22.10.2025 à 15:55
Human Rights Watch
Le 14 octobre, la presse a révélé que les forces russes ont mené une attaque par drones contre un convoi interagence des Nations Unies qui acheminait de l’aide humanitaire à Bilozerka, dans la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine. Le lendemain, une chaîne Telegram affiliée à l’armée russe a diffusé une vidéo de l’attaque, afin que le monde entier puisse la voir.
Click to expand Image Une colonne de fumée noire s’élevait au-dessus d’un camion du Programme alimentaire mondial (World Food Programme, WFP), frappé par un drone russe près de la ville de Bilozerka située dans la région de Kherson en Ukraine, le 14 octobre 2025. Ce camion faisait partie d’un convoi de quatre véhicules des Nations Unies qui tentait d’acheminer de l'aide humanitaire aux habitants de Bilozerka. © 2025 Oleksandr Prokudin/Administration militaire régionale de KhersonAprès avoir passé la majeure partie de l'année à enquêter sur des attaques similaires menées par des drones russes dans la région de Kherson, à discuter avec des survivants et à analyser des centaines de vidéos comme celle-ci, tournée à Bilozerka, j'ai à nouveau été choqué mais pas surpris.
L'armée russe utilise ces drones quadricoptères équipés de caméras permettant aux opérateurs de voir leurs cibles en temps réel, pour mener une campagne brutale et dévastatrice dans la région de Kherson. Chaque mois, des centaines de civils sont tués ou blessés : des habitants dans leurs foyers, des agriculteurs en plein travail, des équipes médicales en intervention, ou encore des travailleurs humanitaires tentant de venir en aide aux plus démunis.
Dans son dernier rapport mensuel, la Mission de surveillance des droits de l'homme de l’ONU en Ukraine a signalé que les drones à courte portée, similaires à ceux utilisés lors de l'attaque contre le convoi, demeurent la principale cause de pertes civiles dans les zones proches de la ligne de front. En septembre, ils ont fait 54 morts et 272 blessés.
Moins de 24 heures après l'attaque du convoi humanitaire, une vidéo de 4 minutes filmée par l'un des drones a été diffusée sur des chaînes Telegram affiliées à l'armée russe. On y voit en détail comment des opérateurs russes ont piloté au moins trois drones équipés d'explosifs, frappant deux camions d'aide humanitaire clairement identifiés comme appartenant à l'ONU.
Selon une déclaration du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, aucun travailleur n'a été blessé, mais deux des quatre camions ont été endommagés et incendiés.
Click to expand Image Deux images extraites d’une vidéo filmée le 14 octobre 2025 par des drones russes près de la ville de Bilozerka dans la région de Kherson en Ukraine, et diffusée le lendemain par une chaîne Telegram russe. Ces images montrent l’attaque russe contre un convoi de quatre camion des Nations Unies qui tentait d’acheminer de l'aide humanitaire aux habitants de Bilozerka. Les camions de l’ONU étaient clairement identifiables grâce aux initiales UN et WFP (World Food Programme - Programme alimentaire mondial). © 2025 TelegramLes opérateurs russes des drones savaient qu'ils visaient un convoi de l'ONU. Le fait qu'ils aient partagé la vidéo pour que tout le monde puisse la voir indique qu'ils ne pensent pas avoir à en subir les conséquences.
Ils ne devraient pas compter là-dessus. La Cour pénale internationale (CPI), les autorités ukrainiennes et les autorités nationales d'autres pays enquêtent actuellement sur les crimes de guerre et autres atrocités commis en Ukraine. La CPI a émis des mandats d'arrêt contre six hauts responsables russes, dont le président Vladimir Poutine.
Alors que la Russie, les États-Unis et d’autres pays qui craignent que ses dirigeants soient un jour tenus responsables par la Cour tentent d’en saper l’autorité, cette attaque flagrante et illégale devrait rappeler aux gouvernements leur responsabilité de défendre la justice et les institutions qui la garantissent.
21.10.2025 à 18:16
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 20 octobre, les autorités saoudiennes ont exécuté un homme condamné pour des crimes qu'il aurait commis alors qu'il était mineur, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Abdullah al-Derazi avait été condamné à mort après avoir été accusé de terrorisme, suite à sa participation à des manifestations et à des cortèges funéraires. Il était la 300ème personne exécutée par les autorités saoudiennes à ce jour en 2025.
Les autorités saoudiennes ont procédé à des exécutions à un rythme sans précédent depuis le début de l'année 2025, apparemment sans respecter les normes de procédure régulière ; parmi les personnes exécutées figuraient au moins un journaliste de renom, et au moins 198 individus qui avaient été reconnus coupables d’infractions non violentes liées à la drogue. Le 21 août, les autorités ont procédé a l’exécution de Jalal al-Labbad, qui avait été visé par des chefs d'accusation similaires à celles portées contre Abdullah al-Derazi, suite à sa participation à des manifestations alors qu'il était mineur.
« En procédant à l'exécution d'Abdullah al-Derazi, les autorités saoudiennes ont franchi deux étapes horribles : 300 exécutions au cours des 10 premiers mois de 2025, et la deuxième exécution d'une personne accusée d'avoir commis des crimes en tant qu’enfant », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Ces exécutions devraient dissiper tous les doutes qui subsistent encore dans le monde quant au bilan désastreux de l'Arabie saoudite en matière de droits humains. »
Abdullah al-Derazi appartenait à la minorité musulmane chiite du pays, qui souffre depuis longtemps de discrimination et de violence systématiques de la part du gouvernement. La police saoudienne l'a arrêté en août 2014 après l'avoir appréhendé et sévèrement battu dans la rue, selon l'Organisation européenne-saoudienne pour les droits humains (European Saudi Organization for Human Rights, ESOHR). Les autorités saoudiennes l'ont soumis à un isolement cellulaire prolongé, à d'autres formes de torture, notamment des coups et des brûlures au visage et autour des yeux, et l'ont contraint sous la torture à signer des aveux, selon l'ESOHR.
En février 2018, la Cour pénale spécialisée d'Arabie saoudite, de triste notoriété, a condamné Abdullah al-Derazi à mort pour des infractions liées à des manifestations qu'il aurait commises à l'âge de 17 ans ; cette condamnation a été prononcée en vertu de la loi antiterroriste du pays, selon des documents judiciaires. En 2023, ESOHR et MENA Rights Group ont appris que la Cour suprême avait rendu un arrêt secret confirmant la condamnation à mort d'Abdullah al-Derazi.
Le 20 octobre, le ministère de l'Intérieur saoudien a annoncé l'exécution d'Abdullah Al-Derazi, affirmant qu'il avait commis des « crimes terroristes » et « créé une organisation terroriste visant à déstabiliser la sécurité et à tirer sur les quartiers généraux des services de sécurité et ses membres, dans l'intention de les tuer, en collaboration avec un groupe de la même organisation ».
Précédemment, le 21 août 2025, les autorités ont exécuté Jalal al-Labbad, âgé de 15 ans au moment des faits qui lui étaient reprochés. Les autorités saoudiennes l’ont arrêté en 2017 après qu’il eut participé à des manifestations et à des cortèges funéraires, a rapporté l'ESOHR. Sa famille n'a pas été informée de la date de son exécution et aurait appris sa mort par les médias, selon un communiqué publié le 5 septembre par des experts en droits humains des Nations Unies. Ces experts ont appelé le gouvernement saoudien à « restituer immédiatement le corps de M. al-Labbad à ses proches, et à autoriser un examen médico-légal indépendant ».
Les accusations portées contre Abdullah al-Derazi et Jalal al-Labbad, les deux Saoudiens accusés d'infractions commises lorsqu'ils étaient mineurs, reposaient presque exclusivement sur leurs aveux. Or, Human Rights Watch a documenté une série de violations des droits à un procès équitable et à une procédure régulière dans le cadre du système pénal saoudien, y compris l'utilisation d'aveux obtenus sous la contrainte, dans d’autres affaires de mineurs condamnés à mort. Ceci signifie qu’il est peu probable qu' Abdullah al-Derazi ou Jalal al-Labbad aient été jugés lors de procès équitables.
L'Arabie saoudite est un État partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui interdit strictement le recours à la peine capitale pour les infractions commises par des personnes âgées de moins de 18 ans. Human Rights Watch s'oppose à la peine de mort dans tous les pays et en toutes circonstances, la considérant comme un châtiment cruel et inhumain.
Les tribunaux saoudiens ont condamné à mort au moins six autres individus accusés d'infractions lorsqu’ils étaient mineurs : Yousef al-Manasif, Ali al-Mabiouq, Jawad Qureiris, Ali al-Subaiti, Hassan al-Faraj et Mahdi al-Mohsen. Ces cinq derniers risquent d'être exécutés en raison d’accusations similaires à celles portées contre Abdullah al-Derazi et Jalal al-Labbad. Des experts de l'ONU et des organisations de défense des droits humains ont exhorté l’Arabie saoudite à mettre fin aux exécutions d’individus accusés d’infractions commises alors qu'ils étaient mineurs.
En novembre 2024, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire avait publié un avis concernant les cas de cinq détenus saoudiens – Abdullah al-Derazi, Jalal al-Labbad, Yusuf al-Manasif, Jawad Qureiris et Hassan al-Faraj – et conclu qu’il s’agissait de cinq cas de « détention arbitraire ».
Le droit international relatif aux droits humains, y compris la Charte arabe des droits de l'homme, ratifiée par l'Arabie saoudite, souligne que les pays qui appliquent la peine de mort ne peuvent le faire que dans les cas des « crimes les plus graves » et dans des circonstances exceptionnelles. Déjà en novembre 2022, Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme avait publié une déclaration exprimant son inquiétude au sujet du nombre alarmant d'exécutions en Arabie saoudite, suite à la fin d'un moratoire officieux de 21 mois sur l'application de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue.
« Alors que le gouvernement saoudien poursuit ses efforts pour blanchir sa réputation désastreuse en matière de droits humains, en offrant des sommes colossales à des vedettes des mondes du spectacle et du sport, ces personnes devraient se demander si elles ne contribuent pas à faire oublier l'exécution d'hommes accusés d'infractions commises lorsqu'ils étaient mineurs », a conclu Joey Shea.
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21.10.2025 à 17:13
Human Rights Watch
(Bangkok) – Les autorités vietnamiennes ont réarrêté un ancien prisonnier politique, Huynh Ngoc Tuan, le 7 octobre, suite à ses commentaires sur les réseaux sociaux, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
La police de la province de Dak Lak a inculpé Huynh Ngoc Tuan de « propagande contre l'État » en vertu de l'article 117 du code pénal vietnamien. Elle devrait le libérer immédiatement. La loi vietnamienne autorise les autorités à refuser à Huynh Ngoc Tuan l'accès à un avocat et à toute visite de sa famille pendant la durée de l'enquête, qui peut prendre des mois, voire des années. S'il est reconnu coupable, il encourt jusqu'à 12 ans de prison.
« Les autorités vietnamiennes persécutent Huynh Ngoc Tuan depuis des décennies parce qu'il dénonce les injustices sociales au Vietnam », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement ne tolère vraiment aucune critique, d’où sa décision de l’emprisonner à nouveau. »
La réarrestation de Huynh Ngoc Tuan s'inscrit dans le cadre d’une nouvelle vague d'arrestations avant la tenue du 14ème Congrès du Parti communiste prévu en janvier 2026, ce qui suscite de vives inquiétudes quant à l'intensification de la répression de la liberté d'expression par le gouvernement. Ce Congrès, tenu tous les cinq ans depuis 1986, rassemblera les responsables chargés de sélectionner le bureau politique du parti, ses principaux dirigeants, le président de l'Assemblée nationale, ainsi que le président et le Premier ministre du pays. Une élection nationale est prévue en mars 2025, mais dans des conditions correspondant à un simulacre d’élection, ni libre ni équitable.
Huynh Ngoc Tuan, âgé de 62 ans, a été arrêté pour la première fois en 1992 et condamné à 10 ans de prison pour des ouvrages de fiction considérés comme politiquement inacceptables par les autorités. Après sa libération en 2002, il a repris ses activités dissidentes, écrivant un mémoire détaillant ses dix années passées dans différentes prisons et commentant les questions sociopolitiques nationales et internationales. Il a milité pour la liberté des médias, la liberté d'expression, les droits civils et politiques fondamentaux et la démocratie, proclamant comme devise : « Je m'exprime, donc je suis ».
Les autorités ont également pris pour cible la famille de Huynh Ngoc Tuan. En 2021, sa fille, Huynh Thuc Vy, a commencé à purger une peine de 30 mois de prison pour « manque de respect envers le drapeau national ». En juin et août 2025, la police a interdit au fils de Huynh Ngoc Tuan, Huynh Trong Hieu, de quitter le Vietnam pour des « raisons de sécurité ». En 2012, Human Rights Watch a décerné à Huynh Ngoc Tuan et à Huynh Thuc Vy le prix Hellman/Hammett pour la liberté d'expression, en reconnaissance de leur « courage et de leur conviction face à la persécution politique ».
Dans un message publié sur les réseaux sociaux en juillet, Huynh Ngoc Tuan a appelé le gouvernement vietnamien à agir en conformité avec ses « engagements juridiques internationaux, en particulier en matière de droits humains ». Il a affirmé : « Abroger les lois répressives, garantir la liberté de la presse et respecter la société civile sont non seulement des mesures nécessaires pour améliorer la situation intérieure, mais aussi une stratégie à long terme pour construire une alliance internationale résiliente. »
Le 7 octobre, la police de la province de Dak Lak a également arrêté Y Nuen Ayun, un pasteur montagnard de l'Église évangélique du Christ des Hauts Plateaux du Centre, et l'a inculpé d’« atteinte à la politique d'unité » en vertu de l'article 116 du code pénal. Les autorités l'ont accusé d'avoir « fourni à plusieurs reprises des informations fabriquées de toutes pièces sur les activités religieuses dans les Hauts Plateaux du Centre ». Elles l’ont aussi accusé d'avoir « calomnié le gouvernement » en soutenait que celui-ci avait arrêté et opprimé des personnes adhérant au « protestantisme chrétien ».
