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21.06.2025 à 15:00

Au sein de la commission d’enquête sur TikTok : l’impuissance coupable des plateformes

hschlegel

Au sein de la commission d’enquête sur TikTok : l’impuissance coupable des plateformes hschlegel sam 21/06/2025 - 15:00

Interrogés à l’Assemblée nationale, les représentants de X, YouTube et Meta ont semblé impuissants face aux débordements de violence qui ont lieu sur leurs plateformes. Mais peut-on être impuissant quand on possède un si grand pouvoir ? Récit – et décryptage – d’un dangereux paradoxe. 

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Entre Frankenstein et Prométhée

« Pardonnez mon ignorance, mais c’est quoi MyM ? » Qu’un citoyen lambda ne connaisse pas cette plateforme de contenu érotique et pornographique équivalent d’OnlyFans (acronyme de « Me You More ») – cela n’a a priori rien d’étonnant. Mais qu’Anton’Maria Battesti, directeur des affaires publiques de la multinationale Meta (le groupe de Mark Zuckerberg, propriétaire de Facebook, Instagram et WhatsApp), avoue cette méconnaissance… C’est déjà plus déconcertant, notamment dans la mesure où certains usagers d’Instagram utilisent ce réseau social pour promouvoir leur contenu MyM. Ce mardi 17 juin, lors de l’enquête parlementaire réunissant les représentants de YouTube, Meta et X (ex-Twitter), les révélations étonnantes de ce type fusent. Elles prennent souvent la forme d’un aveu d’ignorance.

Vidéo pornographiques, contenus faisant l’apologie de la maigreur ou de la scarification, propos sexistes, appel à la haine… Les députés ne ménagent pas leurs efforts pour présenter dans les détails la diversité et l’ampleur des dérives sur les réseaux sociaux concernés par l’enquête. À ces accusations, les représentants de X et de Meta répondent en demandant à voir la vidéo violente concernée avec un air étonné, voire outré. On dirait presque qu’ils découvrent en 2025 ce qu’il se passe sur leurs propres plateformes. À cet aveu d’ignorance s’ajoute celui d’impuissance. « Ce n’est pas parce que vous trouvez un contenu qu’on l’autorise », affirme Claire Dilé, directrice des affaires publiques de X, à propos de certaines vidéos pornographiques qui pullulent depuis quelque temps sur la plateforme. Autrement dit : nous ne parvenons pas à faire suivre nos propres règles.

Cette stratégie de défense laisse songeur. Si elles ont présenté en détail les chapelets de solutions qu’elles proposaient pour réguler leur contenu, les entreprises ont à plusieurs reprises au cours de l’audience choisi d’insister sur leur impuissance. Cet aveu d’impuissance traduit un genre de malaise assez particulier. Il est une illustration de ce que le philosophe Günther Anders (1902-1992) appelle « la honte prométhéenne », qui désigne le sentiment d’être dépassé par un outil technique que l’on a pourtant créé et que l’on est censé connaître comme sa poche, et maîtriser de part en part. Face aux machines, l’homme ne dit plus « Bon sang, quels sacrés personnages nous sommes pour avoir fabriqué pareille chose ! » mais chuchote « Mon Dieu, quelle machine ! » en se sentant « très mal à l’aise, à demi épouvanté et à demi honteux », pointe le philosophe dans son essai L’Obsolescence de l’homme (1956). C’est ce sentiment de crainte gênée qui transpirait dans la maigre défense qu’ont présentée les dirigeants des réseaux sociaux à l’Assemblée nationale. Ils étaient des créateurs techniques, certes. Mais des créateurs dépassés, accablés par la puissance de leur outil : des créateurs déchus. 

Un manque d’effectifs qui laisse pantois

À entendre ces discours plaintifs, les plateformes pourraient presque susciter une forme de pitié. Mais contrairement à ce qu’elles affirment, leur impuissance n’est pas seulement une fatalité, un état de fait contre lequel elles ne peuvent rien. Leur inactivité est aussi liée à certains choix tout à fait conscients. C’est le sens des questions des députés, relatives aux nombres de modérateurs en charge de réguler les contenus. Les chiffres, incroyablement faibles pour des entreprises aussi riches, laissent songeur :

15 000 personnes travaillent à la modération de contenu chez Meta, pour 3 milliards d’utilisateurs sur Facebook et 2 milliards sur Instagram ;20 000 chez YouTube, pour 2,5 milliards d’utilisateurs ;1486 chez X, pour 586 millions d’utilisateurs. 

