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20.07.2024 à 11:58

La gauche ne peut pas continuer ainsi

Roger Martelli

Roger Martelli analyse les récents résultats électoraux, les difficultés et points aveugles de la gauche. Il les inscrit dans une perspective historique longue. Il réaffirme le besoin d’une gauche radicale, non sectaire, moderne et populaire. Contribuer à cet objectif est la raison d’être de Regards.

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Texte intégral (3844 mots)

Roger Martelli analyse les récents résultats électoraux, les difficultés et points aveugles de la gauche. Il les inscrit dans une perspective historique longue. Il réaffirme le besoin d’une gauche radicale, non sectaire, moderne et populaire. Contribuer à cet objectif est la raison d’être de Regards

Loin d’être éclairci, le paysage politique s’est embrumé. La gauche rassemblée dans un Nouveau front populaire a profité d’une conjonction, celle d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle et d’un « front républicain » inattendu. À la surprise générale, elle est arrivée en tête en nombre de sièges. La tradition républicaine voudrait donc qu’elle assume à son tour les responsabilités gouvernementales. Le Président en exercice s’y résoudra-t-il ? A cette heure, on en doute, sans qu’on sache d’ailleurs ce qu’il adviendra d’une unité à gauche bien fragile. Dans tous les cas, la gauche devra prendre la mesure de la réalité, dans toutes ses dimensions.

L’état des lieux global

1. Le second tour législatif a montré ce que l’on avait presque fini par oublier : la « dédiabolisation » du Rassemblement national est réelle, mais sa force de répulsion n’a pas complètement disparu. L’Élysée et une grande partie de la droite ont joué la carte des « deux dangers », stigmatisés à parts égales. Au bout du compte, une grande partie des électorats de droite ont considéré qu’il n’y avait pas équivalence des risques et ils ont repoussé la vieille tentation du « plutôt Hitler que le Front populaire ». Dans une Europe qui cède de plus en plus à l’aventure de l’extrême-droite, l’électorat français a donné une majorité relative des sièges à la gauche pour conjurer le spectre d’un Rassemblement national au pouvoir. Ce n’est pas rien.

Mais le second tour n’a effacé ni le résultat des élections européennes, ni les chiffres inquiétants du premier tour législatif. L’extrême droite est passée de 15,7 % à 24 % entre 2017 et 2022 ; deux ans plus tard, elle passe de 24 % à 34,4 %. La gauche, elle, était tombée à 26,8 % en 2017 ; en 2022, elle est remontée à 30.5 % ; en 2024, elle plafonne à 30,9 %. Le résultat est ainsi sans appel : la gauche reste dans ses basses eaux. C’est donc l’extrême droite qui bénéficie du désarroi populaire et du discrédit qui en résulte pour la droite classique, dans toutes ses composantes, de la macronie jusqu’aux Républicains. La droite est malade, mais la gauche n’en profite pas.

2. Le Rassemblement national a poursuivi la densification de son implantation, confortant ses positions là où il était déjà fort et progressant là où i l’était moins jusqu’alors. Il est désormais au-dessus de 40 % dans 21 départements et près de 18 000 communes. Il a conforté ses positions dans ses zones de prédilection (Hauts-de-France, Grand-Est, littoral méditerranéen) et progressé dans des territoires jusqu’alors répulsifs, même dans les métropoles qui restent pourtant rebelles à son emprise. De la même manière, il a confirmé son influence dans les catégories populaires qui votent, mais a étendu son périmètre vers les couches moyennes et supérieures, donnant à son électorat un profil de plus en plus proche de celui de la France elle-même. Le peuple citoyen se disperse entre la gauche et l’extrême-droite, avec un net avantage à cette dernière dans les catégories les plus modestes et les plus à l’écart des centres métropolitains.

3. La gauche a progressé à peu près autant que l’extrême droite en sièges (+47 pour le bloc de gauche contre +53 pour le bloc d’extrême droite), mais sensiblement moins en voix (une progression d’un peu moins de 3 millions contre 5,5 millions pour l’extrême droite). Ses territoires sont plus resserrés, avec une forte présence de la région parisienne. Elle est bien implantée chez les jeunes, les cadres et les professions intermédiaires, les formations longues, mais aussi les catégories les plus pauvres. Le temps est loin où l’on pouvait se réjouir, au début des années 1980, de ce que la majorité sociale et la majorité politique se rejoignaient en faveur de la gauche.

4. Au classement des élus, trois forces progressent, le Rassemblement national (37 élus supplémentaires, auxquels s’ajoutent les 16 « ciottistes »), le Parti socialiste (35 en plus) et les Verts et associés (+ 15). À la baisse, le record est pour le parti du Président (-71), suivi de ses alliés du Modem et de ce qui reste des Républicains (-15 pour les deux groupes parlementaires). Le présidentialisme régalien à la française a cessé d’être le gage d’une simplification majoritaire de la mécanique parlementaire.

Regards sur la gauche

En dehors du fait qu’elle constitue le groupe le plus nombreux à l’Assemblée, la situation de la gauche a peu changé globalement. Mais ses équilibres internes ne sont plus les mêmes.

1. Les élections européennes avaient donné un signal. La France insoumise a certes amélioré son score précédent de 3,6 % en frôlant les 10 %, mais le grand gagnant a été le couple du Parti socialiste et de Place publique, qui arrive en troisième position avec 13,8 % des exprimés et une progression de 7,6 % sur 2019. Les Verts reculent de 8 points et frôlent l’éviction du Parlement de Strasbourg, tandis que le PCF reste encalminé un peu au-dessus de 2 %, à un centième de point à peine de l’Alliance rurale…

2. Aux législatives, la reconduction de l’alliance à gauche a donc permis la progression des gauches en sièges. Dans l’ensemble, cette alliance a fonctionné au premier tour, où les composantes du Nouveau front populaire ont enregistré des résultats très proches ceux de 2022, les variations s’expliquant moins par l’étiquette partisane de la candidature que par la configuration différente des territoires.

Répartition des députés par groupe au 18 juillet 2024
20222024Écart
Gauche démocrate et républicaine2217-5
La France insoumise – NFP7572-3
Socialistes et apparentés316635
Écologiste et social233815
Ensemble pour la République17099-71
Les Démocrates5136-15
Horizons & Indépendants30311
La Droite républicaine6247-15
Rassemblement national8912637
À Droite 1616
Libertés, indépendants, outre-mer et territoires20211
Députés non-inscrits484
 5775770

Mais, à l’arrivée, la hiérarchie des sièges est bousculée. Le PCF recule numériquement et la France insoumise se tasse. Le grand bénéficiaire de l’opération est le PS, qui fait presque jeu égal avec LFI en nombre de sièges. Quant aux Verts, ils compensent en partie leur échec cuisant aux européennes en renforçant leur groupe à l’Assemblée. Il est vrai qu’ils ont reçu le renfort de cinq frondeurs « insoumis » et de cinq autres députés de Générations. A la veille du scrutin, la FI et le PC totalisaient 97 sièges contre 54 pour le PS et les Verts. Aujourd’hui, les anciens comparses du Front de gauche cumulent 89 sièges contre 104 pour le total du PS et des Verts.

