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24.10.2024 à 05:00

En Géorgie, le secteur de la culture s'inquiète face au tournant autoritaire et anti-européen du gouvernement et se mobilise à travers l'action syndicale

Clément Girardot

Début septembre, Lacha Bakradze, directeur du musée de la littérature de Tbilissi, apprend son limogeage après 14 années en poste, à quelques semaines seulement d'importantes élections législatives qui se tiendront le samedi 26 octobre. Membre de l'opposition, il est sur la liste des candidats de l'alliance électorale pro-occidentale Ertianoba - Natsionaluri Modzraoba (Unité - Mouvement National). Cet historien et critique artistique est le dernier cas d'une longue liste de licenciements (…)

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Texte intégral (1733 mots)

Début septembre, Lacha Bakradze, directeur du musée de la littérature de Tbilissi, apprend son limogeage après 14 années en poste, à quelques semaines seulement d'importantes élections législatives qui se tiendront le samedi 26 octobre. Membre de l'opposition, il est sur la liste des candidats de l'alliance électorale pro-occidentale Ertianoba - Natsionaluri Modzraoba (Unité - Mouvement National). Cet historien et critique artistique est le dernier cas d'une longue liste de licenciements touchant le personnel des institutions culturelles publiques, aussi bien les cadres que les employés.

En mars 2021, la nomination de la ministre de la Justice, Tea Tsouloukiani, à la culture marque une rupture avec une approche, jusque-là, plutôt libérale de la politique culturelle. Elle réplique la stratégie qui lui a permis d'instaurer une loyauté infaillible au sein des institutions judiciaires de Géorgie. « Elle laisse derrière elle une série de licenciements arbitraires de fonctionnaires professionnels qu'elle a remplacés par des fidèles du parti », note alors le site d'informations indépendant civil.ge, citant notamment la somme de 332.172 GEL (environ 122.000 dollars américains) que le ministère de la Justice a dépensé comme compensations pour des licenciements illégaux.

Cette nomination arrive juste après les élections législatives d'octobre 2020, remportées par le parti du Rêve Géorgien, mais marquées par des soupçons de fraude. Depuis 2012, cette formation domine la vie politique de la petite nation caucasienne de 3,7 millions d'habitants, située entre la Turquie et la Russie. Parti plutôt modéré et pro-européen, son fondateur l'oligarque Bidzina Ivanichvili l'oriente ces dernières années vers un populisme ultra-conservateur et pro-russe, prenant comme modèle Viktor Orbán.

De nombreux observateurs comparent les méthodes de Mme Tsouloukiani à celles de la période soviétique. Une des premières manifestations organisée en janvier 2022 demande d'ailleurs la fin des « purges bolchéviques ».

Les premières victimes sont les employés de l'agence de protection du patrimoine, du Musée des Beaux-Arts et du Musée National, où plus de 70 travailleurs sont licenciés. Parmi eux, se trouve Ana Mgeladze, professeure d'anthropologie à l'Université Libre de Tbilissi et alors chercheuse en archéologie et en paléontologie au Musée National. Avant sa mise à pied, elle est soumise à un entretien inquisitoire, seule face à neuf personnes.

« Deux semaines plus tard, je suis dans la liste des personnes virées. Tous les gens visés sont ceux qui ont fait des études supérieures en Europe et qui ont des opinions pro-européennes. Leurs reproches étaient que j'avais une personnalité forte, destructrice, et que j'avais fait une mini-révolution dans l'établissement », affirme Mme Mgeladze qui était dans le viseur de la nouvelle ministre pour son opposition au blocage par les autorités de 13 projets de recherche financés par des fonds européens.

Avec ses collègues, elle crée un syndicat, organise d'innombrables manifestations, apparaît dans les médias. Deux ans plus tard, c'est un sentiment de désillusion qui domine : « La ministre s'est attaquée à la dignité et à la réputation des professionnels. Dans la science, ce qui compte, c'est la stabilité, il faut que tu avances. Depuis trois ans et demi, je n'ai pas le droit de fouiller, je n'ai pas droit d'avoir accès à mes propres collections. Tu te bats encore et encore, tu fais tout ce qui est possible, mais le résultat est très maigre. »

