09.04.2025 à 22:13
Human Rights Watch
(Beyrouth, 9 avril 2025) – Les autorités iraniennes s’apprêtent à exécuter des sentences d’amputation de doigts, dès le 11 avril, à l’encontre de trois hommes emprisonnés pour vol après des procès manifestement iniques, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Tous les États membres des Nations Unies devraient demander d’urgence à l’Iran de respecter ses obligations en matière de droits humains, et de révoquer immédiatement ces peines.
Une source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que le 13 mars, le bureau chargé de l’exécution des peines dans la prison centrale d’Oroumieh dans la province iranienne d’Azerbaïdjan-Occidental a convoqué les trois prisonniers. Les trois hommes – Hadi Rostami (38 ans), Mehdi Sharifian (42 ans) et Mehdi Shahivand (29 ans) – ont chacun reçu une lettre du bureau du procureur les informant que leurs peines seraient exécutées dès le 11 avril.
« L’amputation est une forme de torture, tout simplement. Pourtant, l’Iran persiste à infliger des peines cruelles et inhumaines qui vont à l’encontre de ses obligations en matière de droits humains », a déclaré Bahar Saba, chercheuse senior sur l’Iran à Human Rights Watch. « Tous les individus responsables d’ordonner et d’exécuter des actes de torture, comme une amputation, y compris les professionnels de la santé qui y participent, seraient passibles de poursuites pénales en vertu du droit international. »
Les autorités ont prévu que chacun des trois prisonniers subisse une amputation de quatre doigts. Ceci fait suite à l’horrible amputation des doigts de deux frères, Mehrdad Teimouri et Shahab Teimouri, également dans la prison centrale d’Oroumieh, en octobre 2024. Au moins deux autres détenus de la même prison risquent de subir de telles amputations. En vertu des lois iraniennes, les amputations sont en principe effectuées sans anesthésie.
Les autorités iraniennes ont arrêté les trois hommes en août 2017, et les ont accusés d’avoir fait irruption dans plusieurs maisons et volé des coffres-forts. En novembre 2019, à la suite d’un procès d'une iniquité flagrante, la Section 1 du Tribunal pénal de la province d’Azerbaïdjan-Occidental a reconnu les hommes coupables de vol. La cour a condamné les trois à l’amputation de quatre doigts de leur main droite d’une manière telle qu’il ne reste « que la paume et le pouce ».
Les éléments de preuve suggèrent fortement que le procès était entaché d’une iniquité flagrante. Selon les éléments du dossier examinés par Human Rights Watch et des sources bien informées, les hommes n’ont pas eu accès à des avocats pendant la phase d’enquête et n’ont vu un avocat que deux fois : une fois lorsqu’ils ont signé les documents concernant leur détention, et une fois lors d’une audience au tribunal. Les hommes ont également déclaré que les autorités les avaient torturés et maltraités lorsqu’ils étaient détenus par l’unité d’enquête de la police (« Agahi ») à Oroumieh. Les sources indiquent que les autorités ont forcé les hommes à faire des déclarations en guise d’aveux en les battant, en les fouettant et en les suspendant par les mains et les poignets. Les trois hommes ont par la suite rétracté leurs aveux, mais le tribunal s’est fondé sur les déclarations auto-incriminantes faites sous la torture, pour les condamner.
Hadi Rostami a déposé des plaintes pour torture à plusieurs reprises auprès de hauts responsables judiciaires. Human Rights Watch a examiné deux lettres qu’il a écrites, adressées en septembre 2020 et décembre 2022 respectivement aux chefs de la magistrature iranienne et du département de la justice dans la province d’Azerbaïdjan-Occidental.
Hadi Rostami a déclaré dans ses lettres qu’il avait d’abord réfuté les accusations, mais que des policiers l’ont torturé et lui ont infligé d’autres mauvais traitements dont des passages à tabac. Il a ajouté qu’ils l’ont ensuite forcé à signer une feuille blanche qui a par la suite contenu des déclarations incriminantes, qui lui ont été attribuées lorsqu’il a été présenté aux fonctionnaires du ministère public.
Les autorités ont rejeté toutes ces plaintes et n’ont pas mené d’enquêtes promptes, indépendantes, transparentes et approfondies comme l’exige le droit international. La Cour suprême iranienne, dans un verdict examiné par Human Rights Watch, a reconnu que Rostami avait fait des allégations de torture et informé les autorités judiciaires que ses déclarations auto-incriminantes avaient été obtenues sous la torture ; la Cour a néanmoins confirmé les peines d’amputation, sans ordonner une enquête sur les allégations.
Selon Amnesty International, les autorités ont également soumis Hadi Rostami à des tortures en février 2021 en lui infligeant une peine de 60 coups de fouet pour avoir « perturbé l’ordre dans la prison », en entamant une grève de la faim.
Les trois hommes ont passé huit ans en prison, en devant écouter des menaces répétées selon lesquelles les autorités procéderaient aux amputations ; ces menaces constituent en soi une forme de torture ou d’autres mauvais traitements. Dans une lettre de novembre 2024, les hommes ont décrit l’angoisse mentale qu’ils avaient vécue, tout comme leurs familles, comme un « cauchemar horrible qui pourrait devenir réalité à tout moment ». Dans une lettre publiée en mars 2025 par le Réseau des droits humains du Kurdistan (Kurdistan Human Rights Network), Hadi Rostami a de nouveau lancé un appel à la communauté internationale et aux organisations de défense des droits humains pour qu’elles prennent des mesures urgentes afin de mettre fin à ces châtiments inhumains et cruels.
Au moins deux autres détenus de la prison centrale d’Urmia, Kasra Karami et Morteza Esmaeilian, ont été condamnés a des peines d’amputation des doigts.
L’Iran reste parmi la poignée de pays qui maintiennent, imposent et appliquent des peines corporelles. En vertu du droit international, les châtiments cruels et inhumains tels que la flagellation et l’amputation sont strictement interdits. Tous les États parties à la Convention contre la torture sont tenus de poursuivre ou d’extrader toute personne soupçonnée de torture sur leur territoire, a déclaré Human Rights Watch.
La législation iranienne régissant l’exécution des peines de mort et des châtiments corporels exige la présence de professionnels de la santé sur le lieu où les amputations sont effectuées. Les amputations, en vertu de la loi, sont effectuées sans anesthésie, sauf s’il est estimé que leur mise en œuvre sans anesthésie locale ou générale entraînerait des lésions excessives par rapport à ce qui a été ordonné par le juge.
En vertu des codes d’éthique pour les professionnels de la santé, y compris la Déclaration de Tokyo de l’Association médicale mondiale, publiée en 1975, il est interdit aux médecins et autres praticiens médicaux d’approuver, de tolérer ou de participer à la torture et à d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Un médecin « ne devra jamais fournir les locaux, instruments, substances, ou faire état de ses connaissances pour faciliter l’emploi de la torture ou autre procédé cruel, inhumain ou dégradant » ni être présent lors de tels actes. Tout comme des fonctionnaires impliqués dans des actes de torture, les médecins qui participent à ces actes peuvent être tenus pénalement responsables.
Tous les États membres de l’ONU devraient condamner fermement les peines d’amputation et autres formes de châtiments corporels et prendre des mesures pour les empêcher, a déclaré Human Rights Watch. Les pays qui reconnaissent le principe de compétence universelle devraient enquêter sur toute personne soupçonnée d’avoir commis des actes de torture, y compris ceux qui sont autorisés par le système judiciaire iranien, comme les amputations et les flagellations, et engager des poursuites pénales contre ces personnes.