3. De 1945 à 1978, la gauche a été dominée par le Parti communiste, toujours au-dessus des 20 % (sauf en novembre 1958). L’écart entre le PC et le PS a été maximal à l’élection présidentielle de 1969, où le communiste Jacques Duclos obtenait 21,3 % au premier tour, alors que le socialiste Gaston Defferre atteignait tout juste les 5 % des suffrages. Le virage à gauche du PS de François Mitterrand lui a permis de réduire l’écart avec le PC (devenu son allié en 1972), de le rattraper en 1978 et de le distancier en 1981. Commencèrent alors la longue domination du PS sur la gauche, son inflexion vers un socialisme de plus en plus « social-libéralisé » et le déclin quasi ininterrompu du PCF. Dans la polarisation qui structure la gauche en longue durée, c’est son flanc droit – sensible à la nécessité de s’accommoder avec les logiques dominantes – qui l’a emporté sur le flanc gauche – porté davantage vers la rupture systémique.

Ce côté gauche a été structurellement fragilisé par le recul du PCF, concomitant de celui du mouvement ouvrier et salarial. Après 2002, la gauche de gauche s’est toutefois relancée, d’abord autour de la mouvance « antilibérale », particulièrement active dans l’opposition au projet de traité constitutionnel européen en 2005. Mais les « collectifs antilibéraux » de 2006 ne sont pas parvenus à s’unir jusqu’au bout et se sont effondrés à la présidentielle de 2007. À partir de 2008, en rupture de ban avec le PS, Jean-Luc Mélenchon s’est installé comme la figure de proue de la gauche hostile au choix social-libéral désormais assumé par les socialistes. 

Les élections présidentielles de 2012 et 2017 se sont ainsi déroulées dans le cadre unitaire du Front de gauche, conclu entre le PC et JL Mélenchon. La troisième présidentielle, en 2022, s’est pour sa part déployée dans un contexte de division de la gauche. Elle a rappelé 1969 : autour de l’ancien socialiste, la gauche de gauche a laminé l’autre partie de la gauche.

Les scrutins de 2024 doivent-ils être tenus pour conjoncturels, ou annoncent-ils une nouvelle configuration à gauche, voisine de celle qui s’est produite entre 1972 et 1981 ? La gauche est-elle en train de se rééquilibrer, au profit de la gauche réputée plus modérée ?

Quels choix face à l’extrême-droite ?

La crise politique n’est pas près de se résorber, autour d’une Chambre sans majorité, au sein d’un système institutionnel manifestement à bout de souffle. Que peut-il se passer ? L’incertitude est totale. À ce jour, on ne sait même pas si la gauche pourra s’accorder sur une proposition pour la direction d’un gouvernement. Et rien ne dit que l’éventuelle candidature sera acceptée par un Président jouant cyniquement sur l’absence de majorité parlementaire qu’il a lui-même aggravée.

Faut-il seulement vouloir gouverner dans une situation si confuse ? On optera ici pour une réponse positive : après tant de coups reçus, l’attente d’un changement de cap est grande du côté de l’électorat de gauche. Encore faut-il dire ce pour quoi on veut gouverner, dans une situation aussi précaire. Il se dit, du côté de la France insoumise notamment, que la gauche gouvernera pour appliquer son programme. Mais il en est de ce programme comme de tous les autres : à proprement parler, il a été approuvé au premier tour par un peu moins de 30 % des exprimés. Il n’a pas été récusé au second, mais l’assentiment qu’il a recueilli est loin de la majorité.

C’est suffisant pour gouverner « à partir de » ce programme. Mais comment, sans majorité stable, mettre en œuvre « le programme, tout le programme, rien que le programme » ? Comme l’a opportunément rappelé Sophie Binet, le peuple de gauche n’a pas besoin d’un « gouvernement de martyrs » qui ferait trois petits tours et s’en irait, qui voudrait seulement montrer par les actes que tous les autres courants ne veulent pas de ce programme et qui, en fait, ferait plutôt la démonstration que la gauche est incapable de faire appliquer ce pour quoi elle s’est engagée. 

Sans doute faut-il donc vouloir gouverner, avec trois objectifs réalisables, de difficulté inégale : faire aboutir le plus de mesures positives capables de recueillir des majorités ponctuelles ; sur les points moins consensuels (retraites, fiscalité…) tout faire pour obtenir des accords ; en dernière analyse, si ce n’est pas possible, mettre chacun en face de ses responsabilités devant le peuple souverain.

La crise est profonde : son issue devrait désormais être au centre de la controverse politique. La question n’est plus alors seulement ni même surtout celle du programme, mais de la stratégie qui permettra à un projet de gauche de l’emporter dans la durée. En 2023, nous avons vécu ce que la France n’avait jamais connu depuis des temps immémoriaux : un mouvement de rue d’une puissance inégalée, majoritairement soutenu par l’opinion, et qui au bout du compte n’a trouvé d’issue politique que dans la poussée de l’extrême-droite. Les causes du phénomène ont été décrites en long et en large : l’inquiétude sans l’espérance ; la mise en cause des boucs émissaires plutôt que celle du système global ; l’impression d’être toujours déconsidéré, jamais écouté et toujours trompé ; la colère qui, faute de responsabilité claire, se mue en ressentiment.

Pourquoi ce mécanisme d’apparence inexorable ? Parce que des liens patiemment construits reliaient autrefois l’expérience sociale et les constructions politiques, le mouvement ouvrier et la gauche. Or ces liens se sont distendus. Il y a pourtant de la dynamique « en bas », des mouvements d’une ampleur remarquable, comme on l’a vu contre la réforme des retraites ou pour les mobilisations sur les enjeux climatiques et comme on l’a encore enregistré dans les quelques semaines de campagne législative. Mais cette dynamique venue de la société elle-même n’a pas trouvé une perspective politique rassembleuse à la hauteur, même si la constitution hâtive d’un Nouveau front populaire commençait enfin à aller en ce sens.

Tout se passe comme si, à gauche, on trouvait des bouts de réponse, sans trouver ce qui peut, à partir des fragments dispersés d’un peuple insatisfait, forger un tout capable de faire société. Par la bouche de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise a choisi de confirmer son choix, fait pratiquement depuis quelque temps, de s’adresser à la « nouvelle France », celle des populations racisées, des femmes et de la jeunesse. Cela revient à s’engager dans ce que proposait le très controversé think tank Terra Nova en 2011. Cela ne suffit pas à discréditer le projet : au vu des résultats engrangés par LFI, il n’a pas été sans une certaine efficacité dans la série 2024 des européenne et des législatives. 

La méthode a permis au NFP de progresser avant tout en Ile-de-France, et plutôt sur les terres longtemps labourées par le PC. Elle a mobilisé les plus convaincus, mais rebuté d’autres segments de l’opinion, qui se sont mis à identifier la radicalité du projet et la violence des attitudes et des mots. Et elle a laissé de côté cette autre France, tout aussi urbaine que rurale, qui se sent délaissée dès l’instant où elle n’est pas au cœur de l’espace métropolitain « connecté ». Cette autre France qui, parce qu’elle se sent abandonnée par la droite comme par la gauche, se laisse volontiers séduire par les solutions « dégagistes » du Rassemblement national… On n’a pas à choisir une France plutôt qu’une autre, privilégier une partie du peuple et en abandonner une autre. C’est le tout qu’il faut rassurer, mobiliser, convaincre de devenir acteur politique jusqu’au bout.

Pour répondre aux attentes populaires et au désir d’égalité, certains mettent l’accent sur la nécessité de la rupture, mais ne disent guère la manière dont il faut s’y prendre pour faire que cette rupture soit majoritairement soutenue et mise en œuvre. D’autres insistent sur la nécessité impérieuse des majorités, mais négligent l’expérience amère qui montre que les majorités s’engluent, dès l’instant où elles se coulent jusqu’à s’y noyer dans les méandres des logiques dominantes. 

