11.04.2025 à 06:00
Rami Abou Jamous
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, deux ans et demi, sous la menace de l'armée israélienne. Réfugiée depuis à Rafah, la famille a dû ensuite se déplacer vers Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat, coincés comme tant de familles dans cette enclave (…)
- Dossiers et séries / Israël, Bande de Gaza, Résistance, Médias, Génocide, Témoignage , Focus, Gaza 2023-2025Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter en octobre 2023 son appartement de Gaza-ville avec sa femme Sabah, les enfants de celle-ci, et leur fils Walid, deux ans et demi, sous la menace de l'armée israélienne. Réfugiée depuis à Rafah, la famille a dû ensuite se déplacer vers Deir El-Balah et plus tard à Nusseirat, coincés comme tant de familles dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Un mois et demi après l'annonce du cessez-le-feu, Rami est enfin de retour chez lui avec sa femme, Walid et le nouveau-né Ramzi. Pour ce journal de bord, Rami a reçu le prix de la presse écrite et le prix Ouest-France au Prix Bayeux pour les correspondants de guerre. Cet espace lui est dédié depuis le 28 février 2024.
Jeudi 10 avril.
Aujourd'hui, je voudrais vous parler du journaliste Ahmed Mansour. Vous avez sans doute vu l'image atroce de ce journaliste palestinien de Gaza, assis sur une chaise où il brûlait vif dans un bombardement israélien. Ce bombardement a visé la tente où il se trouvait, avec d'autres journalistes. Il y a eu trois morts en tout. Deux journalistes, Ahmed Mansour et Helmi Al-Fakaawi, et un homme qui se trouvait à proximité. Neuf autres journalistes ont été blessés, certains grièvement… Et cette image a fait le tour du monde. Ce n'est pas la première fois que les Israéliens utilisent ce genre d'armes incendiaires. On avait déjà vu des images de gens calcinés après un bombardement.
Quant aux journalistes, plus de deux cents d'entre eux ont été tués par l'armée israélienne depuis le début de la guerre, selon l'ONG Reporters sans frontières. Certains ont été tués avec toute leur famille. Parfois, ce sont leurs familles qui ont été assassinées, comme cela s'est passé pour Wael Al-Dahdouh, le correspondant de la chaîne Al-Jazira, qui a perdu de nombreux proches dans des frappes ciblées. Malheureusement, beaucoup de médias étrangers traitent cette guerre contre le journalisme en adoptant plus ou moins la vision israélienne. Comme ceux qui ont mis en avant, dans leurs titres, qu'Ahmed appartenait à un « média affilié au Djihad islamique, considéré comme terroriste par de nombreux pays ».
C'est vrai, et à la fois ce n'est pas vrai. Oui, Ahmed travaillait pour Falastin Al-youm, (« Palestine Today » — « Palestine aujourd'hui ») depuis la fin de ses études de journalisme, il y a dix ans. Oui, ce média est lié au mouvement du Djihad islamique. Mais d'après ses amis, Ahmed était l'un de ces nombreux journalistes qui ne partagent pas l'idéologie de leur employeur, Fatah, Hamas ou autres. Pour faire leur travail, ils n'ont guère d'autre solution, la plupart des médias de Gaza dépendent plus ou moins d'un mouvement politique.
Ahmed Mansour était marié et père de trois enfants. Il avait vécu les mêmes souffrances que tous les Gazaouis. Lui, ses parents et toute sa famille ont été déplacés plusieurs fois. Sa famille est de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, et ils avaient fini par vivre sous une tente dans la zone d'Al-Mawasi, que l'armée d'occupation présente comme une « zone humanitaire sûre » tout en la bombardant régulièrement. Lui, il a voulu rester sur le terrain, dans la région de Khan Younès, avec d'autres confrères.
Plusieurs sont morts sous la même tente, à côté de l'hôpital Nasser. Ils s'étaient regroupés là pour une bonne raison : beaucoup de journalistes se positionnent à côté des hôpitaux, parce que c'est là qu'ils trouvent l'information. Quand ils voient les blessés arriver, ils peuvent demander aux ambulanciers où le bombardement a eu lieu, combien il y a de morts, etc., et tenter d'aller ensuite sur place. Cela se passe ainsi près de tous les hôpitaux qui fonctionnent encore plus ou moins dans la bande de Gaza comme l'hôpital Al-Shifa, l'hôpital indonésien, l'hôpital Al-Maamadani, l'Hôpital baptiste1, au nord, l'hôpital Al-Aqsa à Deir El-Balah… Ces regroupements sont connus des Israéliens. Tout comme les véhicules professionnels des médias, tels que ce van SNG (Satellite News Gathering)2 surmonté d'une grosse antenne et d'une parabole, utilisé pour les directs par la chaîne Al-Quds al-Youm (« Al-Quds Today » — « Jérusalem aujourd'hui »), qui a été pris pour cible par un missile le 26 janvier dernier devant l'hôpital Al-Awda.
