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17.11.2024 à 14:35

L'excellent cru 2024 de Paris-Photo sous l'égide tutélaire de Man Ray

L'Autre Quotidien

Sous la nef du Grand Palais magnifiquement restauré, après cinq années de travaux gigantesques, s’est tenue, du 7 au 10 novembre, la 27 ème édition de la plus grande foire mondiale dédiée à la photographie; et avec quel succès! Jim Jarmush en était l’invité d’honneur. Avec ses 244 exposants, venant d’Afrique (4), d’Amérique du Nord (34), d’Amérique du Sud (6), d’Asie (16) et d’Europe Union Européenne (149) et hors UE (27) et ses 21 000 m2 d’expositions, dont 198 galeries et 46 éditeurs, ayant proposé quelques 400 signatures sur ces quatre jours,  Paris Photo 2024, en son écrin de verre et d’acier, était l’évènement majeur de cette saison, évènement mondial autour de la Photographie.
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Sous la nef du Grand Palais magnifiquement restauré, après cinq années de travaux gigantesques, s’est tenue, du 7 au 10 novembre, la 27 ème édition de la plus grande foire mondiale dédiée à la photographie; et avec quel succès! Jim Jarmush en était l’invité d’honneur. Avec ses 244 exposants, venant d’Afrique (4), d’Amérique du Nord (34), d’Amérique du Sud (6), d’Asie (16) et d’Europe Union Européenne (149) et hors UE (27) et ses 21 000 m2 d’expositions, dont 198 galeries et 46 éditeurs, ayant proposé quelques 400 signatures sur ces quatre jours,  Paris Photo 2024, en son écrin de verre et d’acier, était l’ évènement majeur de cette saison, évènement mondial autour de la Photographie.

Jim Jarmush ayant composé la musique avec son groupe SQÜRL des quatre films de Man Ray, nouvellement restaurés,  établissait une parenté royale avec le Centre Pompidou et son excellente exposition dédiée aux surréalismes. Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo déclarait à ce propos: » « Le surréalisme, influence centrale de Jim Jarmusch, …, trouve une résonance particulière dans le parcours qu’il a construit pour la foire. Sa sélection ouvre un dialogue entre le cinéma, la musique et l’image. Pendant des années, il s’est adonné à la photographie et a créé des centaines de collages à partir de journaux. Ces collages sont réunis dans l’album Some Collages (Anthology Editions, 2021). »

Tout collectionneur, toute institution, tout un chacun, profane ou expert, amateur ou professionnel, chacun se devait d’être là, à parcourir, en aveugle, en femme, en homme éclairé, l’offre plénipotentiaire dans ses richesses, sa multiplicité, sa prodigalité, prouvant que la photographie est devenue un art majeur, un marché conséquent, presque une religion, tant les « spectateurs » foulaient encore ce sol « béni », affrontant la queue monstrueuse, deux heures seulement avant la fermeture définitive de la foire…. c’est dire tout l’engouement et le succès de cette 27 ème édition. Il y en avait pour tous les goûts, une foule conséquente, quasi processionnaire, déambulait le long des allées, sur les coursives de ce désormais Grand Palais, magique, aérien, pulmonaire, palais du ciel en ce Paris de Novembre.

Paris Photo 2024 était structuré en six secteurs, le secteur principal et ses 140 galeries occupait l’espace central, la grande coursive qui fait le tour en hauteur, comptait l’édition photographique, les sections Emergence, 23 galeries,  Prisme 7, Voices, 13 galeries, Digital , 15, étant sur 2 niveaux.

La foire, plus internationale que jamais avec 34 pays représentés, était placée sous le signe de l’expérimentation, des premières technique du XIXe siècle au secteur Émergence, en passant par le Surréalisme et la création digitale, dans une proposition cette fois assez minimale, reposant timidement la question qui me semble procéder du marketing culturel dans ses peurs, l’utilisation de l’IA, étant donné qu’Alina Frieske répondait plutôt de l’utilisation sociale du flux d’images par ses collages numériques réalisés à partir d’images glanées sur les réseaux sociaux .. .

