30.10.2024 à 05:00
Human Rights Watch
(Beirut) – (Beyrouth, le 30 octobre 2024) – L’armée israélienne a attaqué à plusieurs reprises des professionnels de la santé et des établissements de santé au Liban, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Human Rights Watch a documenté trois attaques constituant des crimes de guerre apparents, au cours desquelles les forces israéliennes ont illégalement frappé des personnels médicaux, des véhicules de transport médical et des installations médicales. Parmi ces attaques figurent une frappe menée le 3 octobre contre un centre de Défense civile situé dans le centre de Beyrouth, ainsi qu’une frappe menée le 4 octobre contre une ambulance et un hôpital dans le sud du Liban ; ces deux attaques ont tué 14 ambulanciers.
Selon les chiffres publiés par le ministère libanais de la Santé publique le 25 octobre, les attaques israéliennes ont tué au moins 163 professionnels de la santé et secouristes à travers le Liban au cours de l’année écoulée, et ont endommagé 158 ambulances et 55 hôpitaux. L’armée israélienne devrait immédiatement cesser les attaques illégales contre les professionnels de la santé et les établissements de santé, et les alliés d’Israël devraient suspendre leurs transferts d’armes vers ce pays, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus.
« Les attaques illégales menées par l’armée israélienne contre les professionnels de la santé et les hôpitaux dévastent le système de santé déjà fragile du Liban, et mettent les personnels médicaux en grand danger », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Les frappes contre les personnels médicaux et les établissements de santé aggravent aussi les risques pour les civils blessés, entravant gravement leur capacité à recevoir les soins médicaux dont ils ont urgemment besoin. »
Les Nations Unies devraient diligenter d’urgence, et les pays membres de l’ONU devraient soutenir, une enquête internationale sur les récentes hostilités au Liban et dans le nord d’Israël ; cette enquête devrait immédiatement débuter, afin de recueillir des informations et formuler des conclusions sur les violations du droit international, et des recommandations en vue de la reddition de comptes.
Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit personnes, dont des ambulanciers paramédicaux, des représentants de la Défense civile et des responsables hospitaliers ; les chercheurs se sont rendus sur le site de l’attaque contre le centre de Défense civile du Comité islamique de la santé, et y ont interrogé trois résidents et témoins de l’attaque. Human Rights Watch a également analysé des photographies, des vidéos et des images satellite des attaques. Human Rights Watch a envoyé une lettre décrivant ses conclusions et posant des questions à l’armée israélienne le 7 octobre, mais n’a pas reçu de réponse. Le 21 octobre, Human Rights Watch a envoyé une lettre exposant les conclusions de ses recherches et posant des questions au Comité islamique de la santé, qui a répondu le 23 octobre.
Une frappe israélienne menée dans la nuit du 3 octobre contre un centre de Défense civile dans le quartier de Bachoura, dans le centre de Beyrouth, a tué sept ambulanciers. Le centre appartenait au Comité islamique de la santé, une organisation de défense civile et d’ambulances affiliée au Hezbollah. Au Liban, la Défense civile est une force civile dont les fonctions incluent la fourniture de services médicaux et de secours d’urgence et l’aide à l’évacuation de la population civile. Le 4 octobre, l’armée israélienne a frappé une ambulance du Comité islamique de la santé près de l’entrée de l’hôpital Marjayoun, dans le sud du Liban, tuant sept autres ambulanciers et forçant l’hôpital à évacuer son personnel et à fermer ses portes. Le même jour, l’armée israélienne a frappé l’hôpital Salah Ghandour dans la ville de Bint Jbeil, dans le sud du Liban, environ deux heures et demie après avoir transmis par téléphone aux autorités locales un avertissement accompagné d’un appel à évacuer l’hôpital.
Le gouvernement israélien a accusé le Hezbollah d’utiliser des ambulances pour transporter des combattants et des hôpitaux pour cacher des armes et du matériel. Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve indiquant que ces trois installations avaient été utilisées à des fins militaires au moment des attaques, ce qui justifierait de les priver de leur statut protégé en vertu du droit international humanitaire.
En l’absence de justification militaire pour les attaques contre ces établissements, elles sont illégales. De telles attaques dirigées contre des installations médicales, si elles étaient menées avec une intention criminelle – c’est-à-dire intentionnellement ou imprudemment – constitueraient des crimes de guerre.
L’appartenance ou l’affiliation au Hezbollah, ou à d’autres mouvements politiques disposant d’ailes armées, ne constitue pas une base suffisante pour déterminer qu’un individu est une cible militaire légitime. Les directives du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) stipulent que les personnes qui ont exclusivement des fonctions non combattantes au sein de groupes armés, y compris des rôles politiques ou administratifs, ou qui sont simplement membres ou affiliées à des entités politiques ayant une composante armée, comme le Hezbollah, ne peuvent être prises pour cible à aucun moment, à moins que, et seulement pendant la période où elles participent directement aux hostilités, comme tout autre civil. Le personnel médical affilié au Hezbollah, y compris celui affecté à des organisations de défense civile, est protégé par les lois de la guerre.
