02.12.2024 à 19:25
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Il y a cinquante ans, la population de l'archipel des Comores était invitée à se prononcer sur le statut de son territoire. Si trois des quatre îles votèrent massivement pour l'indépendance, Mayotte (Maore), où un courant sécessionniste animé par l'élite créole exerçait un puissant lobbying, vota contre, tandis qu'à Paris l'armée et le « parti colonial » encore très puissant ne voulaient pas perdre cette position stratégique dans l'océan Indien. La France accorda donc l'indépendance aux Comores mais conserva Mayotte, devenue en 2011 le 101e département français à l'issue d'un processus unique de « colonisation consentie ».
Le titre a été honteusement volé à celui de ce fabuleux article de Dénètem Touam Bona que nous avions publié en mai 2023.
Tout renvoie à la colonie sur cette île : les ghettos de Blancs, la hiérarchisation raciale au travail comme dans la vie quotidienne, la dépendance économique envers la « métropole », les défaillances des infrastructures mises en lumière par les récentes pénuries d'eau… Entre des Mahorais reniant leur passé pour être « français à tout prix », dont la dérive vers l'extrême droite semble sans fin, des « métros » qui se comportent en terrain conquis et cultivent l'entre-soi, et des Comoriens devenus « étrangers » par l'effet d'une politique d'État délibérée, la violence à Mayotte est le résultat d'un double processus de dislocation et de colonisation. Ce livre raconte les principaux épisodes de cette histoire et dresse un portrait sans concession de « Mayotte française » et du présent colonial qui continue de l'animer.
Pour vous y abonner, des liens vers tout un tas de plateformes plus ou moins crapuleuses (Apple Podcast, Amazon, Deezer, Spotify, Google podcast, etc.) sont accessibles par ici.
Producteurs et parasites, un fascisme est déjà là - Michel Feher
Clausewitz et la guerre populaire - T. Drebent
Faut-il boyotter les livres Bolloré - Un lundisoir avec des libraires
Contre-anthropologie du monde blanc - Jean-Christophe Goddard
10 questions sur l'élection de Trump - Eugénie Mérieau, Michalis Lianos & Pablo Stefanoni
Chlordécone : Défaire l'habiter colonial, s'aimer la terre - Malcom Ferdinand
Ukraine, guerre des classes et classes en guerre - Daria Saburova
Enrique Dussel, métaphysicien de la libération - Emmanuel Lévine
Combattre la technopolice à l'ère de l'IA avec Felix Tréguer, Thomas Jusquiame & Noémie Levain (La Quadrature du Net)
Des kibboutz en Bavière avec Tsedek
Le macronisme est-il une perversion narcissique - Marc Joly
Science-fiction, politique et utopies avec Vincent Gerber
Combattantes, quand les femmes font la guerre - Camillle Boutron
Communisme et consolation - Jacques Rancière
Tabou de l'inceste et Petit Chaperon rouge - Lucile Novat
L'école contre l'enfance - Bertrand Ogilvie
Une histoire politique de l'homophobie - Mickaël Tempête
Continuum espace-temps : Le colonialisme à l'épreuve de la physique - Léopold Lambert
Que peut le cinéma au XXIe siècle - Nicolas Klotz, Marie José Mondzain & Saad Chakali
lundi bonsoir cinéma #0
« Les gardes-côtes de l'ordre racial » u le racisme ordinaire des électeurs du RN - Félicien Faury
Armer l'antifascisme, retour sur l'Espagne Révolutionnaire - Pierre Salmon
Les extraterrestres sont-ils communistes ? Wu Ming 2
De quoi l'antisémitisme n'est-il pas le nom ? Avec Ludivine Bantigny et Tsedek (Adam Mitelberg)
De la démocratie en dictature - Eugénie Mérieau
Inde : cent ans de solitude libérale fasciste - Alpa Shah
(Activez les sous-titre en français)
50 nuances de fafs, enquête sur la jeunesse identitaire avec Marylou Magal & Nicolas Massol
Tétralemme révolutionnaire et tentation fasciste avec Michalis Lianos
Fascisme et bloc bourgeois avec Stefano Palombarini
Fissurer l'empire du béton avec Nelo Magalhães
La révolte est-elle un archaïsme ? avec Frédéric Rambeau
Le bizarre et l'omineux, Un lundisoir autour de Mark Fisher
Démanteler la catastrophe : tactiques et stratégies avec les Soulèvements de la terre
Crimes, extraterrestres et écritures fauves en liberté - Phœbe Hadjimarkos Clarke
Pétaouchnock(s) : Un atlas infini des fins du monde avec Riccardo Ciavolella
Le manifeste afro-décolonial avec Norman Ajari
Faire transer l'occident avec Jean-Louis Tornatore
Dissolutions, séparatisme et notes blanches avec Pierre Douillard-Lefèvre
De ce que l'on nous vole avec Catherine Malabou
La littérature working class d'Alberto Prunetti
Illuminatis et gnostiques contre l'Empire Bolloréen avec Pacôme Thiellement
La guerre en tête, sur le front de la Syrie à l'Ukraine avec Romain Huët
Abrégé de littérature-molotov avec Mačko Dràgàn
Le hold-up de la FNSEA sur le mouvement agricole
De nazisme zombie avec Johann Chapoutot
Comment les agriculteurs et étudiants Sri Lankais ont renversé le pouvoir en 2022
Le retour du monde magique avec la sociologue Fanny Charrasse
Nathalie Quintane & Leslie Kaplan contre la littérature politique
Contre histoire de d'internet du XVe siècle à nos jours avec Félix Tréguer
L'hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin
oXni - « On fera de nous des nuées... » lundisoir live
Selim Derkaoui : Boxe et lutte des classes
Josep Rafanell i Orra : Commentaires (cosmo) anarchistes
Ludivine Bantigny, Eugenia Palieraki, Boris Gobille et Laurent Jeanpierre : Une histoire globale des révolutions
Ghislain Casas : Les anges de la réalité, de la dépolitisation du monde
Silvia Lippi et Patrice Maniglier : Tout le monde peut-il être soeur ? Pour une psychanalyse féministe
Pablo Stefanoni et Marc Saint-Upéry : La rébellion est-elle passée à droite ?
Olivier Lefebvre : Sortir les ingénieurs de leur cage
Du milieu antifa biélorusse au conflit russo-ukrainien
Yves Pagès : Une histoire illustrée du tapis roulant
Alexander Bikbov et Jean-Marc Royer : Radiographie de l'État russe
Un lundisoir à Kharkiv et Kramatorsk, clarifications stratégiques et perspectives politiques
Sur le front de Bakhmout avec des partisans biélorusses, un lundisoir dans le Donbass
Mohamed Amer Meziane : Vers une anthropologie Métaphysique->https://lundi.am/Vers-une-anthropologie-Metaphysique]
Jacques Deschamps : Éloge de l'émeute
Serge Quadruppani : Une histoire personnelle de l'ultra-gauche
Pour une esthétique de la révolte, entretient avec le mouvement Black Lines
Dévoiler le pouvoir, chiffrer l'avenir - entretien avec Chelsea Manning
Nouvelles conjurations sauvages, entretien avec Edouard Jourdain
La cartographie comme outil de luttes, entretien avec Nephtys Zwer
Pour un communisme des ténèbres - rencontre avec Annie Le Brun
Philosophie de la vie paysanne, rencontre avec Mathieu Yon
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Parcoursup, conseils de désorientation avec avec Aïda N'Diaye, Johan Faerber et Camille
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La fabrique du muscle avec Guillaume Vallet
Violences judiciaires, rencontre avec l'avocat Raphaël Kempf
L'aventure politique du livre jeunesse, entretien avec Christian Bruel
À quoi bon encore le monde ? Avec Catherine Coquio
Mohammed Kenzi, émigré de partout
Philosophie des politiques terrestres, avec Patrice Maniglier
Politique des soulèvements terrestres, un entretien avec Léna Balaud & Antoine Chopot
Laisser être et rendre puissant, un entretien avec Tristan Garcia
La séparation du monde - Mathilde Girard, Frédéric D. Oberland, lundisoir
Ethnographies des mondes à venir - Philippe Descola & Alessandro Pignocchi
Enjamber la peur, Chowra Makaremi sur le soulèvement iranien
Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique avec Fanny Lopez
Comment les fantasmes de complots défendent le système, un entretien avec Wu Ming 1
Le pouvoir du son, entretien avec Juliette Volcler
Qu'est-ce que l'esprit de la terre ? Avec l'anthropologue Barbara Glowczewski
Retours d'Ukraine avec Romain Huët, Perrine Poupin et Nolig
Démissionner, bifurquer, déserter - Rencontre avec des ingénieurs
Anarchisme et philosophie, une discussion avec Catherine Malabou
La barbarie n'est jamais finie avec Louisa Yousfi
Virginia Woolf, le féminisme et la guerre avec Naomi Toth
Françafrique : l'empire qui ne veut pas mourir, avec Thomas Deltombe & Thomas Borrel
Guadeloupe : État des luttes avec Elie Domota
Ukraine, avec Anne Le Huérou, Perrine Poupin & Coline Maestracci->https://lundi.am/Ukraine]
Comment la pensée logistique gouverne le monde, avec Mathieu Quet
La psychiatrie et ses folies avec Mathieu Bellahsen
La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur
Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d'âme d'Éric Chauvier
La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost
Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari
Puissance du féminisme, histoires et transmissions
Fondation Luma : l'art qui cache la forêt
L'animal et la mort, entretien avec l'anthropologue Charles Stépanoff
Rojava : y partir, combattre, revenir. Rencontre avec un internationaliste français
Une histoire écologique et raciale de la sécularisation, entretien avec Mohamad Amer Meziane
LaDettePubliqueCestMal et autres contes pour enfants, une discussion avec Sandra Lucbert.
Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.
Au cœur de l'industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli
Vanessa Codaccioni : La société de vigilance
Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D'exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l'avance ou improvisés dans la joie et l'ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu'au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.
02.12.2024 à 17:58
dev
Ou comment vendre la revue l'invendable
- 2 décembre / Avec une grosse photo en haut, International, Rencontres, 4Pour s'aérer la tête des couches épaisses du commentariat médiatico-politique suscité par la victoire de Donald Trump sans parler des analyses d'expert.es plus ou moins absconnes [1] censées expliquer le mystère scandaleux de sa réélection, rien de mieux que d'aller faire un tour aux USA pour humer l'état du pays au hasard des rencontres. Trois jeunes reporters français, indépendants et fauchés, l'ont fait pour nous du 30 octobre 2023 au 5 janvier 2024 . Dans leurs carnets de voyage [2], ils racontent en style gonzo cheap assumé leur balade de 15 000 km dans le centre désert de l'Amérique, du Texas au Dakota suivant ce qu'ils appellent « la verticale du vide ». Let's go au pays des cowboys trumpiens et des indiens colonisés.
Nos trois lascars Louis Borel, Serge Hastom et Nicolas Cortes (le photographe de l'équipe) expliquent ainsi leur projet : « Nous comptions toucher le cœur de l'Amérique, longer ce que nous avions pompeusement baptisé « la verticale du vide » pour aller voir, parcourir le centre des Etats-Unis du Sud au Nord à quelques mois de l'élection présidentielle pendant que les commentateurs de l'internationale éditorialistique prendraient une grande inspiration sur les plateaux avant de se tirer les cheveux et de s'écrier : « Mais comment c'est possible que des gens soient assez cons pour voter Donald Trump ? ». Bref, l'envie « d'aller voir » propre au reporter, de se faire surprendre par le réel plutôt que de vérifier quoi que ce soit, et au fond, comme dans tout vrai voyage, l'envie de se perdre.
Leur voyage à bord d'une Honda Odyssey familiale achetée d'occasion commence vraiment dans la petite ville texane de Bandera, connue comme la capitale mondiale des cowboys. Ils débarquent dans « ce bled de fous furieux » la semaine de l'ouverture de la chasse au chevreuil et à la veille d'une immense fête attirant tous les cowboys de la région. Lors de cette fête, ils croisent Nancy, une coiffeuse de Bandera. Quand ils évoquent leur prochaine étape à Marfa, une « ville magique qui ressemble à rien mais abrite toute la bohème artistique du Texas », son sourire lifté la quitte et elle se met à pleurer : « C'était un coin de paradis au milieu du désert. Mais aujourd'hui... Ils ont juste défiguré la ville. Ils ont mis des drapeaux colorés partout sur les devantures. Oui, voilà, c'est ça, les drapeaux LGBT comme ils disent (…) ces putains de drapeaux arcs-en-ciel... ». Dans leurs « têtes de parisiens décontractés de la parano LGBT », ils éprouvent « sincérement de la peine pour elle et ses larmes de conservatrice totalement déboussolée ». Mais c'est Craig-le-Cowboy qui les fait craquer, un soixantenaire marginal, nouveau riche depuis la vente du vieux ranch familial, qui surjoue au cowboys sans trop plus y croire. D'ailleurs, les texans qui parlent toujours de se défendre contre les urbains, les démocrates, « les hordes de criminels latino-américains qui affluent à la frontière » portent plus souvent un portable dans leur étui à flingue. Même les chevaux dans les ranchs des alentours paraissent un peu là pour la déco, un peu comme Graig-le-Cowboy.
