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22.01.2025 à 12:22

Nelvi Aguilar, représentante autochtone bolivienne : « Si une jeune femme veut devenir dirigeante, elle doit être quasiment parfaite »

Au cœur même des communautés autochtones et paysannes de Bolivie, les jeunes femmes induisent de profondes transformations dans la lutte pour l'égalité des sexes. Elles ne remettent pas seulement en question les structures de pouvoir historiques, mais proposent également des visions novatrices pour l'avenir de leurs communautés, ouvrant ainsi de nouvelles voies vers une société plus juste et plus inclusive.
Nelvi Aguilar Flores, une jeune figure de proue de la région du Valle Alto, dans le (…)

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Texte intégral (2384 mots)

Au cœur même des communautés autochtones et paysannes de Bolivie, les jeunes femmes induisent de profondes transformations dans la lutte pour l'égalité des sexes. Elles ne remettent pas seulement en question les structures de pouvoir historiques, mais proposent également des visions novatrices pour l'avenir de leurs communautés, ouvrant ainsi de nouvelles voies vers une société plus juste et plus inclusive.

Nelvi Aguilar Flores, une jeune figure de proue de la région du Valle Alto, dans le département de Cochabamba, qui plaide en faveur d'une transformation urgente au sein des organisations autochtones et paysannes de Bolivie, en est un exemple probant.

Comme l'a souligné le livre Nosotras hablamos lo que queremos hablar ( en français, « nous parlons ce que nous voulons parler ») publié par le Centro de Estudios Populares (CEESP) et coécrit par Nelvi Aguilar, se faire une place en tant que femme dans les organisations de ce pays de la cordillère des Andes signifie se confronter à la violence patriarcale, un défi de tous les instants. Bien que des avancées aient eu lieu, de nombreuses organisations autochtones et paysannes ne remettent toujours pas en question la structure patriarcale qui les sous-tend, ce qui invisibilise les revendications des femmes et affaiblit les progrès accomplis. C'est dans ce contexte que de nouvelles générations de femmes, à l'image de Nelvi Aguilar, mènent la lutte.

Dans cet entretien accordé à Equal Times , la représentante communautaire nous relate la réalité des jeunes femmes dans ces organisations, leur participation dans un espace encore marqué par des structures patriarcales centrées sur les adultes, ainsi que sa vision de l'avenir.

Qu'est-ce qui vous a poussée à endosser un rôle de dirigeante au sein de votre communauté ou de votre organisation ?

Lorsque mon père est décédé, j'ai commencé à tout prendre en charge. J'avais l'habitude de l'accompagner aux réunions et aux travaux d'irrigation, mais d'une manière différente. Lorsque j'ai pris le relais, je me suis rendu compte que ni ma famille ni mes voisins ne me respectaient. Même si j'étais là tôt le matin, en plein hiver, ils ne me donnaient ni de l'eau ni mon tour pour irriguer. Je ne comprenais pas pourquoi, simplement parce que nous n'avions pas d'homme à la tête de la famille, on nous refusait nos droits. C'est alors que j'ai décidé qu'il fallait faire quelque chose.

Nous étions de nombreuses femmes dans la même situation : leurs maris ne les aidaient pas, étaient malades ou les avaient quittées. Nous étions unies par la nécessité d'irriguer nos terres. J'avais fait des études universitaires et je trouvais inacceptable de ne pas trouver de solution. Je suis allée le signaler au juge en charge de l'eau, mais il m'a lui-même volé mon eau. C'est là que j'ai compris que les apparences étaient trompeuses.

Dans le cadre syndical, j'ai toujours soutenu une partie du directoire, mais je ne voyais pas la discrimination à l'égard des femmes de manière aussi évidente. C'est lorsque je m'y suis affiliée que j'ai vraiment compris la différence. Petit à petit, j'ai assumé davantage de responsabilités, devenant présidente du comité chargé des questions de genre de la Fédération départementale des organisations d'irrigation (FEDECOR), puis de la Fédération départementale des femmes paysannes autochtones originaires de Cochabamba « Bartolina Sisa », au sein de laquelle je continue de travailler.

Comment percevez-vous la participation de la jeunesse au sein de ces organisations ? Parvient-elle à influencer l'agenda politique ou se heurte-t-elle à des limites ?

Avant, quand j'accompagnais mon père, je voyais beaucoup de personnes âgées, mais maintenant, il y a davantage de jeunes qui montrent de l'intérêt. Je pense que les jeunes doivent s'impliquer dans les questions politiques, car c'est nous, et non eux, qui serons directement affectés par les décisions prises aujourd'hui. Je suis heureuse de constater que de plus en plus de jeunes femmes participent, même si leurs opinions sont encore timides et parfois relayées à travers les hommes, qui ont tendance à monopoliser toute l'attention.

Il y a beaucoup de jeunes femmes dans les fédérations « Bartolina Sisa » et il est intéressant d'entendre leurs propositions. Néanmoins, [les femmes plus âgées] ne nous font pas entièrement confiance et nous disent que nos idées n'ont aucun poids parce que nous n'avons pas vécu ce qu'elles ont vécu. Nous, les femmes plus jeunes, aspirons à l'innovation, à plus de technologie et à de nouvelles perspectives, mais bien souvent, nous n'avons pas la possibilité d'apporter notre contribution, car nos aînées ne nous prennent pas en compte.

Quels sont les principaux obstacles auxquels les jeunes femmes sont confrontées pour accéder à des postes de direction dans ces organisations ?

Les obstacles sont complexes. Souvent, les jeunes femmes ne disposent pas de la force nécessaire pour s'affirmer […]. Alors, d'abord, on nous ignore. Ensuite, on nous isole, et quand on insiste, on commence à nous attaquer personnellement. [D'autre part], les femmes plus jeunes passent moins de temps que les hommes dans des syndicats ou des rôles de direction, parce que la société est très dure à notre égard. Si une jeune femme veut devenir dirigeante, elle doit être quasiment parfaite. Elle subit des pressions de la part de sa famille, de la société et de la direction elle-même. Les attentes à l'égard des jeunes hommes sont différentes. Eux sont autorisés à s'engager sans poser de questions, alors que les femmes doivent être disponibles en permanence, ce que leurs familles ne comprennent pas.

Les relations personnelles constituent un autre défi majeur. Une femme dirigeante ne peut pas avoir de partenaire sans que cela ne devienne un problème. Si elle fait preuve d'affection ou de proximité, cela donne lieu à des rumeurs et à des critiques. Les hommes, en revanche, peuvent avoir des partenaires sans qu'on leur pose la moindre question. C'est un sujet sensible pour les femmes et elles finissent souvent par abandonner leur rôle en raison de pressions extérieures.

Et quelle est la réalité des femmes pour ce qui est du travail non rémunéré et de l'inégalité économique, tant au niveau de la famille que de l'organisation ?

La double journée de travail est une réalité courante. Les femmes [jeunes ou non] qui participent à des réunions doivent souvent s'assurer d'avoir réalisé les tâches ménagères d'abord et il n'est pas rare de voir des femmes avec de jeunes enfants les amener aux réunions, parce qu'il n'y a pas d'autre option. Le rôle de dirigeante entraîne donc de multiples responsabilités.

À cela s'ajoute la pression économique. Si vous ne faites pas attention, on vous reproche de dépenser l'argent que vous devriez consacrer à vos enfants, en vous accusant d'être une mauvaise mère. Alors que les hommes reçoivent rapidement un soutien financier, que ce soit sous forme d'indemnités journalières ou d'aide familiale, les femmes ne sont même pas mentionnées sur la question des indemnités journalières, ce qui reflète une inégalité évidente.

Comment percevez-vous la situation en matière d'emploi et d'éducation des jeunes femmes dans les organisations ?

La réalité des femmes est étroitement liée à la problématique économique. Lorsque nous l'aurons résolue, nous pourrons avancer. Bien que nous ayons fait des progrès en matière d'éducation, l'accès à l'emploi reste limité. Lorsque l'on cherche du travail, on ne nous donne aucune opportunité ; on ne nous laisse même pas toucher une machine de peur que nous ne l'abîmions. De plus, dans les villages, il y a peu d'opportunités, nous devons donc chercher du travail dans les communautés voisines, mais cela pose aussi le problème de la sécurité.

Une autre problématique est que le travail des jeunes n'est pas valorisé. Dans nos familles et nos communautés, ce que nous faisons n'est pas visible. Lorsqu'on demande « Que fait votre fils ? », la réponse est généralement « il ne fait rien, il étudie ». Mais à la campagne, les jeunes ne font pas qu'étudier, ils aident aussi à la maison : ils s'occupent de leurs frères et sœurs, cuisinent, lavent le linge, irriguent les terres et s'occupent des animaux, des tâches qui ne sont pas valorisées à leur juste valeur.

Quelles solutions apporter à cette réalité pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes et garantir l'égalité des chances en matière d'emploi ?

Il est urgent d'offrir aux jeunes une première expérience professionnelle, car les universités sont devenues trop théoriques et ne répondent pas aux réalités du travail. Les entreprises publiques devraient avoir un pourcentage de jeunes sans expérience préalable, mais avec des compétences à développer.

[En outre], les communautés, qui compte de très nombreux jeunes, représentent un espace clé pour la création d'emplois. Les organisations, plus que le gouvernement, devraient s'unir pour créer ces opportunités d'emploi, car les jeunes pourraient assumer des responsabilités qui incombent aujourd'hui à des personnes plus âgées, déjà fatiguées. Les jeunes ont juste besoin d'un coup de pouce et, surtout, de la confiance nécessaire pour se lancer.

Ces inégalités qui touchent principalement les femmes sont-elles évoquées au sein des organisations ? Quels sont les obstacles qui entravent la mise en œuvre de solutions ?

Nous en discutons, mais souvent nous ne les abordons pas de manière consciente et stratégique. Parfois, nous nous contentons de nous plaindre sans proposer d'actions claires, peut-être parce que nous pensons que nous n'obtiendrons rien ou parce que nous nous résignons. Le fait de manquer d'estime de soi contribue également à notre incapacité à proposer des solutions concrètes.

Parfois, nous nous disputons, mais nous ne parvenons pas à définir une stratégie efficace pour lutter contre les inégalités entre les sexes. Cela est en partie dû à l'intervention des hommes, qui ont plus d'expérience en matière de leadership et qui nous détournent souvent de nos propositions. Dans la Fédération Bartolina, chaque province a une représentante, mais les hommes ont deux représentants par province, ce qui leur confère une plus forte représentation et des avantages dans les débats. Lorsque nous commençons à nous organiser pour traiter nos problèmes, les hommes s'empressent d'approcher les femmes pour les persuader de s'orienter vers d'autres projets, car ils bénéficient d'un soutien plus important de la part du gouvernement. Ils parviennent ainsi à nous diviser et à nous affaiblir.

Quelles sont les stratégies que vous adoptez en tant que femmes plus jeunes pour résister et aller de l'avant au sein de vos organisations malgré les défis qui se présentent ?

Je pense qu'il est essentiel de gagner la confiance des femmes plus âgées afin qu'elles vous soutiennent. Si elles ne vous font pas confiance, elles se retourneront contre vous. Nous devons être excellentes, nous n'avons pas droit à l'erreur. Les hommes peuvent commettre des erreurs, mais pas les femmes.

Il est également important de reconnaître le machisme et de comprendre que les hommes ne nous faciliteront pas la tâche. Bien que certains en soient conscients, ils ne vont pas élever la voix pour vous défendre. Les femmes doivent être conscientes que ce ne sera pas facile, mais nous devons quand même le faire. Par ailleurs, il est essentiel d'être mentalement forte pour faire face au harcèlement, aux mauvais traitements et à la discrimination, des défis auxquels nombre de nos consœurs sont confrontées au quotidien.

Comment envisagez-vous l'avenir de ces organisations, notamment en ce qui concerne l'égalité des sexes, le leadership et la participation des jeunes ?

Je pense que des changements se produiront, mais ils seront superficiels. Nous verrons plus de femmes en politique, dans le syndicalisme et dans d'autres espaces, mais les progrès réels seront limités. Même si la présence des femmes augmente, je pense que l'influence des hommes restera forte. Le véritable changement interviendra lorsque les femmes seront économiquement autonomes. Tant que nous continuerons à nous tracasser pour nos enfants et nos familles, nous ne serons pas en mesure de diriger pleinement. Si nous ne résolvons pas la question de l'accès à l'emploi et aux sources économiques, nous ne pourrons pas débattre d'égal à égal avec les hommes.

En ce qui concerne les jeunes, on ne pourra pas arrêter la croissance de la jeunesse dans les organisations. J'ai entendu dire un jour : « Vous pouvez couper les fleurs, mais vous ne pouvez pas arrêter le printemps. » Et ce printemps a déjà commencé. Les jeunes générations sont de plus en plus conscientes que les décisions prises aujourd'hui influeront sur notre avenir. Même si le machisme reste un obstacle, je suis convaincue que les jeunes provoqueront des changements positifs.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent amener des changements dans leur communauté, malgré les difficultés qu'elles peuvent rencontrer sur leur chemin ?

L'important est d'apporter quelque chose, même si c'est peu. Peu importe si les autres ne l'apprécient pas ou si cela prend du temps : ce qui compte vraiment, c'est de savoir que vous avez contribué à votre communauté.

20.01.2025 à 05:00

L'obsession pour la croissance économique contribue-t-elle à une crise mondiale de la santé mentale ?

la rédaction d'Equal Times

Dans un rapport intitulé L'économie du burnout : pauvreté et santé mentale, sorti en 2024, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, Olivier De Schutter, a mis en lumière un problème souvent ignoré : nos sociétés capitalistes, obsédées par la croissance économique, sont confrontées à une crise mondiale de santé mentale. Celle-ci frappe particulièrement les plus défavorisés, exposant les limites d'un modèle économique qui valorise les indicateurs (…)

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Texte intégral (1275 mots)

Dans un rapport intitulé L'économie du burnout : pauvreté et santé mentale, sorti en 2024, le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté, Olivier De Schutter, a mis en lumière un problème souvent ignoré : nos sociétés capitalistes, obsédées par la croissance économique, sont confrontées à une crise mondiale de santé mentale. Celle-ci frappe particulièrement les plus défavorisés, exposant les limites d'un modèle économique qui valorise les indicateurs financiers au détriment du bien-être humain.