Les 6 et 8 octobre, la police de la province de Gia Lai a arrêté respectivement la militante des droits fonciers Vo Thi Phung, puis Nguyen Van Tong, accusé d’être son complice ; les deux activistes s’étaient opposés à la cérémonie d'inauguration d'un parc industriel, un projet de développement pour lequel les autorités locales avaient confisqué les terres des habitants. Les autorités ont accusé les deux personnes d'« abus des droits à la liberté et à la démocratie pour porter atteinte aux intérêts de l'État », en vertu de l'article 331 du code pénal.
Le 9 octobre, la police de la province de Nghe An a arrêté un blogueur, Nguyen Duy Niem, et l'a inculpé de propagande contre l'État en vertu de l'article 117 du code pénal. Les autorités l'ont poursuivi pour ses liens présumés avec l’Assemblée pour la démocratie et le pluralisme, un collectif fondé en France en 1982 pour militer en faveur des droits civils et politiques au Vietnam. La police a précédemment arrêté deux autres activistes, Tran Khac Duc (en novembre 2024) et Quach Gia Khang (en mars 2025), en raison de leur affiliation présumée à ce collectif.
Au cours des dix premiers mois de 2025, les autorités ont arrêté au moins 40 personnes pour avoir critiqué le gouvernement ou pour leur affiliation présumée à des groupes religieux ou politiques indépendants. Ces personnes ont été accusées d'« usage abusif des droits à la liberté [d’expression] et à la démocratie pour porter atteinte aux intérêts de l'État » (article 331), de « propagande contre l'État » (article 117) ou de « porter atteinte à la politique d'unité » (article 116).
Fin août et début septembre, la police de Hô Chi Minh-Ville a arrêté les activistes démocrates Ho Sy Quyet, Tran Quang Trung, Tran Quang Nam et Nguyen Van Tu. Dans les avis d'arrestation envoyés à leurs familles, la police n'a cité aucune raison concrète pour justifier ces arrestations.
« Le Vietnam vient d'être réélu en tant que pays membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies à Genève », a déclaré Patricia Gossman. « Le gouvernement vietnamien devrait montrer qu'il a sa place au sein du Conseil en libérant immédiatement toutes les personnes détenues simplement pour avoir exercé leurs droits fondamentaux. »
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20.10.2025 à 14:19
Human Rights Watch
Lorsque les gouvernements se réuniront à Paris cette semaine pour une conférence sur la diplomatie féministe, les sujets à aborder ne manqueront pas. Dans sa description de l'événement, le gouvernement français déplore que les progrès vers l'égalité des genres « ne soient pas assez rapides ». C'est un énorme euphémisme.
Nous sommes en proie à une crise mondiale qui menace les droits des femmes et des filles. Les droits reproductifs sont remis en cause partout dans le monde. Aux Nations Unies et dans d'autres instances internationales, les gouvernements antiféministes, de plus en plus entraînés par les États-Unis, tentent de saper les droits des femmes, et l'espace pour se faire entendre se réduit. En Afghanistan, l'oppression perpétrée par les talibans pousse à réclamer la création d'un crime international d'apartheid de genre. On assiste même à des débats sur la question de savoir si les femmes devraient être autorisées à voter.
La misogynie est l'un des outils préférés des autocrates. Trop nombreux sont ceux qui leur cèdent du terrain. Les États-Unis et les pays européens, dont la France, ont réduit les montants de leur aide étrangère, ce qui porte préjudice au travail de nombreuses organisations de défense des droits des femmes dans le monde entier.
La diplomatie féministe est un terme inventé en Suède en 2014. Bien que la Suède ait ensuite fait marche arrière, en 2024, une douzaine d'autres pays d'Europe, d'Amérique latine et d'Afrique du Nord se sont engagés à mettre en œuvre une politique étrangère féministe. La France a publié sa propre stratégie en mars.
Les pays qui se réunissent à Paris devraient jouer un rôle de premier plan pour empêcher l'érosion des droits des femmes, en adoptant une approche intersectionnelle centrée sur la voix des femmes marginalisées, notamment celles qui sont en situation de handicap et en première ligne face à la crise climatique. Ils devraient reconnaître que le choix des mots est important, dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et ailleurs. Les « solutions de contournement », telles que le fait d'éviter d'utiliser le terme « genre » dans les résolutions, compromettent les progrès réalisés.
Comme la France l'a également souligné, au rythme actuel, l'ONU prévoit que l'égalité des genres sera atteinte dans... 300 ans. Les pays qui mettent en œuvre une politique étrangère féministe devraient à la fois lutter contre les reculs et continuer à exiger des progrès.
Ils devraient faire pression pour que tous les pays financent la protection contre les violences sexuelles et sexistes et garantissent l'accès à la santé, à l'éducation et au logement.
Ils devraient insister pour que les défenseures des droits des femmes soient entenduess lors des débats du Conseil de sécurité, apporter leur soutien aux femmes soldats de la paix et faire pression pour que les femmes participent de manière équitable aux négociations de paix, à la rédaction des traités et à d'autres forums internationaux. Ils devraient soutenir une affaire devant la Cour internationale de justice concernant les violations de la convention sur les droits des femmes et créer un crime international d'apartheid de genre par le biais d'un traité des Nations unies sur les crimes contre l'humanité.
Espérons que la conférence de Paris suscitera un sentiment d'urgence, d'unité, de détermination et de volonté de lutter.
20.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth, 20 octobre 2025) – Trois femmes détenues dans la prison de Qarchak, une prison pour femmes située au sud de Téhéran, en Iran, et tristement célèbre pour ses conditions de détention abjectes, sont décédées entre le 16 et le 25 septembre après avoir été privées de soins médicaux, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Les décès en détention de Soudabeh Asadi, de Jamile Azizi et de Somayeh Rashidi, une prisonnière politique âgée de 42 ans, mettent en lumière le problème de la violation par les autorités iraniennes du droit à la vie des personnes incarcérées : leur refus de fournir des soins médicaux est la cause de nombreux décès, ou y contribue. Ces cas reflètent la politique de longue date des autorités iraniennes consistant à refuser des soins médicaux aux prisonnier-ère-s, menée dans le contexte d’autres traitements brutaux qui mettent en danger la vie de ces personnes.
« Les prisons en Iran, en particulier celle de Qarchak, sont devenues des lieux de tourments et de mort où la dignité et les droits fondamentaux des personnes détenues sont systématiquement bafoués », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Depuis des décennies, les autorités ont non seulement refusé d’améliorer les conditions de détention, mais elles ont délibérément utilisé le déni des droits fondamentaux, tels que l'accès aux soins médicaux, comme un outil de répression et de punition à l'encontre des personnes incarcérées. »
Selon les Règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (« Règles Nelson Mandela »), chaque État « a la responsabilité d’assurer des soins de santé » adéquats aux personnes détenues.
La prison de Shahr-e Rey, aussi appelée prison de Qarchak, est tristement célèbre pour ses conditions de détention inhumaines, notamment le manque d'hygiène, les cellules surpeuplées et l'accès insuffisant aux services de base et aux soins médicaux. La situation est si désastreuse que de nombreuses prisonnières ont entamé des grèves de la faim, en guise de protestation. La prison de Qarchak est devenue un sombre symbole de la violation continue par le gouvernement iranien des droits humains des personnes détenues.
Depuis des années, des organisations de défense des droits humains, des activistes, des experts et des organes des Nations Unies expriment leur inquiétude quant aux conditions de détention dans cette prison, et au refus des autorités d'y fournir des soins médicaux. En août 2025, Human Rights Watch a de nouveau tiré la sonnette d'alarme sur la situation désastreuse des prisonnières politiques iraniennes, notamment celle des détenues malades qui avaient été transférées de la prison d'Evin vers la section de quarantaine de la prison de Qarchak après l'attaque israélienne contre la prison d'Evin, menée le 23 juin.
Parmi ces prisonnières transférées vers Qarchak fin juin se trouvait Somayeh Rashidi, qui avait été arrêtée en avril 2025 pour avoir écrit des slogans de protestation à Téhéran, selon Human Rights Activists in Iran (HRANA), une organisation de défense des droits humains basée aux États-Unis. Selon HRANA, le 16 septembre, Somayeh Rashidi a subi une crise d'épilepsie dans la prison de Qarchak ; elle a été transportée à l'hôpital Mofatteh de Varamin, ou elle est décédée le 25 septembre. Plus tard le même jour, l'agence de presse officielle du pouvoir judiciaire iranien, Mizan, a confirmé le décès d'une prisonnière identifiée comme « S.R. ».
Des médecins ont indiqué que le retard pris dans l’hospitalisation de Somayeh Rashidi était la cause principale du déclin irréversible de son état de santé, a déclaré une source bien informée à HRANA. Selon HRANA, Somayeh Rashidi était parfois incapable de marcher ou de prendre soin d'elle-même lors de sa détention, en raison de ses problèmes de santé. Les autorités judiciaires et pénitentiaires, ainsi que le personnel médical de la prison de Qarchak, étaient informés du grave état de santé de Somayeh Rashidi, mais lui ont refusé des soins médicaux appropriés en temps opportun ; au lieu de cela, le personnel lui a administré des sédatifs et des médicaments psychiatriques qui ont aggravé ses symptômes, selon HRANA. Les responsables de la prison ont même accusé Somayeh Rashidi de simuler sa maladie lorsqu'elle est tombée si malade que d'autres prisonnières ont dû la porter jusqu'à la clinique de la prison le 15 septembre, ont déclaré des sources à Human Rights Watch.
Conformément à la tendance des autorités iraniennes à nier les faits, à déformer la réalité ou à éluder leur responsabilité dans de tels incidents, l’agence du pouvoir judiciaire iranien Mizan a affirmé quelques jours après la mort de Somayeh Rashidi qu'elle avait des antécédents de toxicomanie et de troubles neurologiques, et qu'elle avait reçu un traitement approprié en prison.
La mort de Somayeh Rashidi est survenue après les décès de deux autres détenues de la prison de Qarchak. Selon HRANA, Soudabeh Asadi, qui y était détenue pour des accusations de fraude financière, est décédée le 16 septembre, après que les autorités lui eurent refusé des soins médicaux et retardé son transfert à l'hôpital. Le 19 septembre, Jamile Azizi, qui était détenue pour des motifs dont Human Rights Watch n’a pas connaissance, a été emmenée à la clinique de la prison avec des symptômes de crise cardiaque. Après l'avoir examinée, les médecins lui ont dit qu'elle ne souffrait d’aucun trouble sérieux et devait retourner dans sa cellule ; elle y est décédée peu après, a déclaré une source à HRANA.
Une défenseure iranienne des droits humains précédemment détenue à Qarchak a déclaré à Human Rights Watch qu'elle y avait souffert d’intenses douleurs thoraciques ; toutefois, les responsables de la clinique de cette prison l'ont renvoyée dans sa cellule sans lui faire passer un examen. Même lorsque sa santé s’est dégradée, ces responsables ont délibérément retardé son transfert vers un hôpital. « Ils nous exposent toutes [les prisonnières] au risque de mort », a-t-elle affirmé.
Les récents décès des trois détenues iraniennes sont les derniers en date d'une longue série de cas documentés dans lesquels les autorités ont refusé à des personnes incarcérées l'accès aux soins de santé, parfois pour punir et réduire au silence des dissident-e-s. Dans un rapport publié en avril 2022, Amnesty International a détaillé les circonstances entourant la mort en détention de dizaines d'hommes et de femmes dans 30 prisons à travers l’Iran depuis 2010, à la suite d'un refus de soins médicaux. De nombreux cas de ce type, en particulier parmi les prisonniers détenus pour des délits mineurs et ceux issus de communautés marginalisées, ne sont même pas signalés. La crainte de représailles de la part des autorités entrave aussi la capacité de nombreuses familles à défendre les intérêts de leurs proches.
Le 9 octobre, les autorités ont transféré plusieurs prisonnières politiques qui étaient détenues à Qarchak vers le quartier 6 de la prison d'Evin. Des activistes et des organisations de défense des droits humains ont signalé qu'elles y étaient détenues dans de mauvaises conditions, sans accès aux produits de première nécessité. La situation des prisonnières renvoyées à la prison d'Evin est préoccupante, étant donné que les frappes aériennes israéliennes du 23 juin ont causé d'importants dégâts aux installations vitales de cette prison, notamment à la clinique et à la salle des visites.
Les autorités iraniennes continuent de refuser aux prisonnières politiques de Qarchak et d'Evin l'accès à des soins médicaux adéquats. Des sources ont indiqué à Human Rights Watch que Maryam Akbari Monfared, une femme âgée de 48 ans détenue à Qarchak, souffre de graves problèmes au niveau du dos et de la colonne vertébrale qui nécessiteraient une opération chirurgicale et un traitement spécialisé, sans lesquels elle risque la paralysie ; toutefois, son transfert provisoire vers un hôpital n’a toujours pas été autorisé. Maryam Akbari Monfared est emprisonnée à Qarchak depuis 15 ans, sur la base d'une accusation vague d'« inimitié envers Dieu » (« moharebeh »), sans avoir bénéficié d'un seul jour de permission.
Warisha Moradi, une activiste kurde détenue à la prison d'Evin et qui a été condamnée à mort, a également besoin de soins médicaux urgents pour plusieurs problèmes de santé, a déclaré une source à Human Rights Watch.
De nombreuses autres détenues souffrant de problèmes de santé dans diverses prisons en Iran, dont des prisonnières politiques telles que l’activiste kurde Zeynab Jalalian, sont également privées de soins médicaux.
En vertu du droit international, les États ont l'obligation de mener des enquêtes indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces et approfondies sur les décès survenus dans des circonstances potentiellement illégales, y compris ceux survenus en détention. Toutefois, dans un contexte d'impunité de longue date, les autorités iraniennes ont systématiquement manqué à leur devoir de mener de telles enquêtes sur les décès de personnes détenues. Dans plusieurs cas, les autorités ont simplement nié les allégations selon lesquelles elles auraient intentionnellement privé ces personnes de soins médicaux adéquats, lors de déclarations faites quelques heures après le décès ; dans d’autre cas, les autorités ont qualifié des décès de « suicides », ou de conséquence de la toxicomanie.
