25.10.2024 à 14:40
LinkedIn condamnée à 310 millions d’euros suite à notre plainte collective
marne
Texte intégral (942 mots)
Après Google et Amazon, c’est au tour de Microsoft d’être condamnée pour non respect du droit des données personnelles. Hier, l’autorité de protection des données irlandaise a adressé à Microsoft une amende de 310 millions d’euros suite à notre plainte contre son service LinkedIn, au motif du non respect du consentement de ses utilisateurs.
Le 25 mai 2018, le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) entrait en application, venant renforcer le droit des données personnelles. Il donnait une place particulière au consentement, qui devenait la principale base légale à appliquer pour la collecte et l’usage des données personnelles. Le RGPD apportait également deux autres nouveautés : la possibilité de déposer des plaintes de manière collective, ainsi qu’un pouvoir de sanction donné aux CNIL de l’Union européenne. Les CNIL, responsables de l’application du règlement, peuvent dès lors adresser des amendes à hauteur de 4% du chiffre d’affaire mondial des entreprises ne respectant pas le droit. Les CNIL européennes travaillent de concert sur les plaintes, guidées par une CNIL dite « cheffe de file », celle du pays ou le siège social de l’entreprise attaquée est établi.
Quelques mois avant son entrée en application, nous avions lancé un appel aux utilisateurices de certains services des GAFAM en leur proposant de se joindre à nous pour déposer une plainte contre chacune de ces grosses entreprises. Nos plaintes, déposées avec plus de 12 000 personnes, se fondaient sur le présupposé que ces entreprises ne respecteraient pas le RGPD une fois que le règlement serait applicable, notamment car leur modèle économique est en partie construit autour de l’exploitation sans consentement des données, particulièrement Google et Facebook. Comme nous l’avions parié, plus de six ans après, ces entreprises ne respectent toujours pas notre droit fondamental à la vie privée. Amazon fut condamnée par la CNIL luxembourgeoise à une amende de 746 millions d’euros en 2021. Google, n’ayant à l’époque du dépôt des plaintes pas de siège social dans l’Union européenne, avait été condamnée par la CNIL française (lieu du dépôt de la plainte) à 50 millions d’euros d’amende, puis s’était empressée de localiser son siège social en Irlande.
L’Irlande, connue pour sa politique fiscale avantageuse, héberge les sièges sociaux de nombreuses entreprises. C’est donc l’autorité irlandaise qui s’est retrouvée cheffe de file pour la plupart de nos plaintes : celle contre Microsoft (LinkedIn) mais aussi celles contre Apple (iOS) et Meta (Facebook et Instagram) qui sont encore en cours d’instruction, ainsi qu’Alphabet (Google Search, Youtube et Gmail).
Hier, elle a donc prononcé à l’encontre de Linkedin un rappel à l’ordre, une injonction de mise en conformité du traitement et trois amendes administratives d’un montant total de 310 millions d’euros. Cette sanction est donc de bon augure pour la suite de nos plaintes, et pour le respect du droit des données personnelles. Elle vient une nouvelle fois confirmer notre interprétation du RGPD selon laquelle les services en ligne doivent garantir un accès sans contraindre leurs utilisateurices à céder leurs données personnelless. Dans le cas contraire, le consentement donné ne peut être considéré comme libre.
En revanche, il faut relever qu’il a fallu plus de six ans à l’autorité irlandaise pour arriver à cette sanction. Cela n’est pas dû à une quelconque complexité de l’affaire mais à des dysfonctionnements structurels et à l’absence de volonté politique caractéristique de cette autorité. En effet, des associations dénoncent régulièrement son manque de moyens, sa proximité avec les entreprises, son refus de traiter certaines plaintes ou encore son manque de coopération avec les autres autorités européennes. L’Irish Council for Civil Liberties a ainsi publié l’année dernière un rapport pointant les manquements et l’inefficacité de la Data Protection Commission irlandaise.
