis et dormant sur des sols en béton lors de températures parfois glaciales, dans des pièces conçues pour accueillir beaucoup moins de personnes pendant des périodes beaucoup plus courtes. Un homme a décrit avoir dormi à côté des toilettes, dans une pièce tellement surpeuplée que les gens devaient s'enjamber pour se déplacer. Un autre homme a affirmé qu’il s’est vu refuser l'accès à l'eau et au savon pendant 20 jours consécutifs. Au centre Krome, certaines cellules étaient occupées par plus du double du nombre de personnes correspondant à leur capacité prévue.

Des femmes détenues au centre Krome pendant que leurs demandes d’asile étaient traitées ont déclaré avoir été confinées dans des pièces dont les toilettes exposées étaient visibles pour les hommes détenus dans des cellules adjacentes. « Si des hommes se mettaient debout sur des chaises, ils pouvaient avoir une vue directe sur notre pièce et sur les toilettes », a déclaré une femme argentine. « Nous avons supplié [les gardiens] de nous autoriser à prendre une douche, mais ils ont dit que c'était impossible car c'était un centre conçu [en principe] pour des hommes. »

Ces conditions bafouent le droit international, et semblent également enfreindre certaines normes essentielles du gouvernement fédéral américain. Les normes de détention de l'agence ICE exigent un traitement humain, l'accès aux soins médicaux et la protection contre les abus. Les chercheur-euse-s ont toutefois constaté que l'ICE et ses prestataires ne respectent pas ces obligations.

« Des mères, des pères, des frères et des sœurs, des enfants et des amis proches de citoyens américains sont arrachés à leurs foyers et à leurs communautés, et disparaissent dans un système de détention profondément préjudiciable et déshumanisant », a déclaré Denise Noonan Slavin, conseillère senior du directeur exécutif d'Americans for Immigrant Justice. « Permettre que ces injustices perdurent est à la fois dégradant et profondément contraire aux valeurs fondamentales que les États-Unis sont censés défendre. »

Le gouvernement américain devrait mettre fin à son recours à la détention de migrants en tant que conséquence automatique de la quasi-totalité des arrestations effectuées lors de la vague d’opérations des agents de l'ICE, et privilégier plutôt des alternatives communautaires à la détention, ont déclaré les trois organisations. L'ICE devrait immédiatement mettre fin aux conditions de détention abusives, garantir aux migrants l'accès aux soins médicaux et de santé mentale, et permettre un contrôle indépendant des centres de rétention.

« Le gouvernement américain détient de nombreuses personnes qui ne représentent aucune menace pour la sécurité publique, dans des conditions qui portent atteinte aux droits humains fondamentaux et à la dignité humaine », a conclu Belkis Wille. « Les États-Unis ont la responsabilité de traiter toutes les personnes détenues avec dignité et humanité. »

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Articles

Le Figaro  L'Express/AFP  RFI

Le Devoir  20Minutes.ch

18.07.2025 à 17:26

Angola : La police a recouru à une force excessive contre des manifestants pacifiques

Human Rights Watch
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Click to expand Image Des membres de la Force d'intervention rapide d'Angola bloquaient une route à Luanda, face à des manifestants qui protestaient contre la hausse des prix du carburant et des coûts de transport, le 12 juillet 2025. © 2025 Julio Pacheco Ntela/AFP via Getty Images

(Johannesburg) – La police angolaise a fait un usage excessif de la force et procédé à des arrestations arbitraires lors de la dispersion de manifestants pacifiques à Luanda, la capitale, le 12 juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc de manière injustifiée et a agressé des manifestants, blessant plusieurs personnes. Les policiers ont également arrêté 17 manifestants, dont certains n'ont été libérés qu'après une intervention judiciaire.

Le gouvernement devrait enquêter rapidement et impartialement sur le recours à la force et sur les arrestations, et sanctionner ou poursuivre les responsables, quel que soit leur rang.