Les autorités iraniennes devraient immédiatement fournir en temps opportun des soins médicaux appropriés – y compris l’autorisation de traitements spécialisés en dehors des prisons – à toutes les personnes détenues en ayant besoin, a déclaré Human Rights Watch.
« La communauté internationale devrait exercer une forte pression sur les autorités iraniennes afin qu'elles remédient aux conditions déplorables auxquelles les prisonnières et prisonniers sont soumises dans tout le pays, y compris à Qarchak, et qu'elles leur fournissent l’accès à des soins médicaux appropriés », a conclu Michael Page.
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CSDHI
16.10.2025 à 22:37
Human Rights Watch
(Séoul, 16 octobre 2025) – Depuis 2024, les autorités chinoises ont renvoyé de force au moins 406 personnes en Corée du Nord, malgré le grave risque de persécution et de mauvais traitements auquel ces retours les ont exposées, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch.
Le renvoi forcé de Nord-Coréens par le gouvernement chinois les expose à un risque élevé de torture, d'emprisonnement abusif, de violences sexuelles, de travail forcé et d'exécution potentielle, en violation du droit international relatif aux droits humains. Les responsables chinois chargés de ces expulsions illégales s'exposent à des poursuites pénales pour avoir facilité des crimes commis sous le régime totalitaire du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un.
« Les autorités chinoises ont renvoyé des centaines de Nord-Coréens vers leur pays, tout en sachant qu’elles risquent d’y être sévèrement persécutées », a déclaré Lina Yoon, chercheuse senior sur la Corée à Human Rights Watch. « Pékin devrait immédiatement autoriser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à accéder à toutes les personnes menacées de renvoi forcé vers la Corée du Nord, et publier des données sur tous les Nord-Coréens détenus en Chine ou déjà expulsés. »
Les 406 cas sont basés sur des informations fournies par Stephen Kim, pseudonyme d'une personne disposant de nombreux contacts en Corée du Nord et en Chine. Human Rights Watch considère depuis longtemps les rapports de son réseau sur les rapatriements forcés comme crédibles. Ce nouveau chiffre porte à au moins 1 070 le nombre total de retours forcés depuis 2020. Aucune donnée officielle n'est disponible.
En 2014, un rapport publié par la Commission d'enquête des Nations Unies sur les droits humains en Corée du Nord, avait conclu que les Nord-Coréens « rapatriés de force » sont « systématiquement » soumis à des actes constituant des crimes contre l'humanité, notamment la torture, les violences sexuelles, le travail forcé, les disparitions forcées et des conditions de détention inhumaines. La Commission avait alors averti que la coopération de la Chine dans l'identification et le rapatriement des fugitifs nord-coréens pourrait constituer une complicité dans ces crimes.
En mai 2024, des experts des droits humains de l'ONU ont réitéré leurs préoccupations concernant les retours forcés en Corée du Nord. En septembre 2025, le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies a publié au sujet de ce pays un rapport constatant que « tout au long de la dernière décennie, les personnes rapatriées ont été victimes de graves violations des droits humains, notamment de détentions arbitraires, de tortures, de mauvais traitements, de disparitions forcées et de violences sexuelles et sexistes ». Le rapport rappelle que tous les États doivent « respecter pleinement le principe de non-refoulement », selon lequel une personne ne peut être renvoyée vers un pays où elle risque d'être maltraitée, et « s'abstenir systématiquement de procéder à des rapatriements forcés, compte tenu du risque réel de violations graves des droits humains ».
En novembre 2024, plusieurs experts des droits humains des Nations Unies ont adressé aux gouvernements de la Corée du Nord et de la Chine un courrier exprimant leur inquiétude concernant les informations selon lesquelles, en août 2024, la Corée du Nord avait exécuté deux femmes qui faisaient partie des personnes rapatriées de force en octobre 2023. Les experts se sont aussi enquis du sort des autres personnes soumises à des rapatriements forcés, mais n’ont reçu aucune réponse.
Déjà en juillet 2023, dans le cadre de l'Examen périodique universel de la Chine au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HRC) avait exhorté ce pays à reconnaître que de nombreux Nord-Coréens ont besoin d'une protection internationale en raison des traitements sévères infligés à ceux qui sont renvoyés vers leur pays. Le HCR avait appelé Pékin à leur garantir l'accès aux procédures d'asile et aux documents qui leur permettraient de résider légalement en Chine.
Human Rights Watch a vérifié de nombreux cas de retours forcés depuis 2024, sans toutefois pouvoir obtenir des informations précises sur la situation actuelle de ces personnes, ni sur le lieu où elles se trouvent.
Parmi ces personnes figurent 108 travailleurs nord-coréens qui résidaient dans la ville de Helong, dans la province de Jilin en Chine ; ils ont été renvoyés en Corée du Nord en janvier 2024, après qu'une manifestation pour réclamer le versement de leurs salaires impayés a dégénéré en violences. Suite à leur retour en Corée du Nord, ils auraient été transférés vers des prisons où sont détenus des prisonniers politiques.
En avril 2024, 60 Nord-Coréens qui vivaient dans les provinces chinoises de Jilin et de Liaoning ont été renvoyés vers leur pays. Au cours de l'année 2024, 212 femmes nord-coréennes qui avaient été victimes du trafic de personnes, puis détenues en Chine dans les villes de Kunming (province du Yunnan), Nanning (province du Guangxi) et Pinxiang (province du Jiangxi) ont été renvoyées vers la Corée du Nord. Début 2025, un Nord-Coréen âgé de 36 ans et accusé de piratage informatique a été expulsé vers son pays. Vers la mi-2025, cinq femmes qui avaient été soumises à des mariages forcés dans les provinces chinoises de Jilin et Heilongjiang ont été renvoyées vers la Corée du Nord.
Entre décembre 2024 et juillet 2025, les autorités chinoises ont également renvoyé de force 20 femmes nord-coréennes, parmi 22 femmes détenues en Mongolie intérieure. Les deux femmes qui n'ont pas été renvoyées de force vers la Corée du Nord avaient été victimes de traite à des fins de mariage forcé en Chine, et étaient enceintes. Elles ont été contraintes de retourner dans les domiciles des deux hommes chinois qui avaient payé des trafiquants afin de les épouser.
Les femmes qui tombent enceintes lors de relations coercitives avec des hommes chinois sont soumises à un traitement particulièrement sévère en cas de retour en Corée du Nord, ont déclaré trois anciens responsables du gouvernement nord-coréen à Human Rights Watch. La Commission d'enquête de 2014 avait constaté que les autorités nord-coréennes soumettaient systématiquement ces femmes à des avortements forcés, voire même des infanticides de nourrissons. Selon le rapport, ces graves abus sont dus à une « attitude raciste à l’égard des enfants coréens d’origine mixte », perçus par le gouvernement comme une menace pour la soi-disant pureté du peuple nord-coréen.
Au mois de juillet 2025, plus d'une centaine de femmes nord-coréennes étaient toujours détenues dans des centres de détention des provinces du sud de la Chine. Elles avaient été victimes de traite à des fins de mariage forcé, avaient eu des enfants et tentaient de rejoindre un pays tiers sûr. Les autorités chinoises prévoyaient de les renvoyer chez les hommes auxquels elles avaient été « vendues », avant la visite du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un à Pékin, début septembre. Human Rights Watch a appris qu'au moins 28 de ces femmes ont en effet été renvoyées auprès de ces hommes, en Chine.
Le gouvernement chinois continue de qualifier de nombreux Nord-Coréens sans papiers de « migrants économiques » illégaux, et de les renvoyer de force vers leur pays, en vertu d'un protocole frontalier de 1986. Sous le président Xi Jinping, la surveillance de masse en Chine, exercée dans un contexte de répression croissante, a facilité le repérage systématique de personnes nord-coréennes et leur renvoi forcé vers leur pays.
Pékin a rejeté les appels internationaux visant à mettre fin à ces retours forcés. En 2024, lors de l'Examen périodique universel de la Chine au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, la délégation chinoise a explicitement rejeté les recommandations appelant à la cessation des expulsions de Nord-Coréens vers leur pays.
En tant qu'État partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, ainsi qu'à la Convention de 1984 contre la torture, la Chine est légalement tenue de ne renvoyer de force aucune personne vers un pays où elle risque réellement d'être persécutée ou torturée. Cette interdiction, en vertu du principe de non-refoulement, est également contraignante pour la Chine en vertu du droit international coutumier.
En 2010, le ministère nord-coréen de la Sécurité publique a adopté un décret faisant de la défection un crime de « trahison contre la nation », passible de la peine de mort. En vertu du droit international, les Nord-Coréens ayant quitté leur pays sans autorisation et qui risquent d'être rapatriés de force sont considérés comme des « réfugiés sur place », c'est-à-dire des personnes qui deviennent réfugiées, quelles que soient les raisons de leur départ ou les persécutions antérieures.
Le gouvernement chinois devrait immédiatement mettre fin aux renvois forcés de Nord-Coréens, accorder l'asile aux réfugiés nord-coréens et leur permettre de s'intégrer pleinement en Chine s'ils le souhaitent ; ou de manière alternative, il devrait leur permettre de demander la réinstallation dans un pays tiers, ou de traverser en toute sécurité le territoire chinois pour se rendre dans un pays tiers. Les autres gouvernements et les donateurs devraient accroître leur soutien aux organisations qui viennent en aide aux fugitifs, en particulier celles qui offrent une protection tenant compte des spécificités de genre aux femmes et aux enfants exposés au risque de traite ou de rapatriement.
« Le gouvernement chinois devrait cesser de renvoyer de force des Nord-Coréens, et demander plutôt à Pyongyang de mettre fin aux conditions oppressives qui poussent les gens à fuir la Corée du Nord », a conclu Lina Yoon. « Les autres gouvernements devraient exhorter la Corée du Nord à permettre à des personnes de partir librement, et ils devraient apporter un soutien durable aux organisations qui protègent les fugitifs nord-coréens. »
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16.10.2025 à 22:00
Human Rights Watch
(Nairobi) – La nouvelle révision de la constitution du Tchad abolissant la limitation du nombre de mandats présidentiels constitue un grave recul pour l'état de droit et la démocratie, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Cette modification ouvre la voie à un maintien indéfini au pouvoir du président Mahamat Idriss Déby, affaiblissant encore davantage les perspectives d'un changement démocratique significatif du gouvernement, de manière conforme aux normes internationales, notamment en matière de droit de vote et de participation politique.
« En supprimant la limitation du nombre de mandats présidentiels, les autorités tchadiennes ont démantelé un garde-fou important contre l'autoritarisme », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l'Afrique centrale à Human Rights Watch. « Au lieu de renforcer les normes démocratiques qui permettent une concurrence politique dans le cadre d'élections périodiques, libres et équitables, le gouvernement a consolidé les bases d'un régime dominé par un seul homme. »
Le 3 octobre, le président a finalisé les modifications constitutionnelles, qui avaient été accélérées et approuvées par les deux chambres du Parlement après avoir été votées à la mi-septembre. Le Mouvement patriotique du salut (MPS), qui domine l'Assemblée nationale, a approuvé à une forte majorité des amendements importants à des dispositions constitutionnelles, qui suppriment les limites du mandat présidentiel et prolongent chaque mandat de cinq à sept ans. Certains députés de l'opposition ont toutefois boycotté le vote, qualifiant le processus d'anticonstitutionnel et d'illégitime.
Le gouvernement a défendu cette révision constitutionnelle comme étant « technique », mais ces modifications rendent légal un règne d’une période indéfinie pour Mahamat Idriss Déby, qui est au pouvoir depuis 2021 après la mort de son père, l'ancien président Idriss Déby Itno, qui avait lui-même dirigé le Tchad pendant 30 ans.
L'abolition de la limitation du nombre de mandats supprime également un contrôle constitutionnel essentiel qui garantit le transfert pacifique du pouvoir, a déclaré Human Rights Watch. Sans cette garantie, une seule personne et un seul parti pourraient dominer la présidence. Cette mesure s'inscrit dans une tendance au recul démocratique en Afrique centrale, où les gouvernements ont recours à des amendements constitutionnels pour consolider leur pouvoir, une tendance que certains experts qualifient de « coups d'État constitutionnels ». Et ce, malgré la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, à laquelle le Tchad est un État partie, qui stipule que « tout amendement ou toute révision des Constitutions [...] qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique » est un « moyen [...] pour se maintenir au pouvoir [qui] constitue un changement anticonstitutionnel » qui doit être sanctionné. Au Tchad, où les partis d'opposition et la société civile sont déjà victimes de harcèlement et d'intimidation de la part du gouvernement, ce changement renforce encore davantage le pouvoir du MPS.
À l'approche des élections d'avril 2021, tenues juste avant la mort de feu Idriss Déby Itno, les forces de sécurité avaient violemment dispersé à plusieurs reprises des manifestations pacifiques de l'opposition à N'Djamena, tirant des gaz lacrymogènes, frappant les manifestants et arrêtant arbitrairement des membres de l'opposition et des activistes de la société civile.
Après la mort d’Idriss Déby Itno, l'armée, dirigée par Mahamat Idriss Déby, a pris le contrôle du pays.
Alors que les autorités militaires avaient promis une transition vers la démocratie après la prise de pouvoir, elles ont au contraire suivi un scénario familier de consolidation du pouvoir et de restriction des libertés politiques, a déclaré Human Rights Watch. La transition militaire qui a suivi la mort d’Idriss Déby Itno n'aurait jamais dû avoir lieu. Selon la Constitution tchadienne alors en vigueur, adoptée en 2018, en cas de décès du président, le président de l'Assemblée nationale devrait provisoirement diriger le pays pendant 45 à 90 jours avant d'organiser de nouvelles élections.
Les violences ont atteint leur paroxysme en octobre 2022 lorsque des manifestants ont exigé une transition vers un régime civil. Les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants, tuant nombre de personnes, et en ont arrêté des centaines d’autres avant de les envoyer à la prison de haute sécurité de Koro Toro, dans le nord du pays.
Après des affrontements intercommunautaires meurtriers dans la province du Logone occidental, le dirigeant de l'opposition et ancien Premier ministre Succès Masra a été arrêté à N'Djamena en mai 2025 sur la base de diverses accusations, notamment incitation à la haine et à la violence. À l'issue d'un procès à motivation politique, il a été condamné à 20 ans de prison et à une amende d'un milliard de francs CFA. Il est toujours en détention aujourd'hui.