Si nous nous réjouissons de cette petite victoire, elle reste faible. La plus grosse partie de l’Internet reste entre les mains de grosses entreprises. Ce sont elles qui hébergent nos échanges en ligne et gardent les pleins pouvoirs dessus : malgré le RGPD, la plupart d’entre elles continueront de récolter nos données sans notre consentement afin de nourrir leurs algorithmes de profilage publicitaire, transformant par la même occasion nos moindre faits et gestes en ligne en marchandises.
D’autant que ce système repose sur de la puissance de calcul et de l’énergie afin d’afficher ces images publicitaires sur nos écrans. Le tout pour toujours nous faire consommer davantage alors que la crise écologique prend de l’ampleur de jour en jour. Dans ce contexte, nous attendons avec hâte les décisions de la CNIL irlandaise concernant nos autres plaintes et espérons qu’elle sera vigilante quant au respect de la mise en conformité de LinkedIn.
Pour nous soutenir dans la suite de ce combat, n’hésitez pas à nous faire un don !
23.10.2024 à 12:49
Festival Le Nuage était sous nos pieds
edaa
Texte intégral (738 mots)
Les data centers, ces méga-ordinateurs bétonnés dédiés au traitement et au stockage des données informatiques, prolifèrent partout dans le monde. Ils s’accaparent l’eau et l’électricité, génèrent pollutions environnementales et artificialisation des sols, multiplient les emprises foncières et la bétonisation des villes, s’accaparent les fonds publics, et accélèrent ainsi la crise socio-écologique en cours.
Pendant trois jours à Marseille, les 8, 9 et 10 novembre 2024, nous vous proposons un festival fait d’échanges, de rencontres, de projections et d’une balade-conférencée pour s’informer, s’organiser collectivement et lutter contre l’accaparement de nos territoires et de nos vies par les infrastructures du numérique techno-capitaliste dominant. Programme détaillé sur pieds.cloud.
Ce festival est à l’initiative du collectif marseillais le Nuage était sous nos pieds, composé notamment de trois entités : le collectif des Gammares, collectif d’éducation populaire sur les enjeux de l’eau, Technopolice, qui analyse et lutte contre les technologies de surveillance, et La Quadrature du Net, qui défend les libertés fondamentales dans l’environnement numérique. Depuis 2023, le collectif enquête, analyse et lutte contre les impacts sociaux, écologiques et politiques des infrastructures du numérique dominant et de leur monde. Alertées par la quasi-absence des enjeux environnementaux et territoriaux des infrastructures du numérique dans le débat public, alors même que Marseille voit se multiplier les arrivées de câbles sous-marins pour les liaisons Internet intercontinentales et l’émergence de data centers dans un grand silence politique et médiatique, le collectif propose un espace de rencontres et de discussions pour politiser la question de l’accaparement des terres et des vies par le techno-capitalisme, et créer des espaces de solidarités pour penser ensemble des pratiques d’auto-défense numérique, et d’autres mondes possibles, où l’on place le soin pour nous mêmes, les uns pour les autres et le soin de la Terre au centre de nos débats.
Le festival se veut à la fois un espace de restitution de l’enquête locale menée par le collectif Le nuage était sous nos pieds sur les impacts des data centers, câbles sous-marins intercontinentaux et autres infrastructures du numérique à Marseille, mais aussi un espace de réflexion commune en compagnie d’autres collectifs et associations marseillaises et d’ailleurs. Ouvert à toutes et tous, le festival propose de nombreuses tables-rondes, infokiosques, des projections de films, une balade et des rencontres intercollectifs. Retrouvez son programme détaillé sur pieds.cloud.
En présence des collectifs invité·es :
Tu Nube Seca Mi Rio (Talavera de la Reina, Espagne), Paris Marx – du podcast Tech Won’t Save Us (Canada), Génération Lumière (République démocratique du Congo et Lyon), StopMicro (Grenoble), Stop Mine 03 (Echassières, Allier), le Mouton numérique (France), Framasoft (France), le collectif des Gammares (Marseille), La Quadrature du Net (France), Technopolice (France), et de nombreux autres collectifs de Marseille et d’ailleurs.
En collaboration avec le Bureau des Guides 2013, le cinéma Le Gyptis, et La Cité de l’Agriculture à Marseille.
