LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie Blogs Revues Médias
Le Grand Continent
Souscrire à ce flux
Groupe d'Etudes Géopolitiques

Abonnés Articles en ACCÈS LIBRE Actu Livres Economie Environnement Genre Guerre

▸ les 10 dernières parutions

27.07.2024 à 06:00

« Mon Paris est celui du centre », une conversation avec Michelle Perrot

henrigasquet

« Les changements d’une ville, on les sent d’abord sans les voir, on les perçoit, sans les analyser vraiment. »

Une vie dans la ville—de l'Occupation aux JO. Comment pouvait-on rouvrir la saison de notre série d'été Grand Tour ailleurs qu'à Paris cette année ?

Pour ce premier épisode, nous avons demandé à l'historienne Michelle Perrot de remonter le temps.

L’article « Mon Paris est celui du centre », une conversation avec Michelle Perrot est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (5355 mots)

Notre iconique série estivale Grand Tour revient ce matin. Après ce premier épisode avec Michelle Perrot sur Paris, elle nous portera de Jérusalem à Johannesburg en passant par plusieurs villes, vallées et villages de Toscane, le front de mer à Oran—et bien d’autres lieux encore. Pour découvrir les saisons précédentes, c’est par ici et par là pour nous soutenir.

À quand remontent vos liens familiaux avec Paris ?

Je suis née à Paris, dans le XIIe arrondissement, en 1928. Femme moderne, ma mère, ne souhaitait pas accoucher chez elle mais dans un lieu sécurisé, hygiénique, intime et féminin. Elle a choisi les Diaconesses de la rue du sergent Bauchat. Comme nombre de Parisiens, mes parents étaient des Parisiens récents, mon père n’étant d’ailleurs pas né à Paris, mais en Anjou. Mon grand-père maternel, tourangeau, était venu à Paris vers l’âge de 25 ans et s’y était fixé, devenant ingénieur de la ville de Paris, fou de cette ville qui l’a totalement intégré. Il a fait l’essentiel de sa carrière à la mairie du XIIIe arrondissement, où il avait la charge des plantations. On lui doit notamment l’aménagement de la Poterne des peupliers et de la passerelle de Rungis. Écologiste avant la lettre, il était très préoccupé de l’importance des arbres, de la préservation et de l’introduction de la nature dans la capitale. Il habitait en haut de l’avenue des Gobelins, presque sur la Place d’Italie, quartier que j’ai donc beaucoup fréquenté durant mon enfance, notamment les week-ends que je passais souvent chez lui. Zone de migrants assez pauvres, presqu’en limite de la ville, ce quartier  a été important pour moi. Tous les ans, s’y tenait une foire : on y installait des estrades sur lesquelles se produisaient des danseuses ; une petite danseuse en tutu, experte en pointes, m’a beaucoup fait rêver. L’une des voisines de mon grand-père, mademoiselle Misoul, une Auvergnate, se glorifiait d’avoir connu Lénine.

Veuf à cinquante ans, mon grand-père a élevé seul ses trois enfants, avec l’aide de ma mère, seule fille entre deux garçons, devenue à seize ans maîtresse de maison et responsable de son jeune frère, un garnement qui lui a donné beaucoup de soucis. Républicain convaincu, pur produit de la « méritocratie républicaine », mon grand-père tenait à l’enseignement public et laïque : ses fils à Henri IV, ma mère à Fénelon, l’un des premiers lycées ouverts aux filles. Ma mère m’a transmis de nombreux souvenirs du Paris de cette époque, de la vie quotidienne (comment prendre un bain dans un appartement sans salle de bains) et des événements comme la grande crue de 1910 : il fallait prendre une barque pour aller au lycée. Le jour de l’armistice de novembre 1918, elle avait pour mission d’orner le balcon de l’avenue des Gobelins de drapeaux tricolores au signal donné par mon grand-père, en face, depuis la mairie. Mon père, lui, n’était pas né à Paris, mais dans le Saumurois. Il avait fait la Grande Guerre et ce n’est qu’ensuite qu’il s’est installé à Paris. Cette montée à la capitale a été pour lui, je crois, comme une revanche sur ses quatre années dans les tranchées. Il y a rencontré ma mère, avec laquelle il a formé un couple très amoureux. Ils se sont mariés à l’église Saint Médard et c’est une des rares photos que j’ai d’eux. Ils fréquentaient assidûment les théâtres, adoraient Jouvet, les Pitoëff, Jo Bouillon et son orchestre. Grâce à eux et à leur soif de bonheur inassouvi,  je conserve une image joyeuse et vivante du Paris de ces années-là.

Outre le quartier des Gobelins, quels ont été les lieux clés de votre enfance parisienne ?

Le Paris de mon enfance, ce fut d’abord Clichy, où mes parents s’étaient installés. Bien qu’alors très jeune, je me souviens de notre appartement, du jardin public que je fréquentais assidûment et d’un troisième lieu qui m’apparaissait plus mystérieux : le logement de la bonne que nous employions, qui vivait tout à côté. Ma mère ne voulait pas que j’y aille et chacune de mes visites avait donc des allures de transgression. Nous avons quitté Clichy en 1932 (j’avais quatre ans) pour nous installer rue Greneta, dans le IIe arrondissement. C’était le Paris des Halles. Tout le quartier était littéralement envahi par elles. Mon père avait un moment songé à être mandataire aux Halles, mais il s’est finalement établi comme « marchand de cuirs et peaux » au 163 de la rue Saint-Denis. Dans une impasse, il avait  un grand entrepôt empli de « côtes » de cuir, qu’il allait sélectionner dans les tanneries de province, à Autun notamment, dans lesquelles il découpait des pièces pour ses clients cordonniers. Il régnait dans ce magasin une odeur très particulière de cuir et de peaux. C’était un quartier très populaire : il y avait là les travailleurs des Halles, des petits artisans, des commerçants… et aussi beaucoup de prostitution. Je ne me suis rendu compte de l’existence de cette dernière activité que bien plus tard lorsqu’un jour, alors que je devais avoir seize ans, attendant ma mère devant la boutique de mon père, une femme m’a abordée en me demandant : « T’es nouvelle ? ». J’avais vécu dans ce milieu, vu et perçu des choses, mais comme elles n’étaient ni qualifiées ni réprouvées, je ne m’en étais pas vraiment rendu compte. Ce Paris aujourd’hui complètement disparu était très populaire et gai.

L’Occupation se manifestait d’abord par cette omniprésence physique des Allemands, les affiches dans le métro… Mais c’était aussi plus généralement un changement d’atmosphère.

Michelle Perrot

Vous fréquentiez l’école de ce quartier ?

