20.10.2024 à 05:08
La dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron juste après des élections européennes perdues pour son camp avait laissé de nombreux observateurs perplexes. Elle pouvait même paraître suicidaire tant le résultat était joué d'avance. Ce fut encore pire. Pour celui qu'i s'était justifié par un calcul de « clarification », non seulement son camp perdit mais les élections laissèrent une situation inextricable de partis incapables de s'entendre pour dégager une majorité parlementaire. Quand on ne (...)
- ActualitéLa dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron juste après des élections européennes perdues pour son camp avait laissé de nombreux observateurs perplexes. Elle pouvait même paraître suicidaire tant le résultat était joué d'avance. Ce fut encore pire. Pour celui qu'i s'était justifié par un calcul de « clarification », non seulement son camp perdit mais les élections laissèrent une situation inextricable de partis incapables de s'entendre pour dégager une majorité parlementaire. Quand on ne comprend pas une décision aussi manifestement catastrophique, il est tentant de chercher des causes psychologiques, voire pathologiques. Pour une décision politique, même prise en solitaire ou en petit comité, l'explication est pauvre. Quelle raison rationnelle avait poussé Emmanuel Macron au suicide électoral ?
Il suffisait d'attendre un peu pour comprendre avant même que les langues se délient comme elles ne vont pas manquer de le faire. L'Elysée connaissait avant l'été et donc le public la situation déplorable des finances publiques, le dérapage du déficit budgétaire et l'emballement de la dette. Cela promettait des remous au Parlement et dans la presse. Comment s'en sortir quand on est aux commandes depuis 7ans et qu'on ne peut partager la responsabilité du passé ? En créant du désordre. Ainsi faisaient les Pachtounes d'Afghanistan lorsque, dans leurs assemblées locales, un camp s'acheminait vers la défaite, il créait un désordre (cf. Frederik G. Bailey, Les règles du jeu politique, PUF, 1971). Cela se produit parfois dans les assemblées parlementaires modernes avec les suspensions de séance. A l'échelle de tout un pays, on n'en voit guère d'exemple. La manœuvre des pachtounes a pour nom le doladoli. L'expérience actuelle va probablement prendre place dans les futurs manuels d'histoire politique. Dès à présent, elle porte un tort profond aux institutions de la Cinquième république et probablement à l'apprenti sorcier qui a retrouvé le savoir-faire des pachtounes.
20.10.2024 à 05:03
On aurait pu croire que l'incrédulité à l'égard des sondages progressait. Difficile quand les journalistes ne sont pas repartis de leur addiction. Des chiffres sans efforts, des sujets sans imagination. Même pas cette question toute sotte sur la fiabilité des réponses des sondés.
Il y en a d'autres. Pourtant élémentaire sur des questions ou la légitimité importe. Par exemple sur le racisme. Posez la question : êtes-vous raciste ? Se fierait-on au pourcentage. Pourquoi pas si des scientifiques le disent et (...)
On aurait pu croire que l'incrédulité à l'égard des sondages progressait. Difficile quand les journalistes ne sont pas repartis de leur addiction. Des chiffres sans efforts, des sujets sans imagination. Même pas cette question toute sotte sur la fiabilité des réponses des sondés.
Il y en a d'autres. Pourtant élémentaire sur des questions ou la légitimité importe. Par exemple sur le racisme. Posez la question : êtes-vous raciste ? Se fierait-on au pourcentage. Pourquoi pas si des scientifiques le disent et si on les lit dans Le Monde. Ainsi un politologue Vivent Tiberj soutien à partir d'une étude longitudinale que le racisme recule en France. Contre des indices concrets montrant le contraire. Les non spécialistes n'oseront probablement pas sensibles mais un politologue est membre d'un centre de recherche Émile Durkheim, un sociologue et ses continuateurs comme François Simiand très critiques sur les enquêtes d'opinion. Les durkheimiens étaient sur cette ligne jusqu' à des temps récents. Aujourd'hui il est possible de se moquer des classiques devenus de purs alibis.
