15.11.2025 à 00:30
Laëtitia Giraud
Au nord de Marseille, dans la commune des Pennes-Mirabeau, un projet de data center affole les riverain·es. Une enquête publique collecte les contributions en ligne jusqu'au 22 décembre. L'occasion de comprendre avec quels mots la contestation sociale se révèle sur la plateforme. Vous en redemandez ? Voilà qu'un nouveau projet d'installation de data center vient s'ajouter à la douzaine des gigantesques boîtes à machines qui ronronnent déjà à Marseille. Pour une fois, l'aventure est tentée (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Gwen TomahawkAu nord de Marseille, dans la commune des Pennes-Mirabeau, un projet de data center affole les riverain·es. Une enquête publique collecte les contributions en ligne jusqu'au 22 décembre. L'occasion de comprendre avec quels mots la contestation sociale se révèle sur la plateforme.
Vous en redemandez ? Voilà qu'un nouveau projet d'installation de data center vient s'ajouter à la douzaine des gigantesques boîtes à machines qui ronronnent déjà à Marseille. Pour une fois, l'aventure est tentée au-dehors du port de la ville qui a accueilli la plupart des derniers chantiers. La société japonaise Telehouse, aux manettes, a jeté son dévolu sur une parcelle de six hectares qui longe l'autoroute A7, proche du quartier des Pallières aux Pennes-Mirabeau. Les habitant·es, quant à elleux, ont seulement été informé·es « dix ou quinze jours avant le début de l'enquête publique, via un article de La Provence début septembre », explique Jean Reynaud de l'association Bien vivre aux Pennes-Mirabeau (BVPM), avant de souffler : « Les conseillers municipaux de l'opposition n'étaient même pas au courant. » La raison se trouve peut-être dans la crainte de s'attirer les foudres des riverain·es, « car pour qu'un data center puisse s'implanter quelque part, il faut non seulement des réseaux électriques et de communication importants, de l'eau et du foncier abordable, mais aussi un risque de contestation citoyenne réduit »1.
« C'est sans illusion que j'écris ces quelques lignes »
Passage obligatoire avant de valider la construction, une enquête publique a été lancée en ligne le 22 septembre, afin de récolter les observations citoyennes sur le projet2. Comme d'habitude, lorsqu'il s'agit d'infrastructures de ce type, les « consultations » composent un recueil de critiques souvent bien étoffé, mais tout aussi souvent ignoré. Alors, pourquoi s'y intéresser ? Parce qu'elles ont au moins le mérite de rendre visible la parole des concerné·es. Et de révéler autant de façons d'exprimer son ras-le-bol.
Il y a d'abord les personnes qui n'y vont pas par quatre chemins. Un·e anonyme écrit ainsi : « C'est intolérable ! Marre des data centers et de l'intelligence artificielle qui détruisent les espaces naturels et agricoles, qui suppriment massivement les emplois et qui ne servent à rien sauf à nous pourrir la vie. » Sur le même ton, on trouve des avis tranchés en version poétique : « Esthétiquement ce bâtiment est une BOUSE, au secours », ou biblique : « Il ne faudrait pas en rajouter sous peine de voir les populations migrer vers d'autres cieux. » Dans cet idéal type des « pas content·es », il est aussi possible de lire, à contre-courant des pourfendeur·euses de la tech, des diatribes soutenant corps et âme le projet. Christophe, par exemple, critique les « oppositions de pacotille » et encourage plutôt à « laisse [r] la France redorer son blouson [sic] comme nouvel eldorado techno sans faire tout ce chichi sur des investissements ».
Une autre stratégie consiste à relever très rigoureusement les manquements du projet vis-à-vis des obligations environnementales ou des documents réglementaires du territoire. Christine a consulté une lettre du maire des Pennes-Mirabeau qui tente de montrer en quoi l'installation du data center répond aux conditions détaillées dans le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Elle expose ensuite dans un document de neuf pages et « point par point » pourquoi « les affirmations développées dans ce courrier ne sont pas recevables ». Avant de conclure, laconiquement, que « le permis de construire sollicité par la société Telehouse ne peut lui être délivré en l'état ».
Enfin, on trouve une litanie de réserves poliment formulées, s'enquérant : « Quel prix pour notre petit coin de campagne où il fait bon vivre ? » D'autres, moins polies, remettent en question l'enquête publique et s'approchent, peut-être, de la vérité : « C'est sans illusion que j'écris ces quelques lignes, persuadée que tout est déjà acté et que cette consultation n'est qu'une mascarade ! »
Sous son noble habit de démocratie participative, l'enquête publique risque une nouvelle fois de trahir ses promesses. Et les Pennes-Mirabeau de voir surgir, entre « l'église, le moulin et l'usine Coca-Cola », un nouveau monstre. Alors, Monsieur le commissaire-enquêteur, qu'en dira-t-on ?
15.11.2025 à 00:30
Eliott Dognon
Depuis son accession au pouvoir, le président serbe Aleksandar Vučić joue les gros bras en intégrant des hooligans et des criminels dans son système répressif. Mais depuis un an les Serbes n'ont plus peur et occupent la rue. Son système mafieux perd pied ! Le 1er novembre, les Serbes ont commémoré le premier anniversaire de l'effondrement du auvent de la gare de Novi Sad qui a fait 16 morts. Depuis ce drame, un mouvement de protestation inédit fait rage. Étudiant·es et citoyen·nes de toute (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Théo Bedard
Depuis son accession au pouvoir, le président serbe Aleksandar Vučić joue les gros bras en intégrant des hooligans et des criminels dans son système répressif. Mais depuis un an les Serbes n'ont plus peur et occupent la rue. Son système mafieux perd pied !
Le 1er novembre, les Serbes ont commémoré le premier anniversaire de l'effondrement du auvent de la gare de Novi Sad qui a fait 16 morts. Depuis ce drame, un mouvement de protestation inédit fait rage. Étudiant·es et citoyen·nes de toute la Serbie s'organisent horizontalement au sein de plénums et de zborovi – sorte d'assemblées populaires qui fonctionnent comme les plénums1. Iels occupent ensemble la rue pour réclamer justice, la fin de la corruption, la dissolution du Parlement et le départ du président Aleksandar Vučić.
« Jamais durant l'histoire moderne de notre pays, nous avions eu 5, 10, 15 manifestations le même jour »
Comme tout dirigeant autoritaire qui se respecte, ce dernier répond à la colère par la matraque. Rien de surprenant : « D'après les sondages, le pouvoir a compris qu'il perdrait si de nouvelles élections parlementaires avaient lieu, et que ce serait la fin d'un système bâti pendant dix ans sur la relation entre l'administration publique, des influences privées, des flux financiers et la violation systématique des lois. Pour l'éviter, le pouvoir recourt à des moyens de plus en plus violents pour gagner du temps et espère de nouvelles circonstances plus favorables » souligne Milan Igrutinović, chercheur associé à l'Institut des études européennes de Belgrade dans le média indépendant Mašina2. Pour ce faire, Vučić n'hésite pas à utiliser des hooligans et ses connexions mafieuses.
« Jamais durant l'histoire moderne de notre pays, nous avions eu 5, 10, 15 manifestations le même jour. Il n'y a simplement pas assez d'agents. Donc le pouvoir a appelé en renfort n'importe qui d'un peu violent avec un passé criminel », analyse Anastasija* étudiante à l'université de Belgrade. Et naturellement beaucoup d'agents sont devenus impossibles à identifier à cause de la généralisation illégale du port de masques, casques ainsi que de la disparition des numéros d'identification pourtant obligatoire. Du coup, « plusieurs hooligans et criminels se procurent des uniformes et prétendent faire la police », explique Dinko Gruhonjić, journaliste et chercheur basé à Novi Sad, fréquemment harcelé par le pouvoir et ses soutiens pour ses positions antinationalistes.