En réalité, il faut bien sûr choisir entre, d’un côté la priorité donnée au désir de rupture et, de l’autre, le souci de ne pas risquer l’isolement et la déroute qui l’accompagne inexorablement. Il faut choisir, donc tout faire pour donner électoralement un poids plus grand à l’une ou à l’autre des options. Il faut choisir, mais sans jamais oublier que, une fois la préférence sanctionnée dans les urnes, c’est la totalité de la gauche qu’il faut rassembler, a fortiori quand ce sont les ténèbres qui gagnent.

Ce qui manque

Nous sommes devant la possibilité d’un cataclysme démocratique, qui finirait par mettre dans l’ombre des décennies de combats pour l’émancipation. Le spectacle donné par la scène politique, le peuple mis à l’écart, au mieux appelé à la rescousse de telle ou telle formation de tel ou tel choix… Tout cela nous dit qu’il faut changer en profondeur la trame même de la souveraineté populaire, de la vie démocratique et du système politique lui-même.

Dans ce grand œuvre, il y a un point de passage, parmi bien d’autres, mais dont les péripéties actuelles montrent cruellement l’absence. Ce point de passage est celui d’une dynamique qui, en remettant à plat le dispositif politique à gauche, permettrait au peuple de ne pas être convié épisodiquement à soutenir, mais de devenir acteur de son propre destin. Dans la grande restructuration de notre trame démocratique, la question de la force politique émancipatrice ne peut rester au second plan.

Voilà un quart de siècle que Regards a fait le choix de se situer du côté d’une gauche radicale, enracinée dans une histoire populaire et subversive, innovante et rassembleuse. Ce choix garde son actualité, mais il s’accompagne aujourd’hui d’un constat : la force politique capable de stimuler cette gauche n’existe pas, ou n’existe qu’en morceaux.

L’histoire, celle du mouvement ouvrier, du communisme, de la gauche tout entière suggère que les partis, de ce côté de la vie politique, n’ont été vraiment utiles que lorsqu’ils avaient pu s’ancrer dans quatre exigences simultanées : l’immersion dans une expérience populaire concrète, sur le lieu de la résidence comme sur celui du travail ; la jonction entre des champs d’activité que la société déconnectait les uns des autres, le champ politique, le champ syndical, le monde associatif, l’univers intellectuel et symbolique ; le souci de raccorder les attentes, les inquiétudes et les colères à l’espérance concrète d’une société d’émancipation ; la volonté de raccorder toujours la fibre portée à la rupture, et la nécessité de la majorité, sans laquelle il n’y a ni rupture ni avancées partielles.

Le PCF a su occuper cette place pour un temps, mais il s’est enfermé dans la répétition et n’a pas su se refonder quand il le fallait. La FI donne trop souvent l’impression de reproduire ses pires défauts et d’ignorer ce qu’il avait de meilleur. Le PS retrouve les accents de la gauche historique, sans que rien ne dise comment il va éviter de retomber dans ses vieux démons. Les Verts, appuyés sur la pertinence de leur parti pris écologiste, continuent d’hésiter entre rupture et accommodement.

À ce jour, aucune force n’est en état de porter à elle seule ces quatre exigences.  Cela manque cruellement à l’espace politique. Nul n’y parviendra en répétant les formules anciennes. Aucun parti, aucune tradition critique ne peut s’affirmer comme « la » réponse, tous les autres étant au mieux des ventres mous, au pire des traîtres contre lesquels on stimule la réprobation populaire. On peut aimer le débat d’idées, se méfier des consensus faciles et ne pas se noyer dans la culture d’exclusion sectaire dans lequel le communisme s’est noyé, à certains moments de son histoire, et dont il a su bien souvent – mais pas toujours – se dégager.

Si cette force pluraliste ne voit pas le jour, si elle ne met pas en adéquation ses visées et ses façons d’être, elle risque de rester engluée, au gouvernement comme dans l’opposition. Cela ne serait pas d’une gravité extrême si, en face, la dynamique n’était pas du côté du pire. Le peuple ne peut pas rester éternellement au second plan de la démocratie. C’est en aidant à ce qu’il soit au cœur d’une refondation démocratique que la gauche retrouvera son lustre, et pas dans les effets de manche, les chamailleries et les conciliabules opaques.

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18.07.2024 à 15:38

Idée : et si les partis de gauche faisaient confiance à la gauche ?

La Rédaction

Debrief de la mi-semaine politique par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien.

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Debrief de la mi-semaine politique par Catherine Tricot et Pablo Pillaud-Vivien.

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17.07.2024 à 19:12

Lycée Yabné : antisémitisme au bac ou pas ?

Éric Le Bourg

Des élèves discriminés au bac parce que juifs ? Notre chroniqueur Éric Le Bourg revient sur la fake news et la vraie polémique.

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Texte intégral (1638 mots)

Des élèves discriminés au bac parce que juifs ? Notre chroniqueur Éric Le Bourg revient sur la fake news et la vraie polémique.

Une polémique est apparue concernant les notes au bac des élèves du lycée confessionnel juif Yabné à Paris. Certains élèves ayant obtenu des notes à un examen oral peu en accord avec leurs attentes, le lycée Yabné (« discrimination probable d’élèves juifs au baccalauréat »), des politiciens (« Il s’est visiblement passé quelque chose de pas très normal ») et médias (« Tous les noms ‘juifs’ ont des notes catastrophiques ») ont déclaré que ces élèves ont probablement été discriminés, alors que l’Organisation juive européenne, célèbre pour poursuivre pour apologie du terrorisme des dizaines de personnes, disait carrément qu’« il n’y a aucun doute sur le fait qu’ils aient été victimes de discrimination ». Le Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) s’est ému de l’opprobre jetée sur les examinateurs et des risques encourus en rappelant « l’importance de l’anonymat des examinateurs dans les examens nationaux. C’est ce dernier qui a évité à nos collègues une mise en danger de leur personne », ce qui, après les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard, n’est peut-être pas une vue de l’esprit.

Devant l’émoi suite à ces accusations d’antisémitisme, le ministère a entrepris une enquête administrative qui a conclu qu’il n’y a pas eu de discrimination. L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais certains ne l’entendent pas ainsi, envisageant même de porter plainte si l’enquête n’est pas reprise, tandis que d’autres hurlent au scandale : « L’Éducation nationale se moque du monde. En 24h elle nous dit : on a vérifié, tout est normal’ ?! C’est une honte digne des grandes lâchetés administratives de ce pays ».

Reconnaissons que, si les conclusions de l’enquête administrative sont claires, l’enquête manque d’une analyse statistique des données numériques. Le fichier de l’enquête contenant les notes a été reproduit partiellement par Tribune juive info.

Analyse statistique des notes

Les notes ont été attribuées par les jurys B15 et B25, mis en cause pour leur « discrimination probable », et par un ou deux autres jurys, non mis en cause et qui ne sont pas étudiés ici. Les jurys ont examiné des élèves du lycée Yabné et d’autres lycées, non différenciés aussi dans l’enquête du Ministère. Celle-ci se contente de représenter sur des graphiques les notes des jurys B15 et B25 sans faire d’analyse statistique, ce qui permet à Tribune juive info d’écrire avec raison que« Où sont les concepts les plus élémentaires de tests d’hypothèses? Les graphiques – même pas normalisés – ne peuvent appuyer aucune hypothèse, ni celle de la discrimination, ni son contraire ». On peut combler cette lacune en recourant à une analyse statistique de base, appelée l’analyse de la variance, qui permet de savoir si les jurys B15 et B25 notent de façon similaire ou non, si les différents lycées obtiennent des notes similaires ou non, et, enfin, si les différents jurys notent de la même manière les différents lycées. On pourrait imaginer, par exemple, qu’un jury donne de meilleures notes au lycée Yabné qu’aux autres lycées alors qu’un autre jury ferait le contraire, ce qu’on appelle une interaction. L’analyse de la variance calcule des rapports appelés F qui, quand il sont proches de 1, indiquent qu’il n’y a pas d’effet.

