02.11.2024 à 05:00
Human Rights Watch
(Istanbul, 2 novembre 2024) – Le parlement turc devrait rejeter un projet d’amendement législatif qui vise à élargir la définition de l’espionnage de manière si vague que cela pourrait criminaliser le travail légitime des défenseurs des droits humains, des journalistes et d’autres acteurs de la société civile, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et la Commission internationale de juristes (CIJ).
Le Parlement turc procèdera prochainement à un vote au sujet d’un projet d’amendement législatif portant sur les « crimes contre la sécurité ou les intérêts politiques de l’État ». Cet amendement ajouterait au Code pénal turc un nouvel article, 339A, créant une version aggravée du « crime contre la sécurité de l’État ». L’amendement prévoit que si un crime contre la sécurité de l’État turc ou contre « ses intérêts politiques intérieurs ou extérieurs » est commis « dans les intérêts stratégiques ou sur ordre d’un État ou d’une organisation étrangère », le contrevenant peut être condamné à une peine allant de trois ans à 24 ans de prison.
« Le projet d’amendement au Code pénal turc permettrait au gouvernement de critiquer des organisations légitimes de défense des droits humains, des médias et d’autres acteurs de la société civile en les qualifiant d’espions ou d’ennemis de l’État, discréditant et même criminalisant ainsi leur travail », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Le parlement turc devrait rejeter cet amendement vaguement formulé, qui n’a pas sa place dans un pays démocratique et qui représente un risque sérieux pour les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. »
Les organisations de défense des droits humains, les médias et d’autres groupes de la société civile en Turquie ont exprimé de vives inquiétudes quant à la menace que ce projet d’amendement représente pour leur travail légitime, avec le risque qu’ils soient confrontés à de fausses accusations d’espionnage pour le compte d’autres États ou d’organisations étrangères.
Selon le Code pénal turc, les infractions existantes dans le chapitre « Crimes contre les secrets d’État et espionnage » (articles 326 à 339) visent l’obtention, la destruction ou la diffusion de secrets et d’informations d’État. Le nouvel article, 339A, ne crée pas d’infraction autonome, mais serait plutôt combiné avec des poursuites portant sur un autre crime. Les poursuites dans tous les cas sont soumises à l’autorisation du ministre de la Justice.
La note explicative officielle accompagnant l’amendement indique que la catégorie des « crimes contre les intérêts politiques nationaux ou extérieurs » pourrait englober « d’autres intérêts tels que les intérêts économiques, financiers, militaires, de défense nationale, de santé publique, de sécurité publique, technologiques, culturels, de transport, de communication, cybernétiques, d’infrastructures critiques et énergétiques », soit une catégorie beaucoup plus large que les infractions d’espionnage existantes.
Il est clair qu’ainsi un procureur turc accusant une personne de certaines infractions pourrait également l’accuser d’avoir agi dans l’intérêt stratégique d’une puissance étrangère, en vertu du nouvel article. Par exemple, un procureur enquêtant sur l’auteur d’un rapport international sur les droits humains soupçonné d’avoir « insulté le président », au motif que son rapport accusait le président d’être responsable de violations des droits humains, pourrait (en vertu de l’amendement) éventuellement l’accuser également d’avoir commis un crime « contre la sécurité ou les intérêts politiques de l’État ».
L’amendement proposé est incompatible avec les obligations de la Turquie en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), en particulier en ce qui concerne les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Le projet d’article est également trop vague et trop large pour répondre au principe de légalité inscrit dans le droit international. Selon ce principe, pour être valide, une loi doit être suffisamment claire pour qu’une personne moyenne puisse raisonnablement prévoir les conséquences de ses actes et s’ils risquent d’être en violation de la loi. Le projet de rajout d’un article 339A au Code pénal turc ne répond pas à ce critère à bien des égards.
Par exemple, les activités qui pourraient constituer des « crimes contre des intérêts politiques nationaux ou extérieurs » ne sont pas définies et donc imprévisibles, tout comme la signification précise de la formulation « dans les intérêts stratégiques d’un État étranger ou d’une organisation étrangère ». Le manque de prévisibilité, et donc de légalité, donnerait aux autorités turques une grande latitude pour utiliser la loi de manière arbitraire contre des groupes de la société civile indépendants et/ou ayant critiqué le gouvernement.
La formulation vague du projet d’article 339A laisse également entrevoir la possibilité que des organisations de la société civile ou des médias locaux en Turquie recevant légalement des fonds étrangers, et donc soumis à des exigences de transparence en matière de rapports et de comptabilité, puissent tomber sous le coup de la nouvelle loi. De tels groupes pourraient être accusés d’agir « selon les intérêts stratégiques d’un État étranger ou d’une organisation étrangère ».
« Étant donné que la Turquie utilise régulièrement son vaste arsenal de lois vaguement définies concernant le terrorisme et la sécurité de l’État pour criminaliser l’expression, le rassemblement et l’association pacifiques, il est inacceptable que le gouvernement turc soit prêt à créer de nouveaux outils criminels pour cibler le travail de défense des droits humains, le journalisme et d’autres activités de la société civile », a déclaré Temur Shakirov, directeur par intérim du programme Europe et Asie centrale à la Commission internationale de juristes. « Il est essentiel que les parlementaires qui se prononceront sur ce nouveau projet le rejettent, en raison de sa formulation vague et sa large portée. »
La protection et la promotion des droits humains sont des obligations juridiques solennelles assumées par la Turquie et sont donc nécessairement dans l’intérêt de l’État. Pourtant, la Turquie a depuis longtemps l’habitude de considérer le travail de défense des droits humains comme hostile aux intérêts prétendument étatiques, et de criminaliser le travail visant à promouvoir les droits humains, ont déclaré Human Rights Watch et la CIJ.
Si l’« intérêt stratégique » d’une organisation internationale de défense des droits humains est de protéger les droits humains dans tous les pays, y compris la Turquie, le projet d’amendement présente le risque qu’un professionnel du domaine des droits humains qui critique les actions du gouvernement turc pour des violations puisse être lui-même poursuivi pénalement simplement pour avoir fait son travail ; une telle situation violerait le droit international et serait totalement intenable, ont noté les organisations.
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Figaro/AFP Entrevue
01.11.2024 à 05:00
Human Rights Watch
(Istanbul, 1er novembre 2024) – La détention illégale en Turquie du défenseur des droits humains Osman Kavala est due au fait que les procureurs et les tribunaux de ce pays opèrent sous le contrôle politique du gouvernement, ont déclaré trois organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, dans une intervention de tiers (« third-party intervention ») déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernant cette affaire. Les trois organisations ont appelé à la libération immédiate d’Osman Kavala et à l’annulation de sa condamnation, conformément aux précédents arrêts contraignants de la Cour européenne.
Osman Kavala est emprisonné depuis sept ans, sa détention ayant débuté le 1er novembre 2017 ; le 25 avril 2022, il a été condamné a la prison à vie après avoir être reconnu coupable de « tentative de renversement du gouvernement », accusation infondée, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Osman Kavala se trouve toujours en prison, malgré deux arrêts contraignants de la CEDH (rendus le 10 décembre 2019 et le 11 juillet 2022), qualifiant sa détention d’« arbitraire » et basée sur des « motifs politiques ». Osman Kavala purge une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle ; quatre autres personnes condamnées avec lui purgent des peines de prison de 18 ans pour leur rôle présumé dans les manifestations de masse de 2013, déclenchées par un plan de transformation urbaine autour du parc Gezi d’Istanbul.
En janvier 2024, les avocats d’Osman Kavala ont soumis à la CEDH une nouvelle requête qui évoquait de nombreuses violations de ses droits depuis l’arrêt rendu par la Cour le 10 décembre 2019 ; selon cet arrêt, Kavala avait été condamné en l’absence d’un « soupçon raisonnable qu’il ait commis une infraction », et que sa détention était plutôt motivée par des « motifs politiques » visant à « réduire [Kavala] au silence ».
Dans leur requête de janvier, les avocats d’Osman Kavala ont souligné le caractère illégal de sa détention qui se poursuit. Selon la requête, les violations des droits d’Osman Kavala – droit à un procès équitable, droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association – ainsi que la violation du principe de légalité conforme à l’État de droit, démontrent que les autorités turques ont continué à poursuivre leur objectif politique de réduire Kavala au silence et de le punir en raison de ses activités en tant que défenseur des droits humains. La requête rappelle également que les poursuites engagées contre lui et sa condamnation à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle, violent l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture (stipulée par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme). La CEDH devrait rendre un nouvel arrêt dans les prochains mois.
La CEDH a accepté que Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes (CIJ) et Turkey Litigation Support Project soumettent une « intervention de tiers » dans cette affaire. Le 16 septembre, ces trois organisations ont conjointement soumis ce document afin de fournir des informations et un contexte supplémentaires pertinents que la Cour pourra prendre en considération lors de l’examen de la requête déposée par les avocats d’Osman Kavala. L’intervention de tiers souligne la tendance par les autorités turques à éviter la mise en œuvre des arrêts de la CEDH dans des affaires considérées comme politiquement sensibles, notamment celles impliquant des dissidents présumés.
Les trois organisations de défense des droits humains soulignent également les caractéristiques suivantes du système national turc : la mainmise des partis politiques au pouvoir sur le pouvoir judiciaire ; le manque d’indépendance du Conseil des juges et des procureurs, qui est devenu un mécanisme de consolidation d’une influence indue sur le pouvoir judiciaire ; de graves préoccupations concernant l’indépendance et l’efficacité de la Cour constitutionnelle turque ; et le mépris persistant par les autorités judiciaires turques à l’égard des arrêts de la CEDH, et des normes de jurisprudence établies.
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OLJ
Sur X
https://x.com/hrw_fr/status/1853130308352151648
Vidéo de 2019 (sous-titres via cc)
Play Video31.10.2024 à 02:15
Human Rights Watch
Le gouvernement de la République démocratique du Congo semble avoir entrepris de remanier un plan visant à vendre aux enchères des droits de forage pétrolier et gazier dans 30 blocs répartis dans tout le pays. Le 11 octobre, le ministre congolais des Hydrocarbures avait annoncé avoir annulé la vente aux enchères de 27 concessions pétrolière, invoquant des dépôts de candidature tardifs, des offres inappropriées ou irrégulières et un manque de concurrence. Mais cette annonce n’a fait aucune mention de trois blocs de forage de gaz.
L’annonce de l’annulation avait été reçue avec soulagement par les organisations de défense de l’environnement et des droits humains, dans le pays et à l’étranger. En juillet 2022, le gouvernement de la RD Congo avait annoncé qu’il allait commencer à vendre aux enchères les droits de forage dans les 30 blocs. Les activités pétrolières actuelles de la RD Congo se sont, jusqu’à présent, limitées à la façade atlantique de l’ouest du pays, sur la côte et au large. Mais l’appel d’offres de 2022 a créé la possibilité d’une nouvelle production massive de combustibles fossiles à travers de vastes étendues de forêts et de tourbières dont l’existence est critique en matière de climat. Nombre de ces zones constituent l’habitat de communautés rurales, parmi lesquelles des peuples autochtones, qui ont affirmé n’avoir jamais été consultées.
Aggravant ces préoccupations, le gouvernement congolais a annoncé en mai 2023 qu’il avait entamé des négociations avec l’Ouganda voisin en vue de relier certaines concessions pétrolières de l’est de la RD Congo à l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), un oléoduc de 1 443 kilomètres de long en cours de construction afin de relier les champs pétroliers de l’ouest de l’Ouganda à la côte tanzanienne sur l’océan Indien. Human Rights Watch a documenté des violations des droits humains liées au processus d’acquisition de terres de l’EACOP en Ouganda, notamment une indemnisation inadéquate des propriétaires fonciers, ainsi que la répression exercée par le gouvernement ougandais à l’encontre des activistes opposés aux combustibles fossiles et des défenseurs de l’environnement.
L’annonce du ministre des Hydrocarbures n’a pas calmé ces inquiétudes. Environ 135 organisations — dont plus de la moitié sont congolaises — se sont jointes à une campagne dénommée « Notre terre sans pétrole », qui appelle à mettre fin de manière définitive à ces plans. Comme ces organisations l’ont souligné dans une déclaration diffusée aujourd’hui, l’annulation annoncée par le ministre n’est que partielle, le gouvernement ayant signalé qu’un nouveau processus d’appel d’offres « restreint » devait être lancé prochainement. Aucun autre détail n’a été fourni.
L’expansion massive de la production de pétrole et de gaz en RD Congo menacerait les droits humains et aggraverait la crise climatique. La campagne « Notre terre sans pétrole » a raison d’appeler le gouvernement à annuler définitivement tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers et d’exhorter à mettre fin à toute nouvelle initiative dans ce secteur.
30.10.2024 à 19:26
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Des Syriens réfugiés au Liban tentent de fuir la violence dans ce pays en retournant en Syrie, mais y sont confrontés au risque de répression et de persécution par le gouvernement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; ils risquent notamment d’être détenus et torturés, d’être victimes de disparitions forcées ou de mourir en détention. Depuis fin septembre, les frappes aériennes israéliennes au Liban ont tué au moins 2 710 personnes, dont au moins 207 Syriens selon l’Observatoire syrien des droits humains (SOHR), contraignant des centaines de milliers de réfugiés syriens à la fuite.
Les Syriens qui fuient le Liban vers la Syrie, en particulier les hommes, risquent toutefois d’y être détenus arbitrairement et d’être victimes d’abus de la part des autorités syriennes. Human Rights Watch a documenté quatre récents cas d’arrestations de Syriens suite a leur retour dans ce pays ; d’autres organisations, dont le Réseau syrien pour les droits humains (SNHR), ont signalé des dizaines d’autres cas de ce type. Au moins deux Syriens expulsés du Liban et de Turquie vers la Syrie depuis 2023 y sont morts en détention dans des circonstances suspectes en 2024. En janvier et juillet 2024, les autorités libyennes ont arrêté deux autres Syriens et les ont remis aux autorités syriennes ; depuis lors, ces deux hommes ont été victimes de disparitions forcées, selon des sources bien informées.
« Les Syriens fuyant la violence au Liban sont contraints de retourner en Syrie, mais ce pays ne permet pas des retours sûrs et dignes, en l’absence de réformes significatives concernant les causes profondes des précédents déplacements », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Les décès en détention de Syriens expulsées vers la Syrie, dans des circonstances suspectes, mettent en évidence le risque grave de détention arbitraire, d’abus et de persécution dans ce pays, et l’urgente nécessité d’une surveillance efficace de tels abus. »
Le gouvernement syrien et les groupes armés qui contrôlent certaines parties de la Syrie continuent d’empêcher les organisations humanitaires et de défense des droits humains d’accéder pleinement et sans entrave à toutes les zones, y compris aux sites de détention, entravant ainsi les efforts de documentation et occultant la véritable ampleur des abus.
Entre le 24 septembre et le 22 octobre, environ 440 000 personnes, dont 71 % de Syriens et 29 % de Libanais, ont fui le Liban vers la Syrie en passant par les postes-frontières officiels, selon le Croissant-Rouge arabe syrien (Syrian Arab Red Crescent, SARC). D’autres personnes auraient traversé la frontière de manière non officielle. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le SARC dirigent les efforts humanitaires d’urgence à la frontière et dans les communautés d’accueil ; jusqu’à présent, la Syrie a maintenu ses frontières ouvertes et a assoupli les procédures d’immigration. Parmi les personnes ayant fui le Liban, environ 50 779 étaient arrivées dans le nord-est de la Syrie au 25 octobre, et 6 600 personnes étaient entrées dans le nord-ouest de la Syrie au 24 octobre. Un grand nombre de ces personnes sont des femmes et des enfants.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec trois Syriens au Liban et huit Syriens qui ont fui vers la Syrie, dont des proches de cinq hommes arrêtés par les autorités syriennes à leur retour du Liban en octobre. Human Rights Watch a également interrogé deux chercheurs syriens spécialisés dans les droits humains qui ont documenté d’autres arrestations et plusieurs personnes au sujet du sort des expulsés, y compris des proches.
Sur les cinq arrestations récentes documentées par Human Rights Watch en octobre, deux ont eu lieu au poste frontière de Dabousieh dans le sud-ouest de la Syrie, accessible par le nord du Liban et situé non loin de la ville syrienne de Homs. Deux autres personnes ont été arrêtées après avoir franchi la frontière, lors de leur arrivée à un poste de contrôle situé entre Alep et Idlib, en Syrie. Toutes ces arrestations ont été effectuées par des agents de la Direction du renseignement militaire syrien, ont déclaré des proches, sans qu’aucune information ne soit fournie aux familles sur les raisons des arrestations ou sur le lieu de détention de ces personnes.
Une femme a raconté avoir fui le Liban vers la Syrie avec son mari, un ex-soldat syrien, et ses quatre enfants en octobre. Son mari, âgé de 33 ans, vivait au Liban depuis 13 ans, a-t-elle déclaré. Fin septembre, les bombardements israéliens se sont intensifiés dans la région où ils vivaient, et l’armée israélienne a émis des avertissements accompagnés d’appels à évacuer la zone. Ils ont fui en n’emportant pratiquant rien, vivant dans la rue pendant 10 jours avant de réunir les fonds nécessaires pour retourner en Syrie. Elle a expliqué que son mari ne s’était pas inscrit pour le service militaire de réserve en Syrie ; mais ils pensaient qu’une récente amnistie du gouvernement syrien, qui incluait la désertion militaire, le protégerait.