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09.04.2025 à 21:58
Human Rights Watch
(Bangkok) – Les autorités thaïlandaises devraient immédiatement libérer Paul Chambers, éminent spécialiste des études thaïlandaises, et abandonner les accusations infondées portées contre lui, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 8 avril, Paul Chambers a été arrêté par la police de la province de Phitsanulok, en vertu d'un mandat d'arrêt daté du 31 mars et basé sur des accusations de lèse-majesté (insulte envers la monarchie) et de cybercriminalité. Le tribunal provincial de Phitsanulok a rejeté sa demande de libération sous caution, invoquant le risque accru de fuite, en raison de sa citoyenneté américaine et le fait que les infractions présumées sont passibles de lourdes peines. Chambers est actuellement en détention provisoire à la prison provinciale de Phitsanulok.
« Les autorités thaïlandaises utilisent depuis longtemps la loi sur le crime de lèse-majesté de manière abusive contre les citoyens thaïlandais, mais semblent désormais prêtes à violer aussi les droits des étrangers », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les poursuites infondées contre Paul Chambers constituent une grave menace pour la liberté académique et la liberté d'expression en Thaïlande. »
Paul Chambers est réputé pour ses recherches sur les relations entre les autorités civiles et militaires en Thaïlande et au-delà, en Asie du Sud-Est. Il enseigne au Centre d'études communautaires de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) à l'Université Naresuan, dans la province de Phitsanulok.
Les poursuites contre Paul Chambers font suite à une plainte déposée par l'armée thaïlandaise, l'accusant d'être responsable d'un texte publicitaire annonçant un webinaire universitaire sur les forces de sécurité thaïlandaises en octobre 2024 ; l'armée accusait ce texte de critiquer la monarchie. Chambers était l'intervenant lors de ce webinaire, organisé par l'Institut d'études de l'Asie du Sud-Est de Singapour. Il est également accusé d'avoir porté atteinte à la sécurité nationale en diffusant des informations déformées ou fausses en ligne.
Paul Chambers a nié toutes les accusations, affirmant n'avoir ni rédigé ni publié ce texte.
Des groupes royalistes et ultraconservateurs ciblent Paul Chambers depuis de nombreuses années, notamment en diffusant des campagnes de désinformation et de haine en ligne, et en faisant pression sur les autorités thaïlandaises pour qu'elles révoquent son visa et le fassent expulser de l'université.
L'article 112 du Code pénal thaïlandais, relatif au crime de lèse-majesté, prévoit une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison. L'article 14 de la Loi sur la cybercriminalité de 2007 (Computer Crime Act) prévoit une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison.
Le nombre d’affaires relative au crime de lèse-majesté en Thaïlande est en forte augmentation. Ces dernières années, les autorités thaïlandaises ont poursuivi au moins 272 personnes accusées du crime de lèse-majesté. Les personnes arrêtées, dont beaucoup pour avoir écrit ou republié des informations sur les réseaux sociaux, ont souvent été maintenues en détention prolongée sans possibilité de libération sous caution. En mai 2024, l’activiste antimonarchique Netiporn Sanesangkhom, 28 ans, est décédé des suites d'un arrêt cardiaque, alors qu’il était en détention provisoire après avoir été accusé du crime de lèse-majesté.
Le recours accru à la loi sur le crime de lèse-majesté a rendu plus difficile pour la police, les procureurs, les juges et les autres autorités de remettre en question le bien-fondé des allégations de lèse-majesté, de crainte d'être eux-mêmes accusés de déloyauté envers la monarchie, a déclaré Human Rights Watch.
À ce jour, la Première ministre Paetongtarn Shinawatra n'a pas encore concrétisé sa promesse, faite lors de sa campagne électorale de 2023, d’engager un débat parlementaire sur des mesures visant à empêcher l'utilisation des accusations du crime de lèse-majesté comme outil politique, et à libérer sous caution les activistes et dissidents pro-démocratie détenus dans ce contexte.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par la Thaïlande, protège le droit à la liberté d'expression. L'Observation générale n° 34 du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, l'organe international d'experts chargé de surveiller le respect de ce pacte, indique que les lois telles que celles relatives au « crime de lèse-majesté », parmi d’autres, « ne [doivent] pas prévoir des peines plus sévères uniquement en raison de l’identité de la personne qui peut avoir été visée » et que les gouvernements « ne devraient pas interdire la critique des institutions ». En outre, « [les] États parties ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions … »
En octobre 2011, Frank La Rue, alors Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d'expression, a déclaré : « La menace d'une longue peine de prison et le caractère vague de l'expression de propos diffamants, d'insultes ou de menaces contre la monarchie, encouragent l'autocensure et étouffent d'importants débats d'intérêts public, mettant en danger la liberté d'expression et d'opinion. »
« Les gouvernements préoccupés et les agences des Nations Unies devraient faire comprendre aux autorités thaïlandaises que poursuivre des universitaires s'exprimant sur des sujets d'actualité aurait un impact extrêmement négatif sur la réputation de la Thaïlande », a conclu Elaine Pearson. « En tant que nouveau membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le gouvernement thaïlandais devrait prendre des mesures concrètes pour promouvoir les droits humains plutôt que de les compromettre. »
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08.04.2025 à 15:36
Human Rights Watch
Mise à jour : La liste des signataires a été actualisée le mardi 8 avril.
(Bruxelles) – L’Union européenne devrait défendre la Cour pénale internationale, dont le mandat et la mission sont gravement attaqués ont déclaré 58 organisations non gouvernementales. Ces attaques pourraient compromettre la justice pour les victimes des crimes internationaux les plus graves dans le monde entier, rendant d’autant plus urgente une réaction de l'UE pour défendre l'ordre international.
La CPI est la pierre angulaire d'un système plus large de justice, agissant comme un tribunal de dernier recours lorsque les voies de recours nationales sont bloquées. La récente arrestation de l'ancien président philippin Rodrigo Duterte et son transfert devant la CPI pour répondre d'accusations de crimes contre l'humanité réaffirment la pertinence de la Cour et soulignent son importance pour garantir que les crimes les plus graves ne restent pas impunis.
L'UE et ses États membres sont depuis longtemps de fervents défenseurs de la CPI et ont pris des engagements juridiquement contraignants pour promouvoir l'universalité et l'intégrité du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour. L'UE s'est engagée à soutenir l'indépendance de la CPI et à coopérer avec la Cour ainsi qu’à assurer la mise en œuvre du principe de complémentarité, qui garantit que la CPI n'agit que lorsque les autorités nationales n'enquêtent pas véritablement sur les crimes internationaux et ne les poursuivent pas. Ce soutien ferme a été essentiel au fonctionnement de la CPI depuis sa création il y a plus de 20 ans.
Le président américain, Donald Trump, a publié un décret le 6 février 2025, autorisant le recours au gel des avoirs et aux interdictions d'entrée sur le territoire à l'encontre des fonctionnaires de la CPI et d'autres personnes soutenant son travail. Ces sanctions américaines sont un affront aux victimes et à leurs familles. Les procureurs, les juges et les autres personnes qui s’efforcent de rendre une justice indépendante et impartiale pour les crimes internationaux les plus graves ne devraient jamais être soumis à des sanctions.
Les États-Unis ont imposé des sanctions au procureur de la CPI, Karim Khan, via l'ordonnance du 6 février et pourraient imposer d'autres sanctions dans le but de saper les enquêtes de la CPI auxquelles ils s'opposent. Les sanctions financières américaines ont des effets graves qui vont bien au-delà des personnes visées et pourraient empêcher la Cour d’accéder aux services indispensables à l’exercice de ses fonctions. L'ordonnance semble conçue non seulement pour intimider les fonctionnaires et le personnel de la Cour qui participent à ses enquêtes cruciales, mais aussi pour avoir un effet dissuasif sur la coopération plus large avec la CPI, y compris par les organisations de la société civile qui soutiennent les victimes.
