
16.12.2025 à 13:38
la Rédaction
Assimiler les juifs à des génocidaires, ou l’antisémitisme à la défense des droits des Palestiniens, ne mène qu’à l’impasse. Les amalgames ne répondent à aucune urgence, sinon celle de l’aveuglement.
L’attentat meurtrier antisémite survenu en Australie oblige à regarder une réalité en face : l’antisémitisme tue. Et il tue sur un continent que l’on imaginait éloigné de nos tragédies historiques. L’antisémitisme aussi est devenu un phénomène mondialisé.
Née en Europe, cette invention criminelle a été patiemment construite, théorisée, appliquée. Des ghettos médiévaux aux pogroms, des fantasmes religieux aux constructions pseudo-scientifiques, jusqu’à son paroxysme nazi, l’Europe a produit « le Juif » comme altérité radicale. Cet imaginaire, elle l’a exporté. La tuerie en Australie n’est pas une bizarrerie géographique : elle est l’indice d’une diffusion planétaire.
Pour les juifs de France, cet attentat résonne fortement. D’abord parce qu’un jeune Français, Dan Elkayam, a été tué. Mais aussi parce qu’il n’est pas un fait divers lointain, mais une scène que l’on peut mentalement déplacer, sans effort, sur le sol français. Il y a cette angoisse sourde : nulle part, désormais, les juifs ne sont à l’abri. L’antisémitisme est porté par des dynamiques idéologiques, religieuses ou complotistes qui circulent à l’échelle du monde. La possibilité de la violence apparaît partout, toujours.
Le premier ministre israélien et de nombreuses voix intellectuelles tracent un lien entre l’attentat terroriste de Sydney et les luttes pro-palestiniennes de notre époque. C’est un grave contre-sens historique.
Il existe un antisémitisme ancien, enkysté dans les sociétés, parfois qualifié « d’atmosphère ». Il charrie des stéréotypes racistes, des soupçons permanents, des poncifs hérités de siècles d’histoire. Il s’infiltre dans les habitudes, dans les mots, dans certains réflexes politiques, parfois même dans des combats qui se pensent émancipateurs. Il ne tue pas directement, mais il façonne un climat.
Et il existe un autre registre, celui qui fait du Juif le mal radical à éradiquer. Cet antisémitisme désigne une cible et peut conduire à la violence meurtrière. L’archaïque antisémitisme se déconstruit à force d’éducation et de mobilisation de la société militante. En revanche, la lutte contre le terrorisme islamiste qui, de plus en plus souvent, épouse le discours antisémite doit mobiliser les moyens des États : police, renseignements, législations.
Le premier ministre israélien et de nombreuses voix intellectuelles tracent un lien entre l’attentat terroriste de Sydney et les luttes pro-palestiniennes de notre époque. C’est un grave contre-sens historique. Comme si la volonté palestinienne de disposer d’un État ne découlait pas du fait que les Palestinien se voient refuser, depuis 1948, l’État que proposait la bipartition décidée par l’ONU.
Il est vrai que l’impossibilité de se sortir de la crise pousse parfois à revenir sur l’idée même de la bipartition et va jusqu’à proposer l’idée d’un État binational. Le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » exprime ce désir et n’a en soi rien de condamnable mais il peut nourrir une autre idée qui est celle de l’illégitimité même de l’existence de l’État d’Israël. Ce n’est pas acceptable. On a le droit de penser que cette création, dans les conditions où elle a eu lieu, s’est accompagnée de violences. Ça ne fait pas de ceux qui le disent des antisémites. Ils ont néanmoins à charge de dire que le peuple juif existe dans sa diversité, qu’il a droit a un État avec des institutions démocratiques et non racistes. À défaut, ils participent d’une négation du peuple juif, de son histoire et de ses droits. Ils contribuent à ce qui dégénère en antisémitisme actif, violent.
La lutte contre l’antisémitisme est une nécessité brûlante. Si elle mélange tous les débats dans un même grand chaudron, elle ratera ses objectifs et restera d’une inefficacité criminelle.
