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10.08.2024 à 13:58

“Regards experts” : discussion avec des personnes usager.ères de drogue

admin

Travaillant auprès des usager.ères de drogues, Kawalight, a réalisé un entretien avec deux de ces personnes, à propos des difficultés qu’elle et il rencontrent. Par Kawalight Je travaille en CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement pour la réduction des risques avec les usager.ères de drogues). Je suis responsable du service de médiation. En gros, je travaille avec des toxico SDF et je vais me faire engueuler par les riverain.es et les.. Read More

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Texte intégral (2699 mots)

Travaillant auprès des usager.ères de drogues, Kawalight, a réalisé un entretien avec deux de ces personnes, à propos des difficultés qu’elle et il rencontrent.

Par Kawalight

Je travaille en CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement pour la réduction des risques avec les usager.ères de drogues). Je suis responsable du service de médiation. En gros, je travaille avec des toxico SDF et je vais me faire engueuler par les riverain.es et les commerçants.es des rues jonchées de seringues et d’excréments.

Le projet « Regards Experts » du CAARUD Lou Passagin est né de plusieurs constats au sein même des rues du centre-ville de Nice et notamment des rues Dr Balestre et Tiranty présentées comme des lieux de consommation à ciel ouvert. S’il est indiscutable que ces rues sont occupées par un public usager de substances psychoactives, il y a un énorme décalage entre le traitement médiatique et la réalité. Cela renforce la stigmatisation des consommateur.ices et la vision des usager.ères elleux mêmes qui, manifestement, vivent un quotidien différent.

S’il n’est pas question de prendre parti, ni même d’incriminer qui que ce soit (quoique…), notre positionnement « d’aller vers » dans une démarche de médiation sociale. Il nous pousse à donner la parole aux usager.ères en les considérant comme expert.es du milieu dans lequel iels vivent. A montrer leur quotidien depuis leurs regards et non via un prisme médiatique ne sachant pas se départir du débat politique là où les questions essentielles devraient se fixer sur la santé publique.

Dans le cadre du projet, Martial (usager du CAARUD) nous accompagne régulièrement en maraude pour nous aider à ramasser le matériel usagé dans les squats, les parkings, les rues, les jardins…

L’entretien se déroule en plein centre-ville dans la rue Tiranty, au cœur du problème donc. Nous avions rendez-vous au CAARUD, mais Martial n’est jamais arrivé car le besoin de consommer a été plus fort. Mais je connais Martial depuis bientôt douze ans. Alors je suis parti à sa recherche. Et je l’ai trouvé entouré de deux autres usager.ères, tous les trois assis autour d’une boîte de Ritaline et de quelques aiguilles. Deux ou trois shoots plus tard, nous nous installons sur le trottoir à peine à l’écart. Je tends à Martial une photo qu’il a pris lors d’une maraude.

Personnes en train de s’injecter de la drogue, Nice, juin 2024. Crédit DR

KW : Alors en gros, qu’est-ce qu’on voit sur l’image ?

Martial : On voit deux personnes en train de se faire leur shoot malgré tout le mal que se donnent les CAARUD pour qu’on ait une salle de shoot, et ben on a que des endroits comme ça. C’est-à-dire des parkings comme ici sur la photo ou des lieux publics, ce qui est clairement un problème de santé publique parce que des fois il y’a des seringues qui trainent, des travailleurs des parking se piquent avec certaines seringues de consommateurs et ça pose problème. Il serait temps que les politiques se réveillent un p’tit peu et qu’ils ouvrent justement un endroit pour nous, pour qu’on puisse shooter dans un endroit propre, sans risque, en étant accompagné par une équipe de la salle de shoot avec tout un travail fait derrière. Je pense que les salles de shoot sont importantes pour tous.

KW : Pour revenir sur la photo, tu peux nous expliquer pourquoi on se retrouve avec ce genre de situation ?

M : Ben parce qu’on n’a pas d’endroit où aller pour shooter. C’est malheureux, mais on n’a pas d’autres choix que d’aller dans la rue Tiranty ou Balestre ou encore le parking du Louvre.

Manou, une amie de Martial, se joint à nous et prend part à la discussion.

MN : Et encore heureusement qu’il y a des associations qui sont là pour nous donner du matos.

KW : Tu veux dire qu’il y a un problème d’accès au matériel ?

MN : Oui, il n’y en pas assez. Les machines elles sont cassées ou carrément il n’y en a pas. Il y en a une à Pasteur et elle est toujours cassée. J’y suis passé ce week-end encore et elle ne marchait pas.

KW : Alors, j’y passe souvent car c’est nous qui nous occupons de l’entretien. Elle n’est pas cassée, mais j’y suis passé ce matin et les deux côtés était effectivement coincés à cause d’un bourrage de pièces. Là, elle marche, mais ça arrive souvent c’est clair. Elle marche jusqu’à ce qu’elle se recoince et ainsi de suite. Quand ce ne sont pas les riverain.es qui les détériorent volontairement.