Changement brutal de décor avec leur deuxième étape plus au sud, sur les bords du Rio Grande, à Eagle Pass et Piedras Negras, des deux côtés de la frontière mexicaine. Loin de leurs souvenirs de mômes du film Rio Bravo avec John Wayne où le fleuve était « le terrain de flingueries bien jouissives », ils se trouvent confrontés à « l'insoutenable absurdité du monde », celle des migrants qui au péril de leur vie cherchent à traverser le fleuve pour « sauter aux Etats-Unis comme un lapin et prendre tout l'argent des Américains en travaillant beaucoup » comme leur raconte comiquement Abigaël, un Hondurien de San Pedro. « Depuis deux ans, une cage à un seul versant et plusieurs lignes de barreaux est tombé sur le Rio Grande avec ses couches de barbelés, de caméras, de grilles et de soldats ». Mais au mur de Trump, en fait une extension de près des 800 km sur les 1000 km déjà édifiés par les précédents présidents, s'est ajouté ici sur trois cent mètres une ligne de bouées anti-migrants. Une ligne qui a couté un million de dollars et qui ne sert à rien. Mur ou pas, bouées ou pas, les sautes-frontières continuent de passer : ils étaient 2,4 millions en 2023. Le gouverneur du Texas Greg Abbott comme Donal Trump son pote le savent bien mais s'en foutent tant que cela leur rapporte en popularité. « Eux ce qu'ils veulent c'est que les électeurs se disent : « Merde putain, ouais, ces gars là c'est des bons gars qui luttent vraiment pour qu'on ne se fasse pas envahir par topus ces satanés violeurs et trafiquants lations, putain,, ouais, merde, heureusement qu'ils sont pas tous des gonzesses qui n'attendent que se faire violer par les étangers comme ces putains de démocrates, ouais, merde ! ». Et ça marche ».
L' étape suivante, aussi déroutante que dérangeante, les conduit à Elohim City, « la ville de dieu », un hameau perdu au fin fonds des monts Ozarks, à la frontière de l'Oklahoma et de l'Azrkansas. Pour situer les choses, Robert Millar, le fondateur de cette communauté de blancs identitaires, suprémacistes, survivalistes, complotistes et surtout très chrétiens, avait été en contact en 1995 avec ses potes Richard Snell et Timothy McVeigh quelques jours avant leur attentat à la bombe d'un batiment fédéral d'Oklahoma qui avait fait 168 morts, soit l'attentat le plus meurtrier jamais commis par un américain sur le territoire. Avant de rencontrer David, qui a succédé à son père à la tête de la communauté, ils tombent sur Mike, un type pour le moins zarbi-parano, qui leur raconte de sombres histoires comme celles d'un traffic humain organisé dans une baraque abandonnée du hameau et d'un bunker secret de l'état fédéral. Rien que ça. Sa femme, Miranda, rencontrée plus tard, n'aime pas tellement les gens d'Elohim mais adore son grand-père néo-nazi. Tous deux, bien sûr, sont prêts à prendre les armes pour défendre la démocratie en cas de victoire de Biden.
La rencontre avec David est cependant bien plus instructive. D'abord, il les invite à partager le culte. Comment ne pas accepter ? Quelques jours plus tôt, un jeune bluesman ne les avait-il pas encouragé dans leur projet d'immersion par ces mots : « Profitez de vos privilèges de Blancs pour mettre votre nez là où un Noir comme moi ne pourrait pas aller. Profitez-en et racontez ». Après la cérémonie, à la demande de David, ils se présentent à l'assemblée en mode semi-planqué. Alors qu'ils pensent s'en être pas mal sortis, David relance le bouchon en proposant aux fidèles de « poser des questions à nos amis français ». Celles-ci ne manquent pas, toutes du même calibre. Exemple : « A la télé, on voit bien que les arabes et les noirs sont en train de remplacer les Français de souche parce que les Arabes et les Noirs font plus d'enfants. Pourquoi vous ne faites pas plus d'enfants, vous les Blancs ? ». Aïe ! Aïe ! Comment se sortir du guêpier ? Ils racontent : « Si on a pu répondre à chaque question sans froisser cette bande de réacs invétérés ni mordre nos langues de bobos maladifs, c'est en partie parce que c'était la première fois que les illuminés d'en face rencontraient des Français dans notre genre, trois jeunes hommes blancs de gauche, bien élevés et cultivés. On précise blancs, bien sûr, malgré nous, parce que oui, ça arrangeait pas mal les choses. Au-delà du privilège, cette grande communauté de fascistes en puissance se montrait étonnamment, merveilleusement, réceptive à nos récits, à nos explications, à nos expériences. À chaque phrase, dont nous pesions le moindre mot avec soin, nous observions, incrédules, cette assemblée de fous de Dieu hocher la tête, intéressés, curieux, honnêtes, ravis d'en apprendre plus sur un pays minuscule dont ils admettaient ne rien connaître mais dont ils voient, régulièrement, l'ombre d'une ombre à la télévision, à laquelle on ne peut plus se fier, et sur internet où on trouve du lard et du cochon ».
Après avoir été invité à partager le déjeuner de Thanksgiving et participé à un tournoi de Volley, ils échangent avec David qui s'avère très pédago. Sur le suprématisme, la dialectique est rodée : 'Si tu me mets sur un terrain de basket avec de grands Noirs athlétiques, est-ce que tu penses que je vais toucher un ballon ? (…) Mais, en tant que Blanc, j'ai mes propres qualités. Je suis plus performant sur le terrain intellectuel par exemple. C'est le 'fardeau de l'homme blanc', d'éduquer les autres races. Vous savez que ce sont les Blancs qui ont inventé la roue ?' Conséquence : le racialisme c'est tout sauf du racisme : 'Si je vois un Noir au bord d'une route qui me fait signe parce qu'il a crevé, je vais m'arrêter et je vais l'aider à changer sa roue, évidemment (…) Les Noirs peuvent nous rendre visite, bien sûr, ils peuvent même participer à la prière. Je les recevrai exactement comme vous. Mais..., précise David, ils ne peuvent pas s'installer ici pour vivre, vous voyez. (…) Les races ne doivent pas se mélanger. Quand elles se mélangent, elles s'appauvrissent culturellement les unes les autres, elles perdent leurs racines. Nous devons vivre séparés pour le bien de tous. Il faut des Noirs qui soient de bons Noirs, des Latinos qui soient de bons Latinos, des Blancs qui soient de bons Blancs. ' CQFD.
En rapportant cette séquence, les reporters s'interrogent sur leur positionnement : faut-il rapporter les propos de fachos avec des guillemets ? Des précautions ? Les contester ? Réponse : le simple fait de les rapporter suffit à les disqualifier. Et puis ne faut-il pas se laisser aussi porter par « l'étrange empathie du reportage » ? « C'est son principal intérêt et sa raison d'être : plonger dans un monde qui n'est pas le notre et tenter de sonder les limites de notre arc de compréhension ». Ils évoquent aussi leur souhait, que l'on pourra trouver quelque peu naïf, d'établir des « ponts de compréhension ». Mais bon, les reporters ne sont de toute façon pas de militants antiracistes venus en territoire ennemi défendre leur cause et sans cette disposition d'esprit prônant l'écoute et non la stigmatisation indignée, leur road trip en territoire trumpien aurait été impossible et c'eût été dommage. Reportage oblige donc.
Plus au Nord, dans ce grand nul part qu'est le Kansas ( un des « crossing states », ces états qu'on traverse pour aller ici ou là mais où personne n'aurait l'idée de s'arrêter), nos reporters choississent de faire étape dans un patelin remarquable uniquement pour avoir été la planque des frères Dalton. C'est l'occasion d'une belle rencontre avec un autre spécimen de cowboy trumpien, le vieux Mark, comboy « à la dégaine impayable » et gardien du musée. « Vous êtes Français, vous avez lu ces fameux Lucky Luke. C'est pour ça que vous connaissez les Dalton. Ici, personne n'en entend plus parler ». Et nos Tintins en Amérique sont touchés par ce vieux mark qui porte sur les épaules de sa chemise en jean « le poids incommensurable de la mélancolie des cowboys, une mélancolie profonde qu'on retrouve à peu près dans tous les trous perdus où l'on met les pieds. Ça lui fait sincérement de la peine, à Mark, la mort de son enfance, la disparition d'un imaginaire quia berçé toutes les putaines années de sa vie (…) John Wayne est mort et enterré, avec sa success story de bouseux de l'lowa, Clint Eastwood finira bien par le rejoindre au paradis des machos classieux et l'époque qui s'ouvre s'annonce plutôt comme celle des biquets, glabres et new-yorkais à la Timothée Chalamet. Alors Mark ouvre sa grande gueule d'éternelle groupie des cowboys et il bitche sur les pédés, les Noirs, les Latinos, les féministes, les écolos. Il a l'étincelle narquoise dans le regard, du style, de la superbe même. Il donne le change. II ne nous ferait jamais un coup à la Nancy, pleurnicher sur les drapeaux de Marfa ou sur n'importe quoi. Il est au-dessus de tous ces guignols des villes qui lui en touchent une sans faire bouger l'autre, qu'il dirait s'il était Français. Mark est très Ricain. Un Ricain à l'ancienne, éternel, ringard, déchu. Malgré ses rires appuyées, malgré son air goguenard, on sent qu'il est triste, au fond, que ça le ronge, ce passé qui passe, ce monde, le sien, qui, peu à peu, s'efface ». Les cowboys d'aujourd'hui sont tellement paumés qu'ils en viennent à parler des indiens, leurs éternels ennemis, « avec l'affection qu'on porterait pour un vieux rival à la fin de sa vie ». Bref, la nostalgie n'est plus ce qu'elle était. .
Excepté le séjour heureux très Peace and Love à Marfa, la ville branchée du Texas honnie par Anny, où nos amis rencontrent des musicos et de filles trop cool, leur voyage fauché en pays glauque rime souvent avec galère ( nuits passés dans la bagnole, mal bouffe) et rencontres souvent déprimantes. C'est le cas de leur passage à Garden City, une étable puante à ciel ouvert qui compte plus de vaches que d'habitants, et où sévit le premier exportateur de viande américaine, Tyson Foods, géant de l'agro-industrie, fournisseur de MCDonald's, Burger King, Taco Bell's etc. Face aux difficultés de visiter l'usine, de rencontrer des ouvriers assez causants le soir dans les bars et vu leurs maigres ressources, ils finissent par taper l'incruste dans un refuge pour sans-abris où ils partagent un second diner de Thanksgiving. Autour de la table chacun cause plutôt à son assiette mais ils parviennent à échanger un peu, à récolter quelques histoires de misère. Celle de Fayçal notamment, un des rares noirs qu'ils rencontrent. Ce soudanais dont ni l'Angleterre, ni l'Allemagne ni la France ne voulaient, rêvait d'Amérique comme beaucoup d'autres de toute nationalité. En fait de rêve, il se retrouve « englué dans cette cuve à bouse de Garden City » où l'on abat entre 4000 et 6000 bêtes par jour. Il n'a travaillé à l'usine que deux mois, le temps de se trancher un doigt et d'être viré après dix jours d'arrêt de travail. Depuis il mendie du travail aux abattoirs et créche dans une tente aux bords d'un fleuve. Et nos reporters de conclure : « La scie circulaire broie les mains qu'elle nourrit. C'est à ce prix là qu'on, mange de la merde à bon prix. Rien de neuf mais ça ne fait pas de mal de le rappeler. Les voyages rendraient marxistes n'importe quel être doué de sensibilité. »
La fin du voyage se déroule en terre indienne, précisément à Pine Ridge, dans le Dakota du Sud. Cette réserve où vit la tribu des Lakotas [3] est la plus pauvre des Etats-Unis : au beau milieu des terres de la première puissance mondiale, Pine Ridge est « un bout du monde, où l'on meurt du diabète bien avant 50 ans », « une zone sans perspectives » avec un taux de chômage dépassant les 80%. Durant les deux semaines et demi qu'ils parcourent ce pays dans le pays, les habitants n'ont de cesse de leur répéter qu'ils détestent « les journalistes blancs et le poverty porn, la tendance généralisée qu'ont les medias à pratiquer le misérabilisme sur leur dos. » Le trio réussit cependant à nouer quelques liens et à partager de beaux moments qui nourrissent leur récit. Sur le fond ils comprennent les critiques et acquiescent : « Nous nous rendons à l'évidence que ce ne sont pas seulement leurs terres, leurs langues, leurs cultures – à jamais perdues quoiqu'ils disent – que les indiens réclament à cor et à cri, mais d'abord leur intimité de peuple blessé, leur dignité. C'est ce dernier trésor qu'ils défendent en aboyant sur les reporters de passage . (…) Les Lakotas portent l'histoire d'un peuple écrasé qui persiste, encore et encore, a défendre son droit d'exister face au Léviathan américain. Ils arborent fièrement le drapeau palestinien et ça fait plaisir à Nicolas. C'est de ça qu'il est question à Pine Ridge : de la survie d'un peuple opprimé, de sa lutte pour une fierté bafouée. Pas de la pauvreté ou du désespoir qui sont les conséquences d'une situation politique et historique que des milliards versés par l'État américain et les ONG ne corrigeront pas. La misère cache la cause, désarme le combat. » Bien vu, bien dit.
Après s'être fait successivement balader par la responsable raciste du Bureau des affaires indiennes - représentant du pouvoir fédéral qui distribue l'argent au Conseil tribal [4] - puis proprement jeter par la vice-présidente du Conseil tribal effarouchée par leurs questions pourtant basiques sur le nombre d'habitants, sur le taux de chômage et le taux de pauvreté, ils quittent la réserve pour une excursion dans le Dakota du Nord . Mais leur reportage (une commande) sur les campements d'hommes ( men's camp) venus travailler dans ce désert pétrolifère tourne court. Le boom pétrolier qui avait attiré il y a quinze ans « toute une faune de pauvres opportunistes » est bel et bien retombé et les campements sont quasiment à l'abandon. Dans ce bout du monde, les grosses machines à pétrole qui parsèment le paysage semblent pomper toutes seules. Pas âme qui vive aux alentours. Pourtant « il doit bien falloir des mécanos quand même puisqu'on croise parfois l'ombre de leur présence. Ils vivent agglutinés en petit tas de rues quadrillées où les pick-ups ont l'air de se faire chier pas mal. L'Amérique s'épuise. Elle n'a plus rien de la vigueur des Rocheuses, elle se répète d'elle-même, comme les paysages de fin des jeux de vidéo. Et nous comme des joueurs de jeux vidéo, on commence à être pas mal abrutis par ce monde qui n'en finit pas ».