Le 21 octobre, une frappe israélienne ayant touché un site près de l’hôpital universitaire Rafic Hariri a tué 18 personnes, dont 4 enfants, selon les médias, et a endommagé cet hôpital.
En vertu des lois de la guerre, les médecins, les infirmières, les ambulanciers et les autres personnels de santé et médicaux doivent être autorisés à faire leur travail et être protégés en toutes circonstances. Ils ne perdent leur protection que s’ils commettent, en dehors de leur fonction humanitaire, des « actes nuisibles à l’ennemi ».
De même, les ambulances et autres moyens de transport médicaux doivent être autorisés à fonctionner et être protégés en toutes circonstances. Elles ne peuvent perdre leur protection que si elles sont utilisées pour commettre des « actes nuisibles à l’ennemi », comme le transport de munitions ou de combattants en bonne santé en service. La force attaquante doit émettre un avertissement pour cesser cette utilisation abusive et ne peut attaquer qu’après que cet avertissement est resté sans réponse.
En vertu du droit international humanitaire, toutes les parties au conflit ont le devoir, à tout moment, de faire la distinction entre les combattants et les civils et de ne cibler que les combattants. Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire intentionnellement ou par imprudence – peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Les individus peuvent également être tenus pénalement responsables d’avoir aidé, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre. Tous les gouvernements qui sont parties à un conflit armé sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par des membres de leurs forces armées.
En novembre 2023, Human Rights Watch a appelé à des enquêtes sur les attaques répétées et apparemment indiscriminées de l’armée israélienne contre des installations médicales à Gaza. Human Rights Watch a appelé les principaux alliés d’Israël à suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d’armes à Israël, compte tenu du risque réel qu’elles soient utilisées pour commettre de graves abus.
« Avec plus d’une centaine de professionnels de la santé tués, les frappes israéliennes au Liban exposent les civils, y compris les professionnels de la santé, à un risque grave de préjudice », a déclaré Ramzi Kaiss. « Les professionnels de la santé doivent être protégés et les pays doivent prendre des mesures pour empêcher de nouvelles atrocités, notamment en suspendant les ventes d’armes et l’assistance militaire à Israël. »
Suite du communiqué en anglais, avec des informations plus détaillées.
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29.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – Le massacre d’au moins 133 personnes par un groupe armé islamiste témoigne de l’insuffisance des efforts du gouvernement du Burkina Faso pour protéger les civils, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Les autorités devraient mener rapidement une enquête approfondie sur le massacre perpétré dans la ville de Barsalogho, située dans la province de Sanmatenga, et traduire les responsables en justice.
Le 24 août 2024, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué des centaines de civils qui creusaient une tranchée militaire pour protéger la ville de Barsalogho, qui abrite une base militaire. Les assaillants ont également tiré sur de nombreux autres civils à proximité de la tranchée. Human Rights Watch a confirmé, grâce à l’analyse de vidéos et à des témoignages, qu’au moins 133 personnes ont été tuées, dont des dizaines d’enfants, et qu’au moins 200 autres ont été blessées.
« Le massacre de Barsalogho est le dernier exemple en date des atrocités commises par des groupes armés islamistes contre des civils que le gouvernement a exposés à des risques inutilement », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Les autorités devraient de toute urgence prioriser la protection des civils, traduire les auteurs de ces crimes en justice et veiller à ce que les victimes et leurs familles reçoivent une assistance médicale adéquate et d’autres formes de soutien. »
Le 25 août, le GSIM a revendiqué la responsabilité de l’attaque, un crime de guerre évident, affirmant que ses forces avaient tué 300 membres de l’armée burkinabè et de milices affiliées. Dans sa réponse du 10 octobre à une lettre de Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a reconnu que des soldats et des auxiliaires civils de l’armée appelés Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) avaient été tués en même temps que des civils lors de l’attaque, sans pourtant fournir de bilan des victimes.
Entre le 26 août et le 20 septembre, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 12 témoins de l’attaque, dont certains ont été blessés. Human Rights Watch a également vérifié quatre vidéos apparemment filmées par des combattants du GSIM et diffusées sur les réseaux sociaux ou envoyées à Human Rights Watch.
Des témoins ont déclaré que le 24 août vers 10 heures du matin, de nombreux combattants du GSIM à moto, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov et de mitrailleuses, ont attaqué des centaines de civils qui travaillaient au prolongement de la tranchée défensive sur un site situé au nord-est du centre de Barsalogho. Les témoins ont déclaré que les combattants, qui portaient des uniformes militaires ou des vêtements civils avec un turban sur la tête, ont tiré de manière indiscriminée sur les civils, tout en se déplaçant le long de la tranchée et en exécutant ceux qui étaient encore en vie.