Comme elle, de nombreux chercheurs du musée voient leur carrière brisée et sont dans la quasi-impossibilité de poursuivre leur travail en Géorgie. « Après nous, elle s'est attaquée à d'autres petits îlots démocratiques, aux rares institutions qui se rapprochent des standards internationaux », continue Mme Mgeladze. « Elle nomme aux postes de direction des personnes proches d'elle, mais incompétentes, des gens qui ont travaillé pour le ministère de la Justice ou le système pénitentiaire. »

Un cadre du système pénitentiaire à la tête du cinéma géorgien

Le rouleau compresseur continue : théâtre, musique, littérature, opéra,… Un autre cas emblématique est celui du cinéma. Le septième art géorgien commençait pourtant ces dernières années à percer grâce à des œuvres de qualité et une présence régulière dans des grands festivals.

En mars 2022, le directeur de Centre National du Cinéma Géorgien est à son tour licencié pour être remplacé en juin par le directeur adjoint de l'agence nationale pour la prévention de la criminalité, les peines non-privatives de liberté et la probation. Lui-même nomme comme adjoint un présentateur de télévision et propagandiste pro-gouvernement connu pour sa verve anti-occidentale.

En réponse à ces nominations, près de 500 professionnels du cinéma se regroupent et annoncent leur boycott de la seule structure d'aide publique au cinéma du pays. La productrice et réalisatrice Keto Kipiani constate :

« Maintenant, le CNCG soutient seulement des réalisateurs qui sont du côté du pouvoir et dont les contenus ne sont pas critiques. Les films qui reçoivent des financements sont soit des fictions pseudo-patriotiques ou pour les documentaires, des chronologies d'événements, rien de créatif ».

Durant le printemps et l'été 2022, les travailleurs du cinéma organisent de nombreuses actions, dont de grandes manifestations, parfois conjointement avec les employés des musées. « Nous avons créé l'espoir que les gens du cinéma pouvaient s'unir, ce qui était loin d'être assuré », explique la réalisatrice et productrice Nino Gogua.

De réunion en réunion, les participants prennent aussi conscience de la nécessité, au-delà de la lutte contre les pressions politiques, de créer un syndicat pour défendre leurs droits sociaux dans un secteur où les conditions de travail sont très précaires.

« Lorsque vous êtes opprimé en tant que travailleur pendant des années, vous devez vous habituer à un environnement injuste et il devient très difficile de parler d'autre chose », déplore Mme Gogua qui a pris la tête du nouveau syndicat baptisé Cineuniongeorgia.

Après les purges, un série de lois liberticides

Fondé en août 2023, celui-ci compte une centaine de membres. Mais son existence est déjà remise en cause par une loi votée en mai 2024 qui oblige les ONGs (dont les syndicats) à se déclarer comme des « agents de l'étranger » si elles reçoivent des financements extérieurs à la Géorgie.

Le gouvernement a imposé cette disposition impopulaire inspirée d'une loi russe similaire après plusieurs semaines d'une mobilisation citoyenne aussi massive qu'inédite. De nombreux artistes sont présents dans les manifestations, aux côtés de citoyens issus de tous les horizons. « La foule était à la fois libre, égalitaire et forte, indépendante de tout parti politique. C'est pourquoi les manifestations ont duré si longtemps », observe le poète Rati Amaglobeli.

Au niveau culturel, après avoir fermé le maigre robinet d'argent public, cette nouvelle loi sur les ONG permettra au gouvernement d'empêcher les artistes indépendants d'accéder à des sources de financement alternatives.

« Nous ne nous sommes pas inscrits dans le nouveau registre pour les ONG. Nous nous attendons donc à recevoir une grosse amende », continue Mme Gogua. « Comme les autres syndicats, je ne sais pas comment nous allons la payer et si nous allons devoir fermer. »

Certaines structures artistiques associatives ont déjà cessé leurs activités, d'autres ont ouvert des bureaux à l'étranger pour continuer à recevoir des financements. C'est le cas du Musée de la photographie et du multimédia. Ouvert en 2019, il se situe dans un ancien bâtiment soviétique désaffecté du centre de Tbilissi réhabilité par mécène.

