10.07.2025 à 10:58
Frédérique Cassegrain
Depuis 2007, diverses affaires secouent la scène théâtrale et plus largement la scène médiatique : blackface, appropriation culturelle, personnages non blancs joués par des artistes blancs, stéréotypes racistes, etc. Si ces questions divisent les professionnels, elles révèlent aussi des conflits de valeurs qui fissurent le récit fondateur du théâtre public et le modèle républicain dont il se réclame.
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Article paru dans L’Observatoire no 62, juillet 2024
Depuis une dizaine d’années, le théâtre public a retrouvé une certaine visibilité dans les médias grand public, à la faveur d’une série de controverses soulevées par des spectacles : Exhibit B de Brett Bailey en 2014, Les Suppliantes de Philippe Brunet en 2019 ou, plus récemment, à l’été 2023, Carte noire nommée désir de Rébecca Chaillon, pour ne prendre que quelques exemples. Les cas diffèrent : les deux premiers spectacles se sont vu accuser de racisme par des militants décoloniaux au regard des choix esthétiques de représentation des personnes non blanches et des personnages non blancs. Dans le cas d’Exhibit B, parodie critique des « zoos humains » qui entendait dénoncer la violence de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation à travers les siècles, la mise en cause portait sur la supposée réduction des performeurs au rôle de victimes passives de l’Histoire. Quant à la mise en scène des Suppliantes menée dans le cadre d’un atelier de pratique théâtrale universitaire, elle s’est vu reprocher de ne pas avoir distribué d’actrices non blanches dans les rôles de personnages non blancs et surtout d’avoir utilisé le blackface, comme s’il était possible de faire fi de la longue histoire des usages racistes de cet outil esthétique par lequel des acteurs blancs jouent des personnages noirs, non seulement en se maquillant le visage mais en recourant à une stylisation ancrée dans des stéréotypes racistes qui associent traits phénotypiques et comportements ridicules ou dangereux (lèvres rouges épaisses qui accentuent le sourire en une joie figée un peu stupide, paupières cernées d’un blanc qui écarquille les yeux dans une mimique d’étonnement perpétuel, etc.). À l’inverse, c’est le propos antiraciste du spectacle de Rébecca Chaillon qui a valu à l’équipe artistique les agressions verbales et physiques de quelques spectateurs et de nombreux internautes, au point qu’une plainte a été déposée pour cyberharcèlement et « apologie de crime contre l’humanité » Voir M. Magnaudeix, « Depuis Avignon, le “plaisir gâché” de Rébecca Chaillon et ses comédiennes », Médiapart, 29 novembre 2023.. Mais ces controverses présentent des similarités.
D’abord, ces affaires ont en commun d’articuler deux questions : les discriminations raciales et les modalités d’exercice de la liberté d’expression, à penser côté artistes (la liberté de création étant consacrée depuis 2016) mais aussi côté publics (le droit de débattre des œuvres et de manifester demeurant aussi partie intégrante des principes cardinaux d’une société démocratique). Ensuite, elles témoignent d’un conflit dans le cadrage du débat lui-même. Un certain narratif médiatique voudrait y voir une « guerre culturelle » entre défenseurs de l’art et tenants d’un militantisme antiraciste et féministe « woke ». Ce narratif relève d’une stratégie analysée, dès le début des années 1990, par le sociologue américain James Davison Hunter dans son livre Culture Wars. The Struggle to Define America, et ravivée par la droite néo-conservatrice aux États-Unis depuis les années Trump, notamment via Fox News. Cette stratégie d’influence a été importée en France à la faveur du développement des chaînes d’information en continu, CNews en particulier, mais aussi via des organes de presse écrite comme Valeurs actuelles, Causeur et, dans une moindre mesure, Marianne. Cette stratégie politique est avant tout rhétorique. Elle consiste à criminaliser les mouvements de lutte pour les droits civiques et sociaux des femmes et des minorités en les accusant de violence, ou au moins en présentant leur cause et/ou leurs modes d’action comme contraires aux valeurs fondamentales de la nation dont, à l’inverse, les tenants de l’autre camp s’érigent en garants tout en se présentant comme neutres et/ou mesurés. Le but de ces deux opérations rhétoriques combinées est de décentrer l’échiquier médiatique vers la droite, voire la droite extrême. Le présent article Cet article reprend les réflexions menées dans un ouvrage co-écrit avec Maxime Cervulle : Les Damné·es de la scène. Penser les controverses théâtrales sur le racisme, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2024. entend moins examiner ce narratif que proposer une autre analyse de ces controverses.
Ces controverses révèlent de fait des conflits de valeurs au cœur du socle idéologique du théâtre public, scène qui reflète et concentre les tensions internes du modèle républicain. Ce n’est pas sans raison et cela ne date pas d’aujourd’hui. La protohistoire du « théâtre public » a commencé sous les auspices du « théâtre populaire »/« théâtre du peuple » à la fin du XIXe siècle, autrement dit au moment de la consolidation de la IIIe République B. Hamidi, « Théâtres populaires (républicain+socialiste+paternaliste) = théâtre public ? », dans O. Bara (dir.), Peuple et théâtre de Condorcet à Gémier, Paris, Classiques Garnier, 2017. . Il n’y a dès lors rien d’étonnant à ce que la scène théâtrale coalise les tensions que condensent l’idéal universaliste et le principe de la démocratie représentative. Sans refaire ici l’histoire des politiques publiques du théâtre, je rappelle que cet art est financé par la puissance publique et à travers elle par la collectivité depuis la seconde moitié du XXe siècle au nom de la promesse d’émancipation dont il serait par essence porteur et parce qu’on lui prête, plus qu’à tout autre, d’être un art démocratique, voire l’art de la démocratie par excellence, participant ainsi du débat politique comme de la construction de l’espace public. Cette croyance s’explique en partie par le fait que cet art de la parole en public offre un cadre de réception collectif (par contraste avec la littérature) et une coprésence des corps sur la scène et dans la salle (à la différence du cinéma). Cette conviction ne tient cependant pas seulement aux spécificités matérielles du médium artistique, pour indéniables qu’elles soient, elle prend aussi sa source dans ce que l’on peut véritablement qualifier de « mythologie » du théâtre public – au sens où il s’agit d’un récit fondateur glorieux qui soude l’ensemble des actrices et acteurs professionnels du champ théâtral – selon laquelle la scène théâtrale figurerait l’agora grecque antique, et le public l’assemblée citoyenne. La scène représenterait ainsi le peuple face à lui-même dans la salle. D’où le paradoxe constitutif du théâtre public, où tout est fait au nom du peuple-public mais sans lui, par ses représentants que sont les artistes ; ce qui pose de façon aiguë la question de la représentativité de ces derniers.
Ces controverses révèlent des conflits de valeurs au cœur du socle idéologique du théâtre public.