Mes parents souhaitaient m’inscrire à l’école publique mais ma grand-mère paternelle, jugeant mes parents trop mécréants pour mon éducation religieuse, suggéra de me confier, au moins jusqu’à la première communion, à l’Ordre de la Retraite d’Angers, qui avait justement un cours privé, 35 rue de Chabrol, non loin de la gare du Nord. En définitive, j’ai fait toute ma scolarité au Cours Bossuet, chez les religieuses. Pour aller de la rue Greneta à la rue de Chabrol, je traversais donc le quartier chaque jour pédestrement, et c’est en l’arpentant que j’ai appris à le connaître et à l’aimer intimement. Avec la bonne qui venait me chercher après les cours, nous flânions passage Brady. Nous nous arrêtions souvent au coin de la rue Réaumur et de la rue Saint-Denis pour écouter le chanteur de rue qui, pour quelques sous, vendait les feuilles des chansons, très sentimentales, que le public reprenait en chœur. Le dimanche, mon grand-père, missionné à cet effet, m’emmenait à la messe — à laquelle mes parents n’allaient pas et lui non plus — à l’église Saint-Nicolas-des-Champs ou à Saint-Eustache. Très tôt, la contradiction s’est imposée à moi.

Avez-vous des souvenirs des soubresauts politiques dont Paris fut le théâtre dans les années 1930 ?

Mon premier souvenir politique remonte à février 1934. Je suis dans l’appartement familial de la rue Greneta avec Madame Braquemont, une dame qui venait faire des travaux de couture ; ma mère arrive, bouleversée, disant qu’une émeute a éclaté du côté de la Chambre des députés et qu’il y a des morts. J’avais six ans, mais je me souviens distinctement de cette scène. Ma mère devait être très anxieuse et cette anxiété a dû m’impressionner. 

J’ai des souvenirs plus précis du Front populaire. En 1936, il y avait beaucoup de petits ateliers de couture dans le quartier du Sentier, où nous vivions. Les couturières occupaient leurs ateliers, elles avaient mis des banderoles, chantaient, il y avait des manifestations. J’avais huit ans et je ne comprenais pas pourquoi mes parents avaient l’air inquiet. Je trouvais pour ma part cela très drôle, le quartier était plus vivant que jamais. Mon père vendait du cuir à des cordonniers, dont beaucoup étaient des réfugiés espagnols, très impliqués dans le mouvement. Un des clients de mon père, un certain monsieur Arago, cherchait à le convertir au marxisme en lui prêtant des petites brochures. Mon père m’a dit plus tard que la première fois qu’il avait entendu parler de la plus-value, c’était par ce cordonnier espagnol. Les frontières de classes n’étaient pas totalement étanches. Mes parents, qui appartenaient à la moyenne bourgeoisie, échangeaient avec des ouvriers. Des échanges qui ont toutefois été complètement stoppés par la guerre, d’autant que nous n’avions plus de cuir à vendre du fait des pénuries. Il fallait des tickets. Mon père ne faisait plus rien et déprimait.

À l’adolescence, vous avez quitté ce quartier parisien que vous aimiez pour aller vivre en banlieue. Comment avez-vous vécu ce déménagement et en quoi a-t-il affecté votre rapport à Paris ?

En 1939, nous avons effectivement quitté Paris pour nous installer en banlieue nord, à Montmorency. Mon père disait qu’il avait besoin d’air, qu’il trouvait la vie parisienne étouffante. Il a toutefois gardé sa boutique dans le centre de Paris et j’ai continué à fréquenter le Cours Bossuet. Le lien avec la capitale n’était donc pas rompu, mais le rapport avec elle était désormais pendulaire, rythmé par les allers-retours en train. À Montmorency, où mes parents avaient loué une  belle demeure entourée d’un immense jardin, je me suis  sentie en exil. J’ai toujours regretté le centre de Paris, alors même que nous étions incontestablement beaucoup mieux logés dans notre maison de banlieue. Pour aller à Paris, je descendais à pied à la gare d’Enghien d’où je prenais le train pour la gare du Nord et, de là, il me fallait encore marcher jusqu’au Cours Bossuet. À compter de ce moment, je n’ai plus éprouvé le sentiment de familiarité avec Paris que j’avais durant mon enfance. Paris est devenu plus lointain, regretté et je ressentais une nostalgie de mon quartier.

Les changements d’une ville, on les sent d’abord sans les voir, on les perçoit, sans les analyser vraiment. 

Michelle Perrot

Quels souvenirs gardez-vous de l’occupation allemande de Paris ?

D’abord celui de l’exode. Nous avons fui en famille en juin 1940 et avons fait la route dans la Citroën de mon père jusqu’à la frontière espagnole. En septembre, nous sommes finalement revenus à Montmorency où nous avons trouvé notre maison occupée par les Allemands. Il a donc fallu tenter de la récupérer. Ma mère, craignant les accès de colère de mon père, s’est chargée de démarcher les occupants ; je l’accompagnais. Je me souviens, comme d’une brûlure, du regard condescendant et concupiscent que ces Allemands ont alors porté sur cette belle jeune femme. Ils avaient à cette époque des consignes de « correction » et nous avons donc pu reprendre possession de notre domicile. Mais les Allemands n’en étaient pas moins omniprésents. Nous les voyions tous les soirs qui passaient, faisant leurs rondes en chantant, sur l’avenue de Paris, devant chez nous. Si vous aviez le malheur de laisser une lumière allumée la nuit, ils débarquaient pour vous réprimander et s’assurer que vous n’étiez pas en train de faire un signal. Ce qui était vrai à Montmorency l’était plus encore à Paris : l’Occupation se manifestait d’abord par cette omniprésence physique des Allemands, les affiches dans le métro… Mais c’était aussi plus généralement un changement d’atmosphère. Le discours des religieuses du Cours Bossuet a totalement changé. Vichy avait donné à ces « sécues », comme on disait, le droit de remettre le costume religieux ; à la rentrée 1940, elles sont revenues en cornettes et converties au Maréchal, tempérées cependant par l’une d’entre elles, qui s’est avérée résistante ; nous l’avons appris plus tard. Elles se sont mises à nous tenir un discours de la culpabilité : si nous avions perdu la guerre, c’est parce que nos parents n’avaient pas fait assez d’enfants et notre génération devait se sacrifier pour se racheter. J’en ai conçu un tel sentiment de culpabilité que je ne voulais plus manger. J’ai plongé quelque temps dans l’anorexie.

La Libération est venue rompre ce nouvel ordre.

Je n’ai pas assisté à la libération de la capitale car Montmorency a été libéré plus tard. Les Allemands y ont livré une dernière bataille qui a duré une quinzaine de jours. Nous vivions coupés de la capitale, réfugiés dans la cave lorsque les combats se rapprochaient de notre maison. Nous entendions à la radio les cloches qui célébraient la libération de Paris alors que nous étions encore occupés. Depuis le surplomb de Montmorency, nous voyions les bombardements des usines de Saint-Denis : c’était un incendie terrible et magnifique.

Ce n’est qu’après un passage par la province que vous retrouvez Paris intra-muros, dans les années 1950.

Le propriétaire auquel mes parents louaient la maison de Montmorency ayant décidé de la mettre en vente et mes parents n’ayant pas les moyens ou le désir de l’acquérir, ils sont retournés vivre à Paris en 1951 où ils ont loué l’appartement de la rue Madame, dont nous avons fait bien plus tard l’acquisition, où je vis encore aujourd’hui. Cette même année 1951, j’obtiens mon agrégation et suis nommée à Caen. Ce n’est qu’en 1958 que j’emménage rue Madame avec mon mari Jean-Claude Perrot, dans l’appartement de mes parents. À ce moment-là, il y avait, déjà, une terrible crise du logement à Paris si bien que mes parents nous avaient proposé de partager ce grand appartement. Ce qui ne devait être qu’une solution temporaire est devenue définitive à la mort de mon père en 1961. Le 6e arrondissement constitue donc mon deuxième ancrage parisien.