En résumé, et bien qu’il y ait un appui de l’intelligence artificielle, environ 36 000 personnes sont mobilisées pour gérer des milliards d’utilisateurs.

Ces quelques milliers de modérateurs ont une tâche très lourde. Ils doivent par exemple apprendre à repérer les techniques consistant à remplacer une lettre par un chiffre, dans le but de leurrer les algorithmes (par exemple le mot « sc4rification » est utilisé au lieu de scarification, le terme « zèbre » est également une manière de promouvoir des contenus relatifs aux violences corporelles auto-infligées). Les modérateurs sont également très concernés par l’explosion de violences liées aux guerres et aux événements géopolitiques qui secouent le monde : « Depuis le 7 octobre, on doit s’adapter à déceler un nouvel antisémitisme », souligne la représentante de X. Bref, via leur modérateurs, les plateformes doivent repérer des contenus dangereux, susceptibles de menacer la sécurité des citoyens. Et ce n’est même pas le plus inquiétant. Pour « rassurer » l’Assemblée, les représentants de Meta annoncent qu’il existe une personne – une seule ! – « basée à Paris », dont l’unique travail est de gérer les contenus « hypersensibles » qui surgissent sur Meta : menace terroriste, pédocriminalité, suicides... On n’ose imaginer dans quel état doit être le responsable en question, vues l’étendue et la difficulté psychologique de sa tâche et de ses responsabilités.

Manque de moyens… et de volonté ?

Mais pourquoi des entreprises privées se retrouvent-elles à gérer les menaces terroristes et les appels à la haine ? C’est un sujet qui est revenu à de nombreuses reprises au cours de l’audience, et sur lequel les représentants des plateformes ont eux-mêmes beaucoup insisté. « Vous nous donnez un pouvoir qui peut parfois être critiqué », lance Battesti, le porte-parole de Meta, aux députés. Et de poursuivre : « On ne doit pas décider seuls ! », « On manque de bases juridiques solides »… Il est vrai que les pouvoirs publics ont mis du temps à mettre en place des lois officielles afin de réguler les contenus sur internet. Le DSA – le règlements européen sur le service numérique – date seulement de 2022, et il est applicable depuis 2024. Pendant des années de relatif vide juridique, les plateformes ont donc été en un sens livrées à elles-mêmes, et ont oscillé entre une hyper-permissivité (notamment face à certains contenus haineux) et une censure excessive (c’est le cas de Meta, qui a pris l’habitude d’invisibiliser les contenus à caractère politique). « On doit constamment arbitrer entre la liberté d’expression et la suppression de certains contenus jugés choquants », a argué Thibault Guiroy, le représentant de YouTube.

Les plateformes n’ont peut-être pas été suffisamment épaulées par l’appareil juridique… ce qui leur a en effet laissé un très grand pouvoir. Comme les représentants de X, Meta et YouTube l’ont eux-mêmes rappelé, elles sont capables de diminuer, voire d’invisibiliser certains contenus jugés dangereux ou offensants. On les accuse souvent de faire l’inverse : c’est-à-dire de promouvoir les contenus qu’elles souhaitent mettre en avant. Le président de la commission ainsi que la rapporteuse ont demandé à plusieurs reprises à la porte-parole de X si les tweets de Donald Trump ou d’Elon Musk, qui envahissent la plateforme depuis le rachat de Twitter et sa transformation en X par ce dernier, n’étaient pas artificiellement surexposés. C’est en tout cas ce dont l’accuse notamment l’université technologique du Queensland, dans une étude estimant que la visibilité des contenus concernant Musk avait été multipliée par 1 000 au moment du Super Bowl, quelques mois avant les élections américaines. Quand on l’interroge sur ce pouvoir de surexposition des contenus de Musk, la porte-parole répond : « Non, pas à ma connaissance. » Elle refuse par ailleurs de prononcer les noms de Trump et de Musk, préférant multiplier les périphrases : « La personne que vous mentionnez », « le propriétaire récent ». De même, lorsque les plateformes sont accusées d’autoriser, voire de mettre en avant des contenus particulièrement sexistes via la prolifération d’influenceurs masculinistes, elles répondent en soulignant que le sexisme vient d’abord de l’ensemble de la société. En un mot : elles ne sont au courant de rien et ce n’est jamais leur faute.