Longtemps, ce paradoxe n’a pas posé de problème. Car, si l’expression « théâtre populaire » recouvre une diversité idéologique et donc aussi esthétique, et qu’on peut distinguer de la fin du XIXe aux années 1940 trois lignées de théâtre populaire (paternaliste, républicaine et une troisième d’inspiration socialiste révolutionnaire) dont héritera diversement le théâtre public, celles-ci sont rassemblées par un repoussoir commun : le théâtre bourgeois. Ce contre-modèle est entendu à la fois comme modèle esthétique et comme façon de concevoir la fonction sociale du théâtre (modèle marchand vs élévation politique, spirituelle et esthétique) et sa fonction existentielle (aller au théâtre pour se donner en spectacle vs aller vivre une expérience qui transforme ou transporte l’individu et le relie à ses semblables en vitalisant un sentiment d’appartenance collectif). De là, date un postulat qui s’est avéré décisif dans la lente élaboration du consensus entre élus politiques et artistes ayant permis la construction d’une intervention étatique dans la chose théâtrale et donc d’une politique publique du théâtre : l’idée que la démocratisation des publics et l’exigence artistique, loin de s’opposer, sont la condition l’une de l’autre et qu’un théâtre populaire (entendu comme théâtre qui s’adresse aux classes populaires) est le préalable et la clé du renouvellement esthétique et politique du théâtre.
Côté salles, la prise de conscience du décalage avec la composition réelle de la société est assez ancienne : elle date des « années 1968 » Voir Ch. Rotman, P. Rotman, Les Années 68, Paris, Seuil, 2008., avec la Déclaration de Villeurbanne et les premiers travaux de Bourdieu, implacablement confirmés depuis par les enquêtes décennales sur les pratiques culturelles des Français qui montrent que plus de 80 % de la population française manque à l’appel D’après les chiffres des enquêtes publiées depuis la fin des années 1970 par La Documentation française et le ministère de la Culture, seuls 16 % à 18 % de la population française de plus de 15 ans va au théâtre une fois dans l’année. et que le problème est au moins autant qualitatif que quantitatif, puisque c’est particulièrement le peuple qui fait défaut, si par ce mot on entend les classes populaires. Côté scène, la prise de conscience du déficit de représentativité est beaucoup plus tardive. Elle a commencé au milieu des années 2000, dans un contexte politique propice à l’élargissement de cette problématique aux rapports sociaux de genre et de race, au-delà de la classe. La question raciale est toutefois celle dont l’arrivée sur la scène du théâtre public a été la plus tardive – et la plus difficile.
Il y a d’abord eu une occasion manquée en 2006, au moment de la publication du rapport connu sous le nom de son autrice Reine Prat, haut fonctionnaire au ministère de la Culture et chargée de mission « ÉgalitéS ». Intitulé Pour une plus grande et une meilleure visibilité des diverses composantes de la population française dans le secteur du spectacle vivant, il visait dans son principe, comme l’indiquait le pluriel, à saisir ensemble les différents défauts de visibilité/représentativité. Autrement dit, il développait déjà une perspective intersectionnelle, c’est-à-dire une analyse sensible aux effets d’accumulation et d’interaction entre les différents rapports de domination. Toutefois, eu égard aux moyens modestes alloués à cette mission, ce premier rapport se focalisait sur les inégalités de genre, et plus précisément hommes/femmes, ce que précisait son sous-titre « 1- Pour l’égal accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité, aux lieux de décision, à la maîtrise de la représentation ». C’est à la suite de ce rapport que s’est fondé le mouvement HF « pour l’égalité femmes/hommes dans les arts et la culture ». Si cette question est loin d’être résolue aujourd’hui – les statistiques le prouvent –, le fait qu’elle soit arrivée par le haut, a contribué à la rendre audible et légitime.
À l’inverse, c’est par le bas et de biais que la question raciale est entrée en scène, d’abord en 2007 avec l’affaire Koltès C. Desclés, L’Affaire Koltès. Retour sur les enjeux d’une controverse, Paris, L’Œil d’Or, 2015., quand l’ayant droit de l’auteur a refusé la prolongation de la durée d’exploitation de la pièce Retour au désert par la Comédie-Française, au motif que la metteuse en scène Muriel Mayette avait distribué un comédien blanc dans le rôle d’Aziz, personnage d’Algérien arabophone écartelé entre le FLN et ses patrons pieds-noirs. C’est moins l’enjeu de vraisemblance de la distribution et donc le problème de crédibilité au regard de l’intrigue qui ont été mis sur le devant de la scène argumentative de cette controverse portée en justice, que le choix d’une distribution contrevenant à la volonté explicite de l’auteur, que l’ayant droit se fixait pour devoir de faire respecter. Dans cette affaire, la question raciale n’a donc pas été formulée frontalement, mais sous l’angle du respect (ou de l’abus) du droit d’auteur et de la confrontation entre deux légitimités artistiques et deux libertés de création (celle de l’auteur et celle du metteur en scène).
Dans les faits, aujourd’hui, seuls certains acteurs peuvent bel et bien tout jouer. Ce sont ceux qui bénéficient de la “transparence sociale”.
Après cette fausse entrée, c’est durant la saison 2014-2015 que le sujet a fait un retour en fanfare, à la faveur de deux affaires : la première, déjà évoquée, portant sur le spectacle Exhibit B, à l’automne 2014 ; la seconde, sur le dispositif de recrutement des interprètes, « Premier Acte », au printemps 2015 : imaginé par Stanislas Nordey, il visait à proposer une formation alternative aux grandes écoles à des jeunes « empêchés » d’accéder à la carrière de comédien du fait de discriminations raciales. C’est à la fois le critère de sélection, fondé sur un ressenti subjectif et sur le critère racial et non social, et le caractère trop restreint de la démarche, qui ont fait l’objet de critiques. Ces deux affaires ont configuré plusieurs aspects de la formulation de la question raciale au théâtre. Concernant les acteurs et actrices de la contestation tout d’abord, puisque dans les deux cas, l’affaire est née par le bas, en venant des bénéficiaires potentiels – qu’il s’agisse des publics de l’œuvre ou des candidats du dispositif de sélection. Concernant les cadres d’intelligibilité ensuite, puisque les deux affaires ont en commun d’avoir permis une extension des questions esthétiques en les articulant à des problématiques socio-économiques et socioprofessionnelles telles que le partage de l’auctorialité au sein des processus de création (élément clé pour pouvoir déterminer si les performeurs d’Exhibit B étaient ou non des victimes passives du dispositif mis en œuvre par le metteur en scène) et les choix de distribution. Ainsi, la tribune Collectif, « “Blackface” à la Sorbonne : “Ne pas céder aux intimidations, telle est notre responsabilité” », Le Monde, 11 avril 2019., lancée par Ariane Mnouchkine au moment de l’affaire des Suppliantes et signée par un nombre impressionnant et même intimidant Voir B. Hamidi, « Pour une liberté de création partagée par tous », AOC, 3 mai 2019. de personnalités artistiques et politiques, a notamment défendu Brunet au titre du postulat selon lequel, au théâtre, « l’acteur peut tout jouer ». Si cet énoncé peut être considéré comme juste sur le plan prescriptif (un comédien devrait pouvoir tout jouer), en revanche il ne l’est pas, c’est-à-dire qu’il est à la fois inexact et injuste, sur le plan descriptif. Car, dans les faits, aujourd’hui, seuls certains acteurs peuvent bel et bien tout jouer. Ce sont ceux qui bénéficient de la « transparence sociale » E. Dorlin (dir.), Sexe, race, classe. Pour une épistémologie de la domination, Paris, PUF, 2009., le premier des privilèges dont disposent tous ceux qui appartiennent aux groupes dominants (personnes blanches, cisgenres, hétérosexuelles). Les autres se voient interdire de tout jouer, et sont régulièrement renvoyés à leurs particularismes supposés et ainsi exclus de l’universel de la représentation. Ils se voient refuser des rôles ou assigner des partitions stéréotypées, deux modalités distinctes de discrimination qui viennent altérer les conditions d’exercice de leurs métiers et qui, réciproquement, atrophient le champ imaginaire des artistes comme celui des publics. Sur le plan esthétique, considérer « quelles images sont représentées » amène à s’interroger sur le type de représentants du peuple figurés (personnages) ou présents sur scène (interprètes), ainsi que sur le type d’adresse au public.
