Dans cette pièce qui démarre lundi, l'auteur et metteur en scène portugais projette le public dans un monde partagé entre deux planètes: la Terre "qui souffre de la crise climatique, des conflits, des inégalités accentuées" et une planète Mars "hostile" mais que plusieurs humains ont choisi de coloniser pour "construire une nouvelle humanité ailleurs", raconte-t-il à l'AFP.
Le récit prend la forme d'un échange de messages, comme un "roman épistolaire", sur une durée de deux ans, entre un père resté sur Terre, incarné par le prolifique comédien franco-sénégalais Adama Diop, et sa fille, partie vivre sur Mars, ici Alison Deschamps, jeune comédienne de l'école du Théâtre national de Bretagne.
"Deux conceptions différentes de ce qu'est un être humain émergent, entre le père essayant de faire le mieux possible sur une Terre en difficulté et la fille selon laquelle la seule façon de garder espoir est de partir sur Mars", développe l'homme de théâtre, âgé de 48 ans.
La pièce explore la question de l'"héritage" et de la "transmission familiale mais aussi culturelle" laissée à la jeunesse alors que, selon "toute évidence scientifique", l'avenir s'annonce sombre. "L'aspiration à vivre mieux que ses parents, une attente légitime, inscrite dans le code génétique émotionnel, psychologique de l'espèce humaine, commence à disparaître", rappelle-t-il.
"S'embrasser de nouveau?"
L'année dernière, dans "Hécube, pas Hécube", présentée à Avignon, Tiago Rodrigues s'était intéressé à la façon dont les sociétés occidentales peuvent être négligentes face aux plus vulnérables - en l'occurrence, il s'agissait de maltraitance des enfants.
Ici, il interroge les rapports humains à "très, très, très longue distance": incompréhension entre générations ou, au contraire, rapprochement des liens ?
Dans "ce monde plus précaire, où une partie de l'humanité est partie", la question n'est pas celle de la survie, ni celle de l'organisation sociale ou économique qui pourrait advenir, mais de savoir "comment va-t-on encore aimer ?", selon lui.
"Quand on commencera à voyager vers d'autres planètes d'une façon massive, est-ce qu'on va s'embrasser un jour de nouveau ?"
Le dispositif scénique a été pensé pour figurer l'orbite des planètes, ainsi que la circularité et le passage du temps. "Une tournette (plateau tournant, ndlr), divisée en deux, sur laquelle chacun des comédiens occupe un côté", a été mise en place. Sa rotation "nous permet de les voir, tour à tour, et d'accéder à leur discours".
En outre, "la métrique - la quantité de mots dans la réplique - est fonction de la vitesse de rotation de cette tournette", explique Tiago Rodrigues.
"La distance" se joue sur L'Autre scène du grand Avignon, à Vedène, jusqu'au 26 juillet.
Elle est annoncée en "1h47", clin d'oeil de son metteur en scène "à l'année 1947, année de fondation du Festival d'Avignon".