Ses occupants sont morts brûlés. Ahmed Mansour s'était rendu sur place. D'après ses amis, il était accablé. Il se demandait comment ils étaient morts, comment ils avaient vécu cet instant, ce qu'ils avaient souffert. Il le disait, il avait peur de finir comme eux.
Ce qui me rend triste, c'est cette façon de prendre le point de vue israélien pour traiter de ce qu'il se passe à Gaza. D'adopter la vision du plus fort. Nous sommes sous occupation. L'occupant traite les occupés de « terroristes ». N'importe quelle personne occupée est un terroriste. Le Hamas ? Des terroristes. Le Fatah, le parti fondé par Yasser Arafat ? Des terroristes. Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne et de l'État palestinien ? Un terroriste. Toute personne qui dénonce l'occupation ? Un terroriste.
Les journalistes français qui répercutent ce mot devraient se rappeler que la France a connu l'occupation, et que les Allemands et le gouvernement collaborateur justifiaient leurs crimes en désignant leurs victimes comme des terroristes. Les résistants étaient des terroristes. Les journalistes étaient des terroristes. Aujourd'hui, ce sont des héros, car ils ont dénoncé les massacres de l'occupant et de ses complices et œuvré à la Libération. Parmi eux, il y avait des journalistes. Je pense souvent à Pierre Brossolette, aujourd'hui au Panthéon. Bien sûr, les circonstances et les personnalités étaient différentes, mais il était journaliste, comme Ahmed Mansour. Lui aussi, il était appelé « terroriste ». Tous deux ont vécu sous l'occupation, ont assisté aux massacres et aux bombardements. Brossolette était un haut dirigeant de la Résistance, mais il a aussi écrit dans des journaux clandestins et parlé à de nombreuses reprises au micro de la BBC. Tous deux sont morts. Pierre Brossolette, arrêté, s'est suicidé pour ne pas parler sous la torture.
C'était un Européen, donc un héros. Ahmed Mansour était Palestinien, donc il gravitait forcément autour d'un mouvement « terroriste ». Tout ce qui est palestinien doit être diabolisé. Quand on est occupé, il est normal de résister, par les actes ou la parole. Je ne comprends pas ce double standard, alors que les deux peuples ont connu l'occupation. Peut-être parce que, nous, on ne nous considère pas comme des êtres humains. Peut-être, comme je le dis souvent, parce qu'on n'a pas les yeux bleus et les cheveux blonds. Mais je crois que défendre sa patrie, c'est le droit de toute personne qui connaît le goût amer de l'occupation. Honorer Brossolette tout en condamnant Mansour, c'est renier l'héritage universel de la résistance à l'oppression. Le courage ne change pas de nature selon la géographie ou l'identité du résistant. Ce qui change, c'est le regard que l'on choisit de porter.
Tuer des journalistes de façon atroce, c'est un peu toléré, il ne faut pas en faire un grand scandale, parce qu'ils sont « proches des groupes terroristes ». Je ne parle pas de tous les journalistes occidentaux, je sais qu'il y en a qui font leur travail de façon professionnelle. Mais il y en a trop qui adoptent la vision israélienne. Imaginons qu'un journaliste ukrainien soit tué de la même façon, ciblé par les Russes à cause de son métier. On l'aurait qualifié de « proche d'un mouvement terroriste » ? Nous, les Palestiniens, nous finissons toujours par être des victimes coupables. Beaucoup de médias participent à cette inversion des rôles. La victime devient le bourreau, le bourreau devient la victime, l'occupant devient occupé et l'occupé devient l'occupant.
Mais les menteurs seront jugés par l'histoire. Un jour, Ahmed Mansour et beaucoup de ses confrères seront dans un Panthéon. Ils seront honorés comme héros par les mêmes journalistes occidentaux qui les ont accusés de travailler pour des « médias terroristes ». Ils comprendront que la justice et les normes de l'humanité n'ont ni géographie ni couleur. On honorera ces journalistes qui sont en train de mourir les uns après les autres parce qu'ils parlent de la réalité, qu'ils transmettent les images des massacres. L'occupant ne veut pas de témoin, il ne veut pas que les massacres et les boucheries soient retransmis dans le monde entier. On tue les messagers, puis on les diabolise.
Journal de bord de Gaza
Rami Abou Jamous
Préface de Leïla Shahid
Présentation de Pierre Prier
Éditions Libertalia, collection Orient XXI
29 novembre 2024
272 pages
18 euros
Commander en ligne : Librairie Libertalia
10.04.2025 à 06:00
Omar Brouksy
Entretien avec Maâti Monjib, historien franco-marocain, qui, après trois jours de grève de la faim, menace de la reprendre pour protester contre son interdiction de quitter le territoire marocain pour assister à un colloque organisé par l'Université de la Sorbonne. D'une voix diminuée par la grève de la faim entamée le 3 avril 2025, le jour même où il a été interdit, à l'aéroport de Rabat, de quitter le territoire à l'invitation de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Maâti Monjib (…)
- Magazine / Maroc, Droits humains, Démocratie, EntretienEntretien avec Maâti Monjib, historien franco-marocain, qui, après trois jours de grève de la faim, menace de la reprendre pour protester contre son interdiction de quitter le territoire marocain pour assister à un colloque organisé par l'Université de la Sorbonne.
