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▸ les 19 dernières parutions

26.03.2025 à 10:25

Rodolphe (Saadé) Arrête Ton Char

dev

Réponse des carnavaliers.es de la Plaine au journal La Provence

- 24 mars / , ,
Texte intégral (995 mots)

Dimanche 16 mars, le mythique carnaval autonome et indépendant de la Plaine à Marseille réunissait 13 000 participants. Dans la presse locale, en l'occurrence La Provence, les journalistes auraient pris soin de ne pas évoquer l'incendie du char représentant la CMA-CGM, propriété de leur propriétaire Rodolphe Saadé. Le comité Rodolphe Arrête Ton Char revient ici sur cette dangereuse (auto)censure.

On ne réagit pas bien, et on le fait savoir


Lors d'une visite dans les locaux de BFMTV, le 19 mars 2024, Rodolphe Saadé a asséné aux salarié.es que si un sujet venait toucher ou remettre en cause la CMA-CGM, il ne « réagirait pas bien et le ferait savoir ».
C'est donc sans surprise qu'on a appris, dans un article de Marsactu, que l'ordre direct avait été donné aux journalistes de La Provence de ne pas faire mention de notre magnifique char en forme de tour CMA CGM Poulpisée dans le récit de la journée du Carnaval.
On y apprend par la même occasion que le directeur de la rédaction Olivier Biscaye, en réponse aux sollicitations du SNJ, déclare avoir, tout seul comme un grand, établi cette auto-censure journalistique.

Cher Rodolphe,

On te voit.
On sait que depuis la plus haute tour de ton plus haut château de Marseille, tu voudrais que personne ne vienne troubler ton repos, que personne ne vienne gâcher ta fête, mais malheureusement, comme l'a dénombré La Provence, 13000 personnes ne sont pas passées à côté de notre char, ni de sa flamboyante mise à mort. Par ailleurs, on ne te cache pas que nous sommes très nombreuses à ne pas croire à ton petit numéro de milliardaire respectable et philanthrope. On connaissait ton goût prononcé pour les petits bisous à Macron, et maintenant que tu vas obséquieusement brosser la perruque de Trump, on va travailler à montrer que tu es détesté pas seulement à Marseille mais bien de partout sur la planète.
Ton acceptabilité de vitrine n'est plus de mise, et même si tu n'embrasse pas aussi goulûment le projet fasciste que Bolloré et consorts, ton projet impérialo-économique contredit en tous points nos intérêts.

Chers journalistes de La Provence,

On vous a entendu commencer à vous inquiéter de la crédibilité de votre journal, de ce que cette censure pourrait ressembler à une remise en cause de l'indépendance journalistique.
Alors on voudrait vous rassurer.
Tout le monde sait que La Provence est un journal très sérieux, d'ailleurs, vous avez signé une Charte d'Indépendance, et non, votre patron Rodolphe n'est pas là pour vous empêcher de faire consciencieusement du journalisme ; non, sa mainmise n'est pas un obstacle structurel à votre travail ; et personne, personne ! ne s'était douté ni ne se doute encore que concentrer les médias dans les mains des plus gros milliardaires de la planète pourrait altérer la qualité ou le contenu des informations que vous délivrez.
Donc pour continuer à flâner sur le boulevard de l'abnégation qui est le vôtre, on vous invite à finalement considérer la gestion patriarcale et despotique de votre patron comme une véritable marque de respect.
Puisque si les journaux mainstream tels que vous s'emparaient sérieusement du sujet Saadé, de son parcours de fils à papa, de sa responsabilité dans l'inflation récente, de ses profits, de ses méthodes managériales criminelles dont vous faites les frais, de ses avantages fiscaux monstrueux, etc., et bien cela aurait sûrement un impact non négligeable sur la bonne tenue de son empire. Et il le sait.
Donc autant envisager qu'il vous prend très au sérieux.
Recevez donc, pour votre Charte d'Indépendance, le prix du Meilleur Espoir Cosmétique 2025.
Pour votre inquiétude naissante et la découverte inédite que la concentration des médias aux mains des grands patrons est un problème fondamental, recevez le prix Candide 2025.

Cher Olivier Biscaye (directeur de rédaction de La Provence,

Pour ne pas vouloir froisser l'égo tentaculaire de ton grand patron, reçoit le prix Fer à repasser 2025.
Entendons-nous bien, que tu te défèques dans les chausses par crainte de lui déplaire est parfaitement compréhensible. On se souvient du traitement malheureux réservé au dernier à avoir occupé ton poste. Par curiosité, c'est combien, le salaire de la peur ? Selon toi, à partir de combien ça commence à valoir le coup ?
À notre humble avis, ça mériterait un article sur toi, sur ton parcours, sur tes conditions de travail. Non ?
Dommage. Il a donc été décidé qu'au prochain carnaval, si rien ne change, on brûlera un caramantran à l'effigie de ton intégrité. Sa disparition mérite un hommage.

La RATC (Rodolphe Arrête Ton Char)

24.03.2025 à 18:12

Banditisme, sabotages et théorie révolutionnaire

dev

L'histoire d'Os Cangaceiros avec Alèssi Dell'Umbria [lundisoir]

- 24 mars / , ,
Texte intégral (4566 mots)

Cette semaine, nous vous proposons un lundisoir exceptionnel depuis le bar la Plaine à Marseille. On reçoit Alèssi Dell'Umbria afin qu'il nous raconte l'incroyable histoire du groupe Os Cangaceiros, mythique et mystérieuse association de malfaiteurs, théoriciens révolutionnaires autodidactes, émeutiers transnationaux et saboteurs au grand cœur. Ou comment une bande de jeunes, fans de rock et de football, et qui refuse d'aller à l'usine, se lance dans une vie de clandestinité, d'arnaques aux banques à l'échelle industrielle et de campagnes de sabotages en soutien au luttes en cours dans les prisons, les usines et les banlieues.