À quoi ressemblait le 6e arrondissement de Paris dans les années 1950 ?

C’était un autre monde. L’immeuble jouxtant celui où je réside était encore occupé par une usine, l’imprimerie Lahure, qui fut un important pôle de diffusion d’écrits révolutionnaires en 1848. Il y avait donc dans ce quartier de nombreux ouvriers. Dans cet immeuble même où je réside, je me souviens d’une Antillaise qui logeait au 5e étage et était cuisinière à l’imprimerie. L’imprimerie a dû quitter le quartier car les machines étaient de plus en plus performantes… mais aussi bruyantes et nuisantes. L’imprimerie a donc déménagé, l’usine a été démantelée, son tuyau détruit (étrange spectacle que cet effondrement provoqué de l’intérieur) et on y a construit un immeuble d’habitation. Outre la présence ouvrière aujourd’hui révolue, une autre caractéristique de ce quartier dans les années 1950, notamment du côté de Saint-Sulpice, était l’omniprésence des dames pieuses que l’on voyait aller à la messe. Les ouvriers ont disparu les premiers, les petites dames en noir ensuite et désormais, on y croise surtout de jeunes cadres fortunés.

C’était aussi un quartier de librairies ?

Jean-Claude était un bibliophile averti qui avait constitué une bibliothèque d’ouvrages du XVIIIe siècle, notamment d’économie politique. Nous avions noué des liens avec de nombreux libraires d’anciens, particulièrement présents dans le 6e arrondissement, dont ils ont pratiquement tous disparu aujourd’hui. Nous fréquentions notamment Lucien Scheller, installé rue de Tournon, Jean Viardot rue de l’Échaudé, Magis et Bernstein rue Guénégaud… C’étaient des gens formidables, très cultivés, le plus souvent de gauche. Magis père, d’abord libraire sur les quais, avait introduit le livre d’économie politique ; il avait appelé son fils Jean-Jacques. Bernstein s’était caché durant toute la guerre, dans un grenier parisien,  fabriquant de faux papiers. Lucien Scheller était au cœur d’un cercle intellectuel et littéraire et en allant dans sa librairie, on rencontrait Éluard ou Aragon. Ce n’était pas seulement des boutiques, mais des lieux de discussion et d’échanges. Et puis pour les livres neufs, il y avait bien sûr la librairie Maspero et celle des Puf place de la Sorbonne.

Si nous avions perdu la guerre, c’est parce que nos parents n’avaient pas fait assez d’enfants et notre génération devait se sacrifier pour se racheter.

Michelle Perrot

Vous avez donc vécu la fin de ce Paris ouvrier auquel vous consacriez vos travaux d’historienne.

Paris fut effectivement, notamment au XIXe siècle, une ville ouvrière et plus encore une ville de révolutions, une ville politique. C’était la capitale d’un mouvement ouvrier qui n’était pas encore centré sur l’usine, mais plutôt sur les ateliers et l’artisanat, sur des petites structures peuplées d’ouvriers très qualifiés et alphabétisés, ceux-là même qu’ont si bien étudiés Jeanne Gaillard, Louis Chevalier, Jacques Rougerie et surtout Jacques Rancière dans La nuit des prolétaires. C’était un Paris ouvrier qui lisait, qui écrivait, qui réfléchissait beaucoup. Un Paris que j’ai encore connu, où la classe ouvrière n’avait pas été reléguée dans les banlieues comme elle le sera plus tard. Il en restait des traces, telles qu’on peut en voir aujourd’hui encore, par exemple, à la Bibliothèque des amis de l’instruction, rue de Turenne, fondée à la fin du Second Empire par des ouvriers désireux de mettre leurs ressources en commun pour acheter des livres. Autour de Jean Maitron, le fondateur du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, on croisait Monatte ou Chambelland, animateurs du syndicalisme d’action directe du début du XXe siècle. Mais les traces s’amenuisaient. Le passé devenait histoire, cette histoire qu’Ernest Labrousse proposait à ses étudiants d’écrire : « La classe ouvrière a droit à son histoire », disait-il.  Mais que signifie ce passage à l’histoire, sinon une disparition de la réalité du monde ? Les changements d’une ville, on les sent d’abord sans les voir, on les perçoit, sans les analyser vraiment. Dans le Paris d’aujourd’hui, il reste peu de traces matérielles du travail ouvrier d’autrefois. Les lieux, les instruments, les gestes du travail d’antan, les chansons, sont largement abolis, devenus objets de musées, plus tardivement que d’autres parce que moins considérés. Longtemps, l’habitat s’est mieux conservé, mais lui aussi a été submergé par les normes d’hygiène, les besoins de confort, une consommation urbaine de plus en plus avide.

Votre installation dans le 6e arrondissement correspond à une époque où vous vous investissez dans la vie militante parisienne.

Nous étions en effet, Jean-Claude et moi, de toutes les manifestations. En 1958, je venais de donner naissance à ma fille et n’ai donc pas pu prendre part aux manifestations contre la Ve République. Mais j’ai participé à toutes celles contre la guerre d’Algérie. Et puis il y a bien sûr mai 1968. Paris est en ébullition. Je suis à cette époque assistante d’Ernest Labrousse en Sorbonne. La Sorbonne est occupée par des étudiants que je connaissais très bien et que je soutenais. Alain Krivine, par exemple, était un étudiant de Labrousse et c’est moi qui supervisais sa maîtrise. Il y avait d’innombrables débats sur d’innombrables sujets. Et des manifestations qui sillonnaient chaque jour le boulevard Saint-Michel. Je garde de 1968, comme de 1936, des souvenirs  joyeux, avec le sentiment d’une coupure très forte au sein de l’université. Les assistants et maîtres assistants dont je faisais partie d’un côté, les professeurs, plus âgés et plus réservés de l’autre. Les professeurs nous demandaient surtout de faire attention aux livres que du reste les occupants respectaient. La Sorbonne était aussi un théâtre, une scène, où chacun jouait son rôle.

Paris fut, notamment au XIXe siècle, une ville ouvrière et plus encore une ville de révolutions, une ville politique. 

Michelle Perrot

Vous avez vécu à la fois sur la rive droite et sur la rive gauche de la Seine. Cette distinction fait-elle sens pour vous ? Ou bien le contraste entre un ouest parisien bourgeois et un est plus ouvrier est-elle plus pertinente à vos yeux d’historienne du social ?