D'une voix diminuée par la grève de la faim entamée le 3 avril 2025, le jour même où il a été interdit, à l'aéroport de Rabat, de quitter le territoire à l'invitation de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Maâti Monjib raconte son calvaire politique et judiciaire qui dure depuis plus de cinq ans. Son tort ? Il fait partie des voix de la gauche marocaine qui appellent à une véritable réforme du régime monarchique.
Historien franco-marocain de renom, Monjib, 63 ans, a été gracié par le roi en juillet 2024 des poursuites politiquement motivées (notamment « blanchiment d'argent ») dont il a été la cible, ainsi que plusieurs journalistes et militants. Mais cette décision royale n'a pas eu d'effet sur son cas. Sa suspension de l'Université de Rabat, où il enseignait l'histoire politique contemporaine du Maroc, n'a donc pas été annulée et ses biens, y compris sa voiture et son compte bancaire, sont gelés. D'autant que l'affaiblissement de l'état de santé du roi semble avoir renforcé, et élargi, la marge de manœuvre de l'entourage royal sécuritaire, incarné par Fouad Ali El Himma (conseiller et ami d'enfance du monarque), Abdellatif Hammouchi (patron de la police politique) et, dans une moindre mesure, Yassine Mansouri, le chef de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), l'équivalent de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) en France.
Omar Brouksy.— Que s'est-il passé lorsque vous avez essayé de quitter le Maroc le jeudi 3 avril ?
Maâti Monjib.— Je suis arrivé à l'aéroport de Rabat-Salé vers 11 heures. Au début, j'avoue que j'étais inquiet, car j'ai vu deux « visages familiers ». Je les connais et ils me connaissent depuis quelques années. Pourtant, j'ai eu très vite ma carte d'embarquement. Cela m'a redonné espoir. Mais au moment où je m'orientais vers le box des policiers pour faire tamponner mon passeport, j'ai constaté la présence d'un autre « visage familier ». Mon cœur, affaibli par l'arythmie, a commencé à battre plus fort.
J'ai présenté mon passeport à une policière tirée à quatre épingles, protégée par une vitre épaisse, mais transparente. Elle a vérifié et revérifié mon document. Après l'avoir passé et repassé sur une machine électronique, elle m'a dit : « Rien à faire monsieur. Vous ne pouvez pas passer. Vous êtes interdit de quitter le territoire. » J'ai demandé à voir son supérieur. Un officier en civil est arrivé en quelques secondes. Je lui ai expliqué qu'une interdiction légale de quitter le territoire ne peut pas dépasser un an. Il m'a répondu : « Je sais, mais vous êtes dans l'ordinateur. » J'ai rétorqué « Et alors ? ». Ma question restera sans réponse.
J'ai retrouvé mes amis défenseurs des droits humains au café de l'aéroport. Ils étaient venus à l'aéroport par solidarité. Parmi eux Khadija Ryadi, un véritable soldat des libertés au Maroc et prix des Droits humains des Nations unies en 2013. J'ai annoncé, la voix étranglée par la colère, mon entrée immédiate dans une grève de la faim de trois jours.
O.B.— Pourquoi avez-vous décidé d'entamer une grève de la faim alors que votre santé est fragile ? Vous êtes cardiaque et diabétique…
M.M.— Je suis pacifique de nature et j'ai toujours utilisé des méthodes pacifiques : souffrir pour se faire entendre. J'ai déjà fait jouer tous les outils judiciaires et politiques à ma disposition. Les quelques hommes puissants du royaume — à l'exception du roi — ont été contactés par des amis communs. Rien à faire. Toujours les mêmes remontrances que je peux résumer ainsi : « Monsieur Monjib veut réunir les islamistes et les gauchistes de tout bord pour abattre la monarchie. Il rêve. Mais son rêve est dangereux. C'est un fattan (instigateur de guerre civile). De plus, c'est quasiment le seul Marocain qui fait montre d'irrévérence à l'égard des symboles de la monarchie… » Je reprendrais la grève si l'interdiction est maintenue.
O.B.— Qu'est-ce que vous leur répondez ?