Au lieu de tirer les leçons de l'Histoire, les dirigeants tchadiens réécrivent et répètent les mêmes erreurs qui ont maintenu le pays emprisonné dans un cycle d'autoritarisme, a déclaré Human Rights Watch.
Ce n'est pas la première fois que le Tchad supprime la limitation du nombre de mandats. Feu Idriss Déby Itno avait supprimé cette limitation en 2005, lui permettant de rester au pouvoir jusqu'à sa mort. En 2018, la limitation à deux mandats avait été rétablie, mais avec une augmentation de la durée de chaque mandat de cinq à six ans. Le défunt président avait été autorisé à se présenter à ces deux mandats supplémentaires jusqu'à sa mort. La décision de son fils de supprimer à nouveau la limitation, sept ans seulement après son rétablissement, souligne à quel point la manipulation constitutionnelle est devenue un outil de maintien d’emprise sur le pouvoir.
Les autorités tchadiennes devraient envisager de rétablir la limitation du nombre de mandats présidentiels et veiller à ce que tout processus de réforme constitutionnelle soit transparent et inclusif. Les dirigeants de l'opposition qui ont boycotté le vote parlementaire ont demandé la tenue d'un référendum afin de s'assurer du soutien populaire de ces changements. Un référendum similaire avait été organisé en 2023 pour approuver une nouvelle constitution, mettant fin au régime militaire.
Les autorités devraient également mettre immédiatement fin aux poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques, libérer les dirigeants de l'opposition politique tels que Succès Masra et garantir la liberté d'expression et de réunion.
« La répression est devenue monnaie courante au Tchad et aujourd'hui, la Constitution elle-même est en train d'être réécrite afin de restreindre davantage les droits des citoyens », a conclu Lewis Mudge. « En l'absence de mécanisme crédible de passation démocratique du pouvoir, d'autres institutions telles que le Parlement, le pouvoir judiciaire et la presse perdent leur capacité à exercer un contrôle efficace sur le pouvoir exécutif. »
15.10.2025 à 21:18
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 25 septembre, les autorités houthies au Yémen ont arrêté Abdulmajeed Sabra, un avocat défenseur des droits humains qui avait publié sur les réseaux sociaux un message commémorant une fête nationale d’indépendance à laquelle s'opposent les Houthis ; les autorités devraient le libérer immédiatement, ont déclaré aujourd'hui 17 organisations non gouvernementales, dont Human Rights Watch.
Déclaration conjointe des 17 organisations :
Le 25 septembre, selon un membre de sa famille, plusieurs militaires houthis et d'autres hommes armés en tenue civile ont fait irruption dans le bureau Abdulmajeed Sabra, situé dans le quartier de Shamila dans la capitale, Sanaa ; ils l’ont arrêté et emmené vers une destination inconnue.
Selon un autre proche, ces hommes lui ont présenté un mandat d'arrêt et ont déclaré que son arrestation était due à ses publications sur les réseaux sociaux marquant l'anniversaire de la révolution du 26 septembre 1962 au Yémen, une date que les Houthis refusent de célébrer. Ils estiment que c'est plutôt la date anniversaire du 21 septembre 2014, lorsqu’ils ont pris le contrôle de la capitale, qui devrait être célébrée.
La famille d’Abdulmajeed Sabra n'a pu obtenir aucune information sur le lieu où il est détenu et n'a pas pu communiquer avec lui depuis son arrestation, ce qui est susceptible de constituer le crime de disparition forcée.
L'arrestation d’Abdulmajeed Sabra s'inscrit dans le cadre d'une vague d'arrestations de personnes commémorant publiquement l'anniversaire du 26 septembre 1962. Des sources crédibles ont rapporté que les Houthis ont procédé à une vague d'arrestations et détenu des dizaines de personnes dans les gouvernorats du nord du Yémen, pour avoir célébré pacifiquement ou publié sur les réseaux sociaux des contenus liés à l'anniversaire du 26 septembre.
Abdulmajeed Sabra est l'un des principaux avocats ayant travaillé sans relâche pour défendre les personnes détenues après avoir tenté d’exercer pacifiquement leurs droits au Yémen. Il utilise sa page Facebook pour exprimer ses opinions personnelles, défendre les droits des Yéménites et publier des informations au sujet des affaires sur lesquelles il travaille.
Les organisations non gouvernementales soussignées appellent les autorités houthies au Yémen à :
Libérer immédiatement et sans condition l'avocat défenseur des droits humains Abdulmajeed Sabra, ainsi que toutes les autres personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains, notamment leurs droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association ;Libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes qui sont toujours détenues de manière arbitraire, y compris les dizaines de membres du personnel des Nations Unies et de la société civile arrêtés et soumis à des disparitions forcées en 2024 et 2025 ;Respecter et défendre les droits humains de chaque personne, y compris les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, ainsi que la liberté des médias ; etVeiller à ce que les défenseurs des droits humains, les journalistes, les blogueurs, les universitaires et les activistes utilisant l’Internet puissent travailler et s'exprimer librement, sans crainte de représailles ni de harcèlement judiciaire.Organisations signataires :
Amnesty InternationalCairo Institute for Human Rights StudiesCIVICUSDemocracy for the Arab World Now (DAWN)Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humainsFront Line DefendersGulf Centre for Human Rights (GCHR)Human Rights First (HRF)Human Rights Watch (HRW)HuMENA for Human Rights and Civic EngagementIFEXInternational Bar Association’s Human Rights Institute (IBAHRI)International Service for Human Rights (ISHR)MENA Rights GroupMwatana for Human RightsOrganisation mondiale contre la torture (OMCT) dans le cadre de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humainsYemeni Archive………………..
15.10.2025 à 17:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) — Les autorités marocaines ont violemment réprimé des manifestations organisées par un collectif de jeunes appelant à de vastes réformes des services publics, ce qui a entraîné des décès et des arrestations massives, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les autorités devraient plutôt écouter les appels des manifestants et respecter les droits aux soins de santé et à l’éducation, ainsi que le droit de manifester pacifiquement. Elles devraient également enquêter sur le recours par la Gendarmerie royale à la force létale, et sur les autres allégations d’abus généralisés commis par les forces de sécurité publique à l’encontre des manifestants.
Des manifestations d’ampleur nationale ont éclaté le 27 septembre ; des représentants du mouvement de jeunesse GenZ 212 ont exhorté les Marocains à descendre pacifiquement dans la rue, afin d'exiger une augmentation des dépenses consacrées aux systèmes publics de soins de santé et d’éducation, ainsi que la fin de la corruption. Les manifestants ont critiqué les dépenses publiques consacrées aux méga-événements sportifs que le pays s’apprête à accueillir, tels que la Coupe du monde de la FIFA 2030.
Certains manifestants ont endommagé des biens privés et publics. La police et la Gendarmerie royale ont réagi en interdisant les manifestations et en dispersant les manifestants par la force, y compris par la force létale. Trois personnes ont été tuées et douze blessées. Près de 1 000 personnes ont été arrêtées et au moins 270 manifestants, dont 39 mineurs, ont été traduits en justice, dont certains sont toujours en détention. Certains tribunaux ont condamné les manifestants à des peines de prison et à des amendes.
« Des jeunes Marocains expriment leur mécontentement face à l’état des soins de santé et de l’éducation dans le pays », a déclaré Hanan Salah, directrice adjointe de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait tenir compte des appels des manifestants, et remplacer ses tactiques répressives par un dialogue public et des réformes de grande envergure. »
Les carences du système de santé marocain, amplifiées par la mort récente de plusieurs femmes enceintes au sein d’un hôpital public d’Agadir, ont contribué à attiser la colère et à susciter des manifestations. Pendant ce temps, le Maroc se prépare à accueillir la Coupe d’Afrique des Nations en décembre 2025 et à co-organiser la Coupe du monde de la FIFA de 2030, ce qui engendrerait cinq milliards de dollars de dépenses destinées à la construction de stades, de complexes sportifs, de transports publics et de logements.
Des manifestations largement pacifiques ont débuté le 27 septembre dans au moins 11 villes, notamment à Rabat, Casablanca, Tanger, Salé, Agadir, Marrakech, Sidi Taïbi et Inezgane.
Human Rights Watch a géolocalisé une vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er octobre, où l’on voit une camionnette des forces de sécurité de couleur sombre fonçant sur des manifestants dans un rond-point à Oujda, dans la nuit du 30 septembre, avant de repartir. Une autre vidéo publiée sur les réseaux sociaux le 1er octobre et géolocalisée par les chercheurs montre une camionnette des forces de sécurité de couleur sombre fonçant sur un groupe de manifestants à environ 350 mètres du rond-point d’Oujda, écrasant un homme contre un mur avant de faire marche arrière et de repartir. Selon les informations recueillies, les voitures des forces de sécurité utilisées pour percuter les manifestants ont blessé au moins deux personnes à Oujda cette nuit-là, dont Wassim Eltaibi, 17 ans, dont la mère a déclaré aux journalistes qu’il avait besoin de soins médicaux urgents, et Amine Boussaada, 19 ans, dont le père a déclaré qu’il avait été amputé de la jambe gauche.
Le 1er octobre, la Gendarmerie royale a fait usage de la force létale pour réprimer des manifestations qui avaient dégénéré devant un poste de gendarmerie à Lqliâa, dans la préfecture d’Agadir, tuant apparemment trois hommes et blessant d’autres personnes, dont un enfant. Parmi les personnes tuées figurent Abdessamade Oubalat, un étudiant en cinéma de 22 ans, ainsi qu’un homme de 25 ans. Dans une déclaration télévisée du 2 octobre, un porte‑parole du ministère de l’Intérieur a cherché à justifier le recours à la force létale, affirmant que les manifestants avaient utilisé des pierres et, semble-t-il, des couteaux comme armes. Il a déclaré que les forces armées avaient d’abord utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, puis fait usage de leurs armes à feu « en situation de légitime défense ».
Human Rights Watch a analysé et géolocalisé une série de vidéos des événements s’étant produits à Lqliâa, publiées sur les réseaux sociaux le 2 octobre.
Des images de vidéosurveillance filmées à l’extérieur du poste de gendarmerie et horodatées à 21 h 28 montrent des dizaines de manifestants jetant de grosses pierres, défonçant la porte d’entrée et allumant des feux. La vidéo diffusée en ligne constitue un montage d’extraits de vidéos de surveillance. Un homme en uniforme à l’intérieur du poste tire avec une arme en direction des manifestants. Cette vidéo est horodatée à 21h34.
Les images montrent également l’utilisation de gaz lacrymogène à l’extérieur une minute plus tard, mais Human Rights Watch n’a pas pu déterminer de manière concluante si les autorités avaient utilisé le gaz lacrymogène avant la force meurtrière, comme elles l’ont affirmé. Une vidéo montrait un homme gravement blessé, ou peut-être mort, allongé à environ 70 mètres de l’entrée, avec une blessure ensanglantée dans le dos, mais Human Rights Watch n’a pas pu déterminer de manière concluante s’il avait reçu une balle dans le dos.
Les autorités marocaines devraient mener de toute urgence une enquête transparente sur les événements de Lqliâa et sur l’assassinat présumé de trois hommes, et demander des comptes à tout membre de la gendarmerie jugé responsable d’actes répréhensibles, a déclaré Human Rights Watch.
Les manifestations nationales du 1er octobre ont également fait 354 blessés, dont 326 membres de la sécurité publique, et endommagé 271 de leurs véhicules et 175 véhicules privés, selon un porte-parole du ministère de l’Intérieur.
Le 2 octobre, de violents affrontements ont éclaté à Marrakech entre la police et les manifestants, qui auraient endommagé trois agences bancaires. Les autorités ont arrêté des dizaines de personnes.
Des poursuites sont en cours contre les manifestants. Le 4 octobre, le tribunal de première instance d’Agadir aurait condamné un homme à quatre ans de prison et à une amende de 50 000 dirhams (environ 5 400 dollars) pour « incitation à des délits et crimes mineurs par la voie des réseaux sociaux ». Le 8 octobre, la Cour d’appel d’Agadir aurait condamné un homme à 10 ans de prison pour son rôle supposé dans la destruction de biens publics lors des événements de Lqliâa, ainsi que pour des violences qu’il aurait commises contre les forces de sécurité. Le 9 octobre, la Cour d’appel de Silla aurait condamné plusieurs accusés à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison pour de supposés « actes de vandalisme ».
Les manifestations de la GenZ 212 font suite aux manifestations de la génération Z qui ont eu lieu à Madagascar, en Indonésie, au Kenya, au Népal, au Pérou et aux Philippines. Les appels des manifestants font écho à des griefs de longue date, un tiers des jeunes Marocains étant confrontés au chômage, ainsi qu’à des systèmes d’éducation publique et de santé de mauvaise qualité et à des filets de sécurité sociale insuffisants.
En 2022, les dépenses publiques de soins de santé du Maroc ne représentaient que 2,3 % de son PIB, soit moins de la moitié du pourcentage de référence international, qui s’établit à 5 % au moins, selon les données de l’Organisation mondiale de la Santé. Dans le cadre de la Déclaration d’Abuja de 2001, le Maroc a également pris des engagements clairs à consacrer au moins 15 % de son budget national à la promotion de la santé, mais moins de la moitié de cette somme a été dépensée en 2022. La loi-cadre sur le système de protection sociale de 2021 du Maroc visait à combler les lacunes en matière de protection sociale, mais près de la moitié des 38 millions d’habitants du pays ne bénéficient pas d’une couverture de soins de santé.
Les dépenses publiques destinées à l’éducation au Maroc, à l’exclusion du territoire du Sahara occidental qu’il occupe, ont atteint 6 % de son PIB en 2023, pourcentage conforme aux recommandations en matière de dépenses publiques pour l’éducation. Cependant, en 2022, moins de 20 % des adolescents avaient atteint les compétences minimales en lecture et en mathématiques et les taux d’alphabétisation des adultes et des jeunes stagnaient à 77 %.
Dans un discours prononcé le 10 octobre, le roi du Maroc Mohamed VI a déclaré que « la création d’emplois pour les jeunes et l’amélioration concrète des secteurs de l’éducation et de la santé » étaient des priorités, sans mentionner les manifestations des jeunes ni les mesures que le gouvernement prendrait pour atteindre ces objectifs.