Bref, c’est donc peu dire que l’arrivée de la question raciale, loin d’asséner des réponses univoques et définitives ou d’assécher le flux créatif des artistes, comme le prétend le narratif de « guerre culturelle », réensemence au contraire aussi bien le champ de la création que celui de l’interprétation.
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10.07.2025 à 10:57
Aurélie Doulmet
S’il a fondé sa légitimité sur l’idée d’un théâtre de service public pour tous, le théâtre public est aujourd’hui critiqué pour son entre-soi et son éloignement des classes populaires. En 2023, seulement 14 % de la population avait assisté à un spectacle de théâtre au cours de l’année. Parmi ceux qui n’y étaient pas allés, 45 % […]
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S’il a fondé sa légitimité sur l’idée d’un théâtre de service public pour tous, le théâtre public est aujourd’hui critiqué pour son entre-soi et son éloignement des classes populaires. En 2023, seulement 14 % de la population avait assisté à un spectacle de théâtre au cours de l’année. Parmi ceux qui n’y étaient pas allés, 45 % évoquaient un manque d’intérêt.
En parallèle, différentes affaires secouent la scène théâtrale et la scène médiatique depuis 2007 : blackface, personnages non blancs joués par des artistes blancs, stéréotypes racistes… Des tensions qui révèlent des conflits de valeurs et qui fissurent le récit fondateur du théâtre public et le modèle républicain dont il se réclame.
Un podcast enregistré à l’occasion d’un débat organisé par l’Observatoire des politiques culturelles, lors des rencontres professionnelles de l’ISTS, le 15 juillet 2024 à Avignon.
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03.07.2025 à 15:30
Frédérique Cassegrain
Qualifiée de « nouveau sésame », l’ingénierie culturelle est devenue un savoir-faire convoité. Mais qui compose ce paysage ? De quoi est faite cette expertise et pour quelles réalités de fonctionnement ? Entretien avec l’agence Le troisième pôle sur l’évolution de leurs missions en prise directe avec les attentes des collectivités.
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Quel est le paysage général des agences d’ingénierie culturelle ? Et pour quels projets est sollicitée une agence telle que la vôtre ?
Caroline Couraud – La première agence d’ingénierie culturelle, ABCD (pour arts, budgets, communication et développement) a été créée en 1986 par Claude Mollard. Le paysage n’a eu de cesse de s’élargir depuis, et Le troisième pôle est apparu en 2000. Aujourd’hui, il s’agit d’un secteur très hétérogène, composé majoritairement de petites structures (PME-TPE) et de nombreux freelances, souvent issus des collectivités publiques. Les prestataires interviennent généralement sur un secteur spécifique : spectacle vivant, musées, patrimoine, ou musiques actuelles. Quelques agences, comme la nôtre, abordent l’ensemble de ces domaines. Avec vingt-cinq ans d’expérience, notre équipe (composée de sept salariés en CDI, dont certains issus d’équipements culturels et d’autres de collectivités) a développé une connaissance fine de ces différents champs.
L’ingénierie culturelle recouvre plusieurs niveaux d’intervention : à l’échelle territoriale, nous travaillons avec tous les échelons (villes, EPCI, départements, régions), mais nous pouvons aussi être sollicités pour des politiques culturelles plus globales comme la lecture publique ou les enseignements artistiques. Nous opérons également auprès de lieux culturels : pour leur création, leur transformation, une évolution dans leur activité ou une réorganisation interne. Ces missions se font en lien avec les collectivités, mais parfois directement avec les équipes des lieux. Un exemple marquant est notre travail avec le Plus Petit Cirque du Monde, que nous accompagnons depuis plus de dix ans dans leur déploiement. Cette collaboration directe et durable avec un lieu artistique est rare car les marchés publics ne permettent pas toujours ce type de compagnonnage. Dans la même lignée, nous pouvons aussi mentionner nos six années d’accompagnement du Département de Meurthe-et-Moselle pour la refonte de la Cité des Paysages sur la colline de Sion.
Ce qui fait aussi la particularité du troisième pôle, c’est que nous ne nous sommes jamais limités au seul rôle de conseil. Nous avons toujours tenu à conserver une implication concrète dans la réalisation des projets. Aujourd’hui, l’appellation « ingénierie culturelle » inclut aussi des missions de production artistique. Nous avons ainsi organisé de nombreuses manifestations, et nous intervenons également en maîtrise d’œuvre aux côtés d’architectes et de scénographes, notamment pour des expositions. Cela nous permet de garder un pied dans des projets au long cours, à la différence des missions de conseil plus ponctuelles. Celles-ci recouvrent d’ailleurs des réalités très variées : des études classiques, fondées sur des diagnostics et enquêtes, mais aussi des missions opérationnelles proches de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) comme la mise en œuvre de dispositifs, la passation de marchés de maîtrise d’œuvre ou l’amélioration de la gouvernance d’un projet.
Un article récent du Monde L. Carpentier, « L’ingénierie culturelle, un oxymore qui vaut de l’or », Le Monde, 3 mars 2025. qualifiait l’ingénierie culturelle de marché florissant, en France et à l’étranger. Partagez-vous cette analyse ?
C. Couraud – Pas vraiment. En France, le marché est indexé sur les budgets des collectivités territoriales, aujourd’hui extrêmement contraints. On observe même un ralentissement : moins de marchés publics, davantage de concurrence sur les prix, des projets qui peinent à aboutir. Même du côté de nos collègues architectes ou scénographes, cette situation se fait sentir. Donc non, le marché public de l’ingénierie culturelle en France ne nous semble pas florissant. À l’international, en revanche, certaines zones comme le Moyen-Orient ou la Chine offrent des opportunités. Pour notre part, nous avons choisi de rester dans des logiques de coopération plus ancrées et liées à notre histoire, notamment en Afrique, via des programmes portés par l’Agence française de développement (AFD), sans viser les grands projets trop capitalistiques.