Le coup de grâce vient de leur dernière tentative en territoire indien de rejoindre la chevauchée annuelle de Big Foot, une grande pérégrination de près de 500 km à travers le Dakota qui suit la ligne de fuite des tribus lakotas en décembre 1890, après la mort de leur chef Sitting Bull, en direction de Wounded Knee où, désarmés par un régiment de cavalerie, ils sont massacrés. Là encore, le contact est difficile et Percy, l'un des fondateurs de l'évènement, se montre plus que résistant à leur demande d'accompagner la chevauchée ou même d'y être tolérés. Seul, Wendell qui chevauche avec son frère, ses petits enfants et les petits enfants de son frère, les accepte. Wendell qui appelle son numéro de sécurité sociale « son numéro de camp de concentration », règle la question de l'occupation des terres de façon radicale : « Nous sommes dépendants des descendants d'Européens pour la nourriture, les soins, les allocations. Il faut briser la chaîne, redevenir autonome, supprimer le dollar. » Si Wendell leur parle un peu, les autres les évitent. Ils sont cependant reconnaissants d'avoir pu participé quelques jours à cette séquence « épique » de leur road movie où tous les matins ils se purifiaient « à la fumée de sauge, dans le froid glacial d'immenses plaines où raisonnait le choeur des sioux ».
Fin du voyage. De retour à Chicago où ils galèrent pour vendre leur voiture dont ils n'ont pas les papiers, ils rencontrent André, un professeur de littérature de la French American Scool qui n'en revient pas de ce qu'ils lui racontent de ces états où il n'a jamais les pieds. « C'est dramatique. Les classes populaires du centre pensent vraiment que Trump les représente alors que c'est un homme d'affaires milliardaire et véreux ? C'est incompréhensible.' Nous, c'est pas pour dire, mais à force de parler aux réacs de tous les pays, on commence à bien les connaître et les comprendre. Ils trouvent que les villes sont sales, dangereuses, malsaines, qu'un homme va avec une femme, que chacun chez soi, que les 'sachants' les méprisent et que le travail se paie. C'est une histoire de bulle sociale, on n'invente rien et André le sait bien. Il est Tunisien, il est spécialiste de Victor Hugo et sa culture générale nous écrase tous les trois réunis. Mais voilà, il n'arrive pas à croire que des Américains puissent encore voter Trump avec toutes les casseroles qu'il se trimballe aux fesses. »
Fin du voyage. Début de la rédaction. Nos reporters rapportent ce qu'ils ont vu, entendu et parfois partagé. Ils revendiquent un journalisme d'expérience vécue, pas un journalisme de solution, laissant à d'autres l'analyse de leur constat. A suivre donc.
Bernard Chevalier
[1] Excepté bien sûr celles développées ici même par nos invité.es de deux lundisoirs : Eugénie Mérieau, Michalis Lianos & Pablo Stefanoni ( https://lundi.am/10-questions-sur-la-victoire-de-Trump ) et Michel Feher ( https://lundi.am/Producteurs-ou-parasites)
[2] Leurs carnets de voyage sont auto-édités dans la revue Invendable un magazine format de poche illustré par leurs photographies. Après le numéro 1 sur les USA, est venu un numéro 2 sur la Russie en guerre et un numéro 3 est prévu en janvier sur la France. https://www.revueinvendable.com/boutique
[3] Les Lakotas (Lakhota ou encore Lak'ota) sont une tribu autochtone américaine du groupe ethnique sioux. Ils forment eux-mêmes un groupe de sept tribus. En décembre 2007, une délégation conduite par Russell Means et disant représenter les Lakotas a déclaré rompre les traités qui les lient aux États-Unis, proclamant ainsi leur indépendance et annonçant qu'ils allaient produire leurs propres passeports et permis de conduire. https://fr.wikipedia.org/wiki/Lakotas
[4] « Ces subventions, qui continuent d'affluer dans les réserves à notre époque, sont un cadeau empoisonné. Depuis un siècle et demi, elles maintiennent les Indiens dans une dépendance toxique au gouvernement américain. Elles participent aussi à gaver une caste de pseudo représentants indigènes corrompus ».
02.12.2024 à 17:46
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L'appel à désarmer l'empire Bolloré signé par une centaines d'organisations après les législatives aurait-il été entendu ? En tous cas, dans la foulée du boycott d'Hachette par les libraires, ce sont des journées d'actions qui viennent d'être annoncées du 29 janvier au 2 février. Si la fenêtre semble courte pour abattre un tel empire, rappelons qu'il y a 31 jours au mois de janvier et que le dit appel offre et promet une grande diversité de pratiques et points de ralliement. A cela s'ajoute (…)
- 2 décembre / Avec une grosse photo en haut, Mouvement, 2L'appel à désarmer l'empire Bolloré signé par une centaines d'organisations après les législatives aurait-il été entendu ? En tous cas, dans la foulée du boycott d'Hachette par les libraires, ce sont des journées d'actions qui viennent d'être annoncées du 29 janvier au 2 février. Si la fenêtre semble courte pour abattre un tel empire, rappelons qu'il y a 31 jours au mois de janvier et que le dit appel offre et promet une grande diversité de pratiques et points de ralliement. A cela s'ajoute l'annonce d'un travail d'enquête visant à révéler l'étendue des activités du magnat Breton. S'invente peut-être sous nos yeux ce que M. Retailleau ne devrait pas manquer d'appeler du journalisto-terrorisme d'ici quelques semaines. Quoi qu'il en soit, toutes les conditions de l'intérêt général étant remplies, nous republions cet appel reçu ce jour.
Au lendemain des élections législatives, une centaine d'organisations ont lancé un appel à désarmer l'empire Bolloré. Elles y pointaient la menace grave que représente une telle omnipotence - financière et médiatique - mise au service de la fascisation des esprits. Elles appelaient à agir contre un ensemble de dispositifs dédiés à la conquête du pouvoir par l'extrême droite. Depuis, de l'autre côté de l'océan, E. Musk, un autre milliardaire, a su peser de tout son poids - fortune de Tesla et contrôle haineux des algorithmes de X - pour redonner les rênes de la première puissance mondiale à Donald Trump.
Ici, alors qu'un gouvernement très provisoire s'aligne déjà sur les vœux du Rassemblement National, des collectifs s'organisent pour pirater les visées de Bolloré.
Tandis qu'il publie le livre de Jordan Bardella, après avoir mis brutalement la main sur Fayard et placé à sa tête l'éditrice de Zemmour, les syndicats de cheminots refusent de voir sa propagande affichée dans les gares [1] et forcent au respect des règles concernant l'espace publicitaire. Une centaine de librairies se relient pour appeler à escamoter les éditions Bolloré/Hachette des rayons [2] . Une opération d'insertion massive de marque-pages s'engage pour les fêtes afin d'inviter au boycott et à soutenir les éditions indépendantes ( http://desarmerbollore.net/news/operation-marque-pages ). Le 9 décembre, des collectifs franciliens se donnent rendez-vous pour perturber l'assemblée générale qui doit acter, manœuvre boursière, la scission en quatre entités de Bolloré/Vivendi, aux Folies Bergères en plein cœur de Paris [3].
Et du 29 janvier au 2 février 2025, une première grande vague d'actions coordonnées contre l'empire Bolloré est annoncée !
Ce que l'on nomme empire Bolloré est l'expression d'un projet industriel, financier et politique aussi glaçant qu'absolument cohérent. Il se déploie sous diverses formes et firmes qui se nourrissent d'un renforcement autoritaire de l'ordre économique mondial autant qu'elles l'appuient :
Il se trouve que l'une ou l'autre des ramifications de ce royaume tentaculaire est probablement implantée non loin de chez vous. Bien au-delà d'une figure toxique et d'un dessein personnel, la bollosphère est avant tout un système, avec ses agents zélés, ses dispositifs clés, ses maillons, ses points faibles. Il est d'intérêt public de faire obstacle à son développement. Nous devons pour cela nous rassembler en un large front à la fois social, syndical, écologiste, antiraciste, féministe, décolonial et international.
pour nouer des solidarités avec les employé.es, journalistes, technicien.nes qu'il entend contrôler, pour les aider à retourner la peur contre leur patron et à reprendre le contrôle de leur outil de travail.
pour faire des apéros-palettes au pied de ses entrepôts, des bals populaires dans ses bureaux et sur ses plateaux.
pour redistribuer les biens qu'il nous a spoliés, le fuel de ses dépôts à ceux qui n'ont pas de quoi se chauffer, pour remettre ses boites au service des biens communs.
pour zbeuler les AG de ses actionnaires, leur faire payer les mesures d'austérité et le dérèglement bio-climatique.
pour faire avec Zaho des « fucks mais vraiment gros gros fucks » à Bolloré dans ses salles de concerts, ses disques, ses livres, etc.
pour qu'il se tape l'affiche sur les murs des quartiers qu'il voudrait mettre au pas, et qu'il sente bien ce qu'il inspire de dégoût sur les terres où il se croit chez lui.
pour qu'il reste avec ses semblables dans sa villa fortifiée en plein Paris et nous lâche la grappe.
pour couler ses yachts, lui reprendre à la voile l'accès à son île finistérienne, réserve à néo-nazis, et pouvoir retourner y observer les oiseaux.
pour leaker toutes les crapuleries qu'il veut tellement planquer et donner la parole à celles et ceux qu'il croit pouvoir bâillonner.
pour aller redécorer, bloquer, occuper, désarmer ses infrastructures les plus toxiques ... jusqu'à la chute de l'empire Bolloré.
Des collectifs partout dans le pays appellent à organiser des soirées d'information et des mobilisations en ce sens.
Pour tous contacts, envois d'annonces et de récits des mobilisations en lien avec la campagne Bolloré : desarmerbollore@riseup.net
Rendez-vous du 29 janvier au 2 février ! Et par la suite !
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[1] [https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/10/28/pas-d-affichages-en-gares-pour-le-livre-de-jordan-bardella_6363564_3234.html]
[2] https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/191124/ne-laissons-pas-bollore-et-ses-idees-prendre-le-pouvoir-sur-nos-librairies
[4] https://www.afrik.com/bollore-accuse-de-violations-des-droits-humains-en-afrique-par-un-actionnaire
02.12.2024 à 17:10
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« Les libraires qu'on veut transformer en rouages de cette machination vampirique refusent d'y contribuer. C'est tout à leur honneur. »
- 2 décembre / Avec une grosse photo en haut, Positions, 2« Comme l'a dit A. J. Liebling : La liberté de la presse se limite à ceux qui en possèdent une. Je constatai que l'accès à la presse était dépendant de la fortune. Les riches avaient un avantage écrasant sur les pauvres. Ils pouvaient s'acheter aisément un accès aux cerveaux du public alors que les pauvres étaient obligés de suivre des voies plus limitées. »
Jerry Mander, 1978. [1]
« Les situations historiques comme celle que nous traversons et que nous endurons présentent un grand avantage : elles obligent à la clarté. Elles interdisent la tiédeur. Elles exigent que chacun prenne position activement et sans équivoque »
Klaus Mann, Mai 1937. [2]
Il y a des moments dans la vie où il ne faut pas se tromper de chemin si on veut pouvoir continuer à marcher. La décision, signée par une centaine de libraires, de résister au rouleau compresseur d'un magnat de l'édition [3] est de ce genre de choix, difficile et nécessaire. Non seulement elle ne va pas arranger les difficultés de bon nombre de libraires pour tout simplement tenir et faire le métier qu'ils ont choisi sans être étranglés, mais elle va certainement plonger dans un dilemne peu agréable ceux qui auront à faire ce choix. Ce n'est jamais sans un certain malaise que les défenseurs de la liberté estiment devoir la brider pour la protéger. Surtout lorsqu'on sait que les agresseurs de cette liberté auxquels on s'efforce de résister ainsi vont se servir de cette apparente contradiction pour tenter de la discréditer en hurlant à la censure. C'est la tactique habituelle des affamés de pouvoir que d'avancer planqués derrière le bouclier de « droits » qu'ils s'empresseront, s'ils parviennent sur le trône, de supprimer pour tous ceux qui ne seront pas de leur gang. C'est une spécialité de ces roublards d'invoquer la liberté d'expression pour étouffer toute expression contraire à la leur, [4] et pour dissimuler ce qu'ils font de peu respectable afin de remplir leur tirelire. [5] Ce n'est que lorsqu'ils ont l'impression qu'on ne pourra plus les arrêter qu'ils tombent le masque « démocrate ». C'est ainsi que leurs ancêtres se sont imposés, en mentant sur leurs intentions, en déguisant leur projet de renforcement du système dominant en « critique » de ce système. Les milliardaires qui s'affichent aujourd'hui en nettoyeurs des tares de cette société et en bienfaiteurs du peuple sont leurs héritiers. Tout en promettant la lune pour le « bon » peuple (celui qui descend de Jeanne d'Arc et du Roi soleil), ils s'affairent à s'emparer insidieusement des moyens de régner sans partage. En commençant par l'accaparement d'instruments essentiels : les machines à tourner les têtes dans la pire des directions (Chaînes de TV, Journaux, Edition, etc.)
Des libraires qu'on veut transformer en rouages de cette machination vampirique refusent d'y contribuer. C'est tout à leur honneur. Refusant d'être réduits à un rôle de passe-plats pour un cuistot à tambouille vénéneuse, ils défendent tout le sens de leur métier, ce qui fait des librairies un lieu où le mot liberté garde une valeur : liberté de n'être pas mené par le bout du nez par les injonctions d'un marketing écrasant ; de pouvoir découvrir des voix divergeant de la chorale tonitruante des chanteurs de louche France ou des cinquante nuances de la même servitude ; de pouvoir comparer ; de pouvoir choisir. En défendant une indépendance difficile à tenir au milieu des féodalités établies c'est une idée des rapports humains qu'ils maintiennent contre tous les dompteurs de « populace ». Plus profondément : En refusant de contribuer au succès de l'entreprise visant à durcir ce qui est déjà un despotisme « soft » ils glissent un petit obstacle sous les chenilles du char menaçant d'écraser totalement l'humanité.