16.12.2025 à 13:37
la Rédaction

par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien
L’attentat meurtrier antisémite survenu en Australie oblige à regarder une réalité en face : l’antisémitisme tue. Et il tue sur un continent que l’on imaginait éloigné de nos tragédies historiques. L’antisémitisme aussi est devenu un phénomène mondialisé.
Née en Europe, cette invention criminelle a été patiemment construite, théorisée, appliquée. Des ghettos médiévaux aux pogroms, des fantasmes religieux aux constructions pseudo-scientifiques, jusqu’à son paroxysme nazi, l’Europe a produit « le Juif » comme altérité radicale. Cet imaginaire, elle l’a exporté. La tuerie en Australie n’est pas une bizarrerie géographique : elle est l’indice d’une diffusion planétaire.
Pour les juifs de France, cet attentat résonne fortement. D’abord parce qu’un jeune Français, Dan Elkayam, a été tué. Mais aussi parce qu’il n’est pas un fait divers lointain, mais une scène que l’on peut mentalement déplacer, sans effort, sur le sol français. Il y a cette angoisse sourde : nulle part, désormais, les juifs ne sont à l’abri. L’antisémitisme est porté par des dynamiques idéologiques, religieuses ou complotistes qui circulent à l’échelle du monde. La possibilité de la violence apparaît partout, toujours.
Il existe un antisémitisme ancien, enkysté dans les sociétés, parfois qualifié « d’atmosphère ». Il charrie des stéréotypes racistes, des soupçons permanents, des poncifs hérités de siècles d’histoire. Il s’infiltre dans les habitudes, dans les mots, dans certains réflexes politiques, parfois même dans des combats qui se pensent émancipateurs. Il ne tue pas directement, mais il façonne un climat.
Et il existe un autre registre, celui qui fait du Juif le mal radical à éradiquer. Cet antisémitisme désigne une cible et peut conduire à la violence meurtrière. L’archaïque antisémitisme se déconstruit à force d’éducation et de mobilisation de la société militante. En revanche, la lutte contre le terrorisme islamiste qui, de plus en plus souvent, épouse le discours antisémite doit mobiliser les moyens des États : police, renseignements, législations.
Le premier ministre israélien et de nombreuses voix intellectuelles tracent un lien entre l’attentat terroriste de Sydney et les luttes pro-palestiniennes de notre époque. C’est un grave contre-sens historique. Comme si la volonté palestinienne de disposer d’un État ne découlait pas du fait que les Palestinien se voient refuser, depuis 1948, l’État que proposait la bipartition décidée par l’ONU.
Il est vrai que l’impossibilité de se sortir de la crise pousse parfois à revenir sur l’idée même de la bipartition et va jusqu’à proposer l’idée d’un État binational. Le slogan « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre » exprime ce désir et n’a en soi rien de condamnable mais il peut nourrir une autre idée qui est celle de l’illégitimité même de l’existence de l’État d’Israël. Ce n’est pas acceptable. On a le droit de penser que cette création, dans les conditions où elle a eu lieu, s’est accompagnée de violences. Ça ne fait pas de ceux qui le disent des antisémites. Ils ont néanmoins à charge de dire que le peuple juif existe dans sa diversité, qu’il a droit a un État avec des institutions démocratiques et non racistes. À défaut, ils participent d’une négation du peuple juif, de son histoire et de ses droits. Ils contribuent à ce qui dégénère en antisémitisme actif, violent.
La lutte contre l’antisémitisme est une nécessité brûlante. Si elle mélange tous les débats dans un même grand chaudron, elle ratera ses objectifs et restera d’une inefficacité criminelle.
Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien
DÉSESPÉRANCE DU JOUR
L’Insee vient de sortir une étude sur l’écart d’espérance de vie entre les personnes modestes et aisées, et le constat est tant sans surprise qu’accablant : « Plus on est aisé, plus l’espérance de vie est élevée. Sur la période 2020-2024, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5% les plus modestes et les 5% les plus aisés est de 9 ans chez les femmes et de 13 ans chez les hommes. » Ces chiffres ne sont pas magiques. Les riches vivent plus longtemps car ils sont « moins soumis aux risques professionnels », alors que« les difficultés financières peuvent limiter l’accès aux soins ». Et ça ne va pas s’arranger par magie non plus : l’Insee précise que « l’écart d’espérance de vie entre les personnes modestes et aisées s’accroît ». On applaudit des deux mains l’œuvre macroniste qui a promis le ruissellement et expliqué qu’il faut travailler plus longtemps puisque la population vieillit. « À 50 ans, le risque de décès dans l’année des hommes est 7 fois plus élevé chez les plus modestes que chez les plus aisés ». Combien d’ouvriers à l’Assemblée ? Sept. Combien de millionnaires au gouvernement ? Au moins onze… CQFD.