En août dernier, lors d'affrontements dans différentes communes serbes comme Vrbas, Bačka Palanka ou Novi Sad, de nombreux médias et organisations de défense des droits de l'homme témoignent d'affrontements violents entre des manifestant·es et des groupes cagoulés, armés d'objets contondants. Ces derniers étaient ostensiblement défendus par un cordon de bleus. Le média radio Slobodna Evropa (d'obédience américaine) en a ainsi identifié cinq : un ancien membre du Parti progressiste serbe (SNS) au pouvoir condamné pour trafic d'armes, un hooligan condamné pour le meurtre d'un policier en passant par un gestionnaire de business opaques et un ultranationaliste prorusse.
« Plusieurs hooligans et criminels se procurent des uniformes et prétendent faire la police »
Parmi eux il y a surtout Đorđe Prelić condamné à 35 ans de prison, réduit à 10 ans, après une cavale de 4 ans pour le meurtre du supporter de foot toulousain Brice Taton en 2009. Depuis sa sortie de prison sous condition en 2021, sa présence est régulièrement remarquée lors d'événements en soutien au SNS. Le 13 août dernier, il a été aperçu bien en vue à Ćacilend3, un campement proche du parlement serbe à Belgrade censé rassembler les soutiens du président. Ce dernier y faisait une brève apparition, aux côtés de son frère, Andrej Vučić, fréquemment accusé de fricoter avec le crime organisé (notamment avec Zvonko Veselinović, un criminel bien connu au nord du Kosovo).
L'usage de hooligans et de criminels pour faire les basses besognes de l'État serbe n'a rien de nouveau. Dans les années 1990, le président Slobodan Milošević avait confié au criminel Željko Ražnatović, alias Arkan, le soin de recruter dans les tribunes les soldats qui fonderaient la « Garde des volontaires serbes » pour faire du nettoyage ethnique en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Et Vučić sait d'où il vient ! Avant de devenir le ministre de l'information de Milošević en 1998, il a fait ses armes dans le Parti radical serbe (SRS), ultranationaliste et dirigé par le criminel Vojislav Šešelj. Milošević s'était notamment servi de ce parti pour faire peur à l'Ouest, montrer qu'il était le plus à même de gouverner et cacher ses propres projets nationalistes. « Durant les guerres de Yougoslavie, le SRS était sous perfusion de l'État et organisait certains groupes paramilitaires plein de voleurs et de criminels de guerre. Le parti a gardé des liens forts avec les milieux criminels », explique Dinko Gruhonjić.
En 2017, lors de investiture présidentielle d'Aleksandar Vučić, des hooligans aux connexions mafieuses du Partizan, un grand club de Belgrade, avaient agressé des opposant·es et des journalistes
Il faut ajouter, que le président serbe n'a jamais caché son passé de fan de l'Étoile rouge de Belgrade. Il fréquentait même les Delije (les Braves), le principal groupe de supporters du club, fer de lance du nationalisme dans les années 1990 dans lequel Arkan a recruté le principal contingent d'hommes pour son groupe paramilitaire.
Aleksandar Vučić n'a pas attendu le mouvement de contestation démarré fin 2024 pour mettre ses connexions à profit, quitte à changer d'allégeance footballistique. Lors de son investiture présidentielle en 2017, des hooligans aux connexions mafieuses du Partizan, l'autre grand club de Belgrade, agressent des opposant·es et des journalistes. Plusieurs médias et organismes de lutte contre la corruption identifient alors plusieurs personnes liées au pouvoir. En 2021, le pouvoir tremble ! Le leader des Janjičari ou Principi (groupe de supporters du Partizan), Veljko Belivuk, est arrêté après une enquête internationale4. Avec d'autres membres, il est accusé de sept meurtres, de kidnappings, de torture, de trafic de drogues et de possession illégale d'armes. Vexé d'être mis au placard alors qu'il se pensait intouchable, « Velja le problème » balance lors de son procès en 2022 : « Avec Aleksandar Stanković [l'ancien leader des Janjičari, ndlr], j'ai dirigé un groupe qui servait les besoins de l'État jusqu'à son assassinat [en 2016, ndlr], après quoi j'ai continué à le faire. »
« Vučić place aux postes importants uniquement des gens qui lui sont loyaux »
L'intimidation d'opposant·es politiques et la sécurité étaient son rayon. Il déclare même avoir rencontré Aleksandar Vučić en personne à plusieurs reprises. Le pouvoir nie, mais comment faire semblant quand des messages déchiffrés par l'agence européenne de police criminelle Europol prouvent une relation amicale entre Belivuk et Danilo Vučić, le fils du président. Une affaire de famille finalement !
Face à l'affaiblissement du pouvoir et donc du crime organisé, les criminels et les hooligans s'intègrent très bien au système répressif serbe car Vučić « place aux postes importants uniquement des gens qui lui sont loyaux », rappelle Dinko Gruhonjić. Ils complètent ainsi la surveillance algorithmique, l'usage illégal de canon à son, la pression psychologique, le public shaming, les détentions arbitraires... Mais aujourd'hui, les Serbes ne se laissent plus faire ! « Chacun a sa manière de lutter, certains le font légalement devant la justice, d'autres préfèrent descendre dans la rue et combattre de front en arrachant notamment les gazeuses et les boucliers des flics », explique Anastasija. Les questions qui se posent désormais concernent l'après Vučić. Et les étudiant·es « jouent les arbitres dans la constitution de listes électorales citoyennes pour de potentielles prochaines élections législatives. » précise Dinko Gruhonjić. Ces dernier·es trient les candidat·es en prenant soin d'avoir uniquement des personnes de la société civile pour garder l'indépendance de leur mouvement non partisan. Iels excluent ainsi toutes les figures des partis d'opposition jugés co-responsables de la faillite de ce système. « Ce pays et cette société sont en ruines mais les étudiants donnent de l'espoir et nous montrent que nous sommes des gens normaux qui méritent de vivre des vies normales. Ceci est un prérequis pour penser la suite », conclut le journaliste.
1 Voir « Balkans : Tout le pouvoir aux plénums ! », Lundi matin (21/03/2025).
2 Lire « No, This Is Not a Civil War In Serbia », Mašina (20/08/2025).
3 « Ćaci » est le sobriquet donné aux soutiens d'Aleksandar Vučić par les manifestant·es, Ćacilend est donc une moquerie qui peut être traduite par « le parc d'attractions des supporteurs de Vučić ».
4 Les janissaires étaient les esclaves de confession chrétienne qui formaient l'élite de l'infanterie de l'Empire ottoman. En 2018, le groupe change de nom pour Principi qui fait référence à Gavrilo Princip, assassin de l'archiduc François Ferdinand en 1914, qui est devenu un symbole du nationalisme serbe.