À voir mardi 25 mars à partir de 20h :

Si la revue publiée par le groupe a pu continuer de se diffuser dans quelques recoins de l'internet, pendant très longtemps, cette histoire est restée mal connue, probablement parce qu'Os Cangaceiros est parvenu à disparaître sans jamais que le ministère de l'Intérieur et la BRB, lancés à ses trousses, ne parviennent à le rattraper.
Passé le délai de prescription, Alèssi Dell'Umbria a décidé de s'y coller et de revenir sur cette époque de scandales, d'audace et de tumultes dans un livre passionnant « Du fric ou on vous tue ! » aux Éditions des mondes à faire. On lui a proposé de nous raconter tout ça, autour d'une anisette.

Alèssi Dell'Umbria est l'auteur, entres autres, de C'est de la racaille ? Eh bien, j'en suis ! À propos de la révolte de l'automne 2005, Histoire universelle de Marseille, De l'an mil à l'an deux mille, Tarentella ! Possession et dépossession dans l'ex-royaume de Naples, Antimatrix.

Les trois numéros de la revue Os Cangaceiros, le recueil L'incendie Millénariste et le dossier des Treize milles belles évoqués dans l'entretien sont tous consultables ci-dessous :
Os Cangaceiros n°1 (janvier 1985)
Os Cangaceiros n°2 (novembre 1985)
Os Cangaceiros n°3 (juin1987)
L'incendie millénariste (réédition 2011)
N'dréa
Treize mille belles

00:00 intro
1:27 Os Cangaceiros, une association de malfaiteurs, lettrés et politisés
3:58 Rock'n roll, bagarres, refus du travail et arnaques aux banques
5:40 La fondation du groupe
8:15 Le choix de la clandestinité et de l'action directe dans le reflux politique des années 80 et sous le mitrerrandisme
11:43 Penser et élaborer théoriquement depuis les luttes en cours et le refus diffus du travail
17:08 Échapper à la reproduction du capital, repenser le prolétariat
20:42 Politiser la délinquance (blousons noirs, banlieusards, vols de voitures et braquages)
27:40 1re vague d'actions en soutien aux mutineries dans les prisons : « La liberté est le crime qui contient tous les crimes » (blocages et attaques de trains de luxes, incendies d'entreprises qui font travailler les prisonniers, destructions d'imprimeries de journaux qui calomnient la révolte)
32:56 Des actions exemplaires plutôt que symboliques. La théorie du scandale
34:42 : Soutien à George Courtois, Patrick Thiolet, Abdel Karim Khalki et la prise en otage du palais de justice de Nantes (Sabotages du métro parisien)
41:58 La dépendance à l'écho médiatique
43:17 Football, hooliganisme, violence de rue et politique (ce à quoi la gauche ne comprend rien)
50:30 La nécessité de voyager à travers le monde pour aller à la rencontre des soulèvements et tisser des amitiés comme des solidarités
54:28 Minguettes Blues : sortir de la position de victime (quand la gauche œuvre à éteindre toutes les révoltes dans les cités)
59:53 Comment s'organise la clandestinité ?
1:04:20 Première arrestation par la Brigade de Répression du Banditisme (BRB)
1:08:46 Les conséquences politiques de la clandestinité
1:10:18 Contre la construction de 13 000 nouvelles places de prison, le contre-projet des 13 000 Belles (sabotages, incendies, pressions sur les architectes, vols et diffusions massives des plans de construction)
1:18:43 « Seriez-vous favorables à une interdiction de l'alcool en période insurrectionnelles ? »
1:21:40 N'Dréa : Appréhender politiquement la maladie
1:24:04 Dispersion et relocalisation
1:26:55 Comment maintenir l'intensité des actions, la clandestinité et la recherche et publication théorique (L'incendie millénariste contre la commémoration institutionnelle de la révolution française)
1:33:42 La révolution, ici et maintenant (le messianisme contre la gauche)
1:36:33 Rencontrer des livres et des auteurs depuis les évènements du monde
1:40:44 Refuser de distinguer politique et culturel, vivre-et-lutter
1:48:12 Gramsci, la mode de « l'hégémonie culturelle » et les breloques léninistes.Contre la politique, les formes de vies.
1:53:25 Par-delà le romantisme, que nous lègue l'expérience d'Os Cangaceiros ?
1:59:39 Bonus et hommages : « Un lieu est vraiment habité quand il y a la présence des morts »

Version podcast

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Voir les lundisoir précédents :

Universités : une cocotte-minute prête à exploser ? - Bruno Andreotti, Romain Huët et l'Union Pirate

Un film, l'exil, la palestine - Un vendredisoir autour de Vers un pays inconnu de Mahdi Fleifel

Barbares nihilistes ou révolutionnaires de canapé - Chuglu ou l'art du Zbeul

Livraisons à domicile et plateformisation du travail - Stéphane Le Lay

Le droit est-il toujours bourgeois ? - Les juristes anarchistes

Cuisine et révolutions - Darna une maison des peuples et de l'exil

Faut-il voler les vieux pour vivre heureux ? - Robert Guédiguian

La constitution : histoire d'un fétiche social - Lauréline Fontaine

Le capitalisme, c'est la guerre - Nils Andersson

Lundi Bon Sang de Bonsoir Cinéma - Épisode 2 : Frédéric Neyrat

Pour un spatio-féminisme - Nephtys Zwer

Chine/États-Unis, le capitalisme contre la mondialisation - Benjamin Bürbaumer

Avec les mineurs isolés qui occupent la Gaîté lyrique

La division politique - Bernard Aspe

Syrie : la chute du régime, enfin ! Dialogue avec des (ex)exilés syriens

Mayotte ou l'impossibilité d'une île - Rémi Cramayol

Producteurs et parasites, un fascisme est déjà là - Michel Feher

Clausewitz et la guerre populaire - T. Drebent

Faut-il boyotter les livres Bolloré - Un lundisoir avec des libraires

Contre-anthropologie du monde blanc - Jean-Christophe Goddard

10 questions sur l'élection de Trump - Eugénie Mérieau, Michalis Lianos & Pablo Stefanoni