La nouvelle loi a créé des complications administratives pour cette petite structure, jusque-là gérée par une ONG : « Nous avons été obligés de nous réorganiser. Nous avons créé une nouvelle ONG en Lituanie, dans un environnement légal plus sûr », explique la directrice artistique Nestan Nijaradze, qui s'inquiète aussi d'un retour possible de la censure avec l'adoption le 17 septembre par le parlement d'une loi interdisant la « propagande LGBT », une mesure liberticide elle aussi inspirée de Russie.

« Après les LGBT, ils s'attaqueront à d'autres groupes. Nous avons réussi à construire une organisation qui est très active dans le soutien à des communautés diverses et variées. Avec ces lois, ils veulent nous empêcher de continuer notre action », affirme Mme Nijaradze dont l'espace accueille en ce moment une exposition collective dédiée aux périphéries de l'Europe.

Les élections du 26 octobre s'annoncent serrées. En cas de victoire du Rêve Géorgien, de nombreux acteurs du secteur culturel craignent un durcissement de la politique répressive. Les purges et les pressions devraient alors s'élargir pour toucher plus largement le monde universitaire, les médias indépendants et toutes les organisations liées aux partis d'opposition.

« Si le Rêve Géorgien reste au pouvoir, j'ai 100 % de chances de perdre mon travail dans une université privée. Je n'ai pas envie d'abandonner mon pays, mais je serais alors peut-être obligée de partir », affirme la paléontologue Ana Mgeladze. De nombreux artistes envisagent aussi cette possibilité, mais, en attendant le 26 octobre, un calme troublant règne dans les rues de Tbilissi où d'innombrables affiches électorales viennent rappeler l'enjeu à venir.

22.10.2024 à 08:33

« Ce n'est qu'en dépassant le PIB pour aller vers une croissance inclusive que l'Afrique pourra connaître un développement véritable et durable »

Les prescriptions orthodoxes pour la reprise économique, la croissance et la création d'emplois nous ont, dans bien des cas, desservis, a fortiori en Afrique. Nous assistons à une polycrise mondiale – du changement climatique aux inégalités, en passant par les déplacements de main-d'œuvre dus à l'automatisation et à l'intelligence artificielle. Il est nécessaire donc de repenser radicalement nos structures économiques.
La croissance ne doit pas se limiter à l'augmentation du produit (…)

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Les prescriptions orthodoxes pour la reprise économique, la croissance et la création d'emplois nous ont, dans bien des cas, desservis, a fortiori en Afrique. Nous assistons à une polycrise mondiale – du changement climatique aux inégalités, en passant par les déplacements de main-d'œuvre dus à l'automatisation et à l'intelligence artificielle. Il est nécessaire donc de repenser radicalement nos structures économiques.

La croissance ne doit pas se limiter à l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) d'une nation ; elle doit garantir que tous les segments de la population, en particulier les personnes marginalisées, participent activement au progrès économique et en bénéficient. Elles incluent les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap, les communautés rurales et les travailleurs de l'économie informelle. Pour l'Afrique, un continent confronté à de nombreux défis économiques, sociaux et environnementaux mais qui regorge également de potentiel, la croissance inclusive constitue un impératif.

La clé de la réussite pour l'avenir de l'Afrique ne réside pas dans la poursuite de modèles économiques axés sur le profit, mais dans la promotion d'un système qui englobe la justice sociale, la distribution équitable des ressources et un développement centré sur l'être humain.

D'un point de vue historique, la dépendance conventionnelle à l'égard de la croissance économique comme principale mesure du progrès a conduit à une interprétation étroite et incomplète du développement en Afrique. La croissance du PIB, en tant qu'étalon de succès, n'a jamais suffi à rendre compte de toute la complexité de ce qui constitue un développement global. Si la croissance du PIB peut refléter l'augmentation de la production et de la richesse nationales, elle offre un instantané superficiel qui fait abstraction d'enjeux plus fondamentaux tels que l'inégalité, la justice sociale et la durabilité environnementale. Une telle approche orthodoxe, héritée des structures économiques coloniales et soutenue par les politiques néolibérales, privilégie la croissance extractive et la maximisation des profits au détriment du bien-être d'une majorité de la population. Et c'est aussi pourquoi les cadres économiques en Afrique n'ont pas réussi à répondre aux besoins réels des populations.

La dépendance du continent africain à l'égard de la seule croissance du PIB a produit une vision faussée du progrès. Au fil des ans, si certaines économies africaines ont affiché des taux de croissance impressionnants, cela ne s'est pas traduit par des améliorations significatives dans la vie des citoyens ordinaires.