Une sélection de livres en collaboration avec la librairie Transit à Marseille, sera disponible sur tous les lieux du festival.
Tout au long du festival, retrouvez l’exposition Technopolice : 5 ans de lutte à la librairie l’Hydre aux milles têtes, 96 rue Saint-Savournin, du mardi au samedi de 10h à 19h, du 18 octobre au 19 novembre.
18.10.2024 à 16:24
QSPTAG #313 — 18 octobre 2024
robinson
Texte intégral (2195 mots)
CNAF : recours collectif contre l’algo de la galère
La Quadrature travaille depuis des années sur les algorithmes utilisés par les administrations et les services sociaux, et en particulier sur l’algorithme de « scoring » de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). Il a fallu d’abord batailler contre l’administration pour obtenir la communication du code source, avant de publier en novembre 2023 l’analyse de la version n-1 de cet algo, la CNAF ayant refusé de fournir le code de l’algorithme en usage aujourd’hui. Et ce 16 octobre, La Quadrature et 14 autres associations de défense des droits attaquent donc l’algorithme de la CNAF devant le Conseil d’État, pour discrimination et surveillance excessive.
Cet algorithme analyse chaque mois les données personnelles (et intimes) de 13 millions de foyers touchant des allocations familiales, soit environ 32 millions de personnes en France, pour leur attribuer un « score de risque ». Si ce score est trop élevé, un contrôle est déclenché.
La CNAF présente cet outil comme un « algorithme de lutte contre la fraude ». En réalité, l’algorithme n’est évidemment pas capable de détecter des fraudes, qui supposent un mensonge intentionnel impossible à traduire en calcul. En revanche, que peut faire un algorithme ? Il peut identifier les personnes les plus susceptibles d’avoir reçu des « indus » ou des « trop-perçus », c’est-à-dire des sommes supérieures à ce que le calcul de leurs droits leur destine. Comment ? En identifiant les personnes dont la situation est la plus susceptible de provoquer des erreurs de déclaration. Qui sont ces personnes ? Celles qui changent souvent d’adresse, de travail, de situation familiale, qui sont mères célibataires, qui bénéficient de minima sociaux ou ont de faibles revenus. C’est-à-dire celles dont la vie est la plus marquée par la précarité.
Voici comment, sous couvert de « lutter contre la fraude », on traque systématiquement les personnes en difficulté.
L’analyse du code source a confirmé sans ambiguïté la fonction discriminatoire de cet algorithme. Les critères choisis et leur pondération ciblent de façon délibérée les personnes les plus précaires : famille monoparentale, bénéficiaires du RSA, personnes sans emploi, au domicile instable, etc.
Cette discrimination, couplée à une surveillance de masse (près de la moitié de la population française est concernée), nous ont poussées à saisir le Conseil d’État. Si vous voulez comprendre le raisonnement juridique qui structure le recours, tout est dans le communiqué de la coalition. Et si vous voulez suivre notre campagne de long cours contre les algorithmes administratifs, visitez notre page France Contrôle.
Lire le communiqué : https://www.laquadrature.net/2024/10/16/lalgorithme-de-notation-de-la-cnaf-attaque-devant-le-conseil-detat-par-15-organisations/
Livre : une histoire de la Technopolice
Notre campagne Technopolice a cinq ans. Félix Tréguer, chercheur et membre de La Quadrature, raconte à la première personne, dans Technopolice, la surveillance policière à l’ère de l’intelligence artificielle, ce long travail d’enquête collective sur les pratiques de surveillance numérique de la police, depuis la découverte de « l’observatoire du Big Data de de la tranquillité publique » de Marseille fin 2017, jusqu’à la légalisation de la VSA par la loi Jeux Olympiques en 2023, en passant par le récit étonnant et éclairant du quotidien d’un policier dans la ville de Denver au Colorado.