Si la plupart des États membres de l'UE ont condamné les sanctions américaines dans des déclarations nationales et conjointes, l'UE n’a elle-même pas encore exprimé son opposition dans une déclaration officielle, ce qui contraste fortement avec ses positions claires après l'imposition de sanctions similaires par la première administration Trump en 2020. L'expression d'un soutien au mandat de la CPI est la bienvenue, mais l'UE devrait également dénoncer clairement les sanctions américaines contre la Cour, signaler qu'elles ne resteront pas sans conséquences et appeler les États-Unis à annuler le décret.
L'UE devrait, sans plus tarder, recourir à la loi de blocage (Blocking Statute) pour contrer les sanctions américaines. Cet instrument vise à protéger les opérateurs européens des effets des sanctions extraterritoriales ; il pourrait contribuer à garantir que le travail de la Cour puisse se poursuivre sans être affecté. La Commission européenne, le Service européen pour l'action extérieure et les États membres de l'UE devraient également élaborer d'autres mesures pour atténuer l'impact des sanctions sur la CPI. La Cour, le Parlement européen, un certain nombre d'États membres de l'UE et des organisations de la société civile ont déjà demandé à la Commission européenne d'activer la loi de blocage.
Cela ne représente qu'une partie des nombreuses menaces qui pèsent sur la CPI, ainsi que sur les défenseurs des droits humains qui plaident pour la justice devant la Cour. Les fonctionnaires de la CPI font l'objet de mandats d'arrêt émis par la Fédération de Russie en représailles à la décision de la Cour d'émettre un mandat d'arrêt à l'encontre du président Vladimir Poutine pour des crimes de guerre présumés en Ukraine. Une législation criminalisant la coopération avec la Cour a déjà été adoptée en Russie et est en cours d'examen par les autorités israéliennes. En outre, la Cour doit encore faire face aux conséquences d'une cyberattaque sophistiquée qui a eu lieu en 2023 et il y a des allégations selon lesquelles Israël a mené une campagne d'espionnage de neuf ans à l'encontre de la Cour.
Pour surmonter ces menaces à la justice, les États membres de l'UE doivent également montrer qu'ils sont déterminés à respecter leurs propres obligations en vertu du Statut de Rome, ont déclaré les organisations signataires. En septembre, l'UE a condamné à juste titre la violation par la Mongolie de son obligation d'arrêter M. Poutine en tant que pays membre de la CPI.
Le 2 avril, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a entamé une visite en Hongrie à l'invitation du Premier ministre hongrois. Le gouvernement hongrois a annoncé le lendemain qu'il chercherait à entamer le processus législatif pour retirer le pays de la CPI. À la date du 4 avril, la Hongrie n'avait pas arrêté ni remis M. Netanyahu à la CPI, au mépris d'un mandat d'arrêt de la CPI à son encontre pour des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité présumés commis à Gaza et des obligations qui incombent à la CPI.
Malheureusement, des représentants des gouvernements de plusieurs autres États membres de l'Union européenne, dont la France, la Pologne, l'Italie, la Roumanie et l'Allemagne, ont récemment déclaré explicitement qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations ou ne se sont pas engagés à exécuter le mandat d'arrêt de la Cour. L'Italie a également renvoyé un fugitif de la CPI en Libye, faisant apparemment fi de son obligation de l'arrêter et de le remettre à la CPI.
Sans coopération et sans arrestations, il ne peut y avoir de justice devant la CPI. Les signaux ambivalents, voire négatifs, concernant la validité des décisions de la CPI portent atteinte à la législation, aux pratiques et à l'engagement de l'UE en faveur de la justice internationale et mettent en évidence une regrettable sélectivité, envoyant le message que l'État de droit est pour certains, mais pas pour tous. Les organisations ont appelé les acteurs de l'UE à prendre des mesures décisives pour réaffirmer leur engagement en faveur de l'État de droit international et de sa protection :
Les dirigeants de l'UE, notamment la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, la haute représentante, Mme Kallas, et le président du Conseil, M. Costa, devraient exhorter les gouvernements de l'UE à respecter la position de l'UE sur la CPI, notamment en ce qui concerne la coopération, l'universalité du Statut de Rome et la sauvegarde de l'indépendance de la Cour, et à respecter leurs obligations de protéger, de faire respecter et d'appliquer les décisions de la Cour.L'UE, en particulier par l'intermédiaire de la Haute Représentante Kallas, ainsi que le Conseil de l'UE devraient condamner publiquement les sanctions américaines contre la CPI, réaffirmer leur soutien indéfectible à la Cour et à son indépendance et exhorter les États-Unis à annuler le décret autorisant les sanctions.La Commission européenne devrait également faire rapidement usage de la loi de blocage de l'UE en y ajoutant le décret américain autorisant les sanctions liées à la CPI et élaborer toute mesure supplémentaire visant à protéger la Cour et à contrer l'effet dissuasif des sanctions sur les personnes qui coopèrent avec la Cour.Les États membres de l'UE devraient affirmer sans équivoque qu'ils s'acquitteront de toutes les obligations juridiques qui leur incombent en vertu du Statut de Rome, y compris l'exécution de tous les mandats d'arrêt de la CPI, dans toutes les situations portées devant la Cour. Les dirigeants de l'UE doivent rappeler avec fermeté aux États membres leurs obligations légales de coopérer avec la CPI, et agir pour prévenir et répondre à tout cas de non-coopération avec la CPI.Organisations signataires :
11.11.11
ACT Alliance EU
Adala For All
Advocates for the Future
Africa Legal Aid (AFLA)
Al Mezan Center for Human Rights
Al-Haq
Al-Haq Europe
Aman Against Discrimination - AAD
Amnesty International
Armanshahr|OPEN ASIA
Avocats Sans Frontières
Bir Duino Kyrgyzstan
Broederlijk Delen
B’Tselem
Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
CCFD-Terre Solidaire
Center for Constitutional Rights
CIDSE (Coopération internationale pour le développement et la solidarité)
Civil Rights Defenders
CNCD-11.11.11
Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI)
Committee on the Administration of Justice (CAJ)
Committee to Protect Journalists
Croatian Helsinki Committee
DIGNITY - Danish Institute Against Torture
Egyptian Initiative for Personal Rights (EIPR)
Entraide et Fraternité
EuroMed Rights
European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH)
Finnish League for Human Rights (FLHR)
Foundation Sunflowers
Fundación Chile Sin Ecocidio
Fundación Internacional Baltasar Garzón (FIBGAR)
Global Initiative Against Impunity for International Crimes and Serious Human Rights Violations
Global Legal Action Network
Human Rights House Foundation
Human Rights Watch
Human Rights Without Frontiers
Institute for Environmental Security
International Commission of Jurists
International Service for Human Rights (ISHR)
Lebanese Center for Human Rights (CLDH)
MEDEL (Magistrats Européens pour la Démocratie et les libertés)
Netherlands Helsinki Committee
No Peace Without Justice
Nürnberger Menschenrechtszentrum
Organisation mondiale contre la torture (OMCT)
Parliamentarians for Global Action
Pax Christi International
Physicians for Human Rights Israel
Platform for Peace and Humanity
Protection International
REDRESS
Reporters Sans Frontières (RSF)
Sadaka - the Ireland Palestine Alliance
SOLIDAR
Stichting Stop Ecocide NL
Stop Ecocide Foundation
Swedish Peace and Arbitration Society
Syndicat de la magistrature
Synergy for Justice Stichting
United Against Inhumanity (UAI)
United Nations Association of Sweden
Women’s Initiatives for Gender Justice
Young European Federalists - JEF Europe
08.04.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Damas, le 8 avril 2025) — Après plus d’une décennie de conflit, la Syrie est aujourd’hui fortement contaminée par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, ce qui constitue un obstacle majeur au retour en toute sécurité des civils et aux efforts de reconstruction, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Depuis le 8 décembre 2024, la contamination causée par les armes utilisées lors des 14 années de conflit a tué au moins 249 personnes dont 60 enfants, et a blessé 379 autres personnes selon l’INSO, une organisation internationale œuvrant à améliorer la sécurité du personnel humanitaire.