Je vous répondrai en normande que mon Paris est celui du centre. L’ouest parisien bourgeois, j’y vais peu, je l’apprécie modérément, même si j’en redécouvre les charmes à travers l’œuvre de Proust ou d’Aragon. J’aime le Paris de la littérature autant que son espace physique. Mais je ne fréquente pas tellement non plus l’est. De la rue Greneta à la rue Madame, de la République à Denfert et à la place d’Italie, je suis au fond restée attachée à cet axe d’un Paris central, qui traverse et réunit les deux rives. Mes petits-enfants habitent rive droite, le 2e et le 10e. La constitution de cet axe correspond sans doute à des mutations plus profondes, démographiques et économiques. La « gentrification » de Paris est surtout celle des classes moyennes, liées au tertiaire, aux métiers, fluctuants et bourgeonnants, de l’audiovisuel, des communications, de l’informatique, des réseaux sociaux, etc.. Une population nécessairement instruite, résolument urbaine, éprise de campagne mais surtout dans ses « résidences secondaires ». Une bourgeoisie intellectuelle, consciente de ses privilèges, soucieuse de les « payer » en votant plutôt à gauche, assumant ainsi, du moins symboliquement, le rôle traditionnel du Paris contestataire. Le résultat des dernières élections législatives (juillet 2024) est à cet égard significatif et requiert analyse.

Quel regard la féministe que vous êtes porte-t-elle sur la place des femmes dans l’histoire et la géographie parisiennes ?

Il faut distinguer les images et les réalités. Les images féminines submergent la ville, incarnant les vertus, les lieux, les fleuves, les arts, les figures mythologiques, historiques ou politiques. Les femmes s’immiscent dans Paris d’abord par les images (les statues), la séduction (la mode, la prostitution), autrement dit par le statut de femmes objets. De même que les femmes, qui ne votent pas, représentent Marianne, la République (cf. les travaux de Maurice Agulhon). Les femmes, muses et madones, exclues du pouvoir et de la création, accompagnent et couronnent les acteurs masculins.

Paris est une ville du masculin par excellence. Car c’est une ville de pouvoir politique, mais aussi de création intellectuelle et scientifique, tous domaines longtemps considérés comme apanage de la virilité. Il y a eu Marie Curie certes, mais cela reste exceptionnel, du moins exceptionnellement visible, tant les femmes créatrices sont oubliées, effacées dans l’espace comme dans l’histoire. On pourrait dénombrer et cartographier les lieux de pouvoir, Élysée, assemblées, académies, Instituts, etc.., tous masculins. Les lieux mémoriels : le Panthéon, voué aux « Grands Hommes », les noms de rues, féminins à seulement 10 %, etc.. Situation qui change aujourd’hui, mais exprime le long passé de l’inégalité mémorielle.

Dans le Paris d’aujourd’hui, il reste peu de traces matérielles du travail ouvrier d’autrefois.

Michelle Perrot

L’histoire du quotidien réserverait plus de surprises, comme l’ont montré par exemple les travaux d’Arlette Farge pour le XVIIIe siècle. Mille incidents, relatés par la police, manifestent — dans le conflit, la séduction, l’amour, l’abandon — une rencontre, voire une  imbrication des sexes, qui déjouent l’ordre qu’on aurait voulu imposer. Surtout au XIXe siècle, qui, principalement pour des raisons morales, a cherché à séparer les sexes et à organiser la mixité, en Angleterre comme en France. Les pubs et les inns anglais, les cafés français, hauts-lieux de sociabilité populaire, sont réservés aux hommes. Une femme seule y est indésirable et suspecte de galanterie. Vouées au privé, à la maison, les femmes ont des difficultés à accéder à l’espace public, et par conséquent à circuler dans la ville, surtout la nuit. Certes, il est normal, voire indispensable, qu’elles fassent les courses, qu’elles aillent laver leur linge ; elles apprécient ces lieux de rencontre et de parole avec d’autres femmes ; au lavoir, on dit ses secrets, on quête une adresse pour se débarrasser d’un fruit défendu. Lieux autorisés : l’église, le salon de thé, la pâtisserie, le Grand magasin ou  « le bonheur des dames » décrit par Zola. Il y a un genre de la ville et un genre dans la ville. Paris est traversé par le rapport des sexes, que souvent les grands événements, politiques ou sociaux, rapprochent dans le sentiment du commun.

Quel auteur incarne selon vous le mieux Paris ?

Paris est un héros et un théâtre de romans. Eugène Sue raconte les Mystères de Paris, Zola décrit les fastes de la semaine du « Blanc », les drames de l’assommoir, les malheurs de Gervaise affrontée à l’alcoolisme et à la trahison des hommes. Mais le plus grand romancier de Paris est Victor Hugo. Notre-Dame de Paris et Les Misérables sont des monuments sur Paris. Hugo aimait Paris et s’est approprié cette ville, qui le lui a bien rendu. Son enterrement en 1885 donne lieu à un rassemblement populaire d’une ampleur incroyable. Hubertine Auclert, à la tête de son groupe suffragiste « Le suffrage des femmes », était de ce cortège. Parties de l’Arc de Triomphe à neuf heures du matin, les manifestantes n’arrivèrent au Père Lachaise qu’à six heures du soir tant la foule était dense. On n’a plus jamais vu un tel enterrement dans les rues de la capitale, familière de ces cérémonies funèbres.   

Quand vous comparez le Paris de votre enfance à celui d’aujourd’hui, quelles évolutions vous frappent le plus ?

Ce qui a beaucoup changé, c’est la couleur de Paris. Le Paris de mon enfance était noir. Un noir auquel on était habitué, si bien que quand on a commencé à nettoyer Paris, j’en ai été presque triste. Certes, Paris est objectivement plus beau maintenant. Mais j’ai perdu le mien,  un autre Paris, plus sombre, aux rues plus étroites, où les réclames rouges et criardes mettaient une fulgurance que la blanche électricité a effacée. Un autre univers sensoriel dont l’hygiénisme a dissipé les odeurs. L’autre grande évolution est sociale. Paris s’est embourgeoisée et les 2e et 6e arrondissements en sont de bons exemples : ces quartiers que j’ai connus populaires ne le sont plus. L’envolée des prix de l’immobilier témoigne de cette évolution, l’expliquent et la signifient.

Pourriez-vous évoquer pour nous un lieu parisien qui vous est particulièrement cher ?

J’en citerai plusieurs, qui composent pour moi un paysage sensible et mémoriel. La gare du Nord d’abord, si souvent empruntée, son escalier intérieur monumental, sa foule bigarrée, affairée, ses couples amoureux en quête d’angles protecteurs, l’entrée dans un autre univers, dans une journée en projet, le début d’une aventure sans cesse recommencée. La gare du Nord a rythmé ma vie de 1940 à 1945. Malheureusement, je ne la reconnais plus aujourd’hui ; je m’y perds : les grandes lignes ont refoulé les destinations banlieusardes. Aller à Enghien-les-Bains paraît mesquin, voire ridicule. De quels bains s’agit-il ? Dans la ville, les gares paraissent presque incongrues. Pourtant, c’est précieux de les garder au centre.

Il y a un genre de la ville et un genre dans la ville. Paris est traversé par le rapport des sexes. 

Michelle Perrot

La Fontaine Saint-Michel, lieu de premiers rendez-vous amoureux, me touche vivement, je ne puis la croiser sans frémir. Notre-Dame est proche ; Saint-Julien le Pauvre, poétique et exotique, m’attend, et les bouquinistes, si souvent fréquentés en quête de l’occasion, du livre recherché. C’est moins la beauté monumentale qui me retient que les souvenirs des rencontres, moins l’esthétique que l’existentiel, l’évènementiel. J’aime la familiarité des lieux souvent visités, leur usage, leur pratique quotidienne. 