24.09.2024 à 12:46
« Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement : sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde » (Contrat social, livre III). La célèbre flèche de Jean-Jacques Rousseau ne vise plus seulement les Anglais depuis que d'autres pays comme la France confient aux élections la désignation de leurs dirigeants ; Elle peut même s'étendre à toutes les (...)
- Actualité« Le peuple anglais pense être libre ; il se trompe fort, il ne l'est que durant l'élection des membres du Parlement : sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est rien. Dans les courts moments de sa liberté, l'usage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde » (Contrat social, livre III). La célèbre flèche de Jean-Jacques Rousseau ne vise plus seulement les Anglais depuis que d'autres pays comme la France confient aux élections la désignation de leurs dirigeants ; Elle peut même s'étendre à toutes les fonctions politiques élues et pas seulement aux parlementaires. Rousseau avait d'ailleurs une image peu réaliste du régime parlementaire anglais du XVIIIe siècle où le corps électoral censitaire était très faible à peine plus de 1% de la population. Imbroglio est un mot poli pour désigner une situation pour laquelle la langue vulgaire ne manque pas de mots. C'est bien la situation qu'a créé de toutes pièces le Président de la République française dont on pourrait dire que comme un garnement, il n'en fait qu'à sa tête.
En provoquant des élections qu'il ne pouvait que perdre, il a ouvert un long cortège d'interrogations pour les analystes d'aujourd'hui et du futur. Il a engendré aussi un doute sur le caractère démocratique d'un régime où un homme seul peut autoritairement mettre tout le monde dans l'impasse. Quelle lecture faire des institutions dans ce cas où aucune majorité n'existe à l'Assemblée ? Des partis ont fait valoir qu'ils avaient une majorité relative et que le gouvernement devait leur revenir. Une lecture partisane pourquoi pas mais sans base constitutionnelle. Il n'y a de majorité qu'absolue pour voter un budget, une loi ou une motion de censure. D'autres soutiennent qu'une fois l'élection passée, il revient au Président et aux chefs de partis quels qu'ils soient à nouer des coalitions quelles qu'elles soient. Il n'y a pas de vérité constitutionnelle en la matière heureusement fort rare. Dans tous les cas, les chefs politiques font bon marché du vote. Certes, il est difficile d'interpréter des mouvements collectifs comme une élection au suffrage universel. L'exercice est devenu banal aux commentateurs mais repose largement sur une dépossession démocratique. On la voit plus ou moins bien selon les cas mais cette fois, elle est éclatante. Pour accentuer encore le Président a utilisé les manœuvres et les délais au-delà de la pratique de la République donnant l'impression qu'un Président associé à un gouvernement expédiant les affaires courantes pourrait être de son goût. Il y avait et il reste un parfum d'abus et peut-être même de coup d'Etat. La situation deviendrait-elle critique, comme le serait une simple démission du nouveau gouvernement, quelle issue aurait cette crise inédite ?
Dans cette situation d'incertitude, où la volonté populaire est soit indéchiffrable, soit contradictoire, soit inefficace, on peut s'attendre à un flux continu de sondages pour explorer les intentions de vote aux futures élections (cela a commencé), les cotes de popularité des chefs politiques, les opinions sur les démissions ou destitutions, etc. Ce sera un grand paradoxe puisqu'on va invoquer une opinion des sondages après avoir révoquée celle des urnes. Un peuple de sondés aurait-il plus de chances d'être entendu qu'un peuple d'électeurs ? Emmanuel Macron n'a pas écouté le peuple sondé pour dissoudre l'Assemblée nationale, il n'a pas écouté le peuple d'électeurs ensuite. Il n'est pas sûr que les Français se pensent si libres. Ce n'est pas une expérience originale mais comme on l'a vu dans d'autres cas d'instabilité politique et de dépossession démocratique accrue, les alternatives autoritaires deviennent séduisantes à plus d'électeurs et à plus d'élus. Sans doute les Français sont-ils intéressés par le spectacle. Combien de temps ?