La grossière tentative de les culpabiliser pour avoir osé prendre cette position est donc une méprisable posture défensive. Lorsque l'on est agressé il n'y a pas lieu de montrer à l'agresseur un respect immérité du baratin sous la bannière duquel il attaque. Tout être humain à le droit d'utiliser les moyens adéquats pour se défendre contre qui veut l'asservir. S'exprimant après guerre sur la notion de résistance, Albert Camus affirmait : « Je ne pense pas qu'il faille répondre aux coups par la bénédiction ». [6] De nombreux opposants d'alors au fascisme l'ont noté : il est vain d'essayer de dialoguer avec des gens dont la seule préoccupation est de contraindre. « Celui qui veut dominer est sourd », [7] constatait Camus en écho à Thomas Mann, opposant de la première heure au nazisme, qui avait déclaré, au moment du bombardement de Guernica : « Notre grande et tragique erreur a été de ne pas prendre les nazis assez au sérieux ou d'avoir cru que l'on pouvait discuter avec eux. Nous espérons seulement que le monde ne répètera pas nos fautes. » [8] {{}}Il n'est pas mauvais de l'entendre à nouveau, à l'heure où des postulants à une nouvelle dictature montrent les dents.
A qui ne croit qu'en la force, il faut la faire sentir, sans se laisser abuser par la duperie sémantique qui amalgame force et « violence » et se laisser piéger par de constantes sommations à la réprouver. Le fascisme, et tous les mouvements qui s'en inspirent cultivent un culte de la force « virile » qui est l'élément central de leurs procédés de séduction de troupiers potentiels. Aux démunis de ce monde, à ceux auxquels tout fait sentir qu'ils ne sont « rien », ils donnent l'impression de redevenir forts en s'en prenant à plus faibles qu'eux, ces boucs émissaires qu'ils dénoncent comme « parasites » : immigrés, bénéficiaires des aides « sociales », etc. Ils flattent leurs clients de l'illusion d'être, en agissant ainsi, des sortes de résistants à ce qui abîme la « civilisation ». Mais de la force ils ne connaissent que le côté obscur : la violence. En excitant les haines ils poussent à une agressivité répugnante, fermée à tout ce qui essaie de lui faire entendre « raison ». Il faut donc l'affronter. N'avoir aucun goût pour le bellicisme ne doit pas conduire à se laisser écraser par peur de la confrontation nécessaire. Parfois la paix ne se trouve que de l'autre côté d'un champ de bataille.
Les libraires s'engageant dans un combat de fantassins contre la grosse artillerie des « croisés » de l'infâme font donc preuve d'une audace très honorable. Ils contribuent à ce mouvement lucide qui sait qu'il ne faut pas compter sur la prochaine échéance électorale pour éviter la pétainisation du pays, mais qu'il faut s'organiser dans tous les domaines pour y faire barrage concrètement, en faisant face mot à mot, pied à pied, et poing à poing à l'emprise propagandiste des ténors et des choristes de l'hymne aux chevaliers du fiel. Il serait bon que ces libraires résistants soient rejoints par d'autres libraires, ainsi que par tous ceux du « monde du livre » (auteurs, éditeurs, correcteurs, maquettistes, imprimeurs, etc.) qui ne veulent pas être mis au pas de l'oie, même si on leur fournit des bottes hybrides. Il serait bon aussi que ce « front » rassemble tous les lecteurs qui veulent pouvoir encore s'émerveiller de ce que l'humanité sait faire de bon, de beau, d'admirable, de sa splendide polyphonie, de son superbe bariolage, de tous ses talents, de son art de vivre malgré tous les réducteurs de têtes et castrateurs d'espoirs. Ce n'est qu'en libérant toutes leurs virtuosités que les humains pourront faire leur fête aux colporteurs de malheurs.
Gédicus,
Le 28 novembre 2024.
[1] Jerry Mander, Le ventre de la bête, introduction à son livre Four arguments for the élimination of télévision, 1978.
[2] Klaus Mann, Les esprits se départagent. Mai 1937, dans Contre la barbarie, recueil de textes de 1925 à 1948.
[3] 'Ne laissons pas Bolloré et ses idées prendre le pouvoir sur nos librairies' reproduit sur les sites de Lundimatin et Mediapart.
[4] Se plaindre d'être censuré quand on a soi même foutu à la porte toute l'équipe d'une maison d'édition prestigieuse afin de mettre à la place de plus dociles petites mains qui se chargeront, entre autres, d'épurer le catalogue de tous les livres gênants, c'est « l'hôpital qui se moque de la charité », comme disaient nos grand mères.
[5] La mainmise sur tout un tas de médias à forte audience ne sert pas qu'a répandre une propagande nauséabonde, elle sert aussi à verrouiller l'information et à cacher le plus possible la face interlope du business qui finance la machine.
[6] Albert Camus, Caliban N° 16, 1948.
[7] Albert Camus, La gauche, 20 décembre 1948.
[8] Klaus Mann, L'Allemagne et le monde, 8 décembre 1937, dans Contre la barbarie, recueil de textes de 1925 à 1948.
02.12.2024 à 16:48
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Actualités du mouvement zapatiste au Chiapas
- 2 décembre / Avec une grosse photo en haut, International, Mouvement, 4« Je ne sais pas comment l'expliquer mais il se trouve que, oui, peut-être que les mots depuis très loin n'arrêtent pas les bombes, mais ils permettent d'ouvrir une brèche dans la chambre noire de la mort et d'y laisser passer une petite lumière. »
Sous-commandant Marcos,
A propos de semis et de récolte, 4 janvier 2009.
Pour commencer cette seconde série dédiée au mouvement zapatiste, nous souhaiterions restaurer l'un des nombreux ponts de solidarité internationale, certes ponctuel, mais bien durable, ayant récemment permis de relier, malgré les distances géographiques et les différences de calendriers, deux importants mouvements de lutte dans le monde : le mouvement zapatiste et les Soulèvements de la Terre.
Ici, la comparaison n'est pas de mise, il s'agit simplement de prendre la mesure de l'énergie rebelle que les complicités planétaires des luttes en bas et à gauche et pour la vie suscitent.
Nous avons vu que le mouvement zapatiste est une préfiguration utopique particulièrement conséquente, et à bien des égards inspirante, tant pour ses expérimentations politiques de l'autonomie rebelle que pour ses conceptions philosophiques d'une ontologie rebelle. Sans prétendre avoir abordé l'ensemble des contributions théorico-pratiques du mouvement zapatiste pour nos recherches-actions écologiques et anticapitalistes, critiques de la Modernité occidentale et de l'Etat, nous pouvons néanmoins d'ores et déjà considérer la préciosité des semences zapatistes.
Depuis le calendrier de l'année 2021 et la géographie nommée France, le mouvement de composition paysanne, écologiste et anticapitaliste, Les Soulèvements de la Terre, a ouvert une brèche de résistance et de rébellion contre le complexe agro-industriel et les industries du béton, principalement responsables de l'artificialisation des sols, de l'accaparement des terres cultivables, de la détérioration des écosystèmes et de la disparition de la biodiversité, et pour la rediffusion de cultures paysannes agro-écologiques et de savoirs autonomistes. Sans développer les apports considérables des Soulèvements de la Terre à nos recherches-actions, nous pouvons constater que le mouvement contribue largement, de façon créative et offensive, aux tournants écologiques et post-capitalistes nécessaires à la résolution collective des crises éco-systémiques - la Tempête déjà-là et celles à-venir.
Au regard du contexte actuel particulièrement préoccupant au Chiapas, affectant principalement les communautés indigènes et zapatistes, les solidarités internationales sont essentielles.
Nous souhaiterions donc retranscrire une récente publication du mouvement Les Soulèvements de la Terre, intitulée « À celles et ceux qui ne voient pas la guerre avec indifférence : tribune de soutien aux communautés zapatistes agressées » :
« Il y a plus d'un an, notre mouvement était menacé de dissolution par le gouvernement français. Tandis que sur notre territoire nous faisions en sorte de rendre impossible cet acharnement répressif, une grande vague de solidarité internationale nous est parvenue. Parmi ces organisations de tous les coins du monde se trouvaient quatre lettres inattendues : EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, ou Armée zapatiste de libération nationale). Alors qu'à ce moment le Chiapas voyait déjà la violence le submerger, l'armée zapatiste de libération nationale nous a adressé son soutien. Leur signature a traversé l'océan, comme rarement elle l'a fait.
Aujourd'hui, c'est le mouvement zapatiste qui se trouve menacé, face à l'une des têtes de l'hydre capitaliste les plus débridées car, comme souligné dans cette lettre, « les intérêts extractivistes, narco-économiques, et contre-insurrectionnels d'en haut, convergent ». Ce sont aussi les communautés qui s'organisent et les figures de la société civile qui sont attaquées, comme le padre Marcelo, assassiné dimanche en sortant de la messe, pour n'avoir cessé de dénoncer la complicité entre gouvernements et narcos (…). »
Les Soulèvements de la terre, 27 octobre 2024.
Peut-être que ça paraît anecdotique, une bouteille lancée à la mer contenant quelques mots de soutien, probablement perdue au milieu de l'océan Atlantique. Effectivement, depuis le 27 octobre, la situation chiapanèque et zapatiste ne s'est pas améliorée. Pour autant, nous savons que face à l'ontologie globalisée du système moderne-capitaliste, qui prétend uniformiser nos différences et homogénéiser nos mondes, nos divers engagements en paroles-pratiques, aussi petits soient-ils, marquent une différence fondamentale.
Parce que si la domination-colonisation ontologique de la Modernité capitaliste et de l'Etat est déjà planétaire, il ne faut ni oublier ni minimiser que nos résistances et nos rebellions territoriales reliées par des ponts de solidarités et de complicités internationales, amplifiant nos réseaux planétaires de luttes écologiques et rebelles, peuvent destituer « le monde de la destruction des mondes » et favoriser l'émergence d'autres mondes possibles.
Pour prolonger l'ébauche de la première série « Semences rebelles », introduction aux contributions philosophico-politiques du mouvement zapatiste, nous proposons de nous concentrer sur les conceptions zapatistes du Capitalisme et de la Tempête. Celles-ci nous permettrons d'interroger le thème « La Tempête et le Jour d'Apres » des Rencontres internationales des rebellions et des résistances 2024-2025, ainsi que l'actualité du mouvement zapatiste - « la nouvelle étape ».
Pour entamer cette seconde série, nous proposons : (1) Introduction à l'analyse-critique des conceptions zapatistes de la IVe Guerre Mondiale, de l'hydre capitaliste et de la Tempête (deux épisodes). A partir de ces conceptions, nous interrogerons le cheminement de la réflexion-pratique zapatiste, les reprises et les ruptures, au regard de la configuration actuelle du triptyque Modernité-Capitalisme-Etat.
Avant d'aborder les récents communiqués zapatistes d'octobre à décembre 2023 et d'août à octobre 2024, nous allons donc esquisser quelques conceptions préalables, notamment l'analyse zapatiste du Capitalisme néolibéral comme IVe Guerre Mondiale (épisode 1), de l'hydre capitaliste et de la Tempête (épisode 2) [1].
« Le système agit ainsi comme une sorte de mégapatron pour lequel le marché planétaire ne serait qu'une entreprise unique, gérée de manière « moderne ». Mais la « modernité » néolibérale semble plus proche de la bestiale naissance du néolibéralisme que de la « rationalité » utopique ».
Sous commandant Marcos, Sept pièces éparses du casse-tête mondial, 1997.
Tout d'abord, il est sûrement important de noter que les zapatistes considèrent que le Capitalisme néolibéral, en tant que système global de dominations multi-dimensionnelles, mène une guerre totale contre l'humanité et la vie, c'est-à-dire, contre la bio-communauté terrestre que nous sommes.
Il ne s'agit donc pas seulement de ce que nous entendons communément par la terminologie « guerre », dont la référence militaire est évidente. L'adjectif « totale » est un complément conceptuel qui nous suggère que la guerre capitaliste, l'ampleur de ses destructions et de ses offensives ainsi que l'étendue de son influence, constituant sa totalité, dépassent largement le registre militaire et les classiques champs de bataille.
La guerre militaire était considérée par les zapatistes comme étant la base de la célèbre « accumulation primitive du capitale » introduite par Marx dans le Capital (I, XXVI) et reprise par le sous-commandant Galeano lors du séminaire « La pensée critique face à l'hydre capitaliste » (2015) : « Non seulement la guerre est à l'origine du système capitaliste, mais elle est aussi présente à chacun de ses sauts qualitatifs ». Plus récemment, à partir d'un travail d'analyse de la configuration actuelle du capitalisme et des crises qu'il provoque, articulé autour d'une étude critique de l'hypothèse de l'effondrement (« il n'y a plus de solution »), El Capitan (ex-Marcos/Galeano) affirme : « La guerre n'est pas une anomalie de la machine, elle en est la « maintenance régulière » qui assurera son fonctionnement et sa durabilité » [2].
Outre la qualification du Capitalisme néolibéral de guerre totale, il est important de souligner que l'analyse zapatiste a aussi eu recourt au qualificatif « crime », lequel ne nie nullement la dimension guerrière du Capitalisme, mais apporte un complètement intéressant. Si la guerre est effectivement un procédé central pour assurer son fonctionnement durable - d'accumulation continuelle et « illimitée » et d'extension globale (a minima, géographico-subjective) - la domination planétaire du Capitalisme ne résulte pas d'une « théorie sociale ou philosophique », mais d'une pratique criminelle : « Ce qui donne origine au capitalisme est un crime » [3].
L'imposition de l'unimonde de la Modernité capitaliste, via la globalisation néolibérale, affecte l'ensemble des aspects de l'existence sociale de l'humanité, nos façons de faire-société, nos modalités d'existence, de sentir-penser et d'agir, ainsi que l'ensemble des être-terrestres et des écosystèmes. A cet égard, si l'actualité sanglante et destructrice de la guerre éco-génocidaire menée par Israël contre la population palestinienne et les territoires de Gaza nous démontre que les opérations militaires sont toujours centrales pour la perpective d'imposition coloniale du paradigme moderne-capitaliste et de l'Etat-nation, il ne faudrait néanmoins pas réduire la guerre capitaliste à l'unique aspect militaire - bien qu'il soit très souvent privilégié pour son « efficacité » redoutable [4].