L’idée d’un marché en expansion vient peut-être de la création, ces dernières années, de services d’ingénierie au sein même des institutions culturelles, motivées par la pression croissante sur les ressources propres ou influencées par les grands cabinets de conseil intervenant auprès de l’État. Mais en réalité, il existe deux modèles économiques distincts : celui de structures comme la nôtre, avec un modèle d’équilibre (pas de rentabilité actionnariale) et celui des grands cabinets. Nous passons du temps sur le terrain et, si nous capitalisons évidemment de l’expérience — ce que nous souhaitons ! –, nous réutilisons peu d’éléments d’une étude à l’autre. Notre équipe est majoritairement composée de consultants seniors, tous en CDI, et très peu de stages. Donc, en espérant ne pas être trop caricaturale en disant cela, nous avons une approche sans doute moins industrielle ou taylorienne que d’autres acteurs de plus grande taille… Avec un chiffre d’affaires légèrement inférieur à un million d’euros, nous assurons nos salaires sans dégager de marges significatives. Rien à voir donc avec les modèles évoqués dans l’article du Monde.
La crise financière que traversent actuellement les collectivités a-t-elle un impact sur le type de projets que vous accompagnez ?
C. Couraud – La crise actuelle, plus profonde que celles des vingt dernières années, se fait sentir sur les études elles-mêmes à travers des budgets en baisse et des marges de manœuvre réduites. Alors même qu’il n’a jamais été aussi nécessaire de travailler à l’adaptation de nos modes de création, de diffusion, d’éducation et de coopération.
Thomas Adam – Cet impact se voit aussi dans la façon dont les collectivités réorientent leurs ambitions. Là où les études visaient autrefois le développement d’activités ou des évolutions de politiques culturelles, on sent un recentrage. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de redéployer ou de réorganiser l’existant. Cela pose des questions de priorisation. Dans ces cas-là, nous faisons en sorte d’aider aussi bien les services que les élus à y voir clair. On pense souvent que ce sont ces derniers qui incitent à « faire plus » à moyens constants, mais les équipes ont souvent aussi du mal à renoncer à des projets ou actions portés depuis plusieurs années. Nous nous efforçons donc d’objectiver les choses, pas seulement du point de vue quantitatif ou avec des indicateurs, mais surtout en décentrant le regard : à quels besoins la collectivité doit-elle répondre en priorité ? Qu’est-ce qui fonde son apport en matière de service public de la culture ? Qu’est-ce qui n’est pas couvert par ailleurs ? Comment mieux s’organiser pour y répondre ? Quelles coopérations rechercher avec d’autres partenaires publics ? Bref, nous essayons d’apporter des éléments objectifs, mais aussi de les amener à se poser les bonnes questions et à y répondre collectivement. Pour autant, les changements de cap génèrent parfois des tensions et des blocages. On a vu plusieurs projets être mis en pause, des restitutions d’études reportées, voire suspendues, parce qu’il est difficile de la part de certaines collectivités d’assumer les arbitrages qu’impose cette contraction de moyens. Sans compter qu’il y a de plus en plus de limites à l’exercice… Par exemple, combien de temps encore le bloc communal pourra-t-il continuer à porter quasiment seul les enseignements artistiques spécialisés, tels qu’ils sont organisés et en veillant à en démocratiser l’accès ? Plus les budgets se contractent, plus les décisions risquent d’être radicales. Il est donc urgent d’aider les collectivités à l’anticiper et peut-être à assumer des évolutions fortes mais qui sont les moins préjudiciables pour les habitants et les professionnels du secteur.
La dynamique d’externalisation culturelle tend beaucoup à se développer au sein des collectivités. Comment interprétez-vous la situation ? Est-ce parce qu’elles n’ont plus les moyens d’assumer certaines compétences en interne qu’elles font appel à des sociétés d’ingénierie culturelle ou existe-t-il d’autres motivations ?
C. Couraud – Cela fait vingt ans que je suis au troisième pôle et que je réponds à des marchés publics d’ingénierie culturelle, et je ne peux pas dire que j’observe une augmentation nette de ces marchés. En revanche, je perçois plutôt une montée en puissance de l’externalisation en matière de gestion de projets et d’exploitation des lieux culturels. Depuis cinq à dix ans, on voit apparaître de plus en plus de scénarios d’externalisation dans lesquels les collectivités, faute de moyens humains ou budgétaires pour gérer un nouvel équipement, envisagent de confier cette gestion à des opérateurs privés ou associatifs, voire à des investisseurs. C’est une évolution que l’on peut relier aussi à l’émergence des tiers-lieux qui, à un moment donné, ont pu laisser penser à certains élus qu’un lieu pouvait remplir des missions d’intérêt général, artistique et culturel, sans soutien public pérenne. Il y a, certes, une forme d’attrait pour ce modèle d’externalisation, mais dans les faits, ce n’est pas toujours viable. Ce type de scénario n’aboutit pas systématiquement.
Nous concernant, nous n’avons pas forcément l’impression d’être appelés en remplacement de services supprimés. Ce n’est pas une externalisation au sens d’un transfert de compétences. On intervient souvent en appui à des équipes d’agents dans des services de collectivités dont la charge de travail n’a cessé d’augmenter au fil des années, en raison d’une croissance naturelle des projets ou de l’activité, alors que les effectifs sont restés constants – voire ont été réduits. Ça, on le constate dans une grande majorité de nos missions.
T. Adam – Les collectivités nous sollicitent moins par manque de compétences que par manque de temps et de cadre pour faire émerger les projets. Nous apportons une méthodologie, un calendrier, des rendez-vous qui permettent aux équipes de sortir du flux quotidien pour penser collectivement. On structure des temps d’échange avec tous les niveaux de la collectivité : élus, agents, directions opérationnelles, direction générale, partenaires. Ce type de dialogue transversal est rarement spontané en dehors d’un accompagnement externe. En tant qu’AMO, on facilite cette dynamique. On veille aussi à impliquer d’autres directions que celles de la culture : action sociale, éducation, tourisme, etc. Une politique culturelle n’a de sens que si elle est pensée en interaction avec les autres champs de l’action publique. De même, on essaie quand c’est pertinent, d’associer d’autres strates de collectivité, ou l’État, même si ce n’était pas prévu initialement.
Ce rôle de facilitateur, on l’assume avec une double posture : celle du tiers – c’est justement de là que vient notre nom « troisième pôle » – mais aussi celle de l’expert. Ce regard extérieur sert à faire dialoguer les acteurs, reformuler les enjeux, mais aussi analyser, confronter des hypothèses, comparer des expériences. On n’est pas juste là pour accompagner, on est là pour faire évoluer les projets. Ce rôle de tiers ne peut pas être neutre : il porte une expertise en matière de politiques culturelles. Il ne s’agit pas seulement de faciliter les échanges, mais aussi de proposer une lecture, une vision, des éléments d’analyse issus de notre pratique. Et cela peut nous amener à interroger, voire contredire, certaines orientations de départ.
C. Couraud – Il y a d’ailleurs toujours, en début de mission, une phase de reformulation de la commande. On prend le temps de vérifier que le problème posé est le bon, qu’on aborde le sujet par le bon angle. Une étude de faisabilité, par exemple, ne débouche pas systématiquement sur la validation du projet imaginé par l’élu ou l’agent. Parfois, on conclut qu’il n’est pas faisable, ou qu’il gagnerait à être repensé. C’est aussi notre responsabilité.