15.11.2025 à 00:30
Loïc
Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ? Dernière semaine avant les vacances. La timide ambiance révolutionnaire du mois de septembre est retombée comme un soufflet. Aux dernières semaines d'été, entrecoupées par les (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Mona Lobert, Échec scolaireLoïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
Dernière semaine avant les vacances. La timide ambiance révolutionnaire du mois de septembre est retombée comme un soufflet. Aux dernières semaines d'été, entrecoupées par les grèves, se succèdent les longues journées d'automne, à regarder tomber les feuilles depuis la salle de classe. Sur les chaises, dès le matin, certains gigotent, pressés que la Toussaint arrive. D'autres n'attendent même plus cinq minutes pour écraser leur tête sur la table et récupérer les heures de sommeil manquantes. « Vous savez que je dors pas vraiment monsieur ! J'écoute en dormant, j'enregistre mieux ! » ironise l'un d'eux. Je n'ai plus l'énergie de la rentrée pour les réveiller, moi aussi je comate. « En vrai monsieur cette dernière semaine elle passe lentemeeeeennt », geint un élève.
Alors que le temps s'étire pour tout le monde, je décide qu'on étudie un ouvrage à propos. Dans son roman À la ligne (La Table Ronde, 2019), Joseph Pontus raconte, sous forme de versets, son expérience d'ouvrier intérimaire dans une usine où il dépote des crevettes. Il y écrit « l'usine est/plus qu'autre chose/un rapport au temps/qui ne passe/qui ne passe pas/Éviter de trop regarder l'horloge/rien ne change des journées précédentes ». Un des élèves endormis entre-ouvre l'œil « Monsieur, c'est pareil qu'en classe, l'usine ! et pointe l'horloge au-dessus du tableau, Faut pas trop la regarder ! » Les autres acquiescent : « Monsieur l'ennui c'est horrible, ya pas pire, je pense qu'à rentrer chez moi toute la journée », confie un autre que je vois souvent le regard dans le vide, comme anesthésié.
La lecture continue : « Tu rentres/Tu zones/Tu comates/Tu penses déjà à l'heure qu'il faudra mettre sur ton réveil/Peu importe l'heure/Il sera toujours trop tôt ». Ici, comme à l'usine, l'ennui et la fatigue n'empêchent pas l'anxiété. « Ça fait flipper, même quand on est chez nous l'école est dans notre tête, même pendant notre temps libre », analyse le même élève le regard grave. Et la séance prend les airs d'une thérapie collective : « C'est vrai ! Et du coup ça génère du stress, t'y penses tout le temps ! » renchérit un autre. J'en profite pour rappeler que c'est pareil pour les profs : « Même si on passe moins de temps que vous en classe, on stresse aussi, et je me lâche, Moi aussi j'en peux plus de ces salles toutes blanches ! » Plus personne ne dort. La discussion glisse du manque de compréhension des parents aux dénigrements et aux pressions de certains profs, pour retomber sur l'usine où ils vont parfois faire des stages : « C'est comme l'école mais en pire, soit le travail est répétitif et ça rend fou, soit il est dur physiquement et ça fait mal, soit carrément le patron t'en donne pas et t'attends dans un coin ! » Quand on est prof, on minimise souvent les pressions qu'on fait porter sur les élèves et on n'écoute que trop peu les souffrances qu'ils vivent. C'est pourtant l'âge où apparaissent souvent les premiers signes de mal-être. Selon une étude de Santé publique France datant de 2022, 25 % des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires dans la dernière année. L'école-usine n'y serait-elle pour rien ?
08.11.2025 à 00:30
Laëtitia Giraud
Le 6 octobre devait se tenir à Aix-en-Provence la Nuit du Bien Commun, une soirée de levée de fonds pour des assos initiée par le milliardaire d'extrême droite Pierre-Édouard Stérin. Pas de charité désintéressée ici, mais une énième opération d'influence au service de son projet bien réactionnaire. Décryptage. La Nuit du Bien Commun, renommée pour l'occasion la Provence pour le Bien Commun, était annoncée en grande pompe pour le lundi 6 octobre dans la salle du 6MIC, à Aix-en-Provence. Une (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Caroline Sury, Le dossier
Le 6 octobre devait se tenir à Aix-en-Provence la Nuit du Bien Commun, une soirée de levée de fonds pour des assos initiée par le milliardaire d'extrême droite Pierre-Édouard Stérin. Pas de charité désintéressée ici, mais une énième opération d'influence au service de son projet bien réactionnaire. Décryptage.
La Nuit du Bien Commun, renommée pour l'occasion la Provence pour le Bien Commun, était annoncée en grande pompe pour le lundi 6 octobre dans la salle du 6MIC, à Aix-en-Provence. Une nouvelle étape de la tournée de ces « soirées caritatives » organisées chaque année depuis 2017 dans une vingtaine de villes en France, Belgique et Suisse. Objectif : collecter des financements auprès d'entreprises et de particuliers et les reverser à des associations d'intérêt général, ici du médico-social. Un appel à une « générosité légitime et bien pensée »1 ? Plutôt une nouvelle magouille de l'infâme Pierre-Édouard Stérin, richissime exilé fiscal et fervent catholique, qui s'est donné pour divine mission d'installer l'extrême droite au pouvoir2.
Les dix associations sont priées de se vendre en pitchant leur projet sur scène
À Aix comme dans les autres villes3, la soirée a donc été prise d'assaut par des militant·es syndicaux·les et politiques, tant et si bien qu'elle doit se réorganiser in extremis en ligne. « Pierre-Édouard ! Paye tes impôts, ça f'ra des sous pour nos assos ! » pouvait-on entendre toute la journée sur le piquet de grève dressé devant le 6MIC. Parce que le fond du problème c'est bien ça : le désinvestissement progressif de l'État dans le financement des associations ces dernières années laisse le champ libre au privé pour s'y substituer. Et à l'extrême droite de sournoisement avancer ses pions.
« On est là pour donner, mais on est aussi là pour défiscaliser. » Ainsi s'ouvre (en ligne, donc) la Nuit du Bien Commun du 6 octobre. Pour les généreux·ses mécènes, la soirée est l'occasion de s'alléger la conscience à coup de charité, sans oublier d'o-pti-mi-ser. Les dons peuvent, en effet, bénéficier d'une pratique réduction d'impôts à hauteur de 66 %. Pour récolter les fonds, les dix associations sélectionnées sont quant à elles priées de se vendre en pitchant leur projet sur scène. Refuser ce cirque n'est pour beaucoup pas une option, tant leur activité ne tient qu'à un fil. Face à la baisse chronique des subventions, aux refus de financement lorsque jugées « trop militantes »4 et à leur mise en concurrence par des appels à projets, les assos se tournent logiquement vers de nouvelles sources d'argent, en fermant souvent les yeux sur leurs origines. Dans le panel des associations sélectionnées pour l'évènement, on trouve des structures aux activités sans lien avec l'extrême droite, certaines soutenant mordicus ne jamais avoir entendu parler des « dessous » des Nuits du Bien Commun. D'autres, en revanche, sont pointées du doigt pour être « proches des milieux conservateurs et [servir] de véhicule aux idées d'extrême droite », affirme une membre d'ASSO Solidaires 13 lors de la journée. C'est le cas de La Visitation, un foyer d'accueil de jeunes femmes enceintes isolées, dont le projet est porté par l'association La Maison de Marthe et Marie, accusée d'être proche des milieux antiavortement5. « La Nuit du Bien Commun permet de banaliser une idéologie réactionnaire et conservatrice, continue la syndicaliste. En noyant le poisson au nom de la bienfaisance c'est en réalité Stérin qui tisse la toile de son projet. »
Périclès, pour « Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes »
Son projet, c'est celui qu'a révélé L'Humanité en 2024 et qui porte le nom de Périclès, pour « Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes ». Doté d'un budget de 150 millions d'euros, l'objectif est assumé : « permettre la victoire idéologique, électorale et politique » de l'extrême droite en luttant « contre les maux principaux de notre pays (socialisme, wokisme, islamisme, immigration) ». Depuis ces révélations, les mobilisations s'enchaînent pour faire annuler les Nuits du Bien Commun. Espérant calmer le jeu, Stérin décide de se retirer du conseil d'administration en juin 2025. Mais personne n'est dupe : « de proches collaborateurs continuent d'y siéger », explique une déléguée à la CGT Spectacle. La personne ayant pris la direction du fonds depuis 2023 n'est autre que François Morinière, président du directoire du groupe Bayard, éditeur de titres tels que Le Pèlerin, et copain de Stérin. Et continue : « Il garde aussi la main sur Obole, la société qui produit les Nuits du Bien Commun, et sur Otium, le fonds d'investissement qui la finance. »
Voici donc, entre autres projets nauséabonds, comment Périclès s'y prend pour « faire gagner l'extrême droite dans les têtes et dans les urnes »6. Les soirées du Bien Commun sont l'occasion pour Stérin de réunir dans un cadre idéal mécènes, responsables associatifs et élu·es qui partagent ses idées, pour élargir son réseau d'influence et structurer ses troupes. Investir le domaine de l'action sociale et le milieu associatif n'est pas un hasard. C'est en s'ancrant dans le débat public au travers de problématiques qui font consensus – le social, l'éducation, la jeunesse… – que l'extrême droite espère remporter la bataille. Financer quelques associations caritatives permet de maquiller cette tambouille pas très nette, sous un vernis de « bien commun ». Une tactique parmi les nombreuses autres que le « saint patron de l'extrême droite » décline à toutes les sauces : médias, culture, finance, enseignement… De quoi nous rendre salement malades.