Aller à la Bibliothèque nationale, l’ancienne, rue de Richelieu, fut un plaisir de mon existence d’étudiante et de chercheuse. Retrouver les livres réservés, recevoir les nouveaux volumes demandés que des appariteurs vous apportaient si vite, lire sous les lampes vertes de la salle Labrouste, retrouver les amis ou collègues dans les bistrots du coin (il y avait alors plus de cafés qu’aujourd’hui), converser à n’en plus finir, avoir la vie devant soi. Le bonheur en somme. La bibliothèque Mitterrand, pratique, fonctionnelle, imposante, ne saurait avoir pour moi le même charme et elle n’y est pour rien.

Le jardin du Luxembourg enfin, témoin de ma vie et des miens, mériterait plus que quelques lignes. De cet éminent et poétique voisin, je ne me suis jamais lassée et je le quitterai à regrets.

L’article « Mon Paris est celui du centre », une conversation avec Michelle Perrot est apparu en premier sur Le Grand Continent.

27.07.2024 à 00:27

JO de Paris 2024 : les plus belles images de la cérémonie d’ouverture

Matheo Malik

Clivante, époustouflante, historique. Malgré la pluie et le ciel gris, la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 a d'ores et déjà cassé les codes et les records du genre : elle fera date. Avant de l'étudier, voici les images iconiques qu'il ne fallait pas louper ce soir.

L’article JO de Paris 2024 : les plus belles images de la cérémonie d’ouverture est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (2803 mots)
© IMAGO/SIPA
© Ann Wang/REUTERS/Pool via Xinhua
© AP Photo/Christophe Ena
© Oscar J Barroso/AFP7/Shutterstock
© AP Photo/David J. Phillip
© Rob Schumacher/USA TODAY Sports/Sipa USA
© Olympic Broadcasting Services via AP
© Ludovic Marin/Pool Photo via AP
© SIPA

L’article JO de Paris 2024 : les plus belles images de la cérémonie d’ouverture est apparu en premier sur Le Grand Continent.

26.07.2024 à 17:30

Qu’est-ce que Dmytro Kuleba a obtenu de sa visite en Chine ?

Marin Saillofest

Le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, achève aujourd’hui, vendredi 26 juillet, une visite de trois jours en Chine. Bien que Pékin note que « les conditions et le moment [pour un cessez-le-feu] ne soient pas encore mûrs », la Chine semble néanmoins ouverte à jouer un rôle plus important en faveur de négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine dans sa quête de leadership mondial face aux États-Unis.

L’article Qu’est-ce que Dmytro Kuleba a obtenu de sa visite en Chine ? est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (841 mots)

Alors que le monde entier a les yeux rivés sur Paris et l’imminente ouverture des Jeux Olympiques, le ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, achève aujourd’hui, vendredi 26 juillet, une visite de trois jours en Chine. Il a notamment rencontré mercredi le ministre des Affaires étrangères Wang Yi.

  • Kiev a peu communiqué sur cette visite. Il s’agissait pourtant de la première fois en huit ans qu’un haut responsable ukrainien se rendait en Chine.
  • Pékin entretient des relations bien plus réduites avec l’Ukraine qu’avec la Russie. Les rencontres entre ministres et présidents russe et chinois sont nombreuses, et le sujet de la guerre en Ukraine est quasi-systématiquement évoqué.
  • L’Ukraine est par ailleurs méfiante vis-à-vis de l’engagement de Pékin dans le processus de négociations de paix avec la Russie.
  • Pékin avait refusé d’envoyer un représentant lors du Sommet sur la Paix en Ukraine qui s’est tenu en Suisse les 15-16 juin. Selon un diplomate chinois, Pékin aurait même fait circuler l’idée par ses canaux diplomatiques que « le sommet prolongerait la guerre »1.

À mesure que la perspective d’un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche devient de plus en plus crédible — ce qui pourrait se traduire par la fin de l’assistance militaire dès janvier 2025 —, Kiev semble plus ouvert à la reprise des négociations avec Moscou. Il y a quelques semaines, Volodymyr Zelensky déclarait pour la première fois que des représentants russes « devraient » participer au prochain Sommet sur la Paix, qui pourrait se tenir dès novembre prochain2.

La visite de Kuleba en Chine s’inscrit dans ce contexte d’avancée à tâtons vers une reprise des négociations avec la Russie, abandonnées en mai 2022.

  • Malgré le déblocage de l’assistance militaire américaine en avril dernier, l’Ukraine est en difficulté dans un grand nombre de secteurs de la ligne de front.
  • Dans l’oblast de Donetsk, en direction de Pokrovsk et Toretsk, le front ukrainien montre d’importants signes de fragilité.
  • La chute de l’une de ces villes serait susceptible d’ouvrir la voie à des attaques vers le nord de la région, notamment vers Kramatorsk.

Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères chinois est resté, à son habitude, assez élusif vis-à-vis de la substance des discussions : « Bien que les conditions et le moment ne soient pas encore mûrs, nous soutenons tous les efforts qui contribuent à la paix et sommes prêts à continuer à jouer un rôle constructif dans le cessez-le-feu, la fin des combats et la reprise des pourparlers de paix »3.

L’article Qu’est-ce que Dmytro Kuleba a obtenu de sa visite en Chine ? est apparu en premier sur Le Grand Continent.

26.07.2024 à 16:42

Crise politique : 14 livres sur le monde de la IVe République

Matheo Malik

Sommes-nous entrés dans une répétition de la IVe République ?

Quitte à faire des comparaisons, autant savoir de quoi l’on parle. Pour vos débats animés cet été — et parce que la politique ne prend jamais vraiment de vacances — nous avons préparé une liste de lectures historiques sur le grand contexte d’un mythe français.

L’article Crise politique : 14 livres sur le monde de la IVe République est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (4785 mots)

Chaque mois, vous êtes des centaines de milliers à venir dans ces pages pour essayer d’y voir plus clair, de prendre du recul dans le carambolage des événements, de s’orienter dans le vertige du contemporain. Si vous jugez notre travail utile et que vous en avez les moyens, nous vous demandons de penser à vous abonner au Grand Continent

Jenny Raflik, La République moderne. La IVe République (1946-1958), Seuil, Points, 2018

« Condamnée par la lecture gaulliste de l’histoire comme le « régime des partis », parfois devenue ensuite une sorte de modèle dont il fallait honorer la mémoire afin de mieux se démarquer de l’ombre du Général, la IVe République demeure la « mal aimée » des Français.

Fondée en partie sur l’ouverture progressive des archives et la multiplication des témoignages, cette étude se nourrit d’une approche à la fois compréhensive et connectée. Compréhensive car elle donne la parole aux acteurs. Connectée car elle met en relation des thématiques souvent séparées : dimensions internationale et nationale, réformes de structure et vie quotidienne, grands destins et vie des Français « ordinaires ».