Chlordécone : Défaire l'habiter colonial, s'aimer la terre - Malcom Ferdinand

Ukraine, guerre des classes et classes en guerre - Daria Saburova

Enrique Dussel, métaphysicien de la libération - Emmanuel Lévine

Combattre la technopolice à l'ère de l'IA avec Felix Tréguer, Thomas Jusquiame & Noémie Levain (La Quadrature du Net)

Des kibboutz en Bavière avec Tsedek

Le macronisme est-il une perversion narcissique - Marc Joly

Science-fiction, politique et utopies avec Vincent Gerber

Combattantes, quand les femmes font la guerre - Camillle Boutron

Communisme et consolation - Jacques Rancière

Tabou de l'inceste et Petit Chaperon rouge - Lucile Novat

L'école contre l'enfance - Bertrand Ogilvie

Une histoire politique de l'homophobie - Mickaël Tempête

Continuum espace-temps : Le colonialisme à l'épreuve de la physique - Léopold Lambert

Que peut le cinéma au XXIe siècle - Nicolas Klotz, Marie José Mondzain & Saad Chakali
lundi bonsoir cinéma #0

« Les gardes-côtes de l'ordre racial » u le racisme ordinaire des électeurs du RN - Félicien Faury

Armer l'antifascisme, retour sur l'Espagne Révolutionnaire - Pierre Salmon

Les extraterrestres sont-ils communistes ? Wu Ming 2

De quoi l'antisémitisme n'est-il pas le nom ? Avec Ludivine Bantigny et Tsedek (Adam Mitelberg)

De la démocratie en dictature - Eugénie Mérieau

Inde : cent ans de solitude libérale fasciste - Alpa Shah
(Activez les sous-titre en français)

50 nuances de fafs, enquête sur la jeunesse identitaire avec Marylou Magal & Nicolas Massol

Tétralemme révolutionnaire et tentation fasciste avec Michalis Lianos

Fascisme et bloc bourgeois avec Stefano Palombarini

Fissurer l'empire du béton avec Nelo Magalhães

La révolte est-elle un archaïsme ? avec Frédéric Rambeau

Le bizarre et l'omineux, Un lundisoir autour de Mark Fisher

Démanteler la catastrophe : tactiques et stratégies avec les Soulèvements de la terre

Crimes, extraterrestres et écritures fauves en liberté - Phœbe Hadjimarkos Clarke

Pétaouchnock(s) : Un atlas infini des fins du monde avec Riccardo Ciavolella

Le manifeste afro-décolonial avec Norman Ajari

Faire transer l'occident avec Jean-Louis Tornatore

Dissolutions, séparatisme et notes blanches avec Pierre Douillard-Lefèvre

De ce que l'on nous vole avec Catherine Malabou

La littérature working class d'Alberto Prunetti

Illuminatis et gnostiques contre l'Empire Bolloréen avec Pacôme Thiellement

La guerre en tête, sur le front de la Syrie à l'Ukraine avec Romain Huët

Feu sur le Printemps des poètes ! (oublier Tesson) avec Charles Pennequin, Camille Escudero, Marc Perrin, Carmen Diez Salvatierra, Laurent Cauwet & Amandine André

Abrégé de littérature-molotov avec Mačko Dràgàn

Le hold-up de la FNSEA sur le mouvement agricole

De nazisme zombie avec Johann Chapoutot

Comment les agriculteurs et étudiants Sri Lankais ont renversé le pouvoir en 2022

Le retour du monde magique avec la sociologue Fanny Charrasse

Nathalie Quintane & Leslie Kaplan contre la littérature politique

Contre histoire de d'internet du XVe siècle à nos jours avec Félix Tréguer

L'hypothèse écofasciste avec Pierre Madelin

oXni - « On fera de nous des nuées... » lundisoir live

Selim Derkaoui : Boxe et lutte des classes

Josep Rafanell i Orra : Commentaires (cosmo) anarchistes

Ludivine Bantigny, Eugenia Palieraki, Boris Gobille et Laurent Jeanpierre : Une histoire globale des révolutions

Ghislain Casas : Les anges de la réalité, de la dépolitisation du monde

Silvia Lippi et Patrice Maniglier : Tout le monde peut-il être soeur ? Pour une psychanalyse féministe

Pablo Stefanoni et Marc Saint-Upéry : La rébellion est-elle passée à droite ?

Olivier Lefebvre : Sortir les ingénieurs de leur cage

Du milieu antifa biélorusse au conflit russo-ukrainien

Yves Pagès : Une histoire illustrée du tapis roulant

Alexander Bikbov et Jean-Marc Royer : Radiographie de l'État russe

Un lundisoir à Kharkiv et Kramatorsk, clarifications stratégiques et perspectives politiques

Sur le front de Bakhmout avec des partisans biélorusses, un lundisoir dans le Donbass

Mohamed Amer Meziane : Vers une anthropologie Métaphysique->https://lundi.am/Vers-une-anthropologie-Metaphysique]

Jacques Deschamps : Éloge de l'émeute

Serge Quadruppani : Une histoire personnelle de l'ultra-gauche

Pour une esthétique de la révolte, entretient avec le mouvement Black Lines

Dévoiler le pouvoir, chiffrer l'avenir - entretien avec Chelsea Manning

De gré et de force, comment l'État expulse les pauvre, un entretien avec le sociologue Camille François

Nouvelles conjurations sauvages, entretien avec Edouard Jourdain

La cartographie comme outil de luttes, entretien avec Nephtys Zwer

Pour un communisme des ténèbres - rencontre avec Annie Le Brun

Philosophie de la vie paysanne, rencontre avec Mathieu Yon

Défaire le mythe de l'entrepreneur, discussion avec Anthony Galluzzo

Parcoursup, conseils de désorientation avec avec Aïda N'Diaye, Johan Faerber et Camille