Le Maroc devrait adopter une approche des droits de l’homme qui mette l’accent sur la distribution équitable des ressources pour réaliser des droits tels que l’accès universel à des soins de santé de qualité, à l’éducation et à la sécurité sociale, en vertu du droit international des droits de l’homme, et veiller à ce que la population reçoive un salaire décent, a déclaré Human Rights Watch. La Constitution de 2011 du pays garantit « le droit aux soins de santé, à la protection sociale, à l’éducation, à un logement décent [et] au travail ».
En vertu de la législation sur les droits humains, les gouvernements et les institutions financières internationales qui les soutiennent sont tenus d’apporter une réponse aux crises économiques en mettant tout en œuvre pour protéger et faire progresser les droits. Ils devraient veiller à ce que les réformes proposées, notamment en matière de politique fiscale et de dépenses publiques, respectent au mieux les droits économiques, sociaux et culturels des citoyens.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Maroc est un État partie, consacre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Toute intervention des forces de l’ordre lors de manifestations devrait respecter les normes internationales. Les principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois disposent que les forces de sécurité doivent utiliser des moyens non violents avant de recourir à la force. Lorsque cela est nécessaire à des fins légitimes de maintien de l’ordre au cours d’un rassemblement, seule la force minimale nécessaire peut être utilisée. L’utilisation intentionnelle d’armes à feu à des fins létales ne peut avoir lieu que lorsqu’elle est strictement inévitable pour protéger la vie.
Correction du 10 octobre 2024 : Le communiqué de presse a été mis à jour afin d'indiquer que certaines des personnes arrêtées par la police et la Gendarmerie royale, et non toutes, sont toujours en détention.
« Les jeunes Marocains réclament clairement de meilleurs soins de santé, une meilleure éducation et la fin de la corruption », a conclu Hanan Salah. « Si le gouvernement peut financer des stades de football ultramodernes, il peut aussi financer son système de santé, et les personnes qui réclament une chance équitable pour leur avenir ne devraient pas être confrontées à la force létale et à la répression. »
15.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(São Paulo) – L’élevage illégal de bétail dans l’État brésilien du Pará, qui accueillera cette année le sommet sur le climat COP30, y a dévasté les territoires de petits agriculteurs et de communautés autochtones, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’entreprise brésilienne JBS, principal producteur de viande dans le monde, a peut-être exporté vers l’Union européenne du bœuf et des cuirs provenant de bétail élevé dans des ranchs illégaux de cette région.
15 octobre 2025 TaintedLe rapport de 86 pages, intitulé « Tainted: JBS and the EU’s Exposure to Human Rights Violations and Illegal Deforestation in Pará, Brazil » (« Un processus terni : JBS et l’exposition de l’UE aux violations des droits humains et à la déforestation illégale dans l’État du Pará, au Brésil ») détaille comment des éleveurs de bétail ont illégalement saisi des terres et détruit les moyens de subsistance des habitants légitimes de la petite colonie agricole de Terra Nossa et du territoire autochtone de Cachoeira Seca, portant atteinte à leurs droits au logement, à la terre et à la culture. L’analyse de sources officielles réalisée par Human Rights Watch montre que des ranchs illégaux de ces régions ont vendu du bétail à plusieurs fournisseurs directs de JBS.
« L’entreprise JBS ne dispose toujours pas d’un système de traçage de ses fournisseurs indirects de bétail, alors qu’elle s’était engagée à mettre un tel processus en place dès 2011 », a déclaré Luciana Téllez Chávez, chercheuse senior à la division Environnement et droits humains de Human Rights Watch. « Sans ce système, l’entreprise ne peut pas tenir ses engagements visant à éliminer la déforestation de sa chaîne d’approvisionnement d’ici la fin de l’année 2025. »
Click to expand Image Cleve Gonçalves da Silva, membre d’une communauté autochtone vivant sur le territoire agricole PDS Terra Nossa dans l’État de Pará, en Amazonie brésilienne, y conduisait sa moto le 11 novembre 2024. Des éleveurs de bétail ont illégalement saisi des terres dans cette zone, déboisé des parties de la forêt tropicale afin d’y établir des ranchs, et menacé les habitants qui protestaient contre ces actions. © 2024 Thaís Farias pour Human Rights WatchEn s’appuyant sur l’analyse des permis de transport de bétail délivrés par le gouvernement régional de l’État du Pará, Human Rights Watch a identifié cinq cas dans lesquels des ranchs illégalement établis dans les territoires de Terra Nossa et de Cachoeira Seca ont fourni du bétail à d’autres ranchs situés en dehors de ces zones en principe protégées ; ces autres ranchs ont ensuite vendu le bétail à des abattoirs de JBS. Les ranchs d’élevage bovin dans les deux territoires sur lesquels Human Rights Watch a enquêté sont illégaux, au regard de la loi fédérale brésilienne.
En 2006, l’agence brésilienne chargée de la réforme agraire (Instituto Nacional de Colonização e Reforma Agrária, INCRA), a créé la colonie rurale Terra Nossa pour des petits agriculteurs. Ce projet était conçu pour permettre à des familles d’y cultiver la terre, récolter les fruits et les noix de la forêt tropicale – qui représentait initialement 80 % des 150 000 hectares de la colonie – et vendre leurs produits sur les marchés locaux.
Des éleveurs ont toutefois empiété illégalement sur Terra Nossa. Ils ont violemment riposté contre les personnes qui s’opposaient à eux. En 2023, 45,3 % de ce territoire avait été converti en pâturages.
À partir de 2016, l’agence chargée de la réforme agraire a inspecté la colonie Terra Nossa et a finalement constaté que 78,5 % de celle-ci était illégalement occupée. Pendant des années pourtant, elle n’a pris aucune mesure pour expulser les éleveurs illégaux. L’agence examine actuellement un plan qui consisterait à diviser ce territoire et à réviser son statut, ce qui aurait toutefois probablement pour effet de maintenir l’impunité des auteurs de crimes environnementaux.
À Cachoeira Seca, le peuple autochtone Arara dépend de la forêt tropicale qui couvre une partie de son territoire de 733 000 hectares. Le gouvernement fédéral est légalement tenu d’expulser les occupants non autochtones. Mais au lieu de cela, des éleveurs se sont installés pour y exploiter d’autres ranchs illégaux, ce qui réduit la quantité de gibier et de produits forestiers disponibles, restreint la liberté de mouvement des peuples autochtones sur leur propre territoire et porte atteinte à leurs droits culturels. Parmi les territoires autochtones de l’Amazonie brésilienne, Cachoeira Seca a enregistré en 2024 la plus grande superficie déboisée.
Déforestation dans l'État de Pará, au Brésil
2000: © 2025 Human Rights Watch 2024: © 2025 Human Rights Watch
Carte montrant le déboisement progressif (via le curseur rouge) de la forêt amazonienne dans l'État de Pará, au Brésil, entre 2000 et 2024.
L’entreprise JBS ne procède pas à un traçage systématique de ses fournisseurs indirects, et n’est donc pas en mesure de garantir que sa chaîne d’approvisionnement n’inclut pas du bétail lié à des pratiques illégales, a déclaré Human Rights Watch. Le Brésil ne dispose pas au niveau fédéral d’une règlementation obligeant le traçage individuel des bovins transportés d’un ranch à l’autre.
Dans ses échanges de courrier avec Human Rights Watch, l’entreprise JBS a soutenu qu’elle vérifiait que les exploitations agricoles de ses fournisseurs directs respectaient sa politique d’approvisionnement. L’entreprise a également déclaré qu’à compter du 1er janvier 2026, ses fournisseurs directs seraient tenus de divulguer des informations sur leurs fournisseurs sous-traitants.
Le gouvernement de l’État du Pará a annoncé qu’il mettrait en place un système de traçabilité individuelle du bétail d’ici 2026, et des responsables ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils cesseraient de manière générale de délivrer des permis pour le déplacement du bétail dans les forêts protégées. Le gouvernement fédéral a annoncé un plan visant à mettre en œuvre un système national de traçabilité individuelle du bétail d’ici 2032. Compte tenu de la dynamique transfrontalière du commerce illégal de bétail, la lenteur de la mise en œuvre du système fédéral risque toutefois d’entraver les progrès dans ce sens, a déclaré Human Rights Watch.
Les pays de l’UE devraient appliquer le Règlement sur les produits sans déforestation à compter de janvier 2026. Ce règlement interdira la mise sur le marché d européen de produits bovins provenant de terres déboisées après 2020, ou dont la production enfreindrait les lois nationales du pays d’origine. Les législateurs européens envisagent cependant de reporter d'un an l'application de ce règlement. Un tel report signifierait toutefois que des produits liés à des pratiques illégales continueraient d’affluer sur le marché européen, et remettrait en question l'engagement de l'UE à lutter contre son la déforestation à l’échelle mondiale, a observé Human Rights Watch.
Human Rights Watch a analysé des chiffres relatifs aux échanges commerciaux entre 2020 et 2025 et a constaté que l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Irlande, les Pays-Bas, et la Suède importaient du bœuf provenant des municipalités qui accueillent des installations de JBS identifiées dans le rapport de l’organisation ; l’Italie était une destination majeure pour les produits en cuir.
Le gouvernement brésilien devrait démanteler les ranchs illégaux, et exiger que les responsables de l’occupation et de l’utilisation illégales des terres versent des réparations aux communautés touchées. Le gouvernement fédéral devrait également accélérer la mise en œuvre et l’application effective d’un système de traçabilité du bétail.
L’entreprise JBS devrait prendre des mesures pour remédier à toute fraude foncière, déforestation illégale ou violation des droits humains à laquelle elle aurait pu contribuer, même involontairement, à Terra Nossa et Cachoeira Seca.
« La lutte contre la déforestation et les abus liés aux chaînes d’approvisionnement en bétail est une responsabilité qui incombe aux vendeurs ainsi qu’aux acheteurs », a conclu Luciana Téllez Chávez. « Le Brésil et l’UE devraient travailler ensemble pour protéger la forêt tropicale, et défendre les droits des communautés qui en dépendent. »
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13.10.2025 à 07:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 9 octobre, le gouvernement libanais a chargé le ministère de la Justice d'examiner les mesures juridiques qui pourraient être prises à l’encontre d’Israël suite aux attaques menées par les forces de ce pays contre des journalistes lors du dernier conflit ; ceci présente une nouvelle occasion de rendre justice aux victimes, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.
Deux ans après l'attaque apparemment délibérée menée par les forces israéliennes le 13 octobre 2023 contre des journalistes dans le sud du Liban, lors de laquelle le journaliste de Reuters Issam Abdallah a été tué, les victimes de crimes de guerre au Liban n'ont toujours pas accès à la justice, ni à la possibilité de voir les auteurs de ces crimes tenus de rendre des comptes, selon Human Rights Watch. Le nouveau gouvernement libanais, nommé en février 2025, n'a toujours pas pris de mesures significatives pour faire progresser l’obligation de rendre des comptes.
« Le meurtre apparemment délibéré d'Issam Abdallah par Israël aurait dû servir de message clair au gouvernement libanais : l'impunité pour les crimes de guerre engendre davantage de crimes de guerre », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Toutefois, depuis le meurtre d'Issam Abdallah, des dizaines d'autres civils ont été tués au Liban lors d'attaques apparemment délibérées ou indiscriminées ayant violé les lois de la guerre et constitué des crimes de guerre. »
Depuis l’attaque du 13 octobre 2023 au Liban, selon Reporters sans frontières, les forces israéliennes ont tué plus de 200 journalistes à Gaza, dont beaucoup délibérément. Récemment, les forces israéliennes ont également mené une frappe contre un centre médiatique à Sanaa, au Yémen tuant 31 journalistes et professionnels des médias, selon le Comité pour la protection des journalistes.
Au Liban, Human Rights Watch a documenté une série d'attaques illégales et de crimes de guerre apparents commis par l'armée israélienne pendant les hostilités, y compris d'autres attaques apparemment délibérées contre des journalistes, ainsi que contre des Casques bleus de l’ONU, des secouristes et des structures civiles. La démolition délibérée par Israël de maisons civiles, la destruction de vastes portions d'infrastructures civiles et de services publics essentiels, ainsi que son utilisation d'armes explosives dans des zones peuplées ont empêché de nombreux habitants de retourner dans leurs villages et leurs maisons.
Human Rights Watch a également documenté l'utilisation généralisée par l'armée israélienne de phosphore blanc, y compris de manière illégale au-dessus de zones résidentielles densément peuplées, la destruction et le pillage d'écoles de manière apparemment délibérée, et l'utilisation illégale de dispositifs piégés. Human Rights Watch a également constaté que le Hezbollah n'avait pas pris les précautions nécessaires pour protéger les civils lors de ses attaques contre le nord d'Israël entre septembre et novembre 2024, lançant des armes explosives dans des zones peuplées et omettant d'avertir efficacement les civils des attaques.
Play VideoHuman Rights Watch a constaté que les frappes israéliennes qui ont tué Issam Abdallah et blessé six autres journalistes d'Al-Jazeera, de Reuters et de l'AFP constituaient apparemment une attaque délibérée contre des civils et donc un crime de guerre. Une enquête menée par la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) a conclu qu'un char israélien avait tiré deux obus de 120 mm sur ce groupe de « journalistes clairement identifiables », dont Issam Abdallah, en violation du droit international. Les enquêteurs ont déclaré que le personnel de la FINUL n'avait enregistré aucun échange de tirs à la frontière entre Israël et le Liban pendant plus de 40 minutes avant que le char israélien Merkava n'ouvre le feu.
Les journalistes se trouvaient loin des hostilités en cours, étaient clairement identifiables comme membres des médias et étaient restés immobiles pendant au m oins 75 minutes avant d'être touchés par deux frappes consécutives. Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve de la présence d'une cible militaire à proximité de l'endroit où se trouvaient les journalistes. Les preuves examinées par Human Rights Watch indiquent en outre que l'armée israélienne savait ou aurait dû savoir que le groupe de personnes sur lequel elle tirait était composé de civils.