Jenny Raflik propose ainsi une lecture profondément renouvelée de ces années où s’invente la modernité. »

Lire plus

Georgette Elgey, Histoire de la IVe République, Bouquins, 2 volumes, 2018 (édition originale : 1965-1997)

« Cette somme d’une ampleur sans équivalent pour la connaissance d’une période clef de notre histoire nationale est le fruit d’une enquête de près d’un demi-siècle. Georgette Elgey a eu accès à des documents d’archives exceptionnels, qu’elle n’a cessé d’explorer, et bénéficié des témoignages des principaux acteurs politiques. Son ouvrage mêle superbement analyse et récit, entraînant le lecteur dans les coulisses du pouvoir, au plus près des événements et des hommes qui les ont initiés et parfois subis.

Le premier volume couvre la période allant de la Libération et du premier gouvernement de Gaulle à ceux de Pierre Mendès France puis de Guy Mollet. Époque invraisemblable où les drames, les intrigues se succèdent. Des scandales politico-policiers éclaboussent les dignitaires du régime : l’affaire des vins met en cause un chef d’État, l’affaire des généraux incrimine le chef d’État-major général des armées. La France vit à l’heure de la fracture du monde en deux blocs. C’est le temps du rideau de fer entre Moscou et Washington, de la guerre froide qui menace de dégénérer en troisième conflit mondial. Le pays connaît en 1947 et 1948 des grèves d’une violence aujourd’hui inimaginable. Malgré les crises mondiales et l’instabilité ministérielle, la IVe République accomplit cependant une œuvre considérable. La France se modernise, elle jette les bases de la construction européenne, une initiative française. Mais le régime doit affronter le problème de la décolonisation en Indochine et en Afrique du Nord, qui précipitera sa chute. »

Lire plus

Herrick Chapman, France’s Long Reconstruction : In Search of the Modern Republic, Harvard University Press, 2018

« À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le plus grand défi de la France était de réparer une société civile déchirée par l’occupation nazie et la guerre totale. Le redressement passe par une transformation économique et sociale complète de la nation. Mais la forme que devait prendre cette « nouvelle France » est restée la question brûlante au cœur du combat politique français jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie, plus d’une décennie plus tard. Herrick Chapman retrace le cours de la longue reconstruction de la France de 1944 à 1962, offrant un nouvel éclairage sur la manière dont l’expansion du pouvoir de l’État, censée être le fer de lance du redressement, a engendré de vives controverses à l’intérieur du pays et des conséquences inattendues à l’étranger et dans l’empire français en ruine.

Soutenu après la Libération par une nouvelle élite d’experts technocrates, l’État français en plein essor s’est infiltré dans des domaines de la vie économique et sociale traditionnellement exempts d’intervention gouvernementale. Les hommes politiques et les intellectuels se sont efforcés de concilier la modernisation dirigée par l’État avec la nécessité de renouveler la participation démocratique et de renforcer la société civile après des années passées sous le joug des nazis et de Vichy. Mais plutôt que de résoudre les tensions, le conflit entre les technocrates du sommet et les démocrates de la base s’est institutionnalisé comme une manière de formuler les problèmes auxquels était confrontée la Ve République de Charles de Gaulle. »

Lire plus

Serge Berstein et Pierre Milza (dir.), L’année 1947, Presses de Sciences-Po, 1999

« L’année 1947 représente, dans l’histoire française, un moment privilégié permettant d’observer l’intersection de deux mouvements évolutifs.

Les blocages économiques, la rupture des alliances de guerre, les craquements dans l’empire colonial annoncent la fin d’un monde, celui de la Troisième République ; tandis que les nationalisations, la planification indicative, le primat des ingénieurs annoncent apparemment un renouveau et une modernisation de la France.

Mais ceux-ci se situent dans le contexte de la guerre froide qui aiguise la volonté de la France de maintenir une identité nationale menacée par un affrontement qui la dépasse. »

Lire plus

Romain Souillac, Le mouvement Poujade. De la défense professionnelle au populisme nationaliste (1953-1962), Presses de Sciences Po, 2007

« L’Union de défense des commerçants et artisans (UDCA) naît dans le département du Lot en 1953 avant d’étendre son organisation à l’ensemble de la France. D’abord antifiscale, l’action du mouvement Poujade évolue rapidement, pour revêtir un caractère politique à partir du mois de mars 1955, quand sont créées des unions parallèles visant à rassembler toutes les catégories sociales, dans la perspective d’une transformation institutionnelle majeure. Cinquante-deux députés poujadistes entrent au Palais-Bourbon lors des élections législatives du 2 janvier 1956.

L’histoire du poujadisme – de sa naissance en 1953 à sa transformation sous la Cinquième République en un groupuscule luttant par des voies légales en faveur de l’Algérie française, jusqu’à sa complète marginalisation au temps de l’OAS – est l’occasion de mettre à jour certains mécanismes du fonctionnement de l’appareil d’État de 1953 à 1962. Elle permet de donner des éclairages nouveaux sur la crise politique qui met fin à la Quatrième République, sur la guerre d’Algérie et sur l’antigaullisme de droite au début de la Cinquième République. »

Lire plus

Yves Benot, Massacres coloniaux (1944-1950). La IVe République et la mise au pas des colonies françaises, La Découverte, 1994

« Aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, de Sétif (mai-juin 1945) à Madagascar (1947), d’Haiphong (1946) à la Côte-d’Ivoire (1949-1950) et à Casablanca (1947), l’armée française a massacré des dizaines de milliers d’hommes et de femmes dont le seul tort était de revendiquer pour plus de libertés ou pour l’indépendance. Ce sont ces pages sanglantes de l’histoire de France, méconnues, voire effacées, qu’Yves Benot retrace dans ce livre.

Mobilisant l’ensemble des documents disponibles, il montre comment et pourquoi les gouvernements de la IVe République, bien peu soucieux du respect de la légalité républicaine, ont choisi la voie de la répression sauvage pour préserver la cohésion de l’Empire français. Il analyse aussi les débats auxquels cette politique a donné lieu en France marqués par l’opposition de certains intellectuels comme Jean-Paul Sartre ou Paul Ricoeur. »

Lire plus

Éric Roussel, Pierre Mendès-France, Gallimard, 2007

« Pierre Mendès France (1907-1982) est, avec le général de Gaulle, le seul grand acteur de la vie publique qui, dans la seconde moitié du XXe siècle, a suscité un mythe. Sa trace dans l’Histoire ne se limite pas à son bref passage au pouvoir de juin 1954 à février 1955, sept mois et dix-sept jours marqués par le règlement de la guerre d’Indochine et le début du processus d’indépendance de la Tunisie. Le rayonnement et l’influence de cet homme de gauche réaliste se sont exercés bien au-delà de sa famille politique d’origine. Pour plusieurs générations de hauts fonctionnaires, de cadres dirigeants, d’intellectuels et de citoyens anonymes, Mendès France a été une référence morale. Si de Gaulle avait une certaine idée de la France, lui incarnait une certaine idée de la République, avec pour principes le souci du bien commun, le respect de l’adversaire, la volonté de dire toujours la vérité.