Un homme âgé de 39 ans, qui a perdu cinq membres de sa famille dans l’attaque, a déclaré : « Ils sont arrivés à moto, deux sur chaque. Dès qu’ils se sont approchés de la tranchée, ils ont commencé à tirer. Ils ont tiré sans interruption, comme s’ils avaient beaucoup de munitions. Les gens tombaient comme des mouches. J’ai réussi à sortir de la tranchée en l’escaladant, je ne sais pas comment j’ai fait, parce qu’ils tiraient sur tout le monde.… Ils sont venus nous exterminer. Ils n’ont épargné personne. »
La tranchée est en construction depuis 2022. Des témoins ont déclaré que des soldats basés à Barsalogho ont forcé des hommes de la ville à creuser le nouveau tronçon de la tranchée sans les payer. Ils ont ajouté que nombre d’entre eux avaient d’abord refusé de le faire pour diverses raisons, notamment parce qu’ils n’étaient pas rémunérés, qu’ils pensaient que creuser était dangereux ou qu’ils avaient été alertés le jour même de l’attaque que des hommes armés s’approchaient de Barsalogho. Les soldats, ont-ils expliqué, les ont toutefois contraints à effectuer ce travail en les menaçant et en les frappant.
« Le jour de l’attaque, des soldats sont venus chez moi et m’ont ordonné d’aller creuser la tranchée », a déclaré un agriculteur âgé de 52 ans. « Je ne voulais pas y aller parce que je pensais que c’était risqué, mais ils m’ont frappé avec une corde et forcé à y aller. »
Le droit international humanitaire, qui s’applique au conflit armé au Burkina Faso, interdit le travail forcé non rémunéré ou abusif. Le ministre burkinabè de la Justice, dans sa réponse à Human Rights Watch, a déclaré que le travail forcé est interdit par la loi burkinabè et que « les témoignages selon lesquels les militaires auraient forcé les populations à creuser la tranchée ne sont pas avérés ».
Depuis l’attaque du 24 août, des équipements lourds ont été utilisés pour construire des sections supplémentaires de la tranchée, qui entoure la ville de Barsalogho. « Après l’attaque, les activités de construction de la tranchée se sont poursuivies », a indiqué un habitant âgé de 28 ans. « C’est le capitaine Meda et ses hommes qui ont continué à creuser la tranchée avec des engins. C’est ce qu’ils auraient dû faire depuis le début. »
Dans une réponse du 18 septembre à Human Rights Watch, le Comité chariatique du GSIM au Burkina Faso a tenté de justifier l’attaque, affirmant que même si les personnes ciblées étaient forcées de creuser la tranchée, « ce ne serait pas une excuse pour les épargner. Quiconque … est fidèle à ce régime … mérite d’être tenu responsable ».
Des témoins ont déclaré que le 24 août, les combattants du GSIM n’ont pas attaqué la base militaire de Barsalogho, située à environ 4,5 kilomètres du lieu de l’attaque, et comprenant une force allant jusqu’à 100 soldats. Ils ont ajouté que lorsque l’attaque a commencé, moins de 15 soldats et environ le même nombre de VDP ont riposté, mais qu’ils ont été rapidement mis en échec par les combattants du GSIM. Certains soldats et VDP ont été tués, tandis que d’autres ont été contraints de battre en retraite. Les témoins ont précisé que ces soldats et les VDP se trouvaient dans un avant-poste destiné à sécuriser le travail des civils qui creusaient la tranchée.
Des témoins ont également déclaré que la plupart des soldats stationnés à la base y sont restés, mais qu’ils ont envoyé un véhicule militaire et une ambulance pour soutenir leurs collègues se trouvant à l’avant-poste. Les combattants du GSIM ont également défait ces renforts, et lorsque l’attaque a pris fin, ils ont emporté le véhicule militaire et l’ambulance en repartant.
Dans sa réponse au courrier de Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a déclaré que le Tribunal de grande instance de Kaya avait ouvert une enquête pour faire la lumière sur l’attaque de Barsalogho, et identifier les responsables.
Les lois de la guerre interdisent les attaques contre les civils, sauf s’ils « participent directement aux hostilités ». Bien que la tranchée elle-même soit une cible militaire légitime, les civils qui y travaillent ne participent pas directement aux hostilités et ne peuvent donc pas être délibérément attaqués. L’exécution d’une personne en détention constitue par ailleurs un crime de guerre.
« Alors que les groupes armés islamistes continuent de commettre des crimes de guerre au Burkina Faso, le gouvernement devrait enquêter de manière crédible sur les abus, établir la responsabilité du commandement dans sa propre armée et prévoir des peines adéquates pour les personnes jugées responsables », a conclu Carine Kaneza Nantulya. « Les alliés du Burkina Faso devraient faire pression sur le gouvernement afin qu’il cesse d’exposer les civils à des risques inutiles, notamment en les utilisant comme main-d’œuvre forcée dans les zones de guerre. »
Pour lire des témoignages et d’autres détails sur ces abus, veuillez voir ci-dessous. Les noms des personnes avec lesquels Human Rights Watch s’est entretenu n’ont pas été divulgués pour garantir leur protection.