Croisant les analyses politiques et sociologiques, les enquêtes de terrain et les chiffres, l’ouvrage analyse la Technopolice comme un fait social complexe, qui met en jeu des idéologies politiques, des ambitions industrielles, des fantasmes policiers, au prise avec des problèmes matériels, économiques et humains. Et si vous voulez rencontrer l’auteur et lui poser des questions, le site recense les nombreuses rencontres en librairie à venir pour les mois d’octobre, novembre et décembre.
Lire l’article : https://www.laquadrature.net/202fondateur4/10/11/parution-du-livre-technopolice/
Action à Marseille contre le data center de trop
Le 16 septembre dernier, La Quadrature du Net et le collectif local Le nuage est sous nos pieds ont organisé une conférence de presse pour alerter au sujet de la construction d’un data center géant dans l’agglomération de Marseille : gourmand en énergie et en eau potable, ce projet s’incrit dans une logique d’inflation numérique dispendieuse, dont la nécessité n’est jamais questionnée ni soumise à la délibération démocratique de la population qu’elle touche directement. Lisez le communiqué du collectif Le nuage et sous nos pieds sur notre site.
Lire le communiqué : https://www.laquadrature.net/2024/09/16/conference-de-presse-a-marseille-contre-les-data-centers/
Agenda
- Vendredi 18 octobre 2024 : Rencontre à 19h autour du livre Technopolice : la surveillance policière à l’ère de l’intelligence artificielle, librairie L’Hydre à mille têtes, 96 Rue Saint-Savournin, à Marseille.
- Vendredi 18 octobre 2024 : Table ronde « Visages traqués, libertés sous surveillance ? », à 19h30 au Festival des Libertés à Bruxelles, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, Bd Émile Jacqmain 111-115, 1000 Bruxelles. Plus d’informations et programme détaillé ici.
- Mercredi 6 novembre 2024 : Rencontre à 19h autour du livre Technopolice : la surveillance policière à l’ère de l’intelligence artificielle au café-librairie Michèle Firk, 9 rue François Debergue, à Montreuil.
- Retrouvez tout l’agenda en ligne.
La Quadrature dans les médias
Livre « Technopolice »
- Technopolice : quand la surveillance policière monte d’un cran [France Inter]
- Technopolice, ou la police totale [Au poste]
- « Technopolice » : l’accélération du tempo des algorithmes, au détriment des libertés publiques [Le Monde]
- « Une surveillance algorithmique constante de l’espace public est dangereuse politiquement » [Le Monde]
- « Le droit prévu pour contenir la surveillance d’État est totalement défaillant » [Mediapart]
- Vidéosurveillance algorithmique : « C’est l’avènement d’un projet de fantasme policier » [Le Point]
Algo de la CNAF
- L’algorithme de notation de la CAF accusé d’être discriminatoire [Mediapart]
- Algorithme de ciblage antifraude dans les CAF : des associations saisissent le Conseil d’État [Le Monde]
- Algorithms Policed Welfare Systems For Years. Now They’re Under Fire for Bias [Wired]
- Fraude, indus : quinze organisations attaquent l’algorithme de la CAF devant le Conseil d’État [Next]
- Allocations familiales : des associations contestent un algorithme anti-fraude de la CNAF devant le conseil d’État [Le Figaro]
- Fraude sociale : l’algorithme de la Cnaf devant le Conseil d’État [La Croix]
- Allocations : des associations saisissent le Conseil d’État pour la suppression d’un algorithme anti-fraude [Le Parisien]
- Allocations familiales : des associations réclament l’interdiction de l’algorithme anti-fraude utilisé par la Cnaf, jugé discriminant [France Info]
- L’algorithme de notation des CAF attaqué en justice [Politis]
- Discrimination, opacité : des associations attaquent en justice l’algorithme des Caf [Basta!]