Lundi 6 octobre, au petit matin, une trentaine de personnes se postent à proximité de la salle de spectacle d'Aix-en-Provence, le 6MIC. Depuis plusieurs mois, des organisations syndicales (CGT, CNT, Solidaires) et politiques et des groupes militants contre l'extrême droite s'activent dans l'ombre. En résulte « un tissu dense mobilisé et plusieurs entrées pour mettre la pression », nous glisse un affilié d'ASSO Solidaires 13 rencontré sur place. La combine, c'est un road crew, composé de huit technicien·nes intermittent·es du spectacle, qui a réussi à se faire embaucher à la journée pour le montage de l'évènement. À 8 heures, après signature de leur contrat, iels débrayent et se mettent en grève. Le piquet installé, les soutiens débarquent. Devant le peu de réactions de l'équipe de production (surstaffée) d'Obole et de la direction du 6MIC, les travailleur·euses décident de migrer dans le bâtiment et d'occuper la scène pour mettre la pression et jouer à la coinche (véridique). Iels y resteront jusqu'à la fin de la mobilisation. Pendant ce temps, à l'extérieur, une centaine de personnes a répondu présente à l'appel à un contre-rassemblement. Alors que le groupe se met en marche vers la salle de spectacle, la nouvelle tombe : la soirée est annulée sur place et sera organisée en ligne. La raison ? Protéger « l'intégrité physique » des participant·es menacée par « nos amis de la CGT [sic], accompagnés par des groupuscules d'extrême gauche », explique le mail diffusé par la production une heure avant que l'évènement ne démarre. Victoire ! Pas démobilisé pour autant, le cortège décide de rejoindre le piquet de grève qui tient toujours, escorté sous bonne garde par les dizaines de CRS présents. Une heure durant, les chants fusent dans la bonne humeur, jusqu'à ce que, l'annulation de la soirée confirmée, les huit mousquetaires quittent enfin leur estrade et rejoignent la foule acclamé·es par des « Gloire, gloire aux camarades grévistes ! »
1 Guillaume Richard, conseiller municipal Horizons de Nantes, dans l'absurde « La gauche déteste la Nuit du Bien Commun parce que cet événement montre qu'on peut mobiliser des fonds sans argent public », site du Figaro (05/06/2025).
2 Lire la série d'articles « Pierre-Édouard Stérin, saint patron de l'extrême droite française », site de L'Humanité.
3 À Rouen, en juin, la soirée a dû être déplacée dans un lieu privé après que la Métropole a renoncé à accueillir l'évènement. À La Rochelle, deux associations ont annulé leur participation. À Tours, Lyon et Nantes, les contre-rassemblements ont perturbé les soirées.
4 « Comment les préfectures censurent en amont les demandes de subventions associatives », Mediapart (15/10/2025).
5 « “La Région doit arrêter de soutenir des associations anti-IVG” », Le Parisien (22/11/2017).
6 Selon la formule de l'Huma.
08.11.2025 à 00:30
John Marcotte
Suite aux massives manifestations organisées un peu partout aux États-Unis le samedi 18 octobre, notre correspondant dans le pays, John Marcotte, nous a fait parvenir quelques pistes de réflexion. Il y est question des résistances au triomphe du fascisme et des moyens de hisser la lutte à un niveau supérieur. Les gens sont toujours heureux de descendre dans la rue dit-on souvent. Et c'est bien ce sentiment qui animait les très nombreux rassemblements du samedi 18 octobre. L'enthousiasme (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Mortimer
Suite aux massives manifestations organisées un peu partout aux États-Unis le samedi 18 octobre, notre correspondant dans le pays, John Marcotte, nous a fait parvenir quelques pistes de réflexion. Il y est question des résistances au triomphe du fascisme et des moyens de hisser la lutte à un niveau supérieur.
Les gens sont toujours heureux de descendre dans la rue dit-on souvent. Et c'est bien ce sentiment qui animait les très nombreux rassemblements du samedi 18 octobre. L'enthousiasme était général, symbolisé par les innombrables manifestants déguisés en grenouilles1. En réaction, « l'aile blanche »2 a tiré la sonnette d'alarme, évoquant des villes sur le point de sombrer dans les flammes et un mouvement « No Kings »3 ultra-violent. À tel point que des gouverneurs stupides, comme celui du Texas ou de l'Oklahoma, ont mobilisé la garde nationale afin d'encadrer les manifestations. Cela n'a pas empêché les manifestants de chanter, danser, se moquer du pouvoir ou parader dans des costumes d'animaux, mettant en lumière le ridicule de ce régime.
Il nous faut reconstruire nos bases, parce que la radicalité politique s'est perdue à mesure que notre mémoire s'effaçait
Combien de personnes dans les rues ? Certains ont posé le chiffre de sept millions, d'autres de huit. C'était en tout cas énorme. La police est restée en retrait, sans la moindre arrestation à signaler. Au lendemain de l'événement, un constat s'imposait : nous avons le nombre, ils ont le pouvoir… Pour l'instant. Cela pourrait changer si nous cessions le travail et reprenions le vieux slogan de l'IWW (Industrials Workers of the World)4 : « Gardez vos mains dans vos poches ».