Avez-vous noté des évolutions au fil des années dans le type de commandes qui vous est passé, leur cahier des charges ou la relation aux commanditaires ?
C. Couraud – Moi, ce que j’observe, c’est une montée en technicité des commandes. Les attendus vont de plus en plus loin dans la démonstration de faisabilité, les livrables demandés sont de plus en plus précis. Cela reflète une vigilance accrue sur l’usage de l’argent public, et une volonté de sécuriser les projets sur les plans techniques, financiers et juridiques. En parallèle, les collectivités se sont fortement professionnalisées, avec des agents très compétents, ce qui modifie aussi notre manière d’interagir.
Dans ce contexte, c’est un enjeu fort pour nous de ne pas se couper des élus. La technicisation du secteur peut faire glisser certains projets vers une gestion uniquement portée par les services, et on risque alors de perdre la vision politique des élus. Cet éloignement progressif des élus vis-à-vis des sujets culturels, nous l’avons en effet observé, et ce, alors même que ces projets mobilisent des budgets importants. On essaie donc toujours de retisser ce lien, de les impliquer dès le début, pas seulement lors du comité de pilotage final. C’est d’autant plus important, dans le contexte politique actuel.
T. Adam – Ce qui ne veut pas dire qu’on cherche à contourner les services ou à s’adresser uniquement aux élus. On insiste sur l’intérêt d’impliquer les élus en continu, parce que c’est souvent dans cet aller-retour entre vision politique et mise en œuvre technique que les projets prennent vraiment sens. Il arrive que cela ne soit pas aussi évident qu’on l’imagine pour les services et, dans ce cas-là, on essaie de leur faire comprendre l’intérêt de cette articulation.
C. Couraud – Et dans cette logique, nous valorisons de plus en plus une posture d’accompagnement : on préfère les missions d’accompagnement aux études « en chambre ». On veut être au plus près des besoins des agents, et s’assurer que le travail produit soit bien intégré par la collectivité. Une fois notre mission achevée, l’idée est que le projet puisse se poursuivre sans nous à partir de la dynamique déjà enclenchée. Mais encore faut-il que les cahiers des charges le permettent. On y trouve parfois des approches très cadrées, très prescrites, notamment sur les méthodes. Ce n’est pas un problème en soi, ça permet de mieux cerner les attentes, mais cela peut aussi restreindre la marge d’invention. C’est pourquoi nous sommes attentifs à la manière dont les missions sont formulées en amont. Les outils de commande publique eux-mêmes peuvent mener à une certaine forme d’uniformisation. L’écueil serait alors de reproduire des formats réplicables, standardisés.
Cela va de pair avec un autre axe important pour nous : la coopération. On pousse pour que les projets soient pensés dans une logique partenariale, que ce soit avec d’autres collectivités, avec les institutions, mais aussi les acteurs privés ou associatifs. On est souvent sollicités sur ces sujets-là dans des missions d’AMO : comment organiser la gouvernance d’un projet partagé ? Comment répartir les rôles entre une collectivité et une association ? Comment faire en sorte que la puissance publique s’appuie sur les ressources locales sans tout prendre en charge seule ? C’est un vrai levier d’efficience et de pertinence.
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26.06.2025 à 14:12
Aurélie Doulmet
Le Grand T, théâtre public implanté à Nantes, est fermé pour travaux pendant deux ans. Il réouvrira au public fin 2025, sous le nom de « Mixt ». En attendant, il déploie son activité autrement sur la métropole, alternant des projets hors les murs, des spectacles en itinérances et coréalisations dans une trentaine de salles partenaires qui lui […]
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Le Grand T, théâtre public implanté à Nantes, est fermé pour travaux pendant deux ans. Il réouvrira au public fin 2025, sous le nom de « Mixt ». En attendant, il déploie son activité autrement sur la métropole, alternant des projets hors les murs, des spectacles en itinérances et coréalisations dans une trentaine de salles partenaires qui lui offrent l’hospitalité.
Ce théâtre s’inscrit dans le patrimoine nantais et s’interroge sur la manière de le perpétuer, sans le répéter. « Un héritage à la fois formidable mais un peu lourd à porter. » Le monde change, les pratiques aussi : comment répondre à de nouveaux enjeux de société (écologique, participatif, inclusif) ? Comment donner corps à la notion de théâtre public dans ce contexte-là ? Catherine Blondeau, directrice de l’établissement, évoque, dans ce podcast, la réflexion conduite pour diversifier la fréquentation et l’offre, repenser la manière de construire une proposition artistique et culturelle afin que le théâtre infuse sur tout le territoire.
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19.06.2025 à 11:24
Frédérique Cassegrain
Dans une salle de classe madrilène, des enfants de onze ans fondent une compagnie d’opéra. Ils écrivent, mettent en scène, fabriquent costumes et décors, communiquent, chantent. Ils s’organisent, débattent, inventent. Ce projet a un nom : LÓVA (l’Opéra, un véhicule d’apprentissage). Partant de cette expérience en Espagne qui a servi de terrain à son mémoire de Master, Adélie Ester interroge dans cet article les piliers de l’EAC à la lumière des droits culturels.
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Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Adélie Ester, j’ai vingt-quatre ans. Ma formation comprend la danse, le théâtre et les arts audiovisuels. Je suis également diplômée du master « Arts, Lettres et Civilisations – Parcours Diffusion de la culture » de l’Université Grenoble Alpes.
Depuis 2021, je dirige le collectif d’arts-vivants Les Nuageux. J’aime présenter les projets des Nuageux comme des aventures dans lesquelles l’art est un prétexte pour apprendre à se connaître, à faire et à ressentir ensemble. De parents tous deux enseignants, je me suis toujours inspirée de ce que l’éducation pouvait apporter aux arts et inversement.
Comment est née l’envie de travailler sur ce sujet de mémoire ?
En 2023, je suis partie en Espagne pour découvrir d’autres manières de faire de la médiation culturelle. La notion de droits culturels m’intéressait déjà beaucoup. Dans un premier mémoire, j’avais cherché à comprendre dans quelles conditions la danse pouvait devenir un outil de développement humain. En Espagne, j’ai dansé avec des enfants, des personnes âgées ou en situation de handicap, ainsi que dans des contextes variés, y compris en milieu carcéral… Et j’ai découvert le projet LÓVA (L’Opéra, un véhicule d’Apprentissage), dont je parle dans cet article.
Je me suis alors rendu compte que je ne m’étais encore jamais penchée sur la question des droits culturels des enfants. J’ai constaté que l’éducation artistique et culturelle, telle qu’elle s’exerce en France, ne semblait pas non plus véritablement s’y attarder. Si l’enfant possède des droits, pourquoi ne jouirait-il pas lui aussi de droits culturels ? En 2024, je suis donc retournée en Espagne pour réaliser un stage de six mois au sein du projet LÓVA et entamer cette nouvelle réflexion.