On le voit ,cette édition hyper active, donnait à voir et à penser, s’appuyant sur son passé prestigieux, toujours actif, toujours séduisant, toujours actuel pour essayer de vivre toute une photographie actuelle se situant en pleine réalité dans une approche critique, maniant fictions, collages, procédés rénovés, images négatives, tirages chers et chics (lithium, or,) ou classiques, magnifiquement réalisés,  afin de s’établir un peu plus comme l’art, le plus démocratique du XXIe siècle, un art de la différence et de l’expression dans ses approches thématiques, reportages sociaux, documentaires, still life, architectures, mode, portraits et paysages, nus, aventures plasticiennes, travail sur le medium, apports critiques et formalismes étant largement présents en ce salon.

En témoigne également ce propos d‘India Dhargalkar, Historienne de la photographie, commissaire d’exposition, bien connue des institutions et des grands collectionneurs, s’étant occupée de l’agence Magnum et de Christie ‘s London pendant plus de dix ans:  » C’est une foire très intéressante et attractive avec une grande variété d’œuvres pour tous les goûts et tous les budgets: des débuts de la photographie avec des daguerréotypes extraordinaires et uniques à la galerie Bruno Tartarin; des premiers Maîtres avec un bel exemple de Roger Fenton chez Hans P. Kraus en passant par les œuvres de Steichen, Stieglitz et Weston jusqu’aux installations modernes et contemporaines. Le thème du surréalisme choisi par l’invité Jim Jarmush a été repris avec enthousiasme par de nombreuses galeries avec des découvertes très intéressantes – Kansuke Yamamoto à la galerie Michael Hoppen. de même les expositions organisées individuellement et les différents éditeurs des livres internationaux ont crée une foire vraiment inspirante, une foire énorme qui nécessitait plusieurs longues visites. C’est certainement la meilleure foire de photographies au monde avec la participation de galeries internationales. Elle est également fréquentée par des conservateurs de musées internationaux renommés, des photographes et des collectionneurs importants. »

Cette édition constituait aussi un grand livre ouvert, aux multiples propositions visuelles, de la séduction trempée des Maîtres, aux ruptures formelles et désormais avérées des expérimentations et des écritures liées aux mutations et aux pratiques sociales de l’image, aujourd’hui…

Chronologiquement Gustave le Gray était présent au côté de Man Ray, des négatifs de Brancusi étaient exposés, rétro-éclairés dans de petits caissons lumineux à la galerie Photo Discovery/ Bruno Tartarin. La galerie Les Douches, produisait les collages de Man Ray tandis que Edwyn Houk (New York) montrait solarisations  et photogrammes de Kertësz...Le secteur Émergence,  23 galeries, se centrait sur les thématiques de la mémoire, de la famille, du corps.

Il semblerait que le changement de paradigmes porté par l’art contemporain ne soit plus aussi prégnant, on préfère aux paris de ces écritures, la joie d’une photographie plus classique, des années 20/30 aux années 70/80, en noir et blanc ou en couleur. Cette photographie, faisant portrait dialectiquement de son époque, à travers ses paysages, ses corps, ses scènes de rues, ses portraits, ses maîtres, était très largement exposée au cœur de Paris Photo 2024, Magnum et Saul Leiter pour simple exemple. La foire comptait 33 solo shows, de Charlotte Perriand M77 à Gilles Caron chez Anne laure Buffard, de Sakiko Nomura  chez Echo 119 à Hiroshi Sugimoto chez Fraenkel – L’art brut, indéfectible participant était là avec la galerie Christian Berst art brut et John Kayser. Une vingtaine de duo shows visaient à instaurer un dialogue entre deux artistes, souvent d’époques ou de pratiques différentes. « Ces expositions mettaient en lumière les interactions et les échanges entre leurs approches artistiques, créant des ponts entre les générations et les styles. »  Certains de ces duos shows m’ont semblé plus que pertinents: Photo Discover / Bruno TartarinOlympe Aguado | Gustave Le Gray , Olivier WaltmanAssaf Shoshan / Aleix Plademunt, GagosianRichard Avedon  | Tyler Mitchell