Pour penser la prochaine étape, gardons en tête qu'il n'y a rien à attendre du gouvernement fédéral, mais que nous sommes loin d'avoir les capacités organisationnelles et politiques nécessaires à une grève générale. Par contre, les citoyens de chaque État peuvent faire remonter des exigences à leurs gouvernements locaux pour les inciter à agir. Si le véritable changement passera par un blocage de tout le pays, cela implique de consolider nos positions et nos outils collectifs. Il nous faut reconstruire nos bases, parce que la radicalité politique s'est perdue à mesure que notre mémoire s'effaçait. Voilà pourquoi nous devons d'abord envisager de nous appuyer sur la législation des États fédérés. Cela permettrait de mettre des bâtons dans les roues de l'ICE et de gagner du temps. Des États particulièrement riches comme la Californie, le Massachusetts ou New York disposent en effet d'un pouvoir économique énorme. Or, leurs impôts financent les fascistes. Dans le même temps, certains, à l'image du Vermont, disposent de lois fédérales bafouées par l'ICE – défoncer les portes et faire irruption sans mandat y est illégal, de même que kidnapper ou discriminer selon les races. Mais ils peinent à les faire respecter. La Californie a interdit que la police soit masquée, tandis que New York, le Massachusetts et le Vermont vont instaurer des lois similaires. Mais une question se pose : vont-ils faire appliquer cette mesure ? Pas sans des manifestations massives.
La seule bonne chose issue de Trump ? Il a prouvé qu'il est illusoire d'entretenir toute forme d'illusion envers le Parti démocrate et ses élites
Le vaste mouvement de désobéissance civile qu'il faut initier pourrait s'appuyer sur ces instances étatiques. Rappelez-vous l'opposition de la rue et des gouvernements locaux à la Loi sur les esclaves fugitifs avant la guerre civile. Car, oui, l'époque actuelle rappelle en certains points les années 1850, quand la nation s'est fracturée. Il règne aujourd'hui une véritable colère envers le pouvoir central fasciste. Le mot d'ordre : pas question qu'il nous dicte nos comportements. Cette colère est également déployée contre les États fascistes qui envoient leurs soldats mettre au pas les villes à forte population noire et latina, ainsi que contre les leaders régionaux craignant de vraiment s'opposer malgré le pouvoir dont ils disposent – police d'État [...], lois ou tribunaux. Les opposants veulent que leurs « meneurs » mènent la danse, d'où la rage accumulée à l'égard des Démocrates. La seule bonne chose issue de Trump ? Il a prouvé qu'il est illusoire d'entretenir toute forme d'illusion envers le Parti démocrate et ses élites, dont la probité s'effiloche comme des chaussettes bon marché : politiciens, universités et groupes médiatiques courbent tous l'échine devant lui. Les gens prennent chaque jour plus conscience qu'ils forment un peuple et qu'au niveau national il n'y a rien à attendre des grands et des « puissants ».
Même si cet appel aux États fédérés ne pourra en aucun cas se substituer à la grève générale, il pourrait marquer le début d'un réveil général
Au final, le constat sera sans doute le même pour les États fédérés, mais ils sont plus accessibles et plus aisés à renverser. En tout cas, je ne pleurerais pas si Trump finit par provoquer l'éclatement de l'empire. Les habitants du nord-est partagent davantage culturellement et politiquement avec le Québec qu'avec le Mississippi. Autre absurdité : le Massachusetts envoie les impôts qu'il collecte à Washington, afin que l'État fédéral puisse le redistribuer au Mississippi, où l'école enseigne désormais aux enfants que l'esclavage était une bonne chose.
Même si cet appel aux États fédérés ne pourra en aucun cas se substituer à la grève générale, tout spécialement pour ce qui est de frapper les élites au niveau du portefeuille (à l'image du mouvement « À bas Tesla » qui a sérieusement déstabilisé Musk), il pourrait marquer le début d'un réveil général. Première étape : aiguiser nos revendications et militer pour que cesse la chasse aux plus vulnérables des travailleurs, à savoir les migrants. Dans tous les cas, c'est une idée qui mérite d'être étudiée. Beaucoup parlent de construire un pouvoir parallèle sous forme d'une alliance entre États antifascistes, au moins en matière économique et politique. Il s'agirait de protéger la santé publique, les écoles, les fonds d'aide aux victimes de catastrophe, les campagnes vaccinales, etc., domaines tous mis à mal par le pouvoir fédéral. Pourquoi envoyer de l'argent à un gouvernement fasciste quand notre population en a besoin localement ?
Beaucoup parlent de construire un pouvoir parallèle sous forme d'une alliance entre États antifascistes, au moins en matière économique et politique
Parlons désormais de Mamdani5, de New York City et de Wall Street. Le mois dernier a été organisée une manifestation intitulée « Que les milliardaires payent ». Un rassemblement éludant malheureusement toute réflexion sur la question de la baisse des taux de profit. Or, c'est un point fondamental : si les ultra-riches devaient évidemment payer davantage de taxes, cela ne réglerait pas le problème que pose une économie capitaliste en plein déclin, qui se répercutera sur les plus pauvres [...]. Trop de gens se focalisent uniquement sur Trump ou pensent que nos problèmes seront résolus si les riches et les entreprises payent leurs impôts, avec pour modèle la sociale démocratie à la Bernie Sanders ou Mamdani. Certes, cette perspective est bien plus désirable que l'austérité néolibérale, sans parler du fascisme. Et je souhaite évidemment que Mamdani l'emporte. Mais à moins que des réformes pavent la voie à un mouvement prônant un changement radical, nous resterons condamnés au marasme politique. Ceci dit, le dogmatisme n'est en rien une solution. Difficile de suivre les gauchistes purs et durs qui refusent de soutenir toute cause n'étant pas purement révolutionnaire – ceci même dans l'éventualité où une réforme permettrait à un million d'enfants de s'alimenter ou à de nombreux exilés d'échapper à l'expulsion. Plongés dans un horizon abstrait et intellectualisé, ils ne voient pas que d'innombrables personnes sont en danger.
Cela ne doit pas nous empêcher de souligner les conséquences de la chute du taux de profit. Il est clair que le capitalisme contemporain ne peut pas mettre en place l'équivalent des réformes keynésiennes prises au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, malgré les immenses fortunes individuelles accumulées durant le second Âge d'Or6 que nous traversons. Même si ces fortunes sont confisquées, cela ne suffira pas à renflouer le capital et à perpétuer le système, si bien que ce seront les travailleurs qui payeront les pots cassés. [...] Hormis les marxistes, personne ne semble en prendre conscience, l'attention étant focalisée sur les excès des ultra-riches. C'est frustrant.
1 Ce déguisement a été popularisé depuis qu'une vidéo d'un agent fédéral gazant un manifestant en grosse grenouille gonflable à Portland (Oregon) est devenue virale. L'idée de se déguiser en costume d'animaux gonflables s'est ensuite diffusée aux marches No Kings.
2 C'est ainsi qu'Elie Mystal de l'hebdomadaire The Nation désigne les conservateurs.
3 Le mouvement No Kings (Pas de Rois) consiste en une série de manifestations contre l'administration Trump, dont la première a eu lieu le 14 juin dernier.
4 Syndicat international fondé en 1905 aux États-Unis, très offensif et radical jusqu'à son déclin au milieu des années 1920.
5 Jeune étoile montante du Parti démocrate dont il incarne l'aile gauche qui se présente aux élections municipales de New York, dont le résultat sera connu le 4 novembre.
6 Référence à un premier « guilded age », période de prospérité et d'augmentation des inégalités s'étalant des années 1860 au début du XXe siècle.