M.M.— Je commence par leur dernier argument. Je milite pacifiquement, par ma parole et mes écrits, depuis toujours, pour un vrai régime parlementaire qui protège les libertés et droits des citoyens. Dans un tel régime, le roi règne sans gouverner. C'est la seule façon de concilier monarchie et démocratie. Sinon c'est le despotisme, la rente et la corruption qui dominent. Regardez comment, il y a quelques semaines, le chef du gouvernement Aziz Akhannouch est devenu à la fois sujet et metteur en scène d'un scandale grotesque de conflit d'intérêts. Il s'agit de l'affaire de la grande station de dessalement à Casablanca : son holding familial a remporté le marché dans le cadre des partenariats public-privé1 En plus, il subventionnera en tant que chef du gouvernement ce projet, son propre projet, dans le cadre de la charte d'investissement. Vous en rendez-vous compte ? Un chef du gouvernement signe avec lui-même une convention d'investissement stratégique gigantesque tout en s'accordant une subvention de plusieurs milliards, sous le prétexte qu'il ne dirige pas personnellement sa holding. Même dans un film de science-fiction, on ne le croirait pas.
Sans oublier l'autre conflit d'intérêts et soupçons de délit d'initié dans l'affaire du gisement de gaz à Tendrara (région orientale)2. De tels scandales avaient fait l'objet d'une enquête du journaliste indépendant Youssef El Hireche3. Conséquence : il a été condamné l'année dernière à dix-huit mois de prison ferme4.
La corruption est partout au Maroc. Elle touche même les petites classes moyennes. La santé et l'éducation sont profondément touchées. D'où leur état de délabrement avancé. Un bachelier de niveau moyen a des difficultés à écrire une lettre manuscrite correcte de demande de travail. Regardez aussi comment les premiers responsables des institutions de gouvernance sont renvoyés, poussés à la démission ou humiliés quand ils tentent de faire leur travail. Le dernier exemple date du mois de mars : Bachir Rachdi, limogé par le roi de la direction de l'Instance de lutte contre la corruption. Avant lui c'était Driss Guerraoui, un grand économiste et homme honnête, ancien directeur du conseil de la concurrence. Sa faute ? Il avait donné la preuve, documents officiels à l'appui, que les grands distributeurs de carburants, y compris celui qui appartient au holding du chef du gouvernement, organisaient presque au grand jour une entente (illégale) sur les prix à la pompe. Ils voulaient contourner la baisse substantielle des subventions étatiques à ce secteur, décidée sous la pression de la rue, à la suite du « Printemps arabe ». Le gouvernement Akhannouch est en passe de liquider les quelques « acquis » du « Printemps marocain ».
O.B.— Est-ce que vos biens continuent toujours d'être gelés par les autorités marocaines ?
M.M.— Oui, mon compte bancaire est gelé, et je n'ai pas le droit de vendre ma voiture ou mon domicile. Cela dure depuis plus de quatre ans. C'est totalement illégal, et c'est pour cela que la « justice » ne nous fournit aucun document écrit, ni à mes avocats ni à moi, qui attesterait que mes biens sont saisis. Vu l'expérience traumatisante du « Printemps arabe », les juges aux ordres ne veulent pas laisser de traces gênantes. Ces restrictions et mesures de surveillance judiciaire sont des jugements qui doivent être rendus et prononcés et une copie signée doit être remise à la défense si celle-ci le demande. Rien de tout cela n'est respecté dans mon cas. Mes avocats sont même interdits de photocopier mon dossier. Comment voulez-vous qu'ils puissent préparer ma défense ? D'ailleurs, ils n'ont pas besoin de me défendre, me disent des amis pour plaisanter. De fait, depuis 2021, mon procès est au point mort. La dernière convocation à paraître devant le juge d'instruction que j'ai reçue date du 27 janvier 2021.
O.B.— Qu'en est-il de votre situation à l'université ? Est-ce que la grâce royale a modifié quelque chose à votre situation judiciaire ?
M.M.— Je suis toujours suspendu de mon travail comme professeur d'histoire à l'Université Mohammed V de Rabat. Je n'ai pas été réintégré alors que la grâce royale implique le rétablissement de tous mes droits d'enseignant-chercheur. Elle précise explicitement le numéro du dossier judiciaire concerné. De fait, j'ai plusieurs procès en suspens… Cela fait partie de leur stratégie de pression tous azimuts pour fatiguer ceux qu'ils appellent « dissidents » en privé et « délinquants » dans leur presse diffamatoire.
O.B.— Comment expliquer cet acharnement contre vous ?