« Les Angolais devraient pouvoir manifester pacifiquement contre des politiques gouvernementales sans subir un recours excessif à la force ni d'autres violations de leurs droits fondamentaux », a déclaré Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait ouvrir une enquête impartiale sur ces abus et demander des comptes aux responsables. »

Des centaines de personnes ont participé à la manifestation, qui a débuté dans le quartier de São Paulo à Luanda et devait se terminer au Largo 1º de Maio, une place d’une grande importance symbolique dans le centre-ville. Des mouvements de jeunesse et des organisations de la société civile avaient appelé à manifester, suite à la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant et de supprimer les subventions aux transports publics, sans aucune consultation publique préalable.

« La manifestation… était un moyen légitime d'exprimer notre mécontentement face à la décision du gouvernement angolais de mettre en œuvre des politiques antisociales », a déclaré Simão Afonso, un avocat qui a contribué à obtenir l'autorisation de la manifestation, et a ensuite fourni une assistance juridique aux détenus. « La réaction répressive de la police nationale est profondément regrettable. … L'État ne remplit pas ses obligations légales à l’égard des garanties fondamentales des droits et des libertés des citoyens. »

Le 12 juillet, le porte-parole du commandement général de la police angolaise a affirmé dans une déclaration aux médias que l'intervention de la police lors de la marche « visait à maintenir l'ordre et la tranquillité publics, les manifestants n'ayant pas suivi le parcours [autorisé] ».

Cependant, Aidilson Manuel, activiste et porte-parole de la manifestation, a déclaré que l'organisation de cet événement était conforme aux exigences gouvernementales : « Le 10 juillet, nous avons adressé une lettre au gouvernement provincial de Luanda pour l'informer de la manifestation. Nous avons également transmis la même lettre au commandement de la police provinciale, qui nous a contactés pour discuter du trajet. La police a suggéré un itinéraire différent de celui que nous avions proposé. L'approbation officielle est arrivée le 11 juillet vers 16 heures, c’était une réponse favorable. »

Malgré l'autorisation officielle, la police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes et à coups de matraques dès que le groupe s'est approché du Largo 1º de Maio. « Sans aucun avertissement préalable, la répression a commencé brutalement », a déclaré Aidilson Manuel.

Aidilson Manuel a ajouté que quatre personnes avaient été grièvement blessées : « Une personne a été touchée directement au visage par une grenade lacrymogène, provoquant une profonde coupure nécessitant une intervention chirurgicale. Une autre a subi une grave blessure à la bouche et a dû être soignée d'urgence. Deux autres manifestants ont subi des fractures et des blessures graves après avoir été agressés par des policiers. »

Le porte-parole de la police a déclaré que deux personnes avaient été blessées lors de la manifestation. Cependant, les médias ont signalé qu'au moins neuf personnes avaient été blessées.

L'Angola est un État partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; en vertu de ces instruments juridiques, le gouvernement a l’obligation de respecter et de protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d'expression.

Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, ainsi que les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des rassemblements en Afrique, prévoient un recours à la force uniquement en cas de stricte nécessité. Lorsqu'ils recourent à la force, les responsables de l'application des lois doivent faire preuve de retenue et agir proportionnellement à la gravité de l'infraction, et à l'objectif légitime visé.

En 2020, les Nations Unies ont publié des Lignes directrices portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois ; selon ce texte, les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir des violences physiques, et ne doivent pas être employés pour disperser des manifestations non violentes.

Human Rights Watch a précédemment documenté des cas où les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, et ont procédé à des arrestations arbitraires. Les appels lancés par Human Rights Watch et d'autres organisations en faveur de réformes significatives et concrètes des méthodes employées par les forces de sécurité ont abouti à certaines mesures visant un meilleur respect des normes internationales en matière de droits humains. Toutefois, le recours persistant à une force policière excessive lors de manifestations montre que les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, a déclaré Human Rights Watch.