Le nombre mensuel de victimes enregistré par l’INSO à la suite de ces incidents a considérablement augmenté après le 8 décembre; des organisations internationales et des démineurs volontaires ont indiqué à Human Rights Watch que cette hausse semble être due à l’augmentation des déplacements de personnes qui rentrent chez elles. Le gouvernement de transition de la Syrie devrait agir d’urgence pour recenser les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Les stocks d’armes détenus par l’ancien gouvernement devraient être sécurisés et maintenus sous haute surveillance, afin d’éviter des décès ou blessures supplémentaires.
« Pour la première fois depuis plus d’une décennie, la Syrie a l’occasion d’aborder de façon systématique le problème de la contamination massive du pays par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, en procédant à des opérations de déminage », a déclaré Richard Weir, chercheur senior auprès de la division Crises, conflits et armes à Human Rights Watch. « Sans action urgente de déminage à l’échelle nationale, il y aura encore plus de blessés et de tués parmi les civils qui rentrent chez eux avec l'espoir de revendiquer leurs droits essentiels et de retrouver leur vie antérieure, leurs moyens de subsistance et leurs terres. »
En février 2025, lors d’une visite en Syrie, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 18 personnes, dont des victimes, des parents d’enfants blessés et des personnes issues de communautés par des mines terrestres non éliminées et des restes explosifs de guerre, dans des régions du nord, du centre et du sud du pays. Les chercheurs se sont également entretenus avec des représentants des Nations Unies, trois démineurs et des membres de neuf organisations internationales et locales chargées de recenser et d’éliminer les mines terrestres et des restes explosifs de guerre sur l’ensemble du territoire syrien.
La nuit du 27 janvier, Raneem Abulhakim Masalma a été réveillée par une forte explosion survenue à l’intérieur de sa maison. La veille, son fils de 16 ans, Bachar, avait ramené une arme trouvée dans une base militaire non sécurisée située à 100 mètres de là. L’explosion s’est produite vers minuit, alors que Bachar était en train de manipuler l’arme dans sa chambre. La mère et la nièce de 7 ans de Raneem ont été tuées ; Raneem et 11 autres membres de sa famille ont été blessés. Bachar a été blessé par fragment métallique aux deux jambes, et l’incendie causé par l’explosion a ravagé la plus grande partie de la maison. « J’ignorais totalement le danger », a déclaré Raneem.
Aucune des victimes et aucun des témoins interrogés, qui étaient nombreux, depuis le 8 décembre, à avoir eu des proches blessés ou tués par des munitions non explosées, ne savait comment signaler aux autorités la présence éventuelle de restes explosifs de guerre. Tous ont déclaré n’avoir reçu aucune information sur les dangers des munitions non explosées dans leur région, et ont estimé que ce manque d’information était l’une des principales raisons pour lesquelles leurs proches avaient été blessés ou tués.
Entre 2011 et décembre 2024, les forces gouvernementales syriennes, leurs alliés et les groupes armés d’opposition ont utilisé à grande échelle des mines antipersonnel, des armes à sous-munition et d’autres armes explosives, ce qui a causé la contamination de vastes étendues du pays, dont certaines ne sont devenues accessibles que depuis la chute du gouvernement de Bachar al-Assad, le 8 décembre 2024. Déjà avant sa fuite, ce jour-là, il arrivait fréquemment que des civils rentrant chez eux ou accédant à leurs terres agricoles soient blessés ou tués par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre.
Plusieurs facteurs, tels que le manque d’information structurée, de coordination et d’institutions et organes nationaux, ainsi que des obstacles réglementaires entravent la capacité à agir face à l’énorme ampleur de la contamination, ont déclaré des membres de la communauté de l’action contre les mines et des représentants des Nations Unies.
Fahad Walid Al-Ghajar, 35 ans, ingénieur et enseignant originaire d’Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie, s’est joint à une équipe de démineurs volontaires pour aider ses voisins à rentrer chez eux. Son frère a déclaré que le 21 février, Fahad était en train de participer au déminage de terres agricoles au sud-ouest d’Idlib lorsqu’une munition qu’il essayait de retirer a explosé, le tuant. Depuis lors, son épouse et ses quatre enfants n’ont reçu aucune aide.
Non seulement les mines et les restes explosifs de guerre causent la perte directe de vie ou des blessures graves pouvant entraîner un handicap ou des blessures irréversibles, mais ils engendrent également des traumatismes psychologiques, ainsi que d’autres répercussions préjudiciables qui portent atteinte aux droits humains fondamentaux. Parmi ces effets figurent la perte de biens, le déplacement de personnes, ainsi que la dégradation du niveau de vie et de l’accès au logement, aux soins de santé, à l’éducation et aux services de base tels que l’électricité. Les survivants ont souvent besoin d’une aide médicale de longue durée et des traitements spécialisés, ainsi que d’un soutien psychosocial et en matière de santé mentale.
Play VideoLe gouvernement de transition syrien et les donateurs internationaux devraient donner la priorité au recensement des mines terrestres et des restes explosifs de guerre, à leur élimination et aux actions de sensibilisation visant à informer les civils sur les risques, a déclaré Human Rights Watch. Le gouvernement de transition devrait instituer d’urgence une autorité et un centre nationaux d’action contre les mines dirigés par des civils, en collaborant étroitement avec le Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS). Le but serait de coordonner les efforts de lutte antimines existants dans tout le pays, d’élaborer des normes et de réviser les accords d’enregistrement actuellement applicables aux organisations humanitaires de lutte antimines afin de faciliter le travail vital qu’elles mènent. Le gouvernement de transition syrien et les donateurs devraient également s’assurer que les activités de déminage soient adéquatement financées, et que les victimes soient correctement indemnisées.
« Les restes explosifs de guerre doivent être éliminés pour que les gens puissent rentrer chez eux, vivre en toute sécurité dans leurs communautés et reprendre des activités essentielles en tant que moyens de subsistance, telles que l’agriculture », a conclu Richard Weir. « Le gouvernement de transition syrien devrait collaborer avec les donateurs et les organisations humanitaires pour faciliter cette action urgente et vitale. »
Human Rights Watch a cofondé la Campagne internationale pour l’interdiction des mines antipersonnel (International Campaign to Ban Landmines, ICBL), co-lauréate du prix Nobel de la paix en 1997, ainsi que la Coalition contre les armes à sous-munitions (Cluster Munition Coalition, CMC). Human Rights Watch contribue aux rapports annuels des deux organisations, au sujet de ces deux types d’armes.
Suite en anglais, comprenant des informations plus détaillées sur le problème des mines terrestres et des restes explosifs de guerre en Syrie.
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Articles
La Croix Libération
Mines antipersonnel :
France Inter (itw B. Jeannerod)
FranceTVInfo
07.04.2025 à 20:29
Human Rights Watch
Une vidéo a circulé sur les réseaux sociaux le 2 avril 2025 montrant trois journalistes burkinabè en uniforme militaire. Guezouma Sanogo, Boukari Ouoba et Luc Pagbelguem avaient été soumis à une disparition forcée pendant 10 jours, et leur réapparition a suscité des inquiétudes quant à leur enrôlement potentiellement illégal par la junte militaire du pays.
Human Rights Watch n'a pas été en mesure de vérifier la vidéo, mais des collègues des journalistes, des organisations non gouvernementales et des médias ont déclaré avoir reconnu les trois hommes. Dans la vidéo, ils sont interviewés près de ce qui semble être une base militaire. « Ce que vous faites est merveilleux », dit Luc Pagbelguem dans la vidéo, faisant référence à une opération militaire apparemment réussie.
Le 24 mars, les autorités ont arrêté Guezouma Sanogo et Boukari Ouoba, respectivement le président et vice-président de l'Association des journalistes du Burkina (AJB), ainsi que Luc Pagbelguem, journaliste travaillant pour la chaîne de télévision privée BF1, pour avoir prétendument dénoncé les restrictions à la liberté d'expression imposées par la junte. Les demandes d'information des avocats et des familles des journalistes sont restées sans réponse.