Le 7 octobre, ils sont entrés en Syrie et ont été contrôlés au poste frontière de Dabousieh près de Homs. Elle a déclaré que les services de renseignements militaires syriens ont immédiatement arrêté son mari, en leur disant : « Continuez sans lui, il restera avec nous ». Elle a attendu cinq heures, suppliant pour obtenir des informations, en vain. Vivant désormais dans un logement exigu avec sa famille en Syrie, elle n’a aucune idée de l’endroit où se trouve son mari, et a du mal à subvenir aux besoins de ses enfants. « J’aurais préféré que nous restions sous les roquettes plutôt que de vivre cela », a-t-elle déclaré, affirmant que son seul espoir était la libération de son mari.
Au Liban, selon diverses sources, de nombreux refuges donnent la priorité aux ressortissants libanais et palestiniens déplacés, refusant l’accès aux Syriens ; certains propriétaires ont même expulsé leurs locataires syriens pour faire de la place aux Libanais déplacés. Même avant l’offensive israélienne, les Syriens au Liban vivaient dans un contexte souvent coercitif, les forçant à envisager de retourner en Syrie. Ils étaient confrontés au Liban à des conditions de vie difficiles, à une xénophobie croissante et au risque d’expulsion.
Certains dirigeants européens affirment que la Syrie est un pays sûr pour les retours, menant des politiques qui pourraient révoquer la protection des réfugiés syriens malgré les préoccupations persistantes en matière de sécurité et de droits humains. Compte tenu du manque de fiabilité des réseaux d’information et du suivi inadéquat des agences humanitaires, les pays qui accueillent des réfugiés syriens devraient reconnaître que la Syrie reste un pays dangereux pour les retours et cesser immédiatement tout retour forcé ou sommaire ou tout plan visant à faciliter de tels retours, a déclaré Human Rights Watch.
Le HCR devrait continuer à maintenir son point de vue, exprimé en mars 2021, selon laquelle la Syrie n’est toujours pas un pays sûr pour les retours et qu’il ne favorisera ni ne facilitera les retours tant que des conditions sûres et dignes ne seront pas garanties. Conformément à son Cadre opérationnel régional pour le retour des réfugiés en Syrie (Regional Operational Framework For Refugee Return To Syria, 2019), le HCR devrait continuer de faire pression pour la création d’un mécanisme de protection et de surveillance indépendant et efficace, qui permettrait aux organisations humanitaires de surveiller et de signaler les violations des droits des personnes revenues en Syrie.
Les gouvernements donateurs internationaux devraient apporter un généreux soutien financier et d’autres types d’assistance aux personnes déplacées fuyant vers la Syrie, tout en s’assurant que ces programmes humanitaires ne favorisent pas par inadvertance les retours prématurés vers ce pays. Les pays qui ont imposé des sanctions à la Syrie, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et les États membres de l’Union européenne, devraient mettre en œuvre des exemptions humanitaires pour toutes les opérations d’aide, afin de garantir aux personnes déplacées un accès sans restriction aux services essentiels.
« La Syrie ne présente pas actuellement des conditions de retour plus sûres qu’auparavant, mais pour de nombreux Syriens qui s’étaient réfugiés au Liban, les dangers croissants dans ce pays ne leur laissent guère d’autre choix que de tenter un tel retour », a conclu Adam Coogle. « Leur retour en Syrie n’est pas le signe d’une amélioration des conditions dans ce pays, mais plutôt de la dure réalité d’un manque d’alternatives plus sûres ; en Syrie, ils sont toujours confrontés aux risques de détention, de maltraitance et de mort. »
Suite en anglais, avec des informations plus détaillées.
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OLJ
30.10.2024 à 05:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – L’armée israélienne a attaqué à plusieurs reprises des professionnels de la santé et des établissements de santé au Liban, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a documenté trois attaques constituant des crimes de guerre apparents, au cours desquelles les forces israéliennes ont illégalement frappé des personnels médicaux, des véhicules de transport médical et des installations médicales. Parmi ces attaques figurent une frappe menée le 3 octobre contre un centre de défense civile situé dans le centre de Beyrouth, ainsi qu’une frappe menée le 4 octobre contre une ambulance et un hôpital dans le sud du Liban ; ces deux attaques ont tué 14 membres du personnel médical et de secours.
Selon les chiffres publiés par le ministère libanais de la Santé publique le 25 octobre, les attaques israéliennes ont tué au moins 163 professionnels de la santé et secouristes à travers le Liban au cours de l’année écoulée, et ont endommagé 158 ambulances et 55 hôpitaux. L’armée israélienne devrait immédiatement cesser les attaques illégales contre les professionnels de la santé et les établissements de santé, et les alliés d’Israël devraient suspendre leurs transferts d’armes vers ce pays, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus.
« Les attaques illégales menées par l’armée israélienne contre les professionnels de la santé et les hôpitaux dévastent le système de santé déjà fragile du Liban, et mettent les personnels médicaux en grand danger », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les frappes contre les personnels médicaux et les établissements de santé aggravent aussi les risques pour les civils blessés, entravant gravement leur capacité à recevoir les soins médicaux dont ils ont urgemment besoin. »
Les Nations Unies devraient diligenter d’urgence, et les pays membres de l’ONU devraient soutenir, une enquête internationale sur les récentes hostilités au Liban et dans le nord d’Israël ; cette enquête devrait immédiatement débuter, afin de recueillir des informations et formuler des conclusions sur les violations du droit international, et des recommandations en vue de la reddition de comptes.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit personnes, dont des membres du personnel paramédical, des représentants de la Défense civile et des responsables hospitaliers ; les chercheurs se sont rendus sur le site de l’attaque contre le centre de Défense civile du Comité sanitaire islamique (CSI), et y ont interrogé trois résidents et témoins de l’attaque. Human Rights Watch a également analysé des photographies, des vidéos et des images satellite des attaques. Le 7 octobre, Human Rights Watch a transmis à l’armée israélienne une lettre résumant ses conclusions et comprenant des questions, mais n’a pas reçu de réponse. Le 21 octobre, Human Rights Watch a aussi transmis une lettre contenant les conclusions de ses recherches et des questions au Comité sanitaire islamique, qui a répondu le 23 octobre ; des éléments de cette réponse sont citées dans la version complète de ce communiqué en anglais.
Une frappe israélienne menée dans la nuit du 2 au 3 octobre contre un centre du Comité sanitaire islamique (CSI), dans le quartier de Bachoura situé dans le centre de Beyrouth, a tué sept secouristes. Le CSI est une organisation de défense civile affiliée au Hezbollah, qui gère aussi des services d’ambulances. Au Liban, la Défense civile du CSI est une force civile dont les fonctions comprennent la fourniture de services médicaux et de secours d’urgence a la population civile, ainsi que l’aide à l’évacuation en cas de besoin.
Click to expand Image Cette image satellite du 11 octobre 2024 montre deux véhicules incendiés sous un palmier calciné, sur le site d’une frappe israélienne menée le 4 octobre, à environ 150 mètres de l'Hôpital de Marjayoun, dans le sud du Liban. Il s’agit vraisemblablement d’une ambulance et d’un camion, visibles sur une photo du 4 octobre, vérifiée et géolocalisée par Human Rights Watch ; sur cette photo, l’ambulance est incendiée et le camion est toujours en feu. Image © 2024 Planet Labs PBC. Graphic © Human Rights WatchLe 4 octobre, l’armée israélienne a frappé une ambulance du Comité sanitaire islamique près de l’entrée de l’Hôpital de Marjayoun, dans le sud du Liban, tuant sept autres secouristes et forçant l’hôpital à évacuer son personnel et à fermer ses portes.
Click to expand Image Cette image satellite du 11 octobre 2024 montre les dommages subis par l'Hôpital Salah Ghandour à Bint Jbeil, au Liban, lors d’une frappe israélienne menée le 4 octobre. L’aile nord-ouest de l’hôpital est partiellement détruite, tout comme la mosquée adjacente. Des dommages sont aussi visibles sur le toit de l’aile nord-est de l'hôpital. © 2024 Planet Labs PBC (image satellite / HRW (graphisme).Le même jour, l’armée israélienne a frappé l’Hôpital Salah Ghandour dans la ville de Bint Jbeil, également dans le sud du Liban, environ deux heures et demie après avoir transmis par téléphone aux autorités locales un avertissement accompagné d’un appel à évacuer l’hôpital.
Le gouvernement israélien a accusé le Hezbollah d’utiliser des ambulances pour transporter des combattants, et des hôpitaux pour cacher des armes et du matériel. Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve indiquant que ces trois installations avaient été utilisées à des fins militaires au moment des attaques, ce qui justifierait de les priver de leur statut protégé en vertu du droit international humanitaire.
En l’absence de justification militaire pour les attaques contre ces établissements, elles sont illégales. De telles attaques dirigées contre des installations médicales, si elles étaient menées avec une intention criminelle – c’est-à-dire intentionnellement ou imprudemment – constitueraient des crimes de guerre.
La simple appartenance ou affiliation au Hezbollah, ou à d’autres mouvements politiques disposant de branches armées, ne constitue pas en soi une base suffisante pour déterminer qu’un individu est une cible militaire légitime. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a publié un Guide interprétatif la participation directe aux hostilités, selon lequel les personnes « qui assument des fonctions exclusivement non combattantes, par exemple de caractère politique ou administratif » au sein de groupes armés, ou qui sont simplement membres ou affiliés à des entités politiques ayant une branche armée, comme c’est le cas du Hezbollah, ne sont pas des « cibles militaires légitimes ». L’unique exception serait, comme dans le cas d’autres civils, « pendant la durée de chaque acte spécifique constituant une participation directe aux hostilités ». Le personnel médical affilié au Hezbollah, y compris celui affecté à des organisations de défense civile, est protégé par les lois de la guerre.
Le 21 octobre, une frappe israélienne ayant touché un site près de l’Hôpital universitaire Rafic Hariri a tué 18 personnes, dont 4 enfants, selon les médias, et a endommagé cet hôpital.
En vertu des lois de la guerre, les médecins, les infirmières, les ambulanciers et les autres personnels de santé et médicaux doivent être autorisés à faire leur travail et être protégés en toutes circonstances. Ils ne perdent leur protection que s’ils commettent, en dehors de leur fonction humanitaire, des « actes nuisibles à l’ennemi ».
De même, les ambulances et autres moyens de transport médicaux doivent être autorisés à fonctionner et être protégés en toutes circonstances. Elles ne peuvent perdre leur protection que si elles sont utilisées pour commettre des « actes nuisibles à l’ennemi », comme le transport de munitions ou de combattants en bonne santé en service. La force attaquante doit émettre un avertissement pour cesser cette utilisation abusive et ne peut attaquer qu’après que cet avertissement est resté sans réponse.
En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties au conflit ont le devoir, à tout moment, de faire la distinction entre les combattants et les civils et de ne cibler que les combattants. Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire intentionnellement ou par imprudence – peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Les individus peuvent également être tenus pénalement responsables d’avoir aidé, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre. Tous les gouvernements qui sont parties à un conflit armé sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par des membres de leurs forces armées.
En novembre 2023, Human Rights Watch a appelé à des enquêtes sur les attaques répétées et apparemment indiscriminées de l’armée israélienne contre des installations médicales à Gaza. Human Rights Watch a appelé les principaux alliés d’Israël à suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d’armes à Israël, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus.
« Avec plus d’une centaine de professionnels de la santé tués, les frappes israéliennes au Liban exposent les civils, y compris les professionnels de la santé, à un risque grave de préjudice », a déclaré Ramzi Kaiss. « Les professionnels de la santé doivent être protégés et les pays doivent prendre des mesures pour empêcher de nouvelles atrocités, notamment en suspendant les ventes d’armes et l’assistance militaire à Israël. »
Suite du communiqué en anglais, avec des informations plus détaillées.
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OLJ
29.10.2024 à 16:57
Human Rights Watch
(Johannesburg) – Les forces de sécurité mozambicaines ont tué au moins 11 personnes et en ont blessé des dizaines d’autres à balles réelles et au gaz lacrymogène lors des manifestations post-électorales qui ont eu lieu dans tout le pays les 24 et 25 octobre 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités devraient enquêter rapidement et de manière impartiale sur ce recours apparemment excessif à la force.
Le 24 octobre, la Commission électorale mozambicaine (CNE) a annoncé que Daniel Chapo, candidat du parti au pouvoir, le Front de libération du Mozambique (Frente de Libertação de Moçambique, FRELIMO), avait remporté l’élection présidentielle du 9 octobre. Les élections générales (présidentielle et législatives) ainsi que la période pré-électorale ont été entachées d’assassinats politiques, d’irrégularités généralisées et de restrictions aux droits à la liberté d’expression et de réunion.
« La violente répression des manifestants par les forces de sécurité mozambicaines a considérablement accru les tensions politiques suite aux élections dans ce pays », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer auprès de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités mozambicaines devraient enquêter rapidement et de manière impartiale sur les allégations d’abus de force et demander des comptes aux responsables. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec 22 personnes en personne et par téléphone entre le 24 et le 27 octobre, dont des victimes et des témoins des violences, des médecins, des journalistes, des responsables gouvernementaux et des représentants de groupes locaux de la société civile.
Plus de 50 personnes ont été grièvement blessées par balle, et beaucoup, dont des enfants d’à peine un an, ont inhalé des gaz lacrymogènes que la police a tirés sans discernement dans des zones résidentielles. La police a arrêté plus de 400 personnes qui auraient participé à des troubles à l’ordre public, au pillage de magasins, à la destruction de biens publics et privés et à une attaque contre un commissariat de police.
Les tensions se sont intensifiées le 10 octobre lorsque Venâncio Mondlane, un candidat indépendant soutenu par le principal parti d’opposition PODEMOS (« Partido Optimista pelo Desenvolvimento de Moçambique » - Peuple optimiste pour le développement du Mozambique), a revendiqué la victoire.
Le 24 octobre, des milliers de partisans de l’opposition ont manifesté pacifiquement à Maputo pour protester contre les résultats des élections. Dans tout le pays, certains manifestants ont brûlé des pneus et bloqué des routes. La police anti-émeute déployée avec des chiens et des véhicules blindés a tiré à balles réelles, des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Certains manifestants ont également jeté des pierres et d’autres objets sur la police. Au moins huit policiers auraient été blessés.
Dans les villes de Chimoio et de Gondola, dans la province de Manica, la police a abattu au moins trois personnes, selon deux groupes locaux de défense des droits de l’homme, le Centre pour la démocratie et le développement (CDD) et la Plateforme de la société civile pour la surveillance électorale (DECIDE).
Un médecin de l’hôpital provincial de Chimoio a confirmé les décès, soulignant que l’une des victimes avait reçu « une balle dans la colonne vertébrale », tandis que deux autres personnes avaient été « touchées dans la région abdominale ». Il a déclaré que l’hôpital avait admis des dizaines d’autres personnes blessées par balle le 24 octobre.
Un homme de 37 ans a déclaré que vers 16 heures Le 24 octobre, il a reçu un appel d’un hôpital de Chimoio, lui demandant d’identifier le corps de son jeune frère, qui avait rejoint les manifestations initialement pacifiques vers 10 heures du matin. Il a déclaré que son frère avait été touché par « deux balles dans la région génitale ».
Dans la ville de Nampula, au nord du pays, trois témoins ont déclaré que la police avait tué au moins une personne et en avait blessé plusieurs autres en tirant des balles réelles et des balles en caoutchouc sur une foule de manifestants qui leur jetaient des pierres.
Une femme a déclaré que vers 15 heures, sa petite-fille de 12 ans regardait la manifestation depuis l’intérieur de la propriété familiale dans la ville de Nampula, lorsqu’une balle tirée par la police a touché la hanche droite de la fillette. « Alors que la foule fuyait dans la rue pour échapper aux balles réelles de la police, nous avons vu la fille s’effondrer sur le sol », a déclaré sa grand-mère. « Nous pensions qu’elle se cachait par peur, mais non, elle avait été touchée par une balle. » La fillette a été soignée pour ses blessures à l’hôpital central de Nampula.
Trois des huit autres personnes admises à l’hôpital central de Nampula le 24 octobre avec des blessures par balle sont mortes des suites de leurs blessures, a déclaré un médecin à Human Rights Watch. Au moins six autres personnes sont également mortes des suites de blessures par balle tirées par la police dans la province de Nampula, selon CDD et DECIDE.
Un porte-parole de la police de Nampula a déclaré à Human Rights Watch qu’une personne était morte des suites de blessures par balle. Il a refusé d’expliquer pourquoi la police avait utilisé des balles réelles.