- Pourquoi le logiciel de ciblage de la CAF se retrouve devant le Conseil d’État ? [L’Humanité]
- Allocations familiales : l’algorithme anti-fraude des CAF attaqué devant le Conseil d’État [Le Télégramme]
- Accusé de cibler les plus précaires, l’algorithme de contrôle de la Cnaf attaqué en justice [Acteurs publics]
- L’algorithme de notation des Caf dans le viseur des associations [Faire-Face]
- Allocations : des associations saisissent le Conseil d’État pour la suppression d’un algorithme anti-fraude [Le Parisien]
- Allocations familiales : l’algorithme anti-fraude de la CAF est-il discriminatoire ? [Sud-Ouest]
- Fraude sociale : l’algorithme des allocations familiales attaqué devant le Conseil d’État [La Tribune]
- CAF : L’algorithme utilisé par la Caisse pour détecter les fraudes est-il discriminatoire ? [20 minutes]
- Allocations familiales : des associations saisissent la justice pour supprimer l’algorithme anti-fraude de la CAF [La Voix du Nord]
- Quinze associations saisissent le Conseil d’État pour supprimer l’algorithme anti-fraude des allocations familiales [La Provence]
- French NGOs sue public body over scoring algorithm [Euractiv]
- Quinze associations s’opposent à l’utilisation d’un algorithme de la Cnaf [Le Journal de l’économie]
- Algorithme CAF : précarité et suspicion, les associations montent au créneau [Capital]
- Ces associations veulent faire supprimer l’algorithme de notation de la CAF… et les autres [01Net]
- Allocations familiales: pourquoi les bénéficiaires du RSA et les mères célibataires sont plus contrôlés que les autres? [La Charente libre]
- Allocations : le logiciel anti-fraude de la CAF jugé discriminant, des associations réclament son abandon [L’Union]
Data center à Marseille
- Une skyline de data centers sur le port de Marseille [La Marseillaise]
- À Marseille, le développement des data centers face à l’urgence écologique/a> [Made in Marseille]
- Face à la déferlante des data centers à Marseille, riverains et associatifs tirent la sonnette d’alarme [La Provence]
- À Marseille, MRS5, le data center de trop ? [Le Méridional]
- Un sixième Data Center à Marseille [France Bleu]
- A Marseille, le nouveau projet de datacenter de Digital Realty crispe les opposants [ZDNet]
- Un cinquième data center géant s’installe à Marseille sous un feu de critiques [Libération]
Divers
16.10.2024 à 12:13
L’algorithme de notation de la CNAF attaqué devant le Conseil d’État par 15 organisations
bastien
Texte intégral (768 mots)
En cette veille de journée mondiale du refus de la misère, 15 organisations de la société civile attaquent l’algorithme de notation des allocataires des Caisses d’Allocations Familiales (CAF) en justice, devant le Conseil d’État, au nom du droit de la protection des données personnelles et du principe de non-discrimination. Ce recours en justice contre un algorithme de ciblage d’un organisme ayant mission de service public est une première.
Cet algorithme attribue à chaque allocataire un score de suspicion dont la valeur est utilisée pour sélectionner celles et ceux faisant l’objet d’un contrôle. Plus il est élevé, plus la probabilité d’être contrôlé·e est grande. Chaque mois, l’algorithme analyse les données personnelles des plus de 32 millions de personnes vivant dans un foyer recevant une prestation CAF et calcule plus de 13 millions de scores. Parmi les facteurs venant augmenter un score de suspicion on trouve notamment le fait d’avoir de faibles revenus, d’être au chômage, de bénéficier du revenu de solidarité active (RSA) ou de l’allocation adulte handicapé (AAH). En retour, les personnes en difficulté se retrouvent sur-contrôlées par rapport au reste de la population.
Notre recours devant le Conseil d’État porte tant sur l’étendue de la surveillance à l’œuvre que sur la discrimination opérée par cet algorithme envers des allocataires déjà fragilisé·es dans leurs parcours de vie. En assimilant précarité et soupçon de fraude, cet algorithme participe d’une politique de stigmatisation et de maltraitance institutionnelle des plus défavorisé·es. Les contrôles sont des moments particulièrement difficiles à vivre, générateurs d’une forte charge administrative et d’une grande anxiété. Ils s’accompagnent régulièrement de suspensions du versement des prestations, précédant des demandes de remboursements d’indus non-motivés. Dans les situations les plus graves, des allocataires se retrouvent totalement privé·es de ressources, et ce en toute illégalité. Quant aux voies de recours, elles ne sont pas toujours compréhensibles ni accessibles.