Ce mardi 17 juin à l’Assemblée, les plateformes ont bel et bien témoigné de leur impuissance. Mais à bien y regarder, ce malaise vient peut-être plutôt du fait d’avoir été confrontées à l’écart monumental qui existe entre leur puissance de frappe et ce qu’elles mettent en place pour diminuer les impacts négatifs de cette puissance. Elles se mobilisent pour accroître leur pouvoir, non pour la réguler : faisant appel à la puissance publique pour pallier les conséquences de leur propre existence. Elles sont fortes, mais ne prennent pas leurs responsabilités. Lors de cette enquête parlementaire, X, YouTube et Meta ont montré un visage peu reluisant, semblable à la figure de Prométhée telle que la dépeint Anders dans L’Obsolescence de l’homme : non plus créateur triomphant d’une technologie hors-norme, mais « bouffon de son propre parc de machines »… et peut-être aussi de ceux qui les détiennent.

juin 2025
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21.06.2025 à 07:00

Claire Marin-Jeanne Vicérial : un dialogue haute couture

nfoiry

Claire Marin-Jeanne Vicérial : un dialogue haute couture nfoiry sam 21/06/2025 - 07:00

C’est l’histoire d’une rencontre entre la philosophe Claire Marin et l’artiste contemporaine Jeanne Vicerial. La première a fait des ruptures et des coutures le motif d’une réflexion sur les blessures et les transformations silencieuses qui sont la trame de nos vies. La seconde révolutionne le monde de la mode et marque celui de l’art avec ses sculptures en fil. Ensemble, elles ont conçu l’exposition In Silentio, qui vient de débuter au Lieu Unique, à Nantes, où elles poursuivent une réflexion sur nos liens et nos attachements. Dans notre numéro, nous les avons invitées à dialoguer… sur le fil.

juin 2025
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20.06.2025 à 17:00

“Peine géographique” : comment sortir les territoires de l’abandon ?

hschlegel

“Peine géographique” : comment sortir les territoires de l’abandon ? hschlegel ven 20/06/2025 - 17:00

Un politologue a forgé un nouveau concept pour désigner le sentiment qu’ont les habitants des banlieues et des communes rurales d’être délaissés par les pouvoirs publics : la « peine géographique ». Explications.

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« Peine géographique » : c’est par cette expression que le politologue Brice Soccol, coauteur de Parlons-nous tous la même langue ? Comment les imaginaires transforment la France (Éditions de l’Aube, 2024), commentait les résultats de l’étude récente de l’Ifop sur « le regard des habitants des banlieues et des communes rurales sur l’action publique et l’accès aux services publics » : « Vous avez une majorité de ruraux qui se sentent dans le déclin français, éloignés de tout, rejetés dans leur mode de vie – par exemple sur l’utilisation de la voiture – et une majorité d’habitants des banlieues qui se sentent stigmatisés et oubliés. » Les habitants de ces deux espaces géographiques éprouvent, note-t-il, « le sentiment d’une relégation » et « de mise à l’écart de la République », d’abandon et d’isolement ; en somme, un sentiment de ne pas exister pour le reste de la communauté nationale.

L’abandon géographique, un sentiment protéiforme

Rareté ou vétusté des services publics, difficultés d’avoir un rendez-vous médical, activité économique moribonde, chômage… Banlieues et communes rurales – qui ont évidemment aussi des préoccupations spécifiques – partagent l’impression d’être mises de côtés, délaissées par les investissements privés et l’action publique, étatique tout particulièrement, qui se décide à Paris. « Les deux catégories sont dans un imaginaire commun que l’on peut qualifier de “peine géographique”. »

La formule, dans son ambivalence, interroge. La peine est polysémique. Il y a la peine au sens de souffrance physique et morale. La peine géographique ferait alors le constat de ce que certains lieux de vie peuvent, on le comprend aisément, susciter chez ceux qui y habitent un malaise, une douleur particulière. Tous les lieux ne se valent pas. L’espace n’est pas une collection homogène de lieux indifférents. Il est au contraire un tissu extrêmement différencié, donc la structure est exclusive : tout le monde ne peut pas habiter au même endroit – à savoir, dans le lieu le plus privilégié. 