En plus de la dimension militaire, la guerre capitaliste intègre d'autres dimensions, tels que médiatique, idéologique, technologique, scientifique et artistique (…) [5], lui permettant de dominer et de coloniser, de façon presque permanente et globale, une proportion largement majoritaire de l'humanité et de la bio-communauté terrestre [6]. Il est donc clair que l'expansion de l'ontologie moderne-capitaliste ne repose pas seulement sur ses capacités militaires de conquête territoriale. A celles-ci s'ajoutent des capacités d'imposition hégémonique de son « Universel » colonial - une conception particulière à la tradition moderne, europeanocentrée et occidentale [7], lesquelles lui permettent de (quasi) totaliser sa domination systémique à l'échelle planétaire.
La guerre totale de l'ontologie moderne-capitaliste tend à invisibiliser la délimitation conventionnelle entre forces armées et populations civiles, entre les guerres inter-étatiques « classiques » opposant deux armées sous le régime du « Droit de la guerre » et les guerres intra-étatiques affectant les populations civiles. A cet égard, la parole du sous-commandant Marcos exprimée lors du séminaire de janvier 2009, et reprise en octobre 2023, est significative : « Selon les photos des agences de presse, les points “névralgiques” détruits par l'aviation du gouvernement d'Israël sont des maisons habitées, des cabanes, des bâtiments civils. Parmi les destructions, nous n'avons vu aucun bunker, ni caserne ou aéroport militaire, ni batterie de canons. Excusez notre ignorance, mais nous en déduisons donc que, soit les avions militaires visent bien mal, soit, à Gaza, il n'y a pas de points militaires “névralgiques”. Nous n'avons pas l'honneur de connaître la Palestine, mais nous supposons que dans ces maisons, ces cabanes, ces bâtiments habitaient des gens, des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, et pas des soldats. » [8].
La parole zapatiste nous permet de penser l'actualité du « conflit au Moyen-Orient » et d'infirmer les fréquents commentaires, selon lesquels ce qui se passe à Gaza, et désormais au Liban, serait simplement « contextuel et spécifique » et n'aurait rien à voir avec l'état actuel du monde moderne-capitaliste, et le caractère débridé des Etats-nations. Dès 2009, le sous-commandant Marcos écrivait : « Mais attendez. Il nous vient à l'esprit maintenant que peut-être, pour le gouvernement d'Israël, ces hommes, ces femmes, ces enfants, ces personnes âgées sont des soldats ennemis et, en tant que tels leurs maisons, leurs cabanes, leurs bâtiments sont des casernes qu'il faut détruire. Et donc, assurément, les tirs de l'artillerie qui tombaient sur Gaza au petit matin étaient pour protéger l'avancée de l'infanterie de l'armée israélienne de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants et de ces personnes âgées. Et que la garnison ennemie qu'il veulent affaiblir par le siège de Gaza n'est rien d'autre que la population palestinienne qui vit là –bas. Et que l'assaut a pour but d'anéantir cette population. Et que n'importe quel homme, femme, enfant ou personne âgée qui réussit à s'échapper, à se cacher de l'assaut prévisiblement sanglant, sera ensuite “chassé” pour que le nettoyage soit complet et que le chef militaire qui commande l'opération puisse rapporter à ses supérieurs : “notre mission est terminée” » [9].
En 2024, et ce malgré les spécificités historiques non-négligeables propres à chaque conflit, peut-on encore penser que la guerre totale qui menace la Palestine depuis tant d'années, et qui aujourd'hui est responsable du terrible éco-génocide en-cours, n'est pas une tragique illustration de la configuration actuelle du triptyque Modernité-Capitalisme-Etat ? Nous allons voir que les récentes analyses de l'EZLN nous permettront de re-situer ce « conflit » dans une perspective plus large, et de le penser à partir d'une lecture critique de la configuration actuelle du système-monde.
Ainsi, outre le déplacement des cibles militaires, menaçant désormais l'ensemble des être-terrestres, la guerre totale du néolibéralisme a élargie les capacités d'imposition de l'ontologie moderne-capitaliste. Dans l'article « La quatrième guerre mondiale a commencé » [10], le sous-commandant Marcos s'exclame : « Enfin une guerre mondiale totalement totale ! » (1997).
Qualifiée de « IVe Guerre Mondiale » - les zapatistes considèrent que la Guerre Froide constitue la IIIe Guerre Mondiale [11] - la guerre totale du Capitalisme néolibéral est d'abord analysée comme une guerre contre les territoires et les populations. Il s'agit d'une « guerre de conquête » et de spoliation, de « destructions » [12] et de réorganisation des territoires, permettant l'implantation de nouveaux marchés et un contrôle géographique favorisant les intérêts des acteurs néolibéraux. Cette stratégie de conquêtes et de destructions qui affecte les territoires et les populations qui les habitent [13], bénéficie, par exemple, aux industries militaires et extractivistes [14]. Le processus de « destruction/dépeuplement » induit un processus inverse, particulièrement fructueux, de « reconstruction/réaménagement » [15], lequel profite largement aux multinationales et aux pouvoirs économiques, ainsi qu'à l'extension globale de la Modernité capitaliste. L'implantation d'infrastructures essentielles à la production pour-le-profit et à l'expansion de ses capacités d'influence, d'homogénéisation et d'uniformisation est un rouage essentiel à la machinerie néolibérale du Capitalisme. Ce mécanisme de conquêtes et de destructions s'étend aussi par l'avancée de l'artificialisation, de l'urbanisation et du devenir-marchandise des territoires et des cultures [16], progressivement intégrés à l'espace de production-consommation néolibéral, notamment au détriment des écosystèmes et des populations, des cultures territoriales et rurales, ainsi que des pratiques agricoles paysannes.
Par ailleurs, les zapatistes considèrent que la IVe Guerre Mondiale, dont la dimension néolibérale du Capitalisme est au cœur, a particulièrement réduit la souveraineté politique et économique des Etats-nations [17], ainsi que la forme sociale, « providentielle » ou « keynésienne », du capitalisme national développé dans certaines géographies occidentales aux lendemains de la IIe Guerre Mondiale : « Le fils (le néolibéralisme) dévore le père (le capital national) ». A cet égard, il est notable que les zapatistes suggèrent que la globalisation néolibérale a produit une métamorphose étatique. Celle-ci se traduit par la substitution progressive des « mégapoles néolibérales » à la configuration des Etat-nations, toujours fonctionnelle, bien que réduite et affaiblie. [18] Les mégapoles néolibérales tendent à modifier le cadre administratif et institutionnel des territoires nationaux, favorisant la primauté de l'économie sur le politique.
Insérés dans une toile économique à la faveur des intérêts néolibéraux [19], c'est-à-dire, dans un libre marché concurrentiel et globalisé indexé aux marchés financiers, impliquant la privatisation progressive des services publiques et des industries nationales, les Etats-nations sont désormais plus que jamais dépendants d'un système « externe », qu'ils s'évertuent pourtant à implanter et à préserver [20]. A la cinquième pièce du casse-tête mondial présenté par le sous-commandant Marcos en 1997, il écrivait : « Dans le cabaret de la globalisation, l'Etat se livre à un strip-tease au terme duquel il ne conserve que le minimum indispensable : sa force de répression. Sa base matérielle détruite, sa souveraineté et son indépendance annulées, sa classe politique effacée, l'Etat-nation devient un simple appareil de sécurité au service des méga-entreprises ». La configuration du néolibéralisme globalisé, laquelle réduit la charge historique des Etats-nations, désormais agents de sécurité territoriale, c'est-à-dire, garants du contrôle social et de la répression des populations sur un territoire, implique la soumission des Etats-nations à la « mégapolitique » favorable aux intérêts économiques du système-monde [21].
Dans certaines géographies, l'extension globale du néolibéralisme a notamment produit « l'élimination massive de la main d'œuvre » [22] nationale, concurrencée « déloyalement » par l'exploitation d'une main d'œuvre délocalisée et précarisée. Ce processus induit de nombreuses souffrances sociales, dues à la dévalorisation des travailleurs et des travailleuses considéré.es inutiles pour la logique marchande, ainsi qu'une augmentation des taux de chômage et de l'exclusion sociale [23]. Par ailleurs, la guerre totale du Capitalisme néolibéral et ses nombreuses conséquences produisent aussi des « taux migratoires » inédits : « Le cauchemar de l'émigration, quelle qu'en soit la cause, continue de croître » écrivait le sous-commandant Marcos en 1997. Le « phénomène » de la migration, qualifié de « cauchemar errant », est abordé à la troisième pièce du casse-tête mondial suggéré par le sous-commandant Marcos dans Sept pièces éparses du casse-tête mondial. Il est notable que l'usage commun du terme migration, lequel nie la provenance et la destination (émigration/immigration), appuie le diagnostique zapatiste selon lequel la guerre néolibérale produit de l'errance, c'est-à-dire une mobilité dont le rythme, la durée et la destination génèrent de la souffrance sociale et des futurs incertains. L'actualité des migrations, multipliées par les crises éco-systémiques contemporaines, occupent une place importante dans les récents communiqués de l'EZLN.
Enfin, l'ère néolibérale du Capitalisme était aussi considérée par les zapatistes comme « une guerre contre l'humanité » : « (…) une guerre mondiale, la IVe. La pire et la plus cruelle. Celle que le néolibéralisme livre dans tous les recoins et par tous les moyens contre l'humanité » [24]. A cet égard, la Déclaration et les premières Rencontres intercontinentales de 1996 étaient déjà significatives [25]. Ici, le référent « humanité » ne renvoie pas seulement à une conception spéciste ou biologique - le genre humain, il intègre les caractéristiques qualitatifs - d'ordre éthique, tel que la dignité, nous permettant d'apprécier la vie humaine : « (…) C'est pour cela que nous disons que cette IVe Guerre Mondiale a comme ennemi le genre humain. Elle ne le détruit pas physiquement, mais elle le détruit en tant que genre humain » [26]. Les zapatistes se réfèrent souvent au concept de « dignité », particulièrement présent dans la littérature de 1994-1995, tant pour qualifier la rage rebelle qui anime la lutte, que pour caractériser son orientation éthique. Ici, nous n'allons pas développer la conception zapatiste de la dignité, laquelle nécessiterait de profondes analyses documentaires. Nous souhaiterions néanmoins retranscrire deux citations de l'EZLN, nous permettant d'apprécier cette dimension centrale de la lutte ontologique zapatiste et de comprendre le référent que nous étudions ici :
« Attendu que notre modeste ambition est de contribuer à construire un monde où plusieurs mondes auront leur place, nous avons aussi un plan pour les cinq continents [...]. Pour les cinq continents, le plan est le même : la lutte contre le néolibéralisme et pour l'humanité. Pour les galaxies aussi, nous avons un plan ! Mais nous ne savons pas encore quel nom lui donner (La Terre-Alpha du Centaure ?). Notre plan intergalactique est aussi simple que les précédents et consiste, en gros, à ce qu'il y ait aucune honte à se dire ‘être humain' » [27]
« Les villages indiens qui soutiennent notre juste cause ont décidé de résister sans se rendre, sans accepter les aumônes avec lesquels le suprême gouvernement prétend les acheter [les programmes sociaux mis en place dans l'Etat du Chiapas, définissant la stratégie de « basse intensité » du gouvernement]. Ils l'ont décidé parce qu'ils ont fait leur un mot qu'on ne comprend pas avec la tête, qu'on n'étudie pas, qu'on n'apprend pas par coeur. Un mot qu'on vit avec son coeur, un mot qu'on sent dans la poitrine et qui fait qu'hommes et femmes aient l'orgueil d'appartenir au genre humain. Ce mot, c'est la DIGNITE. Le respect de nous-mêmes, de notre droit à être meilleurs, de notre droit à lutter pour ce que nous croyons juste, de notre droit à vivre, et à mourir, en accord avec nos idéaux. La DIGNITE ne s'étudie pas, elle se vit ou se meurt, se souffre dans la poitrine et enseigne à marcher. La DIGNITE est cette patrie internationale que, souvent, nous oublions. » [28]
Par ailleurs, le sous-commandant Marcos insiste, à raison, sur les contradictions de la globalisation capitaliste : « Paradoxalement, la mondialisation produit un monde fragmenté, fait de compartiments étanches à peine reliés par des passerelles économiques. Un monde de miroirs brisés qui reflètent l'inutile unité mondiale du puzzle néolibéral ». La fragmentation du monde s'oppose ici à l'horizon ontologique de la lutte zapatiste, celui d'un monde composé de nombreux mondes.
La conception du Capitalisme néolibéral comme IVe Guerre Mondiale, nous invite à adapter nos recherches-actions, seule garantie d'une issue favorable à l'humanité, menacée par cette guerre asymétrique démesurément à la faveur du Capitalisme. A cet égard, la conception zapatiste du néolibéralisme comme état totalitaire du Capitalisme, originellement criminel et constamment guerrier, induit la nécessité d'organiser nos luttes, « notre autre guerre » [29], depuis une perpective anticapitaliste et « éthique » : « Inclure l'éthique comme facteur déterminant du conflit induira comme conséquence une reconnaissance radicale radicale : que l'adversaire sache que le résultat de son triomphe sera sa défaite. Et je n'entends pas par défaite la destruction ou l'abandon, mais la négation de l'existence en tant que force belligérante (...). L'essentiel est que notre guerre ne vise pas à détruire l'adversaire au sens classique du terme. C'est une guerre qui tente d'annuler le terrain de sa réalisation (…) » [30].