Alors que l’utilisation de tels algorithmes de notation se généralise au sein des organismes sociaux, notre coalition, regroupant des organisations aux horizons divers, vise à construire un front collectif afin de faire interdire ce type de pratiques et d’alerter sur la violence dont sont porteuses les politiques dites de « lutte contre la fraude sociale ».
« Cet algorithme est la traduction d’une politique d’acharnement contre les plus pauvres. Parce que vous êtes précaire, vous serez suspect·e aux yeux de l’algorithme, et donc contrôlé·e. C’est une double peine. » déclare Bastien Le Querrec, juriste à La Quadrature du Net.
Associations requérantes:
- La Quadrature du Net (LQDN)
- Association d’Accès aux Droits des Jeunes et d’Accompagnement vers la Majorité (AADJAM)
- Aequitaz
- Amnesty International France
- Association nationale des assistant·e·s de service social (ANAS)
- APF France handicap
- Collectif Changer de Cap
- Fondation Abbé Pierre
- Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti)
- Le Mouton numérique
- La Ligue des droits de l’Homme (LDH)
- Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP)
- Mouvement Français pour un Revenu de base (MFRB)
- CNDH Romeurope
- Syndicat des avocats de France (SAF)
Retrouvez l’ensemble de nos travaux sur la numérisation des administrations sociales et la gestion algorithmique des populations sur notre page de campagne France contrôle.
11.10.2024 à 12:00
Parution du livre « Technopolice »
startuffenation
Texte intégral (1403 mots)
Technopolice, la surveillance policière à l’ère de l’intelligence artificielle paraît aujourd’hui aux éditions Divergences. Dans ce livre, Félix Tréguer, membre de La Quadrature du Net et chercheur associé au Centre Internet & Société du CNRS, fait le récit personnel d’un engagement au sein du collectif Technopolice. Mêlant les anecdotes de terrain aux analyses issues des sciences humaines et sociales, il retrace les mécanismes qui président à la technologisation croissante du maintien de l’ordre et de la gestion urbaine.
Résumé
Voici le résumé du livre, disponible dans votre librairie de quartier.
« Drones, logiciels prédictifs, vidéosurveillance algorithmique, reconnaissance faciale : le recours aux dernières technologies de contrôle se banalise au sein de la police. Loin de juguler la criminalité, toutes ces innovations contribuent en réalité à amplifier la violence d’État. Elles referment nos imaginaires politiques et placent la ville sous contrôle sécuritaire. C’est ce que montre ce livre à partir d’expériences et de savoirs forgés au cours des luttes récentes contre la surveillance policière. De l’industrie de la sécurité aux arcanes du ministère de l’Intérieur, de la CNIL au véhicule de l’officier en patrouille, il retrace les liens qu’entretient l’hégémonie techno-solutionniste avec la dérive autoritaire en cours. »
Présentations
- 12 octobre : Nice, librairie Les Parleuses, 19h
- 18 octobre : Marseille, librairie L’Hydre aux mille têtes, 19h
- 5 novembre : Paris, Mardis Informels de la Générale, 19h30
- 6 novembre : Montreuil, café-Librairie Michèle Firk, 19h00
- 7 novembre : Tours, librairie Les Temps Sauvages, 19h00
- 21 novembre : Sète, Nouvelle librairie Sétoise, 19h
- 22 novembre : Montpellier, La Carmagnole, 18h30
- 28 novembre : Toulouse, Cinéma Utopia Borderouge, 20h
- 5 décembre : Paris, caviste-librairie Rerenga Wines, 19h
- 6 décembre : Saint-Étienne, Le Méliès Saint-François, 21h
- 7 décembre : Lyon, librairie La Gryffe, 15h
- 12 décembre : Avignon, librairie Youpi !, 19h30
- 13 décembre : Arles, L’Angerie, 19h00
Retrouvez toutes les dates dans l’agenda public de La Quadrature.
