Publié le 06.03.2025 à 18:12
Manuel PavardPas de victoire définitive mais un nouveau sursis bienvenu et donc un vrai ouf de soulagement pour les salariés de Vencorex, sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix. Le tribunal de commerce de Lyon a décidé, ce jeudi 6 mars, de prolonger de six mois la période d’observation de l’entreprise, placée en redressement judiciaire en septembre dernier. Une audience intermédiaire a toutefois été fixée au 3 avril prochain.
Depuis de longues semaines, cette date du 6 mars était imprimée dans les pensées et discours des acteurs du dossier Vencorex. Beaucoup craignaient en effet de voir les juges entériner la fin de la période d’observation, puis annoncer la liquidation judiciaire de l’entreprise. Un scénario qui a longtemps tenu la corde avec, à la clé, plus de 400 emplois directs supprimés — BorsodChem, filiale du groupe chinois Wanhua, ne prévoyant de conserver que 54 des 460 salariés du site isérois dans son offre de reprise partielle. Mais entre-temps, un « probable desserrement du calendrier du tribunal » a été évoqué lors d’une visioconférence entre le cabinet du Premier ministre François Bayrou et des élus locaux, le 27 février.
De fait, de l’intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) à la direction de Vencorex, en passant par l’administrateur judiciaire, les collectivités territoriales concernées et le repreneur déclaré, tous souhaitaient unanimement cette prolongation et l’ont demandée au tribunal. Une requête similaire mais obéissant à des motifs différents, selon les parties. Pour BorsodChem, il s’agissait ainsi de bénéficier d’un laps de temps supplémentaire afin de préparer la sauvegarde de l’atelier de tolonates (composants pour les vernis et peintures).
De son côté, la CGT espérait obtenir un sursis pour pouvoir soumettre officiellement au juge sa proposition de reprise alternative. La FNIC-CGT a en effet concocté un projet de création de société coopérative, présenté lors de l’audience. Une SCIC qui permettrait, selon elle, « la poursuite de l’activité de Vencorex sur le territoire ». Le tout en « maintenant les empois directs et indirects induits » mais également « les actifs stratégiques dans le giron national, indispensables à la souveraineté industrielle et stratégique de la France sur la défense, l’aérospatiale, le nucléaire », explique le syndicat.
Celui-ci expose les points forts d’une SCIC. D’abord « un modèle associatif et collaboratif, qui permet d’impliquer salariés, bénéficiaires et acteurs économiques locaux dans la gouvernance » .Ensuite, la « participation des collectivités », qui peuvent « détenir jusqu’à 50 % du capital ». Enfin, la « pérennité du projet ». Car « 57,5 % des bénéfices sont réinvestis sous forme de réserves impartageables pour assurer la viabilité et le développement de l’entreprise », précise la CGT.
Différents acteurs potentiels ont été identifiés pour intégrer cette SCIC. Parmi eux, un collège de salariés, le syndicat porteur, les pouvoirs publics et collectivités (Métropole de Grenoble, municipalités de Pont-de-Claix et Jarrie, Région Auvergne-Rhône-Alpes, État). Sans oublier les « bénéficiaires à définir », comme les autres industriels de la plateforme chimique de Pont-de-Claix (Suez, Solvay, Seqens, Feralco), les sous-traitants du site, les sociétés de la plateforme de Jarrie (Arkema, Framatome, Air Liquide, RSA…), des « clients stratégiques européens » ainsi que l’entreprise « Elkem Silicones, qui est fournie en chlorure de méthyle par Arkema Jarrie et qui dépend en amont du sel de Pont-de-Claix ».
Dans le scénario proposé pour la composition de la coopérative, les voix délibératives seraient réparties de la sorte : 10 % pour les salariés, 40 % pour l’État et les collectivités, 40 % pour les bénéficiaires (clients et fournisseurs) et 10 % pour les autres (dont les organisations syndicales). La FNIC-CGT rappelle en outre les grands principes d’une SCIC, à savoir l’impératif de « décider ensemble », personne n’étant majoritaire tout seul, et la possibilité de « dissocier l’apport en capital et droit de vote ».