En janvier et février 2025, l'armée israélienne s'est retirée de la plupart des villages et villes frontaliers du sud du Liban qu'elle occupait depuis fin 2024, mais ses forces sont restées stationnées sur le territoire libanais dans au moins cinq endroits. La Banque mondiale a évalué le « coût économique » des hostilités au Liban a près de 14 milliards de dollars US, dont 6,8 milliards de dollars de dommages matériels. Plusieurs villes et villages frontaliers ont été réduits en ruines et, en mai 2025, plus de 80 000 personnes étaient déplacées a l’intérieur du pays.
Le Liban n'a pas encore pleinement intégré les crimes internationaux ou les violations du droit de la guerre dans son cadre juridique national. Le 10 octobre, suite à sa visite au Liban, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Morris Tidball-Binz, a appelé les autorités libanaises à « signaler et, le cas échéant, poursuivre les comportements pouvant constituer des crimes internationaux, conformément aux obligations du Liban en vertu du droit international des droits humains et, le cas échéant, du droit international humanitaire ».
Bien qu'un cessez-le-feu soit entré en vigueur entre Israël et le Hezbollah le 27 novembre 2024, au moins 103 civils ont été tués au Liban au cours des dix mois qui ont suivi l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.
En mars 2024, le gouvernement libanais de l'époque avait annoncé sa décision d'accorder à la Cour pénale internationale (CPI) la compétence pour juger les crimes commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023 ; toutefois, le gouvernement est revenu sur cette décision, un peu plus d'un mois plus tard. Les autorités judiciaires libanaises devraient ouvrir des enquêtes nationales sur les attaques illégales ; le gouvernement devrait aussi adhérer au Statut de Rome de la CPI et soumettre une déclaration acceptant la compétence de la Cour avant la date d'adhésion, y compris depuis au moins le 7 octobre 2023, selon Human Rights Watch.
« Le gouvernement libanais peut et doit honorer les demandes de justice des victimes en permettant l'ouverture d'enquêtes sur les attaques illégales et les crimes de guerre qui ont causé des dommages et des souffrances indicibles », a conclu Ramzi Kaiss.
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Articles
OLJ
10.10.2025 à 21:17
Human Rights Watch
(New York, 10 octobre 2025) – Microsoft devrait suspendre les contrats commerciaux qui contribuent à de graves violations des droits humains et à des crimes internationaux commis par l'armée israélienne et d'autres organismes gouvernementaux de ce pays, ont conjointement déclaré Human Rights Watch, Amnesty International, Access Now et trois autres organisations de défense des droits humains dans une lettre précédemment envoyée en privé à Microsoft et rendue publique aujourd'hui.
Début août 2025, une enquête menée conjointement par The Guardian et deux autres autres médias, +972 Magazine et Sikha Mekomit (Local Call), a révélé que l’agence israélienne de renseignement militaire « Unité 8200 » (« Unit 8200 ») utilisait les services cloud Azure de Microsoft pour stocker et traiter de nombreuses interceptions quotidiennes de communications téléphoniques de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Le 25 septembre, Microsoft a annoncé avoir suspendu et désactivé certains abonnements et services précédemment fournis à l’armée israélienne, notamment en matière de technologies de stockage cloud et d'intelligence artificielle (IA), à la suite de son examen des allégations contenues dans l’article du Guardian.
« Microsoft a fait un premier pas important en restreignant la capacité d’une unité de l'armée israélienne à utiliser certaines technologies dans le cadre de sa répression contre les Palestiniens », a déclaré Deborah Brown, directrice adjointe du programme Technologies et droits humains à Human Rights Watch. « Microsoft devrait aussi revoir de manière exhaustive ses relations commerciales avec les autorités israéliennes, et prendre d’autres mesures afin de s'assurer que son infrastructure cloud, sa technologie d'IA, ses logiciels et matériels informatiques, ainsi que ses autres outils et services ne contribuent pas à l'extermination des Palestiniens et à d'autres violations graves commises par Israël. »
Microsoft a fait part de son intention de répondre à la lettre conjointe des six organisations vers la fin du mois d'octobre, après avoir achevé une enquête interne devant aboutir à ses propres recommandations.
Microsoft aurait de nombreuses raisons de renforcer sa diligence raisonnable (« due diligence ») en matière de droits humains dans le cadre de ses activités commerciales avec les autorités israéliennes, compte tenu de la longue durée de l'occupation et de la répression des Palestiniens par Israël ; cela fait plusieurs années que des rapports publiés par des organisations de défense des droits humains, les Nations Unies et des médias évoquent le risque que les entreprises technologiques contribuent aux violations, a observé Human Rights Watch.
Ainsi que l’ont montré de précédentes recherches menées par Human Rights Watch, l'utilisation par les forces israéliennes de systèmes basés sur les données et de technologies d'intelligence artificielle, notamment à des fins de surveillance et pour orienter les décisions militaires à Gaza, soulève de graves préoccupations au regard du droit de la guerre ; ces inquiétudes concernent en particulier le principe de distinction entre les cibles militaires et les civils, et la nécessité de prendre toutes les précautions possibles pour minimiser les dommages causés aux civils.
Human Rights Watch et cinq organisations partenaires ont transmis leur courrier à Microsoft le 26 septembre. Les six organisations ont indiqué que la décision de Microsoft de désactiver certains abonnements et services précédemment fournis à l’armée israélienne, en réponse à l'article du Guardian, était une mesure positive. Les organisations ont demandé à Microsoft d’aller plus loin en réexaminant tous ses contrats avec l'armée israélienne et d'autres autorités gouvernementales, afin de suspendre tout autre service ou la vente de produits susceptibles de contribuer à des violations des droits humains par ces entités, et, le cas échéant, à mettre fin aux relations commerciales dans de tels contextes.
Human Rights Watch a constaté que les autorités israéliennes ont commis ces dernières années des actes de nettoyage ethnique, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, notamment l'extermination, l'apartheid et la persécution, ainsi que des actes de génocide contre les Palestiniens, et ont bafoué des ordonnances contraignantes émises par la Cour internationale de justice (CIJ).
L'enquête menée par The Guardian et les deux autres médias a révélé que le système de surveillance de masse israélien, s’appuyant sur la technologie d’Azure, contient des millions d'enregistrements d'appels téléphoniques mobiles. Selon des sources anonymes au sein de l'Unité 8200, les autorités israéliennes ont utilisé ces données pour rechercher et identifier des cibles à bombarder à Gaza, en plus des outils basés sur l'intelligence artificielle utilisés pour ce ciblage. Les autorités israéliennes auraient également utilisé ces informations en Cisjordanie occupée pour « faire chanter des personnes, les placer en détention, voire justifier leur meurtre a posteriori ». Microsoft a indiqué que sa propre enquête, toujours en cours, a permis de recueillir « des éléments de preuve qui corroborent certains éléments de l’article du Guardian ».
La surveillance étendue et omniprésente de l'ensemble de la population palestinienne par Israël est bien documentée et a joué un rôle déterminant dans les crimes contre l'humanité d'apartheid et de persécution commis à l'encontre des Palestiniens. Les autorités israéliennes ont utilisé la surveillance de masse et l'extraction coercitive des données personnelles des Palestiniens pour permettre, faciliter et même accélérer la commission d'autres crimes internationaux, notamment des actes de génocide, des crimes contre l'humanité, y compris l'extermination, et des crimes de guerre, dont des frappes aériennes menées en violation des lois de la guerre.
Les attaques israéliennes contre Gaza ont entraîné la mort de plus de 67 000 Palestiniens, dont au moins 20 000 enfants, et détruit la majorité des écoles, hôpitaux, maisons et infrastructures civiles de ce territoire.
En vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, que Microsoft approuve publiquement, les entreprises ont la responsabilité d'éviter de causer ou de contribuer à des violations des droits humains et de « prévenir les risques liés aux droits […] que présentent leurs activités et relations commerciales ». Dans les contextes de conflit, le risque de violations graves des droits humains est accru et, par conséquent, la « diligence raisonnable » des entreprises devrait être renforcée à cet égard.
À ce jour, Microsoft n'a pas révélé publiquement si l’entreprise a exercé une « diligence raisonnable » accrue en matière de droits à Gaza ou en Cisjordanie, ou cherché à mettre fin à tout lien éventuel avec des violations. Avant sa déclaration du 25 septembre, Microsoft n'avait fait aucun commentaire public sur sa décision de limiter ses relations commerciales avec les autorités israéliennes, compte tenu du risque d’implication dans des violations des droits humains. En mai 2025, une précédente étude commandée par Microsoft sur l'utilisation de ses produits par l'armée israélienne avait alors conclu qu'il n'y avait « à ce jour aucune preuve que les technologies Azure et IA de Microsoft aient été utilisées pour cibler ou nuire à des personnes dans le conflit à Gaza ».
Dans leur lettre conjointe, les six organisations ont soulevé des questions concernant la portée de l’actuelle étude menée par Microsoft, et l'application de ses propres politiques relatives à l'utilisation responsable des outils d’IA, dans le contexte du conflit qui était alors toujours en cours à Gaza.
« Il n'y a pas de temps à perdre : Microsoft devrait prendre des mesures décisives pour s'assurer que l’entreprise ne tire pas profit des graves violations des droits humains commises à l'encontre des Palestiniens », a conclu Deborah Brown.
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10.10.2025 à 21:15
Human Rights Watch
Le 6 octobre, les autorités burkinabè ont libéré Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, deux membres du groupe OR de l’organisation de la société civile Balai Citoyen, qui avaient été enrôlés illégalement dans l’armée après avoir critiqué la junte militaire.
Leur libération est une évolution encourageante, non pas sans précédent, dans un pays où le gouvernement viole de plus en plus les droits humains depuis le coup d'État militaire de 2022. Mais elle rappelle également que d'autres détracteurs sont toujours en détention et que peu de choses empêche les autorités de continuer à abuser du décret de « mobilisation générale », une loi d'urgence extrêmement restrictive.
Ce décret, promulgué en avril 2023 dans le cadre d'un plan plus large de lutte contre les groupes armés islamistes, confère au président des pouvoirs étendus pour combattre l'insurrection, notamment en enrôlant des civils sans procédure régulière. La junte a utilisé cette loi pour réprimer l'opposition politique, les médias et les voix dissidentes, et pour enrôler illégalement des détracteurs, des journalistes, des activistes de la société civile, des procureurs et des juges.
En novembre 2023, les forces de sécurité burkinabè ont notifié Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, parmi une douzaine d'autres journalistes, activistes et membres de partis d'opposition, qu'ils allaient être enrôlés dans l’armée. En décembre 2023, un tribunal de Ouagadougou, la capitale, a jugé que les ordres concernant Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo étaient illégaux et a ordonné aux autorités de suspendre ces ordres.
Les autorités ont néanmoins détenu arbitrairement les deux activistes en février 2024. Balai Citoyen a déposé une plainte auprès de la police, mais aucune suite n'a été donnée. En juin et juillet 2024, Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo sont apparus dans deux vidéos diffusées à la télévision nationale, vêtus d'uniformes militaires, tenant des fusils d'assaut Kalachnikov et faisant l'éloge de l'armée.
Les gouvernements ont le droit de recruter des civils adultes pour la défense nationale, mais la conscription doit être effectuée de manière à informer les conscrits potentiels de la durée du service militaire, et à leur donner la possibilité de contester leur obligation de l’effectuer.
D'autres militants restent détenus sur la base d'accusations fabriquées de toutes pièces, notamment Guy Hervé Kam, éminent avocat et membre fondateur de Balai Citoyen. D'autres sont toujours portés disparus, comme le journaliste d'investigation Serge Oulon.
Les autorités burkinabè devraient libérer immédiatement et sans condition toutes les personnes détenues arbitrairement, et cesser d'utiliser la conscription pour réprimer les journalistes et les détracteurs de la junte.
10.10.2025 à 18:31
Human Rights Watch
(Jérusalem) – Le gouvernement israélien et le Hamas se sont mis d’accord, le 9 octobre, sur la première phase du « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » du gouvernement américain. Ce plan prévoit un cessez-le-feu, la libération des otages israéliens et d’autres à Gaza ainsi que des Palestiniens détenus en Israël, une augmentation de l’acheminement de l'aide humanitaire à Gaza et le retrait progressif de l'armée israélienne de certaines zones de Gaza.
Balkees Jarrah, directrice par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, a fait à ce sujet la déclaration suivante :
L'annonce du cessez-le-feu du 9 octobre offre la perspective d'un répit dont ont désespérément besoin les civils palestiniens de Gaza qui depuis deux ans subissent des meurtres illégaux, la famine, les déplacements forcés et la destruction de leurs biens, ainsi que les otages israéliens et les détenus palestiniens et leurs familles.
Cependant, les Palestiniens de Gaza continueront de souffrir et de mourir tant qu’Israël maintiendra son blocus illégal de la bande de Gaza, notamment en restreignant l’accès des Nations Unies et d’autres organisations humanitaires chargées d’acheminer l’aide à grande échelle dont la population a désespérément besoin. Il est également essentiel qu’Israël assure le rétablissement immédiat des services de base tels que l’électricité, l’eau et les soins de santé, faute de quoi les Palestiniens continueront de mourir de malnutrition, de déshydratation et de maladies.
Ce n’est pas le moment de relâcher les efforts. Les gouvernements ne devraient pas attendre l’entrée en vigueur du plan américain pour prendre des mesures urgentes visant à prévenir de nouvelles violations des droits fondamentaux des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, notamment en imposant un embargo sur les armes au gouvernement israélien et des sanctions ciblées contre les responsables israéliens impliqués de manière crédible dans les abus en cours.
Les gouvernements devraient également réclamer justice pour les atrocités commises en toute impunité au cours des deux dernières années, notamment les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par le Hamas le 7 octobre et les jours suivants, ainsi que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes de génocide commis par les autorités israéliennes à Gaza. De plus, ils devraient soutenir la Cour pénale internationale et s’attaquer aux causes profondes, notamment les crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par Israël à l’encontre des Palestiniens.
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09.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
UPDATE : Le 13 octobre, Dilnur Reyhan a été condamné pour « dégradation de biens publics » à une amende de 150 €, à verser 1 € de dommages et intérêts et à rembourser les frais de justice.