08.11.2025 à 00:30
Gaëlle Desnos
À Bruxelles, un jeune palestinien et militant, Mahmoud Ezzat Farag Allah, est mort le 7 octobre dernier. Il était détenu depuis trois mois dans un centre fermé. Son décès survient alors que, depuis septembre, la police multiplie les rafles en marge des rassemblements quotidiens pour la Palestine. 8 octobre, place de la Bourse, Bruxelles. Ce soir-là, le pavé paraît plus froid, les slogans plus graves. Les militants palestiniens et leurs alliés encaissent. Ils viennent d'apprendre la mort de (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Garte, Actualités
À Bruxelles, un jeune palestinien et militant, Mahmoud Ezzat Farag Allah, est mort le 7 octobre dernier. Il était détenu depuis trois mois dans un centre fermé. Son décès survient alors que, depuis septembre, la police multiplie les rafles en marge des rassemblements quotidiens pour la Palestine.
8 octobre, place de la Bourse, Bruxelles. Ce soir-là, le pavé paraît plus froid, les slogans plus graves. Les militants palestiniens et leurs alliés encaissent. Ils viennent d'apprendre la mort de Mahmoud Ezzat Farag Allah, 26 ans et détenu depuis trois mois au 127bis de Steenokkerzeel, l'un des six centres fermés1 de Belgique. Il se serait donné la mort dans la nuit du 6 au 7 octobre. Le jeune gazaoui était un habitué de la Bourse, devant laquelle des rassemblements quotidiens sont organisés contre le génocide en Palestine. À la douleur provoquée par sa disparition, s'ajoute une nervosité diffuse parmi les participants. Depuis quelques mois un même scénario se répète : des demandeurs d'asile palestiniens quittent seuls la place de la Bourse à pied, et sont raflés par la police. Pour les militants, le message est clair : la répression contre leur mouvement vient de monter d'un cran.
D'après le média flamand indépendant MO*, Mahmoud était poursuivi par le Hamas en tant que membre du Fatah (branche de l'Organisation de libération de la Palestine). En 2022, il avait obtenu le statut de réfugié en Grèce, pays plusieurs fois condamné par la Cour européenne des droits de l'homme pour les conditions de vie épouvantables qu'il réserve aux demandeurs d'asile.
« La santé mentale de Mahmoud était fragile. En détention, il avait fait plusieurs tentatives de suicide »
En Belgique, où il vivait depuis trois ans, Mahmoud avait déposé cinq demandes d'asile, dont la dernière avait été rejetée par l'Office des étrangers juste avant sa mort, le 2 octobre.
Les circonstances de son arrestation sont peu claires : il aurait été mis en détention après avoir été admis aux urgences de l'hôpital Saint-Jean de Bruxelles à cause d'une overdose d'anxiolytique… Et celles de sa mort ne le sont pas plus. « La santé mentale de Mahmoud était fragile, explique Émeline, qui accompagne Husameddine, un autre détenu palestinien du 127bis. En détention, il avait fait plusieurs tentatives de suicide. Dans ces cas-là, on te place à l'isolement avec sédation poussée. » C'est ce qui est arrivé à Mahmoud : isolé tout le week-end à cause d'une énième tentative de suicide, il en serait sorti « catastrophé » et « stressé » d'après ses codétenus. L'un d'eux l'a vu fumer 18 cigarettes d'affilée, le regard vide. « Avec tous ces médocs, il est possible qu'il ait fait une nouvelle overdose, poursuit Émeline. En tout cas, on voulait qu'il y ait une autopsie. Mais le centre a précipité les funérailles. Ils ont dit qu'il y aurait une enquête interne, mais on sait déjà comment ça va se terminer. »
« C'était quelqu'un qu'on connaissait, confie une militante. Ça fait très mal au cœur. Nous aussi on a nos enfants et quand on voit ce jeune qui a souffert, loin de ses parents, c'est dur. » Place de la Bourse, l'hommage à Mahmoud se fait avec des photos, des bougies, des chants et quelques larmes dissimulées. Cette mort, c'est de l'horreur ajoutée à l'horreur. Celle que vivent les Palestiniens là-bas, mais aussi celles que vivent les Palestiniens ici. Car elle intervient au moment où, depuis septembre, le nombre d'arrestations en marge des rassemblements s'est multiplié, et avec elles, les incarcérations d'office en centre fermé.
Depuis septembre, le nombre d'arrestations en marge des rassemblements s'est multiplié, et avec elles, les incarcérations d'office en centre fermé
« Il y a eu quelques interpellations avant, mais ça ne nous a pas tout de suite alertés. Puis la série a commencé : d'abord il y a eu Anas, ensuite Fathi, Husam, Hamouda, Husameddin, Ali, Mahmoud et enfin Ahmed », énumère Émeline, dépitée. Quasi que des vingtenaires. Une petite bande qui venait régulièrement à Bourse pour mettre l'ambiance et jouer de la musique. « Avec les arrestations, ils ont commencé à avoir peur de rentrer chez eux tous seuls, témoigne une habituée. On devait les raccompagner. »
Émeline dit avoir eu confirmation auprès d'élus de la commune et de députés fédéraux : le bourgmestre Philippe Close, qui n'a de socialiste que le nom, aurait transmis une liste de participants aux rassemblements à l'Office des étrangers et à la police. De son côté, début septembre, le chef de file des libéraux de la ville David Weytsman encourageait Philippe Close dans la presse à interpeller « ces illégaux » et à les envoyer « directement en centre fermé puis dans leur pays ». Pourtant les Palestiniens arrêtés sont en règle : aucune obligation de quitter le territoire, leurs démarches de demandes d'asile sont à jour. « Les avocats m'ont dit que les dossiers étaient vides, rage Émeline. Juste le dossier d'asile et des numéros de procès-verbaux sans aucune preuve. » Pour la plupart, les motifs d'interpellations se situent entre le très obscur « trouble à l'ordre public » et « rébellion » ou « menace ». Flous, mais suffisants pour accélérer certaines procédures, comme l'expulsion. Et avant : un passage obligé dans l'infamie des centres fermés, celle qui aura conduit Mahmoud à la mort.
Dispatchés dans plusieurs d'entre eux, les jeunes enfermés crient leur colère et se soutiennent malgré l'éloignement. Certains ont entamé une grève de la faim. Quant à ceux qui sont encore dehors, ils se font leur porte-voix, sans jamais désarmer.
1 Équivalent belge des Centres de rétention administrative (CRA) français.
08.11.2025 à 00:30
Ce numéro de novembre s'attaque de front à la montée de l'extrême droite et à ses multiples offensives dans le milieu associatif et culturelle. On enquête sur les manœuvres des milliardaires réactionnaires, l'entrisme dans la culture et les assauts contre les assos dans le dossier central. Hors-dossier, on vous parle des les alliances nauséabondes entre hooligans, criminels et pouvoir en Serbie, on prend des nouvelles des luttes, de Bruxelles aux États-Unis, en faisant un détour par Exarchia (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025) / Sommaire, Élias
Ce numéro de novembre s'attaque de front à la montée de l'extrême droite et à ses multiples offensives dans le milieu associatif et culturelle. On enquête sur les manœuvres des milliardaires réactionnaires, l'entrisme dans la culture et les assauts contre les assos dans le dossier central. Hors-dossier, on vous parle des les alliances nauséabondes entre hooligans, criminels et pouvoir en Serbie, on prend des nouvelles des luttes, de Bruxelles aux États-Unis, en faisant un détour par Exarchia et par la Fada Pride qui renaît à Marseille. Et pendant qu'on documente la bagarre, le Chien rouge tire la langue : nos caisses sont vides. On lance donc une grande campagne de dons. Objectif : 30 000 euros, pour continuer à enquêter, raconter, aboyer. CQFD compte sur vous !