Ce sujet fait aussi écho à mon histoire personnelle. Plus jeune, j’ai croisé la route d’un professeur qui a su déceler en moi ce désir de création immense mais timide. En me confiant la responsabilité d’écrire un film et de le réaliser, en sachant m’accompagner sans influencer mes choix artistiques, il m’a donné l’élan et les moyens de partir à la découverte de moi-même. Ainsi j’ai su que j’étais capable de matérialiser une idée, un message, une émotion, et que l’on pouvait m’écouter. Cette année-là j’ai découvert plus qu’une passion : une vocation. Je sais que cette expérience m’a transformée, et j’aimerais que d’autres jeunes puissent avoir cette chance. Voilà pourquoi j’aime profondément mon sujet de recherche.
Votre terrain d’enquête vous a-t-il surpris ?
Oui, beaucoup. J’ai d’abord été frappée par le projet LÓVA en lui-même, par son exigence, sa reconnaissance nationale et les moyens qui lui sont accordés. Rappelons que le franquisme a menacé l’Espagne jusque dans les années 1970 et que l’histoire des politiques culturelles de ce pays est bien moins longue que la nôtre. J’étais surprise de constater qu’un tel projet n’existait pas encore en France. Et pourtant, l’EAC est aujourd’hui une priorité de nos politiques culturelles actuelles. De manière générale, j’ai remarqué une façon bien différente de concevoir la médiation culturelle en Espagne.
Ensuite, ce sont les enfants qui m’ont étonnée ! La complexité des sujets qu’ils choisissent d’aborder est saisissante. J’ai été touchée par la maturité avec laquelle ils parlaient de leur projet ou du rôle qu’ils exerçaient au sein de la compagnie. J’ai aussi été impressionnée par la diversité des responsabilités qui leur étaient accordées.
Enfin – sur un plan plus personnel –, j’ai découvert que j’aimais profondément travailler avec les enfants. Je ne m’attendais pas à une telle révélation. Cette expérience m’a offert de nouvelles envies, de nouvelles idées à explorer avec mon collectif et peut-être même une nouvelle ligne directrice.
Que voudriez-vous faire évoluer dans le secteur culturel ?
Je suis heureuse de constater que les collectivités territoriales manifestent un intérêt grandissant pour la question des droits culturels. J’aimerais que cet intérêt dépasse les discours et s’accompagne d’un véritable engagement financier en faveur des projets de création collective. En tant que jeune artiste, je remarque qu’il est beaucoup plus difficile de défendre un projet de ce genre s’il ne s’appuie pas sur une démarche personnelle d’auteur ou s’il n’est pas lié à une pièce programmée dans un théâtre.
Permettre aux enfants d’aller voir des spectacles et de fréquenter les institutions culturelles est essentiel. Cependant, j’aimerais que l’on sache aussi reconnaître l’école comme véritable lieu de culture à part entière. Je souhaite qu’un projet de création collective qui naît et grandit dans une école soit aussi légitime que celui qui naît et grandit dans un théâtre. Il faudrait que le rôle de l’enseignant, premier témoin et passeur du quotidien de l’enfant, soit beaucoup plus valorisé par les projets d’EAC.
Enfin, pour les artistes qui veulent mener des projets d’EAC, il serait sans doute nécessaire qu’ils puissent d’abord se rendre dans les écoles pour observer, écouter les conversations dans les cours de récréation, poser des questions et se laisser surprendre. Une mauvaise prise en compte des droits culturels des enfants s’explique souvent par une rencontre qui n’a tout simplement pas eu le temps d’advenir.
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19.06.2025 à 11:14
Frédérique Cassegrain
En février 2024, le ministère de la Culture espagnol créait une nouvelle direction générale des droits culturels et nommait à sa tête Jazmín Beirak. Le lancement le 8 juillet 2025 du Plan pour les droits culturels et le sommet Mondiacult de l’Unesco sur les politiques culturelles qui aura lieu en septembre à Barcelone, sont l’occasion de nous entretenir avec elle.
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En février 2024, vous avez été nommée directrice des droits culturels au ministère de la Culture espagnol. Dans quel objectif a été créée cette nouvelle direction ?
La création de la Direction générale des droits culturels (DGDC) pose un jalon important. C’est la première fois que l’approche des droits culturels est expressément intégrée dans la structure administrative de l’État espagnol. Ce progrès est le résultat d’un processus collectif. Depuis des décennies, les agents du secteur culturel, les gestionnaires, les professionnels, les créateurs et les réseaux associatifs défendent et travaillent sur la culture en tant que droit. Aussi, cette direction cristallise-t-elle un effort de longue haleine, et elle a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme et d’excitation.
L’objectif de la DGDC est de compléter les deux grands axes qui ont structuré jusqu’à présent l’action publique dans le domaine de la culture : d’un côté la promotion du secteur professionnel, de l’autre la préservation et diffusion du patrimoine. Ces deux axes reflétaient la division historique entre une culture éclairée et une culture comprise comme bien de consommation. Face à cette dichotomie, la DGDC entend ouvrir un espace en faveur d’une approche sociale de la culture dans les politiques culturelles, en reconnaissant cette dernière comme une pratique sociale vivante et en mettant en lumière ses impacts sociétaux.
Quelles sont les implications de cette démarche ? Comment modifie-t-elle l’action publique ?
Cette démarche a trois implications. Premièrement, elle suppose de dépasser une vision étroite de la culture, limitée à l’accès aux biens, aux services ou aux expressions artistiques, pour embrasser toutes les manières dont elle peut être présente dans nos vies : par exemple, développer des capacités créatives, gérer et transmettre le patrimoine culturel, utiliser notre langue, promouvoir des projets ou participer à la prise de décision sur les politiques culturelles, etc. L’approche des droits culturels est basée sur une compréhension large et globale de la culture, non plus réservée aux spécialistes ou aux professionnels, mais reconnue comme une composante essentielle de notre rapport à la réalité, dans la façon dont nous la comprenons, l’interprétons et la transformons, et comme une partie fondamentale du développement intégral des individus, des groupes et des sociétés.
Deuxièmement, cette perspective implique d’admettre que des facteurs sociaux facilitent ou entravent l’accès et la participation à la vie culturelle, et que l’administration publique se doit d’intervenir pour corriger ces déséquilibres : les exclusions structurelles du secteur, les inégalités socio-économiques, ethniques, territoriales ou liées au handicap, auxquelles s’ajoute le manque de reconnaissance de certaines pratiques culturelles considérées comme illégitimes. Les droits culturels placent l’équité et la pluralité comme des principes directeurs de l’action publique.
Troisièmement, cela suppose de reconnaître que la culture n’est pas un secteur isolé, mais au contraire transversal, afin de valoriser ses impacts positifs sur d’autres domaines tels que l’éducation, la santé, l’environnement, la science et l’innovation.
Pour se renforcer, la culture doit déborder et échapper à l’action institutionnelle.