Une histoire du sabotage avec Victor Cachard

La fabrique du muscle avec Guillaume Vallet

Violences judiciaires, rencontre avec l'avocat Raphaël Kempf

L'aventure politique du livre jeunesse, entretien avec Christian Bruel

À quoi bon encore le monde ? Avec Catherine Coquio
Mohammed Kenzi, émigré de partout

Philosophie des politiques terrestres, avec Patrice Maniglier

Politique des soulèvements terrestres, un entretien avec Léna Balaud & Antoine Chopot

Laisser être et rendre puissant, un entretien avec Tristan Garcia

La séparation du monde - Mathilde Girard, Frédéric D. Oberland, lundisoir

Ethnographies des mondes à venir - Philippe Descola & Alessandro Pignocchi

Terreur et séduction - Contre-insurrection et doctrine de la « guerre révolutionnaire » Entretien avec Jérémy Rubenstein

Enjamber la peur, Chowra Makaremi sur le soulèvement iranien

La résistance contre EDF au Mexique - Contre la colonisation des terres et l'exploitation des vents, Un lundisoir avec Mario Quintero

Le pouvoir des infrastructures, comprendre la mégamachine électrique avec Fanny Lopez

Rêver quand vient la catastrophe, réponses anthropologiques aux crises systémiques. Une discussion avec Nastassja Martin

Comment les fantasmes de complots défendent le système, un entretien avec Wu Ming 1

Le pouvoir du son, entretien avec Juliette Volcler

Qu'est-ce que l'esprit de la terre ? Avec l'anthropologue Barbara Glowczewski

Retours d'Ukraine avec Romain Huët, Perrine Poupin et Nolig

Démissionner, bifurquer, déserter - Rencontre avec des ingénieurs

Anarchisme et philosophie, une discussion avec Catherine Malabou

« Je suis libre... dans le périmètre qu'on m'assigne »
Rencontre avec Kamel Daoudi, assigné à résidence depuis 14 ans

Ouvrir grandes les vannes de la psychiatrie ! Une conversation avec Martine Deyres, réalisatrice de Les Heures heureuses

La barbarie n'est jamais finie avec Louisa Yousfi

Virginia Woolf, le féminisme et la guerre avec Naomi Toth

Katchakine x lundisoir

Françafrique : l'empire qui ne veut pas mourir, avec Thomas Deltombe & Thomas Borrel

Guadeloupe : État des luttes avec Elie Domota

Ukraine, avec Anne Le Huérou, Perrine Poupin & Coline Maestracci->https://lundi.am/Ukraine]

Comment la pensée logistique gouverne le monde, avec Mathieu Quet

La psychiatrie et ses folies avec Mathieu Bellahsen

La vie en plastique, une anthropologie des déchets avec Mikaëla Le Meur

Déserter la justice

Anthropologie, littérature et bouts du monde, les états d'âme d'Éric Chauvier

La puissance du quotidien : féminisme, subsistance et « alternatives », avec Geneviève Pruvost

Afropessimisme, fin du monde et communisme noir, une discussion avec Norman Ajari

L'étrange et folle aventure de nos objets quotidiens avec Jeanne Guien, Gil Bartholeyns et Manuel Charpy

Puissance du féminisme, histoires et transmissions

Fondation Luma : l'art qui cache la forêt

De si violentes fatigues. Les devenirs politiques de l'épuisement quotidien,
un entretien avec Romain Huët

L'animal et la mort, entretien avec l'anthropologue Charles Stépanoff

Rojava : y partir, combattre, revenir. Rencontre avec un internationaliste français

Une histoire écologique et raciale de la sécularisation, entretien avec Mohamad Amer Meziane

Que faire de la police, avec Serge Quadruppani, Iréné, Pierre Douillard-Lefèvre et des membres du Collectif Matsuda

La révolution cousue main, une rencontre avec Sabrina Calvo à propos de couture, de SF, de disneyland et de son dernier et fabuleux roman Melmoth furieux

LaDettePubliqueCestMal et autres contes pour enfants, une discussion avec Sandra Lucbert.

Pandémie, société de contrôle et complotisme, une discussion avec Valérie Gérard, Gil Bartholeyns, Olivier Cheval et Arthur Messaud de La Quadrature du Net

Basculements, mondes émergents, possibles désirable, une discussion avec Jérôme Baschet.

Au cœur de l'industrie pharmaceutique, enquête et recherches avec Quentin Ravelli

Vanessa Codaccioni : La société de vigilance

Comme tout un chacune, notre rédaction passe beaucoup trop de temps à glaner des vidéos plus ou moins intelligentes sur les internets. Aussi c'est avec beaucoup d'enthousiasme que nous avons décidé de nous jeter dans cette nouvelle arène. D'exaltations de comptoirs en propos magistraux, fourbis des semaines à l'avance ou improvisés dans la joie et l'ivresse, en tête à tête ou en bande organisée, il sera facile pour ce nouveau show hebdomadaire de tenir toutes ses promesses : il en fait très peu. Sinon de vous proposer ce que nous aimerions regarder et ce qui nous semble manquer. Grâce à lundisoir, lundimatin vous suivra jusqu'au crépuscule. « Action ! », comme on dit dans le milieu.

24.03.2025 à 14:35

Le Suaire et la Bannière

dev

« L'État-nation, dans sa forme moderne, est une production historique liée à la consolidation du capitalisme et de l'impérialisme. »

- 24 mars / , ,
Texte intégral (1091 mots)

Il est des étendards qui claquent au vent comme des oriflammes de conquête, et d'autres qui pèsent sur les épaules comme des chaînes invisibles. Choisir un drapeau, c'est choisir un héritage, un récit, une allégeance. Mais sous quelle bannière marche-t-on vraiment ? Sous celle que l'on croit tenir fièrement ou sous celle qui, en silence, nous tient captifs ?

Ulysse, après dix ans d'errance, vit flotter au loin les rivages d'Ithaque et sut qu'il touchait enfin au port. Mais que reste-t-il d'Ithaque quand la mer a tout lavé ? Que vaut un retour quand la maison n'est plus qu'un palais usurpé ? Ainsi en est-il du patriotisme dans un monde rongé par les ombres du passé colonial. Derrière l'appel à l'unité nationale, derrière l'étoffe tricolore brandie comme un talisman, il y a des spectres qu'on refuse de nommer. On veut le drapeau sans l'histoire, l'emblème sans les cicatrices.