Quelques articles seront mis en ligne au cours du mois. Les autres seront archivés sur notre site progressivement, après la parution du prochain numéro. Ce qui vous laisse tout le temps d'aller saluer votre marchand de journaux ou de vous abonner...
En couverture : « Bataille culturelle : l'extrême droite entre en scène » par Elias
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– Nuit du Bien Commun : main basse des fachos sur les assos – Le 6 octobre devait se tenir à Aix-en-Provence la Nuit du Bien Commun, une soirée de levée de fonds pour des assos initiée par le milliardaire d'extrême droite Pierre-Édouard Stérin. Pas de charité désintéressée ici, mais une énième opération d'influence au service de son projet bien réactionnaire. Décryptage.
– De l'art et des cochons – Au pays de l'exception culturelle, les politiques publiques sabordent le budget de la culture, ouvrant un boulevard aux fortunes privées et à l'extrême droite pour faire de l'entrisme. Dans ce secteur, l'union des droites est déjà consommée. En Provence-Alpes-Côte-d'Azur, la « Trajectoire Valeurs » de Renaud Muselier déclare la guerre au « wokisme ».
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– Pour le chien rouge : le flouze ou la piquouze – On a regardé partout : sous le matelas, dans les bas de laine, sur les comptes helvètes. Le constat est sans appel, CQFD est à sec, plus un kopeck. Alors, nous lançons une grande campagne de levée de fonds durant les trois prochains mois. Objectif : 30 000 euros. Pour que vive le chien rouge, donnez-lui des croquettes !
– Exarchia sans les condés - « Vivre sans police ? […] C'est bien beau mais comment ? […] Et pourquoi ? Tout le monde trouve-il vraiment la police superflue ? ». Voilà quelques-unes des interrogations qui traversent Vivre sans police (Agone, octobre 2025), de l'ami Victor Collet, consacré aux lendemains des émeutes de décembre 2008 à Athènes. Pour focale, le mythique quartier d'Exarchia niché au cœur de la capitale, qui a un temps résisté à l'invasion policière.
– Serbie : hooligans, criminels et police main dans la main – Depuis son accession au pouvoir, le président serbe Aleksandar Vučić joue les gros bras en intégrant des hooligans et des criminels dans son système répressif. Mais depuis un an les Serbes n'ont plus peur et occupent la rue. Son système mafieux perd pied !
– 8 millions dans la rue – et après ? – Suite aux massives manifestations organisées un peu partout aux États-Unis le samedi 18 octobre, notre correspondant dans le pays, John Marcotte, nous a fait parvenir quelques pistes de réflexion. Il y est question des résistances au triomphe du fascisme et des moyens de hisser la lutte à un niveau supérieur.
– Recueil des peines Mirabeau – Au nord de Marseille, dans la commune des Pennes-Mirabeau, un projet de data center affole les riverain·es. Une enquête publique collecte les contributions en ligne jusqu'au 22 décembre. L'occasion de comprendre avec quels mots la contestation sociale se révèle sur la plateforme.
– Football social à l'irlandaise – Face à la décadence du sport professionnel soumis aux règles capitalistes, des Irlandais·es luttent à contre-courant pour bâtir un autre modèle. À Dublin, le Bohemian Football Club, détenu entièrement par ses fans, se mobilise pour redéfinir l'utilité sociale du sport en soutenant diverses causes, dont celle des Gazaoui·es.
– Grève lucide pour la Palestine – Après une décennie blanche, le syndicalisme combatif de nos voisins d'outre-Pyrénées a renoué avec la stratégie de la grève nationale le 15 octobre dernier pour s'opposer au génocide en Palestine. Nous revenons sur ces mobilisations depuis la banlieue madrilène de Getafe.
– Abandon du 49.3 : merci patron ! – La macronie, ou du moins ce qu'il en reste, nous avait promis un budget « du dialogue ». Le 49.3 ? Mis au placard, juré craché, foi de Lecornu. Mais pourquoi s'en servir et risquer la censure quand on dispose d'un arsenal juridique complet pour neutraliser le Parlement ?
– L'État belge assassine les enfants de Gaza – À Bruxelles, un jeune palestinien et militant, Mahmoud Ezzat Farag Allah, est mort le 7 octobre dernier. Il était détenu depuis trois mois dans un centre fermé. Son décès survient alors que, depuis septembre, la police multiplie les rafles en marge des rassemblements quotidiens pour la Palestine.
– Fiertés folles – Après près de dix ans d'absence, la Fada Pride marseillaise renaît. À la barre : les fous, les folles, les fatigués de la psy et de ses éternels dysfonctionnements, les énervés de la violence sociale sans cesse reconduite.
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– Lu dans... | En Allemagne, un projet discriminant de lutte contre l'antisémitisme - Le média d'investigation indépendant allemand Correctiv révèle ce mois-ci les dessous d'un plan de lutte contre l'antisémitisme soutenu par le ministre de la Recherche qui cible spécifiquement les jeunes musulmans.
– Sur la Sellette | Protéger les consommateurs – En comparution immédiate, on traite à la chaîne la petite délinquance urbaine, on entend souvent les mots « vol » et « stupéfiants », on ne parle pas toujours français et on finit la plupart du temps en prison. Une justice expéditive dont cette chronique livre un instantané.
– Échec scolaire – Loïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
– Capture d'écran | Tuanbo : danse ou crève – Les bas-fonds des réseaux sociaux, c'est la jungle, un conglomérat de zones de non-droits où règnent appât du gain, désinformation et innovations pétées. Dernière nouveauté sur Douyin, la version chinoise de TikTok : des jeunes aspirant·es idoles crament leur santé pour danser non-stop en live.
– Peine perdue | La prison en feu ? – Luno est bénévole en prison, et nous en livre un aperçu chaque mois. Un regard oblique sur la taule et ses rouages, par quelqu'un qui y passe mais n'y dort pas. Premier épisode : trouver ses marques.
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– On n'achève pas les punks – D'aucuns disent de lui qu'il est « l'écrivain inconnu le plus connu d'Amérique ». Et qu'on ne saurait trouver meilleur conteur de l'histoire des squats bordéliques et des boucans punks. Pas faux. Ajoutons qu'après avoir lancé son iconique et pétaradant fanzine Cometbus au début des années 19801, Aaron Cometbus n'a rien lâché. Dans Post-mortem, il déroule l'une de ses obsessions : que reste-t-il des utopies underground fréquentées au fil des décennies ?
– Décathlon K.O. par abandon face à Oxygène – Empêcher la construction d'un méga centre commercial porté par Décathlon, mission impossible ? Après sept ans de lutte, de réunions, de mobilisations, de recours judiciaire, le collectif Oxygène a réussi à faire plier le géant du sport à Saint-Clément-de-Rivière. La BD Une victoire sur le béton (Le Passager clandestin) raconte leur combat acharné.
– Abysses au pays des merveilles - Invitée à documenter le travail de scientifiques explorant les fonds marins, Corinne Morel-Darleux en a tiré un petit livre aussi révolté que vivifiant : Du fond des océans, les montagnes sont plus grandes. Alors que les océans sont saccagés par les activités humaines, elle livre un plaidoyer vibrant pour leur sauvegarde. Plongée sous-marine.
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– L'édito – Le brame du chef
– Ça brûle ! – Et ça gratte
– L'animal du mois – L'inestimable hirondelle
– Abonnement - (par ici)
1 Pour une description énamourée de son approche de la micro-édition, lire « Les fanzines ont des ailes (les punks et les bouquinistes aussi) », CQFD n°205 (janvier 2022).