Il y a aussi la peine au sens de sentence, de condamnation. C’est en ce sens que la formule de peine géographique a été forgée en 2017 par le géographe Olivier Milhaud dans Séparer et Punir. Une géographie des prisons françaises (CNRS Éditions, 2017) pour décrire la prison. Les espaces de relégations, bien entendu, ne sont pas des prisons. Mais parfois, ils en ont l’air. Il est souvent difficile de les quitter, faute de moyens : le prix de la vie est souvent bien supérieur en centre-ville. L’autre point commun, c’est l’effacement de la sphère publique. Dans la prison, le détenu est à la fois privé d’espace privé (réduit à une cellule partagée), et il est en même temps soustrait à l’espace public, qui est le lieu d’expression du pouvoir et de la liberté. L’habitant d’une commune abandonnée, au contraire, jouit d’un espace privé. Mais cet espace privé est à vrai dire hypertrophié : l’essentiel de l’existence s’y déroule (domicile, voiture individuelle, lieu de travail), faute de pouvoir accéder à un véritable monde commun. Dans une commune rurale où le dernier café a fermé, dans une cité dortoir, les lieux manquent où les hommes peuvent se réunir, prendre en charge collectivement leur existence. 

“L’habitant d’une commune abandonnée jouit d’un espace privé hypertrophié : tout se déroule à son domicile, dans sa voiture, sur son lieu de travail… car il n’y a plus d’espace public”

 

Peut-on parler de peine au sens judiciaire, pour les habitants des zones rurales ou périurbaine ? Sans doute pas. Si c’est une condamnation, c’est une condamnation sans procès, sans jugement. Personne n’a condamné ces individus à habiter ces territoires. Personne n’a cherché à les punir en les arrachant au tissu de leur existence pour les installer là, et personne ne les empêche de partir. Leur détresse n’est la conséquence d’aucune décision extérieure dont on pourrait discuter le caractère juste ou injuste. La réalité est ainsi faite. 

C’est contre cette approche constatative que les habitants, souvent, font entendre leur voix. Les banlieues, les villages ruraux n’ont pas toujours été dans ce piteux état d’abandon. Beaucoup d’habitants, dans les communes rurales notamment, gardent en mémoire un passé plus heureux : une époque où il y avait une vie sociale, des services, des monuments entretenus, des trains, une poste, un distributeur de billet, etc. De leur point de vue, le délaissement de leur milieu de vie n’était pas inévitable : il est le produit de décisions politiques indifférentes à leur sort, qui ont favorisé d’autres espaces. Avec l’idée de peine géographique, c’est le manque de considération, le manque d’attention qui est pointé du doigt. Une responsabilité politique est en jeu, dont il faut interroger la justice et l’injustice.

“Injustice spatiale” : une question complexe à résoudre

La philosophe Iris Marion Young (1949-2006), dans un article célèbre [consultable ici en anglais], faisait de la marginalisation un des « cinq visages de l’oppression », et même « la forme d’oppression la plus dangereuse ». Elle en dénonçait l’injustice foncière. La personne marginalisée est « exclue de la participation utile à la vie sociale et donc potentiellement sujette à une privation matérielle sévère », mais pas seulement : « La marginalisation ne cesse pas d’être oppressive quand on a un toit et de la nourriture. […] Même si on a fourni une vie matérielle confortable aux personnes marginalisées dans des institutions qui respectent leur liberté et dignité, les injustices de marginalité demeurent sous la forme de l’inutilité, l’ennui, et le manque de respect de soi », lié à l’exclusion des « activités reconnues et productives de nos sociétés ». Young pensait en premier lieu à la marginalisation ethnique, mais le géographe marxiste David Harvey a bien montré combien cette modalité de l’injustice peut être transposée dans des termes spatiaux.