Les zapatistes nous invitent à penser nos luttes anticapitalistes non pas comme une guerre militaire, qui se contenterait de symétriser la méthode meurtrière du capitalisme, mais bien comme une lutte ontologico-éthique qui substitue à la totalité fragmentée du système-monde moderne-capitaliste et des États nationaux, d'autres mondes, d'autres subjectivités, et d'autres modalités d'existence et d'organisation socialo-politique. En plus d'une issue plus qu'incertaine, peu constructive et définitivement peu souhaitable, la guerre frontale contre les « capitalistes » ne permettrait pas nécessairement d'en finir, une bonne fois pour toute, avec ce système-monde. De fait, la totalité fragmentée de l'ontologie moderne-capitaliste nous suggère de considérer la multiplicité des méthodes de lutte anticapitaliste, une combinaison des répertoires d'action, laquelle nous permettra d'opposer une lutte conséquente contre les différentes dimensions du Capitalisme : intensifier les offensives contre les rouages de sa machinerie, appuyant l'affaiblissement entamé par la fragmentation du monde moderne-capitaliste, son endettement incontrôlé et l'instabilité de ses marchés financiers, et amplifier nos processus d'autonomisation, nos basculements, nos designs et constructions ontologiques [31].
Au regard de notre actualité planétaire, nous pensons qu'il est important d'analyser les conceptions zapatistes de la guerre totale du Capitalisme néolibéral. La IVe Guerre Mondiale, qui affecte l'humanité et ses formes de vie digne, et produit des effets délétères pour l'état « providence » et la souveraineté des Etats-nations modernes et capitalistes, ainsi que pour les territoires et la bio-communauté terrestre, n'est pas négligeable.
Peut-être que la configuration du triptyque Modernité-Capitalisme-Etat n'a pas changée depuis les dernières décennies. Que ces mécanismes sont toujours les mêmes. Que sa machinerie s'est simplement adaptée aux évolutions technologiques, aux crises économiques et écologiques (…).
Mais peut-être que le système-monde a déjà entamé sa reconfiguration et la modification de sa substance apparente.
Récemment, et ce malgré son unique occurrence dans les communiqués de 2023-2024, il semblerait que le mouvement zapatiste considère que la tendance majoritaire de la configuration actuelle du Capitalisme n'est plus seulement le « néolibéralisme », implanté mondialement à partir des années 1980, et fragilisé par les crises successives des dernières décennies.
La lecture zapatiste de la reconfiguration actuelle du Capitalisme tend à substituer au registre néolibéral, toujours fonctionnel, bien que particulièrement affaibli par la limitation terrestre des « ressources » disponibles et nécessaires à sa machinerie, une conception « néo-malthusienne » ou démo-ressourciste - nous analyserons cette dimension dans la seconde partie de cette série.
Ainsi, si de nombreuses conceptions du néolibéralisme sont reprises dans les récentes analyses zapatistes de la configuration actuelle du Capitalisme, nous verrons que certaines lectures zapatistes nous invitent à repenser le paradigme théorico-idéologique du Capitalisme contemporain et à considérer quelques changements d'ampleur - tant pour nos recherches que pour nos actions [32].
(A suivre)
RENCONTRES INTERNATIONALES DES REBELLIONS ET DES RÉSISTANCES 2024-2025.
DATES ET INSCRIPTION
PREMIÈRE SESSION : DÉCEMBRE 2024 - JANVIER 2025
A la suite du communiqué publié le 16 octobre 2024, annonçant la suspension publique des communications de l'EZLN et la possible annulation des Rencontres internationales des rebellions et des résistances 2024-2025 convoquées le 10 octobre 2024, nous avons décidé d'orienter notre regard vers les montagnes du Sud-Est mexicain.
Les menaces, intimidations armées et attaques qui affectent constamment les communautés indigènes et zapatistes au Chiapas, telle que la communauté GAL « 6 de octubre » appartenant à l'ACGAZ du Caracol IX « Nuevo Jerusalen », sont très inquiétantes.
L'assassinat du Padre Marcelo Pérez Pérez le 20 octobre 2024 à San Cristobal de Las Casas, Chiapas, Mexique, confirmait nos préoccupations.
Pour cela, nous avons décidé de contribuer à l'amplification de l'attention et des solidarités internationales avec le mouvement zapatiste.
Depuis plusieurs semaines, nous nous proposons de parcourir le cheminement réflexif et les pratiques du mouvement zapatiste, de l'autonomie rebelle à l'ontologie rebelle, en passant par une synthèse généalogique (première série : Semences rebelles). Relier ses conceptions-expérimentations, son historicité à son actualité. Approfondir nos théories-pratiques pour intensifier nos résistances et nos rebellions.
Le 26 novembre, l'EZLN a rompu son silence. La série de communiqués consacrée aux Rencontres 2024-2025 a repris son rythme de publication quotidienne.
La parole zapatiste nous invite à poursuivre nos recherches-actions, et à penser le thème « La Tempête et le Jour d'Apres » des Rencontres 2024-2025. Cette semaine, nous proposons donc la seconde série dédiée à l'analyse-critique des conceptions zapatistes du Capitalisme et de la Tempête, et à l'introduction de la « nouvelle étape » du mouvement : Solidarités internationales. Actualités du mouvement zapatiste au Chiapas.
Le 30 novembre, le sous-commandant Moisés, chef militaire et porte-parole de l'EZLN, a annoncé que les Rencontres internationales des rebellions et résistances 2024-2025 auront bien lieu.
La première session des Rencontres 2024-2025 se déroulera les 26 et 27 décembre 2024 dans les locaux du CIDECI-UNITIERRA à San Cristobal de Las Casas, Chiapas, Mexique.
Le Festival Culturel zapatiste aura lieu du 30 décembre 2024 au 2 janvier 2025 dans le Caracol d'Oventik.
Pour participer à la première session des Rencontres 2024-2025, il est possible de s'enregistrer en envoyant un courrier à encuentrodiciembre2024enero2025@ezln.org.mx. Il sera aussi possible de s'enregistrer sur place.
Nous vous invitions à suivre les actualités du mouvement zapatiste sur la page http://enlacezapatista.ezln.org.mx.
Table des sigles (traduits) :
EZLN : Armée zapatiste de libération nationale
GAL : Gouvernement autonome local
ACGAZ : Assemblée de Collectifs de gouvernements autonomes zapatistes
CIDECI-UNITIERRA : Centre indigène de capacité tison intégrale - Université de la Terre
[1] Pour cette introduction, outre la littérature zapatiste mentionnée, nous travaillons à partir de BASCHET Jerome, La experiencia zapatista. Rebeldia, resistancia y autonomia. Éditorial Milvus, 2024.
[2] EZLN, « 14e partie et 2e alerte d'approche : l'(autre) règle du Tiers exclu », 22/12/23.
[3] EZLN, « Adages », 15/08/24 : « L'idée ne précède pas la matière. Bien au contraire. Ce n'est pas une théorie sociale ou philosophique qui donne origine au capitalisme en tant que système dominant. Ni à ses différentes étapes. La théorie sociale est une gigantesque étagère d'idées auxquelles ont recours les différentes propositions politiques en quête de raisons qui donnent du sens à la déraison. (…) Ce qui donne origine au capitalisme est un crime. Et chaque étape de son développement ressemble à celle d'un assassin en série : il acquiert chaque fois plus d'expérience ». Par ailleurs, dans la Déclaration pour la vie (2021), l'EZLN écrit : « Le bourreau est un système exploiteur, patriarcal, pyramidal, raciste, voleur et criminel : le capitalisme ».
[4] EZLN, « 14e partie et 2e alerte d'approche : l'(autre) règle du Tiers exclu », 22/12/23 : « Les guerres, en revanche, ont prouvé leur « efficacité » ».
[5] EZLN, « 8e partie. Post-scriptum : qu'il faut lire pour savoir de quoi il s'agit », 29/11/23 : « Il n'y avait pas de religions, ni de nations, ni d'États, ni de partis politiques, ni tout cela qui naquit après, comme des graines de la guerre ».
[6] « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, aout 1997. « La « mondialisation » n'est rien de plus que l'extension totalitaire de leurs [les marchés financiers] logiques à tous les aspects de la vie ».
[7] WALLERSTEIN Immanuel, L'Universalisme européen. De la colonisation au droit d'ingérence, Démopolis, Paris, 2008.
[8] EZLN, « A propos de semis et de récoltes », 16/10/23.
[9] EZLN, « A propos de semis et de récoltes », 16/10/23.
[10] « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, aout 1997.
[11] BASCHET Jerome, La experiencia zapatista. Rebeldia, resistancia y autonomia. Éditorial Milvus, 2024. « (…) entre 1945 et 1989, nous pouvons comptabiliser 149 guerres lesquelles provoquèrent 23 millions de décès » [nous faisons la traduction]. La IIIe GM est développée dans « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, aout 1997.
[12] EZLN, Planeta tierra : Primer coloquio Internacional In memoriam Andrés Aubry « …Planeta tierra : movimientos antisistemicos » (déc 2007), San Cristobal de Las Casas, Cideci-Unitierra, 2009.
[13] EZLN, « 14e partie et 2e alerte d'approche : l'(autre) règle du Tiers exclu », 22/12/23 : « La destruction de territoires inclut le dépeuplement. »
[14] Ibid. « Les guerres ont un double avantage : elles relancent la production d'armement et ses filiales, et elles éliminent ces surplus de manière expéditive et irrémédiable. »
[15] Commission Sexta de l'EZLN, La pensée critique face à l'hydre capitaliste, Éditions Albache et Nada, 2018.
[16] EZLN, « 14e partie et 2e alerte d'approche : l'(autre) règle du Tiers exclu », 22/12/23 : « (…) celle des populations originaires au sein de leurs propres territoires, aujourd'hui convertis en marchandises ».
[17] « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, aout 1997. « Une de ses premières victimes [du néolibéralisme] est le marché national ».
[18] Ibid. « Nous avons dit que les Etats-nations sont attaqués par les marchés financiers et contraints de se dissoudre au sein de mégapoles. » ; « La construction des mégapoles et la fragmentation des Etats sont une conséquence de la destruction des Etats-nations. » (6e pièce).
[19] Ibid. « Des pays entiers deviennent des départements de la méga-entreprise néolibérale, qui produit ainsi, d'un côté, la destruction/dépeuplement, et, de l'autre, la reconstruction/réorganisation de régions et de nations ».
[20] Ibid. « Une des bases fondamentales du pouvoir de l'Etat capitaliste moderne, le marché national, est liquidée par la canonnade de l'économie financière globale ».
[21] Ibid. « La mégapolitique englobe les politiques nationales et les relie à un centre qui a des intérêts mondiaux, avec, pour logique, celle du marché. C'est au nom de celle-ci que sont décidés les guerres, les crédits, l'achat et la vente de marchandises, les reconnaissances diplomatiques, les blocus commerciaux, les soutiens politiques, les lois sur les immigrés, les ruptures internationales, les investissements. Bref, la survie de nations entières ».
[22] BASCHET Jerome, La experiencia zapatista. Rebeldia, resistancia y autonomia. Éditorial Milvus, 2024.
[23] EZLN, « 14e partie et 2e alerte d'approche : l'(autre) règle du Tiers exclu », 22/12/23 : « La conquête de territoires a entraîné la croissance exponentielle des « surplus », des « exclus » ou des « non indispensables » ». Dans « La quatrième guerre mondiale a commencé » (1997), le sous-commandant Marcos écrivait : « Pauvreté, chômage et précarité sont ses conséquences structurelles ».
[24] Cette citation zapatiste est reprise à BASCHET Jerome, La experiencia zapatista. Rebeldia, resistancia y autonomia. Éditorial Milvus, 2024, p.188. [nous faisons la traduction]
[25] Dans la troisième Déclaration de 1995, les zapatistes invite à jeter le néolibéralisme « dans les poubelles de l'histoire nationale ». En 1996, la première Déclaration de La Realidad et la Rencontre intercontinental prolonge la critique zapatiste - les Chroniques intergalactiques de l'EZLN et le texte du sous-commandant Marcos Sept pièces éparses du casse-tête mondial synthétise ces réflexions. Il est aussi possible de se référer à Sous-commandant Marcos, « La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, aout 1997. https://www.monde-diplomatique.fr/1997/08/MARCOS/4902.
[26] Ibid.
[27] EZLN, Mexique, calendrier de la résistance, p.340-341.
[28] EZLN, Ya Basta, Tome II, p.463.
[29] Ibid. « L'empire des financiers aux poches pleines affronte la rébellion des poches de résistance ».
[30] Cette citation de Éthique et politique, est reprise à BASCHET Jerome, La experiencia zapatista. Rebeldia, resistancia y autonomia. Éditorial Milvus, 2024, p.195. [nous faisons la traduction]
[31] Ici, nous nous referons notamment à l'hypothèse des basculements introduite par Jerome Baschet dans Basculements. Mondes émergents et futurs désirables, La Découverte, 2021.
[32] Nous souhaiterions confirmer ou infirmer cette intuition à l'issue de cette seconde série.
02.12.2024 à 15:25
dev
Carnet de guerre #20 Jean-Marc Royer
- 2 décembre / Avec une grosse photo en haut, Positions, Jean-Marc Royer, 2L'effondrement du totalitarisme [1] soviéto-stalinien [2] sur lui-même, la victoire de la contre-révolution néolibérale (1973-1989) et l'avènement de la désaffiliation numérique mondiale à l'orée du XXIe siècle ont signé l'entrée du capitalisme thermo-industriel dans sa dernière époque. D'autre part, des ruptures de transmissions mémorielles entre générations sont entrain de produire des effets politiques délétères. Revenir sur l'histoire telle qu'elle a été véhiculée par les vainqueurs de chaque côté du mur, reprendre le travail de théorie critique, analyser ce qui est en train de se produire sous nos yeux (d'où les messages d'Ukraine en annexe) alors que la notion même de vérité est mise en cause, sont donc nécessaires et ne peuvent être dissociés.