« Le recours excessif à la force par la police contre des manifestants pacifiques s'inscrit dans le cadre plus large des problèmes liés aux forces de sécurité en Angola », a observé Ashwanee Budoo-Scholtz. « Le gouvernement devrait adopter et appliquer des réformes globales portant sur le comportement des forces de sécurité, afin de garantir que les policiers respectent la loi et soient tenus responsables lorsqu'ils violent les droits des manifestants. »

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15.07.2025 à 01:00

Thaïlande : Les autorités maltraitent et exploitent des ressortissants du Myanmar

Human Rights Watch
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Click to expand Image Un travailleur migrant originaire du Myanmar était assis dans l’appartement où il réside, dans la province de Samut Sakhon, en Thaïlande, le 26 janvier 2025.  © 2025 Lillian Suwanrumpha/AFP via Getty Images

 

Les autorités thaïlandaises menacent, extorquent et détiennent des ressortissants du Myanmar qui ont fui la junte militaire pour trouver refuge en Thaïlande.La seule façon pour la plupart de ces personnes d’obtenir un statut légal est de devenir des travailleurs migrants, mais ce statut est exclu d’une récente mesure du gouvernement thaïlandais visant à fournir une protection à certains réfugiés.Le gouvernement thaïlandais devrait instaurer un régime de protection temporaire pour les ressortissants du Myanmar.

(Bangkok, 15 juillet 2025) – Les autorités thaïlandaises menacent, extorquent et détiennent des ressortissants du Myanmar qui ont fui la junte militaire pour trouver refuge en Thaïlande, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

14 juillet 2025 “I’ll Never Feel Secure”

Le rapport de 48 pages, intitulé « “I’ll Never Feel Secure”: Undocumented and Exploited Myanmar Nationals in Thailand » (« “Je ne me sentirai jamais en sécurité” : Des ressortissants du Myanmar sans papiers et exploités en Thaïlande »), examine la manière dont la police thaïlandaise arrête et interroge fréquemment des ressortissants du Myanmar et les extorque en les menaçant d’arrestation et de détention s’ils ne paient pas de pots-de-vin. Human Rights Watch a constaté que cette pratique était répandue dans la ville de Mae Sot, près de la frontière avec le Myanmar, où les autorités qui profitent de cette corruption qualifient les ressortissants birmans de « distributeurs automatiques ambulants de billets ». Vivant sous la menace constante d'une expulsion qui pourrait les mettre en danger, les ressortissants du Myanmar limitent leurs déplacements pour rester hors de vue de la police et des autres autorités qui cherchent à les exploiter.

« Après avoir fui le conflit, la persécution et les privations, les ressortissants du Myanmar ont besoin de protection en Thaïlande », a déclaré Nadia Hardman, chercheuse auprès de la division Droits des réfugiés et migrants à Human Rights Watch. « Au lieu de cela, la Thaïlande leur refuse un statut juridique sûr, et ses autorités profitent de cette vulnérabilité pour les exploiter et les extorquer. »

Depuis le coup d'État militaire au Myanmar en février 2021, la junte a commis des exactions généralisées dans tout le pays, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Un grand nombre de personnes ont fui la violence, la persécution, l'effondrement de l'économie et le blocage de l'aide humanitaire pour se rendre dans les pays voisins. Plus de quatre millions de personnes originaires du Myanmar vivent actuellement en Thaïlande, dont près de la moitié sont sans papiers.

En février 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de 30 ressortissants du Myanmar vivant en Thaïlande. Bon nombre d'entre eux sont des réfugiés au sens du droit international, même s'ils n'ont pas été reconnus comme tels, et que les voies d'accès à un statut reconnu en Thaïlande sont limitées. Ces ressortissants du Myanmar sans papiers sont contraints de chercher la sécurité et des moyens de subsistance en Thaïlande afin d'éviter d'être renvoyés vers la répression, le conflit et les crises humanitaires au Myanmar.

Les personnes interrogées ont déclaré que les pratiques des autorités thaïlandaises les effrayaient et les intimidaient, leur donnant le sentiment d'être marginalisées et exploitées en Thaïlande. Les forces de sécurité thaïlandaises se livrent à des pratiques de racket par le biais d'un système d'extorsion semi-officiel consistant à « vendre » des « cartes de police » non officielles à des ressortissants du Myanmar cherchant à obtenir des papiers ou simplement à éviter une arrestation. La seule option pour les personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas acheter ces cartes est l'assignation à résidence volontaire.