« Au moins, ils sont encore en vie », a déclaré un journaliste burkinabè en exil. « Mais cela ne nous libère pas de la crainte qu'ils aient été torturés et qu'ils participent activement à des opérations de sécurité risquées. »
Ce n'est pas la première fois que des vidéos montrant des individus enrôlés illégalement surgissent au Burkina Faso. Le 18 février 2024, l’opposant politique Ablassé Ouédraogo et l'éminent activiste des droits humains Daouda Diallo, tous deux enlevés en décembre 2023, sont apparus sur des images vidéos, portant des uniformes de camouflage, tenant des fusils d'assaut de type kalachnikov et participant à des exercices militaires, vraisemblablement dans une zone de conflit. Ils ont été libérés depuis.
Human Rights Watch a documenté le fait que les autorités du Burkina Faso ont utilisé une loi d'urgence de vaste portée et un décret de « mobilisation générale » dans le cadre de leur stratégie de lutte contre les groupes armés islamistes pour enrôler dans l'armée des détracteurs de la junte, des journalistes, des activistes de la société civile et des magistrats et les a réduit au silence.
Si les gouvernements sont habilités à enrôler des civils adultes pour la défense nationale, la conscription ne devrait pas avoir lieu si elle n'a pas été autorisée et si elle n'est pas conforme au droit national. La conscription doit être effectuée de manière à ce que le conscrit potentiel soit informé de la durée du service militaire et qu'il ait la possibilité de contester l'obligation de servir à ce moment-là.
Les autorités burkinabè devraient libérer immédiatement les trois journalistes et cesser d'utiliser la conscription pour réprimer les médias et la dissidence.
07.04.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth, 7 avril 2025) – Les autorités saoudiennes ont libéré des dizaines de personnes qui avaient été condamnées à de longues peines de prison pour avoir exercé pacifiquement leurs droits, mais continuent d'emprisonner et de détenir arbitrairement de nombreuses autres personnes, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Entre décembre 2024 et février 2025, les autorités saoudiennes ont libéré au moins 44 prisonniers, selon des proches et des organisations de défense des droits humains. Parmi ces personnes figurent Mohammed al-Qahtani, un militant des droits humains âgé de 59 ans ; Salma al-Chehab, doctorante à l'Université de Leeds, au Royaume-Uni ; et Asaad al-Ghamdi, frère d'un militant des droits humains bien connu vivant en exil. Le gouvernement saoudien devrait mettre fin à sa répression généralisée de la liberté d'association, d'expression et de croyance.
« La libération de dizaines de prisonniers est une évolution positive, mais le gouvernement saoudien devrait aussi libérer toutes les autres personnes détenues arbitrairement », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Ce geste positif ne saurait se substituer à la cessation des politiques répressives dans le pays. »
Les prisonniers libérés continuent de faire l'objet de restrictions, telles que des interdictions arbitraires de voyager et le port obligatoire d'un bracelet électronique. Ceux qui sont toujours détenus pour avoir exercé leurs droits fondamentaux continuent de subir des violations systématiques de leur droit à une procédure régulière et à un procès équitable, selon les témoignages de leurs familles et de leurs avocats. Les autorités saoudiennes continuent de détenir et d'emprisonner des individus au motif de la liberté d'expression, de réunion, d'association et de croyance. Parmi les détenus de renom qui sont toujours emprisonnés figurent Salman al-Odah, un éminent dignitaire et érudit religieux ; Waleed Abu al-Khair, un avocat et défenseur des droits humains saoudien dont le travail a été récompensé par plusieurs prix ; et Abdulrahman al-Sadhan, un travailleur humanitaire,
Il y a donc peu d'indications que les récentes libérations signalent un changement politique fondamental, a déclaré Human Rights Watch, uisque de nombreuses autres personnes restent emprisonnées pour avoir exercé pacifiquement leurs droits.
Mohammed Al-Qahtani, cofondateur de l'Association saoudienne des droits civils et politiques, a été libéré le 7 janvier. Le 9 mars 2013, les autorités saoudiennes l'avaient reconnu coupable de « création d'une organisation non autorisée » et de « diffusion de fausses informations à des groupes étrangers », et l'avaient condamné à une peine de dix ans de prison, assortie d'une interdiction de voyager de dix ans. Al-Qahtani, qui avait été arrêté en 2012, devait être libéré en 2022, mais il a été détenu au-delà de sa date de libération prévue pendant deux ans et dix jours, a rapporté ALQST, une organisation saoudienne de défense des droits humains ; il s’est agi d’une forme de disparition forcée.
Les autorités saoudiennes ont arrêté Salma al-Chehab en 2021 et l'ont condamnée en 2022 à 34 ans de prison, uniquement en raison de son activité pacifique sur les réseaux sociaux en lien avec les droits des femmes dans le pays. En 2023, un tribunal saoudien a réduit sa peine de prison à 27 ans en 2023, puis à 4 ans en septembre 2024. Les autorités saoudiennes ont libéré Salma al-Chehab en février 2025.
En mai 2024, le Tribunal pénal spécialisé, chargé de juger des affaires liées au terrorisme et tristement célèbre en Arabie saoudite, avait condamné Asaad al-Ghamdi à 20 ans de prison pour terrorisme, en raison de ses activités pacifiques sur les réseaux sociaux. Des proches ont indiqué qu'il a été libéré en février.
Les autorités saoudiennes n'ont pas publié la liste des prisonniers libérés ni précisé leurs conditions de libération.
Le 2 mars, Abdulaziz al-Howairini, chef de la Présidence de la Sûreté de l'État saoudienne, une agence de sécurité responsable de violations répétées des droits humains, a invité les dissidents en exil à rentrer en Arabie saoudite sans crainte de conséquences, dans le cadre d'une offre d'amnistie proposée par le prince héritier Mohammed ben Salmane.
Abdulaziz Al-Howairini a déclaré aux médias d'État que « le royaume accueille favorablement le retour de ceux qui se disent opposants à l'étranger ». Cependant, il a adressé cette invitation « à ceux qui ont été trompés et manipulés pour des motifs inavoués », au lieu d'indiquer un changement de politique gouvernementale vers la tolérance à l'égard des libertés d'expression, de réunion, d'association et de croyance.
De nombreuses personnes sont toujours emprisonnées en Arabie saoudite sur la base d'accusations qui ne constituent pas des crimes reconnus par le droit international. Parmi elles figurent des personnes comme Sabri Shalabi, un psychiatre faussement accusé de terrorisme, des défenseurs des droits humains de renom comme Waleed Abu al-Khair et Manahel al-Otaibi, et des proches de dissidents politiques comme al-Ghamdi.
Dans certains cas, les autorités saoudiennes ont redoublé d'efforts et multiplié les violations contre les défenseurs des droits humains. Parmi les personnes toujours détenues figure al-Otaibi, une monitrice de fitness saoudienne, victime d'une disparition forcée le 15 décembre. Elle a été autorisée à appeler sa sœur le 16 mars, a déclaré un proche à Human Rights Watch. Elle avait été arrêtée à Riyad en novembre 2022 en vertu de la loi saoudienne contre la cybercriminalité pour avoir soutenu les droits des femmes sur X, anciennement Twitter, et publié des photos d'elle sans abaya, une longue robe ample portée par les femmes musulmanes, sur Snapchat, a précisé ce proche.
L’un des frères d'Asaad al-Ghamdi, Mohammed al-Ghamdi, est un enseignant à la retraite qui a été arrêté en juin 2022 et accusé de terrorisme en raison de ses activités pacifiques sur X et YouTube ; il a été condamné à mort en juillet 2023, et est toujours en prison.