Sur la question des automates (distributeurs de kits d’injection stérile à moindre risques et récupérateur de seringues usagées), la politique prend clairement le dessus sur la santé à Nice. Lorsque j’ai commencé au CAARUD il y a onze ans, il y avait un automate dans le centre-ville. Celui-ci a fini par être déplacé sous la pression du comité de quartier. Il est resté plusieurs années sur un nouvel emplacement où il distribuait et récupérait trois fois moins de matériel sur l’année. Pour cause de travaux, il a fallu déplacer de nouveau la machine. Elle a été dans un premier temps déplacé sur le trottoir d’en face, mais la propriétaire du garage juste à côté a fait travailler la mafia légale niçoise et il a été purement et simplement enlevé sans que nous sachions où il se trouvait pendant plusieurs mois. Ce dernier a finalement été installé sur un nouvel emplacement, toujours un peu plus loin du centre-ville. Dès que le distributeur a touché le sol, la mairie et nous même avons reçu de nombreuses doléances de la part des riverain.es qui nous verbalisaient leurs craintes de voir ce type d’appareil dans leur rue. Certain.es sont même allé jusqu’à menacer de l’arracher en inventant des problèmes de nuisances sonores inexistantes ou encore du matériel souillé qui joncherait tous les trottoirs et les jardins. Ces doléances nous ont extrêmement mobilisées puisque nous avons évidemment pris le problème au sérieux et ainsi effectué de nombreuses maraudes dans tout le quartier. Maraudes qui ont toutes confirmées que les déclarations des riverain.es étaient erronées. Nous nous sommes également rapproché des services espace verts de la ville qui ont un local dans la rue en question. Ils nous ont affirmé trouver moins de matériel qu’avant et nous ont même dit que la présence du distributeur était pratique pour les agent.es car ce dernier permet également de récupérer le matériel usé et leur permet donc à elleux de jeter le matériel qu’iels trouvent sur leurs différents secteurs d’intervention. Quant aux plaignant.es du quartier, forcé.es de constater que l’automate n’a absolument rien changé à leur quotidien, nous n’entendons plus parler d’elleux à ce jour.

MN : Et il y a un problème avec les pharmacies aussi qui ne veulent plus du tout nous donner de seringues.

KW : C’est vrai qu’il y a moins de pharmacies partenaires, mais je peux te dire où aller et trouver des kits gratuits. Ceci-dit, il y a un réel problème car les pharmacies sont seules et ce n’est pas toujours évident pour elles de tenir quand elles subissent des agressions face auxquelles elles sont démunies.

Dans le cadre du Programme d’échange de seringues en pharmacie (PESP), les officines ont une responsabilité sanitaire en proposant des kits d’injection (payants ou gratuits) et en récupérant le matériel usagé avec des containers prévus à cet effet. Face au manque de suivi social et sanitaire du public usager de drogue, les pharmacien.nes se retrouvent régulièrement confrontés à l’inadaptation d’un public en manque et/ou à des ordonnances pour le moins suspectes, voire à des violences et des vols.

M : Après quand tu vois des mecs comme Alex (un usager du CAARUD qui vient de passer nous voir en criant fort et en gesticulant dans tous les sens) rentrer dans une pharmacie et les agresser parce qu’ils ne lui donnent pas ce qu’il veut, tu comprends que les gars ils veulent plus quoi.

KW : Ça veut dire qu’il y a un problème de la part de certains usagers aussi ?

M : Ah ben c’est clair qu’on a notre part de responsabilité et de faute aussi.

KW : Et pourquoi il y a ce problème selon vous ?

MN : Parce qu’on n’arrive pas à gérer notre dépendance et on n’est pas assez entouré pour ça. Par exemple, moi je ne savais pas qu’il ne fallait pas reshooter avec la même seringue parce qu’on s’infecte et qu’on fait des poussières ou des abcès.

M : Et ce serait bien qu’on ait une machine pour voir nos veines par exemple.

KW : Oui, alors du coup tu parlais d’une salle de conso ou salle de shoot tout à l’heure, tu peux nous en dire plus ?

M : Ben par exemple la salle de shoot à Paris, ça se passe très bien.

KW : Tu peux nous dire en quoi ça consiste ?

M : Alors t’arrives, tu donnes ton blase, mais tu dis ce que tu veux, c’est comme au CAARUD, c’est anonyme. Tu leur dis ce que tu shootes, tu leur montres et t’as comme des petits box avec une chaise et une table. Il y a un rideau tiré et tu prépare ton truc et tu shootes tranquille. Et pour ceux qui ont du mal à faire leur shoot comme moi, tu avertis l’équipe médicale et tu peux te faire assister par un collègue en annonçant qui et où il va te shooter. En gros, tout se passe de manière supervisée et donc beaucoup plus sécure. T’as aussi un étage pour te reposer et rester sous surveillance sanitaire avec quelque chose à manger et à boire.

KW : Comme après un vaccin finalement ?

M : Rires… Oui voilà, c’est ça.

MN : Tu vois moi, la dernière fois je n’ai pas shooté pendant huit semaines parce que j’étais en cure et en sortant, j’ai shooté direct et j’ai eu les jambes qui tremble, tout le corps qui tremble. On m’a dit que c’était une OD, c’est vrai ?