À Maputo, la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants qui brûlaient des pneus sur une route principale, ont rapporté les médias. Un témoin a déclaré que la police avait tiré des gaz lacrymogènes sans discernement dans les maisons alors que les manifestants fuyaient vers un quartier résidentiel. Plusieurs personnes auraient inhalé le gaz à l’intérieur de leur maison, dont une mère et ses deux jeunes enfants.
Une autre femme a déclaré que deux grenades lacrymogènes avaient atterri à l’intérieur de sa maison par une fenêtre ouverte, vers 18 heures. « La fumée était trop forte et l’odeur était terrible », a-t-elle déclaré. « J’avais des enfants à la maison mais grâce à Dieu, nous sommes tous sains et saufs. »
La constitution du Mozambique protège les droits à la liberté de réunion et d’expression et interdit l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre, garantie par le droit international.
Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, ainsi que les Lignes directrices de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) pour le maintien de l’ordre par les agents chargés de l’application des lois restreignent strictement le recours à la force, en particulier l’utilisation d’armes létales et d’armes dites moins létales, comme les gaz lacrymogènes.
Les normes internationales prévoient que les forces de sécurité doivent utiliser la force minimale nécessaire à tout moment. Des moyens non violents doivent être utilisés avant de recourir à la force et aux armes à feu. Les forces de l’ordre ne peuvent intentionnellement faire usage de leurs armes à feu que lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des vies. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a indiqué dans son Observation générale no 37 que les armes à feu « ne sont pas un outil approprié de maintien de l’ordre » lors de rassemblements, et « ne doivent jamais être utilisées dans le seul but de disperser » un rassemblement. L’emploi d’armes à feu doit être limité « aux situations dans lesquelles il est strictement nécessaire pour protéger la vie ou prévenir un préjudice grave découlant d’une menace imminente ».
Le Guide de l’ONU sur les armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois, publié en 2020, indique que les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir d’autres dommages physiques et ne doivent pas être utilisés pour disperser des manifestations non violentes. Les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés qu’après qu’un avertissement a été donné et que les participants ont eu le temps d’obéir à l’avertissement et de disposer d’un espace ou d’un itinéraire sûr pour se déplacer.
« Les autorités mozambicaines doivent veiller à ce que la police respecte le droit de manifester pacifiquement et ne fasse jamais un usage excessif de la force contre les manifestations », a conclu Allan Ngari. « Les partenaires régionaux et internationaux doivent faire pression sur le gouvernement pour qu’il veille à ce que les forces de sécurité respectent la loi dans la situation actuelle et à l’avenir. »
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Articles
Figaro/AFP Mediapart VOA
MediaGuinee
29.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – Le massacre d’au moins 133 personnes par un groupe armé islamiste témoigne de l’insuffisance des efforts du gouvernement du Burkina Faso pour protéger les civils, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités devraient mener rapidement une enquête approfondie sur le massacre perpétré dans la ville de Barsalogho, située dans la province de Sanmatenga, et traduire les responsables en justice.
Le 24 août 2024, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué des centaines de civils qui creusaient une tranchée militaire pour protéger la ville de Barsalogho, qui abrite une base militaire. Les assaillants ont également tiré sur de nombreux autres civils à proximité de la tranchée. Human Rights Watch a confirmé, grâce à l’analyse de vidéos et à des témoignages, qu’au moins 133 personnes ont été tuées, dont des dizaines d’enfants, et qu’au moins 200 autres ont été blessées.
« Le massacre de Barsalogho est le dernier exemple en date des atrocités commises par des groupes armés islamistes contre des civils que le gouvernement a exposés à des risques inutilement », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités devraient de toute urgence prioriser la protection des civils, traduire les auteurs de ces crimes en justice et veiller à ce que les victimes et leurs familles reçoivent une assistance médicale adéquate et d’autres formes de soutien. »
Le 25 août, le GSIM a revendiqué la responsabilité de l’attaque, un crime de guerre évident, affirmant que ses forces avaient tué 300 membres de l’armée burkinabè et de milices affiliées. Dans sa réponse du 10 octobre à une lettre de Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a reconnu que des soldats et des auxiliaires civils de l’armée appelés Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) avaient été tués en même temps que des civils lors de l’attaque, sans pourtant fournir de bilan des victimes.
Entre le 26 août et le 20 septembre, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 12 témoins de l’attaque, dont certains ont été blessés. Human Rights Watch a également vérifié quatre vidéos apparemment filmées par des combattants du GSIM et diffusées sur les réseaux sociaux ou envoyées à Human Rights Watch.
Des témoins ont déclaré que le 24 août vers 10 heures du matin, de nombreux combattants du GSIM à moto, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov et de mitrailleuses, ont attaqué des centaines de civils qui travaillaient au prolongement de la tranchée défensive sur un site situé au nord-est du centre de Barsalogho. Les témoins ont déclaré que les combattants, qui portaient des uniformes militaires ou des vêtements civils avec un turban sur la tête, ont tiré de manière indiscriminée sur les civils, tout en se déplaçant le long de la tranchée et en exécutant ceux qui étaient encore en vie.
Un homme âgé de 39 ans, qui a perdu cinq membres de sa famille dans l’attaque, a déclaré : « Ils sont arrivés à moto, deux sur chaque. Dès qu’ils se sont approchés de la tranchée, ils ont commencé à tirer. Ils ont tiré sans interruption, comme s’ils avaient beaucoup de munitions. Les gens tombaient comme des mouches. J’ai réussi à sortir de la tranchée en l’escaladant, je ne sais pas comment j’ai fait, parce qu’ils tiraient sur tout le monde.… Ils sont venus nous exterminer. Ils n’ont épargné personne. »
La tranchée est en construction depuis 2022. Des témoins ont déclaré que des soldats basés à Barsalogho ont forcé des hommes de la ville à creuser le nouveau tronçon de la tranchée sans les payer. Ils ont ajouté que nombre d’entre eux avaient d’abord refusé de le faire pour diverses raisons, notamment parce qu’ils n’étaient pas rémunérés, qu’ils pensaient que creuser était dangereux ou qu’ils avaient été alertés le jour même de l’attaque que des hommes armés s’approchaient de Barsalogho. Les soldats, ont-ils expliqué, les ont toutefois contraints à effectuer ce travail en les menaçant et en les frappant.
« Le jour de l’attaque, des soldats sont venus chez moi et m’ont ordonné d’aller creuser la tranchée », a déclaré un agriculteur âgé de 52 ans. « Je ne voulais pas y aller parce que je pensais que c’était risqué, mais ils m’ont frappé avec une corde et forcé à y aller. »
Le droit international humanitaire, qui s’applique au conflit armé au Burkina Faso, interdit le travail forcé non rémunéré ou abusif. Le ministre burkinabè de la Justice, dans sa réponse à Human Rights Watch, a déclaré que le travail forcé est interdit par la loi burkinabè et que « les témoignages selon lesquels les militaires auraient forcé les populations à creuser la tranchée ne sont pas avérés ».
Depuis l’attaque du 24 août, des équipements lourds ont été utilisés pour construire des sections supplémentaires de la tranchée, qui entoure la ville de Barsalogho. « Après l’attaque, les activités de construction de la tranchée se sont poursuivies », a indiqué un habitant âgé de 28 ans. « C’est le capitaine Meda et ses hommes qui ont continué à creuser la tranchée avec des engins. C’est ce qu’ils auraient dû faire depuis le début. »
Dans une réponse du 18 septembre à Human Rights Watch, le Comité chariatique du GSIM au Burkina Faso a tenté de justifier l’attaque, affirmant que même si les personnes ciblées étaient forcées de creuser la tranchée, « ce ne serait pas une excuse pour les épargner. Quiconque … est fidèle à ce régime … mérite d’être tenu responsable ».
Des témoins ont déclaré que le 24 août, les combattants du GSIM n’ont pas attaqué la base militaire de Barsalogho, située à environ 4,5 kilomètres du lieu de l’attaque, et comprenant une force allant jusqu’à 100 soldats. Ils ont ajouté que lorsque l’attaque a commencé, moins de 15 soldats et environ le même nombre de VDP ont riposté, mais qu’ils ont été rapidement mis en échec par les combattants du GSIM. Certains soldats et VDP ont été tués, tandis que d’autres ont été contraints de battre en retraite. Les témoins ont précisé que ces soldats et les VDP se trouvaient dans un avant-poste destiné à sécuriser le travail des civils qui creusaient la tranchée.
Des témoins ont également déclaré que la plupart des soldats stationnés à la base y sont restés, mais qu’ils ont envoyé un véhicule militaire et une ambulance pour soutenir leurs collègues se trouvant à l’avant-poste. Les combattants du GSIM ont également défait ces renforts, et lorsque l’attaque a pris fin, ils ont emporté le véhicule militaire et l’ambulance en repartant.
Dans sa réponse au courrier de Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a déclaré que le Tribunal de grande instance de Kaya avait ouvert une enquête pour faire la lumière sur l’attaque de Barsalogho, et identifier les responsables.
Les lois de la guerre interdisent les attaques contre les civils, sauf s’ils « participent directement aux hostilités ». Bien que la tranchée elle-même soit une cible militaire légitime, les civils qui y travaillent ne participent pas directement aux hostilités et ne peuvent donc pas être délibérément attaqués. L’exécution d’une personne en détention constitue par ailleurs un crime de guerre.
« Alors que les groupes armés islamistes continuent de commettre des crimes de guerre au Burkina Faso, le gouvernement devrait enquêter de manière crédible sur les abus, établir la responsabilité du commandement dans sa propre armée et prévoir des peines adéquates pour les personnes jugées responsables », a conclu Carine Kaneza Nantulya. « Les alliés du Burkina Faso devraient faire pression sur le gouvernement afin qu’il cesse d’exposer les civils à des risques inutiles, notamment en les utilisant comme main-d’œuvre forcée dans les zones de guerre. »
Pour lire des témoignages et d’autres détails sur ces abus, veuillez voir ci-dessous. Les noms des personnes avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu n’ont pas été divulgués pour garantir leur protection.
Click to expand Image Le développement de tranchées défensives autour de Barsalogho, tel qu'observé le 14 octobre 2024, comprend la tranche de la section où le massacre du 24 août a eu lieu et l'emplacement des cimetières avec de nouvelles tombes possiblement liées à l'événement. Analyse et graphiques © 2024 Human Rights WatchConflit armé au Burkina Faso
Les forces armées du Burkina Faso luttent contre les insurrections du GSIM et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis que ces deux groupes armés ont envahi le pays à partir du Mali en 2016. Ils contrôlent de larges pans du territoire burkinabè, attaquant les civils et les forces de sécurité gouvernementales, et se sont mutuellement affrontés.
Plus de 26 000 personnes ont été tuées dans le conflit depuis 2016, dont environ 15 500 depuis le coup d’État militaire de septembre 2022, et plus de 6 000 depuis janvier 2024, selon l’organisation Armed Conflict Location & Event Data (ACLED). ACLED a également indiqué que les groupes armés islamistes ont tué 1 004 civils dans le cadre de 259 attaques commises entre janvier et août, et 1 185 civils lors de 413 attaques au cours de la même période l’an dernier. Ces chiffres n’incluent pas ceux de l’attaque de Barsalogho.
Le président Ibrahim Traoré, depuis qu’il a pris le pouvoir lors du coup d’État de septembre 2022, a accru le recours aux auxiliaires civils. En janvier 2020, le président de l’époque, Roch Marc Christian Kaboré, avait initialement créé les VDP pour renforcer la sécurité au niveau local contre les groupes armés islamistes. En octobre 2022, les autorités militaires actuelles ont lancé une campagne de recrutement de 50 000 VDP supplémentaires.
Les autorités du Burkina Faso ont à plusieurs reprises appelé la population à participer à l’effort de guerre, invoquant une loi d’urgence conférant au président des pouvoirs accrus pour lutter contre l’insurrection islamiste, y compris la réquisition de personnes et de biens, ce qui a conduit à une répression de la dissidence pacifique. Le 23 mai, lors d’une réunion avec les VDP, le président Ibrahim Traoré a demandé à la population d’aider les militaires à creuser des tranchées autour de leurs villes et villages. Human Rights Watch a largement documenté le fait que les groupes armés islamistes ont réagi au recrutement des VDP et à la mobilisation des civils en soutien aux forces de sécurité en attaquant les villages et les villes qu’ils accusaient de soutenir l’armée ou les VDP.
Massacre à Barsalogho
Le 24 août, entre 10 et 11 heures du matin, les combattants du GSIM ont tué des dizaines de civils qui travaillaient sur la tranchée militaire et d’autres qui se trouvaient à proximité.
L’analyse par Human Rights Watch de quatre vidéos et l’examen d’images satellite montrent que le site de l’attaque coïncide avec celui d’une nouvelle section de la tranchée, dont la construction a débuté en août. Cette section, située à l’intersection de la route qui mène au village de Pensa, se trouve à près de quatre kilomètres au nord-est du centre de Barsalogho.
Les témoins ont décrit l’horreur de voir les combattants du GSIM se déplacer le long de la tranchée en exécutant les gens : « Ils ont simplement ouvert le feu sur nous, tiré sur tout ce qui bougeait et achevé les survivants », a relaté un agriculteur âgé de 47 ans qui se trouvait à l’intérieur de la tranchée. « J’ai vu comment ils ont tiré sur un homme qui se tordait de douleur, puis deux corps sont tombés sur moi, et j’ai fait le mort pour sauver ma vie. »
Click to expand Image Capture d'écran d'une vidéo apparemment filmée par le GSIM montrant des combattants le long de la tranchée lors de l'attaque de Barsalogho, province du Sanmatenga, Burkina Faso, le 24 août 2024.Dans une vidéo vérifiée par Human Rights Watch, la personne qui filme marche le long de la tranchée, filmant des dizaines d’hommes vêtus de tenues de camouflage ou de vêtements civils, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov et tirant sur des groupes de personnes qui gisent immobiles dans la tranchée ou se sont enfuies dans un champ voisin. Des bêches et des pioches se trouvent à côté de nombreux corps. Au moins 133 corps sont visibles. Au milieu de la vidéo, l’homme qui filme commence à tirer sur une personne qui tente de s’enfuir et qui est ensuite abattue. On entend des centaines de coups de feu tout au long de la vidéo, qui dure 2 minutes et 44 secondes.
Des témoins ont déclaré que les combattants parlaient fulfulde, première langue des Peuls qui est largement répandue au Burkina Faso.
Une femme âgée de 42 ans a déclaré :
Ils [les combattants islamistes] criaient « Allah Akbar » et j’ai entendu l’un d’eux dire en fulfulde : « C’est fini pour Barsalogho, Barsalogho est tombée, ils sont tous morts ». Mes frères sont restés dans la tranchée et lorsque les terroristes sont arrivés, ils les ont abattus. Ils marchaient le long de la tranchée pour tirer sur les gens, et ceux qui restaient étaient systématiquement tués. Cela a duré environ une heure. C’était terrifiant.
La plupart des personnes tuées étaient des hommes, mais des femmes et des enfants ont également été abattus. « J’ai perdu deux filles âgées de 15 et 13 ans dans l’attaque », a déclaré une femme âgée de 48 ans. « Nous étions allées près de la tranchée pour chercher des feuilles de baobab pour cuisiner, mais lorsque les tirs ont commencé, elles n’ont pas pu s’échapper. »
« Nous avons reçu 186 personnes blessées par balle », a déclaré une source médicale. « Parmi elles, 30 femmes et 20 enfants, âgés entre 7 et 10 ans, ont perdu la vie. »
« Ce que j’ai vu était affreux, des piles de cadavres, des blessés qui saignaient et criaient », a témoigné la femme âgée de 42 ans dont les frères étaient restés dans la tranchée. « J’étais en état de choc en marchant devant les cadavres partout pendant que je cherchais désespérément mes deux frères. »
Les morts, les blessés et les enterrements
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le GSIM a déclaré que « ceux que nous avons ciblés ... font partie des milices les plus anciennes et les plus malveillantes du Burkina Faso.... [Barsalogho] a participé aux massacres les plus importants et les plus horribles commis dans cette province, comme le tristement célèbre massacre du ‘‘Yirgou’’ au cours duquel près de 300 Peuls ont été tués par les seules milices de Barsalogho ». Human Rights Watch avait documenté des meurtres à Yirgou, où les Koglweogo, un groupe burkinabè d’auto-défense, avaient tué des dizaines de Peuls en janvier 2019.
Les affirmations du GSIM contredisent les conclusions de Human Rights Watch selon lesquelles la grande majorité des victimes étaient des civils.
Le Collectif Justice pour Barsalogho, formé par des habitants après l’attaque, a déclaré que jusqu’à 400 civils avaient été tués. La chaîne d’information CNN, citant une évaluation sécuritaire du gouvernement français, a fait état d’environ 600 personnes tuées à Barsalogho.
Si Human Rights Watch est en mesure de confirmer un bilan provisoire d’au moins 133 morts grâce à l’analyse de vidéos, le nombre total de personnes tuées et blessées n’a pas pu être confirmé. Cependant, des témoins ont déclaré avoir vu entre 200 et 350 corps entassés à la mairie de Barsalogho, où les survivants ont emmené les corps après le départ des combattants du GSIM.