Click to expand Image Le développement de tranchées défensives autour de Barsalogho, tel qu'observé le 14 octobre 2024, comprend la tranche de la section où le massacre du 24 août a eu lieu et l'emplacement des cimetières avec de nouvelles tombes possiblement liées à l'événement. Analyse et graphiques © 2024 Human Rights WatchConflit armé au Burkina Faso
Les forces armées du Burkina Faso luttent contre les insurrections du GSIM et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis que ces deux groupes armés ont envahi le pays à partir du Mali en 2016. Ils contrôlent de larges pans du territoire burkinabè, attaquant les civils et les forces de sécurité gouvernementales, et se sont mutuellement affrontés.
Plus de 26 000 personnes ont été tuées dans le conflit depuis 2016, dont environ 15 500 depuis le coup d’État militaire de septembre 2022, et plus de 6 000 depuis janvier 2024, selon l’organisation Armed Conflict Location & Event Data (ACLED). ACLED a également indiqué que les groupes armés islamistes ont tué 1 004 civils dans le cadre de 259 attaques commises entre janvier et août, et 1 185 civils lors de 413 attaques au cours de la même période l’an dernier. Ces chiffres n’incluent pas ceux de l’attaque de Barsalogho.
Le président Ibrahim Traoré, depuis qu’il a pris le pouvoir lors du coup d’État de septembre 2022, a accru le recours aux auxiliaires civils. En janvier 2020, le président de l’époque, Roch Marc Christian Kaboré, avait initialement créé les VDP pour renforcer la sécurité au niveau local contre les groupes armés islamistes. En octobre 2022, les autorités militaires actuelles ont lancé une campagne de recrutement de 50 000 VDP supplémentaires.
Les autorités du Burkina Faso ont à plusieurs reprises appelé la population à participer à l’effort de guerre, invoquant une loi d’urgence conférant au président des pouvoirs accrus pour lutter contre l’insurrection islamiste, y compris la réquisition de personnes et de biens, ce qui a conduit à une répression de la dissidence pacifique. Le 23 mai, lors d’une réunion avec les VDP, le président Ibrahim Traoré a demandé à la population d’aider les militaires à creuser des tranchées autour de leurs villes et villages. Human Rights Watch a largement documenté le fait que les groupes armés islamistes ont réagi au recrutement des VDP et à la mobilisation des civils en soutien aux forces de sécurité en attaquant les villages et les villes qu’ils accusaient de soutenir l’armée ou les VDP.
Massacre à Barsalogho
Le 24 août, entre 10 et 11 heures du matin, les combattants du GSIM ont tué des dizaines de civils qui travaillaient sur la tranchée militaire et d’autres qui se trouvaient à proximité.
L’analyse par Human Rights Watch de quatre vidéos et l’examen d’images satellite montrent que le site de l’attaque coïncide avec celui d’une nouvelle section de la tranchée, dont la construction a débuté en août. Cette section, située à l’intersection de la route qui mène au village de Pensa, se trouve à près de quatre kilomètres au nord-est du centre de Barsalogho.
Les témoins ont décrit l’horreur de voir les combattants du GSIM se déplacer le long de la tranchée en exécutant les gens : « Ils ont simplement ouvert le feu sur nous, tiré sur tout ce qui bougeait et achevé les survivants », a relaté un agriculteur âgé de 47 ans qui se trouvait à l’intérieur de la tranchée. « J’ai vu comment ils ont tiré sur un homme qui se tordait de douleur, puis deux corps sont tombés sur moi, et j’ai fait le mort pour sauver ma vie. »
Click to expand Image Capture d'écran d'une vidéo apparemment filmée par le GSIM montrant des combattants le long de la tranchée lors de l'attaque de Barsalogho, province du Sanmatenga, Burkina Faso, le 24 août 2024.Dans une vidéo vérifiée par Human Rights Watch, la personne qui filme marche le long de la tranchée, filmant des dizaines d’hommes vêtus de tenues de camouflage ou de vêtements civils, armés de fusils d’assaut de type Kalachnikov et tirant sur des groupes de personnes qui gisent immobiles dans la tranchée ou se sont enfuies dans un champ voisin. Des bêches et des pioches se trouvent à côté de nombreux corps. Au moins 133 corps sont visibles. Au milieu de la vidéo, l’homme qui filme commence à tirer sur une personne qui tente de s’enfuir et qui est ensuite abattue. On entend des centaines de coups de feu tout au long de la vidéo, qui dure 2 minutes et 44 secondes.
Des témoins ont déclaré que les combattants parlaient fulfulde, première langue des Peuls qui est largement répandue au Burkina Faso.