Un journaliste birman de 30 ans, réfugié à Mae Sot, a déclaré : « La principale menace [à Mae Sot], c'est la police. J'avais peur d'eux… J'ai été arrêté [par la police] six fois : trois fois, j'ai payé les policiers et ils m'ont laissé partir. »

Même les personnes qui paient pour des « cartes de police » ne sont pas totalement protégées contre l'expulsion. Les expulsions massives de ressortissants du Myanmar, notamment d'enfants, se poursuivent dans tout le pays, sans tenir compte des risques qu'ils pourraient encourir à leur retour au Myanmar. Une femme a déclaré que malgré le versement d'un pot-de-vin pour elle-même et sa nièce de 12 ans, les autorités d'immigration thaïlandaises les ont arrêtées toutes les deux, les ont retenues dans un centre de détention pendant neuf jours, puis les ont expulsées vers le Myanmar.

La plupart des ressortissants du Myanmar auprès de qui Human Rights Watch a mené des entretiens étaient en train de demander ou de renouveler une carte de travailleur migrant, communément appelée « carte rose ». Il s'agit du principal document dont disposent les ressortissants du Myanmar en Thaïlande pour obtenir un statut légal. Cette procédure nécessite le parrainage du travailleur migrant par un employeur.

La Thaïlande n’est pas un État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés ni à son Protocole de 1967. Le pays ne dispose pas de loi sur les réfugiés ni de procédures d’asile formalisées applicables à toutes les nationalités. Au lieu de cela, en 2023, le gouvernement a introduit un nouveau Mécanisme national de filtrage (« National Screening Mechanism », NSM) en vertu duquel certaines personnes, qui ne peuvent ou ne veulent pas retourner dans leur pays d’origine en raison de craintes de persécution, peuvent demander une protection.

Bien que présenté comme une avancée vers une meilleure protection internationale, le Mécanisme national de filtrage et ses règlements d'application excluent largement certaines nationalités de l'accès, notamment les travailleurs migrants originaires du Myanmar, du Cambodge et du Laos.

Des ressortissants du Myanmar ont déclaré que, qu'il s'agisse de renouveler leurs documents de travailleur migrant grâce à une « fenêtre de régularisation » – une période spécifique pendant laquelle le gouvernement thaïlandais autorise les travailleurs migrants sans papiers à régulariser leur statut juridique – ou de déposer une première demande, ils faisaient appel à un intermédiaire pour gérer la procédure et payaient des frais, souvent exorbitants, pour obtenir les documents nécessaires et gérer cette procédure complexe. Dans tous les cas examinés par Human Rights Watch, l’employeur indiqué sur leur « carte rose » de travailleur migrant n’était pas leur véritable employeur, mais un employeur fictif.

Bien qu’une carte rose offre une certaine protection contre l’arrestation, la détention et l’expulsion, elle ne constitue pas un document précis ou approprié pour les personnes qui sont très probablement des réfugiés, malgré l’absence d’un système permettant de reconnaître ce statut.

Le gouvernement thaïlandais devrait adopter une législation établissant des critères ainsi que des procédures de reconnaissance du statut de réfugié et d'octroi de l'asile conformes aux normes juridiques internationales, selon Human Rights Watch. Le statut de réfugié devrait être ouvert à toutes les nationalités selon les mêmes critères, conformément à la définition internationale du réfugié, notamment des formes complémentaires de protection pour les personnes fuyant les conflits, et les réfugiés devraient être autorisés à travailler.

Dans l’intervalle, la Thaïlande devrait mettre en place un cadre de protection temporaire pour les ressortissants du Myanmar, reconnaissant les besoins immédiats de milliers de personnes qui ont fui les persécutions ou les conflits du pays. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne devrait pas y avoir de retours forcés au Myanmar : « Les personnes fuyant le Myanmar doivent être autorisées à accéder au territoire pour demander l’asile et être protégées contre le refoulement. »

« Les autorités thaïlandaises devraient prendre des mesures conformes aux normes internationales pour assurer une protection efficace aux personnes fuyant le Myanmar », a conclu Nadia Hardman. « Le gouvernement thaïlandais devrait mettre fin à l'exploitation et aux souffrances de plusieurs millions de ressortissants du Myanmar sans papiers. »

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