« C’était un bain de sang », a raconté une jeune femme âgée de 18 ans qui a perdu deux proches membres de sa famille et quatre amis dans l’attaque. « J’ai vu jusqu’à 300 corps lorsque je me suis rendue à la mairie pour identifier les membres de ma famille qui avaient été abattus lors de l’attaque. »
Des témoins ont déclaré que la plupart des corps avaient été enterrés le jour de l’attaque et le lendemain dans des tombes individuelles dans les cimetières de la ville. Human Rights Watch a analysé des images satellites montrant une augmentation du nombre de tombes individuelles entre le 28 mai et le 29 août dans au moins trois cimetières de la ville, dont un situé à moins d’un kilomètre de la base militaire de Barsalogho.
« J’ai perdu mon fils dans l’attaque, ainsi que quatre amis proches, tous des hommes, âgés de 26 à 71 ans », a indiqué un agriculteur âgé de 47 ans. « Ils ont été enterrés le 25 août vers 10 heures au cimetière musulman situé sur la route de Pensa, à environ 800 mètres de Barsalogho. »
Les habitants ont déclaré que les corps de ceux qui n’ont pas pu être identifiés à la mairie ont été inhumés dans une fosse commune creusée à l’aide d’une excavatrice et située à flanc de colline, sur la route menant à Kaya, près d’une antenne de télécommunication. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier cette information, ni l’emplacement de la fosse commune, mais les images satellite analysées par Human Rights Watch montrent aussi une hausse substantielle du nombre de tombes individuelles à moins de 100 mètres de l’antenne de télécommunication à la périphérie de la ville, au sud de Barsalogho, près de la route menant à Kaya, entre le 28 mai et le 29 août.
Click to expand Image De possibles nouvelles tombes individuelles ont été identifiées au sud de Barsalogho, près de la route menant à Kaya. Une augmentation significative du nombre de tombes, telle qu'observée sur les images satellite entre le 28 mai et le 29 août 2024, pourrait être liée à l'attaque survenue le 24 août 2024. Image © 2024 Planet Labs PBC. Analyse et graphiques © 2024 Human Rights WatchTravail forcé, coups et menaces
Des témoins ont déclaré que la construction de la tranchée, censée servir de barrière de protection contre les attaques des groupes armés islamistes, avait été réalisée par des civils non rémunérés.
« Je n’ai jamais vu un soldat ou un VDP creuser », a assuré un homme âgé de 35 ans. « C’était toujours des civils qui faisaient le travail, et aucun d’entre eux n’a jamais été payé pour ça. Les militaires disaient que c’était pour notre sécurité, et que nous devions tous nous mobiliser pour cet effort collectif. »
Selon des témoins, la construction de la tranchée était effectuée sur une base volontaire jusqu’à ce que les travaux de la nouvelle section de tranchée, où l’attaque a été perpétrée, commencent en août.
L’homme âgé de 47 ans a déclaré :
Au début, les habitants de Barsalogho avaient accepté de construire la tranchée. Les militaires émettaient des communiqués appelant à la mobilisation mais, en général, après chaque communiqué, certains creusaient et d’autres non, sans contrainte particulière. Cette fois-ci, c’est par la force que les choses se sont passées. Les soldats ont roué de coups ceux qui tentaient de feindre ou de résister. Ceux qui ne voulaient pas y aller étaient systématiquement frappés. Je l’ai vu de mes propres yeux.
Quatre témoins ont déclaré que le jour de l’attaque, des femmes qui étaient sorties de la ville tôt le matin pour aller chercher de la nourriture avaient repéré un groupe d’hommes armés près du site de l’attaque et alerté les militaires. Cependant, le lieutenant responsable de la base militaire de Barsalogho a répondu qu’il s’agissait de ses soldats.
« Les femmes nous avaient alertés », a déclaré un homme âgé de 28 ans. « Tôt le matin de l’attaque, certaines de nos femmes étaient parties chercher des feuilles avant de revenir nous dire qu’il y avait des terroristes près de la tranchée. Nous avons informé le lieutenant de l’alerte des femmes, mais il nous a répondu que ces hommes armés étaient les siens. »
Réponse militaire à l’attaque
Des témoins ont déclaré que la plupart des soldats stationnés à la base militaire de Barsalogho, à une courte distance du site de l’attaque, sont restés sur place pendant l’attaque, n’envoyant qu’un véhicule militaire et une ambulance pour soutenir leurs collègues à l’avant-poste. Des témoins ont déclaré que les renforts militaires ont été soit tués, soit contraints de prendre la fuite et que, lorsque l’attaque a pris fin, les combattants du GSIM sont repartis avec le véhicule militaire et l’ambulance.
L’homme âgé de 47 ans a déclaré :
Peu de soldats à proximité de la tranchée sont intervenus pour riposter à l’attaque dès le début. Les balles sifflaient de tous les côtés. Il y a eu quelques combats, mais ils n’ont pas duré longtemps. Les VDP ont aidé les militaires à riposter à l’attaque et étaient en première ligne. Au moins quatre d’entre eux que je connaissais personnellement sont morts en défendant leur position.
Une jeune femme âgée de 18 ans a déclaré :
C’est lorsque l’attaque a commencé que j’ai compris que peu de soldats, voire aucun soldat, n’étaient là pour nous sauver.... Ceux de la base ont aidé les quelques personnes qui se trouvaient dans une position plus avancée avec un camion et une ambulance, mais les terroristes les ont déjoués. Je connais certains des soldats qui sont morts.
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a déclaré que la construction de la tranchée « [s’est] déroulé[e] sous la protection » des forces de sécurité et des VDP « déployés tout le long de la tranchée et à proximité en vue de protéger les populations ». Il a ajouté que « pendant l’attaque, il y a eu une riposte des forces combattantes stationnées dans la localité [de Barsalogho] et du renfort venu d’autres localités de même qu’un soutien des vecteurs aériens ».
Aucun des témoins interrogés par Human Rights Watch n’a déclaré avoir vu un soutien aérien de la part de l’armée.
Certains survivants ont reproché à l’armée d’avoir fait courir des risques inutiles aux civils de Barsalogho en les obligeant à creuser la tranchée et de ne pas avoir pris au sérieux leur sécurité en ignorant la mise en garde des femmes.
« La réponse de nos forces de sécurité n’a pas été à la hauteur », a affirmé un agriculteur de 52 ans. « Le jour de l’attaque, les militaires n’ont pas assuré notre sécurité. Ils nous ont livrés aux terroristes. »
« Le fait que l’armée a forcé des gens à creuser [la tranchée] a conduit à ce massacre car ça a fait de nous une cible des terroristes » a conclu un homme âgé de 39 ans. « Ce bain de sang n’est que le résultat de la dépendance très forte des autorités sur les civils pour la sécurité. »
Selon des témoins, les combattants du GSIM n’ont pas attaqué la base militaire de Barsalogho. Human Rights Watch a demandé au GSIM pourquoi elle ne l’avait pas été si les soldats étaient la cible. Le groupe armé a répondu : « Barsalogho est comme une grande caserne militaire, et ses habitants sont tous des combattants […]. Même les femmes ont un rôle à jouer, car elles ouvraient, et ouvrent toujours, la route et servent d’éclaireuses à l’armée. […] Certaines femmes ont même suivi une formation et pris les armes. » Cette déclaration révèle un amalgame dangereux entre personnel militaire et civils de la part du GSIM, en violation des lois de la guerre.
Soins médicaux et assistance matérielle
Des sources médicales et des témoins ont déclaré que l’attaque avait fait jusqu’à 300 blessés. Certains ont été pris en charge au centre de soins de Barsalogho, tandis que les cas les plus graves ont été pris en charge à l’hôpital régional de Kaya, à environ 50 kilomètres de Barsalogho, ou dans la capitale du pays, Ouagadougou.
« Jusqu’à 300 personnes ont été blessées. Le centre de soins de Barsalogho était débordé, des patients étaient allongés dehors, sous les arbres », a déclaré un survivant âgé de 28 ans qui a emmené un ami blessé dans cet établissement. « Les blessés graves ont été évacués vers l’hôpital de Kaya par l’armée à l’aide d’un hélicoptère ou par des proches et des personnes de bonne volonté à moto. »
Le 25 août, le directeur de l’hôpital régional de Kaya a rendu public une note de service demandant des renforts de personnels médical, infirmier et administratif face « à un afflux massif de patients depuis la matinée du 24 août 2024 ».
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a affirmé que « des mesures ont été prises pour une prise en charge sur les plans psychologique, sanitaire et matériel de l’ensemble des familles des victimes et blessés ». Il n’a pas fourni de détails sur l’ampleur de cette assistance. Des blessés et leurs proches ont déclaré que les autorités avaient pris en charge les frais des soins médicaux.
Des survivants et des proches des victimes ont déclaré que le lendemain de l’attaque, des hauts responsables burkinabè, y compris le porte-parole du gouvernement, les ministres de la Sécurité et de l’Action sociale et le chef d’état-major de l’armée, se sont rendus à Barsalogho pour exprimer leur solidarité avec la population locale. « Ils ont remis à chaque chef de famille deux sacs de maïs et un sac de riz », a déclaré un agriculteur âgé de 35 ans qui a perdu deux frères dans l’attaque. « Cela ne comblera pourtant pas le vide et les pertes, » a-t-il ajouté.
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Médias
Le Monde Libération RFI (1) RFI (2) Podcast
DW
TV
TV5Monde Sur X
Fil sur X :
https://x.com/hrw_fr/status/1851259642808012998
28.10.2024 à 19:36
Human Rights Watch
(Bangkok) – Les gouvernements thaïlandais successifs n’ont pas traduit en justice plusieurs anciens fonctionnaires impliqués dans la dispersion violente de manifestants musulmans d’origine malaise dans le district de Tak Bai, dans la province de Narathiwat, il y a vingt ans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; cet incident avait causé la mort de 85 personnes, et des centaines d’autres personnes avaient été blessées. Le délai de prescription de 20 ans a expiré le 25 octobre, empêchant toute nouvelle action en justice.
Le 25 octobre 2004, diverses unités militaires et policières thaïlandaises ont dispersé des milliers de personnes qui manifestaient devant le commissariat de police de Tak Bai, dans le sud de la Thaïlande. Sept manifestants ont été abattus. L’armée a entassé environ 1 300 personnes dans 26 camions militaires pour les emmener dans un centre de détention militaire situé à plus de 150 kilomètres de là, dans la province voisine de Pattani, provoquant la mort par suffocation de 78 personnes. L’armée a détenu les autres personnes pendant plusieurs jours sans leur prodiguer les soins médicaux appropriés, ce qui a entraîné des amputations et d’autres blessures graves.
« Pendant 20 ans, les gouvernements thaïlandais successifs se sont abstenus de traduire en justice les responsables des morts et des blessures horribles survenues lors de l’incident de Tak Bai », a déclaré Sunai Phasuk, chercheur senior auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Pourtant, les victimes de cette répression violente et leurs familles n’ont jamais abandonné leur quête de justice. »
En août et octobre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 20 personnes qui avaient participé à la manifestation de Tak Bai, des femmes dont des proches été tués ou blessés, et des avocats représentant des victimes ou leurs familles. Human Rights Watch a corroboré les informations ainsi obtenues en consultant des documents officiels, des reportages et d’autres témoignages recueillis par des organisations de la société civile et des chercheurs universitaires.
En décembre 2004, une commission d’enquête nommée par le Premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra, avait conclu que les méthodes utilisées pour disperser les manifestants avaient été inappropriées et non conformes aux directives et pratiques internationales. La commission avait également constaté que les commandants n’avaient pas supervisé le transport des manifestants détenus, confiant cette tâche à des militaires inexpérimentés et de rang inférieur.
Après le coup d’État militaire de septembre 2006, le Premier ministre de l’époque, le général Surayud Chulanont, avait publiquement présenté des excuses pour l’incident de Tak Bai et avait promis de demander des comptes aux responsables. Mais au cours des deux dernières décennies, les autorités thaïlandaises n’ont pas traduit en justice les responsables du massacre, malgré des preuves accablantes contre eux.
Le 29 mai 2009, le tribunal provincial de Songkhla a statué, à l’issue de l’enquête post-mortem, que 78 manifestants étaient morts par asphyxie pendant leur transport par l’armée, sans toutefois fournir de détails sur les circonstances précises de leurs décès et sans identifier les responsables. Les familles des victimes ont contesté cette décision. Le 1er août 2013, la Cour suprême a confirmé la décision du tribunal provincial de Songkhla, et a conclu que le personnel de sécurité avait accompli ses fonctions et n’était pas juridiquement responsable.
Les survivants du massacre de Tak Bai et les proches des victimes ont continué à réclamer la justice au niveau pénal. Le 25 avril 2024, les victimes de Tak Bai et leurs familles ont déposé des plaintes pénales directement auprès du tribunal provincial de Narathiwat. Le 23 août, le tribunal a inculpé sept anciens hauts fonctionnaires : le général Pisal Wattanawongkiri (ex-commandant de la quatrième division régionale de l'armée), le général de division Chalermchai Wirunpeth (ex-commandant de la cinquième division d'infanterie), le lieutenant-général Wongkot Maneerin, (ex-directeur du centre de commandement de la police), le lieutenant-général Manot Kraiwong, (ex-chef de la 9ème région de la police provinciale ; le colonel Saksomchai Phutthakul (ex-surintendant du commissariat de police du district de Tak Bai) ; Siva Saengmanee (ex-directeur adjoint du commandement des forces de l’ordre des provinces frontalières du sud) ; et Wichom Thongsong (ex-gouverneur de la province de Narathiwat).
Le procureur général de Thaïlande a engagé une nouvelle procédure pénale le 18 septembre. Une accusation de meurtre a été portée contre le général de division Chalermchai et sept autres individus : le sous-lieutenant Natthawut Loemsai, le lieutenant Wissanukorn Chaisarn, le sergent-major Rattanadet Srisuwan, le lieutenant-colonel Prasert Mutmin, le lieutenant Rithirong Promrith, Wissanu Lertsonkhram et Piti Yankaew. Ces hommes etaient responsables de la conduite et de la surveillance des camions transportant les personnes arrêtées après la dispersion des manifestants de Tak Bai vers le camp militaire.
Toutefois, les 14 accusés dans ces deux affaires pénales ont pris la fuite, et font désormais l’objet de mandats d’arrêt. On ignore où ils se trouvent actuellement, à l’exception de Pisal Wattanawongkiri et Saengmanee Siva. Pisal Wattanawongkiri a demandé un congé de son mandat de député du parti Pheu Thai pour se faire soigner au Royaume-Uni du 26 août au 30 octobre. Saengmanee Siva s'est rendu au Japon le 22 août.
Depuis janvier 2004, le conflit armé entre le gouvernement thaïlandais et les insurgés séparatistes dirigés par le Front révolutionnaire national (Barisan Revolusi Nasional, BRN) dans les provinces de Pattani, Yala, Narathiwat et Songkhla, dans le sud de la Thaïlande, a fait plus de 7 000 morts. Au fil des ans, les insurgés ont fréquemment pris pour cible des civils ainsi que des forces militaires.
Le gouvernement s’est fréquemment abstenu de poursuivre les membres de ses forces de sécurité responsables de tortures, d'homicides illégaux et d'autres abus contre des musulmans d'origine malaise. Dans de nombreux cas, les autorités thaïlandaises ont versé une compensation financière aux victimes ou à leurs familles, en échange de leur promesse de ne pas dénoncer les forces de sécurité ou de ne pas engager de poursuites pénales contre des fonctionnaires.
Paetongtarn Shinawatra a été nommée Première ministre thaïlandaise en août dernier ; son père Thaksin Shinawatra était lui-même Premier ministre à l’époque du massacre de Tak Bai. Paetongtarn Shinawatra devrait honorer son engagement à renforcer l’État de droit en Thaïlande, en adoptant d’urgence un amendement à l’article 95 du Code pénal thaïlandais, qui régit le délai de prescription des infractions pénales. Selon Human Rights Watch, il ne devrait pas y avoir de délai de prescription pour les violations graves des droits humains en vertu du droit international.
« Le massacre de Tak Bai n’est qu’un des nombreux cas au cours des deux dernières décennies dans lesquels les responsables de graves abus dans le sud de la Thaïlande ont échappé aux poursuites », a conclu Sunai Phasuk. « La Première ministre Paetongtarn Shinawatra devrait empêcher qu’une telle injustice ne se reproduise, en supprimant le délai de prescription pour les violations graves des droits humains. »
Communiqué plus détaillé en ligne en anglais.
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28.10.2024 à 05:30
Human Rights Watch
(Nairobi) – Pour faire face aux crises dans l’est de la République démocratique du Congo et au Soudan, les dirigeants africains devraient mettre en avant des solutions axées sur les droits humains lors du 23ème Sommet du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Common Market for Eastern and Southern Africa, COMESA) prévu à Bujumbura, au Burundi, le 31 octobre 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Les participants au sommet devraient discuter des mesures à prendre pour mettre fin aux atrocités commises par le groupe armé M23 et les forces militaires rwandaises et les forces de sécurité congolaises et les milices alliées dans l'est de la RD Congo, et promouvoir la responsabilisation. Ils devraient également soutenir le déploiement d'une mission au Soudan pour protéger les civils et mettre fin aux atrocités en cours.