  • Quels sont les effets pervers de la poursuite effrénée de la croissance économique ?

Depuis la révolution industrielle, la croissance économique est perçue comme un moteur indispensable au progrès. Les gouvernements, les entreprises et les institutions internationales adoptent des politiques qui privilégient l'augmentation du PIB, souvent au détriment des dimensions sociales et écologiques.

Mais cet objectif omniprésent a un coût humain. La compétition acharnée, les longues heures de travail et l'instabilité économique créent des conditions propices à l'anxiété, à la dépression et à d'autres troubles mentaux. Ainsi, dans les pays membres de l'OCDE, entre un tiers et la moitié des nouvelles demandes de prestations d'invalidité seraient motivées par des problèmes de santé mentale. Chez les jeunes adultes, cette proportion est estimée à plus de 70 %, peut-on lire dans le rapport.

  • Pourquoi les personnes à faibles revenus sont-elles plus touchées par les troubles mentaux ?

La relation entre la pauvreté et la santé mentale est bien documentée. D'après l'Organisation mondiale de la santé (OMS), alors que 970 millions de personnes (11 % de la population mondiale), souffrent de troubles mentaux, « les personnes à faibles revenus sont jusqu'à trois fois plus susceptibles de souffrir de dépression, d'anxiété et d'autres maladies mentales courantes que les personnes aux revenus les plus élevés ».

Les personnes vivant dans l'extrême pauvreté sont exposées à des facteurs de stress chronique, à cause du manque de sécurité financière, du manque d'accès à des services de santé mentale et aussi à cause de la stigmatisation sociale.

  • L'épidémie d'épuisement professionnel (ou « burnout ») chez les cols blancs est-elle aussi liée à ce système économique ?

L'exigence constante de productivité, combinée à une déconnexion croissante entre le travail accompli et le sens qu'il porte, alimente un sentiment de vide et d'épuisement. Les longues heures, les objectifs souvent inatteignables et les environnements de travail stressants créent un terrain fertile pour le burnout. Cette pression n'est pas seulement ressentie dans les grandes entreprises : même les petites structures et les travailleurs indépendants sont piégés par les exigences d'un système économique qui valorise les performances à tout prix, au détriment du bien-être individuel. Concernant la santé mentale liée au travail, l'OMS indique que seuls 35 % des pays déclarent disposer de programmes nationaux de promotion et de prévention pour les travailleurs.

  • Comment peut-on réévaluer nos priorités économiques pour favoriser le bien-être ?

Les économistes et les décideurs politiques devraient adopter des modèles qui valorisent le bien-être, tels que les indicateurs de bonheur national brut (BNB), (inspirés du Bhoutan), des politiques de protection sociale renforcées, incluant un accès universel à des soins de santé mentale. En moyenne, les États ne consacrent que 2,1% de leurs dépenses de santé à la santé mentale, estime l'ONU.

C'est l'organisation de l'économie elle-même qui doit être repensée en replaçant l'humain en son centre. Le rapport onusien explique en effet en détail comment les changements dans les conditions de travail et les mesures de « flexibilisation » du travail ont joué un rôle majeur dans l'augmentation des problèmes de santé mentale affectant les personnes à faibles revenus, car elle entraîne une diminution des contrats de travail à long terme, une augmentation du travail à temps partiel « occasionnel » ou « indépendant » et une réduction des salaires et des protections des travailleurs. M. De Schutter souligne que, dans l'économie numérique actuelle, qui fonctionne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il est parfois moins risqué pour la santé mentale d'être au chômage que d'accepter un emploi précaire ; car l'insécurité, l'absence de salaire décent et les horaires imprévisibles rendent impossible un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée.

  • Quelles initiatives peuvent être prises pour contrer cette crise ?

Certaines initiatives existantes montrent qu'un changement est possible : L'Islande par exemple a adopté avec succès une semaine de travail de quatre jours sans réduction de salaire, améliorant le bien-être des employés. En Nouvelle-Zélande, l'ancienne première ministre Jacinda Ardern avait proposé en 2019 un « budget basé sur le bien-être », pour montrer une voie alternative dans l'élaboration des politiques publiques.

Le Rapporteur spécial appelle également les gouvernements à mettre en place des réglementations garantissant un travail décent et un salaire décent, en introduisant par exemple un revenu de base universel et des horaires de travail plus prévisibles. Il souligne l'importance d'une approche « biopsychosociale » et de la participation des personnes concernées à la conception des politiques. Enfin, il recommande de faciliter l'accès aux espaces verts, favorisant ainsi une reconnexion avec la nature, ce qui peut avoir des effets bénéfiques sur le bien-être mental.

Pour aller plus loin :

- Lire le communiqué : L'OMS et l'OIT appellent à de nouvelles mesures pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale au travail

- Regarder l'entretien vidéo avec le sociologue Nicolas Framont, auteur du livre “Vous ne détestez pas le lundi, vous détestez la domination au travail”.

- Voir le site du rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté ainsi que la présentation en vidéo de M. de Schutter lors de la 79e Assemblée générale de l'ONU, en octobre 2024 (à partir de 49'54'').

16.01.2025 à 10:29

Les déplacés internes du Tigré empêchés de rentrer chez eux et de reprendre le travail

Voilà quatre ans qu'Ashebu Haguzum, âgé de 45 ans, attend. Lorsqu'en 2020, la guerre a éclaté dans la région du Tigré, à l'extrême nord de l'Éthiopie, lui et sa famille ont fui à 300 kilomètres de chez eux, à Maï-Kadra, près de la frontière soudanaise, vers Mékélé, la capitale du Tigré. Depuis, ils vivent dans un camp pour personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et ce, malgré le fait que la guerre ait pris fin en 2022. Ils ont réussi à survivre dans des conditions d'exiguïté (…)

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Voilà quatre ans qu'Ashebu Haguzum, âgé de 45 ans, attend. Lorsqu'en 2020, la guerre a éclaté dans la région du Tigré, à l'extrême nord de l'Éthiopie, lui et sa famille ont fui à 300 kilomètres de chez eux, à Maï-Kadra, près de la frontière soudanaise, vers Mékélé, la capitale du Tigré. Depuis, ils vivent dans un camp pour personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et ce, malgré le fait que la guerre ait pris fin en 2022. Ils ont réussi à survivre dans des conditions d'exiguïté et d'insalubrité grâce à des aides financières. Ils veulent à tout prix rentrer chez eux.

« Avant la guerre, j'étais riche », déclare ce père de quatre enfants. Il employait 15 personnes dans sa ferme, qui était bien équipée en machines. « J'avais mon propre chauffeur. J'aidais les autres ».

La famille de M. Haguzum occupe une partie d'une salle de classe du camp de déplacés internes de Maï-Wenyi, qui abritait autrefois un lycée. Quelque 3.600 personnes y résident actuellement, chaque pièce pouvant accueillir jusqu'à 40 personnes. Il n'y a pas de salle de bains et les lits y sont infestés de punaises de lit et de puces. Les virus se propagent facilement.

M. Haguzum a sauvé sa famille en l'envoyant à Mékélé à bord d'un camion. Il les a ensuite rejoints à pied. « J'ai vu 50 cadavres sur le chemin », déclare-t-il. « C'est quelque chose que je n'oublierai jamais. »

Sa femme, Letehewat, 32 ans, est assise à côté de lui et berce leur fils Ma'rk, âgé de quatre mois. Le père de sa femme pourrait figurer parmi les morts, selon M. Haguzum. Il est porté disparu depuis que la milice est venue chez lui et l'a emmené. Letehewat ne dit pas grand-chose, mais regarde à travers la fenêtre sale et relève le menton, comme si elle essayait d'arrêter le flot de larmes qui coule sur ses joues.

Pendant ce temps, un autre fils, Amanuel, âgé de trois ans, est allongé sur un lit, presque immobile. Deux de ses frères aînés sont ailleurs dans l'école. Pendant toute la durée de notre conversation, Amanuel bouge à peine, contrairement à la plupart des enfants en bas âge qui tendent à gigoter beaucoup. Mais il est né dans une situation d'attente, avec peu d'espace pour le jeu.

« Vivre ici, ce n'est pas quelque chose que je peux comparer à ma vie d'avant », explique M. Haguzum à Equal Times. « Nous vivons à présent dans un endroit où il n'y a rien. Si les enfants demandent du pain, nous ne pouvons pas leur en donner. Voir mes enfants dans cette situation me fait regretter d'être né ».

« Sources d'amertume et de ressentiment »

La guerre a contraint 2,5 millions de Tigréens à quitter leur foyer ; à ce jour, seules 1,5 million de personnes sont rentrées chez elles. Mais la zone occidentale, où vivait la famille de M. Haguzum, est toujours occupée par les forces de la région éthiopienne voisine d'Amhara. Le conflit du Tigré a opposé le gouvernement fédéral éthiopien et le parti politique au pouvoir, le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), mais d'autres pays et régions se sont engagés aux côtés des deux camps. Des troupes d'Érythrée et de Somalie, ainsi que des régions d'Amhara et d'Afar, ont soutenu la Force de défense nationale éthiopienne, parmi d'autres parties belligérantes. Ces troupes alliées n'ont pas signé l'accord de paix de novembre 2022.

Les causes de la guerre diffèrent selon les personnes interrogées. Dans l'ouvrage Understanding Ethiopia's Tigray War, publié en 2023, Martin Plaut et Sarah Vaughan décrivent les causes de la guerre comme puisant « dans les sources d'amertume et de ressentiment profondément ancrées dans les mémoires collectives de l'histoire et de la politique de la région ».

Un argument en faveur du gouvernement fédéral soutient que le FLPT cherchait à rétablir son pouvoir (de 1995 à 2012, le Premier ministre de l'Éthiopie était Meles Zenawi, membre du FLPT). Mais les relations entre le parti et l'actuel Premier ministre Abiy Ahmed, qui n'appartient pas au FLPT, se sont envenimées après son élection en 2018. Entre-temps, un argument pro-Tigré soutient que le gouvernement fédéral a lancé une guerre génocidaire contre la région, dans l'intention d'éradiquer le groupe ethnique.

Indépendamment des raisons évoquées, les violences qui ont suivi ont fait quelque 600.000 victimes. Depuis le cessez-le-feu, le Tigré a du mal à se relever. Les combats ont endommagé et détruit les infrastructures, notamment les industries, les services de santé et les établissements d'enseignement. Le ministre éthiopien des Finances a estimé le coût de la reconstruction à 20 milliards de dollars US (19,42 milliards d'euros).

En conséquence, les niveaux de pauvreté ont grimpé en flèche, passant de 27 % en 2019 à 92 % de la population en 2022, selon l'Agence des statistiques du Tigré (AST). Les récoltes totales de la région ont diminué de près de trois quarts, ce qui a entraîné une inflation importante du prix des denrées alimentaires.

Le chômage a plus que quadruplé depuis le début de la guerre. Les niveaux actuels ne sont pas connus, car l'AST n'a pas encore terminé son étude d'évaluation, mais elle a transmis à Equal Times des statistiques montrant que le taux de chômage était passé de 17 % en 2019 à 74,1 % en 2022.

Pire encore, les effets des changements climatiques dans la Corne de l'Afrique ont provoqué la pire sécheresse que la région ait connue depuis 40 ans. L'agriculture fait traditionnellement vivre 80 % de la population éthiopienne. Outre le fait que les fermes, les équipements et les produits essentiels, tels que les semences et les engrais, ont été décimés par la guerre, le manque d'eau de pluie a transformé les pâturages en déserts.

Le Réseau des systèmes d'alerte précoce contre la famine classe actuellement la quasi-totalité de la région du Tigré dans la catégorie « urgence » ou « crise » en matière d'insécurité alimentaire. Le gouvernement régional estime que 4,5 millions de personnes dépendent de l'aide alimentaire.

Des usines détruites et des milliers d'emplois perdus

En 2020, juste avant le début de la guerre, l'Éthiopie connaissait l'une des croissances économiques les plus rapides au monde. À l'époque, elle avait publié un Plan d'action national pour la création d'emplois destiné à fournir des emplois à plus de deux millions de jeunes entrant sur le marché du travail chaque année. Pendant plus d'une décennie, l'accent avait été fortement placé sur la position prometteuse de l'Éthiopie en tant que carrefour pour les usines mondiales de textiles et de vêtements, mais la guerre a eu un impact sur le secteur (qui, en 2021, représentait plus de 45 % de l'ensemble des revenus du secteur manufacturier dans le pays), en particulier dans la région du Tigré.

Paule France Ndessomin, secrétaire régionale d'IndustriALL Global Union pour l'Afrique subsaharienne, souligne à Equal Times que les usines de textiles et de vêtements du Tigré ont besoin d'investissements et de reconstruction. « La guerre dans la région du Tigré a plongé les travailleurs dans l'angoisse, car leurs usines ont été détruites, d'autres ont fermé leurs portes et des milliers d'emplois ont été perdus », explique-t-elle.

Angesom Gebre Yohannes, président Fédération industrielle des travailleurs du textile, du cuir et de l'habillement (Industrial Federation of Textile Leather Garment Workers Trade Union), affiliés à IndustriALL, a déclaré que certaines usines ont commencé à rouvrir leurs portes, mais que de nombreux travailleurs ne reprenaient pas leur poste. Il a donné l'exemple de l'usine de vêtements Almeda dans la ville d'Adwa, qui employait auparavant plus de 7.500 travailleurs, mais où, à l'heure de l'entretien avec Equal Times en décembre 2024, seuls 1.200 d'entre eux étaient revenus. « Lorsque la production est faible, seuls 500 travailleurs sont appelés à se présenter au travail », explique-t-il.