Les fruits de la croissance sont restés concentrés entre les mains d'un petit nombre, tandis que de larges pans de la population continuent de vivoter sous le seuil de la pauvreté. En Afrique subsaharienne, 433 millions de personnes vivent encore dans l'extrême pauvreté, malgré des périodes de croissance du PIB. Les élites urbaines, les entreprises étrangères et les industries extractives ont, de fait, souvent été les principaux bénéficiaires, laissant à la traîne les communautés rurales, les travailleurs informels, les femmes et les jeunes, notamment. Cette répartition inégale des richesses est une conséquence directe de la focalisation étroite sur le PIB en tant que mesure du développement.

Que la croissance du PIB ne soit pas parvenue à combler le gouffre des inégalités est particulièrement évident dans l'économie informelle, qui occupe une part importante de la main-d'œuvre africaine. Cette économie informelle, où travaillent la plupart des groupes marginalisés, n'est guère prise en compte dans les modèles de croissance traditionnels. Les politiques économiques qui donnent la priorité aux secteurs formels – tels que l'exploitation minière, les infrastructures et l'agriculture à grande échelle – manquent l'occasion de développer et de soutenir l'économie informelle, où travaille la majorité des Africains, en particulier les femmes et les jeunes. La croissance enregistrée dans les secteurs formels ne ruisselle pas jusqu'à ces travailleurs informels, qui restent exclus des protections sociales, des services financiers et des avantages de l'emploi formel. Par conséquent, même si le PIB croît, la réalité sur le terrain pour la majorité de la population reste inchangée.

Qui plus est, à se focaliser sur la seule croissance économique, on tend à ignorer les dimensions sociales et environnementales du développement. En Afrique, les industries extractives, minières et pétrolières notamment, ont stimulé la croissance du PIB, mais ont aussi provoqué une dégradation environnementale importante, entraînant le déplacement de communautés et la destruction d'écosystèmes et compromettant la durabilité à long terme. Cette situation crée un paradoxe, à savoir que la croissance économique est atteinte, mais au détriment de l'environnement et des générations futures. La dégradation environnementale causée par ces industries est de fait rarement reflétée dans les indicateurs du PIB, qui ne mesurent que la production sans tenir compte de l'épuisement des ressources naturelles ou des coûts sociaux encourus.

Par ailleurs, les modèles axés sur le PIB tendent à ne pas tenir compte de la dimension sociale. Les femmes, les jeunes et les personnes en situation de handicap contribuent souvent de manière significative à leurs communautés et à leurs économies, en particulier dans le secteur informel. Or, leur travail reste sous-évalué et peu visible dans les indicateurs traditionnels. Ainsi, les femmes représentent une grande partie de la main-d'œuvre agricole, mais se voient souvent refuser la propriété foncière, l'accès au financement et une rémunération équitable. Les jeunes, bien qu'ils constituent le groupe démographique le plus important en Afrique, sont confrontés à des niveaux élevés de chômage et de sous-emploi, même dans les pays qui enregistrent une croissance économique. Ces réalités mettent en évidence le décalage qui existe entre la croissance du PIB et tout progrès social tangible. L'augmentation du PIB n'est pas forcément synonyme d'amélioration du niveau de vie, de réduction des inégalités ou d'une plus grande inclusion sociale.

« Lorsque la croissance est véritablement inclusive, le développement en est l'aboutissement naturel »

La croissance inclusive, en revanche, nécessite une approche multidimensionnelle qui tienne compte de la corrélation entre les facteurs économiques, sociaux et environnementaux. Elle exige des politiques qui non seulement stimulent la croissance économique, mais s'attaquent en même temps aux enjeux de l'équité, de l'inclusion et de la durabilité. Lorsque le PIB par habitant augmente mais que les inégalités se creusent considérablement, l'on assiste à une régression pour toutes les communautés, ce qui n'est pas soutenable.