La colonialité du pouvoir ne se dissipe pas avec le temps ; elle s'infiltre dans les affects, dans les structures économiques, dans les manières de dire « nous ». Aníbal Quijano l'a montré : elle ne se limite pas à la conquête brute, à la domination visible, elle opère dans la fabrication des subjectivités, dans l'intériorisation de la dette envers la métropole, dans l'assignation identitaire qui fait du citoyen un sujet avant d'être un acteur politique. L'État-nation, dans sa forme moderne, est une production historique liée à la consolidation du capitalisme et de l'impérialisme. Il ne se contente pas de gouverner des corps, il gouverne des récits, des émotions, des attachements, à l'image de ces penseurs qui ont, dans les cendres des empires, débusqué les rouages subtils d'un pouvoir qui se dissimule sous les mythologies nationales. Fanon, déjà, nous mettait en garde contre l'illusion d'une indépendance qui ne serait que la continuation de la dépendance par d'autres moyens.

Le rêve patriotique se nourrit d'un imaginaire héroïque et sacrificiel. Il façonne une mythologie où l'unité nationale prime sur les fractures sociales, où le drapeau flotte comme une promesse de grandeur retrouvée. Ce rêve, saturé d'affects et de nostalgie, mobilise les masses par le récit d'une appartenance totale, d'un destin collectif façonné par les épreuves et les victoires. Pourtant, ce rêve est un mirage : il nie la complexité des rapports de pouvoir, il gomme les luttes internes, il travestit les inégalités en vertus républicaines. Aimé Césaire le disait bien : « Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente ». Ceux qui, naguère, ont démonté les fables fondatrices des empires savent combien ces récits sont bâtis sur du sable, combien ils reposent moins sur la vérité que sur l'adhésion forcée des vaincus.

Dans un monde où le capitalisme racialisé organise la précarisation des corps postcoloniaux, la revendication patriotique agit comme une injonction à l'intégration dans un ordre qui repose précisément sur l'exclusion. On nous dit qu'aimer la patrie, c'est en accepter l'héritage sans condition, comme l'enfant reconnaissant embrasse la main du père. Mais quel père impose l'oubli, nie la douleur, maquille les violences en gloire ? Dans la légende de Laïos et Œdipe, c'est le refus d'affronter la vérité qui condamne une lignée à la malédiction. À force de ne pas vouloir regarder en face l'histoire de ses conquêtes et de ses rapines, la nation s'enferme dans un mensonge qu'elle prend pour une fierté, répétant à l'infini le destin tragique que tant de dramaturges ont su mettre en scène. Hannah Arendt l'a bien souligné : un pouvoir fondé sur le mensonge finit toujours par s'écrouler sous son propre poids.

Les figures du passé, celles qui ont renversé les idoles de la nation et de l'empire, nous rappellent que toute mythologie sert un ordre établi. Se tenir face au drapeau, c'est voir la peau tannée des colonisés sous l'étoffe des vainqueurs, c'est deviner la déchirure sous la couture, la violence sous la couleur. C'est comprendre que l'histoire n'est jamais qu'un tissu d'absences tissé par ceux qui écrivent. De grandes plumes ont déjà dénoncé cette absence, ont fouillé les silences, ont arraché aux archives les murmures des opprimés pour faire entendre la dissonance sous l'hymne officiel. Edward Saïd nous a appris à lire entre les lignes de l'histoire officielle, à percevoir l'Orientalisme comme une fabrique de fantasmes, une entreprise d'assignation.

Mais faut-il alors renoncer à rêver ? Peut-être pas. Peut-être faut-il simplement apprendre à rêver autrement.

Plutôt qu'un rêve qui enferme, un rêve qui libère. Plutôt qu'un mythe de la nation indivisible, un récit où la pluralité n'est plus une menace mais une richesse. Un rêve où l'histoire ne s'écrit pas à coups de glorifications mais par l'examen lucide des passés occultés. Où l'appartenance ne signifie pas soumission, mais émancipation. Ceux qui ont défendu les utopies insoumises, les avant-gardes brisées et les fraternités souterraines nous l'ont déjà appris : un autre rêve est toujours possible, mais il ne se dessine qu'à la marge, dans la brèche, à l'ombre des drapeaux que l'on brûle pour se réchauffer. Derrida nous a enseigné à déconstruire les évidences, à voir dans chaque institution un spectre qui hante ses propres fondations.

Que reste-t-il, alors ? Un dilemme qui n'en est pas un. On voudrait faire croire que refuser le drapeau, c'est être apatride, ingrat, étranger à soi-même. Mais peut-être est-ce tout le contraire : c'est refuser d'être enfermé dans un héritage imposé, c'est chercher une patrie qui ne soit pas un mausolée. C'est comprendre que l'appartenance ne se décrète pas au rythme des hymnes, mais se construit sur la justice et la mémoire. Car un drapeau qui ne sait pas se confronter à son passé n'est qu'un suaire flottant au vent.

un militant comme beaucoup d'autres

24.03.2025 à 14:21

Sortir des guerres évangéliques

dev

« Dehors les bateleurs, les mythomanes » Jacques Fradin

- 24 mars / , , ,
Texte intégral (1665 mots)

Comment reprendre le plus vieux débat (bi-centenaire) « socialisme scientifique » / « socialisme utopique » ?
Enrichi par la poussée fasciste et par la psychanalyse de la pulsion [1].

Nous l'avons longuement analysé (Punk Anarchism, Miettes 6) l'énergie psychique (la pulsion), le rêve, l'amour, l'illusion, tout cela peut être mobilisé, canalisé, concentré.
Et cette mobilisation de l'énergie psychique, de l'amour dans le cas religieux (évangélique, la manipulation de la croyance), cette mobilisation autoritaire, perverse, est au centre de l'œuvre fasciste [2].
Qu'est-ce qui est au centre de l'œuvre fasciste ? La mise en ordre des énergies utopiques. La mise en route du rêve. La militarisation de l'illusion (une variante du nationalisme et de ses propagandes guerrières).