« Par ailleurs, à l'usine de vêtements et de textiles MAA, près de Mékélé, les travailleurs attendent plus de 41 mois de salaires impayés et le tribunal a ordonné que les travailleurs soient payés. L'employeur fait cependant appel de la décision. »

Depuis la fin de la guerre, le gouvernement fédéral ne fournit que peu d'argent pour la reconstruction ou la création d'emplois d'après les fonctionnaires du gouvernement régional du Tigré. L'un d'entre eux, qui a demandé à rester anonyme par crainte de nuire aux relations avec le gouvernement fédéral, explique que son département a signalé les niveaux de besoins à la capitale Addis-Abeba, mais qu'il n'a pas encore reçu de réponse. « Au niveau national, les ressources manquent », déclare-t-il. « Le système économique s'est effondré. »

Il ajoute qu'il est important que les personnes déplacées rentrent chez elles et reprennent le travail, tout comme il est important de mettre fin à l'occupation de zones autrefois productives de la région : « Ces personnes productives sont toujours dans des camps, ce qui représente un fardeau supplémentaire pour la région. »

Soutien humanitaire

Le gouvernement intérimaire du Tigré dépend du soutien d'organisations humanitaires, selon le fonctionnaire anonyme. À Maï-Wenyi, la mission catholique Daughters of Charity (DOC), soutient les déplacés internes depuis 2020. Elle apporte un soutien psychologique aux résidents traumatisés et tente de les aider à gagner de l'argent.

« Actuellement, notre travail le plus important est la réhabilitation et l'autonomisation des femmes vulnérables, tant sur le plan social qu'économique », explique sœur Medhin Tesfay, directrice de DOC Mékélé. Un grand nombre de femmes ont perdu leurs maris à cause de la guerre. « Nous avons aidé 300 femmes des centres de déplacés internes à acquérir des compétences commerciales de base et une formation à l'entrepreneuriat, et nous leur avons fourni un capital de départ pour lancer de petites entreprises qui peuvent les aider à gagner un salaire décent », explique-t-elle.

Mme Tesfay donne l'exemple d'une femme parmi les 100.000 qui, selon les estimations, ont été violées pendant le conflit. Après six mois de traitement psychiatrique intensif, DOC lui a donné une formation et un financement pour ouvrir un commerce de vente de denrées alimentaires. Mais démarrer une entreprise dans le climat économique actuel relève de la gageure. « Les commerces sont incapables de faire face à la moindre secousse économique et les femmes sont découragées après des mois de travail acharné et de faible croissance », explique Mme Tesfay. « Avec l'augmentation des taux d'inflation, elles ont du mal à rester compétitives. »

Malgré cela, il est important de fournir aux déplacés internes des compétences leur permettant de gagner leur vie. « Le fait de se lever tous les matins et d'avoir un objectif à atteindre a un impact significatif sur leur santé mentale », explique Mme Tesfay.

DOC a établi un partenariat avec l'organisation caritative britannique Mary's Meals International (MMI) pour fournir des repas dans les écoles depuis 2017. Lorsque la guerre a éclaté, les écoles ont fermé et MMI a réorienté son approvisionnement en nourriture vers les déplacés internes. Le directeur des programmes affiliés et des partenariats, Alex Keay, s'est récemment rendu dans les camps et a constaté que les opportunités économiques étaient limitées.

« Comme il y a beaucoup de personnes déplacées dans les camps, le marché est concurrentiel. Il arrive que des personnes puissent trouver du travail, mais celui-ci se trouve à une grande distance du camp et les frais de déplacement sont donc prohibitifs ».

Cette situation a forcé des dizaines de milliers de jeunes à quitter l'Éthiopie pour chercher du travail ailleurs. Une enquête menée par l'Office des affaires de la jeunesse du Tigré a révélé que 29.600 jeunes âgés de 15 à 35 ans avaient quitté le pays depuis la fin de la guerre. Mais cette évaluation ne couvre qu'un peu plus de la moitié des districts du Tigré. « Les jeunes quitteront la région et il n'y aura plus personne pour reconstruire le Tigré », déclare son directeur, Haish Subagadis.

Le périple qu'entreprennent les migrants est dangereux et tourne souvent à la catastrophe, explique M. Subagadis. Les trafiquants les emmènent soit au Yémen, dans le but d'atteindre l'Arabie saoudite, soit à travers le Soudan vers la Libye et l'Europe (bien que ce trajet soit plus rare aujourd'hui en raison du conflit au Soudan). Les trafiquants demandent un million de birrs éthiopiens (environ 8.260 dollars US ou 7.997 euros) pour la traversée. « S'ils ne reçoivent pas l'argent, les trafiquants les obligent à rester dans un camp », explique M. Subagadis. « Ils sont sous leur contrôle à condition de payer ».

Le prix augmente au fil du temps. Les migrants ont fait état de conditions de vie inhumaines, de passages à tabac et de tortures. Nombre d'entre eux disparaissent purement et simplement. La migration a pris une telle ampleur qu'en juin, l'Organisation internationale du Travail a organisé trois jours de formation consacrée à l'atténuation des risques de migration irrégulière à Mékélé, en collaboration avec le ministère fédéral du Travail et des Compétences.

Lutter contre le chômage des jeunes

Le chômage des jeunes est un problème qui touche l'ensemble de l'Éthiopie. Le taux de chômage des jeunes en milieu urbain est de 26 %, selon l'ONG Amref Health Africa, qui mène un programme appelé Kefeta qui a soutenu deux millions de jeunes gens âgés de 15 à 29 ans dans 18 villes éthiopiennes. Mais les défis auxquels sont confrontés les jeunes touchés par les conflits et les déplacés internes sont plus complexes, selon Kellali Tsegay Alemu, responsable régional du programme.

En raison du conflit, Amref n'est présent à Mékélé, dans la région du Tigré, que depuis un an. Une étude menée par la Tigray Youth Association a révélé que 81 % des personnes âgées de 15 à 35 ans dans la région du Tigré sont actuellement au chômage. L'accès aux opportunités financières est limité et il est difficile d'apporter un soutien aux jeunes, car les centres de jeunesse ont été pillés ou endommagés, explique M. Alemu.

Sa collègue, Hermon Amare Abay, conseillère principale pour les services à la jeunesse, a soutenu des déplacés internes vivant dans des camps. Elle indique que les problèmes de réinstallation sont hors du contrôle de l'organisation : « C'est le gouvernement qui s'en charge ». En attendant, elle a tenté de répondre aux besoins fondamentaux des personnes : nourriture, abri et santé mentale. Une enquête menée auprès de 100 personnes a révélé que 80 % d'entre elles souffraient d'un syndrome de stress post-traumatique.

« Il est très difficile de résoudre vos problèmes de santé mentale lorsque vos moyens de subsistance sont encore menacés », explique Mme Abay.

Chalachew Tiruneh Alemu, responsable de Kefeta, estime qu'il faut davantage d'investissements pour remettre les jeunes sur le chemin de l'activité économique. Les usines doivent être reconstruites et des entreprises commerciales doivent être créées. De nombreux jeunes du Tigré et de la région voisine d'Amhara, où le conflit se poursuit, souhaitent lancer de petites entreprises. Mais l'organisation n'a pas les moyens de leur fournir le capital nécessaire. « Ce que nous pouvons faire en revanche, c'est essayer de changer leur état d'esprit », explique M. Alemu.

14.01.2025 à 04:00

Journalisme de guerre : précarité, menaces et négligence de la santé mentale

Dans ma tête résonnait le bourdonnement perçant et irritant des drones, même lorsqu'ils avaient cessé de survoler le bâtiment. Jusqu'il y a quelques semaines encore, assise à mon écran d'ordinateur, au moindre bruit strident, j'étais à cran. J'arrêtais alors d'écrire pour me perdre dans des recherches compulsives sur le réseau social X, à l'affût de messages du porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, craignant à tout moment de tomber sur une alerte d'évacuation (…)

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Dans ma tête résonnait le bourdonnement perçant et irritant des drones, même lorsqu'ils avaient cessé de survoler le bâtiment. Jusqu'il y a quelques semaines encore, assise à mon écran d'ordinateur, au moindre bruit strident, j'étais à cran. J'arrêtais alors d'écrire pour me perdre dans des recherches compulsives sur le réseau social X, à l'affût de messages du porte-parole arabophone de l'armée israélienne, Avichay Adraee, craignant à tout moment de tomber sur une alerte d'évacuation urgente adressée aux habitants de la banlieue de Beyrouth. S'il n'y avait rien à signaler, je poussais un soupir de soulagement et me persuadais qu'il devait probablement s'agir d'un bang sonique provoqué par des avions de chasse israéliens volant à basse altitude.

À présent, suite au cessez-le-feu conclu fin novembre entre Israël et le Hezbollah, ces moments paraissent lointains, bien que le souvenir, lui, reste très présent. Même un simple bruit d'orage qui ferait trembler les fenêtres de mon bureau suffirait à déclencher chez moi un profond malaise. Dès lors que l'état d'alerte et de stress psychologique constant est intégré « naturellement » dans notre quotidien, il en résulte des cicatrices invisibles qui paraissent difficiles à effacer.

En tant que journalistes indépendants, nous ne tardons pas à nous rendre à l'évidence que le médias pour lesquels nous travaillons dans les zones de guerre font peu de cas de notre santé mentale et physique. Vous vous dites que ce n'est pas le moment de lever le pied, tout en sachant qu'il en sera de même le lendemain. Le stress post-traumatique est une des batailles que doit affronter tout correspondant de guerre, or pratiquement aucun média n'est prêt à investir dans la sécurité ou le bien-être de ses reporters, si ce n'est à de rares exceptions près comme dans le cas du NYT.

La journaliste britannico-iranienne Leila Molana-Allen a posté sur le réseau social X un message qui transcende les frontières numériques et expose une vérité inquiétante à propos du journalisme en temps de guerre : « Avis aux rédactions : De grâce, arrêtez d'envoyer des journalistes indépendants non préparés dans les zones de guerre. J'organise, ici à Beyrouth, des formations en sécurité d'urgence, et il est absolument atterrant de constater au fil de nos conversations à quel point la plupart des professionnels qui travaillent depuis des années pour des grandes agences d'information n'ont jamais reçu de formation ni d'équipements de protection. » Cet appel nous rappelle brutalement la vulnérabilité de celles et ceux qui risquent leur vie pour informer le monde, souvent sans disposer des moyens nécessaires pour se protéger.

Ni héros, ni martyrs, juste des professionnels qui ont besoin de moyens et de soutien

Le soulèvement en Libye en 2011 a constitué le premier laboratoire pour une génération de journalistes indépendants qui y ont débarqué sans la moindre connaissance des dispositifs de protection à adopter pour travailler dans des zones de guerre. Plus de dix ans plus tard, de nombreux reporters indépendants continuent à se rendre en Ukraine, en Israël et au Liban sans équipement de protection individuelle (EPI) ni couverture d'assurance, tandis que les médias auxquels ils vendront leurs reportages écrits ou audiovisuels ne sont souvent pas disposés à les prendre en charge.

Outre la précarité croissante à laquelle sont exposés les reporters dans les zones de conflit, cette situation révèle l'absence de soutien institutionnel aux journalistes.

Le besoin de campagnes de sensibilisation et d'aide internationale « se fait pressant », déclare Jad Shahrour, coordinateur de la Samir Kassir Foundation (SKF), dont le siège se trouve à Beyrouth. La SKF est l'une des rares organisations au Liban à organiser des cours de sécurité. Connus sous l'acronyme anglais HEFAT (Hostile Environment and First Aid Training, ou « formation en environnements hostiles et premiers secours »), ces programmes visent à combler le vide laissé par le manque de soutien aux journalistes, tant par les médias eux-mêmes que par le gouvernement libanais. Au cours des trois dernières années, quelque 190 journalistes locaux et internationaux en ont bénéficié.

« Dans les médias locaux surtout, nous avons le sentiment que les ressources et la mentalité nécessaires pour soutenir les journalistes travaillant dans des zones de conflit font défaut. Qui plus est, nous nous trouvons au Moyen-Orient, une région traversée par de multiples zones de conflit et où nous sommes aujourd'hui confrontés à deux des crises les plus graves : Gaza et le Liban », explique M. Shahrour.

La dernière formation, en février 2024, s'adressait non seulement aux nouveaux journalistes qui couvrent les conflits sur le terrain, mais aussi aux chefs de rédaction et aux responsables qui coordonnent ces reporters depuis les salles de rédaction. « Nous avons mis au point une version du programme HEFAT à l'intention des personnes chargées de coordonner les journalistes dans les zones de bombardement, afin de leur permettre de communiquer efficacement et de gérer les situations extrêmes », explique-t-il.

Au Liban, le manque d'équipements de protection individuelle (EPI) est un autre problème récurrent. En collaboration avec Reporters sans frontières (RSF), la fondation SKF a fourni des équipements de sécurité – gilets pare-balles et casques – à plus de 60 reporters. M. Shahrour reconnaît toutefois que la liste d'attente est longue.

« La question qui se pose est la suivante : que se passerait-il si nous n'étions pas là ? Même les médias traditionnels n'ont ni la volonté ni les ressources nécessaires pour doter leurs journalistes des connaissances et de l'équipement nécessaires. Cette situation ne se limite d'ailleurs pas aux conflits armés, nous l'avons également observée dans d'autres scénarios, tels que la pandémie de Covid-19 ou les manifestations de 2019 au Liban », ajoute-t-il.