04.11.2025 à 11:47
On a regardé partout : sous le matelas, dans les bas de laine, sur les comptes helvètes. Le constat est sans appel, CQFD est à sec, plus un kopeck. Alors, nous lançons une grande campagne de levée de fonds durant les trois prochains mois. Objectif : 30 000 euros. Pour que vive le chien rouge, donnez-lui des croquettes ! Nous sommes en l'an de grâce 2025 après Jésus-Christ. Les kiosques du Royaume sont tous entièrement occupés par la presse réactionnaire et patronale. Entièrement ? Non, pas (…)
- CQFD n°246 (novembre 2025)
On a regardé partout : sous le matelas, dans les bas de laine, sur les comptes helvètes. Le constat est sans appel, CQFD est à sec, plus un kopeck. Alors, nous lançons une grande campagne de levée de fonds durant les trois prochains mois. Objectif : 30 000 euros. Pour que vive le chien rouge, donnez-lui des croquettes !
Nous sommes en l'an de grâce 2025 après Jésus-Christ. Les kiosques du Royaume sont tous entièrement occupés par la presse réactionnaire et patronale. Entièrement ? Non, pas encore ! CQFD s'arrache chaque mois une place au soleil, contraint cela dit de partager le crachoir avec les essuie-mains des milliardaires du pays. Chez les marchands de journaux, le Chien rouge qu'on le surnomme, est l'un des derniers à pouvoir porter une parole libre, résolument du côté des luttes et de l'émancipation. Et on va pas vous mentir, c'est pas un créneau spécialement rentable. Une fois de plus, le Chien rouge et sa langue bien pendue se retrouvent aux portes de la fourrière. Et pas d'adoption à la clef non, c'est pour l'euthanasie, la muerte. Derrière la grille, c'est un escogriffe en blouse blanche qui l'attend, rictus à la bouche et piqûre à la main. Et y aura pas de résurrection, pas de grand miracle. Peut-être que vous vous dites : oui et alors ? Des médias qui disparaissent, il y en a chaque année. C'est vrai, la disette frappe l'ensemble du secteur de la presse. Surtout lorsqu'elle est dactylographiée et que ses idées ne sont pas réactionnaires. Ceux qui survivent, pour la plupart, c'est grâce aux subventions de l'État, aux publicités ou bien aux injections de liquidités d'actionnaires friqués, tout frétillants à l'idée de pouvoir diffuser les leurs. Mais justement, dans cette bataille culturelle, il nous apparaît plus que jamais nécessaire de s'accrocher. Et de ne pas laisser le Chien rouge crever.
Défendre et contre-attaquer
Qui pour le remplacer dans les kiosques ? Qui rédigera des chroniques sur l'institution toute pétée qu'est l'éduc nat ? Qui pour se faire arrêter à la frontière américano-mexicaine et vous sortir un reportage de l'intérieur des cachots pour demandeurs d'asile de l'Oncle Sam ? Qui pour rager contre l'intersyndicale qui nous met dedans à chaque mouvement social ? On l'a dit, on ne croit pas aux miracles. En revanche, on croit que les humains ont ceci de particulier qu'ils sont capables d'influencer par leurs actions individuelles, leur trajectoire commune. Comme de réussir à faire vivre des idées et des paroles à rebours des vents dominants, lorsque tout pousse à ce qu'elles soient réduites au silence.
C'est pour continuer ce travail acharné que le 1er novembre, nous avons lancé une méga campagne de financement. On l'a appelée Ce Qu'il Faut Défendre (CQFD). Parce qu'aujourd'hui, contre l'offensive des milliardaires dans la sphère médiatique, il faut mieux que faire de la résistance : il faut contre-attaquer. Et pas se contenter d'une posture défensive, calquée sur l'agenda politique de Paris. Ce qu'on défend, c'est de l'info locale, de Marseille et d'ailleurs, indépendante et en format papier : presque une relique sacrée par les temps qui courent ! 30 000 pétards et des queues de cerises qu'on vise. L'objectif ce n'est pas de prolonger artificiellement de quelques mois une lente agonie, mais bien de permettre au Chien rouge de se refaire une santé. Parce qu'on pense qu'il a encore de belles années devant lui. 22 ans c'est quoi ? Même pas l'âge de Janis lorsqu'elle a passé le micro à gauche.
30 000 croquettes pour le Chien rouge
Pendant trois mois, jusqu'au 1er février 2026, on s'est fixé plusieurs paliers à atteindre. Entre 10 et 15 000 euros d'abord pour payer les factures et les trois demi-postes salariés sous-payés du journal, dont les émoluments sont actuellement tous suspendus. Notre graphiste et notre admin n'ont pas reçu un euro depuis le mois de mars et ça fait deux mois que nos secrétaires de rédaction travaillent gratos. Un bénévolat subi intenable.
La levée de fonds de l'an dernier avait pu éponger les dettes, mais pas plus. Entre-temps, comme France travail joue avec nos nerfs en changeant tous les quatre matins les conditions d'accès à son dispositif d'emplois aidés, il nous est passé sous le nez. Couic : moins 10 000 balles sur le compte. Et puis on a ouvert un nouveau poste de chargée des réseaux sociaux et du site web. Un investissement qui commence à porter ses fruits puisque les ventes en kiosques repartent doucement à la hausse (bien qu'elle non plus n'a pas reçu de salaire depuis avril). On vous épargne la tambouille interne – pas assez punk – mais sur le plan comptable aussi des choses ont été mises en place pour stabiliser les finances sur le long terme. Enfin, on aimerait pouvoir investir à nouveau dans les éditions du Chien rouge pour sortir de nouveaux livres. On voit le filet lumineux au bout du tunnel. Mais avant de parvenir à un semblant d'équilibre budgétaire qui repose sur ces investissements, on a encore besoin de vos dons : 30 000 euros et vroum, faire repartir la machine.
À vos poches
Alors, cher lectorat, les anciens, les anciennes, les nouvelles, les nouveaux, celles et ceux entre deux eaux, c'est à vous que l'on s'en remet. Il n'y a que vos dons et vos abonnements qui peuvent permettre à CQFD de persévérer dans son être. Pour les dons, ça se passe sur Helloasso ou par chèque à notre adresse (BP 70054, 13192 Marseille cedex 20). 2, 5, 10, 20, 50, 100, 500, 10 000 euros, tous les montants sont les bienvenus. Vous pouvez aussi abonner plusieurs personnes de votre entourage, vos ami·es d'accord avec le canard, ou vos ennemis, pour le plaisir. On vous aurait bien proposé d'abonner Sarko, mais depuis qu'il pionce à la Santé, il a le droit, comme tout détenu, à un abonnement gratuit, le petit veinard. Vous pouvez également prendre un abonnement avec renouvellement automatique, ce qui a la vertu non négligeable de nous permettre d'anticiper un peu sur l'avenir. Autre option : acheter des t-shirts, des livres ou nous envoyer 100 euros de jeux à gratter (attention que les tickets gagnants hein). Enfin, si vous êtes tout aussi fauché·e que nous, vous pouvez parler de notre campagne de financement à vos ami·es et aïeux mieux lotis pour les convaincre de s'abonner, d'acheter le journal ou de faire un don. Pour le Chien rouge, il n'y a plus que deux options possibles : soit c'est le flouze, soit la piquouze.
La rédaction.