Le 13 octobre, le tribunal d’Evry, en région parisienne, jugera Dilnur Reyhan, éminente universitaire et militante française ouïghoure, présidente de l'Institut ouïghour d'Europe, pour « dégradation de biens appartenant à autrui ».
Trois employés de l'ambassade de Chine à Paris ont porté plainte contre Dilnur Reyhan pour avoir participé à un acte de protestation contre le gouvernement chinois lors de la Fête de l’Humanité, en septembre 2022. Au cours du festival, elle aurait jeté de la peinture rouge sur un kakémono de l'ambassade, ce qui, selon l'un des plaignants, lui aurait coûté 25 euros pour le nettoyage de ses chaussures.
Le gouvernement chinois a affirmé que Dilnur Reyhan avait causé des « dommages matériels » et qu'il s'agissait d'une « attaque raciste », un chef d’accusation qui a ensuite été abandonné. Dilnur Reyhan protestait publiquement contre les crimes commis par le gouvernement chinois à l'encontre des Ouïghours dans le nord-ouest de la Chine, notamment des détentions et emprisonnements arbitraires de masse, des actes de torture, des disparitions forcées, une surveillance de masse, des persécutions culturelles et religieuses, la séparation des familles et le travail forcé. Human Rights Watch et d'autres organisations ont conclu que certains de ces actes constituaient des crimes contre l'humanité.
« Pour l'ambassade de Chine, l'objectif n'est pas de gagner ou de perdre le procès, mais de m'imposer un coût psychologique et financier [afin de] faire taire [mes] critiques », a déclaré Dilnur Reyhan lors d'une audience en mars. « Je ne devrais pas être poursuivie par les tribunaux français, mais plutôt protégée contre les tentatives de la Chine de me faire taire. »
Le procureur avait initialement rejeté la plainte du gouvernement chinois en 2023. Mais il l'a rouverte en appel peu avant la visite officielle du président chinois Xi Jinping en France en mai 2024 et les manifestations de centaines d'Ouïghours, de Tibétains et d'autres personnes. Une audience prévue en mars 2025 a été reportée au mois d'octobre, les représentants de l'ambassade chinoise et ses employés ne s’étant pas présentés.
Ces dernières années, le gouvernement chinois a intensifié son harcèlement à l'encontre de ses détracteurs à l'étranger et des membres de la diaspora, des abus commis au-delà des frontières chinoises appelés « répression transnationale ». Par exemple, en juillet, les autorités chinoises ont arrêté une étudiante chinoise, Tara Zhang Yadi, pour le crime grave d'« incitation au séparatisme », simplement parce qu'elle défendait les droits des Tibétains pendant ses études à Paris.
Toute personne en France devrait pouvoir manifester pacifiquement contre la Chine et d'autres gouvernements abusifs sans craindre d'être poursuivie pour cela. Les autorités françaises devraient abandonner les poursuites contre Dilnur Reyhan et plutôt se concentrer sur les violations des droits humains de la Chine.
08.10.2025 à 21:55
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Un tribunal tunisien a condamné un homme à mort la semaine dernière pour des publications pacifiques sur Facebook, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Cet homme a bénéficié d’une grâce présidentielle quelques jours plus tard, mais il s’agit-là d’un verdict sans précédent pour l’expression non violente d’opinions en Tunisie. Les autorités tunisiennes devraient cesser d’arrêter et de poursuivre en justice des personnes qui ne font que faire valoir leur droit à la liberté d’expression.
Selon sa famille, Saber Ben Chouchane, 51 ans, a été arrêté le 22 janvier 2024, alors qu’il se rendait à un rendez-vous médical. Le 1er octobre 2025, le Tribunal de première instance de Nabeul l’a condamné à mort à cause de ses publications sur Facebook. Ben Chouchane a été remis en liberté le 7 octobre, à la suite d’une grâce présidentielle accordée après que sa condamnation ait suscité l'indignation publique en Tunisie.
« La répression de la liberté d’expression par les autorités tunisiennes a atteint un niveau sans précédent avec cette condamnation à mort d’un citoyen ayant exprimé son mécontentement sur les réseaux sociaux », a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Même suivi d’une grâce présidentielle, ce verdict choquant transmet un message glaçant à tous les Tunisiens selon lequel aucune critique ne sera tolérée de la part de qui que ce soit, sous quelque forme que ce soit. »
Saber Ben Chouchane est père de trois enfants et vit dans le gouvernorat de Nabeul. Il a été maintenu en détention préventive dans l’attente d’un procès pendant une période supérieure aux 14 mois maximum autorisés par la loi tunisienne. Selon sa famille, il s’est vu priver de soins médicaux pendant sa détention, bien que souffrant d’une blessure antérieure à son arrestation qui nécessitait un suivi médical.
Saber Ben Chouchane a été déclaré coupable aux termes de l’article 72 du Code pénal, qui prévoit la peine de mort pour « tentative de changer la forme du gouvernement. » Il a également été reconnu coupable en vertu de l’article 67 pour avoir « offensé le chef de l’État », ainsi que de l'article 24 du Décret-loi 54 sur la cybercriminalité pour avoir « diffusé de fausses nouvelles », ont déclaré à Human Rights Watch ses avocats, Leila Haddad et Oussama Bouthelja. La chambre criminelle du tribunal de Nabeul, composée de cinq juges, a opté pour la sentence la plus sévère possible.
C’est la premier cas connu de peine de mort prononcée pour des faits d’expression pacifique en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch.
Human Rights Watch a examiné les publications Facebook de Saber Ben Chouchane qui avaient été mises en ligne quelques jours avant son arrestation et a déterminé qu’elles constituent des formes d’expression pacifique, protégées par le droit international en matière de droits humains. Sur l’un d’eux, Ben Chouchane apparaît sur une photo prise lors d’une manifestation à Tunis, avec une pancarte appelant à la libération des prisonniers politiques. Il avait précédemment republié des messages appelant les Tunisiens à descendre dans la rue pour s’opposer à la « confiscation de la révolution », ainsi qu’un appel à une manifestation pour exiger la remise en liberté des prisonniers politiques à la date anniversaire de la révolution tunisienne de 2011.
À la suite du coup de force du président Kais Saied en juillet 2021, les autorités ont fortement accru leur répression de la dissidence. Elles ont restreint de plus en plus la liberté d’expression en poursuivant en justice et en emprisonnant de nombreuses personnes, notamment des utilisateurs de réseaux sociaux, des journalistes, des activistes et des avocats, pour leurs déclarations dans les médias ou en ligne.
Les autorités tunisiennes ont eu systématiquement recours aux détentions arbitraires pour les infractions relatives à la liberté d’expression, et ont en fait la pierre angulaire de leur politique répressive. Elles ont fait usage de chefs d’inculpation sans fondement relatifs à la sûreté de l’État et au terrorisme, y compris certains qui sont passibles de la peine de mort, pour cibler les opposants politiques et activistes, museler les personnes jugées critiques et priver les Tunisiens de leurs droits civils et politiques. Depuis 2022, Saied et son gouvernement ont aussi systématiquement sapé l’indépendance du système judiciaire, l’instrumentalisant pour emprisonner ou réduire au silence les critiques et opposants les plus en vue du président.
Au moins une douzaine de dissidents ont été jugés cette année sur la base d’accusations qui auraient pu leur valoir la peine de mort, et ont été condamnés à de lourdes peines de prison.
Bien que la Tunisie ait observé de facto un moratoire sur les exécutions depuis 1991, les tribunaux continuent de prononcer des peines capitales. Selon Amnesty International, les tribunaux tunisiens ont imposé plus de 12 peines de mort en 2024, portant le nombre total des personnes en Tunisie qui sont notoirement sous le coup d’une condamnation à mort à 148 à la fin de cette année-là.
Human Rights Watch s’oppose par principe à la peine de mort dans tous les pays et en toutes circonstances, car cette forme de punition est inhumaine, unique par sa cruauté et son caractère irréversible, et universellement entachée d’arbitraire, de préjugés et d’erreurs.
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) des Nations Unies et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits aux libertés d’expression et de réunion, à un procès équitable et à être à l’abri de toute arrestation ou détention arbitraire.
« Une telle sentence totalement injustifiable est une réponse scandaleuse aux critiques pacifiques exprimées en ligne et ne sert qu’à discréditer davantage le système judiciaire tunisien », a conclu Bassam Khawaja. « Le fait que Saber Ben Chouchane ait reçu une grâce présidentielle presque immédiate démontre bien la nature extrême de la sentence, le degré de déconnexion des réalités auquel est parvenu le système judiciaire et combien ce verdict était embarrassant pour la Tunisie. »
08.10.2025 à 18:36
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Les humoristes ayant participé au Festival d’humour de Riyad (« Riyadh Comedy Festival 2025 »), en Arabie saoudite, n'ont pas saisi cette occasion pour appeler les autorités saoudiennes à libérer les dissidents, journalistes et défenseurs des droits humains injustement détenus, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. Le site web du festival, qui a débuté le 26 septembre et s’achèvera le 9 octobre, souligne la participation de « plus de 50 légendes mondiales du stand-up ».
Peu avant l’ouverture du festival, Human Rights Watch avait appelé les humoristes y participant à demander la libération de Waleed Abu al-Khair, défenseur des droits humains emprisonné, et de Manahel al-Otaibi, professeure de fitness et militante des droits des femmes qui est également en prison. Aucun humoriste ne semble l'avoir fait publiquement.
« Human Rights Watch n'avait pas appelé les humoristes à boycotter le Festival de l'humour de Riyad, mais leur avait simplement demandé d'exprimer leur soutien à la liberté d'expression en appelant à la libération d’activistes saoudiens injustement emprisonnés », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l'Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Aziz Ansari et d'autres humoristes ont généreusement proposé de reverser une partie de leurs cachets à des organisations de défense des droits humains comme Human Rights Watch ; nous ne pouvons pas accepter ces fonds, mais il n'est pas trop tard pour eux d'appeler à la libération des activistes saoudiens détenus. »
Le 6 octobre, en tant qu’invité de l'émission Jimmy Kimmel Live, Aziz Ansari a affirmé qu’il partageait les « préoccupations » soulevées par diverses personnes (à 9:01 de la vidéo) et a exprimé son intention de reverser une partie de son cachet à des organisations qui défendent « des causes qui soutiennent la liberté de la presse et les droits humains », citant Reporters sans frontières et Human Rights Watch. De même, l’humoriste Jessica Kirson, qui a également participé au festival de Riyad, a déclaré qu'elle reverserait l'intégralité de ses cachets à une organisation de défense des droits humains.
Le Festival de l'humour de Riyad s'inscrit dans la stratégie du gouvernement saoudien visant à blanchir son bilan déplorable en matière de droits humains, et les humoristes y participant avaient une certaine responsabilité d'éviter de redorer le blason du gouvernement. Le 19 septembre, Human Rights Watch avait écrit aux agents et manageurs de plusieurs humoristes ayant annoncé leur participation au festival, afin de proposer une réunion au sujet de la crise des droits humains en Arabie saoudite, mais n’avait toutefois reçu aucune réponse.
L’humoriste Louis C.K. a déclaré que les autorités saoudiennes lui avaient indiqué au préalable qu'il n'y avait que deux restrictions sur ce dont il pourrait parler sur scène : « leur religion et leur gouvernement ». Il a ajouté : « Je n'ai pas de blagues sur ces deux sujets. ».
Le 27 septembre, l’humoriste Atsuko Okatsuka a publié des captures d'écran montrant des extraits du contrat proposé pour se produire au festival, ajoutant qu’elle avait décliné cette proposition. D'après les captures d'écran, il était interdit aux artistes d’exprimer « tout contenu considéré comme dégradant, diffamatoire ou susceptible de jeter le discrédit » sur le Royaume d'Arabie saoudite, notamment par le biais de propos « méprisants, scandaleux, embarrassants ou prêtant au ridicule ». Les contenus concernant la famille royale saoudienne ou toute religion étaient également interdits.
Les artistes qui envisagent de se produire en Arabie saoudite devraient refuser toute clause contractuelle explicite ou implicite restreignant leur capacité à s'exprimer en public ou en privé au sujet d’abus, allant au-delà des exigences habituelles en matière de confidentialité, a déclaré Human Rights Watch.
« Il est plus facile de parler ici [en Arabie saoudite] qu'aux États-Unis », a déclaré Dave Chappelle lors de son spectacle à Riyad, le 27 septembre. Il n’a fait aucun commentaire public sur les violations des droits humains commises en Arabie saoudite.
L'humoriste Jessica Kirson a exprimé ses regrets quant à sa participation au festival de Riyad. « Cette décision pèse lourdement sur mon cœur depuis lors. Je tiens à exprimer mes sincères regrets de m’être produite sur scène, sous [la supervision d’]un gouvernement qui continue de violer les droits humains fondamentaux », a-t-elle affirmé. Elle a ajouté : « J'espérais que cela aiderait les personnes LGBTQ+ en Arabie saoudite à se sentir reconnues et valorisées. Je suis reconnaissante d'avoir pu faire cela. À ma connaissance, je suis la première humoriste ouvertement gay à en parler sur scène en Arabie saoudite. »
La création d'une industrie du divertissement par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a été menée parallèlement à certaines avancées à l’égard des droits des femmes et des jeunes. Bien que ces changements soient importants et de grande envergure, ils ont également contribué à masquer les graves restrictions des droits civils et politiques depuis que « MBS » est devenu prince héritier en 2017, a déclaré Human Rights Watch. Alors même que certains médias internationaux saluaient l'émergence de cette industrie des loisirs, les autorités saoudiennes procédaient simultanément à des vagues d'arrestations arbitraires de dissidents, d’activistes, d'intellectuels et même de membres de la famille royale.
Le festival de Riyad s'est déroulé partiellement lors du septième anniversaire du meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, commis le 2 octobre 2018 au consulat saoudien d'Istanbul et commandité par l'État saoudien, et quelques mois après l'exécution par les autorités saoudiennes de Turki al-Jasser, éminent écrivain et journaliste saoudien, pour divers « crimes terroristes » le 14 juin. Le gouvernement a divulgué peu de détails sur la détention, le procès et l'exécution d'al-Jasser, et il semble qu'il ait été condamné à la peine capitale en raison de ses discours et commentaires pacifiques.