KW : T’as shooté quoi ?

MN : De la coke, un demi de coke. La même dose que d’habitude, mais là je sortais de cure. Mon mari et ma fille me soutenaient, mais j’ai cru que j’allais mourir.

KW : Alors oui, c’est ça le problème, c’est que sans accompagnement post-cure, tu replonges souvent et si tu reprends les mêmes doses, c’est potentiellement dangereux et tu peux facilement faire une OD.

MN : Et en plus je ne sais pas faire, alors je fais ça n’importe comment.

KW : Alors justement, tu sais Martial si dans les salles de conso, tu peux avoir accès à un accompagnement de la part des professionnels ?

M : Oui, c’est un peu comme AERLI (programme expérimental d’Accompagnement éducatif à la réduction des risques liés à l’injection). Ils te conseillent, te montrent comment ne pas t’abîmer les veines, comment filtrer ton produit…

KW : Du coup, je pensais te demander quelles sont les optiques selon toi pour que ce genre de situation qu’on voit sur la photo ne se produisent plus ?

M : Il faut des salles de shoot dans toutes les villes.

KW : Oui, je crois que tu avais déjà un peu répondu. Rires… Une autre idée peut-être ?

MN : Un camion qui intervient dans le centre-ville.

Alors voilà, finalement on parle de présence, d’accompagnement, d’aide, de soutien, de compréhension, d’écoute, d’intérêt sanitaire. Tous ces mots barbares d’éduc’ spé que l’on comprend pourtant très bien quand il s’agit d’une personne handicapée. Comme le dit Martial en début d’entretien et comme il le dit bien souvent sans gêne aux flics qui les déplacent de rue en rue, il serait peut-être temps que les politiques se réveillent.

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07.08.2024 à 10:39

Israël, dystopie de l’extrême-droite : un reportage photo à Jérusalem-Est

admin

Pour l’extrême-droite française, Israël est devenu une obsession. Son gouvernement intégrant des ministres colons ultra-orthodoxes représente un allié de choix dans la lutte contre la gauche propalestinienne – mais aussi un idéal de haine et de racisme ouvertement déployé. Reportage à Jérusalem pendant le dernier ramadan, en pleine dystopie ségragationniste. L’actuelle forme de l’Etat hébreu lui-même (ethno-nationaliste, capitaliste, autoritaire, colonial) pourrait donner des idées aux idéologues français : des discriminations légales,.. Read More

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Texte intégral (1522 mots)

Pour l’extrême-droite française, Israël est devenu une obsession. Son gouvernement intégrant des ministres colons ultra-orthodoxes représente un allié de choix dans la lutte contre la gauche propalestinienne – mais aussi un idéal de haine et de racisme ouvertement déployé. Reportage à Jérusalem pendant le dernier ramadan, en pleine dystopie ségragationniste.

L’actuelle forme de l’Etat hébreu lui-même (ethno-nationaliste, capitaliste, autoritaire, colonial) pourrait donner des idées aux idéologues français : des discriminations légales, des checkpoints, et toute un appareil sécuritaire visant uniquement à réprimer les Arabes, quelle bonne idée.

Une visite à Jérusalem, pendant le dernier Ramadan, illustre cette dystopie. Alors que des centaines de milliers de Palestiniens musulmans voulaient prier à la Mosquée al-Aqsa pendant le Mois Saint, les Palestiniens de la Cisjordanie avec leur « green card » ne pouvaient se rendre dans leur propre capitale que s’ils avaient deux ou trois permis accordés par les autorités d’occupation, entre 15 et 55 ans, et un casier judiciaire vierge : au total, 98% des Palestiniens de Cisjordanie ont été empêchés d’entrer. Imaginez cela en France : quasiment tous les provinciaux interdits d’entrée sur Paname.

Les citoyens Palestiniens de Jérusalem-Est, dotés d’un « Blue card », eux, ont pu se rendre à leur lieu saint – à condition de traverser des dizaines de checkpoints et de subir des fouilles au corps, le tout sous une intense surveillance policière.

Une stratification des discriminations raciales et religieuses

« On peut affirmer qu’Israël est un régime colonial avec des pratiques d’apartheid », affirme ainsi Suhad Bishara, directrice légale de l’organisation palestinienne des droits de l’homme Adalah.

La complexité des discriminations et des régimes légaux en Israël est faramineuse. « Alors que les citoyens israéliens sont régis par les mêmes lois, on observe des pratiques très différentes selon la religion, la race, l’origine nationale et la classe sociale. Par exemple, il y a de grandes inégalités de logement entre juifs israéliens ashkénazes, séfarades et éthiopiens… puis avec les Palestiniens d’Israël, qui sont des citoyens de seconde zone », explique-t-elle.