Voici le tableau de données donnant les notes moyennes, entre 0 et 20, avec l’écart-type, qui est une mesure de la dispersion des notes, et, entre parenthèses, le nombre d’élèves, pour un total de 98 candidats (pour les connaisseurs, les F ont 1 degré de liberté au numérateur et 94 au dénominateur, et les résidus suivent une distribution normale).

Jury B15Jury B25
Lycée Yabné12,23 ± 3,12 (22)11,28 ± 5,85 (29)
Autres lycées11,81 ± 3,72 (21)13,12 ± 5,41 (26)

Le lycée d’origine n’a pas d’effet significatif sur les notes attribuées (F = 0,53), et le jury non plus (F = 0,03). L’interaction n’est pas significative, les jurys notant les différents lycées de la même manière (F = 1,33). Comme indiqué par le ministère, le jury B25 « a une échelle de notation plus large » que le jury B15, la dispersion des notes autour de la moyenne étant plus grande.

En résumé, la sévérité des notes ne dépend ni du jury, ni du lycée d’origine, le lycée Yabné obtenant des notes similaires aux autres lycées, et ceci quel que soit le jury : rien n’indique dans les notes obtenues que les candidats venant du lycée Yabné ont été désavantagés.

Conclusions

Comment expliquer cette polémique ? De tout temps, des parents et candidats ont été mécontents quand des notes d’examen n’étaient pas au niveau espéré, blâmant alors un jury trop sévère ou incompétent. Il est vrai que l’épreuve elle-même, le Grand oral, attire les critiques, et pas seulement des parents. 

Par contre, prétendre que ces mauvaises notes pourraient être dues à un jury d’examen désavantageant des élèves parce que juifs est à la fois dangereux et ignoble pour les examinateurs. Oser faire appel à un antisémitisme présumé des jurys pour faire remonter ou annuler des notes en deçà des espoirs, l’avocat du lycée indiquant que « le lycée […] a demandé […] que les notes discriminatoires soient écartées pour ne pas porter préjudice aux élèves« , laisse sans voix. 

Toutefois, si cette polémique avec ses accusations infamantes avait été montée dans des buts bassement politiciens, en se servant de la répulsion devant l’antisémitisme, ce serait abject et, avant d’être un crachat sur les examinateurs, un crachat sur les vraies victimes de l’antisémitisme, et d’abord celles de la Shoah. Dans cette hypothèse, crier faussement à l’antisémitisme  n’aboutit qu’à jeter la suspicion sur les actes antisémites réels, comme dans la fable d’Esope, Le Berger mauvais plaisant : à force de crier au loup quand il n’est pas là, plus personne ne vient quand il est vraiment là.

Quelle que soit la raison de cette polémique, ses instigateurs ont, sans avoir la moindre preuve, porté des accusations ignobles et livré à la vindicte publique des fonctionnaires de la République. 

L’analyse présente complétant l’enquête administrative, on peut toutefois espérer que l’avocat du lycée qui souhaitait « que l’enquête puisse se poursuivre de manière contradictoire, transparente et approfondie pour que ses conclusions s’imposent à tous » sera satisfait et que les choses s’arrêteront là.

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12.07.2024 à 19:31

LA LETTRE DU 12 JUILLET

la Rédaction

La gauche ne doit pas nous désespérer à nouveau

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Texte intégral (1107 mots)

La gauche ne doit pas nous désespérer à nouveau

Les négociations patinent à gauche pour proposer un-e Premier-ère ministre. Un échec est pourtant inenvisageable.

Le président de la République semble engagé dans une course de lenteur pour contourner l’évidence : les Français ne veulent pas du RN au pouvoir ; la macronie a été sanctionnée pour l’ensemble de son œuvre ; comme le disent aussi bien Charles Consigny (sic) que Dominique de Villepin (resic), le Nouveau Font Populaire, arrivé en tête, doit donc gouverner. Ceux qui voudront l’empêcher doivent l’assumer. 

Marine Le Pen l’affirme très clairement : le RN votera une motion de censure contre tout gouvernement comprenant des députés insoumis ou écologistes. Les forces politiques de droite s’en étaient jusqu’alors tenues à refuser toute coalition gouvernementale avec les insoumis. La lettre adressée par Emmanuel Macron aux forces politiques en feignant de s’adresser aux Français n’ose être aussi claire. De fait, qu’est-ce qui, d’un point de vue institutionnel, autoriserait le président de la République à mettre un oukase sur une force politique participant d’une coalition de gauche ? 

Cinq jours après le second tour, la France n’a pas de gouvernement. Cela n’a en soit rien de dramatique ni d’exceptionnel. Cela pourrait durer un peu, jusqu’à la fin des Jeux olympiques, dit-on. Cependant, cela dit l’ampleur du blocage politique qui vient. Le pays est au bord d’une crise de régime : sans majorité pour gouverner.

Cela rappelle furieusement la fin de la Quatrième République quand les communistes, force dominante à gauche et rassemblant le quart des électeurs, étaient exclus de tout gouvernement. L’instabilité d’alors était liée à cette question politique. Pour justifier la mise au ban du PCF, on disait que les communistes n’étaient « pas de gauche mais à l’Est ». Aujourd’hui, c’est un procès absurde en antisémitisme consubstantiel qui est fait à LFI pour bloquer la nomination d’un gouvernement Nouveau Front Populaire. Personne ne croit un instant à cet argument. Pas plus que l’on ne peut croire à celui de François-Xavier Bellamy ce matin portant sur la qualification du Hamas comme groupe terroriste. Le programme du NFP a mis les mots sur les choses. Le racisme et l’antisémitisme sont combattus. Les attaques du 7 octobre sont des attaques terroristes. Et LFI qui nous a cassé les pieds pendant des mois a signé ce programme. L’enjeu est bien celui d’une alternative progresssite au projet de démolition des acquis sociaux, des libertés et des droits. Pour la macronie et la droite, il est impensable que la gauche mette en œuvre des réponses attendues pour la vie, la dignité et la planète. Fondamentalement, il leur faut bloquer toute alternative, même si cela conduit l’extrême-droite au pouvoir. Il y a près d’un siècle, les industriels et les grandes familles clamaient « Plutôt Hitler que le Front populaire ». On s’en souvient.

Cela dit, la gauche ferait bien de ne pas nous désespérer à nouveau. Elle doit se mettre d’accord sur un Premier ministre et un gouvernement ; elle doit s’entendre sur une proposition pour la présidence de l’Assemblée nationale. On entend bien que l’attitude baroque des députés LFI pendant deux ans ne facilite pas les choses. Mais il faut passer outre. On ne supporterait pas de voir cet élan terminé en fiasco lamentable.

Pour le rappeler à tous, la CGT appelle à manifester jeudi prochain devant l’Assemblée nationale et devant les préfectures. En ce moment, les syndicats font le job. Merci à eux.