La situation est encore plus tendue lorsque les missions impliquent de travailler sous la surveillance constante d'acteurs locaux répondant à des agendas politiques bien définis.

À Gaza, le récit est souvent contesté, instrumentalisé par les factions belligérantes ou influencé par les intérêts internationaux. La situation n'est guère différente dans le sud du Liban : lorsqu'ils tentent de rapporter les faits de manière impartiale, les journalistes sont pris en tenaille entre la censure imposée par les différents groupes armés et la nécessité de protéger leur intégrité.

À cette difficulté s'ajoute la crainte constante que la vérité ne se transforme en une arme à double tranchant. M. Shahrour explique que les journalistes nationaux et internationaux doivent faire preuve d'une extrême prudence, car « dans de nombreux cas, le fait de rapporter des informations erronées ou de publier des informations sensibles peut être interprété comme une menace directe par les acteurs sur le terrain ». Pour cette raison, les formations proposées par des organisations telles que la Samir Kassir Foundation portent non seulement sur la sécurité physique, mais aussi sur la prévention des représailles à l'encontre des reporters. La santé mentale est rarement prise en considération dans les plans.

Dans ce contexte, les réseaux sociaux jouent un double rôle. D'une part, ils constituent un outil essentiel permettant aux journalistes de signaler les bombardements, les zones à risque ou les évacuations imminentes. Toutefois, ils sont aussi devenus un espace où prolifèrent la propagande, les menaces et le harcèlement numérique, ne faisant qu'exacerber le stress et la vulnérabilité des acteurs de terrain.

« Les journalistes indépendants constituent des cibles faciles pour les campagnes de désinformation, les diffamations et les menaces, et sans le soutien d'une organisation forte, ils sont pratiquement livrés à eux-mêmes dans ces batailles », avertit Ghasan Moukheiber, du Syndicat de la presse alternative (SPA) du Liban.

À cela s'ajoute l'absence d'un cadre juridique qui soutienne les journalistes indépendants dans les situations extrêmes. Selon un rapport de la SPA, la législation de pays comme le Liban ne prévoit pas de mesures spécifiques pour protéger les reporters indépendants dans les zones de conflit face à des situations allant de la détention jusqu'au cas extrême où ils perdent la vie dans l'exercice de leur métier.

Bâillonnement et impunité

Le conflit au Liban a laissé des dizaines de journalistes dans une situation critique. Au moins trois journalistes ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions et 11 autres ont été blessés. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) rappelle que le conflit entre Israël et le Hezbollah a « fait payer un tribut alarmant à la presse au Liban ». Depuis septembre, le CPJ enquête sur cinq nouveaux cas d'assassinats de professionnels des médias, qui mettent en évidence un schéma d'attaques et d'obstructions qui menace le travail journalistique. « Les journalistes sont des civils et doivent être protégés. La communauté internationale ne peut tolérer cette impunité », insiste Carlos Martínez de la Serna, directeur des programmes au CPJ.

Au-delà des chiffres, ces attaques sont révélatrices d'une tendance inquiétante : le bâillonnement des personnes qui documentent la guerre. La difficulté d'accès à des enquêtes indépendantes et l'absence de sanctions alimentent un cycle de violence qui se répercute non seulement sur les journalistes, mais aussi sur le droit de la société à être informée. Dans un contexte où la vérité semble être la première cible, la presse reste un bastion fragile mais indispensable.

« Nous ne sommes pas des numéros », souligne M. Moukheiber, qui rappelle que derrière chaque journaliste il y a des familles, des enfants et des vies qui doivent être pris en compte. « Si un journaliste meurt dans l'exercice de ses fonctions, sa famille ne reçoit rien », dit-il avec amertume.

« Nous nous trouvons confrontés, tour à tour, à l'indifférence des grands médias, qui privilégient l'effet de manchette et le sensationnalisme, et à un public qui ne comprend pas les difficultés que pose le travail dans les zones de conflit. Nous ne sommes ni des héros ni des martyrs mais des professionnels qui avons besoin d'un véritable soutien, pas de paroles en l'air », dit-il.

Entre-temps, les intimidations sont constantes, non seulement de la part d'acteurs extérieurs, mais aussi de groupes locaux tels que le mouvement Amal ou le Hezbollah.

À Beyrouth, les journalistes ont commencé à observer que les tendances au contrôle et à la censure observées à Gaza se reproduisaient au Liban : en attestent notamment des incidents plus ou moins graves survenus avec l'AFP, Paris Match, NPR, VTM, TG3 et Bild. Si le métier de journaliste dans les zones de conflit représente un véritable défi, les journalistes indépendants, dépourvus de tout soutien de la part des grands médias, vivent une situation critique.

Sans compter que le travail des indépendants tend à être sous-évalué. Les médias ne compensent pas suffisamment les efforts que représentent les déplacements dans les zones de conflit, ce qui signifie que ces journalistes doivent non seulement couvrir les frais liés à leur sécurité personnelle, mais qu'ils ne reçoivent pas non plus une rémunération équitable pour leur travail. « Les indépendants doivent couvrir leurs propres dépenses, du transport au logement », explique Joan Cabasés Vega, qui regrette que la précarisation du travail journalistique soit considérée comme un aspect inhérent à la profession.

Malgré les difficultés, les journalistes indépendants continuent de se battre pour préserver leur indépendance et transmettre des informations qui, autrement, seraient passées sous silence. Cela se fait toutefois au prix de grands sacrifices.

19.12.2024 à 05:00

Résilience et recyclage : Les femmes déplacées du Cabo Delgado s'organisent pour sortir de la pauvreté grâce à l'économie circulaire

Margaux Solinas , Paloma Laudet

Au large du Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique, se situe l'île d'Ibo. Ancien paradis touristique et vestige de l'ère coloniale portugaise, Ibo est aujourd'hui un des rares refuges pour les déplacés internes de l'insurrection djihadiste qui ravage la province depuis 2017. Le Mozambique est un des pays les plus pauvres du monde, avec plus de la moitié de ses 33 millions d'habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Et le Cabo Delgado est sa province la plus pauvre, malgré les (…)

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Au large du Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique, se situe l'île d'Ibo. Ancien paradis touristique et vestige de l'ère coloniale portugaise, Ibo est aujourd'hui un des rares refuges pour les déplacés internes de l'insurrection djihadiste qui ravage la province depuis 2017. Le Mozambique est un des pays les plus pauvres du monde, avec plus de la moitié de ses 33 millions d'habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Et le Cabo Delgado est sa province la plus pauvre, malgré les nombreuses ressources présentes, comme le gaz et le pétrole. Environ 60% des enfants y vivent dans la pauvreté, contre 46,3 % dans le reste du Mozambique.

Pour lutter contre la précarité de la région, une initiative a vu le jour sur l'île par le biais de l'Institut Oikos, en collaboration avec une association communautaire locale, l'Associação do Sistema de Monitoria Orientada para Gestão (ASMOG). Cette « banque de plastique » est devenue une des principales sources de revenus des femmes d'Ibo. Tous les matins, dès l'aube, des dizaines de femmes traversent l'île de parts et d'autres, à la recherche de morceaux de plastique qui jonchent l'île. Une activité qui a créé un lien entre les déplacés internes et les femmes d'Ibo, qui se retrouvent dès l'ouverture de la banque, pour récupérer des méticais (la monnaie locale) en échange de leur butin recyclable.

Au Mozambique, la précarité touche fortement les femmes, victimes de violences et de mariage infantiles. Et elles figurent parmi les principales victimes de l'insurrection. Depuis 2017, plus de 600 femmes (chiffres de 2021) auraient été kidnappées selon l'ONG Human Rights Watch (HRW). Le bilan des victimes s'élève à plus de 4.500 personnes et plus d'un million de déplacés internes selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Le nombre de rescapés de ces enlèvements demeurent flous. Si certaines sont parvenues à s'enfuir, ou à être sauvées par les forces mozambicaines et rwandaises qui patrouillent la région, « beaucoup restent portées disparues » d'après HRW.

Et nombre d'entre elles souffrent de trouble de stress post-traumatique, selon Anna Mota Teles, une neuropsychologue d'origine portugaise, qui effectue un suivi psychologique auprès de plus de 400 femmes du Cabo Delgado. Elle précise que ce ne sont pas « uniquement les femmes enlevées », mais également « les déplacés internes ».

Dans l'archipel des Quirimbas, au nord-est du Mozambique, se trouve l'île d'Ibo. Selon certaines sources, Vasco de Gama s'y serait même arrêté pour se reposer en 1502.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

L''île a été désertée en raison des attaques jihadistes menées depuis 2017 par un groupe appelé Al-Shabab ( « les jeunes », en arabe). Les habitants de cette région riche en gaz subissent les attaques des groupes armés, tandis que l'essentiel des forces de sécurité protègent les multinationales, comme TotalEnergies, une entreprise française présente dans la région depuis 2020.

Des femmes attendent leur tour devant la « banque de plastique », ici en février 2024, qui leur permet de lutter contre la précarité et de réussir à s'occuper de leurs enfants dès le plus jeune âge.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Les femmes au Mozambique sont victimes de violences, et sont souvent mariées avant l'âge adulte. Selon un rapport de l'UNHCR et de l'École d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, datant de 2021 : « Environ 18% des femmes mariées avant l'âge de 15 ans et 60% mariés avant 18 ans. Des données comparables ne sont pas disponibles depuis le début de conflit en 2017, bien que les rapports faisant état de mariages d'enfants aient augmenté au cours de la période 2018-2020 ».

L'initiative Plastic Bank a été mise en place pour offrir des solutions aux problèmes de déchets qui affectent l'île. Avec plus de 30.000 habitants, dont environ 20.000 déplacés internes, la production de déchets plastiques a explosé depuis 2017.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Pour favoriser le recyclage et soutenir la population locale, les personnes apportant du plastique collecté sur l'île et ses environs peuvent l'échanger contre un bon, lequel peut ensuite être troqué contre des meticais (la monnaie locale). Cette démarche permet de créer des emplois, d'offrir un complément de revenu, voire un revenu pour certains, grâce au soutien de la société civile. Selon les données de l'Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), 38,8 tonnes de plastique ont été collectées jusqu'à début 2024.

Dès leur arrivée à la banque, les femmes déposent le plastique récolté qui sera ensuite pesé et trié selon sa qualité.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Grâce aux efforts de mobilisation, de formation et d'engagement communautaire de l'ASMOG et de l'Institut Oikos, la banque de plastique a non seulement réussi à aider les habitants à réduire la pollution, mais aussi à soutenir les déplacés internes. « Le système est simple », explique Eugidio Gobo, coordinateur de l'ASMOG, « Nous facilitons la collecte de certains types de plastique, tout en sensibilisant la communauté à la gestion des déchets à domicile et en offrant un soutien technique ».

Atija Cassim, 19 ans, se lève tous les matins à 4 heures pour récupérer du plastique. « Je marche ensuite 5 kilomètres pour me rendre à la banque », explique la jeune femme.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Malgré les difficultés, cette initiative demeure la seule solution qu'Atija a pour nourrir sa petite fille. Comme elle, 1.356 membres de la communauté bénéficient d'une source de revenu (complémentaire ou non), grâce à la collecte de déchets. Le plastique suit ensuite un long périple pour arriver jusqu'à Maputo, la capitale du Mozambique, où il est recyclé pour donner naissance à de nouveaux produits.

Depuis 2017, plus d'un million de personnes ont été contraintes de fuir leur domicile, selon l'OIM. De nombreux déplacés proviennent de la ville de Kisanga, située en face de l'île, cible de nombreuses attaques d'Al-Shebab.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Ce n'est qu'au terme de périlleuses traversées en mer que la population peut trouver refuge à Ibo. À l'heure actuelle, on décompte environ 20.000 déplacés internes d'après les chiffres de l'OIM. Ibo abrite le seul centre de santé de l'archipel (l'hôpital fut détruit après le cyclone Kenneth en 2019), une des raisons du surplus de réfugiés, qui s'y sentent plus à l'abri que sur les îles de Matema et Quirambo.

Anaya [nom d'emprunt], la soixantaine, a trouvé refuge sur l'île d'Ibo avec sa famille. Avec ses enfants, elle réside dans un camp de réfugiés avec d'autres déplacés internes.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Anaya n'a pas de travail, et peine à subvenir aux besoins de sa famille au quotidien. « Je suis venue après une attaque des ‘shebabs' à Pangani. Je me sens mieux ici, mais la vie reste difficile » confie-t-elle. « Je ne peux pas retourner chez moi, c'est trop dangereux, et même si l'on se soutient sur l'île, il n'y a pas quasiment pas d'opportunité de travail, et les revenus du plastique ne me suffisent pas ».

Un pêcheur répare ses filets sur une des plages de l'île d'Ibo. La pêche reste l'une des principales activités économiques de l'île.
Photo: Paloma Laudet/Collectif Item

Chaque année, le Mozambique doit faire face à des nombreuses crises climatiques (inondations, sécheresses ou cyclones comme celui d'Idai en 2019, ou Chido en décembre 2024), qui accentuent la vulnérabilité des déplacés internes. « Le pays occupe la 10e place des pays les plus vulnérables aux risques de catastrophes dans le monde. Les récents événements climatiques ont confirmé la nécessité de renforcer la préparation aux catastrophes et la capacité de réponse du pays, ainsi que l'importance de la préservation des écosystèmes, et notamment de la capacité de la biodiversité à diminuer les impacts de ces événements », selon l'Agence française de Développement, qui travaille sur un projet réduction des risques de catastrophes depuis 2021.

