18.10.2025 à 11:30
la Rédaction
Comme chaque semaine (et quelle semaine encore !), le débrief politique par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien !
17.10.2025 à 12:26
Pablo Pillaud-Vivien
En retombant dans le piège tendu par le pouvoir, le PS fragilise l’unité de la gauche. Au risque d’apparaître comme l’alibi de la Macronie…
C’est un scénario déjà vu. Et pourtant, le Parti socialiste veut y croire. Pour la deuxième fois en dix mois, la direction du PS accorde sa confiance aux promesses du premier ministre. Après François Bayrou, qui leur avait promis le retour devant le Parlement de la réforme des retraites, les socialistes créditent Sébastien Lecornu de les avoir entendus. On ne sait si hier il y eut duperie ou blocage. Et qu’en sera-t-il demain ?
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Manifestement, le PS croit encore aux paroles d’un pouvoir revenu à la raison démocratique quand depuis huit ans il n’a cessé de mépriser le Parlement, d’ignorer la démocratie sociale et de détruire les partis. On oublie trop souvent que ceux qui se veulent le centre ont besoin pour exister de la zizanie. Après le refus de la confiance au gouvernement Bayrou, la nomination du même gouvernement piloté par Lecornu I qui Lecornu II pouvait constituer un motif de censure. Une gifle démocratique.
Mais le plus pervers est ailleurs. Le pouvoir inclurait la suspension de la réforme des retraites dans le PLFSS, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Redoutable : pour faire reculer le gouvernement sur les retraites, les députés socialistes devront voter un texte qu’ils jugent eux-mêmes « plein d’horreurs ».
Pour peser, le PS devrait avaler ce qu’il entend combattre. Pour faire reculer le gouvernement sur les retraites, les députés socialistes devront voter un texte qu’ils jugent eux-mêmes « plein d’horreurs ».
Pour peser, le PS devrait avaler ce qu’il entend combattre. Dans ce vote du budget, qui sépare la majorité de l’opposition, le PS risque de se retrouver, de facto, dans la majorité présidentielle. Pour quelle justification ? Une idée aussi naïve que vaniteuse : selon la direction du PS, les débats budgétaires permettraient de « révéler le vrai visage du RN » par le jeu des amendements et des prises de parole. Comme si les électeurs votaient RN à l’insu de leur plein gré. Le « pédagogisme parlementaire » ne fera pas barrage à l’extrême droite.
Le seul barrage, c’est l’alternative de gauche, crédible. Et en politique, la crédibilité, c’est la force de rassembler sur un projet global ancré dans les luttes sociales et écologiques. L’alternative au macronisme ne se reconstruira pas sur le dialogue… avec le macronisme.
17.10.2025 à 12:25
la Rédaction
Sous couvert de « souveraineté stratégique », Bruxelles accélère son virage militariste. Cinq ans : c’est le délai que l’Union européenne se donne pour « réarmer », c’est-à-dire pour faire de la guerre une hypothèse non plus à éviter, mais à organiser. Derrière les mots de « capacité » et de « coopération industrielle » se profile un saut idéologique : celui d’un continent qui, au lieu de s’arracher à la logique des blocs, choisit d’y plonger. En intégrant l’Ukraine à son appareil productif, en coordonnant les budgets militaires, en plaçant l’industrie d’armement au cœur de son projet politique, l’UE acte que la paix n’est plus son horizon mais son alibi. Car on ne se prépare pas à la guerre pour l’empêcher, mais pour la rendre possible.
17.10.2025 à 12:24
La Rédaction
C’est un scénario déjà vu. Et pourtant, le Parti socialiste veut y croire. Pour la deuxième fois en dix mois, la direction du PS accorde sa confiance aux promesses du premier ministre. Après François Bayrou, qui leur avait promis le retour devant le Parlement de la réforme des retraites, les socialistes créditent Sébastien Lecornu de les avoir entendus. On ne sait si hier il y eut duperie ou blocage. Et qu’en sera-t-il demain ?