Le syndicat insiste sur l’importance et les multiples atouts de Vencorex : « Le sel extrait par Vencorex à Hauterives et purifié à Pont-de-Claix est un élément fondamental pour plusieurs secteurs industriels stratégiques. » Cela concerne l’aérospatial (les fusées Ariane 6) et la défense (les missiles stratégiques M51), via Arkema ; le nucléaire, avec les éponges de zirconium de Framatome, utilisées dans les réacteurs ; le traitement de l’eau, l’acide chlorhydrique de Vencorex permettant « la production de chlorure ferrique, indispensable au traitement de l’eau potable pour 130 millions de personnes en Europe ».
L’effet domino d’une disparition de Vencorex s’étendrait par ailleurs à toute la filière chimique du Sud-Isère, « mettant en péril 5 000 emplois et affaiblissant un secteur déjà fragilisé », souligne la CGT. Laquelle avertit aussi des conséquences environnementales d’un arrêt brutal de l’exploitation du sel de Hauterives, dans la Drôme. Cela risquerait alors de « provoquer des bouleversements géologiques et transformer la plateforme de Pont-de-Claix en friche industrielle polluée ».
La SCIC est surtout un « projet crédible », selon la FNIC-CGT, qui met en avant sa viabilité industrielle, territoriale, économique et juridique. « Il y a un marché et des débouchés, des installations (avec un besoin de rénovation pour certaines), des salariés avec des compétences et des savoir-faire, un écosystème industriel, un territoire et des travailleurs qui souhaitent le maintien de l’activité », assure-t-elle ainsi.
Le tribunal de commerce a d’ailleurs qualifié cette proposition de reprise de seule offre réellement viable actuellement. À ce stade, celle de BorsodChem est en effet jugée incomplète et doit encore être finalisée sur un certain nombre de points, à en croire la juridiction. L’audience intermédiaire du 3 avril permettra déjà d’y voir un peu plus clair.
Après avoir fait part au tribunal de son intention ce jeudi 6 mars, la CGT va ainsi profiter de cette période pour enclencher la second phase de son projet et examiner les données techniques et financières de l’entreprise. « Nous avons pour objectif de déposer une offre qui soit prête ou suffisamment proche d’être réalisable pour le 3 avril », a indiqué Séverine Dejoux, élue CGT au CSE, à la sortie de l’audience. D’après la représentante syndicale, trois collectivités ont déjà apporté leur soutien officiel tandis que plusieurs industriels ont été contactés.
« Ce mode de portage est intéressant car on porte les risques et les bénéfices à plusieurs », a‑t-elle ajouté. « L’ensemble des partenaires sont donc intéressés à faire fonctionner l’activité et contrairement à un industriel qui reprendrait tout seul, on ne cherche pas forcément à faire des bénéfices et à verser des dividendes aux actionnaires, mais à pérenniser une activité. » Pour Séverine Dejoux, devant « l’inaction du gouvernement », qui a refusé la nationalisation temporaire, « les salariés ont pris leurs responsabilités ».
« La CGT, contrairement au gouvernement, sait prendre ses responsabilités. »
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGTÉgalement présente à Lyon, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a relié la proposition de reprise de Vencorex à d’autres combats similaires menés par le syndicat : « Vous buvez peut-être du thé 1336… Comme les 1336 jours de grève qui ont permis aux salariés et à la CGT de Lipton, à l’époque, de reprendre leur usine et de produire leur thé eux-mêmes. Dix ans après cette reprise, la Scop tourne toujours et produit un thé excellent. »
Sophie Binet a ainsi promis que la confédération pèserait « de tout son poids » pour soutenir le projet porté par le syndicat de Vencorex et par la FNIC-CGT, aux côtés des salariés en lutte. « Car la CGT, contrairement au gouvernement, sait prendre ses responsabilités », selon la responsable syndicale.