M.M.— Cet acharnement contre moi et contre quelques autres critiques du régime comme Fouad Abdelmoumni, Omar Radi, Soulaiman Raissouni ou la poétesse Saida Alami fait partie de ce que j'appelle « l'économie de répression ». Celle-ci, conçue par la police politique, vise à réaliser deux objectifs difficilement conciliables, mais qui connaît un relatif succès : exercer un contrôle maximal sur la société par le moyen d'une répression quantitativement minimale. Exemple : mettre le moins de personnes possible en prison tout en exerçant une pression maximale sur la société : poursuites judiciaires multiples, pressions sur la famille et l'entourage proche, diffamation (dans mon cas cet outil abject de « gouvernance » à la marocaine s'est traduit parfois par plusieurs centaines d'articles de dénigrement par mois, dans le cas de Radi aussi), licenciement abusif des activistes ou de membres de leur famille…
Pourquoi cette ingéniosité maléfique ? C'est tout simplement pour garder une bonne image du « plus beau pays du monde » à l'extérieur, tout en disséminant un climat délétère de peur, de suspicion, de délation. Une ambiance égoïste du chacun pour soi s'est installée peu à peu. Il est loin le temps où l'on chantait à tue-tête les slogans révolutionnaires du Mouvement du 20 février (2011). Maintenant si tu parles politique dans un bus, les gens se détournent de toi ostensiblement. Résultat, la peur règne partout au Maroc.
O.B.— Est-ce que la détérioration de l'état de santé du roi renforce le pouvoir de l'entourage sécuritaire ?
M.M.— Oui tout à fait. Ledit entourage contrôle quasi totalement le circuit de répartition du pouvoir. Il monopolise aussi le contrôle de l'information stratégique.
O.B.— Comment expliquer le fait que Boualem Sansal, cet écrivain franco-algérien connu pour sa grande proximité envers l'extrême droite en France, soit soutenu par toute l'élite politique et médiatique française et pas vous ?
M.M.— La réponse est simple : je suis de gauche, Sansal est à l'extrême droite. Il y a eu durant les dernières années un glissement massif de la société française vers la droite extrême. Et cela explique la différence de traitement des cas Sansal et Monjib. Toutefois, il ne faut jamais mettre un écrivain en prison pour ses écrits ou ses déclarations. Je demande donc la libération de Sansal.
O.B.— Votre cas n'est pas unique. Il reste d'autres détenus politiques au Maroc. Comment expliquer la persistance de ce phénomène ?
Au Maroc on dit « Drablekbirykhafsghir » (tape le grand, les petits auront peur). Voilà pourquoi il y a toujours d'autres personnes emblématiques en prison comme le grand avocat et ancien ministre des droits humains Mohamed Ziane. On peut citer aussi des leaders connus du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi, Nabil Ahamjik et Mohamed Jelloul et trois autres détenus depuis huit ans. Les hirakis les moins connus, des centaines, ont été libérés après quelques jours ou quelques mois de détention. C'est finalement assez banal comme stratagème de contrôle : montrer les muscles pour ne pas (trop) les utiliser.
1NDLR. Le consortium ayant remporté le projet inclut la société Afriquia Gaz, propriété d'Aziz Akhannouch. Le contrat est estimé à environ 6,5 milliards de dirhams (623 millions d'euros).
2NDLR. Une unité de liquéfaction de gaz est construite à Tendrara, dans l'est du Maroc, par la société britannique Sound Energy. Le gaz liquéfié sera ensuite commercialisé par Afriquia Gaz, filiale du groupe marocain Akwa détenu par les familles Akhannouch et Wakrim. Depuis 1995, Aziz Akhannouch et Ali Wakrim sont à la tête de ce holding familial.
3NDLR. Cette enquête a été publiée en mai 2023 par les journalistes Khalid Elberhli et Youssef El Hireche dans le journal marocain arabophone Assahifa.
4NDLR. Youssef El Hireche a été arrêté en mars 2024. Il était accusé d'« atteinte à un agent public », d'« outrage à un corps constitué » et de « diffusion d'informations privées sans consentement » suite à des publications sur les réseaux sociaux. Il a été libéré par grâce royale le 29 juillet 2024.
09.04.2025 à 06:00
Quentin Müller
La soirée « Pour la République, la France contre l'islamisme ! », qui a réuni droite dure et figures du Printemps républicain à Paris le 26 mars, a été l'occasion de fustiger pêle-mêle les musulmans, la gauche française ou les Palestiniens. Sous le haut patronage du ministre de l'intérieur et de celui des outre-mer, Bruno Retailleau et Manuel Valls. Autour du Dôme de Paris, dans le 15e arrondissement, un impressionnant dispositif policier quadrille les entrées A et B en ce mercredi 26 (…)
- Magazine / Israël, France, Racisme, Islamophobie, Extrême droite, Antisémitisme, Lobby, Gaza 2023-2025La soirée « Pour la République, la France contre l'islamisme ! », qui a réuni droite dure et figures du Printemps républicain à Paris le 26 mars, a été l'occasion de fustiger pêle-mêle les musulmans, la gauche française ou les Palestiniens. Sous le haut patronage du ministre de l'intérieur et de celui des outre-mer, Bruno Retailleau et Manuel Valls.
Autour du Dôme de Paris, dans le 15e arrondissement, un impressionnant dispositif policier quadrille les entrées A et B en ce mercredi 26 mars. À l'occasion de l'événement « Pour la République, la France contre l'islamisme ! », les organisateurs ont réservé une salle pouvant accueillir environ 4 000 spectateurs.