L.L.C.

« La bataille du Chili », sur Arte. Un grand classique du documentaire qui nous fait revivre l’année 1973 et la chute du président Allende. Alors que les Chiliens viennent d’élire un nostalgique de Pinochet à la tête du pays…



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15.12.2025 à 11:13
Loïc Le Clerc
Pour endiguer la propagation du virus de la dermatose nodulaire, le gouvernement prône « l’abattage préventif »… jugeant la « vaccination préventive » trop néfaste pour le business.
Comme un bug dans le capitalisme… Et dans la tête d’Emmanuel Macron. D’un côté, le traité de libre-échange UE-Mercosur, qui doit être adopté cette semaine afin de créer un super-marché commun entre les pays européens et latino-américains. De l’autre, une crise sanitaire qui frappe les éleveurs de bovins : le virus de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) se propage. Et ces deux événements ne sont pas sans lien.
Depuis 2015, les animaux ne sont plus considérés, en France, comme des biens meubles, mais comme des « êtres doués de sensibilité ». Difficile d’y croire en voyant ces images de vaches déplacées à l’aide de grues pour être envoyées à la mort. C’est aussi ça qui provoque la colère paysanne : les images sont choquantes, la méthode est violente, toute l’action publique est dépourvue d’émotion.
Pour lutter contre la DNC, le gouvernement a mis en place une stratégie cohérente avec ce qu’ils sont, pensent et font : l’interdiction de déplacement des animaux et l’abattage total du troupeau dès le premier cas détecté. Dans le jargon officiel, on appelle ça des « opérations de dépeuplement » et il y en a déjà eu 3000. Soit tout l’inverse de ce que demandent la Confédération paysanne et la Coordination rurale. La requête de ces syndicats agricoles est simple : la vaccination massive et l’abattage ciblé. Mais la seule réponse qu’ils ont obtenue était faite de gaz lacrymogène. Pas besoin d’être un spécialiste du sujet pour comprendre qu’un petit éleveur – car il s’agit bien là de petits éleveurs – dont on décapiterait l’ensemble du cheptel perdrait tout le fruit de son travail.
Pourquoi le gouvernement tarde-t-il tant à mettre en place la vaccination ? L’argument du coût ne tient pas : tuer des troupeaux entiers, ça n’est pas gratuit et ça ruine des éleveurs.
Ce lundi, la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, commence tout juste à évoquer « le début » d’un plan de vaccination, assurant qu’il s’agit du « chemin pour lutter contre la maladie […] un chemin d’espoir pour empêcher l’abattage des troupeaux ». Mais alors pourquoi le gouvernement tarde-t-il tant à mettre en place la vaccination, disponible depuis cet été ? L’argument du coût ne tient pas : tuer des troupeaux entiers, ça n’est pas gratuit et ça ruine des éleveurs.
Pour comprendre, il faut revenir à notre Mercosur. Et il faut tendre l’oreille : « Si on impose une vaccination préventive généralisée, cela aura des conséquences significatives pour les éleveurs, car la France perdra son statut de pays indemne vis-à-vis de la maladie et donc ne pourra plus exporter », dixit le président de la commission des affaires économiques à l’Assemblée, Stéphane Travert, par ailleurs ancien ministre de l’agriculture sous Édouard Philippe.
Tout est dit : ce que le gouvernement veut sauver, c’est l’export. Or l’export de la viande bovine ne pèse que pour 16% de la production française ! Voilà donc où nous en sommes, prêts à massacrer des bêtes par milliers pour respecter les préceptes du marché libre et non-faussé à l’échelle mondiale. Sommes-nous devenus complètement dingues ?