Celle-ci n’a pas manqué non plus de tacler l’exécutif et les propos, la veille au soir, d’Emmanuel Macron expliquant « qu’on rentrait en économie de guerre et qu’on n’allait plus pouvoir financer notre système social car il fallait mettre le paquet sur l’armement ». Ce même gouvernement qui, selon Sophie Binet, « laisse fermer une industrie stratégique, du point de vue industriel mais aussi de la souveraineté, et n’est pas capable de mettre en place une nationalisation temporaire pourtant indispensable ».
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Publié le 05.03.2025 à 16:54
Manuel PavardL’information a été annoncée, lundi 3 mars au soir, via un communiqué du CHU Grenoble Alpes — dont dépend l’hôpital de Voiron. L’établissement adopte un fonctionnement encore plus dégradé pour ses urgences, qui ne sont plus ouvertes que de 8h à 18h, du lundi au dimanche, depuis ce lundi. Le service est ainsi fermé toutes les nuits jusqu’à nouvel ordre, aucune nouvelle admission de patient n’étant autorisée après 18h. En cause, la pénurie de médecins urgentistes.
Sandrine Nosbé, députée LFI et NFP de la 9e circonscription de l’Isère, exprime, dans un communiqué daté du 3 mars, son « profond désarroi » face à cette décision. Laquelle survient « après de multiples coupes dans le personnel de l’hôpital », venant ainsi « achever une politique de désengagement de l’État dans l’offre de soins d’une circonscription qui dénombre pas moins de 115 000 habitants », déplore-t-elle. Et ce, alors « l’hôpital de Voiron est le seul centre médical à assurer les urgences » dans ce territoire.
En cas de problème de santé, le CHU recommande aux patients de contacter leur médecin traitant ou un dispositif de permanence de soins. Cette situation n’est « pas acceptable » pour l’accueil du public, estime Sandrine Nosbé. « Le recours aux urgentistes volontaires du SAU Nord et du Smur de Voiron n’est pas une solution pérenne », souligne-t-elle également, appelant au « recrutement de personnel supplémentaire ». Une option qui « s’impose incontestablement ».
La députée insoumise a donc adressé un courrier à la directrice de l’hôpital de Voiron et au ministre de la Santé (et ancien député de l’Isère) Yannick Neuder. Sandrine Nosbé exige que « des actions soient mises en œuvre dans les plus brefs délais afin d’accueillir les usagers dans des conditions décentes ». Ceci, au quotidien, « de jour comme de nuit ».
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Publié le 28.02.2025 à 19:01
Luc RenaudLa loi de finances 2025 prévoit la possibilité pour les régions de prélever 0,15 % de la masse salariale des entreprises de plus de 11 salariés au titre d’un versement mobilité régional. De quoi financer, pour une part, les investissements nécessaires, comme par exemple les réseaux métropolitains de transport ferroviaire – les RER métropolitains. Cette mesure a été adoptée par le « socle commun » gouvernemental dont font partie les élus de droite.
La région Auvergne-Rhône-Alpes a pourtant annoncé qu’elle refuserait cette possibilité de financement des transports publics. Elle se prive ainsi de 70 millions d’euros chaque année.
« En affirmant dans ses déclarations récentes « faire le choix des entreprises contre celui de la fiscalité », Fabrice Pannekoucke, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, assume très clairement se plier aux exigences du Medef. Il s’agit pourtant d’une contribution utile des entreprises à la mobilité de leurs propres salariés », écrivent dans une déclaration les élus du groupe Insoumis et communistes.