Plusieurs caciques de la droite dure et du Printemps républicain ont fait le déplacement, comme François-Xavier Bellamy et Jean-Michel Blanquer. Deux ministres en exercice doivent intervenir : celui de l'intérieur, Bruno Retailleau, et celui des outre-mer, Manuel Valls. Selon le fascicule distribué à l'entrée, la République française serait confrontée à « l'apparition d'une nouvelle idéologie totalitaire qui s'exprime tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la Nation avec l'ambition de la disqualifier, voire de la détruire ». L'islamisme, puisque tel est le nom de la « nouvelle idéologie totalitaire », aurait pour but d'« instaurer une gouvernance totalitaire et oppressive » dans l'Hexagone.
19 heures. Alors que la moitié de la salle se cherche encore une place, Christian Estrosi s'avance sur la scène. L'homme a pour mission de chauffer un public distrait. Celui qui a quitté Les Républicains (LR) pour se rapprocher d'Emmanuel Macron, puis bifurquer vers les Horizons d'Édouard Philippe, a cinq minutes chrono. Séparatisme dans les piscines françaises, voile dans le sport, La France insoumise (LFI), qualifiée de « parti de la honte » et son eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan, le Hamas (prononcé « Khamas », par mimétisme avec les dignitaires israéliens), l'antisémitisme et enfin, le thème de la soirée : l'islamisme, dépeint comme une « cinquième colonne rampante comme une pieuvre » : tous ces thèmes sont débités avec virulence par le maire de Nice. Ce premier discours n'a rien à envier à un clip de campagne du Rassemblement national (RN) ou de Reconquête. Il est applaudi avec ferveur.
Sur un écran géant est projetée la vidéo de présentation de l'événement. Une femme métisse aux cheveux bouclés déploie tout sourire un drapeau français alors que le mot « ensemble » s'affiche.
Le collectif « Pour la République », organisateur de l'événement, réunit : le collectif Femme Azadi fondé par Mona Jaffarian ; le Comité Laïcité République de Patrick Kessel, ami de Manuel Valls ; le Centre européen de recherche et d'information sur le frérisme (Cerif) de Florence Bergeaud-Blackler et le Centre de réflexion sur la sécurité intérieure (CRSI), tous deux financés par le milliardaire d'extrême droite Pierre-Édouard Stérin ; le think tank Laboratoire de la République créé par Jean-Michel Blanquer pour « gagner la bataille des idées contre le wokisme » ; Unité laïque, le comité de soutien à Boualem Sansal, écrivain algérien emprisonné à Alger, qui partage avec l'extrême droite le traitement idéologique réservé à l'islam et aux étrangers en France. On y trouve aussi Dhimmi Watch, en qualité de participant : un observatoire présidé par la conspirationniste britannique Bat' Yeor, à l'origine des néologismes « dhimmitude » et « Eurabia » utilisés par les extrêmes droites européennes pour désigner une prétendue soumission à l'islam. L'observatoire compte également Boualem Sansal parmi ses membres.
À leur tête, Agir ensemble, initiateur de l'événement. Créé après le le 7 octobre 2023, ce collectif, dirigé en France par Arié Bensemhoun, est une émanation d'Elnet France1, un lobby pro-israélien très actif à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Agir ensemble n'en est pas à son premier coup d'essai. Sa conférence inaugurale le 18 décembre 2023 avait déjà pour thèmes « la République en danger » et « le 7 octobre, l'horreur et la guerre : le jour où le monde a changé ». Elle réunissait notamment Emmanuel Navon, directeur d'Elnet-Israël, et Éric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël, participant à la soirée parisienne. Sa dernière « Master Class » en décembre 2024, animée par Julien Dray était titrée : « Mélenchon : histoire d'une trahison républicaine ». Le site propose également du contenu republié, dont les premières rubriques sont « Wokisme » et « Terrorisme ».
Si le logo d'Elnet France n'apparaît pas dans la liste des partenaires de la soirée, les liens sont clairs. Arié Bensemhoun, directeur général d'Agir ensemble et coordinateur de la conférence, est aussi directeur exécutif d'Elnet France. Dès les premiers instants de son discours, l'homme fait siffler LFI. « Ils sont les collabos des islamistes et des traîtres à la République », fustige-t-il, chaudement applaudi par la salle. « Certains pensent qu'on est encore dans les années 1920. Aujourd'hui, l'antisémitisme, c'est surtout la haine d'Israël portée par l'extrême gauche. » Tonnerre d'applaudissements. « Plus aucun Français n'est en sécurité en France, juif ou non, face à l'islamisme », lance-t-il.