Un autre frère d'Asaad al-Ghamdi, Saïd ben Nasser al-Ghamdi, est un érudit musulman qui vit en exil au Royaume-Uni, et qui est connu pour avoir ouvertement critiqué le gouvernement saoudien. Afin de contraindre des dissidents qui vivent à l'étranger de rentrer en Arabie saoudite, le gouvernement saoudien exerce souvent des représailles contre leurs familles qui vivent au royaume, en tant que moyen de pression.
En août 2022, Sabri Shalabi a été initialement condamné à 20 ans de prison, sur la base de fausses accusations de terrorisme ; en décembre 2022, cette peine a été réduite à 10 ans de prison. Son état de santé s'est détérioré et il s'est vu refuser à plusieurs reprises des soins médicaux spécialisés.
Les autorités saoudiennes continuent de cibler et d'arrêter arbitrairement les personnes perçues comme critiques du gouvernement ou celles ayant des liens présumés avec des détracteurs du gouvernement.
Le 31 août 2024, les autorités saoudiennes ont arrêté Ahmed al-Doush, ressortissant britannique et père de quatre enfants, à l'aéroport de Riyad alors qu'il rentrait au Royaume-Uni ; c’est ce qu’a expliqué un membre de sa famille à Human Rights Watch. Son arrestation semble avoir été liée à ses activités sur les réseaux sociaux. Le consulat britannique a indiqué à la famille d'Ahmed al-Doush qu'il avait été interrogé au sujet de ses publications sur X.
Ahmed al-Doush a été détenu à l'isolement pendant deux semaines avant d'être autorisé à appeler son beau-frère en Arabie saoudite pour lui annoncer sa détention, mais sans être autorisé à préciser le lieu de sa détention ni le motif, a indiqué le membre de sa famille. Ahmed al-Doush n'a pu téléphoner plus longuement à sa femme que deux mois plus tard, le 17 novembre.
Les autorités saoudiennes ont détenu Ahmed al-Doush sans inculpation pendant plus de cinq mois, au cours desquels il a été interrogé à plusieurs reprises sans avocat. Le 27 janvier, le juge a informé al-Doush des accusations portées contre lui lors de sa première audience. Toutefois, cette audience a été fixée sans préavis et Ahmed al-Doush n'était pas représenté par un avocat, a déclaré un membre de sa famille. Ahmed al-Doush a alors appris que les accusations reposaient en partie sur des posts qu’il avait publiés sur son compte X six ans auparavant, avant de les supprimer par la suite ; les accusations visant al-Doush étaient aussi liées à son association présumée avec un individu non identifié au Royaume-Uni qui critiquait l'Arabie saoudite, a déclaré son avocat britannique à Human Rights Watch.
Human Rights Watch continue de documenter les abus généralisés au sein du système de justice pénale saoudien, notamment les longues périodes de détention sans inculpation ni procès, le refus d'assistance juridique, le recours à des aveux entachés par la torture comme base unique d’une condamnation, et d'autres violations systématiques des droits à une procédure régulière et à un procès équitable.
L'Arabie saoudite ne dispose pas d'un code pénal officiel ; le projet de code pénal qui serait en cours d’élaboration devrait être pleinement conforme aux normes internationales en matière de droits humains, a déclaré Human Rights Watch. Les autorités saoudiennes utilisent des dispositions trop générales et vagues de la loi antiterroriste pour museler la dissidence et persécuter les minorités religieuses. Cette loi viole les droits à une procédure régulière et à un procès équitable, en accordant aux autorités de larges pouvoirs pour arrêter et détenir des personnes sans contrôle judiciaire.
« Les pays alliés de l'Arabie saoudite et la communauté internationale ne devraient pas se faire de fausses idées sur la base des récentes libérations de détenus », a conclu Joey Shea. « Les autorités saoudiennes devraient s'engager véritablement à réformer leur système judiciaire en mettant fin aux abus systématiques et en libérant toutes les personnes emprisonnées pour avoir simplement tenté d’exercer leurs droits. »
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04.04.2025 à 23:47
Human Rights Watch
Le général de brigade retraité Frank Rusagara est décédé la semaine dernière au Rwanda. Il avait passé 11 ans en prison, sans être autorisé à parler à sa femme, décédée au Royaume-Uni en 2016. Sa famille a entendu sa voix pour la dernière fois en 2014, dans les jours qui ont précédé son arrestation. Après sa mort, sa famille a appris qu'il était atteint d'un cancer.
Frank Rusagara a été contraint de prendre sa retraite en 2013, dans un contexte de répression croissante de la part du parti au pouvoir au Rwanda. Il a été arrêté en août 2014 avec son beau-frère, le colonel Tom Byabagamba, ancien chef de la garde présidentielle. Leurs arrestations s'inscrivaient dans un schéma de répression gouvernementale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, à l'encontre de personnes critiques du gouvernement rwandais ou soupçonnées d'avoir des liens avec des groupes d'opposition.
Quelques jours avant l'arrestation de Frank Rusagara, un responsable militaire de haut rang l'a accusé, lors d'une réunion privée, d'avoir des liens avec un groupe d'opposition en exil et d'inciter à l'insurrection. Au cours de son procès, l'accusation a soutenu qu'il avait critiqué le président Paul Kagame et qu’il s'était plaint de l'absence de liberté d'expression et de progrès économique au Rwanda, ayant prétendument qualifié le pays d'« État policier » et de « république bananière ».
Dans une correspondance privée avec des amis et des membres de sa famille, Frank Rusagara a affirmé que son arrestation découlait également d'autres fois où il avait critiqué les politiques de l'État, notamment lorsqu'il avait déclaré que la rébellion du M23 en République démocratique du Congo en 2012 et 2013 était en fait coordonnée par l'armée rwandaise.
Frank Rusagara et Tom Byabagamba ont été condamnés à l'issue d'un procès entaché d'irrégularités en 2016, malgré de graves allégations de torture et de subornation de témoins. Tom Byabagamba est toujours en détention. En 2017, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention des deux hommes était arbitraire.
Le groupe rebelle dont Frank Rusagara a osé parler il y a plus de 10 ans, le M23, a de nouveau fait des ravages dans l'est de la RD Congo, une fois de plus avec le soutien logistique et armé du Rwanda, provoquant une crise humanitaire. Selon les recherches de l'ONU et de Human Rights Watch, des milliers de soldats rwandais aident le M23 à s'emparer de territoires, y compris de grandes villes.
La mort de Frank Rusagara devrait rappeler le lourd tribut payé par ceux qui, à l'intérieur du système, osent contester les actions du gouvernement. Alors que les partenaires réévaluent l'aide bilatérale au Rwanda à la lumière de son soutien au M23, ils ne doivent pas oublier ceux qui ont tenté de contester les actions de l'État et qui en ont payé le prix.
04.04.2025 à 14:43
Human Rights Watch
Cette semaine, la junte militaire du Niger a libéré une cinquantaine de personnes de prison, dont plusieurs anciens membres du gouvernement, des officiers militaires et un journaliste qui avaient été arrêtés à la suite du coup d'État de juillet 2023. Toutefois, plusieurs autres personnes, notamment l'ancien président Mohamed Bazoum et son épouse, sont toujours derrière les barreaux pour des motifs politiques.
La décision de libérer les prisonniers fait suite aux recommandations d'une commission nationale représentant les participants aux pourparlers de février sur la transition du pays vers un régime démocratique. Cette libération intervient quelques jours après que le chef de la junte, Abdourahamane Tiani, a été investi en tant que président du Niger pour les cinq prochaines années. Tous les partis politiques ont été dissous.
Parmi les personnes libérées figurent plusieurs ministres de Mohamed Bazoum, dont Mahamane Sani Issoufou, ancien ministre du Pétrole, et Kalla Moutari, ancien ministre de la Défense, ainsi que Foumakoye Gado, président de l'ancien parti au pouvoir, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), et le journaliste Ousmane Toudou.