Cette réflexion conduit également à repenser le rôle et la mission des institutions culturelles publiques. En quoi la culture relève-t-elle d’une responsabilité publique ou d’un service public ? Pour la santé ou les transports, la réponse semble assez évidente : assurer la meilleure prestation de services possible. Cependant, dans le domaine culturel, le défi est tout autre. Il ne s’agit pas de « fournir » de la culture, puisque celle-ci est avant tout produite par la société et non par les institutions. Garantir une offre culturelle ne suffit pas. Le véritable objectif est plutôt d’encourager chaque personne à avoir un pouvoir sur sa vie culturelle. Il faut créer les conditions pour que les pratiques culturelles – dans toutes leurs expressions et manifestations – puissent s’épanouir, de même qu’il est indispensable de redistribuer les ressources afin que nul ne soit exclu, que toutes les personnes, groupes et collectifs soient à même de développer pleinement une vie culturelle. En définitive, la mission des institutions et politiques culturelles n’est pas de conforter leur propre action, mais de soutenir ce qui se passe en dehors d’elles. Plus la culture y sera dynamique, autonome et diversifiée, plus les institutions seront en mesure de remplir leur fonction. D’où le paradoxe inhérent à la gestion culturelle publique : pour se renforcer, la culture doit déborder et échapper à l’action institutionnelle.
Le Plan pour les droits culturels est le résultat d’un travail de consultations mené sur plus d’une année, quelles en ont été les étapes ?
Des groupes de travail, composés de professionnels, d’artistes, de juristes, de gestionnaires, d’associations culturelles – avec une représentation la plus large possible de l’écosystème culturel –, se sont saisis de treize thématiques Adéquation normative, bonnes pratiques et gouvernance ; Culture intergénérationnelle ; Droits numériques ; Développement local et action communautaire ; Inégalités ; Handicap ; Diversité ethnique ; Diversité linguistique ; Éducation et culture ; Évaluation des politiques culturelles ; Égalité des genres ; Médiation culturelle ; Durabilité et Agenda 2030., entre juin et décembre 2024, dans l’objectif d’élaborer des diagnostics et des propositions. Parallèlement, nous avons lancé une plateforme en ligne de participation citoyenne, qui a reçu près d’un millier de contributions, et nous avons organisé des réunions avec des associations professionnelles du secteur. Nous collaborons également avec les communautés autonomes La Constitution de 1978 consacre le droit des Communautés autonomes à gérer leurs propres affaires dans plusieurs domaines de compétence. Il existe 17 communautés autonomes en Espagne, leur statut d’autonomie régit leur organisation, leurs compétences, et la répartition de l’impôt. et différents ministères du gouvernement, conscients de la nécessité de connecter la culture à d’autres domaines de l’action publique. Le Plan contient environ 130 actions. Il sera présenté le 8 juillet à Madrid et sera ensuite diffusé dans le reste du pays. Il constitue désormais la principale feuille de route du Ministère pour piloter son action dans le domaine des droits culturels, en appuyant sa stratégie sur une double temporalité : lancer, à court terme, des actions qui rendront effectif l’exercice des droits culturels, et développer, à moyen et long terme, un système articulé, solide et durable de droits culturels.
Pouvez-vous évoquer quelques éléments qui composent ce Plan ?
Le Plan est vaste, mais je peux évoquer cinq priorités. La première consiste à consolider le cadre des droits culturels, ce qui implique de reconnaître et revendiquer que la culture est une partie indivisible des droits de l’homme. Pour y parvenir, il est nécessaire de se doter d’outils juridiques, institutionnels et symboliques qui assureront des progrès durables, tout comme ils permettront d’identifier et de remédier aux violations récurrentes de ces droits. Dans cette optique, des actions sont déjà menées, telles que l’intégration des droits culturels dans les instruments de protection des droits de l’homme, le renforcement des mécanismes institutionnels qui leur sont sous-jacents, mais aussi un travail de promotion pour faciliter l’appréciation et l’appropriation sociale de ces droits.
Consolider le cadre des droits culturels implique de reconnaître et revendiquer que la culture est une partie indivisible des droits de l’homme.
La deuxième priorité est de défendre la démocratie culturelle, en œuvrant à éliminer les obstacles à la participation, à renforcer le tissu culturel des citoyens, à améliorer la gouvernance culturelle et à relier éducation et médiation culturelle en tant que garanties essentielles des droits culturels.
La troisième priorité est de relever les défis contemporains d’un point de vue culturel. Cette section est la plus complète, car elle aborde à la fois des questions territoriales et démographiques : comment réduire les écarts territoriaux dans l’accès à la culture ? Comment garantir les droits culturels dans les zones rurales dans des contextes de déséquilibre territorial ? Il s’agit également de mettre en œuvre des actions spécifiques pour promouvoir l’égalité des sexes et la diversité ethnique, raciale et linguistique, en considérant cette diversité non pas comme un ajout, mais plutôt comme une condition constitutive de la culture elle-même qui, en tant que telle, doit être reconnue, protégée et promue par les politiques publiques. Cette priorité suppose de construire une gouvernance numérique inclusive, avec des infrastructures numériques publiques qui soient au service de la culture et garantissent l’accès et la participation dans l’environnement numérique.
La quatrième priorité est de soutenir la durabilité et l’indépendance de l’écosystème culturel. À cette fin, nous travaillons à améliorer les conditions de travail du secteur et à protéger la liberté artistique et culturelle – des libertés fondamentales qui, malheureusement, connaissent des violations et des menaces croissantes.
Enfin, un enjeu essentiel : créer une administration publique véritablement engagée en faveur des droits culturels. Cela implique de repenser son organisation, notamment en reformulant les procédures administratives et de recrutement qui ont trop souvent fini par restreindre, plutôt que favoriser, la liberté et la vitalité dont la culture a besoin pour se développer pleinement.
Quels sont les obstacles à la pleine reconnaissance des droits culturels ?
Les obstacles ne manquent pas… C’est là tout le poids d’une inertie de longue date qui résulte, par exemple, de politiques culturelles orientées presque exclusivement vers des approches sectorielles, la défense répétée de la valeur économique comme principale justification de la culture, ou encore la bureaucratisation des administrations publiques. Le fait que nous ayons adopté pendant longtemps une conception de la culture centrée sur les grandes œuvres ou les industries culturelles – et qu’elle ait imprégné les politiques publiques – nous a progressivement éloignés de l’idée que la culture est un droit. D’une certaine manière, nous l’avons oublié parce que nous avons cessé de l’exercer comme tel.
À cela s’ajoutent la complexité et la dispersion de la notion de droits culturels, qui n’est pas toujours facile à préciser et à traduire en politiques efficaces. Et enfin, la culture souffre encore d’un manque de pertinence sociale : le sentiment demeure que celle-ci concerne avant tout les professionnels du secteur et il est, de plus, renforcé par une forte sectorisation. Cela a fini par générer une profonde distance sociale. Beaucoup de gens perçoivent la culture comme quelque chose d’étranger, de lointain ou de réservé à quelques privilégiés, alors qu’elle nous constitue. Son exercice devrait être garanti à chacun et chacune.
Le moment actuel vous paraît-il propice au développement de politiques qui s’appuient sur les droits culturels ?
Nous vivons à une époque marquée par de multiples crises – économiques, climatiques, sociales, démocratiques – qui exigent de nouvelles réponses collectives et ouvrent la possibilité de placer d’autres valeurs au centre : la justice sociale, la durabilité, l’égalité.