La croissance inclusive n'est pas juste une autre façon de désigner le développement économique. Il s'agit d'une croissance qui conduit réellement au développement. La croissance inclusive est davantage axée sur le processus de croissance et ses résultats (avantages partagés) plutôt que sur la seule production. La croissance inclusive, telle que définie dans les objectifs de développement durable (ODD), associe croissance et aspects sociaux, où l'accent est mis sur la nécessité de partager la croissance économique avec les plus pauvres. Lorsque la croissance est véritablement inclusive, le développement en est l'aboutissement naturel. De ce fait, les indices de développement humain qui prennent en compte l'éducation, la santé et la qualité de vie offrent une mesure plus holistique du progrès.

Ces indicateurs reflètent mieux les réalités vécues par les personnes, en particulier les personnes marginalisées, et donnent une image plus claire de la manière dont le développement progresse au niveau de la société. En se basant sur ces indicateurs plus larges, les gouvernements africains seront à même d'élaborer des politiques qui favorisent non seulement la production économique, mais aussi le bien-être social et la durabilité environnementale. Par ailleurs, l'accent mis sur la croissance du PIB comme étalon de la réussite a souvent empêché les gouvernements africains de prendre la pleine mesure du potentiel des modèles de croissance alternatifs, axés sur un développement inclusif et équitable. Des initiatives populaires menées à l'échelle locale dans les domaines de l'agriculture, des énergies renouvelables et du secteur informel, par exemple, ont démontré un réel potentiel de création d'emplois et de développement durable. Pourtant, ces secteurs restent sous-financés et sont insuffisamment valorisés dans le cadre des politiques économiques qui donnent la priorité aux industries formelles à forte intensité de capital. Faute d'investissements dans ces secteurs, des opportunités de croissance inclusive sont manquées, ce qui ne fait que perpétuer le cycle de l'inégalité.

Une partie essentielle de la solution consiste à repenser la manière dont nous évaluons les diverses économies de l'Afrique et dont nous y investissons. Pour que la croissance soit inclusive, il faut dépasser l'objectif traditionnel du PIB au profit de politiques qui favorisent la justice sociale, une répartition équitable des ressources et le développement durable.

Cela signifie qu'il faille investir dans l'économie informelle, où travaille la majorité de la population, et créer des systèmes financiers accessibles aux groupes marginalisés, tels que banques coopératives et systèmes de prêts communautaires. Ces investissements devront faire passer les bénéfices sociaux avant les gains financiers à court terme, afin de garantir que les avantages de la croissance soient largement partagés. Les gouvernements africains devront en outre adopter des modèles de croissance verte qui concilient le progrès économique et la durabilité environnementale. L'investissement dans les énergies et les procédés agricoles renouvelables ainsi que dans d'autres industries durables est susceptible de contribuer à la création d'emplois tout en protégeant les ressources naturelles et en s'attaquant aux problèmes environnementaux du continent. Les stratégies de croissance verte, conjuguées à des politiques de soutien à l'économie informelle, peuvent ouvrir la voie à un développement inclusif qui profite à tous les Africains, et pas seulement à une minorité nantie.

La dépendance traditionnelle à la croissance du PIB comme principal indicateur de mesure du développement a freiné les gouvernements africains dans leur quête d'un véritable progrès. En se focalisant étroitement sur la production économique, cette approche orthodoxe n'a pas tenu compte des dimensions sociales, économiques et environnementales plus profondes qui sont cruciales pour un développement global. Trois indicateurs de santé économique, au-delà du PIB, doivent être pris en considération dans la formulation des politiques et le plaidoyer. L'indice de développement humain, qui se concentre sur les personnes et les capacités, l'indice du vivre mieux, qui se concentre sur le bien-être des personnes, et l'indicateur de progrès véritable, qui concerne les compromis coûts-avantages de la croissance économique.

Une approche plus inclusive et plus équitable de la croissance est donc nécessaire – qui reconnaisse les contributions de tous les segments de la société, valorise la durabilité et donne la priorité au bien-être humain. Ce n'est qu'en dépassant le cadre du PIB que les gouvernements africains pourront commencer à mettre en place des politiques conduisant à un développement véritable et durable, où chaque citoyen, indépendamment de ses origines ou de son statut, aura la possibilité de s'épanouir. Nous devons rejeter le modèle de « croissance à tout prix » qui a échoué sur notre continent. Au lieu de cela, nous devons donner la priorité à une économie centrée sur les personnes, qui favorise un développement régénérateur – en créant des emplois dans des industries qui restaurent plutôt qu'elles n'épuisent nos ressources naturelles et humaines.

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