Depuis le coup d'État, la junte militaire a réprimé l'opposition, les médias et la dissidence pacifique. Les autorités ont arrêté arbitrairement plusieurs responsables du gouvernement déchu et des personnes proches du président renversé, leur refusant le droit à une procédure régulière et à un procès équitable. Les services de renseignement ont détenu de nombreuses personnes au secret avant de les transférer dans des prisons de haute sécurité sur la base d'accusations forgées de toutes pièces, notamment celle d’« atteinte à la sûreté de l’État ». Elles ont été traduites devant des tribunaux militaires, bien qu'elles soient des civils.
Mohamed Bazoum et son épouse sont toujours détenus au palais présidentiel de Niamey, la capitale du Niger. En février, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, un organe d'experts indépendants qui enquête sur des cas de privation de liberté, a conclu que la détention de Mohamed Bazoum et de son épouse constituait une violation du droit international relatif aux droits humains, et a demandé leur libération immédiate.
Moussa Tiangari, éminent militant des droits humains et détracteur de la junte, qui a été arrêté arbitrairement en décembre 2024, est lui aussi toujours détenu pour des accusations liées au terrorisme.
La libération par la junte d'anciens fonctionnaires détenus à tort est un pas dans la bonne direction, mais il faut aller plus loin. Les autorités nigériennes devraient libérer toutes les personnes, y compris Mohamed Bazoum et son épouse, qui n'ont pas été inculpées de manière crédible pour des crimes reconnus, ainsi que les personnalités et les militants de l'opposition qui ont été pris pour cible en raison de leurs opinions politiques. La junte devrait également reconnaître les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique.
03.04.2025 à 19:59
Human Rights Watch
(Genève, le 3 avril 2025) – L’adoption par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’une résolution prolongeant le mandat de Mission d’établissement des faits sur l’Iran et élargissant considérablement le champ de ses enquêtes constitue une étape cruciale dans la lutte contre la crise croissante de l’impunité en Iran, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
La Mission d’établissement des faits sur l’Iran, dont le rôle est soutenu par de nombreuses organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, a été initialement créée dans le contexte de la répression meurtrière des manifestations « Femme, Vie, Liberté » de 2022. La Mission aura désormais pour mandat de surveiller et d’enquêter sur les allégations de violations graves des droits humains, récentes et en cours ; d’établir les faits, les circonstances et les causes structurelles de ces violations ; et de recueillir, consolider, analyser et préserver les preuves de violations en vue de faciliter de futures procédures judiciaires.
« La décision du Conseil, soutenue par 24 États de toutes les régions du monde, envoie un signal fort : le fossé de l'impunité qui favorise les violations flagrantes des droits humains en Iran, dont des crimes en vertu du droit international, se rétrécit progressivement », a déclaré Bahar Saba, chercheuse senior sur l'Iran à Human Rights Watch. « La résolution garantit une surveillance internationale continue, et vise la collecte et la préservation des preuves, afin de faciliter de futures poursuites contre les auteurs de crimes selon le droit international, à tous les niveaux. »
Dans son rapport de mars 2025, la Mission d'établissement des faits a constaté que des violations flagrantes des droits humains, dont certaines constituent des crimes contre l'humanité, se poursuivent et a recommandé la poursuite des enquêtes sur la situation des droits humains dans le pays.
La prolongation et l'élargissement du mandat de la Mission reflètent la reconnaissance internationale croissante de la nécessité de lutter contre l'impunité systématique et structurelle des violations des droits humains et des crimes internationaux, qui alimente les cycles de violence d'État en Iran depuis des décennies. Ce mandat contribuera à traduire en justice les auteurs de ces crimes et à soutenir les efforts déployés par les survivants, les victimes et leurs familles pour faire valoir leurs droits à la vérité, à la justice et à des réparations.
Le Conseil des droits de l'homme a également renouvelé le mandat de la Rapporteure spéciale sur la situation des droits de l'homme en Iran, qui a joué un rôle crucial dans la réponse apportée à diverses violations, notamment en lançant des appels urgents pour protéger les personnes en danger, en particulier celles qui risquent une exécution imminente.
La résolution du Conseil des droits de l'homme a attiré l'attention sur la situation désastreuse des droits humains en Iran, qui nécessite une surveillance continue. Parmi ces préoccupations figurent la recrudescence continue des exécutions, la violence et la discrimination généralisées, en droit et en pratique, à l'égard des femmes, des filles et des personnes appartenant à des minorités ethniques, linguistiques et religieuses ou de conviction, reconnues ou non, ainsi que l'absence généralisée d’obligation de rendre des comptes pour les abus commis en Iran. Le Conseil a appelé les autorités iraniennes à coopérer pleinement avec la Rapporteure spéciale, ainsi qu’avec la Mission d'établissement des faits, notamment en leur accordant un accès sans entrave au pays.
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02.04.2025 à 21:40
Human Rights Watch
« Je suis monté en grade ! » ironisait mardi Maixent Somé, militant et détracteur burkinabé en exil de la junte militaire du pays sur X, après avoir appris que son nom figurait sur une liste de terroristes recherchés.
Le 1er avril, le ministre de la sécurité du Burkina Faso a publié une liste d'individus « activement recherchés pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et a appelé le public à fournir des informations sur le lieu où ils se trouvent.
Parmi les personnes recherchées figurent Jafar Dicko, chef du Groupe pour le soutien de l'islam et aux musulmans (GSIM, en arabe Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, qui combat les forces armées du Burkina Faso depuis 2016, et d'autres chefs djihadistes tels que Dicko Hamadoun, alias « Poulkotou », Bolly Oumarou Idrissa, alias « Oumi », et Dicko Hamadou Abou.
Mais la liste comprend également d'éminents détracteurs des autorités, tels que les journalistes en exil Newton Ahmed Barry et Abdoulaye Barry, ainsi que les militants en exil Naïm Touré ; Aminata Ouédraogo, alias « Aminata Raschow » ; Oumar Coulibaly ; Barry Al Hassane ; et Maixent Somé.
Certains de ces détracteurs avaient récemment dénoncé un massacre de civils perpétré le 11 mars par des milices pro-gouvernementales dans les environs de Solenzo, dans l'ouest du Burkina Faso. Dans une interview accordée le 15 mars, Newton Ahmed Barry a qualifié la junte dirigée par Ibrahim Traoré de « tyrannique » et a expliqué pourquoi il avait été contraint de fuir le Burkina Faso : « lorsque vous n’êtes pas d’accord avec elle [la junte], vous avez le choix entre l’exil, la prison ou le front, et donc la mort. »
Depuis qu'elles ont pris le pouvoir à la suite d'un coup d'État en 2022, les autorités militaires burkinabè ont systématiquement réprimé les médias, l'opposition politique et la dissidence pacifique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Le 30 mars, des hommes armés affirmant être des gendarmes ont arrêté Miphal Ousmane Lankoandé, secrétaire exécutif du Balai Citoyen, un groupe de la société civile, à Ouagadougou, selon des médias et des membres du groupe. Le lieu où il se trouve actuellement n'est pas connu, ce qui fait craindre qu'il n'ait été victime d'une disparition forcée.
L'inscription de journalistes et d'activistes en exil sur une liste de terroristes constitue une tentative flagrante d'intimidation et risque d’avoir un effet dissuasif sur leur travail. Les autorités devraient immédiatement retirer leurs noms de la liste, respecter le droit à la liberté d'expression et mettre fin à leur répression de la dissidence.
02.04.2025 à 14:56
Human Rights Watch
Mise à jour : Le 1er avril 2025, le Premier ministre finlandais a annoncé que son gouvernement se préparait à se retirer du Traité d'interdiction des mines.
La Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines, le 4 avril, est l'occasion de mettre en lumière le travail des milliers de démineurs qui, dans le monde entier, déminent et détruisent les mines terrestres et les restes explosifs de guerre. Ils risquent leur vie pour aider les communautés à se remettre des conflits armés et de leurs conséquences sur plusieurs générations.