17.12.2024 à 10:29

L'indice B-Ready : quand la Banque mondiale balaie les droits du travail sous le tapis

À l'automne, la Banque mondiale a dévoilé son nouvel indice Business Ready (B-Ready), qui succède au controversé Doing Business Report (DBR), abandonné en 2021 sur fond de scandale de manipulation des données. Ce nouvel indice, qui promet une évaluation plus complète de l'environnement des affaires des pays, ne se limite pas à l'environnement réglementaire et inclut des mesures de la qualité des services publics ainsi que des données d'enquêtes réalisées auprès des entreprises.
Pourtant, (…)

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À l'automne, la Banque mondiale a dévoilé son nouvel indice Business Ready (B-Ready), qui succède au controversé Doing Business Report (DBR), abandonné en 2021 sur fond de scandale de manipulation des données. Ce nouvel indice, qui promet une évaluation plus complète de l'environnement des affaires des pays, ne se limite pas à l'environnement réglementaire et inclut des mesures de la qualité des services publics ainsi que des données d'enquêtes réalisées auprès des entreprises.

Pourtant, l'indice B-Ready reprend l'approche qui avait fait du DBR la « coqueluche » des investisseurs et un produit étroitement surveillé par les décideurs politiques : un classement simple qui réduit les processus complexes du cycle de vie des entreprises à des scores simplistes. Cette approche réductionniste peut certes fonctionner pour certaines tâches commerciales opérationnelles, comme la mesure de l'accès à l'électricité, mais son application aux relations de travail souffre de vices fondamentaux.

L'indice rétablit l'indicateur controversé de l'« Embauche des travailleurs », qui avait été retiré du DBR après des années de critiques formulées par le mouvement syndical mondial et des organisations internationales, car il récompensait les pays au niveau de réglementation le plus faible, y compris ceux qui violaient les droits des travailleurs, ce qui est censé rendre leurs économies plus attrayantes pour les affaires.

La nouvelle mouture de l'indice comprend désormais des indicateurs permettant de déterminer si les pays garantissent les droits fondamentaux des travailleurs (de la liberté d'association à la sécurité au travail) et s'ils offrent des régimes de protection sociale essentiels, tels que l'assurance chômage et l'assurance maladie.

Toutefois, une nouvelle analyse réalisée par la Confédération syndicale internationale (CSI) révèle qu'en traitant les politiques du travail comme une question purement technocratique dépourvue de contexte social et politique, l'indice B-Ready perpétue la démarche favorisant les entreprises et la déréglementation de son prédécesseur, encourageant un nivellement par le bas des normes du travail.

Un important vice méthodologique réside dans le fait que B-Ready s'appuie sur un petit nombre de juristes pour évaluer des institutions et des relations complexes dans le domaine du travail. Par exemple, la Géorgie (le pays le mieux noté dans la section sur le travail) obtient un score maximum, car elle avait rendu obligatoire la consultation sociale lors de la fixation ou de l'actualisation du salaire minimum, alors même que le pays n'a pas revalorisé son salaire minimum depuis 1999. De plus, le pays se voit récompensé pour son salaire minimum qui se situe bien en deçà du niveau de subsistance.

Ce fossé entre les cadres juridiques qui protègent les travailleurs et leur mise en œuvre est présent partout dans la section consacrée au travail de l'indice.

Alors que les sondages auprès des entreprises permettent de mesurer l'impact de la réglementation sur ces dernières, l'indice ne tient pas compte des conséquences réelles pour les travailleurs. Les pays peuvent décrocher un score élevé en maintenant des coûts sociaux minimes pour les employeurs, créant ainsi une façade de protection des travailleurs sans réellement la mettre en œuvre. En bref, l'indice B-Ready permet aux gouvernements d'avoir l'air de se conformer à la réglementation tout en portant atteinte aux droits des travailleurs en réalité.

Comment la logique de privatisation de l'indice B-Ready sape-t-elle les droits et les protections des travailleurs ?

L'incohérence frappante entre les institutions internationales et les réalités locales trouve une illustration saisissante en Indonésie. Alors que la Banque mondiale et le FMI ne tarissent pas d'éloges sur les réformes du marché du travail contenues dans la loi Omnibus 2020 sur la création d'emplois, les travailleurs indonésiens ont livré bataille pendant quatre ans contre l'assaut de cette loi sur les protections des travailleurs. Leur résistance a atteint son point culminant en octobre dernier avec une victoire auprès de la Cour constitutionnelle, qui a déclaré la loi conditionnellement inconstitutionnelle — la deuxième décision de ce genre depuis 2021.

Le fossé entre les éloges technocratiques et la résistance sur le terrain révèle à quel point les institutions financières internationales (IFI) restent dangereusement détachées de l'impact humain de leurs prescriptions en matière de politiques.

Cet écart croissant n'est guère surprenant, étant donné que ni la Banque mondiale ni le Fonds ne procèdent à des évaluations préalables ou a posteriori des incidences sur les droits humains.

Les efforts déployés par l'Indonésie pour obtenir un meilleur classement dans la catégorie « B-Ready » montrent comment ces mesures faussent les priorités au niveau des politiques, au profit d'un agenda de privatisation plus large. Profitant de la pandémie de Covid-19, l'administration du président Widodo a adopté à la hâte des politiques de flexibilisation du travail tout en accélérant la privatisation. Cette loi Omnibus accroît les modalités de travail précaire et affaiblit la protection du salaire minimum, offrant aux employeurs une plus grande flexibilité dans la gestion de leur personnel et minimisant les coûts salariaux et de licenciement, conformément aux prescriptions de B-Ready.

Elle facilite le démantèlement d'entreprises publiques, telles que Perusahaan Listrik Negara (PLN), la compagnie d'électricité, au profit de fournisseurs privés. L'État a transféré les coûts sociaux des employeurs vers le gouvernement, créant des programmes sous-financés qui sapent la protection sociale universelle.

Malgré son mauvais classement dans l'indice CSI des droits dans le monde, ces politiques hostiles aux travailleurs ont permis à l'Indonésie d'atteindre le top 10 dans la catégorie consacrée au travail de l'indice B-Ready — reflétant ainsi la tendance de la Banque mondiale à récompenser les pays dont les droits du travail se détériorent.

Pour citer un autre exemple, les Philippines, où les syndicalistes sont confrontés à des persécutions meurtrières, se classent au sixième rang dans la catégorie travail de l'indice B-Ready — une illustration frappante de la façon dont les mesures technocratiques de l'indice masquent des réalités brutales. Dans son dernier jugement, la Cour constitutionnelle indonésienne a donné au gouvernement deux ans pour élaborer une nouvelle loi sur l'emploi, offrant ainsi à l'Indonésie une chance de donner la priorité aux droits des travailleurs plutôt qu'aux compétitions de classement.

Néanmoins, tant que l'indice B-Ready continuera à réduire les droits et les relations de travail à des scores simplistes qui divergent des réalités du terrain, les décideurs politiques seront contraints de lutter pour l'approbation d'investisseurs internationaux, et ce, au détriment des droits et du bien-être des travailleurs.


Cette analyse a initialement été publiée dans l'édition Hiver 2024 du Bretton Woods Observer.

16.12.2024 à 06:00

L'UGTT tunisienne, plus qu'un syndicat

« L'UGTT est plus qu'un syndicat, mais moins qu'un parti », c'est ainsi que Héla Yousfi, chercheuse et autrice du livre L'UGTT, une passion tunisienne, décrit la principale centrale syndicale tunisienne. Interrogé à ce propos, Sami Tahri, secrétaire général adjoint en charge de la communication, nuance en souriant : « Plus qu'un syndicat, certes, mais aussi plus qu'un parti. » En tout état de cause, force est de constater le rôle clé joué dans l'histoire contemporaine de la Tunisie par (…)

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« L'UGTT est plus qu'un syndicat, mais moins qu'un parti », c'est ainsi que Héla Yousfi, chercheuse et autrice du livre L'UGTT, une passion tunisienne, décrit la principale centrale syndicale tunisienne. Interrogé à ce propos, Sami Tahri, secrétaire général adjoint en charge de la communication, nuance en souriant : « Plus qu'un syndicat, certes, mais aussi plus qu'un parti. » En tout état de cause, force est de constater le rôle clé joué dans l'histoire contemporaine de la Tunisie par l'UGTT, considérée par de nombreux analystes comme le syndicat le plus influent du monde arabe. Ces dernières années, toutefois, le syndicat s'est trouvé confronté à une crise qui s'étend à l'ensemble du pays.

Le rôle central assumé par l'UGTT au sein de la société tunisienne remonte à l'époque de la lutte anticoloniale. Fondé en 1924, le syndicat est issu d'une scission de la CGT française à la suite de désaccords sur la « question nationale ». « Le syndicat a participé activement à la libération nationale, en organisant des manifestations et des grèves générales, notamment. Cela lui a valu d'être dissous par le gouvernement français, qui est allé jusqu'à arrêter et assassiner certains de ses dirigeants, dont son secrétaire général, Farhat Hached », explique M. Tahri dans son bureau, situé au siège du quotidien de l'UGTT, Al-Shaab (Le Peuple).

Une fois l'indépendance acquise, les relations avec le gouvernement n'ont pas été exemptes de tensions. « Même si avec le président Bourguiba il y avait un système de parti unique, l'UGTT a toujours lutté pour garder son autonomie. Et a plutôt réussi », souligne Mme Yousfi, qui précise qu'il n'en a pas été de même dans d'autres pays de la région, comme l'Algérie et l'Égypte. Cette différence est vraisemblablement due au fait que les dirigeants syndicaux algériens et égyptiens professaient la même idéologie panarabiste que les régimes sous lesquels ils opéraient. En Tunisie, en revanche, il n'y a pas eu la même concorde idéologique. Le président Bourguiba défendait une position davantage pro-occidentale, alors que, selon Héla Yousfi, les membres et les dirigeants de l'UGTT ont toujours représenté les idéologies dominantes du pays.

Cette autonomie a créé des conditions qui ont conduit à plusieurs affrontements frontaux avec le gouvernement, lesquels se sont soldés par des dizaines de morts, comme lors des révoltes de 1978 et 1985, ou de la révolution de 2011, désormais connue sous le nom de « printemps arabe ». Selon de nombreux militants, le rôle de l'UGTT dans le succès de la révolution a été décisif. « À partir du moment où l'UGTT de Sfax s'est jointe aux manifestations populaires, j'ai su que les jours de Ben Ali étaient comptés », se souvient Lamine Bouazizi, un militant de la ville de Sidi Bouzid, le berceau de la rébellion. Le départ de Ben Ali pour l'étranger deux jours plus tard a marqué le début d'un processus de transition qui durerait une décennie.

Tensions entre le président Kaïs Saïed et l'UGTT

Sans atteindre l'intensité de la période décrite plus haut, le syndicat connaît à nouveau une relation houleuse avec le gouvernement. Au cours de l'été 2021, le président Kaïs Saïed a orchestré un auto-coup d'État, a dissous le parlement et s'est arrogé les pleins pouvoirs. L'année suivante, le président tunisien a appuyé une réforme constitutionnelle qui a transformé la Tunisie en une république « hyper-présidentielle ». Presque tous les partis politiques ont rejeté le recours de Saïed, un homme politique indépendant à l'idéologie populiste et conservatrice.

L'UGTT a offert sa médiation entre la présidence et les partis et a proposé de mettre en place un processus de « dialogue national », comme elle l'avait déjà fait en 2013, lorsqu'une crise politique avait mis en péril la transition démocratique. Par la suite, l'UGTT a mené une médiation entre le gouvernement et l'opposition qui a permis d'éviter une confrontation civile. Cette intervention a valu à l'UGTT, ainsi qu'à trois autres organisations de la société civile, de recevoir le prix Nobel de la paix en 2015. Saïed a toutefois rejeté l'offre du syndicat.

Déterminé à éliminer toute institution susceptible de constituer un contre-pouvoir, Saïed souhaite voir l'UGTT abandonner son rôle d'acteur politique et se limiter à la représentation des intérêts de ses membres, au nombre de quelque 800.000 dans un pays de 12 millions d'habitants.

Le premier conflit entre Saïed et l'UGTT est survenu à la suite de l'adoption, en 2022, de ladite « circulaire 20 », qui interdisait à toute institution publique de négocier avec le syndicat sans l'autorisation préalable de la présidence. Quelques mois plus tard, le gouvernement a rétracté la circulaire. Malgré cela, la centrale syndicale a continué à faire l'objet de pressions, qui ont notamment pris la forme d'arrestations et de poursuites judiciaires à l'encontre de syndicalistes. « Depuis 2021, plus d'une douzaine de syndicalistes ont été arrêtés. À l'heure qu'il est, un seul d'entre eux reste en prison, alors que des procès restent en cours pour les autres. Et je crains fort que la liste ne s'allonge », confie Sami Tahri avec dépit. Le régime a envoyé un autre message au syndicat en février dernier, lorsqu'il a expulsé de son territoire Esther Lynch, secrétaire générale de la Confédération européenne des syndicats (CES). Mme Lynch s'était rendue en Tunisie pour exprimer sa solidarité avec l'UGTT face au harcèlement dont celle-ci faisait l'objet et qui atteignait même ses cadres régionaux.

Malgré toutes ces provocations, la centrale syndicale a évité un choc frontal avec le régime et s'est limitée à organiser quelques manifestations et à faire des déclarations critiques dans les médias. « L'UGTT se trouve en position de faiblesse. La principale raison étant qu'elle a perdu le soutien de la population. Une partie importante de l'opinion la considère comme faisant partie de l'élite au gouvernement pendant la transition et qui n'a pas réussi à apporter la prospérité au pays », explique Tarek Kahlaoui, professeur de sciences politiques à la South Mediterranean University de Tunis. « Depuis plusieurs années, l'UGTT fait l'objet d'une campagne qui impute à ses mouvements de grèves la responsabilité de la crise économique et de la corruption. Des poursuites judiciaires ont également été engagées », précise M. Kahlaoui.