L’idée de « justice spatiale », qui se diffuse ces dernières années, pose ces questions cruciales : comment combattre conjointement l’éloignement du centre et la dépréciation des milieux périphériques d’existence par rapport à ce centre qui monopolise toute la « valeur géographique » ? Comment faut-il investir la richesse collective dédiée à l’aménagement du territoire ? Selon quels critères ? Est-il normal d’investir des sommes massives dans des transports, des infrastructures dans des zones rurales peu densément peuplées, alors que ces investissements pourraient bénéficier à davantage de gens s’ils étaient faits en ville ? Que veut dire traiter à égalité les différents territoires ? La réponse est loin d’être évidente, c’est précisément ce qui en fait une question politique.

juin 2025
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20.06.2025 à 16:41

Neil Young, l’homme qui parlait aux arbres

hschlegel

Neil Young, l’homme qui parlait aux arbres hschlegel ven 20/06/2025 - 16:41

Neil Young vient de sortir rien de moins que son 48e album. S’est-il assagi avec le temps ? Que nenni : l’habitué des protest songs a toujours des choses à dire, et surtout à dénoncer. Et en l’occurrence, on comprendra sans mal que l’actualité américaine lui donne du grain à moudre…

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Ce texte est extrait de notre newsletter hebdomadaire « Par ici la sortie » : trois recommandations culturelles, éclairées au prisme de la philosophie, chaque vendredi soir. Abonnez-vous, elle est gratuite !

 

« Alors que des millions d’Américains se dressent contre Donald Trump et sa pratique autoritaire du pouvoir, sous le slogan de ralliement “No King” (“Pas de roi”), un habitué des protest songs se joint au concert de critiques. Neil Young, auteur historique de chansons engagées comme Ohio ou Rockin’ in the Free World, livre un 48e album câlin et rageur, Talking to the Trees. Si le “loner” convoque l’image des arbres, c’est moins pour louer la vie solitaire au fond des bois qu’alerter contre le danger écologique que fait peser l’écosystème Trump sur la planète. Neil Young appelle par exemple les constructeurs automobiles américains à rattraper leur retard sur la Chine au sujet de la voiture électrique (“Come on America, let’s get in the race”), glissant au passage une attaque bien verte contre Elon Musk : “If you’re a fascist / Then get a Tesla” (Let’s Roll Again). Même inquiétude énervée dans Big Change, où le changement climatique est assimilé à une “collision” qui doit nous amener à réévaluer nos priorités. L’imaginaire de la voiture est l’un des fils rouges de l’album, puisque Silver Eagle se veut quant à elle une déclaration d’amour... à son bus de tournée. Comme un antidote aux nouveaux -ismes qui menacent la démocratie américaine (autoritarisme, technofascisme, accélérationnisme), Neil Young dissémine des ballades folk plus intemporelles où sa voix haut perchée redevient enveloppante (First Fire of Winter, Talkin to the Trees, Thankful). Si l’album a musicalement un petit air de déjà-vu, cette constance peut être en soi perçue comme un geste politique – le refus du désordre incarné par Trump. D’où aussi, la métaphore des arbres : “L’arbre ou la racine […] fixent un point, un ordre, écrivent Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux (1980). L’arbre est filiation. Il impose le verbe ‘être’.” Sous leur plume, cette stabilité n’est pas un compliment. Mais quand l’époque semble imposer un “devenir” dangereux, l’attitude sylvestre n’est-elle pas plus souhaitable ? »

 

Talkin to the Trees, album de Neil Young, sortie le 13 juin. Écouter sur Spotify.

juin 2025
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20.06.2025 à 12:00

Meurtre de Nogent : un passage à l’acte révélateur de la “condition” adolescente

hschlegel

Meurtre de Nogent : un passage à l’acte révélateur de la “condition” adolescente hschlegel ven 20/06/2025 - 12:00

L’adolescent de 14 ans qui a tué une surveillante dans un collège de Haute-Marne a voulu « faire le plus de dégâts » possibles, sans ressentir pourtant la moindre culpabilité. Un décalage caractéristique de l’adolescence ?