Les Palestiniens de Jérusalem-Est ont encore un statut différent, lui-même meilleur que celui des Palestiniens de Cisjordanie. « Le pire, c’est pour les Gazaouis, qui n’ont le droit de se rendre si en Israël, ni à Jérusalem, ni en Cisjordanie sans permis », affirme Bishara. Or, depuis le 7 octobre, la plupart des permis sont annulés par Israël – les habitants de Gaza et de Cisjordanie sont effectivement piégés chez eux. « Et ils n’ont plus accès à leur capitale », ajoute-t-elle.

Photos prises intégralement le 15 mars 2024, lors du premier vendredi du ramadan, alors que des milliers de musulmans palestiniens se rendaient à la mosquée al-Aqsa pour effectuer la prière la plus importante de la semaine, sous restrictions de l’occupation israélienne.

Des fidèles musulmans de tous les pays se pressent devant l’esplanade des mosquées pour effectuer la première prière du vendredi du ramadan, sous l’œil des forces d’occupation israéliennes ⬇

Illustration 1

Après la prière, les croyants quittent la mosquée al-Aqsa et passant par des checkpoints israéliens ⬇

Illustration 2

Des femmes Palestiniennes de Cisjordanie tentent de franchir le redoutable checkpoint Qalandyia, qui divise Ramallah et Jérusalem-Est ⬇

Illustration 3

Des Palestiniens musulmans franchissent des checkpoints des forces d’occupation israéliennes, dans la vieille ville de Jérusalem, en se rendant à la mosquée al-Aqsa ⬇

Illustration 4

Scènes de vie dans les souks du quartier musulmans de la vieille ville de Jérusalem, sous occupation ⬇

Illustration 5

Illustration 6

Illustration 7

Par Pluto, notre reporter sur place. Un article tiré de notre numéro d’été, en accès libre mais soutenez-nous abonnez vous ! https://mouais.org/abonnements2024/

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01.08.2024 à 13:13

Pluralisme dans les médias : faut-il laisser la parole à tout le monde ?

admin

Epineuse question que celle-ci : où commence et s’arrête la liberté d’expression ? Toutes les idées se valent-elles ? Doit-on interdire toute parole d’extrême droite ? Ou les combattre par le débat ? Tentative d’analyse. Par Edwin Malboeuf 13 février 1984. Ce jour-là Jean-Marie Le Pen, président du Front national, parti fondé par des collabos et des Waffen SS douze ans plus tôt, s’apprête à faire sa première apparition à la télévision. Il s’agit de.. Read More

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Texte intégral (2464 mots)

Epineuse question que celle-ci : où commence et s’arrête la liberté d’expression ? Toutes les idées se valent-elles ? Doit-on interdire toute parole d’extrême droite ? Ou les combattre par le débat ? Tentative d’analyse.

Par Edwin Malboeuf

13 février 1984. Ce jour-là Jean-Marie Le Pen, président du Front national, parti fondé par des collabos et des Waffen SS douze ans plus tôt, s’apprête à faire sa première apparition à la télévision. Il s’agit de l’Heure de vérité, émission politique phare d’Antenne 2. A cette époque, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale n’est pas si lointain. Mais ce jour-ci, une digue rompt, à la demande de François Mitterrand ayant insisté pour que Le Pen soit invité à cette émission « par souci de pluralisme », mais surtout pour diviser la droite suite au premier succès électoral du FN l’année précédente à Dreux. Cette stratégie a connu son paroxysme ces dernières années avec la présidence Macron, installant la fille du borgne comme son adversaire principale, afin de s’assurer un second tour sans embûches. Quarante ans après cette première occurrence télévisée, Marine pourrait devenir la prochaine présidente. Alors, jusqu’à quand doit-on laisser la parole aux fascistes ?

Le paradoxe de la tolérance

Karl Popper, philosophe des sciences autrichien (1902-1994), a théorisé dans l’un de ses ouvrages « La société ouverte et ses ennemis », le devoir pour une société tolérante d’être intolérante avec les intolérants. «Une tolérance sans limites ne peut que mener à la disparition de la tolérance. Si nous étendons une tolérance sans limites même à ceux qui sont intolérants, si nous ne sommes pas préparés à défendre une société tolérante contre l’assaut des intolérants, alors les tolérants seront anéantis, et avec eux la tolérance. » Régulièrement cité par les antifascistes pour justifier l’interdiction d’événements de l’extrême droite, le reste de la réflexion du philosophe est souvent laissé de côté. Et pour cause : « Tant qu’il est possible de les contrer par des arguments logiques et de les contenir avec l’aide de l’opinion publique, on aurait tort de les interdire. Mais il faut toujours revendiquer le droit de le faire, même par la force si cela devient nécessaire, car il se peut fort bien que les tenants de ces théories se refusent à toute discussion logique et ne répondent aux arguments que par la violence. Il faudrait alors considérer que, ce faisant, ils se placent hors la loi et que l’incitation à l’intolérance est criminelle au même titre que l’incitation au meurtre, par exemple ».