Sans transition, Bruno Retailleau est annoncé. À l'applaudimètre, l'arrivée du ministre de l'intérieur bat des records. La mine grave, les mains sur le pupitre, le ministre marque un temps. La salle retient son souffle. Il se décide finalement à briser le silence après quelques longues secondes : « Un seul cœur nous manque. » Nouveau temps de pause. « Vous savez, quelqu'un a écrit : “la meilleure façon de faire avancer l'islamisme, c'est de tout lui céder”, et cet homme c'est Boualem Sansal. » La salle claque des mains. Le romancier algérien, condamné en Algérie à cinq ans de prison ferme, est au cœur des tensions entre Alger et Paris.
Bruno Retailleau continue : « l'islamisme c'est le nouveau fascisme », « LFI tisonne la braise de l'antisémitisme en se servant de la cause palestinienne à des fins électorales », « le voile est un marqueur de soumission ». Le ministre salue les « courageux » députés présents dans la salle qui ont participé à la proposition de loi LR interdisant le port du voile dans le sport. Le texte, porté par l'exécutif, a été mis à l'agenda de l'Assemblée nationale, sans tenir compte de la réserve émise par les ministres des sports et de l'éducation nationale alertant contre le risque d'amalgame et appelant à s'en référer aux règlements intérieurs des fédérations sportives, qui proscrivent déjà les signes religieux. « Le sport est une grammaire universelle ! Vive le sport et à bas le voile ! », s'époumone-t-il sous les vivats.
Pour s'en prendre à l'Algérie sans la nommer, le ministre cite ensuite l'un des théoriciens du djihad international, lié à Al-Qaida : Abou Moussab Al-Souri. « Il a dit que l'Europe était le ventre mou de l'Occident », relate-t-il. Bruno Retailleau dit constater une perte de repères de la jeunesse française qui serait alimentée par une gauche ayant théorisé un sentiment de culpabilité vis-à-vis de l'histoire coloniale de la France. « On a dit, la France vous ne l'aimerez pas. C'est à cause de ces mouvements décoloniaux et wokistes, touillant dans les guerres mémorielles », résume-t-il. La salle semble apprécier la référence sourde à la guerre d'Algérie, objet de toutes les tensions et pressions quand un média français souhaite la traiter avec profondeur. Le chroniqueur Jean-Michel Aphatie a, par exemple, été sanctionné par la radio RTL, fin février dernier, pour avoir affirmé que le pouvoir colonial avait commis plusieurs massacres pendant la conquête de l'Algérie, comparables à celui d'Oradour-sur-Glane.
Noëlle Lenoir lui succède sur scène. L'ancienne ministre des affaires européennes entre 2002 et 2004, sous Jacques Chirac, et présidente du comité de soutien de Boualem Sansal, déclare à la tribune que l'islam est une « religion prosélyte par nature et fragilisant la France ».
20 h 23. Eugénie Bastié, éditorialiste et polémiste au Figaro, figure médiatique de la droite réactionnaire, entre en scène. Elle présente les deux grands débats de la soirée : « Face à l'islamisme, le temps des constats » et « Face à l'islamisme, le temps des combats ». Interagissant sur scène avec les intervenants, elle tente de relativiser : « La majorité des musulmans pratiquent un islam modéré. » Mais demande dans la foulée à Fadila Maaroufi, anthropologue, fondatrice de l'Observatoire des fondamentalismes à Bruxelles, « des conseils pour ne pas devenir le Belgiquistan », terme que son journal, Le Figaro, a récemment théorisé. Mme Maaroufi assure qu'il n'est plus possible de parler d'islamisme ou de djihadisme dans son propre pays et que l'élite politique belge « manque de courage ». « Le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) devenu CCIE [pour « Europe »], s'est du coup réfugié chez nous, tout comme de nombreux djihadistes avant », poursuit-elle.
Éric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël de 2019 à 2023 prend la parole. Il salue les bombardements israéliens ayant permis l'avènement d'un nouveau gouvernement au Liban et des premières critiques des Palestiniens envers le Hamas, lors d'une récente manifestation dans le nord de Gaza. Il enchaîne : « L'Unrwa a vocation à disparaître », « Les houthistes n'ont pas été totalement détruits, car Israël ne s'en est pas encore occupé », ce qui provoque les rires de l'assistance. Mais l'ancien ambassadeur, pour qui Elnet France et Elnet Israël avaient organisé conjointement un pot de départ en juillet 2023 à Tel-Aviv, ne s'arrête pas là : « Ma conviction, c'est qu'il n'y a pas de génocide mais une nécessité absolue pour les islamistes et les propalestiniens de dire qu'il y a génocide. » « Et pourquoi selon vous ? », demande Eugénie Bastié. « Parce qu'ils en ont besoin pour parachever une identité palestinienne mimétique de celle des juifs. »
Ils leur manquaient quelque chose pour être à égalité avec les juifs… il leur manquait un génocide. Enfin, ils tiennent le récit d'un génocide, même s'il n'existe pas. Et vous verrez qu'ils pousseront cela pour dire un jour : « Nous avons autant que les juifs le droit d'avoir un État dans cette région. »
La salle applaudit de nouveau. « Puis vous aurez l'étape suivante qui sera encore plus redoutable quand ils diront : ‘C'est nous le peuple de Dieu. Ce ne sont pas les Juifs.'