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Le 10 juin, Quentin G., collégien de 14 ans, muni d’un couteau de cuisine de 20 cm, a poignardé à mort Mélanie, 31 ans, surveillante du collège Françoise-Dolto de Nogent, en Haute-Marne, alors que celle-ci procédait, aux côtés de deux gendarmes, à un contrôle des sacs. L’adolescent a été inculpé pour « meurtre sur une personne chargée d’une mission de service public ». Placé en détention provisoire, il a déclaré avoir voulu « faire le plus de dégâts » possibles, apparemment remonté contre des remarques qui lui avaient été faites « alors qu’il embrassait sa petite amie au sein du collège ». 

Poignarder une surveillante pour signifier son irritation, le geste semble aussi démesuré qu’insensé. D’autant que l’adolescent n’a exprimé aucun regret et s’est montré « détaché tant au regard de la gravité des faits reprochés que des conséquences vis-à-vis de lui -même ». Selon Jean-Claude Quentel, psychologue clinicien, auteur de La Personne au principe du social. Les leçons de l’adolescence (Gallimard, 2023), ce fossé entre la gravité de l’acte et la personne qui le commet de manière presque détachée est « typique » de l’adolescence. Dans les pas des travaux de l’école de la médiation de Jean Gagnepain (1923-2006), Quentel soutient que l’enfant, bien que doté de la plupart des compétences qui en font un être de raison, n’a pas « émergé au principe de la personne » : il n’est pas encore un sujet capable d’initier une histoire et d’en répondre. « L’adolescence est le moment où s’opère cette transformation », qui permet de « naître au social ». Mais pour cela, il faut accepter sa propre mortalité. L’adolescent de Nogent a admis être adepte de jeux vidéo violents et éprouver « une certaine fascination pour la violence et la mort », et « il ne semble pas attacher une importance particulière à la valeur de la vie humaine », selon le juge qui l’a entendu. Pour Quentel, c’est encore un trait spécifique de l’adolescence, qui est « travaillée par la négativité de la mort » : « L’enfant qui est en lui est en train de mourir. Cette mort symbolique est la condition de son entrée dans la vie sociale. Il doit faire place à un autre en lui-même et accepter sa propre contingence. Or cette période que l’on a longtemps accompagnée de rites de passage est abandonnée à elle-même aujourd’hui. Nous ne sécurisons plus les adolescents dans la mue qu’ils traversent. Les parents n’osent plus prodiguer des réponses, ils ont peur de leurs enfants et leur transmettent cette inquiétude. » Insécurisés, les adolescents, du moins ceux qui vont mal, retourneraient cette insécurité intérieure sur les autres.

Par ailleurs, Quentel s’inquiète lui aussi de l’effet délétère des réseaux sociaux qui rendent le rapport aux autres de plus en plus flous. « Les réseaux sociaux sont un outil ultra-social qui est prédestiné pour les adolescents – puisque leur tâche est de naître au social –, mais c’est aussi un outil destructeur du social, qu’ils façonnent de manière ultra-normative et oppressive. » Pour le psychologue, leur interdiction, peut-être nécessaire, ne réglera cependant pas le problème de fond, et il insiste sur l’importance de la limite, contre la vogue de la psychologie positive. « Quand on n’interdit pas, commente-t-il, on crée la violence. » Selon lui, le drame de Nogent devrait nous inciter à repenser l’éducation, non pas comme un dressage ni comme un dialogue d’égal à égal, mais comme « la mise en œuvre d’une capacité, inhérente à chacun, de se restreindre ».

juin 2025
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20.06.2025 à 08:00

Exposition “Art brut” au Grand Palais : prenez un grand bol d'art !

nfoiry

Exposition “Art brut” au Grand Palais : prenez un grand bol d'art ! nfoiry ven 20/06/2025 - 08:00

Pour sa réouverture, le Grand Palais consacre à partir du 11 juin une riche exposition à l’art brut. Réalisée à partir de la collection donnée par Bruno Decharme, elle montre la vitalité d’une création littéralement hors norme, défiant toutes les catégories esthétiques. Dans notre nouveau hors-série, nous vous proposons de la découvrir en compagnie du collectionneur (et ex-étudiant en philosophie !).

juin 2025
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