Karl Popper a écrit ses mots en 1945, pour penser la défense de la démocratie représentative contre les totalitarismes, dont il place par ailleurs Marx comme l’un des précurseurs, ainsi que Platon et Hegel, bien qu’il reconnaisse au penseur du communisme un travail humaniste et indiscutable sur sa critique du capitalisme. Popper estime donc que tant que la dispute est possible il ne faut pas interdire les pensées intolérantes. Ce n’est que lorsque celles-ci se manifestent par « l’incitation à l’intolérance » qu’il faudrait alors les interdire. De fait, il existe en droit français un délit d’incitation à la haine. Pourtant, malgré plusieurs condamnations pour ces motifs, les représentants de l’extrême droite continuent à être invité sur tous les plateaux. Le simple droit ne peut pas délimiter ce qui est dicible et ce qui ne l’est pas. Et il est tout bonnement impossible de débattre rationnellement avec les fascistes puisque leur argumentaire repose toujours sur une vision fantasmée du réel, tordant et manipulant les faits et chiffres pour les faire entrer dans leur division raciale du monde. En atteste le dernier en date relayé par l’extrême droite, qui assure que 77% des viols commis à Paris sont le faits d’étrangers. En vérité, il s’agit de 77% des viols de rue élucidés l’an passé dans la capitale. Soit 28 personnes. Cela représente 0,2% des viols sur l’année précédente. Mais le mal est fait et le chiffre circule dans la fachosphère accréditant la thèse d’une submersion migratoire qui violent nos femmes et égorgent nos enfants.

Leur donner la parole, c’est les légitimer

Pendant plusieurs semaines une commission d’enquête parlementaire sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre (TNT) s’est tenue à l’Assemblée nationale. Au total, 165 personnes ont été auditionnées. A l’origine de cette commission, un renouvellement des appels d’offre pour les canaux de diffusion lancé par l’Arcom en février, vingt ans après l’ouverture de la TNT en France en 2005. Des mots du rapporteur, Aurélien Saintoul (LFI), le but premier de la commission était de rappeler à l’opinion publique que les chaînes privées jouissent de concessions de canaux hertziens publics, et que dès lors, le contenu éditorial d’une chaîne doit répondre à certaines exigences démocratiques, d’intérêt général, de véracité etc. Les chaînes du groupe Bolloré (C8 et CNews en premier chef) sont souvent épinglées pour leur manque de pluralisme et leur rapport disons douteux à l’information. La question est donc : le pluralisme a-t-il un sens sur une chaîne d’extrême droite, qui le serait donc moins s’il y avait plus d’invités de gauche ? Ou bien, puisque ces chaînes diffusent une idéologie raciste, homophobe, sexiste, climatosceptique, religieuse, ainsi que de nombreuses fausses informations, faut-il tout simplement retirer les concessions publiques à celles-ci puisqu’elles ne respectent pas les conventions signées pour l’obtention du canal ?

Par ailleurs, malgré ce qu’on pourrait penser les chaînes de Bolloré représentent une maigre part d’audience (entre 2 et 3% pour C8 et CNews en mai). Les chaînes de Bolloré sont donc à pertes faute d’audimat pour gonfler les ventes d’espaces publicitaires, mais également grâce à l’action des Sleeping Giants, un groupe d’activistes qui alertent les annonceurs sur leurs investissements, se combinant à des amendes records infligées par l’Arcom. Sur le total des trois chaînes (CNews, C8 et CStar), c’est 48 millions d’euros de déficit en 2022, 58 en 2021 et 68 en 2020. En toute logique économique, Patrick Eveno, historien (de droite) des médias a pointé dans ladite commission qu’« un actionnaire ordinaire aurait fermé depuis longtemps ces puits sans fonds ». La question est donc évidemment idéologique et comme chacun sait, l’argent n’est pas un problème pour le milliardaire d’extrême droite catholique Vincent Bolloré. Il a lui-même reconnu lors de son audition : « Si je ne crois pas à quelque chose, je ne vais pas essayer de le mettre dans mes antennes », sur un ton exprimant une évidence absolue.

Dissoudre, interdire : quelle efficacité ?