En ce sens, le défi est similaire à celui qu’ont vécu des mouvements tels que la protection de l’environnement et le féminisme : pour qu’ils deviennent les cadres transversaux d’un nouvel ordre social, il a fallu cesser de les percevoir comme des intérêts sectoriels. Aujourd’hui, ces perspectives féministe et environnementale offrent une interprétation de l’ensemble de la vie sociale et proposent de véritables alternatives à nos modes de vie. Elles ont mis en lumière des dimensions aussi diverses que la répartition des soins, l’urbanisme, le droit au temps ou à une alimentation saine.
La culture partage avec ces mouvements le pouvoir de construire des sociétés plus égalitaires, plus justes et plus durables. Aussi devrions-nous pouvoir suivre ce même chemin. Mais pour cela, nous devons appréhender la culture comme une force capable de façonner notre vie quotidienne à partir des fondations qui la constituent, de redéfinir nos manières de produire, de vivre ensemble et de communiquer. La pratique et l’expérience culturelles ont un réel pouvoir opérationnel dans la construction de liens sociaux et communautaires. Ils favorisent la coopération, la coexistence, la diversité, la différence, l’empathie, le plaisir et le bien vivre – des éléments décisifs pour construire un nouvel ordre social, de nouvelles façons d’être au monde et avec les autres.
Les droits culturels servent de levier pour répondre à toutes ces questions. Ils sont la clé pour ouvrir des portes demeurées closes depuis bien longtemps. Pour autant, il ne s’agit pas de les fétichiser. Les droits culturels ont bien d’autres noms : démocratie culturelle, culture vivante, citoyenneté culturelle… Leur encadrement au sein de l’action publique n’inaugure en rien des pratiques de justice sociale dans la sphère culturelle. Ils offrent un langage et un cadre communs qui permettent à ces actions d’être connectées, de se voir attribuer un récit, d’être consolidées et davantage reconnues.
Le système en Espagne est différent de celui de la France, qui est beaucoup plus centralisé. Les communautés autonomes ont adopté des lois et des plans pour les droits culturels Navarre en 2019, les îles Canaries en 2023 et le plan pour les droits culturels de la Mairie de Barcelone en 2021.. Comment expliquer qu’elles aient pu progresser plus tôt sur cette question ? Comment le Plan pour les droits culturels prend-il en compte les avancées à cette échelle territoriale ?
Effectivement, en Navarre et aux Canaries, des lois sur cette question ont été adoptées à l’unanimité, grâce à des circonstances qui ont favorisé le consensus. La Catalogne et le Pays basque développent actuellement leurs propres cadres réglementaires. La coordination du Plan pour les droits culturels avec les communautés autonomes et les entités locales est fondamentale, car les compétences dans ce domaine sont partagées par les trois niveaux de gouvernement, ce qui rend la coopération institutionnelle essentielle. Sa pertinence est même renforcée lorsqu’il s’agit des politiques en matière de droits culturels qui dépendent largement de l’action régionale et locale en raison de leur proximité avec les citoyens. Même si cette collaboration n’est pas toujours facile – selon les circonstances politiques –, il est important de chercher les meilleures réponses possibles. À cet égard, nous encourageons les transferts de compétences vers les communautés autonomes pour des projets artistiques dans les écoles et les zones rurales, car elles sont les mieux placées pour gérer ces initiatives de manière adaptée à la réalité locale.
La Conférence mondiale sur les politiques culturelles et le développement durable de l’Unesco, Mondiacult, est organisée par le gouvernement espagnol et se tiendra à Barcelone en septembre 2025. Les droits culturels sont l’un des quatre piliers du programme. Quel est l’objectif de cette conférence ? Et quelle place y prend la société civile ?
Un des objectifs du sommet Mondiacult 2025 sera de consolider le paradigme des droits culturels dans une approche plus large des politiques d’égalité et des nouvelles formes de gouvernance démocratique. Il s’agit d’affirmer les droits culturels comme une composante essentielle des politiques publiques, en renforçant leur légitimité et leur transversalité. La société civile joue un rôle majeur dans ce processus, à la fois en amont, via une consultation en ligne, et pendant la conférence, par le biais de l’agora civique. Le Ministère y participe également à travers la XIe édition des rencontres Culture et Citoyenneté La rencontre aura lieu le 26 et 27 septembre 2025. https://culturayciudadania.cultura.gob.es/inicio.html qui se pencheront sur trois thèmes principaux : les droits culturels, la culture et la paix, et l’intelligence artificielle, toujours avec la participation la plus large possible de la société civile.
Vous avez été étudiante en France, quel est votre regard sur les politiques culturelles françaises en matière de droits culturels ?
Ma passion pour le sujet est née pendant mes études en France où j’ai suivi un cours sur les politiques culturelles. À cette époque, celles-ci n’étaient pas très étudiées en Espagne. À mon retour, j’ai continué à me spécialiser dans ce domaine. Depuis de nombreuses décennies, la France fait figure de référence, notamment dans le lien entre culture et éducation et, de manière générale, dans l’importance accordée à la culture dans les politiques publiques. C’est du moins ce qu’on en perçoit d’ici.
Jazmín Beirak est gestionnaire culturelle, chercheure en politiques culturelles et experte en droits culturels. Titulaire d’undiplôme d’études avancées en histoire et théorie de l’art de l’Université autonome de Madrid (UAM), elle a passé une année à l’université Rennes 2 au cours de ses études. Auteure de Cultura ingobernable (Ariel, 2022) elle a également étédéputée de 2015 à 2024 à l’Assemblée régionale de Madrid d’abord pour Podemos puis pour Mas Madrid. Elle était porte-parole sur la culture.
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12.06.2025 à 08:59
Aurélie Doulmet
Les îles du Pacifique sont en première ligne du changement climatique… L’archipel des Tuvalu sera rayé de la carte d’ici la fin du siècle, englouti par la mer. L’Australie a proposé d’accueillir les 11 000 ressortissants de ces îlots. Au-delà des pertes dramatiques d’écosystèmes naturels, quid des savoir-faire, coutumes, de la langue… des Tuvalais s’ils sont […]
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Les îles du Pacifique sont en première ligne du changement climatique… L’archipel des Tuvalu sera rayé de la carte d’ici la fin du siècle, englouti par la mer. L’Australie a proposé d’accueillir les 11 000 ressortissants de ces îlots. Au-delà des pertes dramatiques d’écosystèmes naturels, quid des savoir-faire, coutumes, de la langue… des Tuvalais s’ils sont disséminés ? À un horizon plus lointain, en France, plusieurs territoires vont subir le même sort, à l’instar de la Camargue. Les crises climatiques entraînent des modifications de paysages, la déstabilisation de patrimoines naturels et la disparition de patrimoines vivants. Avec eux, des cultures sont menacées d’extinction. Un révélateur des liens forts entre nature et culture, patrimoines naturel et culturel. Quand un territoire est voué à disparaître, quelles implications culturelles et identitaires pour ses habitants ? De quelles données dispose-t-on sur les pertes culturelles liées au changement climatique ? Dans quelle mesure le patrimoine français est-il concerné par cette problématique ?
Consulter le 3e plan national d’adaptation au changement
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