Sur ce point, l'Indice des droits dans le monde 2024 de la Confédération syndicale internationale (CSI) a relevé l'existence de « dizaines de pages de médias sociaux consacrées à l'attaque de l'organisation et à la diabolisation du travail syndical et des syndicalistes ». Dans ce rapport, la Tunisie figure parmi les « dix pires pays du monde pour les travailleurs » car, entre autres, face à la menace de sanctions sévères (amendes et peines d'emprisonnement), « il est très risqué pour les militants syndicaux de s'acquitter de leurs fonctions normales ».

Romdhane Ben Amor, chercheur au Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) invoque un autre facteur pour expliquer la faiblesse du syndicat : sa crise interne. « En 2021, la direction actuelle a modifié les règles internes de l'organisation relatives à l'élection de ses cadres. Une grande partie du syndicat a rejeté ce changement et s'est constituée en opposition interne. Il en résulte un blocage dans la prise de décision », explique M. Ben Amor, qui souligne également au nombre des raisons de la crise le désaccord entre les dirigeants les plus anciens et les plus jeunes, qui défendent des valeurs et des points de vue différents sur le rôle et les stratégies du syndicat. Bien que les désaccords internes aient eu par le passé des racines politiques, notamment avec le soutien d'une faction en faveur de Saïed, ce vecteur de tension s'est estompé au fur et à mesure que la dérive autoritaire du président s'est accentuée.

Pour sa part, M. Tahri relativise les divergences au sein de l'organisation. « Les différences de points de vue existent dans tous les syndicats. C'est normal. Cependant, l'organisation reste fonctionnelle. Toutes les activités normales du syndicat, y compris dans les différentes branches, se déroulent normalement », a déclaré le secrétaire général adjoint. M. Ben Amor, quant à lui, estime que les divisions ont entravé l'activité de la centrale. « À d'autres moments de l'histoire, l'arrestation d'un syndicaliste aurait donné lieu à une vive réaction. Aujourd'hui, il n'en est rien », constate le chercheur.

Comme preuve que l'UGTT n'a rien perdu de son mordant, M. Tahri signale que sa direction a décidé d'organiser une grève générale l'année prochaine, bien qu'elle n'ait pas encore fixé de date, en attendant un consensus avec les sections régionales et sectorielles. « La situation économique et sociale est très préoccupante et, de surcroît, le gouvernement a rompu le dialogue social. De nombreuses manifestations sont déjà organisées, même si elles n'ont pour l'instant qu'une portée locale ou régionale. De plus, nous allons de plus en plus vers la tyrannie et nous nous éloignons de la démocratie. (...) Je pense que l'année à venir s'annonce houleuse », prédit le dirigeant syndical. Si les prévisions se confirment, une nouvelle vague de conflits sociaux pourrait donner à l'UGTT l'occasion de retrouver la place centrale qu'elle a perdue.

13.12.2024 à 10:42

En Bulgarie, le désarroi de la communauté LGBTI+, cible de l'extrême droite

Raphaëlle Vivent

Au pied de l'immeuble, situé sur l'un des principaux boulevards de Sofia, la capitale bulgare, on ne trouve aucune mention de Bilitis. Il faut gravir les quatre étages de l'édifice pour apercevoir enfin le logo rose et violet de l'association, dont l'objectif est de soutenir et de défendre les droits des personnes LGBTI+ de ce petit pays d'Europe de l'Est.
L'adresse des bureaux et du centre communautaire, le Rainbow Hub, n'est indiquée nulle part sur internet. Des précautions nécessaires, (…)

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Au pied de l'immeuble, situé sur l'un des principaux boulevards de Sofia, la capitale bulgare, on ne trouve aucune mention de Bilitis. Il faut gravir les quatre étages de l'édifice pour apercevoir enfin le logo rose et violet de l'association, dont l'objectif est de soutenir et de défendre les droits des personnes LGBTI+ de ce petit pays d'Europe de l'Est.

L'adresse des bureaux et du centre communautaire, le Rainbow Hub, n'est indiquée nulle part sur internet. Des précautions nécessaires, pour éviter d'être délogés ou agressés. « Nous avons subi une attaque particulièrement violente lors de la dernière élection présidentielle en 2021. Un candidat d'extrême droite [ Boyan Rasate, leader du parti Union nationale bulgare-Nouvelle démocratie, ndlr] est venu avec un groupe de 10 personnes durant un événement pour la communauté trans et a saccagé notre ancien local. Il a aussi frappé l'une de nos collègues », raconte d'un ton grave le coordinateur du programme sur la transidentité de Bilitis, Robin Zlatarov.

« Nous avons dû déménager et nous nous sommes finalement installés ici. C'est l'endroit le plus permanent que nous ayons jamais eu, car il ne s'agit pas d'un immeuble résidentiel. Tout autour, ce sont des bureaux ». Une autre fois, ce sont en effet des voisins qui avaient exigé le départ de l'association.

Choc, terreur et panique

Les épreuves vécues par les membres de Bilitis, pourtant l'une des plus importantes organisations LGBTI+ du pays, illustrent les difficultés rencontrées par la communauté dans son ensemble, qui subit régulièrement les attaques, physiques comme politiques, de l'extrême droite. La dernière date de cet été, avec l'adoption surprise par le Parlement bulgare d'une loi interdisant « la propagande LGBT » à l'école, sur le modèle de textes en vigueur en Russie ou en Hongrie.

Proposée par le parti populiste pro-Kremlin Vazrazhdane (Renaissance), elle prévoit en outre d'interdire la promotion ou l'incitation, dans le système éducatif, « d'idées et de points de vue liés à une orientation sexuelle non-traditionnelle et/ou à une identité de genre différente de l'identité biologique ». Alors que les propositions de lois mettent généralement plusieurs jours à être examinées et votées, ce texte a été adopté en une seule soirée par une large majorité, avec 159 voix pour, 22 voix contre et 12 abstentions.

« Ça a été un choc », se souvient Robin, qui a regardé le passage du texte en direct à la télévision. « On a dû faire face à beaucoup de terreur et de panique, des gens appelaient l'association pour nous demander ce qu'ils devaient faire maintenant ».

La communauté s'est rapidement mobilisée, organisant plusieurs manifestations, auxquelles ont participé aussi de nombreuses personnes sympathisantes. Mais malgré ces actions, et une pétition rassemblant en quelques jours plus de 7.000 signatures, le texte a bien été ratifié une semaine plus tard par le président bulgare Roumen Radev.

La santé mentale des élèves au plus bas

En raison de sa formulation très vague, il est difficile de savoir exactement ce qu'il est désormais permis de dire ou pas dans les établissements scolaires, explique Denitsa Lyubenova, avocate et co-fondatrice de l'association Deystvie, qui se bat sur le terrain juridique et propose un accompagnement légal pour les personnes LGBTI+. « Est-ce qu'on a encore le droit de parler de personnages historiques ou d'auteurs ouvertement LGBT en classe ? Peut-on aborder des questions de protection sexuelle en biologie ? Peut-on présenter des études scientifiques s'il y est fait mention ”d'orientation sexuelle non-traditionnelle” ? Il y a plein de questions, et cela dépendra beaucoup des directeurs d'établissement ».

Si pour l'heure, aucun enseignant n'a été sanctionné pour ne pas avoir respecté cette loi, Deystvie reçoit régulièrement des appels de professeurs perdus et angoissés à l'idée de perdre leur travail. Mais le texte a, avant tout, des conséquences concrètes pour les élèves et les étudiants. « On a déjà eu des retours d'étudiants ayant porté des t-shirts pro-LGBT, et qui se sont fait exclure de leur établissement », assure Denitsa.

« Ce sont les plus vulnérables. Ils ont encore plus peur désormais d'exprimer qui ils sont. Beaucoup craignent également que le harcèlement qu'ils subissent n'empire », estime Robin.

Ivan Dimov, fondateur deSingle Step, dresse le même constat. Cette fondation a été créée pour apporter un soutien psychologique aux jeunes LGBTI+ bulgares, notamment via un chat en ligne, où les adolescents peuvent parler à des psychologues. « Après la loi, on a vu sur le chat une augmentation dramatique de la peur et de l'anxiété chez les élèves. Certains redoutent d'être tout simplement expulsés de leur école si on apprend qu'ils sont gays, lesbiennes ou trans ». La fondation a mené, juste avant le passage de la loi, une vaste étude pour connaître l'état de santé mentale des lycéens LGBTI dans le pays. « Les chiffres sont catastrophiques. La moitié d'entre eux a déjà eu des pensées suicidaires. 68 % vivent du harcèlement et 24% ont déjà subi des agressions. On craint qu'avec cette loi, la situation se dégrade encore plus », se désole Ivan.

« Beaucoup songent à quitter le pays »

La Bulgarie est loin d'être une nation « LGBT-friendly », et ce depuis longtemps. Avec une note de 23,22 % en 2024, le pays est l'un des moins bien notés de l'Union européenne par l'International lesbian and gay association Europe (ILGA), qui évalue chaque année les droits des personnes LGBTI+ sur le Vieux Continent. À titre de comparaison, la moyenne de l'UE est de 50,61 % et la Belgique, pays le mieux noté, obtient un score de 78,48 %.

« C'est quasi impossible d'être ouvertement LGBT à l'université, à son travail, auprès de sa famille, même pour trouver un logement. Avec ma partenaire, nous avons prétendu être meilleures amies pour trouver quelque chose », raconte Robin.

Toutefois, cette loi « anti-propagande LGBT » a incontestablement engendré un climat encore plus délétère pour toute la communauté queer et homosexuelle, assurent les organisations. Bilitis constate même une hausse des violences verbales et physiques : « Ces derniers mois, on voit notamment des groupes d'adolescents, parfois très jeunes, s'en prendre de manière très violente à des personnes LGBT dans la rue », se désole le jeune coordinateur. « C'est vraiment effrayant de voir tout ceci se dérouler. Aujourd'hui, de plus en plus de personnes de la communauté songent à quitter le pays. Les attaques contre la communauté ne sont pas nouvelles, mais cette loi, c'est la dernière goutte d'eau qui pousse les gens à partir pour de bon », confirme Denitsa.

Pour les associations, la rhétorique homophobe et transphobe du parti Vazrazhdane est une tactique pour gagner des voix. La Bulgarie, qui traverse une crise politique sans précédent, a connu sept élections en l'espace de trois ans. Et Vazrazhdane n'a eu de cesse d'améliorer ses scores, devenant, lors du dernier scrutin du 27 octobre, la troisième force politique du pays. « C'est un parti qui fait beaucoup de bruit, et qui n'hésite pas à mentir, à manipuler, à jouer sur les peurs des parents pour se renforcer. Pour eux, la communauté LGBT est le bouc émissaire de tout ce qui ne va pas dans le pays », dénonce le fondateur de Single Steps.

Poursuivre le combat

« Si nous ne vivions pas cette crise politique, je pense que la tendance pour les LGBTI+ serait positive », estime pourtant Ivan. « L'acceptation globale de notre communauté dans la société s'est améliorée au fil des années ». L'évolution des regards sur la marche des fiertés de Sofia en témoigne. « La première édition, en 2008, était très violente. Les opposants lançaient des pierres et même des cocktails Molotov sur les participants », raconte Robin, tout en montrant un casque de sécurité bleu, porté ce jour-là par l'un des participants. Aujourd'hui, cette marche, organisée tous les ans au mois de juin, est bien mieux acceptée, et près de 10.000 personnes ont participé à la dernière édition, selon ses organisateurs.

Au vu du contexte politique, toutefois, les militants savent qu'ils doivent avant tout compter sur eux-mêmes pour continuer à changer en profondeur la société bulgare. Deystvie mène un combat juridique pour tenter de retirer la loi passée cet été. À un niveau national d'abord, en demandant à la Cour constitutionnelle de statuer sur l'inconstitutionnalité du texte, mais aussi européen.

« Nous vérifions comment la loi est mise en œuvre, et si cette mise en œuvre est en contradiction avec la législation de l'Union européenne. Si c'est le cas, nous fournirons ces preuves à la Commission pour qu'elle prenne des mesures à l'encontre de la Bulgarie », détaille l'avocate Denitsa.

Bilitis et Single Steps poursuivent leur indispensable travail de soutien à la communauté. Mais pour Robin, il est aussi essentiel de mener un travail de sensibilisation et de visibilisation des LGBTI+. « Ce qu'on a constaté ces dernières années, c'est que l'une des actions qui a le plus d'impact est d'aller parler aux gens directement, de leur proposer une formation, de quelques heures ou de quelques jours. L'idée, c'est qu'ils rencontrent des personnes de la communauté pour sortir des idées reçues ». « Si nous pouvons permettre à des jeunes LGBT de vivre une vie pleinement satisfaisante, plutôt que de vouloir partir, alors bien sûr, nous continuerons », conclut Ivan. Et ce, malgré les menaces de l'extrême droite.

12.12.2024 à 17:58

Les travailleurs abandonnés lors de la COP29 à Bakou : il est temps de se tourner vers la COP30

En novembre de cette année, le mouvement syndical mondial a assisté et participé à la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou Conférence des Parties de la CCNUCC (plus connue sous le nom de COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan. En tant que syndicats, nous y sommes allés avec un programme important : veiller à ce que les travailleurs, en particulier ceux qui subissent actuellement le poids de la crise climatique, soient activement inclus dans les négociations (…)

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En novembre de cette année, le mouvement syndical mondial a assisté et participé à la 29e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, ou Conférence des Parties de la CCNUCC (plus connue sous le nom de COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan. En tant que syndicats, nous y sommes allés avec un programme important : veiller à ce que les travailleurs, en particulier ceux qui subissent actuellement le poids de la crise climatique, soient activement inclus dans les négociations internationales sur le climat et qu'ils soient des acteurs à part entière de ces négociations.

Aujourd'hui, tous les travailleurs sont touchés par la crise climatique, que leurs emplois soient formels ou informels, et ce, dans tous les secteurs d'activité, des soins aux transports, en passant par la construction et l'agriculture. Les travailleurs des pays du Sud sont confrontés à une menace accrue pour leur existence et leur mode de vie en raison de l'augmentation des températures, de l'élévation du niveau des mers, de la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes et des mauvaises récoltes, notamment.