« Le sommet du COMESA est une opportunité cruciale pour les dirigeants africains de s’attaquer aux crises qui affectent la RD Congo, le Soudan, ainsi qu’ailleurs dans la région, et de formuler des solutions claires et concrètes visant à la protection des civils », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les participants devraient également discuter de la façon dont l'impunité a contribué aux abus ainsi que de la nécessité de traduire en justice les responsables pour mettre fin à ces atrocités. »
Le sommet marque le 30ème anniversaire du COMESA, la plus grande organisation économique régionale d'Afrique, avec 21 États membres, dont le Burundi, la RD Congo, l’Éthiopie, le Rwanda et le Soudan. Au sommet, le président du Burundi, Évariste Ndayishimiye, succèdera au président de la Zambie, Hakainde Hichilema, à la présidence du COMESA. Les objectifs du COMESA sont de solidifier l'intégration économique, prévenir les conflits et promouvoir le développement. Son programme pour le sommet inclut des discussions sur la paix, la sécurité et la gouvernance et les conflits à l’est de la RD Congo, au Soudan et ailleurs dans la région.
En RD Congo, le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, a commis de nombreux abus, y compris des meurtres de civils, des viols, des pillages et des destructions de biens. En 2024, l'armée rwandaise et le M23 ont bombardé sans discernement des camps de déplacés ainsi que d'autres zones à population dense près de Goma, dans le Nord-Kivu. L'armée congolaise et des milices alliées ont augmenté les risques pour les personnes déplacées en déployant de l'artillerie lourde près des camps. Des soldats congolais et combattants alliés, dont une coalition de milices connue pour ses abus du nom de « Wazalendo » (« patriotes » en swahili), ont commis des meurtres, des viols et d’autres violences sexuelles, et ont arbitrairement détenu des personnes déplacées.
La récente annonce de la Cour pénale internationale (CPI) sur la réactivation des enquêtes en RD Congo, qui porteront en priorité sur les crimes commis dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022, augmente la probabilité que justice soit faite pour les victimes, a déclaré Human Rights Watch. La reprise des enquêtes pourrait être l’occasion de remédier à l’absence de justice qui alimente les abus graves commis au Nord-Kivu, en Ituri et dans d’autres régions de la RD Congo. Les dirigeants du COMESA devraient discuter de la meilleure façon de soutenir l'enquête de la CPI.
Les dirigeants du sommet devraient également examiner le rôle joué par d'autres pays de la région, notamment l'Ouganda et le Burundi, récemment nommés dans un rapport par le Groupe d'experts des Nations Unies sur la RD Congo. Ils devraient appeler les gouvernements rwandais et congolais, ainsi que les pays voisins, à mettre fin à leur soutien militaire aux groupes armés qui commettent des abus, y compris le M23 et les Wazalendo, et à enquêter et poursuivre en justice de manière appropriée les commandants responsables d’abus graves.
Au Soudan, Human Rights Watch a documenté un nettoyage ethnique visant les populations Massalit et d’autres groupes non arabes dans la ville d'El Geneina, au Darfour occidental, perpétré par les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) et des milices alliées, des exécutions sommaires de détenus par les deux parties, ainsi que des violences sexuelles généralisées par les RSF à Khartoum. Les deux parties belligérantes utilisent de manière répétitive des armes explosives dans des zones peuplées, tuant et blessant des civils, et plus de 10 millions de personnes ont fui leurs maisons, provoquant la pire crise de déplacement interne au monde.
Un quart de la population soudanaise fait face à la famine, toutes les parties faisant obstacle ou bloquant l'aide humanitaire. Le besoin urgent de protéger les civils a été soulevé dans divers forums, dont le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine et l'ONU. Cependant, il n’y a pas encore de mesures concrètes prises pour le déploiement d’un mécanisme pour la protection des civils ou pour une enquête sur la situation des droits humains à El Fasher et dans d'autres zones du Darfour par la Commission africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) en réponse à la demande du CPS le 14 juin.
Les dirigeants africains participant au sommet devraient exprimer publiquement leur soutien à l’enquête de la Commission de l’Union africaine en coordination avec la CADHP et demander que des recommandations sur des mesures concrètes pour la protection des civils soient faites de manière urgente au CPS.
Le sommet devrait mettre la pression sur les autorités soudanaises, les parties belligérantes et les gouvernements voisins pour qu’ils coopèrent avec la mission d’établissement des faits conjointe de la Commission Africaine, ainsi qu’avec la Mission internationale indépendante d’établissement des faits de l’ONU pour le Soudan, dont le mandat a récemment été renouvelé. Ils devraient également encourager les autorités soudanaises et congolaises à coopérer pleinement avec l’Envoyé spécial de l’UA pour la prévention du crime de génocide et des autres atrocités de masse, a déclaré Human Rights Watch.
Le COMESA a été créé au lendemain du génocide rwandais de 1994. Trente ans plus tard, le continent est toujours le théâtre de conflits armés récurrents et d’une détérioration des droits humains dans plusieurs régions.
Lors du sommet, les dirigeants africains devraient également aborder la question des abus continus des droits humains dans d’autres États membres tels que l’Éthiopie, où un conflit armé fait, depuis deux ans, des ravages dans le nord du pays, entraînant d’innombrables atrocités, y compris des crimes contre l'humanité. Les forces gouvernementales continuent de commettre des abus en toute impunité, notamment dans la région d’Amhara ainsi que dans d’autres zones touchées par des conflits. Human Rights Watch a documenté de nombreuses violations des lois de guerre à Amhara, y compris des tueries de masse, l’utilisation apparente de drones par le gouvernement contre les civils, et des attaques contre des travailleurs humanitaires, des établissements de santé et des réfugiés.
Sur le lieu du sommet au Burundi, les groupes de la société civile et les médias indépendants ne peuvent pas fonctionner efficacement. Les journalistes et les défenseurs des droits de l’homme travaillent sous menaces d'arrestation, de poursuites judiciaires et d'emprisonnement. Dans le cadre de son engagement pour le renforcement de la société civile et des médias, le COMESA devrait réaffirmer les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique comme piliers de toute démocratie stable.
« Les valeurs fondamentales du COMESA incluent la promotion et la protection de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi que la reconnaissance et le respect de l'État de droit », a déclaré Carine Kaneza Nantulya. « Plus que jamais, les dirigeants africains doivent faire de ces valeurs une réalité pour tous les africains ».
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Articles
LaLibre.be
26.10.2024 à 22:00
Human Rights Watch
(Beyrouth, le 26 octobre 2024) – La nouvelle offensive israélienne dans le nord de la bande de Gaza déplace et met en danger des centaines de milliers de Palestiniens, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des vidéos, des photographies, des images satellite, des reportages des médias et des rapports d’agences de l’ONU analysés par Human Rights Watch montrent que les civils de cette zone sont gravement exposés au risque de déplacement forcé massif et d’atrocités, lors de frappes contre les derniers lieux de refuge, notamment des abris et des hôpitaux.
Depuis début octobre 2024, Israël a renouvelé ses ordres d’évacuation massive concernant le nord de la bande de Gaza, enjoignant les civils de se rendre vers le sud, notamment vers la « zone humanitaire » d’al-Mawasi. Toutefois, cette zone surpeuplée manque de nourriture, d’abris, d’eau, d’installations sanitaires et de soins médicaux adéquats. Les forces israéliennes ont également fréquemment attaqué cette zone, tuant des civils.
« Les forces israéliennes émettent des ordres d’évacuation du nord de la bande de Gaza, mais ont tout fait afin qu’il n’y ait aucun autre endroit sûr dans le territoire », a déclaré Lama Fakih, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les évacuations dangereuses sont cruelles et illégales, et constituent un prétexte pour de nouveaux crimes contre les civils. »
Israël, en tant que puissance occupante à Gaza, a le devoir de veiller à ce que les civils soient évacués dans des conditions de santé et de sécurité satisfaisantes, y compris des logements adéquats pour les personnes déplacées. Son manquement à cette obligation rend ce type de déplacement illégal.
Les forces israéliennes ont ordonné aux Palestiniens du nord de Gaza de quitter leurs foyers, ainsi que des écoles transformées en abris ; elles ont arrêté des hommes puis ont incendié, attaqué ou occupé militairement ces abris. Selon les médias, et comme le montrent des vidéos examinées par Human Rights Watch, les forces israéliennes ont récemment tué des civils, dont des enfants, qui avaient cherché refuge dans ces abris.
Des photographies et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux entre le 19 et le 23 octobre, vérifiées par Human Rights Watch, montrent des forces israéliennes qui rassemblaient des milliers de Palestiniens dans le nord de la bande de Gaza pour les évacuer ou les placer en détention. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) estime que plus de 60 000 personnes ont été déplacées du nord de Gaza – principalement des villes de Jabaliya, Beit Lahia et Beit Hanoun – depuis début octobre.
Une série de vidéos tournées dans et autour d’une école de Jabaliya, située près d’un bassin d’eaux usées et qui servait d’abri, montre le chaos et le danger de la situation.
Dans une vidéo filmée près de l’école et partagée sur les réseaux sociaux le 21 octobre, on peut entendre le bourdonnement de ce qui semble être un drone tandis qu’une annonce radiodiffusée ordonne aux gens en arabe de « se diriger vers le sud, vers la rue al-Awda » ; des soldats israéliens y sont déployés, et semblent contrôler et arrêter les gens.
L’incident correspond aux descriptions transmises par les médias et sur les réseaux sociaux, ainsi qu’aux ordres d’évacuation transmis le 21 octobre, date à partir de laquelle cette vidéo était visible sur les médias sociaux.
Le 21 octobre, des quadricoptères israéliens ont été utilisés pour donner l’ordre d’évacuer l’enceinte de l’école située près du bassin d’eaux usées à Jabaliya, a rapporté la BBC. Quelques minutes plus tard, une frappe israélienne a touché l’enceinte de l’école, selon une ambulancière qui a décrit les événements à la BBC.
L’ambulancière, Nevine al-Dawawi, qui a filmé les suites de l’attaque sur son téléphone, a déclaré que le quadricoptère « est descendu sur l’école à neuf heures du matin, nous donnant un ultimatum pour partir à 10 heures ». Dix minutes plus tard, a-t-elle déclaré, les forces israéliennes ont attaqué. Elle a nié que Hamas utilisait les gens comme des boucliers humains, indiquant qu’« ils nous protégeaient et se tenaient à nos côtés ».
Trois vidéos partagées sur X le 21 octobre et analysées par Human Rights Watch montrent une femme portant un sac de fournitures médicales et filmant les effets d’une attaque apparente près de l’enceinte de l’école. Les vidéos montrent des hommes, des femmes et des enfants ensanglantés, gravement blessés ou morts. On peut voir un groupe de personnes s’éloigner de l’abri en transportant leurs affaires.
Beit Hanoun - 14 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch. Beit Hanoun - 24 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch.
Deux images satellite montrant un quartier de Beit Hanoun (nord de la bande de Gaza). À gauche, 14 octobre 2024 : On y voit des tentes servant s’abris pour des civils déplacés. À droite, 24 octobre 2024, après des frappes israéliennes. On n’y voit plus les tentes qui servaient précédemment d’abris. Les deux écoles du quartier sont endommagées. Des talus de terre ont été érigés par l’armée israélienne, non loin d’une vingtaine de véhicules militaires israéliens.
Pendant plusieurs jours à Beit Hanoun, au nord-est de Jabaliya, des soldats israéliens ont rassemblé des Palestiniens à proximité de la rue al-Awda, près de l’Hôpital indonésien et de quelques écoles utilisées comme abris ; certains Palestiniens ont été autorisés à poursuivre leur évacuation de la zone, d’autres ont été détenus.
Le 19 octobre, le porte-parole de l’armée israélienne en langue arabe, Avichay Adraee, a diffusé sur son compte X des images filmées par un drone, montrant les forces israéliennes rassemblant des Palestiniens devant l’École du Koweït. Le 20 octobre, des photographies publiées sur les réseaux sociaux et vérifiées par Human Rights Watch montraient cette école en feu. Sur l’une des photos, trois personnes portant des uniformes et des équipements conformes à ceux de l’armée israélienne regardent l’école brûler.
Le 23 octobre, Avichay Adraee a diffusé sur son compte X de nouvelles images filmées par un drone et montrant l'école en ruines, noircie par le feu. Plusieurs personnes sont regroupées devant l’école ; d'autres marchent devant des décombres, un terrain rasé et des véhicules militaires israéliens.
Une photo publiée sur X le 21 octobre et géolocalisée par Human Rights Watch montre l'École d'Alep, de l'autre côté de la rue à Jabaliya, également en feu.
Des médecins de l'Hôpital indonésien ont déclaré à Reuters le 22 octobre que les troupes israéliennes ont pris d'assaut une école près de l'hôpital et arrêté des hommes, puis ont mis le feu à cette école.
Jabaliya - 14 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch. Jabaliya - 24 octobre 2024: © 2024 Planet Labs PBC. Analysis and Graphics © 2024 Human Rights Watch.
Deux images satellite montrant un quartier de Jabaliya (nord de la bande de Gaza). À gauche, 14 octobre 2024 : On y voit un camp avec de nombreuses tentes servant s’abris pour des civils déplacés, près d’une zone utilisée par l’armée israélienne, où l'on voit des talus de terre (fortifications militaires) et des véhicules militaires. À droite, 24 octobre 2024, suite aux frappes israéliennes. On n’y voit plus les tentes qui servaient précédemment d’abris. De nombreux immeubles, dont un établissement scolaire, sont endommagés. Davantage de véhicules militaires israéliens et de fortifications terrestres sont visibles, en comparaison avec le 14 octobre. Des champs agricoles semblent avoir été rasés.
Des images satellite prises le 24 octobre et analysées par Human Rights Watch montrent plusieurs autres établissements scolaires et autres abris informels à Jabaliya présentant des signes de démolition, de dommages et d'incendies.
De nombreuses tentes étaient visibles, y compris dans des cours d’écoles, sur des images satellite enregistrées le 14 octobre et examinées par Human Rights Watch. Cependant, au 24 octobre, d’autres images satellite montrent que la plupart des tentes ont disparu ou ont été endommagées, et que des véhicules militaires se trouvent dans ou autour des cours d’écoles.
Des photos diffusées sur les réseaux sociaux et publiées par des médias israéliens le 22 octobre montrent des tracts largués par l’armée israélienne sur le nord de Gaza ; ces tracts avertissent les habitants des hôpitaux et des abris qu'ils se trouvent dans une « zone de combat dangereuse » et leur enjoignent de « se diriger vers l'Hôpital indonésien » en passant par la rue al-Awda. Il s'agit de la même zone où des abris semblent avoir été détruits par le feu la veille.
Une vidéo publiée sur la chaîne Telegram des Brigades al-Qassam (affiliées au Hamas) le 22 octobre montre un char israélien roulant sur un engin explosif, selon le texte accompagnant la vidéo, à environ 100 mètres de l’Hôpital indonésien.
Des images satellite enregistrées tôt dans la matinée du 23 octobre montrent une foule de personnes dans la cour de l’École du Koweït marchant vers le sud de Gaza le long de la route de Beit Lahia, rasée, et de la route Salah al-Din, flanquée de véhicules blindés israéliens.
Une photo et une vidéo partagées sur les réseaux sociaux les 22 et 23 octobre par des journalistes israéliens montrent des soldats israéliens bandant les yeux et arrêtant des hommes palestiniens pieds nus, vêtus de combinaisons blanches et les mains liées dans le dos, devant l’École du Koweït.
Au 23 octobre, des images satellite montrent également qu’un grand camp qui abritait des Palestiniens déplacés installé en juillet à côté de la route Salah al-Din, a été rasé. On y voit de nombreux véhicules militaires israéliens. Des champs agricoles, visibles près de la route sur une image satellite prise 10 jours plus tôt, ont également été rasés.
Les Palestiniens de Gaza ont fait l’objet de nombreux ordres d’évacuation au cours des douze derniers mois. Ainsi que l’a souligné Human Rights Watch, les ordres d’évacuation précédents ne tenaient pas compte des besoins des enfants et des personnes handicapées, y compris les enfants en situation de handicap.
Pourtant, les autorités israéliennes ont délibérément coupé l’accès à l’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza pendant deux semaines en octobre, et seule une petite quantité d’aide est arrivée depuis. Le 23 octobre, l’Organisation mondiale de la santé a annulé une campagne de vaccination contre la polio dans le nord de Gaza en raison de « bombardements intenses, de déplacements massifs et du manque d’accès ».
Human Rights Watch a documenté l’utilisation par Israël de la punition collective et de la famine comme arme de guerre, qui sont des crimes de guerre.