Une femme âgée de 42 ans a déclaré :
Ils [les combattants islamistes] criaient « Allah Akbar » et j’ai entendu l’un d’eux dire en fulfulde : « C’est fini pour Barsalogho, Barsalogho est tombée, ils sont tous morts ». Mes frères sont restés dans la tranchée et lorsque les terroristes sont arrivés, ils les ont abattus. Ils marchaient le long de la tranchée pour tirer sur les gens, et ceux qui restaient étaient systématiquement tués. Cela a duré environ une heure. C’était terrifiant.
La plupart des personnes tuées étaient des hommes, mais des femmes et des enfants ont également été abattus. « J’ai perdu deux filles âgées de 15 et 13 ans dans l’attaque », a déclaré une femme âgée de 48 ans. « Nous étions allées près de la tranchée pour chercher des feuilles de baobab pour cuisiner, mais lorsque les tirs ont commencé, elles n’ont pas pu s’échapper. »
« Nous avons reçu 186 personnes blessées par balle », a déclaré une source médicale. « Parmi elles, 30 femmes et 20 enfants, âgés entre 7 et 10 ans, ont perdu la vie. »
« Ce que j’ai vu était affreux, des piles de cadavres, des blessés qui saignaient et criaient », a témoigné la femme âgée de 42 ans dont les frères étaient restés dans la tranchée. « J’étais en état de choc en marchant devant les cadavres partout pendant que je cherchais désespérément mes deux frères. »
Les morts, les blessés et les enterrements
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le GSIM a déclaré que « ceux que nous avons ciblés ... font partie des milices les plus anciennes et les plus malveillantes du Burkina Faso.... [Barsalogho] a participé aux massacres les plus importants et les plus horribles commis dans cette province, comme le tristement célèbre massacre du ‘‘Yirgou’’ au cours duquel près de 300 Peuls ont été tués par les seules milices de Barsalogho ». Human Rights Watch avait documenté des meurtres à Yirgou, où les Koglweogo, un groupe burkinabè d’auto-défense, avaient tué des dizaines de Peuls en janvier 2019.
Les affirmations du GSIM contredisent les conclusions de Human Rights Watch selon lesquelles la grande majorité des victimes étaient des civils.
Le Collectif Justice pour Barsalogho, formé par des habitants après l’attaque, a déclaré que jusqu’à 400 civils avaient été tués. La chaîne d’information CNN, citant une évaluation sécuritaire du gouvernement français, a fait état d’environ 600 personnes tuées à Barsalogho.
Si Human Rights Watch est en mesure de confirmer un bilan provisoire d’au moins 133 morts grâce à l’analyse de vidéos, le nombre total de personnes tuées et blessées n’a pas pu être confirmé. Cependant, des témoins ont déclaré avoir vu entre 200 et 350 corps entassés à la mairie de Barsalogho, où les survivants ont emmené les corps après le départ des combattants du GSIM.
« C’était un bain de sang », a raconté une jeune femme âgée de 18 ans qui a perdu deux proches membres de sa famille et quatre amis dans l’attaque. « J’ai vu jusqu’à 300 corps lorsque je me suis rendue à la mairie pour identifier les membres de ma famille qui avaient été abattus lors de l’attaque. »
Des témoins ont déclaré que la plupart des corps avaient été enterrés le jour de l’attaque et le lendemain dans des tombes individuelles dans les cimetières de la ville. Human Rights Watch a analysé des images satellites montrant une augmentation du nombre de tombes individuelles entre le 28 mai et le 29 août dans au moins trois cimetières de la ville, dont un situé à moins d’un kilomètre de la base militaire de Barsalogho.
« J’ai perdu mon fils dans l’attaque, ainsi que quatre amis proches, tous des hommes, âgés de 26 à 71 ans », a indiqué un agriculteur âgé de 47 ans. « Ils ont été enterrés le 25 août vers 10 heures au cimetière musulman situé sur la route de Pensa, à environ 800 mètres de Barsalogho. »
Les habitants ont déclaré que les corps de ceux qui n’ont pas pu être identifiés à la mairie ont été inhumés dans une fosse commune creusée à l’aide d’une excavatrice et située à flanc de colline, sur la route menant à Kaya, près d’une antenne de télécommunication. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier cette information, ni l’emplacement de la fosse commune, mais les images satellite analysées par Human Rights Watch montrent aussi une hausse substantielle du nombre de tombes individuelles à moins de 100 mètres de l’antenne de télécommunication à la périphérie de la ville, au sud de Barsalogho, près de la route menant à Kaya, entre le 28 mai et le 29 août.
Click to expand Image De possibles nouvelles tombes individuelles ont été identifiées au sud de Barsalogho, près de la route menant à Kaya. Une augmentation significative du nombre de tombes, telle qu'observée sur les images satellite entre le 28 mai et le 29 août 2024, pourrait être liée à l'attaque survenue le 24 août 2024. Image © 2024 Planet Labs PBC. Analyse et graphiques © 2024 Human Rights WatchTravail forcé, coups et menaces
Des témoins ont déclaré que la construction de la tranchée, censée servir de barrière de protection contre les attaques des groupes armés islamistes, avait été réalisée par des civils non rémunérés.