Catherine Tricot

BRÈVE DU JOUR

L’APRÈS, c’est maintenant

Les insurgés de LFI Clémentine Autain, Raquel Garrido, Pascale Martin, Raquel Garrido, Alexis Corbière et Hendrik Davi créent l’Association Pour une République Écologique et Sociale. Ou plutôt, il l’avait déjà créée en mai dernier mais la rendent publique aujourd’hui. L’après donc. Mais l’après quoi ? L’après-Macron ? Sûrement. L’après-Mélenchon ? Sûrement aussi. Cet « outil politique » se veut un ciment du Nouveau Front Populaire contre les rapports de forces brutaux et à vocation hégémonique qui régissaient jusqu’alors les échanges à gauche. Une proposition stratégique de long terme dans un moment où l’histoire s’accélère.

P.P.-V.

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12.07.2024 à 01:49

Comprendre la purge à LFI, par Danielle Simonnet

Danielle Simonnet

Après le choc de son absence d'investiture par LFI, la députée triomphalement réélue Danielle Simonnet revient sur les erreurs stratégiques de ce qui était encore jusqu'à peu, le mouvement auquel elle appartenait.

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Texte intégral (4094 mots)

Vous êtes très nombreuses et nombreux à me demander : mais pourquoi cette purge ? Mais que vous reprochaient la direction de La France insoumise (LFI) et Jean-Luc Mélenchon ? Sachez qu’ils se sont bien gardés de nous donner une explication et que des attaques publiques mensongères circulent. Il me semble intéressant de prendre le problème par l’autre bout : qu’avons-nous défendu, nous les 5 purgés avec d’autres, durant ces deux dernières années ? 

23h22, vendredi 14 juin.

Par un simple mail daté de 23h22, j’apprends que la direction de LFI me retire mon investiture. Jean-Luc Mélenchon et la direction de mon mouvement ont décidé en effet unilatéralement d’exclure des listes d’investiture pour les législatives les député.es sortant.es qui avaient émis des critiques contre sa ligne politique depuis septembre 2022 : mes camarades Hendrik Davi, Raquel Garrido, Alexis Corbière et moi-même. Chacun.e le sait maintenant, les moyens investis et les méthodes utilisées pour empêcher la réélection des exclu.es déshonorent LFI. Les deux principales figures médiatiques Clémentine Autain et François Ruffin ont été épargnées mais tout a été fait pour les isoler et les pousser à partir. Nous formons désormais un regroupement que l’on peut appeler les insoumis unitaires.

Le récit désormais, c’est que la direction de LFI a bien fait de nous exclure puisque nous aurions préparé en secret depuis des mois leur adhésion à un autre parti (lequel ? ça varie … ) dans l’objectif d’affaiblir le mouvement – voire de faire un gouvernement avec les macronistes. Rien que ça ! D’autres folies nous ont salies dans cette campagne, jusqu’à traiter Alexis Corbière de raciste, moi-même de ne pas être claire sur la Palestine alors que mes engagements en la matière n’ont pas attendu le 7 octobre. 

Il s’agit d’une prophétie en partie auto-réalisatrice : on vire les gens, ils sont contraints de se réorganiser avec d’autres, ce qui permettra d’expliquer ensuite que ça a toujours été leur projet… et justifier leur exclusion !

Classique mais un peu gros tout de même …

Alors comment s’y retrouver ? Je voudrais remonter le fil des positionnements et des désaccords que nous avons exprimés, et qui constituent l’explication de notre éviction, même si pour la direction LFI, le désaccord se résume sans doute au refus de notre part de construire notre stratégie autour de l’obsession de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle. 

Prendre les choses par le commencement

Juin 2022 : tout va bien ou presque, après les 22% de Jean-Luc Mélenchon, la NUPES a permis de renforcer la gauche à l’assemblée et Emmanuel Macron gouverne sans majorité. La gauche est en situation d’incarner l’opposition au macronisme et à l’extrême droite. Dans les discours, la NUPES n’est pas une alliance de circonstance. Elle a permis de réunir les forces de gauche et de l’écologie autour d’un programme inspiré de celui de LFI, portant la perspective d’une transformation en profondeur de la société, en rupture avec le hollandisme.

Les insoumis unitaires n’ont de cesse de rappeler à quel point l’acquis de la NUPES est précieux, et à quel point LFI, comme force principale et centre de gravité politique, a la responsabilité de son maintien.

Dans un premier temps, nous le faisons en tentant d’utiliser les moyens du débat interne à l’approche des Amphis d’été (université d’été du mouvement), nous prononçant à la fois pour un processus de démocratisation interne à LFI et une orientation unitaire, pour l’impulsion de comités NUPES à la base en se défiant de toute tentation hégémonique.

Septembre 2022 : c’est l’affaire Adrien Quatennens. Le député est accusé de violences sexistes. Jean-Luc Mélenchon l’assure de sa solidarité, la direction de LFI tergiverse. Les unitaires prennent position sans ambiguïté, en interne comme en externe, à l’unisson avec les jeunes et les mouvements féministes. Les tergiversations sont un premier coup de canif contre la NUPES et LFI perd des milliers de jeunes et de féministes. L’affaire s’est poursuivie et les législatives anticipées de juin 2024 ont montré à quel point la page n’était pas tournée. Contrairement aux insoumis unitaires, Adrien Quatennens a été investi, déni de réalité, il a dû ensuite retirer sa candidature sous la pression du peuple de gauche.

Automne 2022 : ce sont celles et ceux qui sont les plus fervents militants de la NUPES qui sont écartés des instances de LFI (François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière, Raquel Garrido, autant de figures qui pouvaient nuire au nouveau plan de vol de Jean-Luc Mélenchon, qui de « faites mieux » est passé à « 2027, ce sera encore moi »). On obtient un séminaire de réflexion dans le groupe sur le fonctionnement de LFI, qui va élaborer des propositions mais le document de synthèse sera immédiatement enterré, même pas distribué au sein du groupe… De démocratisation de LFI, il n’y aura pas, le message est clair. Soit on se tait, soit on s’exprime de l’extérieur, tel est le choix pour celles et ceux qui ont des divergences.

Le point de bascule de la mobilisation contre la réforme des retraites

2023 : mouvement contre la réforme des retraites. On bat le pavé des mois durant. Illustrant une conception de LFI comme substitutiste vis-à-vis du mouvement social, en janvier, Jean-Luc Mélenchon pense qu’il est en situation de prendre la direction du mouvement sans médiation, en direct avec le peuple. Il lance sa propre manifestation. Erreur d’appréciation, la mobilisation est très en deçà des capacités de mobilisation de l’intersyndicale. Celle-ci demeure unie et rythme le mouvement par des mobilisations massives.

Deuxième erreur d’estimation, Jean-Luc Mélenchon anticipe une trahison de la CFDT voire de la CGT et parie sur la radicalisation du mouvement. Il tape sur l’intersyndicale. Les initiatives très mal calibrées du député LFI Thomas Portes (l’image du pied sur le ballon à l’effigie du ministre du travail) et d’Aurélien Saintoul (qui traite le même ministre d’assassin) vont dans le même sens. La NUPES se retrouve à nouveau fragilisée alors que la mobilisation devrait la renforcer. L’attitude de la direction de LFI ne permet pas un travail concerté et cohérent entre l’intersyndicale et la NUPES.  Les unitaires tiennent un discours rassembleur et préconisent un changement de ton à l’Assemblée.