Les solutions ont été proposées : des politiques ambitieuses en matière d'atténuation du changement climatique et d'adaptation à celui-ci ainsi que des politiques en matière de « pertes et de dommages », soutenues par un financement climatique approprié.

Cela comprend également des politiques de « transition juste » et des mesures urgentes pour protéger, promouvoir et mettre en œuvre les droits des travailleurs, instaurer un dialogue social avec les partenaires sociaux, des programmes universels de protection sociale et le développement des compétences pour permettre aux travailleurs et à leurs organisations de gérer la transition vers des économies neutres en carbone.

Pourtant, malgré l'urgence manifeste, la COP29 s'est soldée par un échec retentissant dans plusieurs domaines essentiels, notamment la garantie d'un financement adéquat de la lutte contre le changement climatique, la mise en œuvre effective du programme de travail pour une transition juste de l'année dernière et la garantie d'un processus juste et équitable.

Pour commencer, la décision de mobiliser 300 milliards de dollars US (285,87 milliards d'euros) pour le financement de la lutte contre le changement climatique d'ici à 2035 est loin des billions (milliers de milliards) de dollars nécessaires pour assurer un développement à faible émission de CO2 dans les pays du Sud.

Les pays n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la mise en œuvre de politiques de transition juste, une décision qu'ils n'ont adoptée que l'année dernière, lors de la COP28. Et, enfin, aucun engagement n'a été pris pour accélérer la transition vers une économie sans combustibles fossiles ; transition qui s'impose d'urgence pourtant et qui avait été décidée pour la première fois l'année dernière.

Le mouvement syndical mondial a dû intensifier sa mobilisation avec l'ensemble des mouvements sociaux pour lutter contre les intérêts particuliers liés aux combustibles fossiles qui étaient évidents au cours des négociations de cette année. Pour la suite, tous les regards se tournent vers la COP30 qui se tiendra l'année prochaine à Belém, ville du nord de l'Amazonie brésilienne, afin de mettre en place une transition juste pour les travailleurs. Le monde ne peut pas se permettre de manquer une occasion pareille.

Un dangereux manque de financement climatique

L'un des principaux points de négociation de la COP29 a été l'établissement d'un « nouvel objectif collectif quantifié » en matière de financement climatique. Conformément à l'Accord de Paris, les gouvernements se sont engagés à définir un nouvel objectif de financement climatique pour 2025 au plus tard, afin de garantir que les nations les plus vulnérables reçoivent l'aide nécessaire pour affronter la crise climatique.

Cependant, les pays travaillent toujours avec l'objectif de 100 milliards de dollars US (95,25 milliards d'euros) établi lors de la COP15, qui s'est déroulée à Copenhague en 2009. La responsabilité principale des parties présentes à Bakou était d'augmenter le financement climatique à au moins 1.300 milliards de dollars US (1,238 milliard d'euros). Or, le montant annuel finalement convenu de 300 milliards de dollars US (environ 288,76 milliards d'euros) d'ici 2035 est dangereusement insuffisant par rapport aux besoins : le troisième rapport du Groupe d'experts indépendants de haut niveau sur le financement climatique estime que des investissements de l'ordre de 6.300 à 6.700 milliards de dollars US (environ 6.000 à 6.381 milliards d'euros) par an seront nécessaires d'ici 2030 pour agir efficacement contre le changement climatique.

L'incapacité des gouvernements des nations développées à s'engager en faveur d'un financement public de base (financement garantissant aux pays en voie de développement l'accès aux ressources dont ils ont besoin pour s'adapter aux effets du changement climatique) est tout aussi troublante.

Cela inclut la mise en œuvre de politiques d'atténuation et d'adaptation sans forcer les pays à faible revenu à amasser des dettes encore plus importantes. On ne saurait trop souligner l'irresponsabilité totale des pays développés qui refusent le financement nécessaire à la lutte contre le changement climatique.

Toutefois, la décision relative au nouvel objectif collectif quantifié reconnaît l'importance qu'il y a à « poursuivre les efforts visant à soutenir les transitions justes dans tous les secteurs et domaines thématiques… ». Cette fenêtre d'opportunité réduite, mais importante, permet aux gouvernements de dialoguer avec les syndicats sur l'utilisation du financement climatique dans le cadre des politiques de transition juste. Elle donne un mandat aux syndicats pour exiger une place à la table des négociations lorsque des discussions ont lieu sur l'utilisation du financement climatique.

Cette démarche devrait s'inscrire dans le contexte des nouveaux plans climatiques nationaux prévus pour 2025 : les contributions déterminées au niveau national (CDN), les plans nationaux d'adaptation (PNA) et les stratégies de développement à long terme à faibles émissions de GES (SLT).

Manque d'avancées en matière de transition juste

Le mouvement syndical mondial nourrissait de grands espoirs pour que Bakou continue sur la lancée de la décision de la COP28 à Dubaï sur le programme de travail sur la transition juste (PTTJ).

Après d'âpres discussions à Dubaï sur la portée du programme de travail, les gouvernements se sont mis d'accord sur une liste exhaustive qui inclut à la fois les dimensions de la coopération internationale et du financement climatique conjointement à un accent sur le travail tel que défini dans l'Accord de Paris qui parle de travail décent et d'emplois de qualité.

Pour la première fois dans les négociations internationales sur le climat, les « droits du travail » ont été explicitement mentionnés, ce qui constitue une grande victoire pour les syndicats.

Le mouvement syndical considère que les deux dimensions sont intrinsèquement liées : il ne peut y avoir de transition juste dans les pays du Sud sans le droit au développement, à l'éradication de la pauvreté, à l'industrialisation et au commerce international équitable, qui doivent tous être soutenus par un financement climatique approprié. Dans le même temps, une transition juste signifie protéger les travailleurs, garantir leurs droits et leurs moyens de subsistance tout en garantissant à leurs organisations représentatives un siège à la table des négociations pour mettre en œuvre les plans grâce au dialogue social avec les partenaires sociaux.

Malheureusement, à Bakou, nous avons constaté que ni le Nord ni le Sud n'avaient accordé la priorité à la mise en œuvre de la décision relative au PTTJ de la COP28. Les tactiques de négociation cyniques employées par les deux groupes ont pris en otage les travailleurs et leurs demandes légitimes de transition juste.

D'une part, le Nord a refusé de proposer un chiffre crédible de financement climatique jusqu'au tout dernier jour de la COP. D'autre part, le G77 et la Chine ont bloqué les avancées liées à la mise en œuvre du PTTJ, s'en servant comme d'un levier pour faire pression sur la discussion du nouvel objectif collectif quantifié afin d'augmenter le financement climatique.

S'ajoute à ce cocktail vicieux l'absence de tout accompagnement, intérêt ou stratégie de la part de la présidence de la COP29 pour obtenir des résultats en matière de transition juste. La présidence a même choisi de ne pas organiser de « Journée de la transition juste », préférant aborder la question du capital humain et du développement humain, excluant les droits humains. En raison des tactiques de négociation des pays développés et en développement lors de la COP, aucun progrès n'a été réalisé dans la mise en œuvre du PTTJ.

La Réunion ministérielle de haut niveau qui s'est tenue lors de la COP29 illustre ce manque d'engagement des gouvernements à s'engager dans de véritables discussions sur la transition juste. Bien que de nombreux gouvernements se soient exprimés sur la transition juste, avec de nombreuses références à l'Organisation internationale du Travail (OIT) et aux droits des travailleurs, à la fin de la réunion, les travailleurs et les autres organisations observatrices se sont vus refuser la possibilité de s'exprimer sur un sujet qui les affecte fondamentalement et pleinement.

Par ailleurs, le refus constant des gouvernements de comprendre et de mettre en œuvre le concept des droits fondamentaux du travail, auxquels tous sont tenus en vertu des accords de l'OIT, entrave considérablement les progrès en matière de transition juste dans le cadre de la CCNUCC. Il s'agit notamment de la distinction fondamentale entre le dialogue social (qui se déroule dans un contexte tripartite avec les syndicats, les employeurs et les gouvernements) et de la consultation des parties prenantes (avec tous les groupes concernés). Cette distinction est cruciale pour le mouvement syndical, mais elle échappe toujours aux négociateurs sur le climat.

Le mouvement syndical mondial attend de la future présidence brésilienne de la COP30 qu'elle remette les pendules à l'heure sur ces questions. Il est urgent de réaliser des progrès sur toutes les dimensions de la transition juste. Nous devons intensifier les financements et la mise en œuvre de politiques axées sur le travail et la communauté. L'intersession de juin 2025 à Bonn constitue la première étape importante. Le troisième dialogue du PTTJ peut porter sur la question importante de l'adaptation, mais devrait être axé sur la mise en œuvre et les résultats. Cela implique un lien étroit avec les CDN, les PAN et les SLT. Une décision sur la transition juste pouvant être présentée à la COP30 doit être préparée à Bonn.

À Bakou, le mouvement syndical a également suivi de près les résultats des autres points à négocier.

  • Décision sur les mécanismes du marché (article 6) :

Depuis plusieurs années, les parties négocient sur les modalités de mise en place des marchés du carbone au titre de l'article 6 de l'Accord de Paris. L'objectif est de veiller à ce que les activités menées dans ce cadre contribuent effectivement à l'atténuation globale des émissions mondiales et respectent les garanties environnementales convenues, ainsi que les dispositions en matière de suivi et d'établissement de rapports. L'utilisation des marchés du carbone est fortement contestée en raison des questions importantes qui demeurent au sujet de la contribution réelle à la réduction des émissions et des garanties insuffisantes en matière de droits humains et de droits du travail. En vue d'atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, les pays devraient mettre en œuvre la réduction des émissions plutôt que d'organiser des compensations. Nombre de ces projets ont des effets négatifs avérés sur le plan environnemental et social. Néanmoins, à l'occasion de la COP29, les parties ont accepté de poursuivre le commerce du carbone, malgré l'absence de garanties sociales fortes. L'accord sur l'article 6.4 fait référence aux droits humains, mais aucune disposition ne prévoit que l'échange des quotas d'émission mette en œuvre et ne respecte les droits fondamentaux du travail.

  • Adaptation :

Les pays en développement soulignent depuis de nombreuses années que les négociations sur le climat sont trop centrées sur l'atténuation, sans suffisamment tenir compte de leurs besoins de s'adapter d'urgence aux effets du climat. Les travaux sur l'objectif mondial en matière d'adaptation ont débouché sur des progrès nettement insuffisants sur ce sujet. Les négociations ont surtout porté sur la définition d'indicateurs d'adaptation. Elles ont convenu que ces indicateurs devraient « recueillir des informations relatives, entre autres, à l'inclusion sociale, aux peuples autochtones, aux processus participatifs, aux droits humains, à l'égalité des sexes, aux migrants, aux enfants et aux jeunes ainsi qu'aux personnes handicapées ». Le texte ne fait en revanche aucune référence spécifique aux travailleurs ou aux droits du travail. Les discussions sur l'orientation des PAN n'ont pas pu être finalisées lors de la COP29 et se poursuivront lors des intersessions à Bonn. Le projet de texte ne contient aucune référence aux travailleurs ni aux droits du travail, mais seulement au dialogue social (qui était encore entre parenthèses).

  • Atténuation :

Le programme de travail sur l'ambition et la mise en œuvre de l'atténuation a été établi en 2021 pour renforcer les ambitions et la mise en œuvre de l'atténuation. Les discussions portant sur ce point à Bakou ont examiné les progrès, les opportunités et les obstacles dans la mise en œuvre du programme de travail. Après d'intenses négociations axées sur la sauvegarde de l'accord de l'inventaire mondial de la COP28 sur une transition abandonnant les combustibles fossiles, seules des conclusions procédurales ont été formulées, indiquant que le travail devait se poursuivre. Il n'a nullement été fait mention des droits humains, des droits du travail ou des travailleurs. Une occasion manquée compte tenu du lien évident avec le PTTJ.

  • Plan d'action en faveur de l'égalité des sexes et programme de travail de Lima sur le genre :

Après deux semaines de négociations difficiles et un affaiblissement des termes inclusifs en matière de genre, le programme de travail de Lima sur le genre a été prolongé pour 10 ans lors de la COP29. Les principaux débats ont porté sur le vocabulaire relatif aux droits humains et à la diversité, sur les moyens de mise en œuvre et sur l'avenir du programme de travail. L'accord sur le programme de travail de Lima sur le genre demande aux intersessions de juin 2025 d'amorcer le développement d'un nouveau Plan d'action en faveur de l'égalité des sexes en vue de recommander un projet de décision à soumettre à l'examen de la COP30. La décision reconnaît que la mise en œuvre et les moyens de mise en œuvre sensibles au genre peuvent permettre aux gouvernements de rehausser leur ambition en faisant progresser l'égalité des sexes et la transition juste de la population active, y compris la création d'un travail décent et d'emplois de qualité conformément aux priorités de développement définies au niveau national. Il s'agit d'un résultat positif qui peut servir de tremplin au mouvement syndical.

  • Inventaire global :

À Bakou, les parties ne sont parvenues à un consensus sur aucune des trois questions relatives à l'inventaire global (mise en œuvre des résultats, éléments procéduraux et logistiques ainsi que rapport sur le dialogue annuel sur l'inventaire global). L'un des principaux points de désaccord au sujet du dialogue concernait son champ d'application et la question de savoir s'il devait aborder les questions relatives aux finances. Toutes les questions relatives à l'inventaire global ont été reportées à la prochaine session de juin 2025, les éléments relatifs aux aspects procéduraux et logistiques du processus de l'inventaire global étant transmis sous la forme d'une note informelle. Jusqu'à présent, cette note informelle ne mentionne les travailleurs qu'entre parenthèses.