Extraits
« Lorsque vient notre tour de parler, Martin et moi montons sur l’estrade. Face à l’amphi bondé, face aux képis et aux costumes-cravate, face au commandant Schoenher et à la futurologue de la préfecture de police, face au préfet Vedel et aux cadres d’Idemia ou de Thales, il nous faut déjouer le piège qui nous est tendu. Dans le peu de temps qui nous est imparti, nous leur disons que nous savons. Nous savons que ce qu’ils attendent, c’est que nous disions ce que pourraient être des lois et des usages « socialement acceptables » [s’agissant de la reconnaissance faciale]. La même proposition vient alors de nous être faite par le Forum économique mondial et le Conseil national du numérique. Un peu plus de transparence, un semblant de contrôle par la CNIL, une réduction des biais racistes et autres obstacles apparemment »techniques » auxquels se heurtent encore ces technologies, et l’on croit possible d’assurer un compromis »éthique » entre la défense automatisée de l’ordre public et l’État de droit.
Mais nous leur disons tout net : la reconnaissance faciale et les autres technologies de VSA [vidéosurveillance algorithmique] doivent être proscrites. Plutôt que de discuter des modalités d’un »encadrement approprié », nous exprimons notre refus. Nous leur disons que, pour nous, la sécurité consiste d’abord en des logements dignes, un air sain, la paix économique et sociale, l’accès à l’éducation, la participation politique, l’autonomie patiemment construite, et que ces technologies n’apportent rien de tout cela. Que sous prétexte d’efficacité, elles perpétuent des logiques coloniales et déshumanisent encore davantage les rapports qu’entretiennent les bureaucraties policières à la population. »
….
« Le glissement de l’urbanisme cybernétique vers des applications techno-sécuritaires semble irrésistible. Début 1967, aux États-Unis, une autre commission lancée par le président Johnson et dirigée par l’ancien ministre de la Justice de Kennedy, Nicholas Katzenbach – qui rejoindra d’ailleurs IBM en 1969 et y fera une bonne partie de sa carrière – a, elle aussi, rendu un rapport sur la montée des « troubles à l’ordre public » (…). C’est un programme d’ampleur qui est proposé : édiction d’un plan national de R&D qui devra notamment se pencher sur l’approche des politiques pénales en termes de « système », relevés statistiques couplés au déploiement d’ordinateurs et à la géolocalisation des véhicules de police pour optimiser voire automatiser l’allocation des patrouilles et s’adapter en temps réel à la délinquance, automatisation de l’identification biométrique par empreintes digitales, technologies d’aide à la décision dans le suivi des personnes condamnées, etc. La pensée techno-sécuritaire infuse l’ensemble des recommandations. Et l’on remarquera au passage combien la police du futur des années 1960 ressemble à la nôtre. Comme si le futur, lui non plus, ne passait pas. »
…
« Lorsque la technologie échoue à rendre la police plus précise ou efficace dans la lutte contre la délinquance, cela ne signifie pas qu’elle ne produit pas d’effets. Constater un tel échec doit plutôt inviter à déplacer le regard : l’une des principales fonctions politiques dévolues aux technologies ne consiste pas tant à produire de la « sécurité publique » qu’à relégitimer l’action de la police, à redorer le blason de l’institution en faisant croire à un progrès en termes d’efficience, d’allocation des ressources, de bonne gestion, de transparence, de contrôle hiérarchique. Il en va ainsi depuis la fin du XIXe siècle et le début de la modernisation de la police, lorsque le préfet Lépine mettait en scène l’introduction de nouveaux équipements, les bicyclettes ou les chiens de police. C’est aussi une dimension centrale des premiers chantiers informatiques des années 1960 que de rationaliser une administration perçue comme archaïque. Reste que cette promesse d’une police rendue plus acceptable, transparente ou légitime grâce à la technologie est toujours trahie dans les faits. »
…
« Tandis que l’extrême droite s’affirme de manière toujours plus décomplexée partout dans le champ du pouvoir, ces processus grâce auxquels les élites libérales gèrent la dissonance cognitive induite par leur complicité objective avec la spirale autoritaire en cours forment l’un des rouages les plus efficaces du fascisme qui vient. »