A Sabatine Christmas, Martins Creek, PA, December 1983 © Larry Fink / MUUS Collection

Un hommage à Larry Fink, disparu il y a peu, permettait de rendre compte d’une Amérique bien particulière, assez urbaine et populaire. Sensual Empathy témoignait d’une photographie sociale engagée et militante, humaniste, lorsque Larry Fink, dans les années 80  couvrait des manifestations de quartiers, genre bals de débutantes, soirées de remise des Oscars, manifestations, combats de boxe, dans un certain même clair-obscur magistral.  C’est bien à travers cette photographie que nous voir le monde plus justement et accéder à une satisfaction toute personnellegrace aux photgraphies et aux regards, de Man ray, Brassai, Cameron, Weegee, Lange, Shikama, Luckus,Sander, Macijauskas, Hervé, Callahan, Perriand, Koudelka, Cartier-Bresson, Avedon, plus près de nous, Plossu, Tood Ido, De Blauwer, Olaf, Malartre, Flore, Catelan, la liste pourrait être longue…

Historiquement Gustave le Gray était présent au côté de Man Ray, des négatifs de Brancusi étaient exposés, rétro-éclairés dans de petits caissons lumineux à la galerie Photo Discovery/ Bruno Tartarin. La galerie Les Douches, produisait les collages de Man Ray tandis que Edwyn Houk (New York) montrait solarisations  et photogrammes de Kertësz...Le secteur Émergence,  23 galeries, se centrait sur les thématiques de la mémoire, de la famille, du corps.

Il semblerait que le changement de paradigmes porté par l’art contemporain ne saisissent et ne séduisent plus toujours autant tout un public, qui, préfère aux paris de ces écritures, la joie d’une photographie plus classique, des années 20/30 aux années 70/80, en noir et blanc ou en couleur. Cette photographie, faisant portrait dialectiquement de son époque, à travers ses paysages, ses corps, ses scènes de rues, ses portraits, était très largement exposée au cœur de Paris Photo 2024.

Nombre de galeries européennes, notamment françaises, Polka, Esther Woerdehoff, Clémentine de la Feronnière, Sit Down, Bigaignon, Les Filles du calvaire, Baudoin Lebon, Binome, La galerie Rouge, Les Douches, Nathalie Obadia, Vu, Bacqueville, avaient à cœur de défendre leurs artistes, s’évertuant à les présenter généreusement. Ceux-ci travaillent d’une façon contemporaine mais dans un prisme moins abstrait, plus sensible, où l’abstraction étant présente ne dénucléarise pas pour autant ce qui appartient à une photographie en lien avec le visible et l’invisible, dans une poétique faisant plus étroitement lien avec l’ Être et ses distorsions, sa quête identitaire, mémorielle, ses liens avec le Cosmos et la Nature, l’identité sexuelle, toutes situations qui diffractent cette quête de sens dans cette période historique des basculements à l’œuvre depuis la chute du mur de Berlin, renvoyant, au travers d’expérimentations, de constats, de choix esthétiques, une image plus ou moins distanciée, interpellante, surtout, active, voire inséminante pour nos psychés. Une nouvelle attitude militante, assez lointaine cependant des mouvements de la contre culture américaine, fondée sur une des recherches sélectivement approfondies, « scientifiques » pour certain(e)s induit une prise de conscience de la défense de la diversité et du Vivant, permettant à cette résistance de ce qui nous fait humain, trop humain, de générer un lien à l’immanence à travers ces actualités de la conscience planétaire et de nos résiliences.