« Je n’ai jamais vu un soldat ou un VDP creuser », a assuré un homme âgé de 35 ans. « C’était toujours des civils qui faisaient le travail, et aucun d’entre eux n’a jamais été payé pour ça. Les militaires disaient que c’était pour notre sécurité, et que nous devions tous nous mobiliser pour cet effort collectif. »
Selon des témoins, la construction de la tranchée était effectuée sur une base volontaire jusqu’à ce que les travaux de la nouvelle section de tranchée, où l’attaque a été perpétrée, commencent en août.
L’homme âgé de 47 ans a déclaré :
Au début, les habitants de Barsalogho avaient accepté de construire la tranchée. Les militaires émettaient des communiqués appelant à la mobilisation mais, en général, après chaque communiqué, certains creusaient et d’autres non, sans contrainte particulière. Cette fois-ci, c’est par la force que les choses se sont passées. Les soldats ont roué de coups ceux qui tentaient de feindre ou de résister. Ceux qui ne voulaient pas y aller étaient systématiquement frappés. Je l’ai vu de mes propres yeux.
Quatre témoins ont déclaré que le jour de l’attaque, des femmes qui étaient sorties de la ville tôt le matin pour aller chercher de la nourriture avaient repéré un groupe d’hommes armés près du site de l’attaque et alerté les militaires. Cependant, le lieutenant responsable de la base militaire de Barsalogho a répondu qu’il s’agissait de ses soldats.
« Les femmes nous avaient alertés », a déclaré un homme âgé de 28 ans. « Tôt le matin de l’attaque, certaines de nos femmes étaient parties chercher des feuilles avant de revenir nous dire qu’il y avait des terroristes près de la tranchée. Nous avons informé le lieutenant de l’alerte des femmes, mais il nous a répondu que ces hommes armés étaient les siens. »
Réponse militaire à l’attaque
Des témoins ont déclaré que la plupart des soldats stationnés à la base militaire de Barsalogho, à une courte distance du site de l’attaque, sont restés sur place pendant l’attaque, n’envoyant qu’un véhicule militaire et une ambulance pour soutenir leurs collègues à l’avant-poste. Des témoins ont déclaré que les renforts militaires ont été soit tués, soit contraints de prendre la fuite et que, lorsque l’attaque a pris fin, les combattants du GSIM sont repartis avec le véhicule militaire et l’ambulance.
L’homme âgé de 47 ans a déclaré :
Peu de soldats à proximité de la tranchée sont intervenus pour riposter à l’attaque dès le début. Les balles sifflaient de tous les côtés. Il y a eu quelques combats, mais ils n’ont pas duré longtemps. Les VDP ont aidé les militaires à riposter à l’attaque et étaient en première ligne. Au moins quatre d’entre eux que je connaissais personnellement sont morts en défendant leur position.
Une jeune femme âgée de 18 ans a déclaré :
C’est lorsque l’attaque a commencé que j’ai compris que peu de soldats, voire aucun soldat, n’étaient là pour nous sauver.... Ceux de la base ont aidé les quelques personnes qui se trouvaient dans une position plus avancée avec un camion et une ambulance, mais les terroristes les ont déjoués. Je connais certains des soldats qui sont morts.
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a déclaré que la construction de la tranchée « [s’est] déroulé[e] sous la protection » des forces de sécurité et des VDP « déployés tout le long de la tranchée et à proximité en vue de protéger les populations ». Il a ajouté que « pendant l’attaque, il y a eu une riposte des forces combattantes stationnées dans la localité [de Barsalogho] et du renfort venu d’autres localités de même qu’un soutien des vecteurs aériens ».
Aucun des témoins interrogés par Human Rights Watch n’a déclaré avoir vu un soutien aérien de la part de l’armée.
Certains survivants ont reproché à l’armée d’avoir fait courir des risques inutiles aux civils de Barsalogho en les obligeant à creuser la tranchée et de ne pas avoir pris au sérieux leur sécurité en ignorant la mise en garde des femmes.
« La réponse de nos forces de sécurité n’a pas été à la hauteur », a affirmé un agriculteur de 52 ans. « Le jour de l’attaque, les militaires n’ont pas assuré notre sécurité. Ils nous ont livrés aux terroristes. »
« Le fait que l’armée a forcé des gens à creuser [la tranchée] a conduit à ce massacre car ça a fait de nous une cible des terroristes » a conclu un homme âgé de 39 ans. « Ce bain de sang n’est que le résultat de la dépendance très forte des autorités sur les civils pour la sécurité. »
Selon des témoins, les combattants du GSIM n’ont pas attaqué la base militaire de Barsalogho. Human Rights Watch a demandé au GSIM pourquoi elle ne l’avait pas été si les soldats étaient la cible. Le groupe armé a répondu : « Barsalogho est comme une grande caserne militaire, et ses habitants sont tous des combattants […]. Même les femmes ont un rôle à jouer, car elles ouvraient, et ouvrent toujours, la route et servent d’éclaireuses à l’armée. […] Certaines femmes ont même suivi une formation et pris les armes. » Cette déclaration révèle un amalgame dangereux entre personnel militaire et civils de la part du GSIM, en violation des lois de la guerre.