Un retrait des concessions publiques aux fachos auraient au moins le mérite de les pousser dans les limbes d’Internet, puisque de toute façon, force est de constater qu’un meilleur contrôle des propos sur des canaux publiques n’a pour l’instant pas trouvé d’efficacité, faute de pouvoir suffisant alloué à l’Arcom. Si couper l’eau du robinet ne l’empêche pas de stagner dans les tuyaux, cela limite au moins les éclaboussures. Pour autant, on l’a vu également avec les dissolutions de groupes, de collectifs et d’associations par Gérald Darmanin, l’interdiction de groupes identitaires, aussi bien que de groupes anarchistes et dits « islamistes » a eu tendance à mettre sur le plan tout ce qui n’était pas allégeant au pouvoir en place. Et c’est bien le problème en laissant la possibilité d’interdire aux mains des puissants, c’est qu’ils peuvent retourner l’arme contre tous ceux qu’ils considèrent comme dangereux pour leur position. La boussole utilisée n’étant jamais celle de la dangerosité réelle ou du bien-fondé d’une action, mais d’un arbitrage sur des critères fallacieux. On peut laisser de nouveau la parole à Karl Popper : « Je voudrais opposer au relativisme une idée presque toujours confondue avec celui-ci mais qui lui est pourtant profondément étrangère. J’ai souvent désigné cette position sous le nom de pluralisme, mais cela n’a pas été sans ambiguïté. C’est pourquoi je veux ici la qualifier de pluralisme critique. (…) Le relativisme est la position selon laquelle on peut tout affirmer ou presque tout, et par conséquent rien. Tout est vrai, ou rien ne l’est. La vérité est alors sans signification. Le pluralisme critique est la position selon laquelle dans l’intérêt de la vérité chaque théorie – tant mieux si elles sont nombreuses – doit entrer en concurrence avec d’autres. Cette concurrence consiste dans la discussion rationnelle des théories et leur examen critique. La discussion est rationnelle, cela signifie que l’enjeu est la vérité des théories en concurrence : la théorie qui semble se rapprocher le plus de la vérité dans la discussion critique est la meilleure ; et la meilleure théorie évince les plus mauvaises. ». Ce positionnement pose pourtant problème. Il postule que les idées évoluent dans un marché concurrentiel, et que seules les plus rationnelles triomphent des autres, oubliant ainsi tout contexte socio-économique favorisant la diffusion de telles ou telles idées par rapport à d’autres.

Pour exemple, malgré -et force est de le reconnaître, une victoire écrasante de Gabriel Attal face à Jordan Bardella dans le pitoyable spectacle orchestré par France 2 le 23 mai, ce dernier a vu sa côte grimper dans les intentions de vote malgré tout. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on ne gagne jamais contre l’extrême droite sur le fond, ni sur la forme. Chaque camp restera sur ses positions par biais de confirmation, et par idéologie. Et même si ses partisans l’auront trouvé nul, de toute façon ils se diront : « Qui d’autre pour porter mes idées racistes ? ». Le débat public sous sa forme antagoniste ne présente que peu d’intérêt. Il s’agit moins d’opposer des arguments rationnels que d’une mise en scène dramaturgique de camps (supposément) opposés et (supposément) représentatifs de courants sociaux.

Débat impossible et vain

Comme ce 24 juin 2017, où Alain Finkielkraut invite Renaud Camus sur France Culture, le « théoricien » du grand remplacement, confronté ce jour-là au démographe Hervé Le Bras. Résultat : un débat évidemment impossible entre un écrivain facho et un scientifique, lequel tentant vainement de démonter point par point le délire conspiraciste de son interlocuteur se prenant pour un résistant car soi-disant mis en minorité dans la société. Cependant, une invitation sur France Culture donne corps à un propos qui n’a aucun sens. Et force est de constater que depuis cette émission, le fantasme est devenu réalité pour un certain nombre de personnes jusqu’à son aval par Eric Ciotti (« J’assume parler de grand remplacement ») lors de la dernière présidentielle.

Néanmoins, il serait illusoire de croire dans un lien mécanique entre diffusion à large échelle d’une pensée raciste et sa mise en action politique. Malgré son évincement de la vie politique et médiatique pendant plusieurs décennies après la guerre, l’extrême droite n’a pas disparu pour autant de la vie publique. L’on peut même se dire, que puisque son seul mode d’expression était circonscrit à la violence, était-elle potentiellement plus dangereuse à tel point que des groupes de chasseurs de skins ont du se constituer dans les années 1980 à Paris pour nettoyer la capitale de la vermine fasciste ? Semer d’embûches son accès à la parole, à des lieux, refuser de l’inviter sur des plateaux a au moins un effet limitant, contraignant et permet de continuer à diaboliser une idéologie rance, là où la mise en lumière la légitime. Et poursuis le travail entrepris dans la rue par les camarades antifascistes. Ou pour rappeler un slogan bien connu de ceux-ci « on ne débat pas avec l’extrême droite on la combat ».

Alors que faire ? A notre échelle, boycotter tous les médias de droite et d’extrême droite et donner de la force aux médias indépendants en s’abonnant (à Mouais par exemple), mais à d’autres, présents sur la carte de la « presse pas pareille ». En ne partageant pas sur nos réseaux, même pour s’indigner des contenus venus de ces médias. Ils fonctionnent en grande partie grâce à cela, par le clivage généré par des propos outranciers. Leur fonds de commerce. Expliquer à vos proches, que de BFM à CNews en passant par France Info et LCI, c’est à peu près le même poison lent à des intensités brunes différentes, qui ne peut, compte tenu du temps long nécessaire à l’enquête journalistique et l’énonciation des faits avec une perspective, qu’offrir du bavardage inconséquent dans ce format de diffusion continue. Ou comme le disait un ancien prof de fac « du vide à haute intensité ». Duquel on peut et doit aisément se passer.