Sur un plan plus général le grand livre ouvert de Paris Photo 2024 donnait à considérer, la photographie dans tous ses champs, dans toutes ses écritures, dans ses affirmations et ses fascinations, dans cette recherche de l’équilibre et de la perfection, comme un être toujours en quête de lui même, toujours dynamique, prenant, sur ce chemin de libertés et d’expérimentations, de conscience de l’identité des démocraties en danger, dans leurs modes de vie, dans leurs libertés d’expression, dans leurs critiques sociale, dans un champ que seule l’expression, l’expérimentation, la concentration d’une approche singulière et authentique vécue peut déployer de ce fond d’identité commune qui fait encore socle pour une culture de la différence, de la tolérance, de la singularité, de l Éros et des combats à mener, produisant ces œuvres qui circulent,  au fond de nos sensibilités, de nos imaginaires et qui font sens. pour comparaison, l’exposition d’une photographie officielle chinoise au Centre Pompidou en dit long, comparée à cette effervescence de paris Photo 2024.

Jean Michel Héquet Vudici, photographe plasticien, témoigne de l’exposition de la Fnac consacrée à son dernier livre REGARDS et de la collection de tirages exposée pour partie à Paris Photo, organisé autour de la sémantique des locutions verbales autour du mot regard…Une Affaire de regards.

©Jean Michel Hequet -Vudici.

« Toucher du regard, ou l‘évocation du collage et de ses traductions photographiques à Paris Photo  2024!

La lecture fine d’une œuvre photographique montrée sous ses diverses formes est l’un des enjeux que favorise la visite de Paris Photo 2024. On y offre au regard de quoi mettre à l’épreuve ses acuités ! Autrement dit on peut y « regarder-voir » autant qu’y « formuler-nommer » ce qui nous y est offert ! L’intelligence des murs de la collection FNAC (avec au passage un véritable merci à Monsieur Quentin Bajac ) est à ce titre une invitation merveilleuse à se déplacer le long des nuances qui convoquent l’acte de regarder !

Certes, devant une photographie, chaque amateur connait la première lecture par laquelle « l’œil-cerveau » fait le point, puis la seconde, plus construite d’expérience et de culture. Certains d’entre eux, envisage même les « micro saccades » comme la véritable modalité initiale à toute lecture. Mais la chance d’éprouver la matérialité des œuvres reste (pour ma part) l’enjeu véritable d’un tel événement ! C’est à la suite de ce genre d’expérience intime et sensuelle que tout peut changer ! Une fois cela vécu, toute confrontation avec une forme de captures d’écran et ses résolutions plus ou moins discutables ne peut alors plus être considérées que comme un fade avatar de l’original.

Sensualité que la traversée des allées de cette foire nous permet d’éprouver. Ainsi, en s’approchant des œuvres ; qu’elles soient des incunables ou bien de contemporaines propositions, notre « tact » visuel peut entrer en jeu. Peut-on découvrir mieux la texture d’un tirage baryté, l’existence réelle des épaisseurs, le grain des papiers ou des gélatines, la réalité d’un rehaut ou d’un vernis, la nature d’un recouvrement, d’une transparence réelle ou simulée qu’en cet endroit ? La chance d’éprouver les matières de la photographie est bien l’enjeu réalisé d’un tel salon ! Celui par lequel l’acte présentiel favorise celui du « regarder-voir », tant nécessaire aux amateurs de photographie ! A l’époque actuelle des images fausses, (fakes-news & fake-pictures) celles déjà pourtant ironiquement bien décrites en 2005 dans la chanson de Francis Cabrel « Les Faussaires », il nous est encore possible, au grand Palais, de ressentir et de comprendre à la fois l’image dans ses multiples dimensions. A ce sujet, me voici ravi d’avoir vu là assez peu de visuels issus d’une interaction avec l’iA !

L’autre joie, plus véritable, en plus qu’est celle de redécouvrir éblouis les maîtres et leurs traces « magiques », consiste en l’opportunité de faire face aux pistes nouvelles. Et il y en a ! C’est ainsi que les formes modernes du collage, géographiquement éparpillées, nous sont proposées sous la verrière du Grand Palais. Il faut alors savoir suivre ces pistes éparses en se munissant du meilleur outil des photographes : « le regard ». Merci donc à Paris-Photo pour l’acte présentiel qu’il nous autorise. Un face à face vivant entre la photographie et ses amateurs ! « Hequet.Vudici

https://www.fnacdarty.com/regards-un-livre-qui-raconte-lhistoire-de-la-fnac-avec-la-photographie/
Pascal Therme, le 18/11/2024
Excellent cru de Paris Photo 2024
-> Reportage photo Pascal Therme & Olivier Brunet.