Vient le tour de l'influenceuse Mona Jafarian. En France, la cofondatrice du collectif Femme Azadi, habituée des plateaux de CNews, est devenue en l'espace de quelques années la figure féminine du Printemps républicain. Elle est aussi le porte-voix, en France, du courant monarchiste iranien, dont les différentes tendances sont favorables à un retour au pouvoir de la dynastie Pahlavi pour remplacer les mollahs. « Pendant la révolution [islamique, en 1979], j'ai vu les communistes soi-disant antireligieux et anticléricaux s'allier aux islamistes pour faire tomber ce qu'ils appelaient la royauté. »
Un autre influenceur prend la parole sous le pseudonyme de Ben le patriote. L'homme aux 245 000 followers sur Instagram porte un discours fédérateur : « Nous avons besoin de rassembler des juifs et des musulmans sur les réseaux sociaux », avant de lancer : « je vais aller à la chasse aux musulmans modérés », prévenant que sur les réseaux s'exerce la « très grave » prédication de salafistes et appelant à un réveil des « musulmans français », sans se soucier des amalgames.
Frédéric Dabi, le directeur général de l'institut de sondage Ifop, vient commenter le sondage exclusif commandé par Agir ensemble pour la soirée. Son titre ? « Le crash test républicain – La cohésion nationale à l'épreuve des divisions et de l'islamisme ». Au micro, Dabi explique : « Il s'agissait, […] et c'est le thème de la soirée, de déterminer le ressenti face à la menace islamiste dix ans après les attentats de 2015, et également d'identifier les facteurs de division du pays. » Selon cette étude, menée du 21 au 24 février auprès d'un échantillon de 1 200 personnes, l'islamisme serait perçu comme un phénomène expansionniste, en progression notamment dans les quartiers populaires (72 %), les prisons (70 %), mais aussi au sein de l'école (63 %), de l'université (56 %) et des clubs sportifs (52 %). Le « port du voile dans les espaces publics » serait aussi considéré comme une « manifestation de l'idéologie islamiste » par 72 % des sondés. Cependant, le directeur de l'Ifop tempère : ce sentiment serait « beaucoup moins fort dans deux catégories : chez les jeunes et chez les sympathisants de La France insoumise ». Mais : « 82 % des Français ne font pas confiance à Mélenchon pour lutter contre l'islamisme ». À la mention de ce nom, le public hue. Marine Le Pen, en revanche, arrive première du classement en cette matière, devant le duo Darmanin et Retailleau. À la mention de ceux-là, la salle applaudit.
Manuel Valls vient clôturer le débat. Les spectateurs se lèvent comme un seul homme. Le ministre des outre-mer rend hommage à son collègue Bruno Retailleau. Mais la salle est presque déçue quand pendant les longues premières minutes de son discours, le ministre pointe la Russie comme danger numéro un de la France – un danger pourtant ressenti par 81 % des sondés de l'étude de l'Ifop. Il appelle à « ne pas se tromper d'allié » contre cette menace et dans le soutien important de la France à l'Ukraine. Manuel Valls pointe l'extrême droite, la qualifiant de complice de Poutine. On est loin de la cinquième colonne islamiste. Les applaudissements faiblissent. L'homme poursuit en arguant que, certes, « l'Ukraine, c'est loin », mais qu'il faudra consentir à des efforts pour financer une « guerre qui vient ». « Nous avons cherché la paix sociale au détriment de la sécurité de la paix de l'État », lance-t-il. Médusée, la salle semble ne plus savoir comment réagir. Mais le ministre parlait là de l'islamisme ! « L'Europe doit se réarmer culturellement. Le multiculturalisme a fait vaciller la Belgique et le Royaume-Uni », prévient-il.
Le ministre rappelle cependant que « les musulmans pratiquent leur foi modérément dans leur immense majorité », avant de s'en prendre violemment au voile : « Nous l'avons fait [l'interdiction] pour le voile dans les écoles et les lieux publics, faisons-le pour les mineurs à l'université et dans les compétitions sportives ! Marianne n'est pas voilée, car elle est libre ! Elle porte un bonnet phrygien laissant dépasser des mèches ! » Son discours est chaudement ovationné.
La soirée se termine sur une Marseillaise chantée par l'ensemble des invités réunis sur scène face à un public debout. La salle se vide progressivement. Canettes, emballages vides et bouteilles en plastique jonchent le sol.
1Nils Wilcke ,« Après le Parlement, le lobby pro-israélien Elnet infiltre le gouvernement » Off Investigation, 25 mars 2025.