Mars 2023 : arrive le débat sur l’article 7 du projet de loi, qui porte sur le passage de 62 à 64 ans. Discussion tactique au sein de la NUPES sur la stratégie parlementaire à adopter : poursuivre l’obstruction par l’accumulation d’amendements (stratégie de LFI depuis début février) ou permettre un vote, non pas sur l’article 7 mais sur l’amendement de suppression de l’article 7 ? L’intersyndicale est pour un vote qui obligerait chacun à se prononcer (LR et RN compris). La discussion a aussi lieu au sein du groupe parlementaire LFI. Le vote est très serré mais la majorité décide de retirer des amendements pour pouvoir voter cet amendement de suppression de l’article 7. Sauf que sous forte pression de Jean-Luc Mélenchon (qui n’est pas député, faut-il le rappeler), les amendements ne furent pas supprimés. Il n’y eut donc pas de stratégie commune de la NUPES et pas de convergence avec l’intersyndicale. En dépit des annonces sur la qualité tactique de la direction insoumise, la loi a fini par s’imposer et la gauche a raté l’occasion d’apparaître comme le correspondant politique de la mobilisation. La NUPES sort paradoxalement affaiblie et fracturée de la séquence, alors que la population est surtout le salariat n’ont jamais été aussi unis dans leur opposition à une réforme ultra-libérale. Il fallait aller dans le sens de cette unité du peuple et non y faire entrave.

Et rappelons les propos de Philippe Martinez le 19 février 2023 au nom de la principale centrale syndicale investie dans le mouvement : « le fait de ne pas être allé à l’article 7 pour que chacun puisse afficher sa position, c’est un problème (…). Il fallait mettre les députés, chaque député, devant ses responsabilités (…).  Au travers de nombreux incidents – on va dire ça comme ça – on a plus évoqué ces incidents que le fond du problème et ce qui est en débat dans la rue » avec la mobilisation syndicale, a-t-il dit, pointant « des forces politiques [qui] essaient de se substituer aux organisations syndicales et de se mettre en avant par rapport [à] ceux qui défilent dans la rue ». Et de critiquer encore la volonté « parfois sur les bancs de l’Assemblée nationale et singulièrement de La France insoumise, de s’approprier le mouvement social pour reléguer les syndicats au second plan ».

Attentats terroristes du 7-octobre, massacre à Gaza et campagne européenne

Juin 2023 : EELV saute le pas et désigne sa tête de liste pour les élections européennes alors que LFI propose à juste titre qu’une figure d’EELV prenne la tête d’une liste unique de la NUPES. Les unitaires déplorent cette décision d’EELV. Mais ensuite, contrairement à la direction de LFI qui semble vouloir prendre le prétexte de la désunion aux européennes pour considérer le rassemblement en 2027 comme irréaliste, les insoumis unitaires indiquent qu’il ne faut pas renoncer à l’unité. Surtout une fois que la division aura fait la preuve de sa nocivité à l’occasion des européennes. Notons qu’EELV a voulu jouer sa carte, pensant reproduire la performance de Yannick Jadot à la précédente élection européenne pour rééquilibrer le rapport de forces au sein de la NUPES, mais que mal lui en a pris …

Passons sur le cocasse épisode où Ségolène Royal a pu être imaginée prenant la tête de la liste LFI, que tout le monde a fort heureusement oublié. Comme quoi la souplesse est de mise avec les héritiers du social-libéralisme…

Le 7 octobre 2023 : ce sont les attentats terroristes du Hamas puis l’horreur à Gaza. Tout a été dit sur cette séquence qui, à bien des égards ne s’est achevée, sur le champ politique français, qu’avec la dissolution. Après un premier communiqué très mauvais, la direction de LFI s’est enferrée dans son refus de qualifier les actes de terroristes, gâchant systématiquement 50% de son temps de parole dans les médias à se justifier sur le sujet. Mais surtout elle a pris le parti de cliver quoi qu’il arrive, alors que l’enjeu était d’unir le peuple pour la paix et de construire l’unité à gauche pour la solidarité avec la Palestine afin de peser sur Macron. C’était possible. L’accord pour le programme du Nouveau Front populaire (NFP) le prouve. Et les Palestinien.nes s’en seraient mieux portés. Tous.tes les unitaires se sont exprimés dans ce sens, à commencer par François Ruffin ou Clémentine Autain qui s’étaient positionnés très clairement dès le 7 octobre.

En miroir de LFI, des dirigeants du Parti socialiste (PS) creusaient le fossé par des déclarations qu’on pouvait interpréter comme des soutiens à Israël. C’est sur cette question que la NUPES a explosé, elle n’y était pas condamnée. Olivier Faure a finalement sifflé la fin de la récréation, sous la pression de la partie du PS hostile à la NUPES. Les invectives ont plu, préparant les tensions produites par la division aux européennes. Côté LFI, la caractérisation des socialistes s’est durcie, au point que Jean-Luc Mélenchon a indiqué en mai 2024 qu’ils étaient en dehors du rassemblement : « Disons que, désormais, compte tenu des positions annoncées par Glucksmann, l’union politique avec un PS revenu à ses démons droitiers serait un obstacle à l’unité populaire. »

Mentionnons également la question de l’Ukraine, sur laquelle certaines ambiguïtés ont semé le trouble. Au Parlement européen, les député.es LFI ont voté pour l’aide y compris militaire à l’Ukraine, mais les député.es français ont été plus discret.es et LFI n’a pas participé aux manifestations des anniversaires de la guerre en février 2023 et 2024. Rappelons que Jérôme Legavre, député LFI membre du Parti ouvrier indépendant (POI), est intervenu à l’Assemblée nationale contre tout soutien à l’Ukraine, c’est-à-dire hors des clous de la ligne LFI, mais sans être sanctionné. Enfin, les propositions d’issues s’en tiennent à la diplomatie et la conférence des frontières, outre qu’elle porte le risque d’acter un rapport de force aujourd’hui favorable aux Russes tend à effacer l’exigence du retrait des troupes russes ou le soutien aux mobilisations populaires ukrainiennes.

Durcissement interne, notamment au sein du groupe parlementaire

On se souvient d’un message de Sophia Chikirou,  interne au groupe  parlementaire mais qui s’était retrouvé dans la presse, où elle expliquait en substance qu’elle regarderait les cadavres des frondeurs depuis le bord de la rivière, on peut évoquer aussi les invectives répétées au sein du groupe parlementaire LFI sur le thème cassez-vous et surtout la scandaleuse éviction de Raquel Garrido dont la sanction pour crime de lèse-Mélenchon fut, rappelons-le, la même que pour Adrien Quatennens, auteur de violences conjugales.

Logique, quand on justifie la fin du rassemblement, les unitaires n’ont pas bonne presse, ils perturbent le jeu. Ajoutons l’influence grandissante du POI, préposé aux basses œuvres depuis l’affaire Adrien Quatennens (une pleine page pour sa défense en septembre 2022 dans l’inénarrable journal Informations ouvrières) et véritable garde prétorienne de Jean-Luc Mélenchon. Voilà une organisation qui ne relève pas du meilleur des traditions du mouvement ouvrier (accusations, invectives, fichage de militant.es … ).

Durant la campagne des élections européennes, le pouvoir déploie une répression de très haut niveau contre le mouvement de solidarité avec la Palestine, contre des syndicalistes, des militant.es écologistes radicaux, mais surtout contre LFI, dans l’objectif de fracturer définitivement la gauche. Aucune organisation n’est à la hauteur de la situation, pas plus LFI, qui ne fait rien pour construire le large front nécessaire en défenses des libertés publiques gravement attaquées. En interne, les unitaires tentent de faire la campagne de la tête de liste Manon Aubry, font des offres de service mais sont laissés à l’écart, effacés des photos, au propre et au figuré.

Les insoumis unitaires ne critiquent pas publiquement la campagne, bien que ne partageant pas la stratégie adoptée : tout miser sur la Palestine comme symbole de l’identification à la population issue de l’immigration maghrébine. Il y a en réalité deux campagnes, celle que mène vaillamment Manon Aubry qui peine cependant à se faire entendre sur ses thématiques, face à la campagne menée par un ticket Jean-Luc Mélenchon-Rima Hassan.