Pour les élus insoumis et communistes « Ce versement mobilité régional représente une opportunité historique de remettre à niveau l’ensemble de nos infrastructures ferroviaires régionales et développer de nouvelles dessertes au plus près de nos concitoyens. Il serait inconcevable qu’en pleine crise climatique et sociale, la région choisisse de fermer la porte à des financements qui permettraient de moderniser notre réseau de transport public ! »
La droite régionale a pourtant trouvé une solution : selon elle, « une alternative évidente existait. Les métropoles bénéficient déjà du versement mobilité en percevant une taxe sur nos entreprises. Au lieu de proposer d’alourdir encore cette fiscalité, l’Etat aurait pu en flécher une part en direction des régions qui sont autorités organisatrices des mobilités et en charge d’investissements majeurs ».
Autrement dit, pour augmenter son budget, la région demande à ce que l’on déshabille les intercommunalités qui gèrent les réseaux de transport urbains – le voironnais, la métropole et le Grésivaudan, pour ce qui concerne la région grenobloise.
Les élus insoumis et communistes appellent « solennellement le président de région à revoir sa position en mettant à l’ordre du jour de l’assemblée régionale de mars prochain l’adoption du versement mobilité régional pour doter enfin notre région des ressources financières nécessaires au renouvellement et au développement de nos infrastructures ferroviaires ».
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Publié le 28.02.2025 à 16:38
Travailleur AlpinLes Ecologistes, le PCF, la LFI, Génération.s et le NPA ont décidé de coordonner leur activité sous la forme d’un comité local du Nouveau Front populaire en vallée du Grésivaudan. Cette création correspond à la volonté de prendre des initiatives locales sous le drapeau du NFP. La première d’entre elles aura lieu le samedi 22 mars, pour une journée festive consacrée à la lutte contre le racisme, le fascisme et pour l’égalité des droits.
« Souvent côte à côte dans les luttes, ce qui nous a permis l’élection du député NFP Jérémie lordanoff, nous souhaitons porter ensemble une nouvelle vision de notre société, plus solidaire et coopérative, plus juste, qui prenne plus en compte l’évolution du climat et les besoins humains », écrivent les membres du nouveau collectif.
Les membres du collectif s’inscrivent dans la lignée des revendications et analyses du NPF au niveau national. Ils dénoncent ainsi « l’extrême droite, dont le projet trompeur et raciste, qui n’est jamais du côté des plus fragiles, fracture et affaiblit la société » ainsi que les choix politiques gouvernementaux et réaffirment les revendications du NFP :
On pourra contacter le collectif NFP du Grésivaudan en écrivant à nfpgresivaudan@gmail.com
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Publié le 28.02.2025 à 16:35
Manuel PavardOn n’ira pas jusqu’à parler de revirement ou coup de théâtre mais pour les salariés de Vencorex, c’est a minima un sursis. Voire, peut-être, un léger regain d’espoir. L’heure n’était pourtant pas à l’optimisme depuis le courrier adressé par le Premier ministre François Bayrou, lundi 24 février, aux élus locaux. Son refus de toute nationalisation temporaire avait en effet constitué une vraie douche froide pour l’ensemble des acteurs (représentants syndicaux, salariés, maires, parlementaires…) impliqués dans ce combat. Depuis, le compte à rebours était enclenché jusqu’à la fin de la période d’observation, le 6 mars, date à laquelle le tribunal de commerce de Lyon devait se prononcer définitivement sur l’avenir de Vencorex.
La visioconférence organisée ce jeudi 27 février au matin, à l’initiative de la direction de cabinet du Premier ministre, avait donc des airs de réunion de la dernière chance. Parmi les participants, outre les équipes de Matignon et du ministère de l’Industrie figuraient la direction de Vencorex et un panel d’élus locaux : des parlementaires isérois ainsi que le président de Grenoble Alpes Métropole et maire de Pont-de-Claix Christophe Ferrari, et son homologue de Jarrie Raphaël Guerrero.