  • Rapports biennaux sur la transparence :

Les pays communiquent tous les deux ans des rapports biennaux sur la transparence dans le contexte du Cadre de transparence renforcé. Un point de débat porte sur la manière dont le soutien technique et financier des pays développés aide les pays en développement à respecter leurs engagements en matière de transparence. Les premières soumissions officielles sont attendues pour le 31 décembre 2024, ce qui fait de Bakou une occasion importante d'encourager la production de rapports solides. La COP doit encore fournir des orientations plus claires sur les rapports de transparence qui prennent en compte la protection des droits du travail.

En conclusion, les résultats obtenus à Bakou ont été lamentables : aucune décision sur le PTTJ, un accord faible sur le financement climatique et aucun engagement significatif à haut niveau sur la nécessité d'adopter des CDN ambitieuses. La déception est immense pour le mouvement syndical.

Dans d'autres décisions, nous avons également constaté que les travailleurs avaient été délibérément exclus des textes. Ce n'est pas le fruit du hasard. Les travailleurs sont systématiquement privés de leur voix dans les discussions qui les affectent directement, à la fois dans le cadre des Nations Unies et dans les processus décisionnels plus larges, car ils ne sont pas structurellement consultés ou inclus.

De nombreux pays n'intègrent pas dans leurs équipes de négociation des spécialistes capables d'évaluer l'impact de la crise climatique et des politiques climatiques sur les travailleurs. De plus, on constate une méconnaissance quasi totale des engagements liés au climat que les pays sont tenus de respecter dans le cadre de l'OIT, y compris le respect et la mise en œuvre des droits fondamentaux du travail. De ce fait, des occasions cruciales de rendre compte de l'impact sur le travail et de reconnaître le rôle essentiel des travailleurs organisés et de leurs syndicats dans la création de politiques climatiques ambitieuses et équitables sont manquées.

Cette COP29 a sapé le caractère équitable et transparent du processus de négociation lui-même en écartant les personnes les plus affectées et en érodant la confiance dans le système même qui est censé garantir la justice. À l'approche de l'échéance critique des CDN 3.0, les syndicats s'efforceront de demander des comptes aux gouvernements afin qu'ils prennent des mesures ambitieuses et axées sur les travailleurs, comme l'exige la crise climatique, tant au cours des dernières étapes précédant l'échéance qu'à la COP30 à Belém. Toutes les parties doivent comprendre qu'une action climatique efficace est impossible sans protéger les travailleurs d'aujourd'hui et de demain.

11.12.2024 à 16:46

Coupe du Monde 2034 en Arabie saoudite : une défaite pour les droits humains ?

Le royaume arabe, deuxième producteur mondial de pétrole, cherche depuis des années à redorer son bilan peu reluisant en matière de droits humains en organisant des événements sportifs de premier plan, tels que le Rallye Dakar annuel qui, depuis 2020, se déroule entièrement sur son territoire, de même qu'en signant une multitude d'accords commerciaux dans le domaine sportif, avec pas moins de 910 contrats signés à travers le monde au cours de la seule année 2024.
Au terme d'un processus (…)

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Le royaume arabe, deuxième producteur mondial de pétrole, cherche depuis des années à redorer son bilan peu reluisant en matière de droits humains en organisant des événements sportifs de premier plan, tels que le Rallye Dakar annuel qui, depuis 2020, se déroule entièrement sur son territoire, de même qu'en signant une multitude d'accords commerciaux dans le domaine sportif, avec pas moins de 910 contrats signés à travers le monde au cours de la seule année 2024.

Au terme d'un processus électoral où elle était seule candidate et d'un vote quelque peu controversé, l'Arabie saoudite a obtenu la confiance du football mondial pour accueillir en tant que pays hôte unique la Coupe du monde, l'une des plus grandes manifestations sportives qui soient.

  • Si elle dispose des voix et de l'argent nécessaires pour organiser une Coupe du monde, où est le problème ?

D'une part, s'agissant des votes : la FIFA a organisé la décision finale de telle sorte que ses 211 fédérations nationales ont voté en même temps sur l'attribution des Coupes du monde de 2030 (Espagne, le Portugal et le Maroc, avec des matches en l'honneur du centenaire de la compétition en Argentine, en Uruguay et au Paraguay), et celle de 2034 pour l'Arabie saoudite. Une telle façon de procéder, par un vote unique « oui » ou « non » pour les deux éditions, viserait ostensiblement à minimiser toute opposition à la candidature unique de Riyad.

Par ailleurs, le véritable problème se situe au niveau du bilan des droits humains, des conditions de travail et des libertés civiles limitées d'un régime autocratique qui jouit d'une très mauvaise réputation dans ces domaines.

  • Quelles violations des droits humains l'Arabie saoudite commet-elle pour que son aptitude à accueillir la Coupe du monde soit mise en doute ?

Le royaume saoudien réprime la dissidence politique, discrimine et soumet les femmes, criminalise la communauté LGBTQI+ et occupe le troisième rang mondial en termes d'exécutions capitales, dont plus de 200 en 2024. Il restreint en outre systématiquement la liberté d'expression, recourt aux nouvelles technologies pour espionner et réduire au silence les militants, les opposants et les journalistes, et a procédé à des expropriations forcées de sites susceptibles d'accueillir la Coupe du monde de football.

  • Existe-t-il des raisons de s'inquiéter sur le plan de l'emploi ?

L'Arabie saoudite interdit la syndicalisation et les grèves. Selon l'Indice mondial des droits dans le monde de la Confédération syndicale internationale (CSI), elle fait partie des 13 pays qui ont vu leur note se dégrader en 2024 (5 sur une échelle allant de 1 à 5+, où 1 est la meilleure note et 5+ la pire).

Pour les travailleurs migrants (concentrés dans la construction, les soins et les services), elle maintient la « kafala », un système de parrainage qui confère aux employeurs une autorité abusive sur leur statut juridique, y compris la rétention de leur passeport et le dernier mot sur leur salaire et la possibilité ou non de quitter leur emploi. Ceci expose ainsi des millions de travailleurs migrants à des situations d'exploitation, de vol de salaire, voire de travail forcé. La kafala n'a pourtant pas posé de problème à la FIFA à l'heure de confier l'organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar, alors qu'elle était également en vigueur dans ce pays.

Ce système concerne quatre employés sur cinq dans le secteur privé saoudien. « Il est presque certain qu'une Coupe du monde organisée par l'Arabie saoudite sera entachée de violations » des droits des travailleurs, selon Human Rights Watch. Un avis que partage la CSI-Afrique : le traitement réservé par ce pays aux « travailleurs migrants favorise les violations flagrantes et arbitraires des droits humains et des droits des travailleurs ».

  • En quoi la FIFA a-t-elle facilité l'élection de l'Arabie saoudite ?

En plus de regrouper les Coupes du monde 2030 et 2034 en un seul scrutin, le Conseil de la FIFA avait annoncé dès octobre 2023 qu'après avoir confirmé la candidature unique pour la Coupe du monde 2030, la Coupe du monde 2034 s'élirait par « rotation » des confédérations continentales : seuls les pays d'Asie ou d'Océanie seraient éligibles, avec un délai de 25 jours pour introduire leur candidature. Quatre-vingt et une minutes plus tard, l'Arabie saoudite avait déjà officiellement déposé sa candidature. Son seul rival potentiel, l'Australie, a décidé de miser sur d'autres tournois internationaux. Il y a quelques semaines, la candidature de Riyad a été approuvée avec la note la plus élevée de l'histoire de la FIFA.

  • Comment la décision de la FIFA aurait-elle pu être plus éthique ?

« Il n'y a pas de meilleur test de l'engagement de la FIFA envers les droits humains que la manière dont elle attribue, prépare et met en œuvre son tournoi phare », déclare dans un rapport la Sports and Rights Alliance (SRA), qui compte parmi ses membres des organisations de défense des droits humains et la CSI elle-même. Selon le rapport, la FIFA et ses fédérations nationales auraient dû garantir une procédure d'appel à candidatures « rigoureuse et transparente », exiger « des engagements, y compris des réformes juridiques, pour prévenir les violations des droits humains liées au tournoi » avant d'approuver toute décision, tout en se réservant le droit d'annuler le tournoi dans n'importe quel site choisi en cas de non-conformité.

Vous voulez en savoir plus ? Voici quelques références utiles :

- Voir le rapport conjoint de la SRA et d'Amnesty International évoquant les dispositions que pourrait prendre la FIFA pour garantir la protection des droits humains.

- Du côté de la FIFA : Évaluation de la candidature de l'Arabie saoudite pour 2034, où la FIFA aborde la question des droits humains. Et un rapport, réalisé à la demande de la fédération norvégienne de football, sur les indemnisations et la reconnaissance de l'impact sur les travailleurs migrants (lors de la préparation de la Coupe du monde au Qatar, où des milliers d'entre eux ont trouvé la mort dans des conditions de travail abusives, parfois extrêmes).

- Voir le rapport mondial de Human Rights Watch sur la situation des droits humains en Arabie saoudite.

- Dans le Middle East Monitor : 21.000 ouvriers auraient trouvé la mort et 100.000 auraient disparu lors de la construction de « The Line », le mégaprojet saoudien de ville futuriste.

09.12.2024 à 09:19

#16Days : Comment la mobilisation collective peut aider à combattre la violence basée sur le genre

la rédaction d'Equal Times

La violence basée sur le genre (VBG) est un fléau mondial qui touche des millions de personnes, violant leurs droits humains fondamentaux. Pour lutter contre ce problème, la campagne internationale « 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre » a été mise en place. En sensibilisant le public, en promouvant des solutions concrètes et en encourageant la participation de tous, la campagne contribue à créer un monde plus juste et plus sûr pour les femmes et les filles. Pourquoi (…)

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Texte intégral (957 mots)

La violence basée sur le genre (VBG) est un fléau mondial qui touche des millions de personnes, violant leurs droits humains fondamentaux. Pour lutter contre ce problème, la campagne internationale « 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre » a été mise en place. En sensibilisant le public, en promouvant des solutions concrètes et en encourageant la participation de tous, la campagne contribue à créer un monde plus juste et plus sûr pour les femmes et les filles.

  • Pourquoi faut-il mettre fin à la violence basée sur le genre ?

En 2023, une femme a été intentionnellement tuée par son partenaire ou un membre de sa famille, toutes les 10 minutes dans le monde. Les meurtres liés au genre, que l'on nomme « féminicides », sont la manifestation la plus extrême de la violence basé à l'égard des femmes et des filles. Mais la VBG peut prendre de nombreuses formes : physique, sexuelle, psychologique ou encore économique. Elle entrave le développement personnel, familial et communautaire, perpétue les inégalités et freine les progrès vers un monde équitable.

  • Pourquoi faire une campagne mondiale chaque année et avec quels objectifs ?

La campagne attire l'attention sur l'urgence d'agir pour protéger les victimes, prévenir les violences et poursuivre les responsables. Initiée en 1991 par le Centre pour le Leadership Global des Femmes (en anglais, Center for Women's Global Leadership ou CWGL), et soutenue par l'ONU et ses agences, la campagne « 16 jours » se déroule du 25 novembre (Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes) au 10 décembre (Journée des droits de l'homme). Cet intervalle symbolique relie la lutte contre la VBG aux droits humains, soulignant leur interdépendance.

Les 16 Jours visent à sensibiliser le public, renforcer les capacités des organisations de la société civile, comme par exemple les syndicats, et inciter les gouvernements et institutions à adopter des politiques et des lois efficaces. C'est aussi un moment pour amplifier les voix des survivantes, promouvoir l'éducation et engager le dialogue entre acteurs locaux et internationaux.

  • Quel est le thème pour la campagne 2024 ?

À l'occasion de l'édition 2024, « 16 jours d'activisme » met l'accent sur la riposte et la reconstruction des victimes et rappelle que sortir de la violence repose sur une responsabilité collective alors que se tiendra d'ici 2025 le 30e anniversaire de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, en 2025 - un plan visionnaire pour parvenir à l'égalité des genres et réaliser les droits des femmes et des filles du monde entier.

  • Quelles sont les actions menées ?

La campagne s'appuie sur des événements variés : ateliers, manifestations, conférences, campagnes en ligne, et mobilisations communautaires. Des millions de personnes s'unissent pour partager des ressources, échanger des témoignages et promouvoir le changement social.

L'Organisation internationale du travail (OIT) et les fédérations syndicales mondiales poussent par exemple les gouvernements à ratifier et appliquer la convention n° 190 de l'OIT (C190) et la recommandation n° 206 (R206), en prenant des mesures porteuses de transformations pour l'égalité des genres, c'est-à-dire des réformes législatives, des politiques et des accords sur le lieu de travail, afin d'éviter l'exposition à la violence, d'aider les victimes – en leur assurant notamment la sécurité de l'emploi et de revenu – et d'obliger les auteurs des violences à rendre des comptes.

« Ensemble, construisons des lieux de travail plus justes et plus sûrs. Il est temps pour tout le monde d'obtenir la dignité et le respect », souligne le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale, Luc Triangle.

Pour aller plus loin :

Lire : Les syndicats agissent contre la violence fondée sur le genre : 16 jours d'activisme

Consulter : Les demandes de le CSI pour la Déclaration Beijing+30

Voir : le Rapport En sécurité au travail, en sécurité à la maison, en sécurité en ligne : Lutter contre la violence et le harcèlement fondés sur le sexe dans un monde du travail en mutation


Comment s'engager dans la campagne ?

Pour suivre et participer à cette 33e édition, vous pouvez mener des actions et leur donner de la visibilité grâce aux hashtags : #16jours et #PasDExcuse. Agir est un acte citoyen et cela commence par parler, protéger, signaler. Chacun peut contribuer en soutenant les organisations engagées dans la lutte contre la VBG.

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