S’est ajoutée une série de déclarations qui a donné l’occasion à nos ennemis de nous traiter d’antisémites. Par exemple, nous n’avons rien dit publiquement mais nous sommes opposé.es à toute relativisation de l’antisémitisme qui n’est pas résiduel. Il augmente et il faut dire que chaque acte antisémite est un acte antisémite de trop. 

Toute la séquence fragilise la possibilité du rassemblement. Les unitaires y appellent sans relâche, et font en sorte de maintenir les liens avec les anciens partenaires désormais honnis. Heureusement qu’il y eut des repas, c’est un minimum ! François Ruffin et Clémentine Autain tentent de crédibiliser la possibilité d’une candidature de rassemblement en 2027 et d’une alternative à Jean-Luc Mélenchon, désormais personnalité politique la plus clivante et la plus rejetée. Or en 2027, il ne s’agit plus de gagner la course à gauche. La stratégie de Jean-Luc Mélenchon était la bonne en 2022 – mais aujourd’hui, elle ne l’est plus. Cette fois, il s’agit d’aller au deuxième tour de l’élection présidentielle et de l’emporter face à l’extrême droite. Il ne s’agit pas de rejouer le match des deux gauches irréconciliables mais de rassembler autour d’une orientation de rupture avec le hollandisme, dès lors qu’elle constitue le centre de gravité à gauche. La direction de LFI a eu tendance à minimiser la menace de l’extrême droite, comme si elle n’était que la continuité du macronisme en pire, comme si l’extrême droite était déjà au pouvoir, comme s’il n’y avait pas une différence de nature. Rappelons que lors de l’assemblée représentative de décembre 2023, il a fallu toute la pression des délégué.es des groupes d’action pour que le mot extrême droite figure dans le document adopté. LFI n’a pas armé ses militant.es pour qu’iels prennent la mesure du grave péril que l’extrême droite constitue pour les pauvres, les femmes, les racisé.es, le danger majeur pour les droits et libertés. Cette menace impose le rassemblement. Le soir des élections européennes, Jean-Luc Mélenchon est tombé dans le même travers : il n’a parlé ni de la menace de l’extrême droite en France ni du rassemblement.

Quelques semaines plus tard, comment ne pas voir que l’accélération politique provoquée par la dissolution donne raison aux insoumis unitaires sur tous les points ? On pensait avoir trois ans, il n’y a eu que 3 semaines pour le faire. L’accord sur les circonscriptions et le programme constitue une grande victoire, et confirme le centre de gravité établi en 2022.

Les insoumis unitaires accusés de traîtrise défendent la ligne du NFP que la direction de LFI a été contrainte d’accepter en une nuit. Alors comment comprendre que les principaux défenseurs de cette orientation soient écartés à la première occasion ? Le choix du NFP est-il un coup tactique et opportuniste ou le reflet d’une réorientation stratégique ? Il y a la dimension de règlement de compte bureaucratique dans un mouvement qui n’est doté d’aucun mécanisme démocratique réel. Mais l’attitude générale de LFI pose question tant elle semble déterminée par le plan de vol pour la prochaine élection présidentielle, sachant qu’elle sort affaiblie de la séquence des législatives. La purge est un élément auquel s’ajoutent l’omniprésence de Jean-Luc Mélenchon et ses provocations délibérées. 

La possibilité d’une gauche de gauche sans Jean-Luc Mélenchon

Enfin, il faut prendre la mesure de la manière dont Jean-Luc Mélenchon et la direction de LFI se sont impliqués dans la campagne contre les député.es désinvesti.es. A Bagnolet/Montreuil, Bobigny/Drancy/Le Bourget, Paris 20e ou à Marseille, la campagne a été violente et calomnieuse, parfois ordurière. Rien que dans la circonscription d’Alexis Corbière, 9 députés sont venus soutenir la candidate investie par LFI Sabrina Ali Ben Ali pour le premier tour. 30 minutes avant la fin de la campagne officielle, Jean-Luc Mélenchon s’est même fendu d’une vidéo pour expliquer qu’il y avait de faux bulletins du NFP dans certaines circonscriptions. N’y avait-il pas mieux à faire, par exemple en soutien aux candidat.es LFI en difficulté face au RN ? Est-ce que les moyens matériels et humains investis n’auraient pas pu sauver les 500 voix qui ont manqué à Rachel Kéké ? Etrange sens des priorités.

L’issue des législatives a à nouveau donné raison aux insoumis unitaires et ce à deux niveaux. D’abord, la réélection de 3 d’entre nous malgré les moyens investis est un véritable camouflet pour Jean-Luc Mélenchon et montre que, dans des circonscriptions qui appartenaient à l’espace du mélenchonisme, il existe désormais un espace pour une gauche radicale qui se projette dans l’après-Mélenchon. Plus largement, chacun.e a pu mesurer à quel point Jean-Luc Mélenchon n’est plus en capacité d’incarner le rassemblement. Mais surtout, nous avons démontré que la ligne du rassemblement fonctionne, peut défaire l’extrême droite et mener à la victoire. 

Il faut en finir avec une orientation suicidaire pour la gauche et pour LFI. Cette dernière est indispensable au rassemblement parce qu’elle porte les exigences des classes populaires et la perspective d’une transformation profonde de la société. Ne laissons pas la logique boutiquière éteindre l’espoir suscité par LFI dont les unitaires sont les représentants les plus fidèles, tandis que Jean-Luc Mélenchon a tourné le dos au projet qu’elle portait. Portons une logique collective et démocratique. Les unitaires insoumis n’ont pas pour projet de brader le programme de la NUPES, celui du NFP ou de revenir au hollandisme qui nous a conduits à la catastrophe. Nous n’avons pas changé de programme : nous avons contribué à établir « l’avenir en commun » et nous continuons de le porter.

La dimension de rupture est la condition simultanée de la victoire – avec celle du rassemblement. Ce sont les deux éléments qui définissent les insoumis unitaires et la boussole qu’ils proposent à tous les insoumis, dans une situation bouleversée et inédite où il faut être à la hauteur de l’histoire. La situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons est aussi une opportunité pour construire l’unité de la gauche de la base au sommet, pas pour affadir le programme de la NUPES mais pour incarner une véritable alternative à l’extrême droite, qui puisse entrainer les classes populaires et mettre en mouvement la société.

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11.07.2024 à 17:35

Autain, Ruffin et Corbière parlent et il faut les écouter

Loïc Le Clerc

Ces mardi et mercredi, trois figures de la gauche ont donné des interviews à trois grands journaux. Tous trois tracent, chacun avec ses mots, une vision, une stratégie pour l'avenir.

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Texte intégral (1796 mots)

Ces mardi et mercredi, trois figures de la gauche ont donné des interviews à trois grands journaux. Tous trois tracent, chacun avec ses mots, une vision, une stratégie pour l’avenir.

Ces trois « insoumis » se sont vus écarter par la direction du mouvement (que l’on pourrait, à raison, considérée comme parlant comme un seul homme) à l’occasion des législatives anticipées – d’une façon plus ou moins violente. Aujourd’hui sans appartenance partisane, tous trois tracent, chacun avec ses mots, une vision, une stratégie pour l’avenir, en répondant à cette question : après l’accord électoral baptisé Nouveau Front populaire, quelle gauche ?