Sur le fond du dossier, pas d’évolution notable, selon les personnes présentes. Mais une information de taille a néanmoins été distillée par les services de l’État concernant cette fameuse date-butoir du 6 mars. Ceux-ci ont en effet évoqué au cours de la réunion « un probable desserrement du calendrier du tribunal de commerce – l’audience du 6 mars n’étant ainsi pas la dernière –, en l’occurrence de plusieurs semaines », se félicite Christophe Ferrari dans un communiqué daté du 27 février.
Ce délai supplémentaire traduit, selon lui, deux choses. D’abord que « ce calendrier extrêmement voire (trop ?) rapide, contraint, est ingérable, pour les entreprises qui demeurent sur la plateforme chimique de Pont-de-Claix pour préparer l’après Vencorex, ce que nous indiquons localement depuis des mois en demandant du temps supplémentaire », souligne le président de la Métropole. Ensuite, que « la détente de ce calendrier, en l’occurrence à la demande d’industriels, est une opportunité à travailler et trouver d’autres solutions plus pérennes, plus durables, entre les acteurs publics et privés », ajoute-t-il.
Si tous les participants ne se montrent pas aussi indulgents envers François Bayrou, Christophe Ferrari salue quant à lui « l’esprit d’écoute, de dialogue franc » du directeur de cabinet adjoint du Premier ministre, estimant que ce dernier a « ouvert la porte » à de nouvelles discussions et négociations. Reste à voir si ces signaux se manifesteront pas de réelles avancées concrètes. Et ce, notamment à propos d’Arkema, le grand absent de cette réunion, qui reste silencieux sur les suites de la fermeture de la partie sud de Jarrie (avec 154 emplois supprimés à la clé).
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Publié le 28.02.2025 à 15:56
Régine HausermannC’est sur ce défi que travaille l’équipe qui doit régler 197 entrées et sorties, rien que pour cet acte. Les trois murs sont dressés, recouverts de lettres de grandes taille. Très vite, on s’aperçoit qu’il s’agit des didascalies du 2e acte. Emmanuel Clolus explique les interrogations de l’équipe et ses choix. « Comment à partir des descriptions scéniques figurant au début de chaque acte, saisir la mécanique conçue par Feydeau , afin d’en extraire l’essence même de la pièce en la nettoyant de toutes scories visuelles propres à la décoration. » Donc faire le tri dans les didascalies, alléger le décor et privilégier le rythme. « Comment respecter la pièce sans en faire une reconstitution historique ? Comment raconter l’œuvre sans la trahir ? »
Des matelas et des sommiers par terre, une table, des chaises, un service à thé, des vêtements sur un portant … Les actes I et III se déroulent dans le même lieu, un espace salon avec un endroit de travail. Le décor de l’acte II est plus complexe car il se compose de trois espaces scéniques visibles de tous : deux chambres entourant un palier central relié par des portes. Comme les circulations sont d’une extrême précision, tout l’enjeu est de permettre au public d’avoir accès à l’ampleur du jeu des acteurs. Donc pas de changements de décor derrière des rideaux de scène, pas d’entracte. Le scénographe et l’équipe ont privilégié le plaisir du public à se laisser entraîner dans la machine théâtrale.
Il y a vingt ans, Stanislas Nordey a mis en scène une autre pièce de Feydeau, La Puce à l’oreille, séduit par l’art de « cet amoureux fou de la scène, son sens de l’absurde quasi surréaliste par moments ». Écrivain mais aussi metteur en scène, sa curiosité était sans bornes, que ce soit à propos de l’art de l’acteur, de la machinerie théâtrale, de l’architecture de la langue.
« Pour mon retour en compagnie, après neuf années passées à diriger le Théâtre National de Strasbourg, j’ai décidé de m’attacher à L’Hôtel du Libre-Échange, autre sommet de son œuvre. » Avec la même équipe de création : Emmanuel Clolus pour la scénographie, Raoul Fernandez pour les costumes et Loïc Touzé pour la chorégraphie.