Soins médicaux et assistance matérielle
Des sources médicales et des témoins ont déclaré que l’attaque avait fait jusqu’à 300 blessés. Certains ont été pris en charge au centre de soins de Barsalogho, tandis que les cas les plus graves ont été pris en charge à l’hôpital régional de Kaya, à environ 50 kilomètres de Barsalogho, ou dans la capitale du pays, Ouagadougou.
« Jusqu’à 300 personnes ont été blessées. Le centre de soins de Barsalogho était débordé, des patients étaient allongés dehors, sous les arbres », a déclaré un survivant âgé de 28 ans qui a emmené un ami blessé dans cet établissement. « Les blessés graves ont été évacués vers l’hôpital de Kaya par l’armée à l’aide d’un hélicoptère ou par des proches et des personnes de bonne volonté à moto. »
Le 25 août, le directeur de l’hôpital régional de Kaya a rendu public une note de service demandant des renforts de personnels médical, infirmier et administratif face « à un afflux massif de patients depuis la matinée du 24 août 2024 ».
Dans sa réponse à Human Rights Watch, le ministre burkinabè de la Justice a affirmé que « des mesures ont été prises pour une prise en charge sur les plans psychologique, sanitaire et matériel de l’ensemble des familles des victimes et blessés ». Il n’a pas fourni de détails sur l’ampleur de cette assistance. Des blessés et leurs proches ont déclaré que les autorités avaient pris en charge les frais des soins médicaux.
Des survivants et des proches des victimes ont déclaré que le lendemain de l’attaque, des hauts responsables burkinabè, y compris le porte-parole du gouvernement, les ministres de la Sécurité et de l’Action sociale et le chef d’état-major de l’armée, se sont rendus à Barsalogho pour exprimer leur solidarité avec la population locale. « Ils ont remis à chaque chef de famille deux sacs de maïs et un sac de riz », a déclaré un agriculteur âgé de 35 ans qui a perdu deux frères dans l’attaque. « Cela ne comblera pourtant pas le vide et les pertes, » a-t-il ajouté.
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28.10.2024 à 19:36
Human Rights Watch
(Bangkok) – Les gouvernements thaïlandais successifs n’ont pas traduit en justice plusieurs anciens fonctionnaires impliqués dans la dispersion violente de manifestants musulmans d’origine malaise dans le district de Tak Bai, dans la province de Narathiwat, il y a vingt ans, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui ; cet incident avait causé la mort de 85 personnes, et des centaines d’autres personnes avaient été blessées. Le délai de prescription de 20 ans a expiré le 25 octobre, empêchant toute nouvelle action en justice.
Le 25 octobre 2004, diverses unités militaires et policières thaïlandaises ont dispersé des milliers de personnes qui manifestaient devant le commissariat de police de Tak Bai, dans le sud de la Thaïlande. Sept manifestants ont été abattus. L’armée a entassé environ 1 300 personnes dans 26 camions militaires pour les emmener dans un centre de détention militaire situé à plus de 150 kilomètres de là, dans la province voisine de Pattani, provoquant la mort par suffocation de 78 personnes. L’armée a détenu les autres personnes pendant plusieurs jours sans leur prodiguer les soins médicaux appropriés, ce qui a entraîné des amputations et d’autres blessures graves.
« Pendant 20 ans, les gouvernements thaïlandais successifs se sont abstenus de traduire en justice les responsables des morts et des blessures horribles survenues lors de l’incident de Tak Bai », a déclaré Sunai Phasuk, chercheur senior auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « Pourtant, les victimes de cette répression violente et leurs familles n’ont jamais abandonné leur quête de justice. »
En août et octobre 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 20 personnes qui avaient participé à la manifestation de Tak Bai, des femmes dont des proches été tués ou blessés, et des avocats représentant des victimes ou leurs familles. Human Rights Watch a corroboré les informations ainsi obtenues en consultant des documents officiels, des reportages et d’autres témoignages recueillis par des organisations de la société civile et des chercheurs universitaires.
En décembre 2004, une commission d’enquête nommée par le Premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra, avait conclu que les méthodes utilisées pour disperser les manifestants avaient été inappropriées et non conformes aux directives et pratiques internationales. La commission avait également constaté que les commandants n’avaient pas supervisé le transport des manifestants détenus, confiant cette tâche à des militaires inexpérimentés et de rang inférieur.