Interviewée par nos confrères de Mediapart, si Clémentine Autain savoure la bascule qui s’est opérée à l’entre-deux-tours, permettant la déroute du RN, elle prévient : « Il ne faut pas que ce sursaut ne soit qu’un sursis ». Même prudence du côté de François Ruffin, qui se fait alarmiste auprès de Monde : « Il y a un effet trompe-l’œil. […] 57% des ouvriers ont voté pour le RN dès le premier tour. Perdre les ouvriers, c’est très grave pour la gauche : ce n’est pas seulement perdre des voix, c’est aussi perdre son âme. »

Une alerte qu’il, comme il le rappelle lui-même, avait déjà donné en 2022 : « La gauche souffrait de trois ‘trous’ : un trou géographique, la France des bourgs ; un trou démographique, les personnes âgées ; un trou social, les salariés modestes. Mais cette alerte n’a servi à rien. La situation a empiré, et même basculé. »

Ce sursaut électoral pousse la gauche à assumer sa part de l’histoire : « Consolider, structurer le NFP, pour reprendre les mots de Clémentine Autain. Si on veut donner de l’espoir, il faut donner à voir que ce rassemblement existe, qu’il est vivant. » Sans cela, Alexis Corbière, interrogé par Libération, redoute que le NFP finisse pas n’être qu’un « coup tactique » et, dixit Clémentine Autain, « on passera à côté de nos responsabilités historiques », comme à l’heure de la Nupes.

Vision et stratégie

Ruffin fait du Ruffin. Dans sa région, 13 députés sur 17 sont d’extrême droite. Le député-reporter, tout en misant sur la résistance face à cette expansion du RN, dénonce une gauche qui « a fait le choix de l’abandon ». Il raconte : « En 2022, alors que l’Assemblée nationale accueillait 89 députés RN, Jean-Luc Mélenchon déclarait, texto : ‘De toute façon, ces terres-là n’ont jamais accepté la démocratie et la République.’ Ça m’a stupéfié. Car quels sont ces endroits ? Le Pas-de-Calais, la Picardie, le Midi rouge, qui pendant un siècle ont envoyé des députés communistes et socialistes dans l’Hémicycle. »

Et François Ruffin de s’emporter contre cette stratégie qui mise « tout sur les quartiers et la jeunesse diplômée » – ce qu’il appelle les « tours » – quitte à laisser les « bourgs » tout-entier à Marine Le Pen : « Voilà la ligne : se renforcer là où on est déjà forts, quitte à s’affaiblir là où on est déjà faibles… Donc, dans les quartiers, on a des députés LFI élus dès le premier tour. Bravo ! Ce sont les cadres du mouvement, qui ont hérité des meilleures circonscriptions, où la gauche fait 70%, qui n’ont pas à mener de bagarre pour leurs sièges, et encore moins contre le RN. Et ce sont eux qui, depuis Paris, l’Île-de-France, les grandes métropoles, édictent une stratégie perdante pour le reste du pays ! Merci ! »

Même analyse chez Alexis Corbière, qui déplore le fait que « LFI a perdu onze députés, dont neuf dans des zones rurales. Nous ne prendrons pas le pouvoir avec une base sociale et électorale qui se réduit de scrutin en scrutin, ni avec une direction constituée d’un seul et unique profil sociologique. » Idem chez Clémentine Autain : « Si nous essuyons des défaites dans les territoires ruraux, c’est aussi parce que le discours de la gauche y a perdu pied. Le profil de LFI, qui lors des européennes s’est centré quasi exclusivement sur la si juste cause palestinienne, a permis de créer un affect dans les quartiers populaires à forte population issue de l’immigration. Mais si on pense que c’est uniquement en confortant ces points de force qu’on peut être majoritaires dans le pays, on fait fausse route. »

Las, François Ruffin se fait très cash : « Depuis deux ans, LFI, c’est la stratégie Terra Nova avec le ton du Nouveau Parti anticapitaliste »

Le problème Mélenchon

Autoritarisme, stratégie variant au gré du vent, clanisme, intimidation et absence de démocratie. La France insoumise ne vit que par et pour Jean-Luc Mélenchon. Clémentine Autain le dénonce depuis des années. Alexis Corbière – mélenchoniste de la première minute de la première heure – vient d’en faire la douloureuse expérience. François Ruffin a bien failli en perdre son siège : « Pendant trois semaines, nous avons porté notre croix, un sac à dos rempli de pierres, on s’est heurtés à un mur, à un nom : ‘Mélenchon, Mélenchon, Mélenchon.’ » Et il jure que sa campagne a basculé en sa faveur du moment où il a acté sa rupture avec Jean-Luc Mélenchon. « Le peuple de gauche veut la démocratie, il veut le pluralisme, il veut un autre profil que le bruit et la fureur », assure Clémentine Autain. D’autant que cette voie-là est à bout de souffle : le groupe LFI se rétrécie et les sociaux-démocrates reprennent du poil de la bête.

« Quand on voit l’énergie démente dépensée par la direction insoumise dans cette campagne pour faire perdre [Corbière, Simonnet, Davi et Garrido, ndlr], au détriment de l’investissement contre le RN, on se dit que la victoire est immense. Et que l’appareil ne fait pas tout. C’est l’orientation la plus juste qui l’a emporté », abonde la députée de Seine-Saint-Denis.

Ceci étant dit, les voilà, eux trois mais aussi Hendrik Davi et Danielle Simonnet, purgés de LFI et réélus, sans groupe à l’Assemblée auquel se rattacher. Une nouvelle bataille s’annonce alors. En coulisses, la Mélenchonie s’active pour que les communistes ne les accueillent pas. Mais plutôt que d’être « sauvés » par un groupe existant, l’idée serait d’en créer un nouveau. Pour Ruffin, c’est un « groupe trait d’union ; un groupe qui rassemble les communistes, les écologistes, les élus du parti Génération.s et nous ». Pour Autain, c’est « a minima un intergroupe à l’Assemblée nationale, un cadre régulier d’animation du NFP et la possibilité d’adhésions directes ». Pour Corbière, c’est « un grand groupe NFP, auquel appartiennent tous les députés élus à gauche [qui] doit fonctionner de la manière la plus démocratique qui soit ». Réponse au plus tard le 18 juillet, date de formation de la nouvelle Assemblée.

Et après ?

Gouverner ? Ok. Encore faut-il « au plus vite faire une proposition à Emmanuel Macron de premier ou première ministre », rappelle Clémentine Autain. Mais gouverner comment et, surtout, avec qui, étant donné que le NFP ne dispose pas d’une majorité ? Pour Ruffin, c’est clair, il faut qu’Emmanuel Macron « demande à ses députés macronistes de ne pas pratiquer, à l’Assemblée nationale, une opposition de principe ». Et pour Autain, c’est tout aussi limpide, « il faut gouverner sur une base claire, celle du programme du NFP, et pas dans le cadre d’une coalition avec Renaissance, qui serait le bricolage de deux visions de la société qu’on ne peut pas raccorder ».

Ensuite, l’élu de la Somme voit « des coalitions sur les textes ». Mais au-delà, c’est la méthode qui lui importe : « Il ne faudra pas gouverner comme l’a fait le chef de l’État ces deux dernières années, avec arrogance et toute-puissance. Il faudra le faire avec respect pour les Français, avec tendresse même. On doit prendre soin des gens pour prendre soin de la République. »

Voilà le minimum syndical qui attend la gauche en 2024. Le début de l’histoire car, comme le souligne fort à propos Clémentine Autain, « nous n’avons pas encore de majorité, il reste la prochaine législative et la présidentielle à gagner ». Reste à « faire mieux » qu’aux précédentes échéances. Car, hormis sur la planète LFI, 2017 et 2022, on n’appelle pas ça des victoires. 

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