Manifestement, le PS croit encore aux paroles d’un pouvoir revenu à la raison démocratique quand depuis huit ans il n’a cessé de mépriser le Parlement, d’ignorer la démocratie sociale et de détruire les partis. On oublie trop souvent que ceux qui se veulent le centre ont besoin pour exister de la zizanie. Après le refus de la confiance au gouvernement Bayrou, la nomination du même gouvernement piloté par Lecornu I qui Lecornu II pouvait constituer un motif de censure. Une gifle démocratique.
Mais le plus pervers est ailleurs. Le pouvoir inclurait la suspension de la réforme des retraites dans le PLFSS, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Redoutable : pour faire reculer le gouvernement sur les retraites, les députés socialistes devront voter un texte qu’ils jugent eux-mêmes « plein d’horreurs ».
Pour peser, le PS devrait avaler ce qu’il entend combattre. Dans ce vote du budget, qui sépare la majorité de l’opposition, le PS risque de se retrouver, de facto, dans la majorité présidentielle. Pour quelle justification ? Une idée aussi naïve que vaniteuse : selon la direction du PS, les débats budgétaires permettraient de « révéler le vrai visage du RN » par le jeu des amendements et des prises de parole. Comme si les électeurs votaient RN à l’insu de leur plein gré. Le « pédagogisme parlementaire » ne fera pas barrage à l’extrême droite.
Le seul barrage, c’est l’alternative de gauche, crédible. Et en politique, la crédibilité, c’est la force de rassembler sur un projet global ancré dans les luttes sociales et écologiques. L’alternative au macronisme ne se reconstruira pas sur le dialogue… avec le macronisme.
Sous couvert de « souveraineté stratégique », Bruxelles accélère son virage militariste. Cinq ans : c’est le délai que l’Union européenne se donne pour « réarmer », c’est-à-dire pour faire de la guerre une hypothèse non plus à éviter, mais à organiser. Derrière les mots de « capacité » et de « coopération industrielle » se profile un saut idéologique : celui d’un continent qui, au lieu de s’arracher à la logique des blocs, choisit d’y plonger. En intégrant l’Ukraine à son appareil productif, en coordonnant les budgets militaires, en plaçant l’industrie d’armement au cœur de son projet politique, l’UE acte que la paix n’est plus son horizon mais son alibi. Car on ne se prépare pas à la guerre pour l’empêcher, mais pour la rendre possible.
P.P.-V.
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17.10.2025 à 12:23
Pablo Pillaud-Vivien
Au lendemain de la non-censure du gouvernement, notamment par une grande partie des députés PS, le député communiste Stéphane Peu, président du groupe GDR, est l’invité de #LaMidinale.
17.10.2025 à 11:43
Alain Bertho
En réponse au discours du premier ministre, Boris Vallaud a assumé un « pari ». Mais un pari sur quoi ? Et avec quelle mise en jeu ? Un pari sur l’avenir du PS en mettant en jeu l’unité populaire ? Car si le gouvernement joue au bonneteau, le PS, lui, a choisi la roulette russe.
« Nous ne sommes pas à parier. »
Brahim Metiba, blog de Médiapart, 15 octobre 2025
L’extraordinaire résistance du mouvement populaire à la réforme des retraites n’est-elle qu’une mise sur une table de jeu ? Quand Boris Vallaud, le 14 octobre, lance à la tribune « Nous faisons un pari, un pari risqué » pour justifier la non-censure du gouvernement Lecornu, se rend-il compte que si c’est bien lui qui parie, ce n’est pas à lui qu’il fait prendre le risque.
Le PS a fait « tapis ». Mais avec quoi ? Une richesse qui ne lui appartient pas mais qui vaut de l’or politique : la puissance et l’unité du mouvement populaire, seul véritable rempart à la fascisation, qu’il met en danger ?
Pour justifier leur refus de retourner aux urnes, le PS a bradé la seule chose qui fasse vraiment peur au pouvoir : cette résistance massive, unie et résiliente de millions d’hommes et de femmes.
En bradant le refus de la réforme des retraites au prix d’un budget de guerre sociale, sanitaire, fiscale, culturelle contre ce pays, le PS fait insulte à celles et ceux qui y luttent. Car ce champ de bataille sur les retraites n’a pas de sens pris de façon isolée. Il est justement devenu emblématique de la résistance à tout ce que le néolibéralisme finissant fait aux vies, aux corps, au peuple et à la démocratie.