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29.07.2024 à 12:37

Les réseaux sociaux, promoteurs du populisme dans un monde désespéré

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La montée de l’extrême-droite, de l’autoritarisme et du populisme, ne concerne pas seulement la France et l’Europe, mais le monde entier. Par Jean-Noël Montagné Les leaders populistes s’adressent à des catégories de population qui évoquent des sentiments d’abandon ou de déclassement face à d’autres catégories de populations. Beaucoup se présentent comme anti-système, alors qu’ils sont en général les meilleurs supporters du capitalisme le plus dur. Mais peu importe leur manque.. Read More

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Texte intégral (1871 mots)

La montée de l’extrême-droite, de l’autoritarisme et du populisme, ne concerne pas seulement la France et l’Europe, mais le monde entier. Par Jean-Noël Montagné

Les leaders populistes s’adressent à des catégories de population qui évoquent des sentiments d’abandon ou de déclassement face à d’autres catégories de populations. Beaucoup se présentent comme anti-système, alors qu’ils sont en général les meilleurs supporters du capitalisme le plus dur. Mais peu importe leur manque de cohérence, peu importe leur éventuelle inculture, peu importe leur capacité politique ou leur capacité de gouvernement, il suffit que la société du spectacle les adopte pour qu’ils soient élus. Leur succès est d’abord un succès médiatique plus qu’idéologique.

Il est établi que la population est de moins en moins politisée par les canaux traditionnels que sont la presse, les médias traditionnels et les partis, canaux permettant le temps de la réflexion.  Les réseaux sociaux les ont remplacés, avec leur instantanéité et leur absence d’analyse, bien qu’intégrant des systèmes de commentaire. Plusieurs heures de consultation par jour pour des millions d’individus, et surtout pour les plus jeunes.

La vidéo en ligne est devenue le vecteur principal de propagande pour les leaders réactionnaire.

Quelques secondes d’images suffisent. Une seule vidéo présentant un caractère étonnant, dérangeant ou affectif, habilement montée et titrée, judicieusement postée sur un réseau social par quelque quidam amateur, ou influenceur politique professionnel, suffit à embarquer des milliers ou des millions de personnes en quelques heures, créant une opinion commune sur ce sujet.

Cent-quarante-neuf vidéos de Bardella sur Tik Tok, sur 388 vidéos publiées depuis 2021, vont au-delà du million de vues, chacune accompagnée de milliers de commentaires simplistes des lecteurs, dépassant rarement les 10 mots. Jusqu’à 13 millions de vues et 43 000 commentaires pour une seule vidéo récente de 23 secondes en juin 2024. Quel parti peut se targuer de communiquer aussi souvent, à autant de citoyens, par les canaux politiques traditionnels, tout en leur faisant croire qu’ils sont impliqués, par l’usage des commentaires ?

Le mécanisme de diffusion virale est simple: les réseaux sociaux analysent automatiquement la valeur virale de toute vidéo fraichement publiée. Lorsqu’une vidéo atteint un certain seuil de viralité, notamment au sein du graphe social de son auteur-émetteur, la plateforme va la propulser le plus rapidement possible vers d’autres utilisateurs-cible, s’assurant ainsi d’une diffusion exponentielle.  Les vidéos déclenchant une pulsion, par indignation, dégoût, rire, compassion ou tout autre affect intime, auront immensément plus de succès (et donc de diffusion poussée par la plateforme) qu’une vidéo à caractère seulement positif ou informatif.

Les plateformes connaissent l’appétence de chaque utilisateur pour certains types de contenus, et vont les arroser copieusement. C’est ainsi que les contenus les plus simplistes mais les plus accrocheurs, les plus revendicatifs, parfois les plus violents, envahissent les esprits les plus faibles.  La masse de commentaires simplistes qui accompagnent ces vidéos amplifie leur impact.

Les algorithmes créent ainsi des communautés de pensée autour des contenus les plus douteux. Pire, ces bulles se radicalisent automatiquement, par l’effet de la sélection algorithmique des contenus les plus efficaces pour la viralité, c’est-à-dire les contenus toujours plus incisifs que les précédents, dans la thématique donnée. De plus, certaines vidéos dans ces bulles, ou bien, certains commentaires associés, se révèlent être des invitations à rejoindre des systèmes de forums privés ou des boucles chiffrées, notamment des boucles Telegram, là où l’on peut se lâcher sans censure. Le média Reflets.info recense, en 2023, plus d’une soixantaine de boucles Telegram françaises d’extreme-droite, dont une trentaine où l’on appelle, par exemple, à la ratonnade, à la glorification du Nazisme ou à des attaques antisémites ou anti-LGBT. [https://reflets.info/articles/fachos-2-0-les-boucles-brunes-de-telegram]

Des catégories de populations se retrouvent ainsi isolées dans ces contenus, avec des conséquences que l’on connait désormais dans les urnes: peur, ressentiment, irrationalité, haine, et donc, au final, communautarisme, complotisme ou violence.