« Le projet est ambitieux par son ampleur (14 comédien.ne.s au plateau, un décor à transformation, une trentaine de costumes). Il y a pour moi un enjeu double : le plaisir de proposer aux partenaires et aux publics un spectacle complet, visuellement fort, et également de se battre pour que des projets de ce type puissent encore exister en un temps où l’on sait bien que, face à la raréfaction des moyens, la tentation est forte de ne s’engager que sur des projets dits raisonnables. »
L’Hôtel du Libre-Échange suit les pérégrinations de deux couples d’amis, les Pinglet et les Paillardin pris dans une mécanique d’adultère délirante. Le génie de Feydeau tient à sa façon de faire voler en éclats toutes les règles de la logique tout en s’attelant à dépeindre des situations amoureuses complexes. Monsieur Pinglet et Madame Paillardin ont une sexualité débordante, leurs conjoints pas du tout, et à partir de ce constat, les cartes sont rebattues à l’envi par un Feydeau déchaîné.
« Chez Feydeau, le sexe est très important nous confie le metteur en scène lorsque nous passons près des matelas en coulisses. La figure féminine est centrale. Les femmes mènent les hommes par le bout du nez. Feydeau a d’ailleurs été censuré pour oser des termes trop crus ! »
Du 19 au 22 mars à Bonlieu – Scène nationale Annecy
Les 27 et 28 mars à Malraux – Scène nationale Chambéry-Savoie
Du 3 au 11 avril – Théâtre de la Cité – CDN Toulouse Occitanie
Du 6 mai au 16 juin – Odéon – Théâtre de l’Europe, Paris
Cet article Hôtel du libre-échange, de Georges Feydeau. À voir à la MC2 du 11 au 14 mars à 20h est apparu en premier sur Travailleur alpin.
Publié le 27.02.2025 à 16:35
Régine HausermannAprès Fauré est présenté à la MC2 dans le cadre d’une tournée mondiale de l’artiste. La seconde partie (devenue la première) propose des pièces extraites de l’album Après Fauré, 2024 — Prélude, Caprice, Nocturne, Vision — qui s’apparentent à Fauré sur le plan harmonique et mélodique. Le pianiste au corps très mobile joue avec son instrument, assis en équilibre au bord de son tabouret rectangulaire. Il présente quelques pièces en français puis passe à l’anglais. Rien de violent dans la musique de Mehldau mais une grande virtuosité dans la délicatesse.
Après la pause, l’artiste de 54 ans aux cheveux blancs revient sur scène, avec sa partition ! Il a choisi quatre des treize Nocturnes – les numéros 4,7,12 et 13 — de Gabriel Fauré (1845–1924), composés à différentes périodes de sa vie, ainsi que le troisième mouvement « Adagio non troppo » du Quatuor pour piano n°2.
« Dans le Nocturne n°4, on sent déjà sa propre voix mais on sent aussi la présence de Chopin. […] Mais avec Fauré, on n’entend jamais un système figé. L’écrivain Italo Calvino évoquait » une méthode subtile et flexible au point d’être semblable à une absence totale de méthode « . Fauré a atteint cet état dans ses deux derniers Nocturnes. Ce sont des œuvres uniques, impossibles à reproduire. » Brad Mehldau, Note d’intention.
Applaudissements nourris suivis de quatre rappels, à peine sollicités par le public mais généreusement offerts par l’artiste. Une belle soirée, tout en finesse.
Bradford Alexander Mehldau, dit Brad Mehldau, est né à Jacksonville (Floride) en 1970. Il est notamment célèbre pour avoir étendu le répertoire du jazz au pop-rock, jouant régulièrement des morceaux de Radiohead, Nirvana, Nick Drake ou les Beatles. Il étend également son répertoire à la musique de compositeurs classiques comme Bach ou tout récemment Fauré, dans un projet initié en 2024, qui célèbre le centenaire de sa disparition.
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