La puissance que cette résistance a prise en 2023, après les mobilisations de 2016 (loi Travail), 2019 (gilet jaunes et première tentative macronienne sur les retraites), ne s’est maintenue qu’en se généralisant, qu’en se politisant jusqu’à obtenir la chute d’un gouvernement et à mobiliser largement le pays non seulement contre la réforme des retraites mais contre la totalité du budget dont les premières lignes étaient annoncées.
Voici plusieurs décennies que les peuples sont confrontés à une transformation progressive du capital décidé à se débarrasser du compromis social salarial issu du fordisme et de la négociation démocratique du consentement.
On en connaît les grandes lignes : destruction tendancielle du salariat, destruction des services publics et plus généralement de toute forme publique de solidarité dont la sécurité sociale en France est le cœur. Cette transformation se débarrasse ainsi de tout espace de négociation sociale véritable et donc de tout espace politique pour une démarche sociale-démocrate.
Le PS et son environnement (notamment la CFDT) en ont, dès le siècle dernier, tiré les leçons stratégiques. Ainsi est né le social libéralisme, stratégie du « moindre mal » : ce sera moins douloureux si c’est la gauche qui casse tout. Ainsi est née la loi travail en 2016.
Les femmes et les hommes de ce pays ont fait ainsi une double expérience : celle des mobilisations jamais victorieuses malgré leur puissance et leur soutien populaire et celle de l’absence d’interlocuteur politique fiable. En 2010, la résistance à la réforme des retraites a réuni plusieurs millions de personnes dans la rue plusieurs mois durant. En octobre, une grève reconductible avait démarré dans plusieurs secteurs notamment des transports. Certains cheminots vont jusqu’à 18 jours de grève. Rien n’a ébranlé le pouvoir. L’espoir peut se porter sur les élections de 2012 qui voient la victoire de Hollande. Ainsi est née la réforme des retraites de 2014, portée par Marisol Touraine …
Expérience de la défaite de la rue et expérience de la désillusion des urnes.
On connait le prix social de cette expérience : l’effet dévastateur du néolibéralisme, de la destruction progressive du salariat, de la désagrégation du commun institutionnalisé que sont les service publics, l’installation généralisée d’un management toxique, une dégradation de l’état sanitaire du pays, l’indifférence au réchauffement climatique et à ses effets immédiats, l’indifférence à l’empoisonnement de masse par les pesticides et l’alimentation industrielle, l’ individualisation des aides sociales. Bref une guerre de classe qui touche au vivant sous ses aspects sociaux comme ses aspects individuels.
On connait le prix politique de cette expérience du mépris démocratique, du piétinement des espoirs, du spectacle d’une bulle institutionnelle indifférente aux voix des premières et premiers concernées. Ce prix est celui notamment de la montée et de l’installation du RN.
Mais, au-delà du ressentiment politique et du ressentiment contre la politique, cette expérience, sur plus d’une génération a été le creuset d’une nouvelle culture collective. Cette nouvelle culture a deux dimensions. Elle est faite d’un refus de la délégation, de la volonté d’aller au bout de ses actes de résistances, de franchir la frontière du domaine réservé de la politique pour y imposer l’enjeu de la vie dans toutes ses dimensions. Elle est aussi portée pas une volonté d’unité populaire à l’aune de l’unité du vivant et de ses enjeux. Elle incarne ainsi un peuple politique, un demos en devenir seul capable de s’opposer à l’ethnos, le peuple politique identitaire porté par l’extrême droite.
Telle est sans doute la novation la plus importante qu’a incarné et exprimé le mouvement des gilets jaunes en 2019 autant par le refus de tout porte-parole, par la mise en place des Assemblées des Assemblées que par les gestes symboliques de solidarité avec les élèves de Mantes la Jolie humiliés collectivement par les forces de l’ordre.
Une bascule s’est opérée durant cette année de chaos politique et de crise de régime : faute de points d’appui fiable du côté de l’unité partisane, le mouvement populaire en est train de devenir un acteur politique à part entière.