Combattre le fascisme ? Rêve contre rêve ? Utopie contre utopie ?
Ne faut-il pas plutôt déserter le champ de bataille libidinal, l'espace commun des illusions ?
Définir le rêve, le fantasme, l'utopie, l'illusoire, comme l'espace psychique de la contre-attaque, c'est tomber dans une canalisation du libidinal qui promet la victoire au fascisme (comme le montre ce siècle).
Car le fascisme est le maître des énergies utopiques.
Il y a un champ commun utopique.
Là où officient les maîtres rêveurs, les grands manipulateurs, les démagogues, les chevaliers de l'imaginaire radical (du « socialisme utopique »). Les magiciens du fascisme qui font sortir le fascisme de leur cœur utopique.

Il est temps de reprendre, à nouveaux frais, le « socialisme scientifique ».
Il faut penser scientifiquement : déconstruire les rêves de manière matérialiste (via la psychanalyse).
Toujours relier les rêves aux structures de domination. L'extérieur qui envahit l'intime. Car il n'y a pas de rêve extérieur aux structures de domination : le rêve est dans la réalité.
Pour sortir de la domination, il faut sortir du champ utopique. Sortir du libidinal, de l'amour, de la croyance et de toutes les illusions [3].
Un pas de côté est exigé.
Mais un pas de côté impossible à effectuer pour l'animal proliférant, rêveur ou pulsionnel.
Un pas de côté qui, cependant (mais on le sait depuis longtemps – et les religions s'y sont cassé les dents !), définit l'humanité.
L'humanité au-delà de l'animal.
Mais y a-t-il un au-delà de l'animal ?
Ce que toutes les religions, depuis toujours, ont échoué à promouvoir, « l'humanisation » (par l'étude scolaire), pourquoi, maintenant, en ce stupide moment présent (mais le présent est toujours stupide, économique désormais), trouverait-on un (hyper) maître rêveur, un prophète évangélique, capable d'extraire de l'humain pensant et scolaire à partir de la fange libidinale pulsionnelle, saturée à l'illusoire, au rêve ?
Bien plus, si ce maître rêveur n'a pas pensé, donc déconstruit, l'impasse millénaire de l'utopie, ce cul de sac qui précipite dans un champ de mines, n'a pas pensé ce pas de côté (qui débute avec la pensée freudienne désespérée des années 30), alors il n'est qu'un charlatan frauduleux, comme l'évangélisme sait en produire tant, l'évangéliste missionnaire (qui propage la guerre).
Échanger l'Ukraine contre Gaza ! [4]
Ne voit-on pas désormais les Anges s'équiper pour la guerre spirituelle ?
Incapables, bloqués par leurs ailes imaginaires, incapables du pas de côté (qui définirait « l'angélisme »), incapables de sortir des cercles vicieux des rêves, plus encore piégés par l'illusion de l'amour, incapables de sortir des évangiles militarisés.
Ah ! Arrivent des Anges blindés !
Depuis Troie jusqu'à Hiroshima, et bien au-delà, partout, sans cesse, à l'infini.
Ils poussent ! Leurs miracles illusoires !
Faisant croire à l'animal proliférant (et démographiquement aussi) qu'il pourrait être humain ! Spirituel même ! Le fusil en main ! Alors qu'il n'est qu'un colon vulgaire !Cherchant, toujours, à dépecer son voisin !
Qu'est-ce que l'humanité ? Uniquement l'étude, dans une bibliothèque, l'âme du monde !
Sans cet acharnement à étudier, la science, la gnose, il ne reste que l'animal proliférant, le fameux entrepreneur libertarien, et, donc, fasciste : le roi de la pratique !
Alors que l'humain c'est l'inutile, l'impraticable.

Le problème n'est pas de savoir « comment partir en guerre ». Ça c'est facile !
La croyance, le rêve, l'illusion, le fantasme, le familialisme, la vendetta, la folie trop normale de la jeunesse, l'amour. Ah ! L'amour ! Regardez ce que les chrétiens (et autres évangélistes) en font !
Voilà les ressorts de la guerre, et du fascisme, de la guerre à l'infini, qui définit l'animal proliférant, tant qu'il n'est pas humain – y arrivera-t-il ?
L'animalité psychopathologique, « normale » donc (il est temps de relire Freud).
Le problème est de savoir « comment empêcher la guerre ». Si une telle chose est possible avec cet animal pas encore humain. Mi ange mi bête ? Plutôt un ange bête !
Arrêtez de rêver, cesser de croire.
Pensez, critiquez. Surtout vos croyances.
Sortez des guerre évangéliques, ces guerres infinies.
Abandonnez tout évangélisme. Arrêtez de promettre.
Dehors les bateleurs, les mythomanes.
Cassez tout ce libidinal, l'amour, l'espérance, l'espoir. La grande croyance indéracinable au monde d'après.
Laissez cela aux marchands de sommeil. Et aux fascistes.
Pas d'autre passion dépassionnée que celle de la pensée, de la mathématique la plus inutile (70% des mathématiques, la musique de la pensée).
La paix c'est la sécession, la désertion, le refus des rêves, le rejet des croyances (toutes à déconstruire), l'indifférence à l'évangélisme.

Jacques Fradin


[1] Cette reprise, mise à jour, n'est qu'une note à un plus ancien article,Sortir des cercles vicieux de la souveraineté, LM 333, 4 avril 2022.

Et de manière plus générale, il s'agit d'un renvoi à Punk Anarchism, en particulier Miettes 6, LM 187, 15 mai 2021.

Comme cette grande analyse, Punk Anarchism, contient tout ce qui est nécessaire pour renouveler le vieux débat, nous y renvoyons le lecteur peu pressé.