Les faits ne pénètrent pas dans le monde [des] croyances, […] ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir…
M. Proust, Du Côté de chez Swann.
Pour tenter de décrypter la réélection de D. Trump, les commentateurs se répandent en diverses analyses dont celle des votes par catégories socio-professionnelles ou origines ethniques [3] ou bien proposent de nous mettre « dans la tête » de Trump après nous avoir proposé d'entrer dans celle de Poutine ; laissons-là cette psychologie de comptoir sans grand intérêt. La plupart des journalistes, eux, se rabattent sur un marronnier, le « dégagisme » (dégager les sortants) qui a l'avantage de pouvoir servir dans de nombreuses circonstances. Mais si le terme était pris au sérieux, c'est-à-dire du point de vue de la philosophie politique, ledit « dégagisme » devrait être rangé parmi les caractéristiques intrinsèques du capitalisme. Ainsi, au XIXe siècle, l'industrie basée sur le charbon puis le pétrole a rapidement marginalisé les autres formes de production, dites artisanales. La vie des communautés s'en est trouvée totalement bouleversée, au profit par exemple d'un accroissement de la population citadine, mais pas seulement : les modes de vie, les traditions, les relations sociales et à la « nature » aussi. Au point que l'on peut dire qu'une nouvelle civilisation, cristallise à la fin du XIXe siècle et qu'un nouvel imaginaire [4] la structure.
Ce qui est valable sur le temps long, l'est aussi, d'une autre manière, au quotidien : le capitaliste individuel, a aussi besoin de « dégager » en permanence ses concurrents pour subsister. Autrement dit, l'innovation tous azimuts, c'est la forme valorisée et laudative du dégagisme nécessaire dans la jungle économique, combinée à présent avec la mondialisation de la concurrence, ce qui la rend encore plus inéluctable ; c'est pourquoi le rêve d'une « Start-up Nation » se vend si bien, ici et ailleurs.
Enfin, l'extinction des sociétés civiles [5], des libertés publiques et de ses lieux d'expression entraîne le dépérissement de tous les liens sociaux. Autrement dit, la lutte de tous contre tous dans cet immense désert socio-politique engendre une concurrence identitaire sans fin qui est une autre forme de ce « dégagisme » adaptée à la déshérence quotidienne de tout un chacun.
Elon Musk, obsédé par l'extinction des « blancs » au point de préparer leur survie sur Mars, veut aussi laisser une trace indélébile de son existence : c'est un transhumaniste/raciste affirmé, issu du courant libertarien [6]. Il est fondateur de Space X, Tesla, Starlink, xAI, Neuralink et il n'a pas, comme Murdoch, Jeff Bezos ou Vincent Bolloré, acheté un journal, une radio ou une télé, mais Twitter devenu X [7]. C'est surtout un entrepreneur exceptionnel de la manipulation des masses qui a deux cent millions d'abonnés sur sa propre plateforme, ce qui en fait un super-propagateur de la « vérité alternative » à son propre profit [8]. Il favorisait déjà les visions les plus hallucinées pour augmenter son audience, invectivant ses adversaires, menaçant ses concurrents quand ils osaient critiquer ses ambitions dans l'automobile électrique, le cerveau connecté ou l'espace, (domaine dans lequel il est devenu un partenaire incontournable de la NASA et du Pentagone), vitupérant la commission européenne lorsqu'elle lui a demandé de respecter le règlement général de protection des données. Tout cela en a fait un « guerrier techno-politique hybride de nouvelle génération », qui a des dimensions « idéologiques », politiques, économiques et militaires inédites à ce niveau d'influence.
Elon Musk, c'est aussi un nouvelle incarnation – hyper-centralisée – de la puissance du capital basée sur l'exploitation de centaines de millions de « petites mains du clic » pour entraîner les algorithmes de son IA ; sur l'asservissement des foules par la captation permanente de l'attention ; sur leur abêtissement profond par le remodelage neurophysiologique des cerveaux [9], et, pour parachever cette déshumanisation, sur la prédation furtive et systémique desdites « données personnelles », c'est-à-dire in fine, l'anéantissement croissant de toute vie privée, ce qui est un des critères du totalitarisme, en l'occurrence ici, du « totalitarisme démocratique ».
Elon Musk, Peter Thiel et David O. Sacks [10] comblent, de facto, l'absence « d'utopies politiques, de projection vers l'avenir » par une combinaison de valeurs proto-fascistes ou issues des romans de science-fiction d'après-guerre [11]. On pourrait dire qu'ils privatisent passé, présent et avenir. Mais ce serait insuffisant. Ils incarnent une polarisation radicale de la Silicon Valley inscrite dans la « révolution culturelle » internationale du néolibéralisme qui engendre une régression anthropologique dont les jeunesses seront les vecteurs [12] ; qui ne voit pas qu'ici même, des adolescents paupérisés se retrouvent à devoir exécuter les « contrats » auxquels les narcotrafiquants les ont soumis à travers une économie de la dette dont ils deviennent dépendants et protagonistes [13]. Alors que la jeunesse fut longtemps porteuse d'espoirs révolutionnaires, un retournement complet de sa place historico-politique est ainsi en cours.
There is an alternative : puissance sous stéroïdes ou addiction au Fentanyl (une mort toutes les 7').
Lors des campagnes électorales, ces nationaux-populistes polarisent et maximalisent la tension contre le « système », puis ils entrent dans l'appareil d'État pour ensuite le déborder, l'annuler par l'introduction massive des cabinets d'audit, comme en France, ou plus radicalement, en prévoyant de virer des dizaines de milliers de fonctionnaires fédéraux. Ainsi, le tandem Musk-Trump veut abattre tous les « corps intermédiaires » (administrations centrales et territoriales, instances de régulation ou de contrôle…).
En fait, ils sont des piliers du système capitaliste (comme détenteurs de fonds, investisseurs ou propagandistes…), mais qui se vivent comme ayant une perpétuelle revanche à prendre sur un système sans qualité : double fantasme qu'ils mettent en scène et livrent en pâture aux foules éblouies par le faste des meetings, écrasées par le déploiement de puissance lumineuse et sonore, encagées dans un dispositif psycho-sensoriel qui les déphasent encore un peu plus. Les uns et les autres sont mus par un désir de reconnaissance qui restera d'autant plus insatiable (dans la réalité) que l'usage déréalisant d'Internet est devenu compulsif [14]. Rien ne pourra pleinement satisfaire un désir doublement entravé [15], tout deviendra objet de fureurs et d'invectives. Celui ou celle qui saura les capter deviendra le guide souverain et ses paroles, thaumaturges.
Sarah Knafo, figure de « Reconquête » qui se réclamait de Poutine, finit avec Trump, les conseillers de ce dernier regardent ce que fait Orban et Georgia Melloni se réclame de Musk…
Le Trump 2.0 – dont la puissance sera décuplée par rapport à celle de son premier mandat [16] – a d'ores et déjà fait de Musk son « ministre de l'efficacité gouvernementale » et celui-ci, après avoir bénéficié des fonds fédéraux [17], deviendra ainsi son propre régulateur… Musk a aussi demandé que quelques uns de ses collaborateurs entrent dans plusieurs services du Pentagone. Mais il y a plus que cela. Son entrée au gouvernement va lui donner les moyens de mettre au point l'arme d'aliénation la plus puissante qui n'ait jamais existé – un « gouvernement internet » via les « vérités alternatives » qui leur sont chères – dans un monde qui est de facto entrain de s'effondrer, mais dont ils se veulent les sauveurs messianiques aux yeux des illuminés pratiquants les rituels desdits réseaux sociaux.
D'autre part, ladite « intelligence artificielle » est à juste titre qualifiée comme une « Technologie de rupture » tout comme l'était et l'est encore le nucléaire. Avec la grande différence qu'elle ne peut détruire à l'instant toute vie sur Terre, mais tend graduellement à faire régresser le genre humain en deçà de son hominisation [18], jusqu'au point où tout un chacun devra se faire implanter une puce pour survivre dans un univers concurrentiel impitoyable. Ce qui d'ailleurs pourrait être un prélude à l'utilisation finale du nucléaire, à moins que les guerres actuelles ne prennent de vitesse cette involution.
1. Donald Trump/Elon Musk représentent à eux seuls la plus grande puissance de rupture anthropologique jamais portée au pouvoir du plus puissant empire de tous les temps. Est-ce que nous en prenons bien la mesure ?Cela ne semble pas être le cas.
2. Ce qui structure en profondeur notre époque comme cela avait structuré le XXe siècle avant 1914, c'est une recomposition mondiale des rapports de forces entre impérialismes, c'est-à-dire entre d'un côté les Occidentaux et de l'autre la Chine [19], la Russie et leurs alliés. Ces concurrences inter-impériales sont devenues structurellement aiguës et décisives ces dernières années au point d'ouvrir un nouvel « avant-guerre » [20]. Prendre en compte ce changement d'époque pourrait permettre d'en espérer un changement de cap.
3. Il a fallu cinq années pour qu'Hitler réarme l'Allemagne et sept pour que débute la seconde guerre mondiale. Cela prendra moins de temps à Poutine, car son armée est en train de se recomposer, tandis qu'il a mis tout le pays en économie de guerre. Poutine ne peut pas et ne reviendra pas en arrière, sous peine de déchoir rapidement et violemment. En 1935, en 2014 et en 2020, il aurait encore été possible de les arrêter.
4. Dans les domaines de la diplomatie et des fournitures militaires, Poutine met subtilement en question le rapport dominant que la Chine exerce sur la Corée du Nord, tout en se servant de cette dictature comme nouvelle extension de la guerre puisqu'il s'agit d'une part, d'un pays nucléarisé (donc réputé intouchable) et d'autre part d'un pays de la zone Pacifique qui intervient militairement sur le sol européen, ce qui constitue de facto une mondialisation de la guerre.
5. À l'image des désordres qu'ils ont semé depuis 2001 en Irak, en Afghanistan et en Syrie, les Etats-unis, après avoir contribué à renforcer l'armée de Poutine [21], vont cesser de soutenir les ukrainiens en laissant tout le fardeau aux gouvernements européens. Or ceux-ci n'ont ni la volonté politique, ni les moyens de stopper l'impérialisme russe. Au contraire, ils s'enferment, à l'exception des pays Baltes, de la Pologne et des pays scandinaves, dans une dénégation façon Munich, qui rapproche les échéances.
6. Ce qui aggrave la situation, c'est qu'ils ne veulent toujours pas croire que Poutine ira jusqu'au bout de ses projets impériaux alors que depuis 1999 il en est à sa huitième intervention militaire et que depuis février 2022 il a déjà « consommé » 700 000 soldats (tués, blessés, disparus et capturés), 20 000 équipements [22], 320 millions de dollars par jour [23]. Dans ces conditions, on comprendra que l'humanité entre dans une période tout à fait cruciale. Or, force est de constater, malheureusement, que la plupart continuent de vaquer à leurs occupations, comme si de rien n'était, ce qui ajoute à la probabilité de survenue des catastrophes.
Ce travail a été largement entamé lors de précédents écrits. Il s'agit des onze « Carnets de réclusion » et notamment de « Métaphysique de la radicalité capitaliste » et de « La Peste noire du genre urbain ». Ce qui suit en est une continuation.
L'addiction inédite à l'aliénation desdits réseaux sociaux, aux théories complotistes, aux fake-news, aux divertissements morbides etc. entraîne au mieux, l'abandon de soi-même : l'obésité galopante aux États-unis depuis des lustres (et maintenant dans le monde [24]), la consommation du Fentanyl qui tue massivement ou y engendre une population de zombies, l'augmentation partout du taux de suicide parmi les jeunes [25], n'en sont que quelques symptômes parmi de nombreux autres. Mais en général, ces phénomènes entraînent ou traduisent une mésestime, une fuite ou une « haine de soi » [26] inconsciente mais puissante. Comme dans le syndrome de Stockholm l'emprise de cette « haine de soi » est à la mesure de la complicité d'agression avec les agresseurs ; or ces derniers sont ici totalement désincarnés – « ils sont en distanciels » – mais omniprésents, jusque sur l'oreiller.
L'acceptation des non-rapports sociaux actuels ne laisse que deux manières de surmonter (provisoirement) les dommages engendrés par cette « complicité » dans la dévastation de soi-même et du monde : un narcissisme exacerbé ou l'acceptation du rôle de variable d'ajustement et toutes leurs variantes combinées. A contrario, le retour au politique, c'est-à-dire à un goût pour la vie, l'amour, la beauté partagés, à la réappropriation commune des savoir-faire, au désir de reprendre ensemble les chemins de l'émancipation, le plaisir de la réflexion et de la création... en seraient un puissant antidote.
« Contre tout ce qui est pour, et pour tout ce qui est contre ».
Pierre Dac, L'os à moelle.
Les entrepreneurs de « réseaux sociaux » algorithmés proposent – c'est un service complet, clés en main en quelque sorte, – de (re)tourner cette haine de soi à moindres frais, contre un système sans qualité… bref, contre tout ce qui peut présenter l'avantage d'y recevoir la projection de son désespoir ou de sa hargne sans danger de « feed-back » physique et violent. Mais ces projections dans l'espace intersidéral de l'abstraction numérique, ces simulacres de protestations, fonctionnent comme un boomerang qui revient inévitablement faire des dégâts dans la psyché de l'expéditeur (ou la vie d'autrui) par « la magie des algorithmes » dont Frances Haugen [27] a démontré en quoi ils étaient toxiques.
En effet, ces tonnes d'invectives, d'interjections et, dans le meilleur des cas, de fantasmagories cosmiques, parfois gentiment loufdingues, acquièrent une « reconnaissance, une visibilité, un écho numérique » qui sont légitimés par le nombre de likes ou de followers. Ces dénombrements sont censés refléter les opinions d'une dite « société civile » qui n'existe plus que sous une forme virtuelle, stockée dans les « big data » de Jeff Bezos ou d'Elon Musk. À présent, ces chiffres servent surtout à mesurer la « notoriété » des influenceurs. Là aussi, il y a concentration, et elle est accompagnée d'un brouillage des possibilités d'échanges (remise en cause de la langue, du langage, de la notion de vérité, etc.).