Les lois de la guerre exigent que les parties à un conflit « prennent toutes les précautions possibles » pour éviter ou minimiser les pertes accidentelles de vies civiles et les dommages aux biens civils. Ces précautions consistent notamment à faire tout ce qui est possible pour vérifier que les cibles de l’attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens civils, à donner un « avertissement préalable efficace » des attaques lorsque les circonstances le permettent, et à éviter de placer des objectifs militaires dans ou à proximité de zones densément peuplées.
Même si un ordre ou un avertissement d’évacuation a été donné ou qu’un objectif militaire est présent, la partie attaquante doit toujours prendre en compte le risque pour les civils, et éviter de causer des dommages disproportionnés. Les civils qui n’évacuent pas une zone ne perdent pas leur statut de civils devant être protégés, en vertu du droit international humanitaire.
Les évacuations temporaires peuvent être légales si elles sont requises par une nécessité militaire impérative ou la sécurité des civils. Cependant, les évacuations qui ne sont pas justifiées par ces motifs ou qui ne garantissent pas la sécurité et les besoins fondamentaux des civils, ainsi que leur droit de retourner chez eux dès que cela est possible sont interdites ; il s’agit alors d’un déplacement forcé, selon le droit international. Un déplacement forcé commis « avec intention […] ou avec négligence coupable ou imprudence » – est un crime de guerre. Plusieurs responsables israéliens ont appelé à la création de nouvelles colonies juives à Gaza et à la « saisie de territoires » habités par des Palestiniens.
« Forcer des gens à évacuer à nouveau sans assurer leur sécurité est illégal, et le déplacement forcé intentionnel est un crime de guerre », a conclu Lama Fakih. « Lorsqu’une partie qui a commis des crimes de guerre fait des déclarations et prend des mesures qui suggèrent qu’elle est prête à commettre d’autres crimes, nous devons voir une réponse plus sérieuse de la part de la communauté internationale. »
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Articles
Le Monde
24.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Bruxelles, le 24 octobre 2024) – Frontex, l’agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union européenne (UE), devrait utiliser ses moyens de surveillance aérienne pour permettre de sauver les embarcations en détresse à temps, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, en lançant une nouvelle campagne, #AvecHumanité.
« Les avions et les drones de Frontex devraient se servir de leurs capacités de détection en mer Méditerranée pour sauver des vies », a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Alors que des milliers de personnes meurent chaque année en Méditerranée, il est vital que Frontex prenne toutes les mesures possibles pour aider à secourir les personnes se trouvant à bord d’embarcations impropres à la navigation et les transporter vers un lieu sûr. »
#AvecHumanitéAppel à Frontex pour aider à sauver des vies en mer
Site de la campagneAlors que les dirigeants européens intensifient les mesures visant à empêcher les migrants d’arriver sur le territoire de l’UE et à accélérer les refoulements, il est encore plus important de ne pas perdre de vue notre humanité commune, a affirmé Human Rights Watch. Des personnes fuyant des abus et des épreuves continueront d’entreprendre des voyages de plus en plus périlleux, et elles ne devraient pas être abandonnées et condamnées à la noyade.
Actuellement, quand les avions et les drones de Frontex repèrent des embarcations transportant des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants en Méditerranée, l’agence alerte des centres de coordination des secours dans les États membres de l’UE ainsi qu’en Libye et en Tunisie. Toutefois, elle n’informe pas systématiquement les navires de sauvetage non gouvernementaux présents dans la zone en question, et n’émet pas non plus régulièrement de signaux d’urgence pour mobiliser tous les navires situés à proximité. Ceci a conduit à ce que des personnes soient interceptées par les forces libyennes ou tunisiennes et renvoyées de force dans ces pays, où elles risquent de subir de graves violations de leurs droits humains. Le fait de ne pas transmettre de signaux d’urgence systématiques peut aussi contribuer à des retards d’intervention qui auraient été évitables et à de tragiques naufrages.
Au cours de la dernière décennie, plus de 30 500 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée, selon l’Organisation internationale pour les migrations, dont au moins 1 600 (mortes ou disparues) depuis janvier 2024.
En 2022, une analyse des opérations de surveillance aérienne de Frontex réalisée par Human Rights Watch et Border Forensics a permis de conclure que les pratiques de l’agence la rendaient complice de cas bien documentés d’arrestation abusive et de détention arbitraire à durée indéterminée, et d’autres graves violations des droits humains, en Libye. En septembre 2024 sur le navire de sauvetage Geo Barents de Médecins Sans Frontières (MSF), Human Rights Watch a mené des entretiens approfondis avec 11 personnes qui venaient d’être secourues.
Toutes ont affirmé avoir subi des abus, notamment des violences sexuelles, du travail forcé et des passages à tabac, dans des centres de détention officiels libyens ou lors de leur captivité aux mains de trafiquants. La sage-femme du navire a déclaré que deux des femmes qui avaient été secourues avaient découvert qu’elles étaient enceintes après avoir été violées. Plusieurs des personnes interrogées avaient été détenues plusieurs fois après avoir été interceptées en mer.
Un jeune homme éthiopien âgé de 20 ans qui fuyait le conflit dans la région Amhara en Éthiopie avait été intercepté plus tôt cette année par les garde-côtes libyens et détenu pendant quatre mois au centre de détention al-Nasr à Zawiya (connu également sous le nom de prison d’Osama). Il a affirmé que le directeur du centre de détention avait exigé 3 000 dollars pour le remettre en liberté. Incapable de payer, il a affirmé qu’il avait travaillé, faisant du nettoyage et agissant comme interprète, jusqu’à ce que le directeur le laisse partir au bout de près de quatre mois. Décrivant la prison, il a dit : « Ils ont capturé de nombreuses personnes en mer, elles doivent payer pour pouvoir partir. »
La coordination de Frontex avec les forces tunisiennes dans le but de permettre des interceptions est également alarmante en raison de la détérioration de la situation dans le pays en matière de droits humains en général, et du risque de graves préjudices pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, a déclaré Human Rights Watch.
Les migrants originaires d’Afrique noire subissent tout particulièrement des mesures de discrimination et des abus de la part des autorités tunisiennes, notamment des expulsions collectives mais, un Syrien âgé de 24 ans a indiqué à Human Rights Watch que lui aussi avait été affecté.
Il a affirmé que les forces tunisiennes s’étaient livrées à des manœuvres dangereuses en mer quand elles ont intercepté son embarcation, en février 2024, avant de l’expulser par la suite, en même temps qu’une centaine d’autres personnes, vers la Libye, où il a été détenu au centre de détention d’al-Assa. Il a dû payer 1 500 dollars pour être libéré. Dans une déclaration conjointe signée le 10 octobre, 64 organisations, dont Human Rights Watch, ont exhorté l’UE à cesser de considérer la Tunisie comme un lieu sûr pour débarquer des personnes secourues en mer.
Le naufrage survenu au large de Pylos en 2023 a démontré comment une définition étroite de la notion de détresse pouvait avoir des conséquences mortelles. Après avoir repéré un chalutier lourdement surchargé dans la zone de recherche et de sauvetage grecque, Frontex a informé les autorités côtières compétentes mais n’a pas émis de signal d’urgence à tous les navires présents dans la zone, car l’agence n’a pas jugé qu’il existait un « risque imminent pour la vie humaine ». Quelques heures plus tard, le chalutier a chaviré et plus de 600 personnes ont péri noyées.
Bien qu’il existe des éléments de preuve indiquant que les garde-côtes grecs ont joué un rôle direct dans ce naufrage, une réaction rapide de la part de Frontex aurait pu permettre d’éviter cette tragédie. Une enquête menée par le Médiateur (Ombudsman) européen a permis de conclure en février 2024 que Frontex avait « des [directives] inadéquates » sur la manière de répondre à des urgences maritimes, « y compris en ce qui concerne l’émission de signaux d’urgence. »
Utilisé de manière appropriée, le soutien des avions et des drones de Frontex pourrait aider à sauver des vies. Par exemple, le 14 octobre 2023, un avion de Frontex a diffusé les coordonnées d’un canot pneumatique surchargé sur les ondes d’une station de radio ouverte, puis est retourné plus tard sur les lieux et a mis à jour ces coordonnées. Le navire de sauvetage de MSF Geo Barents a pu ensuite effectuer un sauvetage de nuit et secourir 64 personnes, dont des femmes et des enfants. Comme l’a souligné Fulvia Conte, qui dirigeait l’équipe de recherche et de sauvetage de MSF, « lorsqu’on a des coordonnées précises, prises du ciel avec une caméra thermique, bien sûr que cela facilite la recherche d’une embarcation ».
Frontex devrait prendre des mesures concrètes pour utiliser ses technologies et son savoir-faire pour sauver des vies, a déclaré Human Rights Watch. L’agence devrait s’assurer que l’emplacement exact des embarcations en détresse repérées par les moyens aériens de Frontex soit transmis systématiquement aux navires de sauvetage présents dans la zone et gérés par des organisations non gouvernementales et émettre plus fréquemment des signaux d’urgence sur la base d’une définition large de la notion de détresse. Les appareils aériens de Frontex devraient également surveiller les cas de détresse et porter assistance si nécessaire.
Par le biais de sa campagne #AvecHumanité, Human Rights Watch demande au public de regarder de plus près les vies et les droits qui sont menacés en mer Méditerranée, ainsi que l’humanité partagée avec les personnes qui entreprennent ces traversées, et exiger que les autorités responsables agissent de manière appropriée. Il s’agit-là de la première partie d’une campagne plus vaste visant à appeler l’UE à abandonner le transfert des responsabilités de ses États membres à des pays tiers comme la Libye, la Tunisie, le Liban, la Turquie et l’Égypte, où les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés risquent de subir des violations de leurs droits humains. Au contraire, l’UE devrait défendre les droits humains et agir plus efficacement pour assurer des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe.
« En mettant en avant les aspirations des personnes qui entreprennent ces dangereux exodes, nous espérons que les Européen·ne·s se joindront à nous pour appeler Frontex à donner la priorité au sauvetage de vies en mer », a conclu Judith Sunderland. « Les garde-côtes européens devraient respecter le droit de l’UE et le droit international, ainsi que notre engagement commun envers l’humanité et la protection de vies humaines. »
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Articles
LaLibre.be Jeune Afrique
23.10.2024 à 22:52
Human Rights Watch
(Beyrouth, le 23 octobre 2024) – Les frappes répétées de l’armée israélienne contre l’association financière Al-Qard al-Hassan, affilié au Hezbollah au Liban, témoignent d’attaques délibérées contre des structures civiles qui constituent des crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les attaques israéliennes menées dans la nuit du 20 octobre ont touché près de 30 immeubles abritant des bureaux appartenant à Al-Qard al-Hassan (AQAH) dans le sud du Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa, selon les médias. Les responsables israéliens ont affirmé qu’Al-Qard al-Hassan fournit des fonds au Hezbollah, lequel est engagé dans un conflit armé avec Israël, sans toutefois maintenir que le groupe financier est lui-même directement impliqué dans les hostilités. L’utilisation par un groupe armé d’une institution financière, d’une association ou d’une banque ne constitue pas une contribution effective à une action militaire ; une telle structure ne constitue donc pas une cible militaire légale, en vertu des lois de la guerre.
« Les frappes répétées de l’armée israélienne contre des institutions financières libanaises constituent une attaque délibérée et illégale contre la branche civile du Hezbollah », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Désigner une institution civile comme cible militaire en raison de son affiliation, plutôt que de sa contribution effective à une action militaire, met en danger toutes les opérations commerciales en temps de guerre. »
Les médias libanais ont signalé au moins trois frappes contre des bureaux d’Al-Qard al-Hassan dans la banlieue sud de Beyrouth, l’une d’entre elles ayant entraîné l’effondrement d’un immeuble de grande hauteur. D’autres bâtiments abritant des bureaux d’Al-Qard al-Hassan ont été frappés dans le sud du Liban, dans la vallée de la Bekaa, à Baalbek dans l’est du Liban, ainsi qu’à Hermel dans le nord du pays.
Un haut responsable des services de renseignement israéliens a déclaré aux médias que « le but de ces frappes [contre Al-Qard al-Hassan] est de cibler la capacité du Hezbollah à fonctionner pendant la guerre et [par la suite] … ainsi que l’emprise du Hezbollah sur de larges pans de la société libanaise ». Le 22 octobre, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a affirmé ceci sur X : « La dégradation des capacités du Hezbollah nécessite une campagne à la fois militaire et économique ».
Dans une vidéo publiée sur son compte X le 20 octobre, Avichay Adraee, le porte-parole de l’armée israélienne en langue arabe, a déclaré que « la plupart des sources de financement iraniennes et des revenus indépendants du Hezbollah sont déposées et gérées au sein des branches de l’association Al-Qard al-Hassan ». Adraee a déclaré que cette institution participe au financement des activités du Hezbollah contre Israël, et qu’elle est donc considérée comme une cible militaire. Tout au long de la soirée du 20 octobre, l’armée israélienne a émis au moins 24 avertissements visant l’évacuation de divers bâtiments dans le sud du Liban, la banlieue sud de Beyrouth, la vallée de la Bekaa et Baalbek.
Deux vidéos, géolocalisées par le collectif open source GeoConfirmed et vérifiées par Human Rights Watch, montrent le moment où une frappe aérienne a conduit à l’effondrement d’un immeuble qui abritait un bureau d’Al-Qard al-Hassan à Chiyah, dans la banlieue sud de Beyrouth. Une troisième vidéo vérifiée, tournée le lendemain, montre les décombres du bâtiment. Human Rights Watch a aussi examiné des photographies publiées par le site al-Nahar, qui montrent les dégâts causés aux alentours, et des documents avec le logo d’Al-Qard al-Hassan éparpillés sur le sol.
Deux autres vidéos, également géolocalisées par GeoConfirmed et vérifiées par Human Rights Watch, montrent d’autres immeubles liés à Al-Qard al-Hassan en proie aux flammes au sud de Beyrouth, à Bourj al-Barajneh et à Laylaki.
L’entité Al-Qard al-Hassan, affiliée au Hezbollah, est enregistrée en tant qu’association auprès du ministère de l’Intérieur libanais depuis les années 1980. Elle compterait des centaines de milliers de clients qui reçoivent des prêts garantis à taux zéro, d’un montant allant généralement jusqu’à 5 000 dollars. Al-Qard al-Hassan ne dispose pas de licence de la Banque centrale du Liban pour opérer en tant qu’institution financière, comme l’exigerait la loi libanaise sur la monnaie et le crédit ; l’association détient au moins 30 succursales, la plupart dans des zones à majorité chiite de la banlieue sud de Beyrouth, du sud du Liban et de la vallée de la Bekaa.
En 2007, le Département d’État américain a sanctionné Al-Qard al-Hassan en raison de son utilisation par le Hezbollah pour gérer ses « activités financières et accéder au système financier international ». Selon le Département d’État, le Hezbollah utilise Al-Qard al-Hassan pour transférer des fonds « via des comptes fictifs et des facilitateurs » et fournit « des services caractéristiques d’une banque pour soutenir le Hezbollah, tout en échappant à l’obtention de licences et à la supervision réglementaire appropriées ».
Depuis la crise économique de 2019 au Liban, un nombre croissant de Libanais, dont de nombreux musulmans chiites et partisans du Hezbollah, sont devenus clients d’Al-Qard al-Hassan, qui est considérée comme la « plus grande institution financière non bancaire accordant des microcrédits » dans le pays, selon l’Associated Press. En 2021, l’ancien chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé qu’Al-Qard al-Hassan avait accordé 3,7 milliards de dollars de prêts à 1,8 million de personnes depuis sa fondation dans les années 1980.
En 2023, trois députés libanais ont déposé une plainte auprès du procureur général du pays, alléguant qu’Al-Qard al-Hassan se livrait au blanchiment d’argent et à des malversations financières.
Le droit international humanitaire exige que toutes les parties au conflit fassent la distinction entre les objectifs militaires et les civils ou biens civils, et ne visent que les objectifs militaires. Ceux-ci sont définis ainsi : « En ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis ».
Bien que les déclarations de l’armée israélienne, du Département d’État américain et de Hassan Nasrallah démontrent qu’Al-Qard al-Hassan a des liens avec le Hezbollah et ses partisans, elle reste un objet civil. La « contribution effective » d’Al-Qard al-Hassan aux actions militaires du Hezbollah est trop atténuée pour fournir un « avantage militaire précis » et constituer une cible légitime. Autoriser de telles attaques signifierait de fait que toutes les institutions financières utilisées par toutes les parties au conflit pourraient devenir des objectifs militaires susceptibles d’être attaquées à tout moment, a déclaré Human Rights Watch.
Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou par imprudence – peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Les individus peuvent également être tenus pénalement responsables d’avoir aidé, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre. Tous les gouvernements qui sont parties à un conflit armé sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par des membres de leurs forces armées ou sur leur territoire.
En avril, le Conseil des ministres du Liban a demandé au ministère libanais des Affaires étrangères de déposer une déclaration auprès du greffier de la Cour pénale internationale (CPI) acceptant la compétence de la Cour sur les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023. Cependant, le ministère n’a jamais donné suite à cette demande et fin mai, le gouvernement a annulé sa décision initiale. Le Liban devrait d’urgence reconnaître la compétence de la CPI, afin de conférer au Procureur de la Cour un mandat pour enquêter sur les crimes internationaux graves commis au Liban.