Ce phénomène de bulles cognitives créées par les algorithmes de plateformes est connu, analysé et documenté depuis le début des années 2010. « Nos algorithmes provoquent la division et incitent à la haine », comme l’ont déclaré dans le texte plusieurs ingénieurs et directeurs très importants chez les GAFAM, démissionnaires de chez Méta ou d’Alphabet pour ces raisons. Par exemple, pour Méta (Facebook/Instagram/Whatsapp/Messenger), ces déclarations : Sean Parker, 2017: « Nous exploitons la vulnérabilité de la psychologie humaine »,  Chamath Palihapitya, 2017 : « nous avons créé des outils qui déchirent le tissu social », Frances Haugen, 2021:  « C’est ainsi que Meta encourage chaque jour la haine et la division. »

Nostalgie d’un passé idéalisé

Mais il ne faudrait pas croire que « le médium soit seulement le message », selon la formule célèbre de Mac Luhan. La sensibilité exacerbée du public à la propagande et aux causes réactionnaires est le symptôme d’un malaise plus profond. D’une fragilité psychologique.  D’une sensation que « le monde ne tourne plus rond », sans analyse plus poussée. Il ne s’agit pas de le voir comme « le capitalisme ne tourne plus rond », mais plutôt comme « le monde ne tourne plus comme avant ». Pour les plus âgés, c’est la nostalgie d’un passé idéalisé, aux valeurs positives, contre un présent décadent, et dirigé par des forces incoercibles. Pour les plus jeunes, c’est la sensation que la société ne les écoute pas, mais surtout, entre guerres, fin des ressources et climat, que le futur est bouché.

Pour tous, que l’on suive les médias traditionnels ou les réseaux sociaux, les nouvelles sont mauvaises d’où qu’elles viennent (S. Eicher). Un pessimisme collectif s’empare du monde, dans un contexte de lassitude face aux événements qui se répètent sans prise en compte politique. Il ne peut que provoquer cette appétence vers les solutions les plus autoritaires ou les plus irrationnelles.

A peu près tout le monde a entendu que…

Contrairement à ce que l’on pourrait croire en entendant des citoyens qui n’ont aucune fibre écologiste, les thématiques écologiques sont bien présentes dans cette construction d’un sentiment d’effondrement.
-A peu près tout le monde, même les climatosceptiques, a entendu que le changement climatique est irrémédiable, avec des effets délétères croissants, et que cela va précipiter des catastrophes, des milliards de personnes sur les routes. La peur de la migration devient mondiale, que l’on soit celui qui va migrer, qui a déjà migré, ou celui qui va devoir fréquenter des migrants sur son sol. Cela n’arrange pas la xénophobie et le racisme latents.

-A peu près tout le monde a entendu que la biodiversité et la nature s’effondrent gravement. Mais tout le monde ne comprend pas encore que l’alimentation mondiale en dépend, que la santé publique en dépend. Tout le monde ne comprend pas encore que l’alimentation mondiale est aussi une cause de cet effondrement. Toute atteinte aux habitudes alimentaires usuelles semble une agression.

-A peu près tout le monde a entendu que l’énergie et les ressources sont en voie de raréfaction et donc de coût croissant. Peu y croient, parce que le système arrive encore à cacher les pénuries amorcées. Mais tout le monde ne comprend pas encore que la baisse de pouvoir d’achat est en partie liée à la raréfaction actuelle de ces ressources. Tout le monde ne comprend pas que la décroissance ne peut pas être évitée, et doit être organisée. Les forces occultes de l’économie sont plus faciles à désigner comme responsables.

-A peu près tout le monde a entendu que la finance mondiale marche sur des oeufs, et que les grandes causes qui ont précipité les crises de 1929 ou de 2008 ne sont pas corrigées. Mais la majorité de la population croit encore, dur comme fer, qu’une croissance infinie est possible, et doit rester un objectif primordial orientant toutes les décisions économiques, alors que la poursuite de cette croissance est la cause de cette fragilité.

Suite ininterrompue de dissonances cognitives

Une grande partie de la population vit ainsi dans une suite ininterrompue de dissonances cognitives, construisant un sentiment diffus de malaise, d’effondrement, de démotivation, d’insécurité, d’impuissance ou de désespoir, toutes les formes de dépression dont on sait qu’elles sont mauvaises conseillères dans le champ politique. Cette fragilité est un terreau parfait pour les plateformes véhiculant des contenus populistes.

Dans ce contexte perturbé, le combat démocratique, écologique et social, basé sur la connaissance de phénomènes complexes, va avoir du mal à s’imposer face au simplisme développé par les extrêmes. Au delà du travail politique sur les contenus, les formes démocratiques traditionnelles liées aux partis étant en échec, il est plus que temps de s’interroger sur des formes nouvelles d’information du public, de formation du public, sur des formes nouvelles de débat et de communication, sur les formes nouvelles d’engagement sociétal, qui ne passent pas seulement par le numérique.

Ce travail sur la forme a rarement été mené par les structures politiques de gauche, un peu plus souvent par le secteur associatif et les ONG, dont certaines développent depuis longtemps de nombreuses solutions efficaces. Les jeunes activistes environnementaux l’ont bien compris, et arrivent à faire passer quelques messages au travers du chaos médiatique, sans toutefois arriver à informer précisément sur les problématiques qu’ils dénoncent.  Tout le défi de l’écologie politique et sociale réside dans la formation et l’information des populations, une succession d’étapes lentes et de suivi à long terme, face à quelques secondes de vidéos…

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