S’écartant d’une légende simplificatrice, Éric Roussel est parti à la recherche de cet homme courageux, complexe, attachant, quelquefois paradoxal. De ses débuts de jeune élu radical en Normandie à ses relations passionnelles avec de Gaulle et compliquées avec François Mitterrand, maints épisodes que l’on croyait connus apparaissent sous un jour nouveau, tandis que se révèle un être sensible, très marqué par le procès inique que lui intenta le régime de Vichy, et plus d’une fois en proie au doute. Fondé sur une vaste enquête dans les archives françaises et étrangères, les témoignages de proches de Mendès France et ses écrits inédits les plus intimes, ce livre éclaire un destin d’exception profondément ancré dans la mémoire nationale. »

Lire plus

Céline Pessis, Sezin Topçu et Christophe Bonneuil (dir.), Une autre histoire des « Trente Glorieuses ». Modernisation, contestations et pollutions dans la France d’après-guerre, La Découverte, 2013

« Comme était doux le temps des « Trente Glorieuses » ! La démocratisation de la voiture et de la viande ! L’électroménager libérant la femme ! La mécanisation agricole éradiquant la famine ! La Troisième Guerre mondiale évitée et la grandeur nationale restaurée grâce à la dissuasion nucléaire ! Etc. Telle est aujourd’hui la vision dominante de cette période d' » expansion « , objet d’une profonde nostalgie passéiste… au risque de l’aveuglement sur les racines de la crise contemporaine.

À rebours d’une histoire consensuelle de la modernisation, cet ouvrage dévoile l’autre face, noire, du rouleau compresseur de la « modernité » et du « progrès », qui tout à la fois créa et rendit invisibles ses victimes : les irradié.e.s des essais nucléaires en Algérie et en Polynésie, les ouvrier.ère.s de l’amiante ou des mines d’uranium contaminé.e.s, les rivières irrémédiablement polluées, les cerveaux colonisés par les mots d’ordre de la « croissance » et de la publicité…

Les conséquences sociales et environnementales des prétendues « Trente Glorieuses », de leur mythologie savamment construite par les « modernisateurs » eux-mêmes, de leurs choix technico-économiques et de leurs modes de vie, se révèlent aujourd’hui très lourdes. Il nous faut donc réévaluer la période et faire resurgir la voix des vaincu.e.s et des critiques du « progrès » (de l’atome, des pollutions, du productivisme et du consumérisme) antérieures à 1968. L’enjeu est non seulement de démonter les stratégies qui permirent alors de les contourner, mais aussi de les réinscrire dans les combats politiques et écologiques contemporains. »

Lire plus

Éric Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, CNRS Éditions, 2007

« 1945. Jacques Baumel, René Capitant, Eugène Claudius-Petit, Michel Debré, Léo Ramon, André Malraux, René Pleven, Jacques Soustelle, Robert Verdier, puis François Mitterrand… L’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance est le seul parti politique à être exclusivement issu de la Résistance. 

L’Union répond au projet politique de créer une vaste formation travailliste. Présidée dans un premier temps par René Pleven, puis par François Mitterrand, elle joue le rôle de parti charnière de la Quatrième République en monnayant cher ses quelques voix. 1981. Au moment où François Mitterrand accède à la magistrature suprême, Claudius-Petit souligne ironiquement que l’UDSR est enfin arrivée au pouvoir… Ses fidèles parmi les fidèles jouent encore dans l’appareil d’État ou dans ses marges un rôle non négligeable. »

Lire plus

Michel Winock, L’agonie de la IVe République, Gallimard, 2008

« La tragédie algérienne a été la malédiction de la IVe République. C’est à Alger, le 13 mai 1958, que s’enclenche l’engrenage qui finira par emporter ce régime issu d’une guerre et défait par une autre. Son agonie n’aura duré que trois semaines.

Ce livre met au jour les protagonistes, les paroles, les arrière-pensées, les enjeux, les intrigues, les flottements, les audaces et les lâchetés qui rythment l’embrasement de ces quelques semaines haletantes. Il retrace la chaîne des événements et des affrontements, qui s’étend de l’insurrection d’Alger au retour du général de Gaulle au pouvoir. Il sonde, ce faisant, la profondeur des dissensions qui déchirent les Français jusqu’à menacer le tissu national.

Michel Winock s’interroge sur l’incurable vulnérabilité d’une République, créatrice pourtant, en maints domaines, d’un véritable « miracle français ». Ce n’est pas seulement à l’épreuve du conflit algérien que se meurt la IVe, c’est aussi en raison des tares intrinsèques d’un système politique réduit à l’impuissance et, par là même, discrédité.

Les faiblesses de ce régime, honni par l’élite militaire, entraînent l’intervention de l’armée dans la vie politique, pour la première fois depuis plus d’un siècle : c’est sous la menace des armes que se décidera l’issue de la crise, par le recours, une fois encore, à un homme providentiel. »

Lire plus 

Jenny Raflik-Grenouilleau, La Quatrième République et l’Alliance atlantique Influence et dépendance, 1945-1958, PUR, 2013

« En raison de son engagement dans l’Alliance atlantique, la Quatrième République a souvent été présentée comme un régime faible, contrastant en cela avec la France du général de Gaulle.

Cet ouvrage propose une approche plus « compréhensive » en regardant de façon précise les processus de décision alors que la politique atlantique française est menée par des experts et des hauts fonctionnaires.

Leur quête d’influence, dans un contexte où tout semble conduire la France à la dépendance, ne fut peut-être pas l’échec que l’on imagine trop souvent. »

Lire plus

Philip Nord, France’s New Deal : From the Thirties to the Postwar Era, Princeton University Press, 2012

« France’s New Deal pose un regard approfondi sur la refonte de l’État français après la Seconde Guerre mondiale, une époque où la nation a été dotée de toutes nouvelles institutions pour gérer son économie et sa culture.

Pourtant, comme le révèle Philip Nord, l’important processus de reconstruction de l’État n’a pas commencé à la Libération. Il a plutôt commencé durant les dernières années de la Troisième République et sous le régime de Vichy. En suivant l’évolution de la nation depuis les années 1930 jusqu’à l’après-guerre, Philip Nord décrit la façon dont une variété d’acteurs politiques — socialistes, démocrates-chrétiens, technocrates et gaullistes — ont joué un rôle dans la construction de la France moderne. »

Lire plus

Michael Creswell, A Question of Balance : How France and the United States Created Cold War Europe, Harvard University Press, 2006

« Remettant en cause les interprétations habituelles de la domination américaine et de la faiblesse française dans l’Europe occidentale d’après-guerre, Michael Creswell affirme que la France a joué un rôle clé dans l’élaboration de la guerre froide. Au cours de la décennie d’après-guerre, l’objectif principal du gouvernement américain était de réarmer la République fédérale d’Allemagne dans le cadre d’une force de défense européenne, la Communauté européenne de défense. Les responsables américains et français divergent cependant sur la composition de la CED et sur les règles régissant son organisation et son utilisation.