« Tant qu'il génère du chaos et crée des dégâts auprès des citoyens, il convient parfaitement. J'adore », Tom Metzger, ancien dirigeant du Ku Klux Klan, fondateur du groupe de séparation raciale White Aryan Resistance, à propos de Trump. Cité par Thierry Ribault in « Le Grand agitateur », 11 nov. 2024.
Dans ce cadre, les « tables renversées », les attaques du Capitole, les dysfonctions de tous ordres, la constitution de milices armées et pourquoi pas, bientôt, les guerres bientôt, sont en passe de devenir les seules réalités capables de rivaliser, par leur violence, avec le servage dépressif entretenu par les petits écrans bleus. D'où une jouissance crescendo des échecs [28], des catastrophes montrées en spectacle, laquelle glisse ou pourra facilement glisser vers l'apologie de la mort. Ou bien jouir de l'échec de l'autre dans la concurrence sans merci à laquelle se livrent les « variables d'ajustement » entre elles, dans le cadre de l'entreprise.
La forme supérieure du narcissisme consiste à atteindre ou élaborer « une place » où nul ne pourra s'aventurer, où nul ne pourra la remettre en cause : d'où les choix de sommets inatteignables de quelque nature qu'ils soient. Or, prôner la mort (début novembre 2024, Trump voulait voir le visage de Liz Cheney devant un peloton d'exécution), c'est se situer au sommet de cette échelle puisqu'il s'agit, ni plus ni moins que de transgresser l'interdit du meurtre qui est au fondement de notre humanisation. Notons au passage que QAnon, repris par les trumpiens, avait répandu l'histoire – pour résumer – selon laquelle les Démocrates suçaient le sang des enfants dans les sous-sols du Capitole pour se rajeunir : c'était suggérer que la transgression des interdits du meurtre et de l'inceste étaient monnaie courante au cœur même de l'État… alors « pourquoi pas moi, mais pour la bonne cause » ?
Pour analyser les effets combinés du néolibéralisme, du numérique et des effondrements sociétaux, l'économie politique, la psychanalyse et l'anthropologie politique ne sont pas de trop. Mais aucun de ces trois domaines pris séparément ne pourrait y parvenir.
Jean-Marc Royer 1er décembre 2024
Message d'Ilia, Kharkiv, 25 novembre 2024, 18h30.
Le régime contemporain du Kremlin est extrêmement proche du fascisme. Il utilise le nihilisme (par exemple en finançant l'extrême droite dans le monde entier) et la résignation (en soutenant par exemple les « campistes » de gauche qui vendent la nostalgie d'un passé qui n'a jamais existé). Le plan de Moscou est d'aider l'extrême droite à arriver au pouvoir en Europe occidentale, laquelle vendra la peur de la guerre à la population et donnera à Poutine tout ce qu'il veut. Or, l'ordre de sécurité mondial est en train de changer en ce moment, il n'est donc pas nécessaire de discuter de bêtises passées.
L'aide hypocrite des pays riches à l'Ukraine n'est pas suffisante. Les antifascistes, l'extrême gauche et les progressistes devraient demander plus d'armes pour l'Ukraine. Mais aussi demander l'expropriation des biens de l'État russe, des oligarques et des banques pour soutenir davantage l'Ukraine. Vous devriez l'exiger.
Moscou achète beaucoup de biens militaires d'occasion en raison des sanctions directes. Les camarades devraient exiger des sanctions économiques indirectes contre les partenaires de la Russie qui les aident à produire des drones modernes et à tuer encore plus d'Ukrainiens. Ces deux exigences (expropriation des biens et sanction du commerce illicite) sont contournées par le système capitaliste, donc la gauche est la seule puissance qui puisse les gérer.
Pour une paix durable et juste, il faut une position forte de l'Ukraine (aide militaire, sanctions économiques et expropriations). Le Kremlin n'a aucun intérêt à arrêter cette guerre, elle ne peut donc être arrêtée que par la force.
Et encore une chose, Jean Marc :
Malheureusement, la majorité de la population russe n'est pas opposée à la guerre. La raison est profondément enracinée dans le passé impérial russe qui n'a pas été suffisamment mis en cause pendant les périodes de transition néolibérale. La meilleure chose que les générations futures puissent obtenir, c'est que les générations actuelles perdent cette guerre impériale.
De plus, l'opposition russe traditionnelle en exil (par exemple Navalnaya) ne soutient pas l'augmentation des sanctions économiques, la défaite militaire du Kremlin, la restitution des territoires occupés.
C'est donc triste pour moi de le dire, mais il semble que ce ne soit pas seulement la guerre de Poutine, mais que ce soit aussi la guerre des élites industrielles et financières russes soutenues par un ressentiment populaire impérial.
Messages d'Alla [29], « Feminist Workshop » de Lviv, 28 novembre, 8h30.
Nous, féministes ukrainiennes, voulons rappeler au monde que la guerre génocidaire en Ukraine continue. Les villes ukrainiennes sont bombardées tous les jours, des civils sont tués dans leur lit. L'armée russe continue de torturer et de violer les femmes ukrainiennes dans les territoires occupés, d'enlever des enfants ukrainiens et de commettre un écocide. Des millions de femmes ukrainiennes sont devenues des déplacées internes, perdant leur maison, leur travail et la possibilité d'avoir une vie normale ; confrontées à une crise humanitaire dans les zones de front, des milliers de femmes ukrainiennes continuent de se porter volontaires et de servir dans les forces armées pour résister à l'invasion.
Les femmes ukrainiennes font face à une invasion impériale de la Russie alors que notre droit à résister à cette attaque armée brutale est toujours une question pour le mouvement progressiste occidental. Nous sommes confrontées au rejet de notre droit, en tant que peuple opprimé, à parler pour nous-mêmes, à évoquer nos expériences et au déni de notre droit à l'autodéfense et à l'autodétermination.
Nous voulons rappeler que les Ukrainiens ne sont pas des objets de discussion, nous sommes des personnes qui ont une voix, qui font face à l'oppression impériale et qui savent comment la combattre. Il est essentiel de souligner que la résistance à une attaque armée menée par un pays impérialiste implique inévitablement une résistance armée.
Notre combat est un combat non seulement pour la paix, mais aussi contre une Russie impériale xénophobe et patriarcale. Nous avons désormais un besoin urgent d'aide et de solidarité de la part de la communauté internationale. Faites entendre la voix des Ukrainiens, défendez l'aide militaire à l'Ukraine et notre droit à l'autodéfense.
[1] Deux formes de totalitarismes sont en train de s'étoffer, de se renforcer, de s'armer sous nos yeux : le « totalitarisme old Fashion » à la sauce Poutine dont il faudra analyser en quoi il se rapproche ou se confond avec le fascisme ou le nazisme, et celui du tandem Trump-Musk que nous nommons comme tel ici. Il consiste, entre autres choses, à utiliser des moyens démocratiques contre la démocratie, les moyens du droit contre le droit, la soi-disant créativité financière et fiscale pour dissimuler les malversations financières et fiscales ou la poursuite judiciaire contre les lanceurs d'alerte.
[2] Terme défini à plusieurs reprises, notamment dans les Carnets de guerre 5, 10, 15 et 16.
[3] Ces catégories perdurent aux États-unis. Il y en a cinq : American Indian or Alaska Native, Asian, African American, Native Hawaiian et White.
[4] Il s'agit d'un imaginaire lui-même structuré par ce que nous avons appelé « la rationalité calculatrice et transgressive ». Cf. à ce sujet les Carnets de réclusion 6 et 7 intitulés « Une civilisation tient aussi par son imaginaire » et « L'obsolescence du vivant sur Terre ».
[5] Cornélius Castoriadis l'avait déjà noté, par exemple dans La Montée de l'insignifiance : Les carrefours du labyrinthe IV, Paris, Seuil, 1996.
[6] Il a onze enfants avec trois femmes tous installés dans le même domaine à Austin dans le Texas, son Lebensborn privé. « E. Musk, le bon et le mauvais génie », émission Affaires étrangères, France Culture, 2 décembre 2024. Le courant libertarien vient de la fin d'une époque aux Etats-unis, marquée par la défaite au Vietnam : « Dire et consommer tout ce que je veux, quand je veux, avec qui je veux, y compris des armes et des narcotiques ». No limit, aucun interdit, pas mêmes ceux qui fondent notre humanité.
[7] Dont il a récemment supprimé l'accès interne à tous les chercheurs. David Chavalarias, chercheur à l'EHESS et directeur de l'Institut des Systèmes Complexes, France Culture, journal de 12h30, 15 novembre 2024.
[8] Durant la campagne de Trump, il aurait investi plus de 135 millions de $, mais sa fortune a fait un bond de 60 milliards après les élections, soit cinq cent fois la mise de départ. Pour la première fois dans l'histoire des élections, il a créé une loterie quotidienne d'un million de dollars pour qui « soutiendra les amendements 1 et 2 de la constitution » (armes et liberté d'expression), entendez pour qui aura voté Trump. Forbes, 13 novembre 2024.
[9] Cf. la courte bibliographie du Carnet de réclusion #11, « La peste noire du genre urbain », 28 février 2022, sur Internet.
[10] Corinne Lesnes, « Peter Thiel, le cavalier solitaire de la Silicon Valley », Le Monde,19 nov. 2021.
[11] On pense à Philip K. Dick, Ray Bradbury, Aldous Huxley, H. G. Wells, G. Orwell…
[12] Hormis les Carnets de réclusion 6 et 7 déjà cités, cf. les 5 et 8 intitulés « Il est minuit moins deux dans le siècle » et « Métaphysique de la radicalité capitaliste ».
[13] « Des gamins répondent à des appels à tuer pour de l'argent… Ils valorisent cela sur les réseaux sociaux… il y a toute une culture d'esthétisation de la violence criminelle dans certaines séries, dans la mise en scène des 'Narcos' latino-américains… » 20e minute, Clotilde Champeyrache, Economiste, Me de conférence au CNAM. « On peut facilement avoir une fonction de guetteur de livreur… mais il faut bien comprendre que c'est une économie de la dette… à partir du moment où on entre dans un réseau, on doit des actions qui peuvent aller croissantes… », Karine Daniel, sénatrice socialiste de Loire Atlantique, Question du soir, 18h, France Culture, mardi 12 novembre 2024.
[14] Voir ou lire à ce sujet les films ou les livres concernant par exemple la vie de D. Trump.
[15] Par l'imaginaire « rationnel-calculateur » amplement partagé qui l'exclue de manière intrinsèque et par la névrose obsessionnelle qu'internet alimente et entretient chez tout un chacun.
[16] Il contrôle le parti Républicain, la cour suprême, le Sénat, la chambre des représentants et deux cent juges fédéraux.
[17] À la fin du xxe siècle, les États-unis font largement appel au privé : en 2008, la Nasa passe un contrat faramineux avec Musk pour « utiliser ses lanceurs Space X ».
[18] Il y a cent ou deux cent millénaires, l'hominisation s'est progressivement établie avec la bipédie exclusive, le langage articulé, la maîtrise du feu, les sépultures, le respect dû aux morts, les croyances etc.
[19] Comme c'était le cas avec les entreprises russes, le capital européen entretien des liens de dépendance forts avec la Chine : 400 Mds de déficit commercial annuel ! Sans parler des dépendances industrielles stratégiques de tous ordres. Notons au passage que l'Empire du milieu pèse 18% du PIB mondial mais capte 32% de sa valeur ajoutée… Agatha Kratz, « Le temps du débat », 9e minute, France culture, 6/05/2024.
[20] Il s'agit-là d'une référence à la redistribution des rapports de forces mondiaux entre impérialismes.
[21] Les occidentaux n'ont jamais rien fait pour permettre que l'Ukraine repousse l'agresseur hors de ses frontières internationalement reconnues par les mêmes. C'est pourquoi nous avions écrit dès la fin de l'année 2022, que « les Occidentaux soutiennent les ukrainiens comme la corde le pendu », ce qui a donné la possibilité à Poutine de restructurer son armée, sa défense et son industrie militaire. Sans parler des euros qui entrent dans les caisses russes grâce aux achats de gaz russe via l'Azerbaïdjan ou des équipements occidentaux qui transitent par la Turquie, les pays du Golf ou du Caucase.
[22] Partiellement renouvelés grâce aux transferts de composants occidentaux, cf. les études de Yale déjà signalées à ce sujet.
[23] En partie financés par la pérennité des achats pétro-gaziers occidentaux via l'Azerbaïdjan, cf. le carnet de Guerre n°12. « Alors que le nombre de pertes quotidiennes était de 200 soldats en 2022, il s'élèverait désormais entre 1 500 et 2 000 », Clément Machecourt, « Les coûts astronomiques pour la Russie après 1000 jours de guerre », Le Point, 19/11/2024.
[24] Il ne s'agit pas seulement de la « malbouffe », mais de la position statique et du fait de manger devant les écrans. « En à peine plus de trente ans, le taux d'obésité à travers le monde a plus que doublé pour les adultes, et quadruplé parmi les enfants et les adolescents. Plus d'un milliard de personnes sont aujourd'hui obèses, soit une sur huit », Le Monde, 1er mars 2024.
[25] Les tentatives de suicide déclarées au cours de la vie ont augmenté de 50% par rapport à 2017 et celles déclarées les douze derniers mois de plus de 60% (de 0,7% en 2017 à 1,1% en 2021), viepublique.fr, 7 février 2024.
[26] Concept psychanalytique. En fait un couple mésestime/narcissisme.
[27] Ingénieure états-unienne sortie de Facebook avec des milliers de documents. Cf. les carnets de réclusion 10 et 11 intitulés « Les Rhinolophes, la Batwoman et son parti » et « La Peste noire du genre urbain ».
[28] Psychanalytiquement parlant, le mot de jouissance ne doit pas être confondu avec celui de plaisir. Sans ce penchant bien partagé, le succès des films d'horreur, des films catastrophes, des films gore ne pourrait pas s'expliquer. Cela fait deux ou trois décennies qu'Hollywood l'a compris et en tire de substantiels profits.
[29] Alla était en visio et en direct de Kiev le 14 septembre à la BAM de Malakoff.