Galerie Nathalie Obadia

17.11.2024 à 14:22

Murcof a flashé sur la BO de Blade Runner et revient avec Twin Color

L'Autre Quotidien

Absent des bacs discographiques depuis 2007, Fernando Corona alias Murcof n’a pas pour autant disparu de la scène électronique toujours en quête de défis et d’aventures. Il focalise cette fois sur le son des B.O. des années 80 pour tracer de nouvelles routes. Envoi !
Texte intégral (625 mots)

Absent des bacs discographiques depuis 2007, Fernando Corona alias Murcof n’a pas pour autant disparu de la scène électronique toujours en quête de défis et d’aventures. Il focalise cette fois sur le son des B.O. des années 80 pour tracer de nouvelles routes. Envoi !

Après avoir été quelque peu silencieux ces dernières années, Murcof est de retour avec une nouvelle série d'explorations intitulée Twin Color - Vol 1. Enfait, ce "silence" concerne les albums complets de Murcof, le dernier, Cosmos, étant sorti en 2007.

Ici, Murcof semble se plonger dans le son qui pourrait bien être l'une de ses principales sources d'inspiration : les bandes originales des films de science-fiction des années 1980 (principalement dystopiques), en particulier Blade Runner.

À bien des égards, il semble que Murcof considère que ces bandes originales de films dystopiques reflètent l'époque actuelle de manière plus vivante qu'il y a quarante ans, ce qui se reflète dans le choix des appareils électroniques qu'il a utilisés pour créer l'album et les sons présentés ici, qui, eux-mêmes, fonctionnent comme s'ils suivaient de près les images d'un film imaginaire (ou pas si imaginaire que ça).

En écoutant cet album dans son ensemble, on ne peut que se réjouir du retour d'un des maîtres de la musique électronique moderne.

John Peter Sambo le 18/11/2024
Murcof - Twin Color - In Finé

17.11.2024 à 14:03

Avec Ballades, Camille Potte esquisse son heroic-loufoquerie

L'Autre Quotidien

Pas de kwak pour Camille Potte qui débarque avec un premier album peuplé de grenouilles mélomanes, d’andouilles bavardes, de princesses rebelles et de sorcières caractérielles. En s’amusant avec les codes du conte de fées et de l’imaginaire médiéval, l’autrice s’amuse à questionner notre époque à travers les questionnements ou révoltes de ses personnages.
Texte intégral (2596 mots)

Pas de kwak pour Camille Potte qui débarque avec un premier album peuplé de grenouilles mélomanes, d’andouilles bavardes, de princesses rebelles et de sorcières caractérielles. En s’amusant avec les codes du conte de fées et de l’imaginaire médiéval, l’autrice s’amuse à questionner notre époque à travers les questionnements ou révoltes de ses personnages.

Ce vendredi 15 novembre, Camille Potte a reçu le prix Toute première fois remis par le festival BD Colomiers, un prix qui récompense les premiers albums et met en avant de jeunes auteurices. Elle succède à Martin Panchaud (voir son interview) en 2022 et Lika Nüssli l’an dernier. 

Ballades s’ouvre sur une bande de grenouilles qui barbotent, chantent et s’interrogent sur l’étrange grenouille poilue qui sanglote à côté. Un prince maudit qui doit retrouver son trône. Le chapitre suivant rejoue le sauvetage de princesse dans son donjon gardé par un dragon. La chevalière, ou plutôt chevalyère, doit la ramener pour la marier au prince. Un 3e chapitre présente la sorcière et sa voisine naturiste qui voudraient ne pas s’immiscer dans les affaires du royaume. Le royaume viendra à elles. 

Ces 3 contes indépendants vont progressivement se mêler pour en raconter un 4e plus moderne, où le prince Gourignot de Faouët, écarté du trône par cette transformation en batracien, va partir en guerre contre son peuple et sa propre famille pour asseoir son pouvoir. Ce sera sans compter les embûches, les complots, les réunions secrètes et la révolte qui gronde.