Bien que les pressions américaines aient joué un rôle, des facteurs plus décisifs — à la fois dans la politique intérieure française et dans les préoccupations internationales de la France — ont finalement conduit la France à approuver le plan de réarmement de l’Allemagne de l’Ouest. Michael Creswell décrit le défi que la France a lancé avec succès aux États-Unis, en retraçant le débat sincère, parfois houleux, entre les deux nations, qui a finalement abouti à des accords de sécurité préférés par les Français, mais acceptables pour les Américains. »

Lire plus

Aaron Clift, Anticommunism in French Society and Politics, 1945-1953, Oxford University Press, 2023

« Anticommunism in French Society and Politics évalue la prévalence de l’anticommunisme au sein de la population française entre 1945 et 1953, et examine ses causes, son caractère et ses conséquences à travers une série d’études de cas portant sur différents segments de la société française. Ces études portent notamment sur le mouvement scout, les organisations familiales, les associations agricoles, les groupes de la classe moyenne, les syndicats et autres organisations de la classe ouvrière. Aaron Clift soutient que l’anticommunisme était plus répandu et plus profondément enraciné qu’on ne le pensait, et qu’il a eu un impact substantiel sur la politique nationale et sur ces groupes et organisations sociales. En outre, il affirme que l’étude de l’anticommunisme nous permet de mieux comprendre les valeurs qu’ils considéraient comme les plus importantes à défendre.

Bien que l’anticommunisme ait été un phénomène diversifié, cet ouvrage identifie des discours communs, notamment la représentation du communisme comme une menace pour la nation, l’empire colonial, la famille traditionnelle, la propriété privée, la religion, le monde rural et la civilisation occidentale. Il met également en évidence les objectifs (tels que la réhabilitation des collaborateurs de guerre) et les tactiques (telles que l’invocation de l’apolitisme) communs. Tout en reconnaissant l’importance de la guerre froide, il rejette l’hypothèse selon laquelle l’anticommunisme serait une importation américaine ou serait étranger à la société française. Il conclut que l’anticommunisme a tiré sa force du lien, voire de l’amalgame, entre le communisme et l’antiaméricanisme. »

Lire plus

L’article Crise politique : 14 livres sur le monde de la IVe République est apparu en premier sur Le Grand Continent.

26.07.2024 à 14:11

JO 2024 : de Paris à Paris, les affiches des Jeux Olympiques dans le temps

Matheo Malik

De 1900 à 2024, les affiches des Jeux olympiques véhiculent un imaginaire. Au fil des années, les images s’épurent et le graphisme devient un message. Mais la question est toujours la même : comment imprimer sa marque et faire événement dans un siècle saturé d’images ? Une rétrospective.

L’article JO 2024 : de Paris à Paris, les affiches des Jeux Olympiques dans le temps est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Texte intégral (2860 mots)

2024

Jeux Olympiques de Paris

2020

Jeux Olympiques de Tokyo

2016

Jeux Olympiques de Rio

2012

Jeux Olympiques de Londres

2008

Jeux Olympiques de Pékin

2004

Jeux Olympiques d’Athènes

2000

Jeux Olympiques de Sydney

1996

Jeux Olympiques d’Atlanta

1992

Jeux Olympiques de Barcelone

1988

Jeux Olympiques de Séoul

1984

Jeux Olympiques de Los Angeles

1980

Jeux Olympiques de Moscou

1976

Jeux Olympiques de Montréal

1972

Jeux Olympiques de Munich

1968

Jeux Olympiques de Mexico

1964

Jeux Olympiques de Tokyo

1960

Jeux Olympiques de Rome

1956

Jeux Olympiques de Melbourne

1952

Jeux Olympiques de Helsinki

1948

Jeux Olympiques de Londres

1936

Jeux Olympiques de Berlin

1932

Jeux Olympiques de Los Angeles

1928

Jeux Olympiques d’Amsterdam

1924

Jeux Olympiques de Paris

1920

Jeux Olympiques d’Anvers

1912

Jeux Olympiques de Stockholm

1908

Jeux Olympiques de Londres

1904

Jeux Olympiques de Saint Louis

1900

Jeux Olympiques de Paris

L’article JO 2024 : de Paris à Paris, les affiches des Jeux Olympiques dans le temps est apparu en premier sur Le Grand Continent.

26.07.2024 à 11:25

JO de Paris 2024 : Cartographie des sabotages du réseau SNCF avant la cérémonie d’ouverture

Marin Saillofest

Trois actes de « malveillance » survenus dans la nuit du 25 au 26 juillet ont partiellement paralysé le réseau ferroviaire français, à moins de 24 heures de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024. Ces attaques a priori coordonnées devraient perturber les les trajets mais également l’acheminement des athlètes au moins jusqu’à la fin du week-end.

L’article JO de Paris 2024 : Cartographie des sabotages du réseau SNCF avant la cérémonie d’ouverture est apparu en premier sur Le Grand Continent.

Lire + (380 mots)

Dans la nuit du 25 au 26 juillet, autour de 4 heures du matin, à moins de 24 heures du lancement de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024, le réseau ferroviaire français a été victime de trois actes de sabotage concomitantes sur trois tronçons. Un quatrième acte a quant à lui finalement été déjoué.

  • Les trois « actes de malveillance » concernent les lignes à grande vitesse (LGV) Atlantique, Nord et Est.
  • Une quatrième tentative « d’incendie criminel » a été déjouée sur la LGV sud-est, qui relie Paris à l’agglomération lyonnaise.

Le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou estime qu’environ 800 000 voyageurs devraient être touchés par des perturbations. Dans la matinée du vendredi 26 juillet, le ministre démissionnaire des Transports, déclarait que les TGV circulant sur ces trois lignes à grande vitesse emprunteront les lignes « classiques », ce qui devrait occasionner des retards ainsi que l’annulation d’environ un train sur deux1.

  • À cette heure, aucun élément ne permet d’effectuer un lien direct entre ces incendies criminels et la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques.
  • Ces derniers risqueront cependant de perturber l’acheminement des athlètes et des délégations vers les sites des épreuves.

Le dispositif de sécurité déployé pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 constitue la plus grande opération de sécurité en temps de paix de l’histoire française. Au total, 58 000 policiers, militaires et personnels de sécurité seront déployés.

L’article JO de Paris 2024 : Cartographie des sabotages du réseau SNCF avant la cérémonie d’ouverture est apparu en premier sur Le Grand Continent.

6 / 10
  GÉNÉRALISTES
Ballast
Fakir
Interstices
Lava
La revue des médias
Le Grand Continent
Le Monde Diplomatique
Le Nouvel Obs
Lundi Matin
Multitudes
Politis
Regards
Smolny
Socialter
The Conversation
UPMagazine
Usbek & Rica
Le Zéphyr
  CULTURE / IDÉES 1/2
Accattone
Contretemps
A Contretemps
Alter-éditions
CQFD
Comptoir (Le)
Déferlante (La)
Esprit
Frustration
 
  IDÉES 2/2
L'Intimiste
Jef Klak
Lignes de Crêtes
NonFiction
Nouveaux Cahiers du Socialisme
Période
Philo Mag
Terrestres
Vie des Idées
 
  THINK-TANKS
Fondation Copernic
Institut La Boétie
Institut Rousseau
 
  TECH
Goodtech.info
Quadrature du Net
  INTERNATIONAL
Alencontre
Alterinfos
CETRI
ESSF
Inprecor
Journal des Alternatives
Guitinews
 
  MULTILINGUES
Kedistan
Quatrième Internationale
Viewpoint Magazine
+972 mag
 
  PODCASTS
Arrêt sur Images
Le Diplo
LSD
Thinkerview
 
  Pas des sites de confiance
Brut
Contre-Attaque
Korii
Positivr
Regain
Slate
Ulyces
🌓