Certes, la résistance n’avait pas désarmé. Malgré le passage en force, malgré la soumission du Conseil constitutionnel, malgré l’échec du Référendum d’Initiative Partagé, malgré les passe-passe parlementaire qui ont empêché l’abrogation par la nouvelle assemblée, deux ans après la première mobilisation, la détermination et l’intransigeance populaire est intacte. La réforme des retraites continue de trôner au milieu de l’arène politique.
Mais, par touches successives, la résistance a pris une autre dimension. L’élan de 2023, de sa force unitaire comme de ses connexions avec d’autres résistances notamment écologiques (Sainte-Soline) a forcé la main des partis pour la création du NFP. Un an plus tard, quand ce dernier est parti en morceaux, déchiré par des tactiques parlementaires autocentrées, après qu’une pétition contre une loi écocidaire recueille deux millions de signatures en plein été, l’unité populaire s’est manifestée dans la rue les 10 et 18 septembre comme le 2 octobre.
On a vu ainsi un premier ministre se faire hara-kiri à la seule annonce d’un mouvement social le 8 septembre.
On a vu un mouvement de grèves et de mobilisation massif contre le projet de budget dans sa globalité, ce qui constitue sans doute une première historique dont on a pas encore mesuré la portée.
C’est ainsi et pas autrement que la question de la réforme des retraites est devenue la pierre de touche incontournable de l’accord de cessez-le-feu parlementaire entre le PS et la Macronie. Les uns ne pouvant pas faire autrement que d’en parler, les autres que de faire semblant d’entendre.
Ne nous y trompons pas en effet : toute cette palinodie n’est que l’effet de la puissance du mouvement populaire dans la bulle parlementaire, à la fois preuve de cette puissance et preuve de l’incomparable effet assourdissant de la bulle pour celles et ceux qui y passent leurs journées.
Après des décennies de défaites sociales successives, le mouvement populaire est en mesure de peser sur l’agenda institutionnel.
Mais dans son marchandage avec le macronisme sur les retraites, le PS s’est saisi du symbole du soulèvement du vivant et a transformé l’or en pierre. Il en a fait un élément isolé de revendication négociable pour des enjeux purement parlementaires. Il l’a violemment dépolitisé.
Une nouvelle séquence s’ouvre. Celles et ceux qui pensent avoir « sauvé la stabilité » ont sauvé la continuité d’une guerre de classe sans merci. Le tour de passe-passe de la ‘suspension » s’accompagne du gel des prestations sociales, de la désindexation des pensions, du matraquage fiscal des retraités, de la taxation des malades longue durée, de la suppression de 3000 postes dans la fonction publique, du doublement des franchises médicales, de la baisse du budget de la santé, de l’absence de taxation des ultra riches, du maintien des aides à fonds perdu pour des entreprises et donc pour les actionnaires, du maintien de l’inaction climatique et des lois écocidaires, d’une menace confirmée sur la culture et l’information. Sans compter Nunez à l’Intérieur et Darmanin à la Justice !
Pire : comme l’a déjà fait Lecornu dans le débat du 14 octobre, le gouvernement va convoquer la soi-disant coûteuse suspension pour légitimer les hausses d’impôts et les coupes budgétaires dans une pédagogie implacable du désespoir.
Celles et ceux qui pensent étonnamment avoir donné un répit à la démocratie en évitant des élections législatives vont donner du grain à moudre à bon compte à la fascisation rampante et du temps à la réalisation de l’union des droites que les dirigeants LR appellent de leurs vœux.
Le pari de Boris Vallaud ressemble à s’y méprendre à la roulette russe et le canon est pointé sur la tempe du pays.
Celles et ceux qui pensent avoir gagné temps et posture pour monter des échafaudages stratégiques présidentiels vont devoir affronter des temps troublés. Pour une écurie présidentielle, un an et demi c’est très court. Pour un pays promis au régime du budget Lecornu, c’est une éternité de douleur.
Comme le dit Myriam Bregman du parti des travailleurs socialistes argentin en lutte contre le président Milei : « Tout le monde cherche une alchimie électorale mais on ne peut éviter de lutter ».
L’alternative politique à ce désastre devra être la hauteur de ce que porte déjà la résistance.