[2] Pour ne renvoyer qu'à un ouvrage remarquable, Alberto Toscano, Fascisme Tardif, Éditions la Tempête, janvier 2024, pp. 140-146 avec un renvoi à Norbert Guterman & Henri Lefebvre, La conscience mystifiée, 1936 (réédition 1979). Lire la p. 146 de Toscano.

[3] La critique des illusions, l'analyse des rêves est, bien sûr, le travail de la psychanalyse, depuis Freud en personne.
Parmi les tâches « scientifiques » que nous recommandons, il y a celle de l'étude assidue de la psychanalyse, depuis la critique freudienne des illusions.
Ne citons que quelques ouvrages, comme introduction à ce champ d'étude (notons que ce champ d'étude doit se substituer au champ commun utopique : passage de l'utopique au scientifique !).
Sophie de Mijolla-Mellor, Le besoin de croire, Métapsychologie du fait religieux, 2004 ;
Ben Gook ed., Libidinal Economies of Crisis Times, The Psychic Life of Contemporary Capitalism, 2024 ;
Samo Tomsic & Andreja Zevnik, Jacques Lacan, Between Psychoanalysis and Politics, 2016 ;
Samo Tomsic, The Labour of Enjoyment, Towards a Critique of Libidinal Economy, 2019 ;
Samo Tomsic, The Capitalist Unconscious, 2015 ;
Ceci n'étant qu'un échantillon d'une grande bibliothèque à fréquenter assidument (travailler plutôt que rêver !).

[4] Ce présent texte est aussi un complément à : L'humanité est morte à Gaza, LM 408, 18 décembre 2023.

24.03.2025 à 14:08

Comment faire un film avec une mère punk ?

dev

Dans Maman déchire, Émilie Brisavoine plonge sa caméra dans le chaos des liens mère-enfant

- 24 mars / , ,
Texte intégral (958 mots)

Le dernier film d'Émilie Brisavoine, réalisatrice et mère, nous plonge directement, par son titre, dans le drame initial : l'histoire d'un déchirement qui pousse mécaniquement dans un sens opposé la mère et l'enfant. Ce drame démarre dans un monde complet, chaud, idéal. Mais pourquoi sortir ? Puis l'enfant tombe sur Terre et n'a plus qu'à tenter de donner un sens à tout ce cosmos bien trop compliqué pour une seule personne. C'est là que les parents commencent, ce travail de réparation, via des gestes fondamentaux. L'apprentissage commence puis, peu à peu, les mots arrivent et formalisent tant bien que mal nos problèmes.

Dans le cas d'Émilie Brisavoine et de son frère, cette construction n'aura pas été facile. L'une et l'autre traverseront une vie émaillée de multiples blessures et déchirements, que la réalisatrice tisse sans complaisance dans une composition éclatée, proche du collage de matières éclectiques (archive, zoom, iphone...) qui composent son passé et son présent. Au centre de ces blessures, le film gravite autour de la figure initiale qu'est la figure maternelle : une mère punk fatiguée par un rapport continu d'une intensité extrême à la vie. Et un beau-père non moins intense, formant à deux une sorte de Janus basculant du sublime à la terreur en un fragment de seconde. Brisavoine et son frère se retrouvent séparés de leur mère et partent vers le sud avec leur père. L'une et l'autre se réfugieront dans leurs passions : la lecture et l'art pour la réalisatrice, la cuisine pour son frère.

Cette curiosité et cet appétit du savoir constituent l'une des grandes forces de Brisavoine. Sans jugement, elle nous dépeint, à partir de ses carnets intimes, une fresque tiraillée dans laquelle chacun.e peut trouver une tension forte avec ce lien insondable qui nous attache à la figure de la mère. Loin de s'attaquer à ce sujet avec surplomb, Brisavoine fixe la caméra au niveau du ventre, comme une sorte d'objet témoin, mémoire au milieu du chaos familial : fatras de langues abîmées, de dentitions cabossées, à la recherche de sens au milieu d'êtres empêtrés dans leurs problématiques internes. Le cinéma devient une sorte d'extracteur symbolique.

Émilie Brisavoine propose un cinéma de plasticienne, tissé dans l'expérience et l'intuition. Elle n'a pas peur, sans jugement, de glisser de forme thérapeutique en forme para-thérapeutique et vise-versa, non à la recherche d'une réponse, mais plutôt d'une sorte de jubilation à s'aventurer dans la richesse formelle de ces tentatives de mettre fin à nos maux. Brisavoine elle, assemble et pose des phrases, des formes, plan à plan, au milieu des petits mots de son fils. Elle tisse pour elle-même, mais aussi pour son frère, dont l'hypocondrie croissante, au fil du film, tend une étonnante tension dramatique. Ce duo frère-sœur, construit dans un anti-modèle à la mère, et dont leur réussite évidente pointe à quel point, au-delà de déchirer, il est encore plus difficile de trahir. Avancer en direction de son propre désir, c'est aussi trahir, trahir ce qui nous a déchirés, c'est aussi en creux en découdre avec ce qui nous attache.

Personnage touchant, cette maman déchirée qu'est aussi Émilie Brisavoine explose l'image, comme à chaque fois qu'elle se retrouve dans cette position d'actrice. Elle s'amuse et joue à se montrer, tisse et détisse les maillages de sa psyché avec intelligence et humour. Jamais dans l'éclat, alors qu'elle en a toutes les capacités, elle traverse toujours dans une posture de relance de la parole des autres et, quelque part, aussi celle de ses « autres » intérieurs, via des filtres de rajeunissement qui glissent de l'hilarant à une curiosité et inquiétude proches des imageries spirites du XIXᵉ siècle. Sa mère, personnage proche par moments de la comédie réaliste italienne, oscille entre armure de cuir cloutée et camouflage new-age, et n'a pas peur de s'enfoncer dans le pathétique. Ce personnage de mère terrifiante s'épuise au fil des plans, et laisse peu à peu apparaître une mère détruite, qui, par moments, manque de mots justes pour exprimer ses sentiments et les terribles douleurs de la séparation avec le père de Brisavoine et de sa non-relation avec sa propre mère. La réalisatrice lui laisse la parole et peu à peu une autre mère apparaît nourrie de liberté, de fantaisie et d'humour. Une série de photos extrêmement poignantes d'elle et sa fille montre en image, dans le silence, l'insondable du lien mère/enfant.