Balade visuelle & ballades sonores 

Si les personnages déambulent dans la campagne, il est surtout question de ballades, au sens du poème médiéval qui comporte un refrain, un envoi. Ballade au sens musical, puisque ce genre littéraire s’accompagne d’un rythme, d’une musicalité et rejoint l’univers musical dont Camille Potte s’est fait une spécialité. 

Si Ballades est son premier album dans le circuit des librairies, la dessinatrice a réalisé pas mal de fanzines et est active dans le milieu musical avec l’illustration de flyers, affiches et designs. Un milieu où elle travaille son trait élastique, les démarches de ses personnages qui rejoignent le club des héros de Robert Crumb et s’essaye à des cadrages impossibles et des jeux de couleurs tranchées. Travail graphique éclectique, mais aussi de typos qui ont une place importante dans ses designs et illustrations et qu’on retrouvera aussi dans Ballades.

Mais revenons à nos poèmes du moyen âge qui servent de point d’appui à cet album peuplé de grenouilles qui se prennent pour des ménestrels et où le travail sur les dialogues s’amuse de ces ballades ou chansons de geste pour mettre en lumière les hauts faits de personnages grotesques. Incarné par le ménestrel insupportable, par les grenouilles mélomanes ou encore les dialogues où l’autrice joue avec un vieux françoys imaginaire, ce va-et-vient ludique nous embarque dans son univers décalé.

Les planches sont pleines d’idées visuelles et de petites bulles intempestives, qui viennent répéter, scander, décaler à la manière de celles que mettait Greg dans Achille Talon pour soutenir la logorrhée assumée des personnages. Si on y croise des « meryde ! » face à des doigts d’honneur, des « meuvez vous le derche » face à des « ah supeyre », la narratrice propose un joyeux mélange d’argot revisité, de quelques mots surannés, d’inventions anachroniques et de jeux de mots foireux pour jouer avec les codes et notre imaginaire de cette langue encore présente dans les textes de Rabelais ou les poèmes de François Villon. 

Vadrouille visuelle & ritournelle fictionnée

Avec ce conte médiéval fantastique décalé, la dessinatrice parle d’émancipations, celle des femmes qui chacune à leur manière vont se rebeller, s’extraire ou se regrouper pour lutter contre un patriarcat et un sexisme particulièrement fort dans ces imaginaires. Avec plusieurs portraits : de la princesse à la chevalière en passant par la sorcière, ces figures incarnent différentes facettes des luttes féministes. 

Mention particulière pour la sorcière qui préexiste à cet album —au cœur d’un récit court Les Sorcières publié en 2021 chez Phenicusa Press— et qui va avoir une importance dans ces jeux de transformations des protagonistes. 

Chaque personnage à sa propre évolution autour de l’acte symbolique de la malédiction qui a changé le prince en grenouille. Et tout le plaisir de ces changements graphiques joue à la fois sur l’inversion des idées reçues et celle du cheminement interne des personnages qui prend le conte traditionnel à contre-pied. Son trait rond, étiré, qui s’accommode des pensées ou de la forme de la case comme dans les albums des années « 70 participe beaucoup à cette mise en lumière.

Camille Potte a un dessin qui cherche vers le burlesque et évoque les approches graphiques de Jean-Claude Poirier, F’Murr ou Mordillo pour décaler sans caricaturer, un style élastique qui convient aussi bien aux trognes des humains qu’aux animaux fantasques. 

Dérapage contrôlé pour ces Ballades au refrain décalé, et ces personnages immédiatement attachants par leur bêtise et leurs designs fantasques. Un prix Toute première fois bien mérité pour mettre la lumière sur le travail de cette autrice à suivre.

Thomas Mourier, le 18/11/2024
Camille Potte - Ballades - éditions Atrabile

Toutes les illustrations sont © Camille Potte / Atrabile 

-> Les liens renvoient sur le site Bubble où vous pouvez vous procurer les ouvrages évoqués.

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