Les alliés d’Israël devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d’armes à Israël, étant donné qu’ils ont été utilisés à plusieurs reprises pour commettre de graves violations des lois de la guerre, a déclaré Human Rights Watch.
« Le ciblage par l’armée israélienne d’associations et de groupes en raison de leur affiliation au Hezbollah viole les lois de la guerre ; en outre, étant donné que ces entités fournissent des services à des centaines de milliers de personnes au Liban, ces attaques risquent aussi de punir des personnes qui dépendent de ces services pour leur vie quotidienne », a conclu Ramzi Kaiss.
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23.10.2024 à 04:00
Human Rights Watch
(New York, 22 octobre 2024) – Suite a l’émission d’un mandat d’arrêt contre l’ex-Première ministre Sheikh Hasina, le gouvernement intérimaire du Bangladesh devrait modifier la loi sur le Tribunal international des crimes afin de garantir un processus judiciaire équitable et impartial, a recommandé Human Rights Watch dans une lettre adressée le 21 octobre au ministère bangladais du Droit, de la Justice et des Affaires parlementaires.
Le 17 octobre, le Tribunal international des crimes du Bangladesh (International Crimes Tribunal, ICT) a émis des mandats d’arrêt contre Sheikh Hasina et 44 autres personnes, dont des membres de haut rang de son cabinet. Mohammad Tajul Islam, le procureur en chef du tribunal, a déclaré que Sheikh Hasina « était à la tête de ceux qui ont commis des massacres, des meurtres et des crimes contre l’humanité », lors de leur réponse aux manifestations de masse contre son gouvernement en juillet et en août. Selon le ministre de la Santé du gouvernement intérimaire, plus de 1 000 personnes ont été tuées et plusieurs milliers d’autres manifestants ont été blessés en raison de l’utilisation excessive et indiscriminée de balles réelles par les forces de sécurité, et lors d’attaques violentes menées par des partisans du parti au pouvoir. Sheikh Hasina, qui a fini par démissionner et a fui en Inde, a reçu l’ordre de comparaître devant le tribunal d’ici le 18 novembre.
« Sheikh Hasina et d’autres personnes qui avaient des responsabilités de commandement devraient faire l’objet d’une enquête, être jugées et, si elles sont reconnues coupables, être tenues responsables des abus généralisés commis lors des manifestations de juillet et d’août », a déclaré Julia Bleckner, chercheuse senior auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « La prise de mesures pour garantir des procès équitables permettrait de renforcer le processus de reddition de comptes, et constituerait le seul moyen de rendre une véritable justice aux victimes et à leurs familles. »
Le Tribunal international des crimes, qui a été établi sous le gouvernement de Sheikh Hasina en 2010 pour juger les crimes contre l’humanité commis au Bangladesh pendant la guerre de libération de 1971, a dans le passé été marqué par de nombreuses violations des normes relatives aux procès équitables. Parmi ces violations figuraient l’insuffisance de la collecte de preuves, le manque d’indépendance des juges dont certains étaient suspectés de collusion avec les procureurs, la subornation de témoins, le déni des droits de la défense, des cas de « disparition forcée » de proches des accusés, et le recours à la peine de mort.
Le Tribunal a demandé à l’Inde de procéder à l’extradition de Sheikh Hasina vers le Bangladesh afin qu’elle puisse y être jugée, en vertu de l’accord d’extradition précédemment conclu entre les deux pays. Plusieurs autres ex-dirigeants bangladais accusés par le Tribunal ont également fui vers l’Inde, ou vers d’autres pays. L’Inde et les autres pays concernés devraient soutenir le processus judiciaire du Bangladesh en adhérant aux accords d’extradition, une fois que le gouvernement bangladais aura décrété un moratoire sur la peine de mort, garanti la sécurité des accusés et agi pour assurer la tenue d’un procès équitable conformément aux normes internationales, a déclaré Human Rights Watch.
Suite du communiqué en ligne en anglais.
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22.10.2024 à 11:15
Human Rights Watch
(Nairobi) – La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) devrait se concentrer sur les problèmes les plus urgents auxquels est confronté le Burkina Faso lors de l'examen du pays qui aura lieu le 23 octobre 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le gouvernement burkinabè devrait de toute urgence protéger les civils affectés par le conflit armé, préserver l'espace civique pour les activistes, les journalistes et l'opposition politique, et veiller à ce que les auteurs de graves abus rendent des comptes.
La procédure d’examen des rapports des États, un mécanisme de l'Union africaine établi pour évaluer la conformité des États membres à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, exige des pays qu'ils soumettent des rapports réguliers détaillant les mesures, y compris législatives, prises pour faire respecter les droits consacrés par la Charte. Certains enjeux actuels en matière de droits humains au Burkina Faso ne sont pas ou peu abordés dans le rapport de mai 2023 soumis par les autorités du pays et qui couvre la période 2015-2021. Ces enjeux incluent les abus généralisés commis par les forces de sécurité de l'État et les groupes armés islamistes dans le cadre du conflit, les restrictions des droits et libertés fondamentaux et l'impunité généralisée.
« L'examen du Burkina Faso par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples offre une occasion unique de dialoguer avec les autorités burkinabè sur leurs pratiques en matière de droits humains », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer pour l'Afrique à Human Rights Watch. « La CADHP devrait pousser les autorités burkinabè à donner la priorité à la protection des civils lors des opérations militaires, et à garantir le respect du droit international humanitaire. »
Le Burkina Faso lutte contre une insurrection menée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis que ces groupes armés ont envahi le pays depuis le Mali en 2016. Le Burkina Faso a connu deux coups d'État militaires depuis 2022.
Le rapport du Burkina Faso décrit les mesures prises pour lutter contre « l'extrémisme violent » et le terrorisme, telles que la création d’un pôle chargé de l’enquête et de la poursuite des infractions de terrorisme, ainsi que la mobilisation de prévôts responsables de la discipline des militaires et de la protection des droits des détenus. Le rapport indique également que les forces de sécurité reçoivent une formation en matière de droits humains et de droit international humanitaire afin de prévenir les abus, et que les responsables d'« actes inhumains ou dégradants » sont tenus de rendre compte de leurs actes.
Human Rights Watch a documenté de graves abus commis par les forces de sécurité burkinabè lors d'opérations de contre-insurrection tout au long de la période couverte par le rapport et depuis lors, y compris des crimes contre l'humanité. Les soldats ont tué illégalement et fait disparaître de force des centaines de civils qu'ils accusaient de collaborer avec des groupes armés islamistes.
Les groupes armés islamistes ont commis de graves abus contre les civils, notamment des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des enlèvements et des pillages, et continuent d'assiéger de nombreuses villes et villages dans le pays.
En avril 2023, la CADHP a publié un communiqué à la suite du massacre de dizaines de civils présumément par les forces de sécurité dans le village de Karma, dans la province du Yatenga, exhortant les autorités à ouvrir des enquêtes et à « assurer la protection des civils ». En novembre 2023, le Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique de la CADHP a signé une lettre d'appel urgent à la suite d'une attaque contre des civils dans le village de Zaongo, dans la province du Namentenga, demandant également l'ouverture d'une enquête.
En vertu du droit international, la responsabilité première d'assurer la justice pour les crimes les plus graves incombe au gouvernement burkinabè. Pourtant, il n'a fait que de faibles progrès en matière d'enquêtes, et encore moins en matière de poursuites judiciaires, contre les responsables des nombreux graves crimes commis dans le cadre du conflit armé depuis 2016. Le rapport du Burkina Faso ne fournit aucune information sur les enquêtes relatives aux abus présumés commis par les forces de sécurité gouvernementales au cours de la période couverte, ni sur d'éventuelles procédures judiciaires.
Le rapport mentionne également des mesures prises pour faire respecter les droits civils et politiques, notamment une loi de juin 2017 destinée à protéger les défenseurs des droits humains. Toutefois, les autorités burkinabè ont restreint les droits civils et politiques au cours de la période couverte par le rapport et depuis lors, a déclaré Human Rights Watch.
Depuis sa prise de pouvoir en 2022, la junte a systématiquement réprimé les activistes, les membres des partis d'opposition, les journalistes et ses détracteurs. Human Rights Watch a largement documenté le recours à la conscription illégale pour réduire au silence les dissidents, ainsi que les enlèvements et disparitions forcées de dizaines de détracteurs du gouvernement et de dissidents.
En décembre 2023, la CADHP s'est déclarée préoccupée par l'enlèvement de l'éminent défenseur des droits humains Daouda Diallo et par les « actes d’intimidation, de harcèlement judicaire et de représailles » à l'encontre de tous les défenseurs. En juillet, elle a dénoncé la disparition forcée présumée de trois journalistes burkinabè, appelant les autorités à fournir des informations sur le lieu où ils se trouvent et à les libérer. Les autorités n'ont fourni aucune information sur le lieu où se trouvent les journalistes, malgré les demandes de leurs familles et de leurs avocats.
La CADHP ne s'est pas rendue au Burkina Faso depuis plusieurs années. Elle devrait envisager de demander l'autorisation d'effectuer une visite officielle afin d'évaluer la situation des droits humains et de publier un rapport complet, a déclaré Human Rights Watch.
« La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples devrait discuter de manière approfondie des graves abus commis par les forces de sécurité burkinabè et par les groupes armés islamistes, ainsi que de la nécessité d'assurer la reddition des comptes », a conclu Allan Ngari. « La CADHP devrait également recommander des mesures concrètes pour garantir la protection des activistes, des journalistes et des opposants politiques au Burkina Faso, afin de leur permettre d'effectuer leur travail sans crainte. »
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Articles
DW
22.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 11 octobre, la Haute Cour britannique a rendu une ordonnance autorisant un défenseur des droits humains saoudien vivant au Royaume-Uni à porter plainte contre le gouvernement saoudien pour avoir utilisé contre lui des logiciels espions, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Yahya Assiri, un éminent défenseur des droits humains saoudien, affirme que les autorités saoudiennes l’ont ciblé par le biais de logiciels espions entre 2018 et 2020.
L’ordonnance de la Haute Cour permet à Yahya Assiri de porter plainte contre l’Arabie saoudite dans le cadre du système juridique britannique. Le 28 mai, Assiri avait déposé une plainte contre l’Arabie saoudite pour l’avoir ciblé avec des logiciels espions ; dans sa plainte, il affirmait que le gouvernement saoudien l’avait harcelé, avait utilisé à mauvais escient ses informations privées et avait interféré de manière abusive avec ses téléphones portables.
« Le gouvernement saoudien est accusé d’avoir utilisé le logiciel espion Pegasus de NSO Group pour surveiller et réduire au silence des défenseurs des droits humains saoudiens pendant des années en toute impunité », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l’Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Le procès intenté par Yahya Assiri devant un tribunal britannique est un pas important vers la reddition de comptes par le gouvernement saoudien après des années de répression transnationale et de violations répétées des droits humains. »
Des personnes ayant critiqué le gouvernement saoudien et des dissidents ont publiquement exprimé leurs inquiétudes quant à l’utilisation par les autorités saoudiennes de technologies de surveillance pour pirater leurs appareils et leurs comptes en ligne. Dans sa plainte, Assiri a déclaré que le gouvernement saoudien avait ciblé ses appareils avec des logiciels espions à plusieurs reprises entre 2018 et 2020.
Yahya Assiri est un éminent militant saoudien des droits humains qui a fondé l’organisation saoudienne de défense des droits humains ALQST, basée à Londres ; il avait précédemment été un membre fondateur du Parti de l’Assemblée nationale, un parti d’opposition saoudien. En 2013, il a quitté l’Arabie saoudite est s’est installé au Royaume-Uni, par crainte pour sa sécurité en raison de son travail en faveur des droits humains, et y a obtenu l’asile en 2017.
L’ordonnance émise par la Haute Cour du Royaume-Uni constitue une étape importante vers l’obligation de rendre des comptes pour les attaques présumées du gouvernement saoudien contre Assiri, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements de divers pays devraient interdire la vente, l’exportation, le transfert et l’utilisation de technologies de surveillance jusqu’à ce que des mesures de protection des droits humains soient mises en place.
En 2018, Citizen Lab, un centre de recherche universitaire basé au Canada, a conclu que les messages suspects reçus par Assiri semblaient représenter des tentatives d’infecter l’un des ses téléphones portables « avec le logiciel espion Pegasus de NSO Group ». Assiri et ses avocats affirment que le gouvernement saoudien a infecté un autre téléphone portable d’Assiri avec un logiciel espion fabriqué par une autre société israélienne, QuaDream, en 2018. Ils ont déclaré qu’en juillet 2020, un autre appareil d’Assiri a été piraté à l’aide de Pegasus.
Le logiciel Pegasus est fabriqué et vendu par la société israélienne NSO Group. Cette société affirme qu’elle n’accorde de licence pour Pegasus qu’à des gouvernements. Les clients de NSO Group installent subrepticement le logiciel espion Pegasus sur les téléphones portables des personnes ciblées. Une fois que le logiciel Pegasus est installé sur un appareil, le client peut le transformer en un puissant outil de surveillance en obtenant un accès complet à sa caméra, ses appels, ses médias, son microphone, ses e-mails, ses SMS et d’autres fonctions, permettant de surveiller la personne ciblée et ses contacts.
Suite du communiqué en ligne en anglais.
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17.10.2024 à 21:55
Human Rights Watch
(New York) – Les autorités chinoises devraient immédiatement libérer le cinéaste ouïghour Ikram Nurmehmet, qui a été condamné à six ans et demi de prison après avoir été reconnu coupable d’accusations à motivation politique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Play VideoEn janvier 2024, le tribunal populaire intermédiaire d’Ürümqi, au Xinjiang, a prononcé cette peine contre Ikram Nurmehmet, âgé de 33 ans, selon les informations transmises à Human Rights Watch par des sources ayant connaissance de cette affaire ; le tribunal l’a reconnu coupable de « participation active à des activités terroristes », alors qu’il étudiait en Turquie entre 2010 et 2016. Lors de son procès, Nurmehmet a affirmé qu’il avait été détenu dans une pièce sombre pendant 20 jours et torturé jusqu’à ce qu’il fasse de faux aveux, qui avec son permis de séjour en Turquie ont été utilisés comme base de sa condamnation. Ses parents et sa femme ont été autorisés à assister à la première phase du procès en janvier, mais ce n’est que le 23 août, environ sept mois après sa fin, que les autorités les ont notifiés de sa condamnation.
« Plus de sept ans après que le gouvernement chinois a lancé au Xinjiang sa campagne abusive “Frapper fort”, les autorités continuent de poursuivre de jeunes Ouïghours comme Ikram Nurmehmet sur la base d’accusations à motivation politique », a déclaré Maya Wang, directrice adjointe pour la Chine à Human Rights Watch. « Ikram Nurmehmet et les centaines de milliers d’Ouïghours emprisonnés à tort devraient être immédiatement libérés. »
Ikram Nurmehmet est actuellement détenu au centre de détention n°1 d’Ürümqi. Quatre autres Ouïghours dont les noms n’ont pas été divulgués ont également été condamnés dans le cadre de la même affaire.
Le Code de procédure pénale chinois interdit l’utilisation de preuves obtenues sous la torture. Pourtant, dans la pratique, les juges rejettent rarement de telles preuves viciées, et n’acquittent presque jamais les accusés qui ont été torturés pour leur extorquer des aveux. Lors des campagnes politiques ciblant des types particuliers de crimes, dont la campagne « Frapper fort contre le terrorisme et l’extrémisme » menée au Xinjiang depuis fin 2016, la police, le parquet et le système judiciaire sont souvent soumis à une pression énorme pour coopérer, ignorer les normes juridiques et recourir à la torture pour engager des poursuites.
Dans le cadre de la campagne « Frapper fort », les autorités du Xinjiang décrété que des liens avec certains pays étrangers étaient susceptibles de constituer une infraction punissable par la loi ; ils ont ainsi ciblé les Ouïghours et d’autres personnes turciques ayant des liens avec l’un des pays figurant sur une liste officielle de 26 pays qualifiés de « sensibles », dont la Turquie et d’autres pays à majorité musulmane. Des Ouïghours qui se sont rendus dans ces pays, par exemple pour visiter des proches qui y vivent, ou qui ont simplement communiqué avec des personnes vivant dans ces pays, ont été interrogés et détenus ; dans plusieurs cas, ils ont été poursuivis et condamnés a des peines de prison.
La campagne contre les Ouïghours ayant des liens avec l’étranger semble se poursuivre, a déclaré Human Rights Watch. En août dernier, Tahir Imin, un activiste ouïghour basé aux États-Unis, a indiqué que le tribunal populaire intermédiaire d’Ürümqi avait condamné ses six partenaires commerciaux au Xinjiang à des peines de 12 à 15 ans de prison pour « séparatisme », simplement en raison de leurs liens avec lui.