Ce film laisse derrière lui une grande richesse, et nous montre tout l'élan qu'apporte une pratique formelle dénuée de préjugés. Elle nous montre qu'un cinéma documentaire, qui a le courage du fragment romantique face à l'arrogance du récit, peut tout déchirer. Brisavoine construit une construction forte, structurée sur ses fragilités, qui, grâce à cette méthode, peuvent prendre place. Cette construction ouvre bien plus de portes que de multiples films héroïques et sophistiqués sûrs de leur fait et de leur « message ». La route semble bien plus riche quand on accepte les sinuosités de la vie, ses contours flous, et ses avancées fragiles.

Stephen Loye

24.03.2025 à 13:41

« Nous chutons sans peur »

dev

(Bilan d'étape chez France Travail)

- 24 mars / , ,
Texte intégral (1144 mots)

Dans son Journal à la date du 10 mars 2025, on trouve ce monologue d'Outis [1] qu'il aurait tenu auprès d'un agent de France Travail. Est-ce de la prose à streamer, des vers libres, une confession d'un nouveau genre ou la retranscription fidèle d'un « bilan d'étape » très singulier ? Difficile à juger. Car on ne sait pas si ce rendez-vous a réellement eu lieu. Mais on doit admettre que si « l'espace toujours fuguant toujours s'ouvre à sa fugue », comme dit finalement le poète cité par Outis, il y a bien lieu de croire que tout est vrai – dans des temps différents et sous des rapports différents.

« Je connais bien cette frayeur,
j'ai identifié ce qui m'entrave : »

Dit quelque part un grand poète russe
« le ciel tombe sans s'effondrer »

Moi aussi, je connais bien cette frayeur :
Avant, j'espérais l'effondrement
Le Grand Bouleversement.

Aux meilleurs moments,
Je croyais même le précipiter !
Comme on obéit à une prophétie :
« Commune, égalité et dignité ».

Et quand je désespérais,
Je ne désespérais jamais du désespoir :
Je pariais sur l'œuvre d'un météore
Force pure et sans haine
Capable de mettre fin au monde :
L'œuvre anonyme, sans Sauveur – la vraie révolution –
Tout ensemble contingente et nécessaire
(le contraire d'une bombe nucléaire)
L'œuvre parfaite, l'œuvre de Personne…
Qui n'est plus une œuvre.
Vous comprenez ?

Mais rien de tout cela n'arrive
Nous chutons sans peur
À jamais séparés de l'horizon des événements
— Et pourtant captifs de son attraction.

C'est Lucrèce qui avait raison
Et qui a peut-être porté le coup le plus dur
À la théorie révolutionnaire :
Tout se dérobe et se désagrège
— lentement et nécessairement
Tout se délite, morceau par morceau
— sans grand bouleversement

Qu'est-ce qu'un mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale ?

Je vous pose sincèrement la question :
qu'est-ce qu'un mandat d'arrêt
de la Cour Pénale Internationale ?
Qu'est-ce qu'un deal sur les minerais,
sinon un accord de paix ?
Et pourtant qu'est-ce que la guerre,
sinon l'industrie du deal sur des morts ?
Guerre et paix, dans ce monde,
quelle différence ?

Si j'étais Dieu – ce qu'au monde ne plaise –
j'abolirai la géopolitique
Et tous ses prétendants avec
J'abolirai aussi France emploi
Mais je m'égare…
Je reprends :
qu'est-ce qu'un putain de mandat d'arrêt
de la Cour Pénale Internationale ?

Et nous, nous allons à demi-ivres,
débiles et contents,
En tout cas pas assez tristes,
Car nous continuons d'aller,
Sans être hostile à ce fait :
Que tout continue d'aller…
Comme un mandat d'arrêt
de la Cour Pénale Internationale !

Nous allons errant, chutant,
Heureux d'être en vie quelque part,
Et d'atteindre parfois même
Quelque objectif satisfaisant pour soi,
Qui nous rend fier et gonfle un peu notre poitrine,
Ou d'au moins trouver
quelque repos à notre fatigue,
Pour nous rendre capables d'aimer,
Autre chose que soi.

Alors que nous ne sommes tous
(Machines muskiennes comprises)
Que des expulsés de la matière
À la recherche d'un refuge
Qui n'existe pas.

Vous croirez peut-être,
Parce que vous saisissez la psychologie,
Pouvoir me diagnostiquer,
Comme un symptôme de cette société de malades,
Et je ne suis pas le premier,
Suicidé de cette société,
Nous sommes des milliers
Que vous autres,
Dans votre langage élaboré,
De la clinique sociale,
Appelez : « symptôme… insurrectionnel » !
Cela ne nous plaît qu'à moitié.

Nous sommes parfaitement désespérés

Trop parfaitement pour y prêter foi
Car Lucrèce… a encore raison
(peut-être le plus grand
de la lignée de tous nos prophètes)
Qui un jour a dit
– comme tous les prophètes :
il l'a dit sur commande !
Que la matière devait
de toutes parts être infinie
– ce qui laisse encore possibles
quelques noces barbares imprévues, non ?!

Et que l'espace toujours fuguant
Toujours s'ouvre à la fugue.
Vous comprenez ?
L'espace toujours fuguant
Toujours s'ouvre à la fugue.
Et, cela, souverainement,
Indépendamment
De ce que n'est pas
Un mandat de la Cour Pénale internationale !
Vous comprenez ?
L'espace toujours fuguant
Toujours s'ouvre souverainement à la fugue.
Vous comprenez ?

Atelier Oncléo


[1] Le journal d'Outis commence le 8 janvier 2025 ici.

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