Après le coup d’État militaire de septembre 2006, le Premier ministre de l’époque, le général Surayud Chulanont, avait publiquement présenté des excuses pour l’incident de Tak Bai et avait promis de demander des comptes aux responsables. Mais au cours des deux dernières décennies, les autorités thaïlandaises n’ont pas traduit en justice les responsables du massacre, malgré des preuves accablantes contre eux.
Le 29 mai 2009, le tribunal provincial de Songkhla a statué, à l’issue de l’enquête post-mortem, que 78 manifestants étaient morts par asphyxie pendant leur transport par l’armée, sans toutefois fournir de détails sur les circonstances précises de leurs décès et sans identifier les responsables. Les familles des victimes ont contesté cette décision. Le 1er août 2013, la Cour suprême a confirmé la décision du tribunal provincial de Songkhla, et a conclu que le personnel de sécurité avait accompli ses fonctions et n’était pas juridiquement responsable.
Les survivants du massacre de Tak Bai et les proches des victimes ont continué à réclamer la justice au niveau pénal. Le 25 avril 2024, les victimes de Tak Bai et leurs familles ont déposé des plaintes pénales directement auprès du tribunal provincial de Narathiwat. Le 23 août, le tribunal a inculpé sept anciens hauts fonctionnaires : le général Pisal Wattanawongkiri (ex-commandant de la quatrième division régionale de l'armée), le général de division Chalermchai Wirunpeth (ex-commandant de la cinquième division d'infanterie), le lieutenant-général Wongkot Maneerin, (ex-directeur du centre de commandement de la police), le lieutenant-général Manot Kraiwong, (ex-chef de la 9ème région de la police provinciale ; le colonel Saksomchai Phutthakul (ex-surintendant du commissariat de police du district de Tak Bai) ; Siva Saengmanee (ex-directeur adjoint du commandement des forces de l’ordre des provinces frontalières du sud) ; et Wichom Thongsong (ex-gouverneur de la province de Narathiwat).
Le procureur général de Thaïlande a engagé une nouvelle procédure pénale le 18 septembre. Une accusation de meurtre a été portée contre le général de division Chalermchai et sept autres individus : le sous-lieutenant Natthawut Loemsai, le lieutenant Wissanukorn Chaisarn, le sergent-major Rattanadet Srisuwan, le lieutenant-colonel Prasert Mutmin, le lieutenant Rithirong Promrith, Wissanu Lertsonkhram et Piti Yankaew. Ces hommes etaient responsables de la conduite et de la surveillance des camions transportant les personnes arrêtées après la dispersion des manifestants de Tak Bai vers le camp militaire.
Toutefois, les 14 accusés dans ces deux affaires pénales ont pris la fuite, et font désormais l’objet de mandats d’arrêt. On ignore où ils se trouvent actuellement, à l’exception de Pisal Wattanawongkiri et Saengmanee Siva. Pisal Wattanawongkiri a demandé un congé de son mandat de député du parti Pheu Thai pour se faire soigner au Royaume-Uni du 26 août au 30 octobre. Saengmanee Siva s'est rendu au Japon le 22 août.
Depuis janvier 2004, le conflit armé entre le gouvernement thaïlandais et les insurgés séparatistes dirigés par le Front révolutionnaire national (Barisan Revolusi Nasional, BRN) dans les provinces de Pattani, Yala, Narathiwat et Songkhla, dans le sud de la Thaïlande, a fait plus de 7 000 morts. Au fil des ans, les insurgés ont fréquemment pris pour cible des civils ainsi que des forces militaires.
Le gouvernement s’est fréquemment abstenu de poursuivre les membres de ses forces de sécurité responsables de tortures, d'homicides illégaux et d'autres abus contre des musulmans d'origine malaise. Dans de nombreux cas, les autorités thaïlandaises ont versé une compensation financière aux victimes ou à leurs familles, en échange de leur promesse de ne pas dénoncer les forces de sécurité ou de ne pas engager de poursuites pénales contre des fonctionnaires.
Paetongtarn Shinawatra a été nommée Première ministre thaïlandaise en août dernier ; son père Thaksin Shinawatra était lui-même Premier ministre à l’époque du massacre de Tak Bai. Paetongtarn Shinawatra devrait honorer son engagement à renforcer l’État de droit en Thaïlande, en adoptant d’urgence un amendement à l’article 95 du Code pénal thaïlandais, qui régit le délai de prescription des infractions pénales. Selon Human Rights Watch, il ne devrait pas y avoir de délai de prescription pour les violations graves des droits humains en vertu du droit international.
« Le massacre de Tak Bai n’est qu’un des nombreux cas au cours des deux dernières décennies dans lesquels les responsables de graves abus dans le sud de la Thaïlande ont échappé aux poursuites », a conclu Sunai Phasuk. « La Première ministre Paetongtarn Shinawatra devrait empêcher qu’une telle injustice ne se reproduise, en supprimant le délai de prescription pour les violations graves des droits humains. »
Communiqué plus détaillé en ligne en anglais.
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