Mais en raison des développements dévastateurs dus en grande partie à deux pays qui n'ont pas interdit les mines antipersonnel, les États-Unis et la Russie, cette Journée internationale des mines ne semble pas vraiment mériter de célébrations.
Depuis plus de trente ans, les États-Unis sont le plus grand contributeur mondial au déminage humanitaire, à la sensibilisation aux risques liés aux mines et aux programmes de réhabilitation pour les survivants des mines terrestres. Mais les coupes drastiques de l'administration Trump à l'aide étrangère perturbent désormais les opérations de déminage. Des milliers de démineurs ont été licenciés ou mis en congé administratif en attendant la fin des soi-disant audits. On ne sait pas si ce soutien crucial se poursuivra. Les conséquences des coupes de l'administration Trump deviendront évidentes à mesure que le nombre de victimes va augmenter.
L'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie en février 2022 et l'incertitude quant à la sécurité future de l'Europe contribuent également à créer un environnement difficile. Les ministres de la Défense de la Pologne, de l'Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie ont annoncé en mars leur intention de se retirer de la Convention de 1997 interdisant les mines antipersonnel.
Les forces russes ont largement utilisé des mines terrestres antipersonnel en Ukraine depuis 2022, causant des victimes civiles et contaminant des terres agricoles. L'Ukraine a également utilisé des mines antipersonnel et en a reçu des États-Unis, en violation de la Convention d'interdiction des mines.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a cherché à justifier le retrait proposé par son gouvernement, déclarant au Parlement : « Tout ce qui peut renforcer la défense de la Pologne sera mis en œuvre. Nous utiliserons toutes les options disponibles. » Quelques jours plus tard, le ministre polonais de la Défense a déclaré que le gouvernement avait l'intention de relancer la production de mines antipersonnel.
Les mines antipersonnel utilisées dans les conflits armés actuels n'ont rien de sophistiqué. Ce sont des armes indiscriminées qui font principalement des victimes civiles, violent les droits humains et ont un impact sociétal à long terme. L'usage des mines antipersonnel porte atteinte au droit international humanitaire et aux protections civiles établies de longue date.
Les retraits proposés de la Convention soulèvent la question de savoir quels autres traités de désarmement humanitaire sont menacés : les armes chimiques ? les armes à sous-munitions ? L'utilité militaire de toute arme doit être considérée par rapport aux dommages humanitaires attendus.
Pour éviter de porter davantage atteinte aux normes humanitaires, la Pologne et les États baltes devraient rejeter les propositions de retrait de la Convention d'interdiction des mines. Ils devraient plutôt réaffirmer leur engagement collectif envers les normes humanitaires visant à protéger l'humanité en temps de guerre.
01.04.2025 à 21:27
Human Rights Watch
(Washington) – La Hongrie devrait refuser l'entrée au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ou l'arrêter s'il entre dans le pays, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le bureau de Netanyahou a annoncé qu'il prévoit de se rendre en Hongrie le 2 avril 2025 à l'invitation du Premier ministre Viktor Orban.
Netanyahou est visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) le 21 novembre 2024, date à laquelle les juges de la Cour ont émis des mandats d'arrêt contre lui et Yoav Gallant, son ministre de la Défense de l'époque, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis dans la bande de Gaza à partir du 8 octobre 2023 au moins. Ces crimes comprennent notamment la famine imposée aux civils, des attaques intentionnelles contre une population civile, des meurtres et des persécutions. Human Rights Watch a documenté des crimes de guerre, des et des actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza.
« L'invitation d'Orban à Netanyahou est un affront aux victimes de crimes graves », a déclaré Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « La Hongrie devrait respecter ses obligations légales en tant qu’État partie à la CPI et arrêter Netanyahou s'il met les pieds dans le pays. »
En tant que pays membre de la CPI, la Hongrie est tenue de coopérer dans l'arrestation et la remise de tout suspect entrant sur son territoire. Ne disposant pas de sa propre force de police, la CPI compte sur les États pour l'aider à procéder aux arrestations.
Malheureusement, des responsables de plusieurs gouvernements de l'UE, dont la France, la Pologne, l'Italie, la Roumanie et l'Allemagne, ont récemment explicitement déclaré qu'ils ne respecteraient pas leurs obligations ou ont refusé de s'engager à faire exécuter le mandat de la Cour et à arrêter Netanyahou. Des militants des droits humains et des organisations non gouvernementales en Pologne ont protesté contre des déclarations du gouvernement polonais en janvier, selon lesquelles Netanyahou serait le bienvenu dans le pays sans risquer d'être arrêté.
Tous les pays membres de la CPI devraient respecter leurs obligations en vertu du traité de la Cour, a déclaré Human Rights Watch. La décision prise par l'UE sur la CPI engage le bloc régional à soutenir la coopération avec la CPI, y compris pour les arrestations. Les dirigeants de l'UE et des États membres de l'UE, ainsi que les autres pays membres de la CPI, devraient appeler publiquement la Hongrie et tous les pays membres de la CPI à coopérer avec elle en arrêtant Netanyahou s'il se rendait sur leur territoire.
En mai 2024, le Procureur de la CPI a demandé cinq mandats d'arrêt dans le cadre de l'enquête sur la Palestine : contre Netanyahou, Gallant, ainsi que contre trois hauts responsables du Hamas. Le Bureau du Procureur a par la suite retiré la demande contre deux des dirigeants du Hamas après confirmation de leur mort. En novembre 2024, les juges de la CPI ont décidé de délivrer un mandat d'arrêt contre le dernier dirigeant du Hamas, Mohammed Diab Ibrahim al-Masri (« Mohammed Deif »), en même temps qu'ils ont délivré les mandats contre Netanyahou et Gallant. En février, après confirmation de la mort de Deif, les juges de la CPI ont mis fin aux poursuites contre lui.
Au moment où les mandats ont été émis, le ministre hongrois des Affaires étrangères, Peter Szijjártó, a critiqué les mandats en les qualifiant de « honteux et absurdes » et d'« inacceptables », et Orbán a annoncé son intention d'inviter Benyamin Netanyahou en Hongrie. Vera Jourova, alors Commissaire européenne à la Justice, a rappelé à la Hongrie que cela constituerait une « violation évidente » de ses obligations en vertu du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI, et nuirait à la réputation de la Hongrie.
Lorsque le président américain Donald Trump a publié en février un décret autorisant l'utilisation de sanctions contre les responsables de la CPI, dans le but notamment de contrarier l'action de la Cour contre Netanyahou, Orbán a annoncé son soutien aux sanctions américaines et a appelé à une « révision » des relations de son pays avec la CPI.
Depuis sa victoire électorale en 2010, Orban et son gouvernement ont fait preuve d'un mépris de plus en plus flagrant pour l'État de droit et les droits humains. Au cours des 14 dernières années, le gouvernement a réduit l'indépendance de la justice, restreint et harcelé la société civile et porté atteinte à l'indépendance des médias.
La détérioration de la situation de la Hongrie en matière de démocratie et de droits a conduit l'UE à engager en 2018 une procédure d'exécution politique en vertu de l'article 7 du traité de l'UE, en raison du risque que les actions de la Hongrie violent les valeurs fondamentales de l'UE. Orban s'est rendu à Moscou en juillet 2024 pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine, lui-même faisant l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes graves en Ukraine.
« Autoriser la visite de Netanyahou en violation des obligations de la Hongrie envers la CPI serait le dernier exemple en date des attaques d'Orban contre l'État de droit, qui s’ajouterait au triste bilan du pays en matière de droits humains », a déclaré Liz Evenson. « Tous les pays membres de la CPI doivent clairement signifier qu'ils attendent de la Hongrie qu'elle respecte ses obligations envers la Cour, et qu'ils feront de même. »