« Alors que le gouvernement chinois rejette toute allégation concernant ses abus au Xinjiang, des Ouïghours continuent d’être condamnés à de longues peines de prison à l’issue de procès iniques », a conclu Maya Wang. « Les autres gouvernements devraient évoquer auprès des responsables chinois les affaires d’Ikram Nurmehmet et des associés de Tahir Imin, faire pression pour leur libération immédiate et appeler à la fin de la répression contre les Ouïghours. »
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17.10.2024 à 20:03
Human Rights Watch
(Nairobi) – Les récents combats entre les forces gouvernementales éthiopiennes et les milices Fano dans la région d’Amhara, dans le nord-ouest du pays, ont mis en grand danger les réfugiés soudanais vivant dans des camps près de la frontière soudanaise et a proximité, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le gouvernement éthiopien devrait renforcer la protection des réfugiés, qui, depuis plus d’un an, sont victimes d’abus perpétrés par des hommes armés non identifiés, par des milices, et plus récemment, par les forces gouvernementales.
Depuis le déclenchement du conflit armé au Soudan en avril 2023, des dizaines de milliers de Soudanais et des ressortissants d’autres pays ont cherché refuge en Éthiopie. Beaucoup se sont d’abord rendus dans deux camps de réfugiés de la région d’Amhara, où des hommes armés et des milices locales ont commis des meurtres, des passages à tabac, des pillages, des enlèvements contre rançon et ont soumis des réfugiés à des travaux forcés. En juillet 2024, les autorités éthiopiennes et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ont relocalisé des milliers de réfugiés dans un nouveau camp à Amhara. Depuis début septembre, la milice Fano, un groupe armé amhara, affronte les forces fédérales à proximité des sites de réfugiés et occupe certains sites, exposant les réfugiés à un risque accru d’attaques.
« Les réfugiés soudanais en Éthiopie sont la cible d’abus depuis plus d’un an de la part de divers acteurs armés », a déclaré Laetitia Bader, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Ces réfugiés ont fui les terribles abus dont ils ont été victimes chez eux et ont besoin de toute urgence d’une protection, et non de nouvelles menaces pour leur vie. »
Entre mai et septembre, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 20 réfugiés soudanais dans trois camps de réfugiés et dans un centre de transit de la région d’Amhara, et s’est entretenu avec des militants et des travailleurs humanitaires soudanais. Human Rights Watch a également analysé des images satellite des camps et du centre de transit, ainsi que des vidéos et des photographies envoyées aux chercheurs ou publiées en ligne. Human Rights Watch a envoyé ses conclusions préliminaires au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et aux Services d’aide aux réfugiés et aux rapatriés (Refugee and Returnee Services, RRS) du gouvernement éthiopien, et a reçu des réponses respectivement le 25 septembre et le 8 octobre.
Depuis juin 2023, des hommes armés non identifiés et des milices locales ont pris pour cible à plusieurs reprises les réfugiés dans les camps d’Awlala et de Kumer, dans la zone de Gonder Ouest, commettant de graves abus, dont au moins trois meurtres. Le gouvernement fédéral a établi ces camps dans des zones où la criminalité et les escarmouches récurrentes entre communautés locales étaient monnaie courante, avant même que le conflit n’éclate en Amhara, mais il n’a alors assuré qu’une sécurité limitée dans les camps, a constaté Human Rights Watch.
Le 1er mai, après des mois d’incidents violents, plus de 1 000 réfugiés soudanais ont quitté les camps en signe de protestation, dans l’intention de rejoindre le bureau du HCR dans la ville de Gonder. La police éthiopienne a bloqué les réfugiés, les obligeant à s’abriter dans une zone boisée le long de la route.
« Nous voulions être en sécurité lorsque nous avons quitté le Soudan, mais les coups et les vols [en Éthiopie] ont été très durs pour nous », a déclaré un réfugié de 45 ans. « Nous vivons cela depuis un an, et chaque fois que les [autorités éthiopiennes] promettent quelque chose, rien ne change. Nous n’en pouvions plus. »
Fin juillet, le HCR et l’agence éthiopienne RRS ont transféré plus de 2 000 réfugiés d’Awlala et de Kumer vers le nouveau site d’Aftit, également dans la zone de Gonder Ouest. De nombreux réfugiés qui s’étaient abrités dans la forêt d’Awlala ont refusé d’être transférés vers Aftit, par crainte de nouvelles violences. Cependant, des hommes armés les ont ensuite attaqués presque quotidiennement, les obligeant à quitter la forêt le 8 août et à se diriger vers la ville de Metemma, près de la frontière soudanaise.
Les autorités éthiopiennes les ont d’abord autorisés à installer des abris temporaires au bord de la route, mais le 21 août, les forces éthiopiennes ont ordonné aux réfugiés de se rendre au centre de transit de Metemma. Lorsque les réfugiés ont refusé, les forces de sécurité ont détruit leurs abris de fortune et les ont battus.
« J’ai été frappé sur les côtes droites cinq fois », a déclaré un réfugié de 45 ans. « Mes enfants pleuraient. Quelqu’un a demandé à l’armée et à la police d’arrêter de me frapper devant mes enfants. Ils ont commencé à nous insulter, en disant que si nous ne voulions pas rester en Éthiopie, nous devions retourner dans notre pays, au Soudan. »
Plusieurs centaines de ces réfugiés ont été renvoyés au Soudan. Le HCR a déclaré qu’ils étaient rentrés volontairement, bien que plusieurs réfugiés aient déclaré à Human Rights Watch que les forces de sécurité gouvernementales les avaient renvoyés de force au Soudan, notamment en séparant certaines familles au passage. Le RRS a déclaré qu’il n’y avait « aucune raison de renvoyer des réfugiés au Soudan, car la situation là-bas ne permet pas le rapatriement ».
Le 1er septembre, les combats entre Fano et l’armée éthiopienne se sont intensifiés près du centre de transit de Metemma et du camp d’Aftit.
L’Éthiopie est un État partie à la Convention des Nations Unies sur les réfugiés et à la Convention africaine de 1969 sur les réfugiés, qui interdisent toutes deux le refoulement, c’est-à-dire le renvoi de réfugiés vers un lieu où leur vie ou leur liberté serait menacée. Cela inclut le « refoulement constructif », lors duquel un gouvernement exerce une pression directe ou indirecte si forte sur les réfugiés qu’ils se sentent obligés de retourner dans leur pays d’origine. En mai 2023, les directives du HCR ont exhorté les pays à suspendre tous les retours forcés au Soudan, compte tenu de l’insécurité et des risques persistants.
Les parties belligérantes au conflit armé en Amhara sont liées par le droit international humanitaire. Les forces gouvernementales et les groupes armés non étatiques n’ont pas le droit d’attaquer les civils et les biens civils, sont tenus de prendre toutes les mesures possibles pour minimiser les dommages causés aux civils et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire. Les réfugiés sont protégés en tant que civils, tout comme les camps de réfugiés, à moins qu’ils ne soient utilisés à des fins militaires.
Toutes les forces militaires et tous les groupes armés devraient mettre un terme aux exactions contre les réfugiés, rester à l’écart des camps et faciliter l’acheminement sécurisé de l’aide humanitaire, a déclaré Human Rights Watch.
Les partenaires internationaux de l’Éthiopie devraient faire pression sur le gouvernement pour qu’il assure la protection des réfugiés, mette un terme à tout retour forcé et accroisse l’aide humanitaire aux réfugiés, notamment en les relogeant dans des zones plus sûres.
Le HCR a déclaré à Human Rights Watch qu’il continuait de plaider en faveur d’un élargissement des zones de réinstallation des réfugiés en dehors de l’Éthiopie. Le RRS a déclaré qu’il « surveille en permanence la situation pour ajuster ses stratégies de protection en réponse à toute évolution du conflit » et que la réponse de la communauté internationale à son appel pour une assistance accrue a été minime.
« Le gouvernement éthiopien devrait respecter ses obligations de protéger les réfugiés sur son territoire et de les relocaliser autant que possible, loin de la zone de guerre », a conclu Laetitia Bader. « Les partenaires internationaux de l’Éthiopie devraient accroître leur soutien à ces réfugiés afin qu’ils reçoivent des soins médicaux, de la nourriture, un abri et d’autres formes d’aide d’urgence. »
Suite plus détaillée en anglais en ligne ici.
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Articles
Le Figaro TV5 Monde Notre Temps
LaLibre.be
17.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
Oumar Sylla, connu sous le nom de Foniké Mengué, et Mamadou Billo Bah, deux membres du Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), coalition de l'opposition guinéenne, savaient qu'ils étaient en danger en raison de leur activisme politique.
« Si l'arrestation est le prix à payer, je suis prêt à l'accepter », avait déclaré Oumar Sylla à un autre membre du FNDC qui a parlé à Human Rights Watch.
Aujourd’hui est le 100ème jour depuis que les forces de sécurité ont détenu arbitrairement Oumar Sylla, Mamadou Billo Bah et Mohamed Cissé, un autre membre du FNDC, et les ont transférés dans un lieu inconnu. Mohamed Cissé a été libéré le 10 juillet, mais Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah sont toujours portés disparus. Les autorités n'ont toujours pas reconnu leur détention ni révélé le lieu où ils se trouvent, malgré les demandes répétées des avocats représentant les deux hommes. Ceci est considéré comme une disparition forcée au regard du droit international.
Le 17 juillet, le bureau du procureur de la Cour d'appel de Conakry a déclaré que Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah n'avaient pas été arrêtés par les autorités et qu'ils n'étaient détenus dans aucune des prisons du pays, affirmant qu'ils avaient été enlevés. Les autorités ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles ne savaient pas où se trouvaient les deux activistes politiques et qu'elles étaient à leur recherche.
Le FNDC, qui appelle à la restauration d'un régime civil depuis le coup d'État militaire de 2021, a déclaré que les forces de sécurité ont torturé Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, des allégations également documentées par Human Rights Watch et rapportées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
Le 22 juillet, les épouses des deux hommes ont déposé une plainte auprès d'un tribunal de Paris contre le chef de la junte guinéenne, Mamady Doumbouya, au sujet de la disparition forcée de leurs maris. Une semaine auparavant, les avocats des deux activistes avaient demandé à la Cour pénale internationale d'ouvrir une enquête sur cette affaire.
La disparition des deux membres du FNDC intervient dans un contexte de répression croissante de la junte à l'égard de l'opposition, de la dissidence et des médias indépendants.
Le 10 octobre, des experts des droits de l'homme de l'ONU et de l'UA ont exhorté les autorités guinéennes à libérer Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, et ont également exprimé leur inquiétude face à d'autres cas de disparitions forcées et de décès en détention.
Les disparitions forcées sont des crimes internationaux et causent de profondes souffrances aux familles, qui ne peuvent jamais vraiment faire leur deuil. Les personnes disparues de force sont détenues sans aucune protection juridique, sont fréquemment soumises à la torture et craignent constamment pour leur vie. Les autorités guinéennes devraient immédiatement localiser Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, les libérer si leur détention est avérée, et mener une enquête crédible sur leur « disparition », y compris concernant les allégations de torture.
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Médias
RFI (podcast)
16.10.2024 à 19:30
Human Rights Watch
Le 14 octobre, le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim A. A. Khan, a annoncé que son bureau allait « réactiver » ses enquêtes en République démocratique du Congo, en particulier sur les crimes perpétrés dans la province du Nord-Kivu depuis janvier 2022. Cette action a été motivée par la demande du gouvernement congolais formulée à la CPI en 2023.
La CPI enquête sur les crimes graves commis en RDC depuis 2004, lorsque le gouvernement avait demandé pour la première fois à cette juridiction internationale d’intervenir. Cette enquête a conduit à l’ouverture de poursuites à l’encontre de six suspects, tous d’anciens chefs de groupes armés. Quatre individus ont été jugés pour des crimes commis dans la province de l’Ituri en 2002-2003, aboutissant à la condamnation de trois d’entre eux et à un acquittement. Les deux autres affaires, relatives à des crimes commis au Nord-Kivu en 2009, n’ont jamais donné lieu à un procès. Human Rights Watch a exhorté à plusieurs reprises le Procureur de la CPI de se pencher non seulement sur la responsabilité des commandants rebelles dans les graves exactions commises dans l’est de la RD Congo depuis des années, mais aussi sur les crimes présumés perpétrés par de hauts responsables gouvernementaux et militaires de la RD Congo, du Rwanda et de l’Ouganda.
La reprise de l’enquête pourrait être une occasion de remédier à l’absence de condamnations et de combler le « fossé d’impunité » qui alimente les graves exactions au Nord-Kivu, en Ituri et ailleurs.
Les violations des lois de la guerre en RD Congo se poursuivent encore, de manière grave. Human Rights Watch a fait état d’atrocités commises par le groupe armé M23, notamment des meurtres de civils, des viols collectifs, des pillages et des destructions de biens. En 2024, l’armée rwandaise et le M23 ont bombardé sans discrimination des camps de déplacés et d’autres zones densément peuplées près de Goma, au Nord-Kivu. L’armée congolaise et les milices alliées ont accru les risques sécuritaires pour les personnes déplacées en déployant de l’artillerie lourde à proximité des camps où elles sont regroupées. Les soldats congolais et les combattants alliés ont commis des meurtres, des viols et d’autres violences sexuelles, et placé en détention arbitraire des personnes déplacées.
Karim Khan s’est engagé à enquêter sur toutes les parties belligérantes, malgré la demande du gouvernement congolais de se concentrer sur le M23. Les États parties au Statut de Rome de la CPI, devant la charge de travail considérable de la Cour, devrait lui fournir le soutien dont elle a besoin pour s’acquitter de son mandat dans l’ensemble de ses dossiers.
Mais la CPI est une juridiction de dernier recours, qui ne peut tout faire, seule. La déclaration du Le Procureur de la CPI a salué à juste titre la décision des autorités congolaises de mettre en place « comité de pilotage pour travailler à l’établissement d’une Cour pénale spéciale pour la RDC ». La création d’un mécanisme de justice internationalisé pour compléter le travail de la CPI et des tribunaux nationaux est attendue de longue date et contribuera, espérons-le, à combler le fossé en matière d’impunité. Le gouvernement congolais devrait rapidement promouvoir ce projet, avec l’aide de la CPI et d’autres partenaires internationaux.
15.10.2024 à 23:33
Human Rights Watch
Les autorités israéliennes devraient retirer le projet de loi, présenté au Parlement, qui interdirait à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) d’opérer dans le Territoire palestinien occupé. Elles devraient mettre un terme à leur campagne visant à détruire l’UNRWA, l’agence d’aide la plus importante de l’ONU pour les réfugiés palestiniens à Gaza et ailleurs.
Play VideoLe Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a averti que la proposition d’expulser l’UNRWA des zones sous contrôle israélien et de révoquer ses privilèges et son immunité mènerait à « une catastrophe », qualifiant l’agence d’« indispensable » et d’« irremplaçable ». Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré que cette loi aurait des « conséquences désastreuses » si elles était adoptée et appliquée. L’Ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a également exprimé sa « profonde inquiétude ».
Israël fait depuis longtemps campagne contre l’UNRWA et a appelé à sa fermeture, affirmant plus tôt cette année 1 200 employés de Gaza étaient liés au Hamas ou au Jihad islamique palestinien.
En août, l’ONU a indiqué que neuf membres du personnel de l’UNRWA pourraient avoir été impliqués dans les attaques menées par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, au cours desquelles des groupes armés ont tué des centaines de civils et pris de nombreuses personnes en otage. Toutefois, l’ONU n’a trouvé aucune preuve étayant les allégations israéliennes concernant d’autres membres du personnel de l’UNRWA. Les membres du personnel accusés de manière crédible, qui ont été licenciés par l’ONU ou sont décédés depuis, représentent une infime fraction – environ 0,03 % – du personnel total de l’UNRWA, qui compte plus de 30 000 personnes en Palestine, en Syrie, en Jordanie et au Liban.
L’UNRWA a pour mandat de protéger les droits des réfugiés palestiniens. La législation israélienne proposée menacerait non seulement l’aide humanitaire à Gaza, mais saperait également la capacité de l’agence à fournir dans toute la région une assistance humanitaire, des services d’éducation et d’autres prestations essentielles. Au moins 226 membres du personnel de l’UNRWA ont été tués à Gaza depuis octobre 2023.
Les autorités israéliennes ont également exprimé publiquement des attaques visant le Secrétaire général de l’ONU, dans ce qui semble être une campagne élargie contre les Nations Unies. Le 2 octobre, le ministre des Affaires étrangères Israel Katz a annoncé qu’Antonio Guterres était interdit d’entrée en Israël. Une lettre ouverte initiée par le Chili et signée par 104 États membres de l’ONU a exprimé leur fort soutien à Guterres, condamnant cette décision d’Israël. Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Australie font toutefois partie des pays qui n’ont pas signé cette lettre.
Israël devrait laisser l’UNRWA et les autres agences humanitaires faire leur travail à Gaza ; la population y manque de nourriture, en raison de l’utilisation par les autorités israéliennes de la famine comme arme de guerre, ce qui constitue un crime de guerre. Les autres pays, y compris les États-Unis, devraient soutenir publiquement l’UNRWA, y compris en reprenant le financement de cette agence, et exiger qu’Israël retire son projet de loi.
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