« Les humoristes qui se sont rendus à Riyad pourraient toujours appeler les autorités saoudiennes à libérer Manahel al-Otaibi et Waleed Abu al-Khair », a observé Joey Shea. « La pression publique exercée par ces célèbres artistes qui disent défendre la liberté d'expression pourrait contribuer à obtenir la remise en liberté de ces deux personnes. »
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06.10.2025 à 18:32
Human Rights Watch
(Genève) — Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté le 6 octobre une résolution historique créant un mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les violations des droits passées et en cours en Afghanistan, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La résolution avise les talibans et tous les autres auteurs de crimes graves commis dans ce pays que des preuves de ces crimes sont recueillies et traitées, en vue de traduire les responsables en justice.
La résolution, soumise suite à une initiative de l’Union européenne, a été adoptée par consensus. Ce mécanisme devrait mettre l’accent sur les exactions commises par les talibans à l’encontre des femmes et des filles, qui constituent des actes de persécution fondée sur le sexe. Cet organe recueillera et préservera les preuves des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains, identifiera leurs auteurs et préparera des dossiers qui pourront être utilisés pour étayer les poursuites judiciaires devant les tribunaux nationaux et internationaux. En outre, cette résolution proroge le mandat du rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme en Afghanistan, dont le suivi et les rapports, essentiels, complètent le travail du nouveau mécanisme.
« Les États membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont affirmé avec force leur détermination à faire en sorte que les auteurs des graves crimes internationaux commis en Afghanistan, aujourd’hui ou par le passé, soient un jour traduits en justice », a déclaré Fereshta Abbasi, chercheuse sur l’Afghanistan à Human Rights Watch « Il est essentiel que le nouveau mécanisme soit rapidement opérationnel afin qu’il puisse commencer à recueillir, préparer et préserver les preuves, et constituer des dossiers sur les auteurs de crimes internationaux en Afghanistan. »
La résolution constitue une réponse aux appels d’organisations afghanes et internationales de défense des droits humains à aborder le problème de l’impunité enracinée en Afghanistan. En août 2025, une coalition menée par HRD+, un réseau de défenseurs des droits humains afghan, avec le soutien de 108 organisations afghanes et internationales, a réémis un appel à instaurer le mécanisme d’enquête après quatre années de campagne. L’année précédente, des experts de l’ONU et des pays de diverses régions se sont joints à des groupes de la société civile pour exhorter l’UE à prendre cette mesure.
Le mécanisme d’enquête, conformément à son mandat et à la pratique de deux mécanismes similaires sur la Syrie et le Myanmar, devrait adopter une approche globale pour enquêter sur les crimes internationaux. Tous les individus responsables de l’application des édits et des politiques talibanes portant atteinte aux droits et violant le droit international, comme la loi sur la propagation de la vertu et la prévention du vice, feront l’objet d’une enquête, et les preuves seront recueillies, préservées et préparées en vue de poursuites futures.
Le mécanisme devrait permettre d’enquêter sur les actions des dirigeants talibans, des directeurs provinciaux, des gouverneurs et d’autres fonctionnaires responsables, par exemple, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes en détention. Il visera également les fonctionnaires à l’origine des mesures privatives de droits pour les femmes et les filles, notamment en matière d’éducation, de soins de santé et de liberté de circulation, ce qui constitue une persécution fondée sur le sexe.
Le champ d’application du mécanisme d’enquête ne se limite pas aux abus commis par les talibans, mais couvre également ceux commis par des fonctionnaires de l’ancien gouvernement, des chefs de guerre, des membres des forces internationales, des groupes armés non étatiques et d’autres auteurs d’abus et de violations graves en Afghanistan.
« L’Union européenne a fait preuve d’un leadership de principe en proposant cette résolution en faveur d’un mécanisme d’enquête sur l’Afghanistan », a déclaré Fereshta Abbasi. « En adoptant cette résolution par consensus, les États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont dénoncé avec force les doubles standards en matière de justice ou de hiérarchie des victimes, et ont démontré la détermination croissante de la communauté internationale à faire en sorte que les auteurs de crimes internationaux rendent compte de leurs actes. »
Le Secrétaire général des Nations Unies a été invité à rendre d’urgence le mécanisme d’enquête opérationnel, en faisant en sorte qu’il puisse commencer à travailler sur son mandat principal malgré la crise financière que traversent actuellement les Nations Unies. La création du mécanisme est particulièrement urgente en ce qui concerne les femmes et les filles, que le régime des talibans soumet à tant de restrictions chaque jour.
La Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre de deux hauts responsables talibans accusés de persécution sexiste, un crime contre l’humanité. La résolution demande que le nouveau mécanisme coopère étroitement avec la CPI, notamment à la lumière des sanctions pesant sur les fonctionnaires des États-Unis, ainsi qu’avec les personnes cherchant à obtenir justice devant la Cour. Elle condamne en outre « les attaques et les menaces contre la Cour, les fonctionnaires élus, le personnel et ceux qui coopèrent avec la Cour ».
« Les membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU ont envoyé un message clair aux victimes, à leurs familles et à tous ceux qui luttent courageusement pour la justice en Afghanistan : leurs voix ont été entendues et leurs souffrances ne sont ni invisibles ni effaçables », a conclu Fereshta Abbasi. « Le Secrétaire général des Nations Unies devrait veiller à ce que le mécanisme d’enquête soit rapidement mis en place, et les États membres des Nations Unies devraient veiller à ce que des fonds soient mis à disposition pour que le mécanisme puisse commencer son travail ».
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Articles
Le Monde J. de Montréal Mediapart/AFP OLJ
Zonebourse/Reuters
06.10.2025 à 15:00
Human Rights Watch
(La Haye) – La première condamnation par la Cour pénale internationale (CPI) d’un ancien chef de milice « janjawid » pour des crimes graves dans la région du Darfour, au Soudan, met en lumière la nécessité d’une action internationale pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis dans tout le pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Le 6 octobre, les juges de la CPI ont reconnu Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (également connu sous le nom d’Ali Kosheib) coupable de 27 chefs d’accusation impliquant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en 2003 et 2004 dans quatre villages – Kodoum, Bindisi, Mukjar et Deleig – du Darfour-Occidental. Les juges ont par ailleurs émis une décision fixant le calendrier de la procédure qui aboutira au prononcé de la peine.
« Cette condamnation prononcée par la CPI pour des crimes graves commis au Darfour était attendue depuis longtemps ; elle apporte aux victimes et aux communautés terrorisées par les janjawids la première opportunité de justice devant ce tribunal », a déclaré Liz Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Dans le contexte du conflit qui perdure au Soudan, engendrant de nouvelles générations de victimes et aggravant les souffrances des personnes ciblées par le passé, ce verdict devrait inciter les États à agir afin de faire progresser la justice par tous les moyens. »
Plusieurs autres affaires concernant des crimes commis au Darfour entre 2003 et 2008 ont été présentées devant la CPI. Elles sont le résultat d’une enquête qui avait fait suite à la saisine du Procureur de la Cour, en 2005, par le Conseil de sécurité des Nations Unies au sujet de la situation du Darfour.
Le gouvernement soudanais d’Omar el-Béchir avait mis en place les milices dites « janjawids », qui se tenaient aux côtés des forces gouvernementales, lors d’une contre-insurrection brutale contre les groupes rebelles, pour se livrer à une campagne de nettoyage ethnique systématique.
Cette campagne ciblait les civils des groupes ethniques Fur, Massalit et Zaghawa, au sein desquels t les rebelles recrutaient des combattants. À cette époque où le regard de la communauté internationale était rivé sur la région, la saisine de la part du Conseil de sécurité de l’ONU – première du genre – est venue valider le mandat essentiel de la Cour, deux ans seulement après qu’elle avait commencé à fonctionner.
Dans un rapport de 2005, Human Rights Watch avait appelé la CPI à enquêter sur Ali Kosheib pour ses crimes présumés commis dans le Darfour. Les juges de la CPI ont émis un premier mandat d’arrêt contre Ali Kosheib en 2007, mais il est resté en cavale pendant plus de dix ans. En 2013, Human Rights Watch a documenté son implication dans la destruction de la ville d’Abou Jaradil et des villages environnants dans le Darfour-Central. Un deuxième mandat de la CPI a été rendu public après qu’Ali Kosheib s’est rendu et a été placé sous la garde de la CPI en juin 2020.
Les juges ont reconnu Ali Kosheib coupable de chefs d’inculpation tels que le meurtre, le viol, la direction intentionnelle d’une attaque vers la population civile, le pillage, la destruction des biens d’un adversaire, le transfert forcé d’une population, l’atteinte à la dignité de la personne, la persécution, le traitement cruel et d’autres actes inhumains.
Ce verdict a été prononcé plus de deux ans après le début du conflit actuel au Soudan entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire né d’un effort du gouvernement visant à intégrer les janjawid dans une structure formelle.
Les deux camps ont commis des crimes de guerre, comme l’exécution de détenus et la mutilation de leurs cadavres, ainsi que d’autres graves violations du droit international humanitaire, notamment dans les États de Khartoum, du Darfour du Nord, d’Al-Djazirah, du Kordofan du Sud et du Kordofan-Occidental, a constaté Human Rights Watch.
Les FSR ont commis des crimes contre l’humanité, en particulier une campagne de nettoyage ethnique, dans le Darfour-Occidental en 2023, dirigée contre l’ethnie massalit et d’autres communautés non arabophones, ainsi que des violences sexuelles généralisées à Khartoum, la capitale, depuis 2023. Les FSR et leurs alliés ont par ailleurs violé des dizaines de femmes et de filles dans un contexte d’esclavage sexuel dans le Kordofan du Sud depuis septembre 2023.
Le bureau du Procureur de la CPI a indiqué en janvier 2025 qu’il prévoyait d’émettre des mandats d’arrêt fondés sur ses investigations actuelles sur les crimes commis depuis avril 2023 dans le Darfour-Occidental. Le mandat de la CPI demeure limité au Darfour, en vertu de la saisine du Conseil de sécurité.
La Mission indépendante d’établissement des faits pour le Soudan appuyée par l’ONU, ainsi que la Mission conjointe d’établissement des faits en République du Soudan de l’Union africaine, sont mandatées pour enquêter sur les violations commises actuellement au Soudan, mais sans l’autorité de lancer des poursuites judiciaires. Dans le conflit actuel, aucun organe international ne peut juger les crimes internationaux commis dans les régions autres que le Darfour.
Afin de ne pas laisser leurs auteurs impunis, les États devraient appuyer le travail actuel de la CPI, tout en soutenant des solutions judiciaires globales pilotées par le peuple soudanais afin de traiter des crimes commis depuis avril 2023, a déclaré Human Rights Watch. Il conviendrait notamment de chercher à étendre la juridiction de la CPI à l’ensemble du Soudan, d’œuvrer en faveur d’un mécanisme judiciaire internationalisé compétent pour le Soudan et d’encourager les procès qui pourraient se tenir devant les tribunaux d’autres pays en vertu du principe de compétence universelle.
Ce verdict intervient alors que la CPI fait face à de sérieuses menaces de parties opposées à la l’obligation de rendre des comptes pour des violations de droits, dont l’actuelle administration Trump aux États-Unis. Même si les États-Unis n’ont jamais adhéré à la Cour, ce pays s’est clairement positionné en faveur de l’enquête au Darfour, quelle que soit l’administration au pouvoir. Des membres éminents du Congrès ont applaudi le travail de la CPI au Darfour et les États-Unis ont apporté un soutien financier important aux efforts visant à documenter les crimes internationaux graves au Soudan.
L’administration Trump, s’efforçant d’entraver le travail de la Cour en Palestine, a infligé des sanctions aux responsables de la CPI, à une expert onusienne des droits humains et à trois groupes palestiniens de défense des droits humains. Ces sanctions menacent le travail de la Cour, y compris au Soudan, où les victimes attendent la justice depuis plus de vingt ans.
Le verdict contre Ali Kosheib est un rappel fondamental de l’importance de la CPI en tant que tribunal permanent de dernière instance, lorsque toutes les autres voies judiciaires sont bloquées, a déclaré Human Rights Watch.
Les États devraient fermement condamner les tentatives des États-Unis de nuire à la Cour, accentuer leur engagement à coopérer avec la CPI et à la soutenir – notamment en appliquant les mandats d’arrêt et en veillant à ce que la Cour dispose des financements nécessaires – et appeler à annuler le programme de sanctions américain.
Des habitants du Darfour, ainsi que des activistes du Soudan et de toute l’Afrique, ont longtemps plaidé en faveur de la reddition d’Ali Kosheib et des autres suspects de la CPI. Des communautés locales et des habitants du Darfour déplacés au Soudan ont manifesté pour réclamer qu’Ali Kosheib rende des comptes devant la justice et organisé des veillées en mémoire des victimes des agressions dont il était présumé coupable.
L’ancien président soudanais, Omar el-Béchir, et deux autres anciens hauts responsables soudanais recherchés par la CPI, dont Ahmed Haroun, qui était ministre d’État aux affaires humanitaires et gouverneur de l’État du Kordofan du Sud, n’ont toujours pas été remis à la CPI. Les autorités soudanaises devraient immédiatement remettre el-Béchir et les autres suspects à la CPI, a déclaré Human Rights Watch.
« Les deux parties au conflit au Soudan continuent à commettre dans tout le pays des atrocités qui sont alimentées par l’impunité généralisée et font des milliers de victimes », a conclu Liz Evenson. « Les pays membres de la CPI et les gouvernements soutenant la justice devraient exprimer clairement leur soutien à la CPI et s’engager publiquement à explorer tous les moyens de lutter contre l’impunité au Soudan, afin que les victimes des crimes d’aujourd’hui n’aient pas à attendre deux décennies pour obtenir justice. »
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Articles
Le Monde
06.10.2025 à 06:00
Human Rights Watch
(Jérusalem) – Le « Plan global pour mettre fin au conflit à Gaza » du président des États-Unis, Donald Trump, annoncé le 29 septembre, ne peut se substituer aux mesures urgentes que devraient prendre d’autres États pour protéger les civils et soutenir la justice après deux ans de graves abus en Israël et en Palestine, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Ce plan en vingt points n’aborde pas directement les questions relatives aux droits humains, ni celle de l’obligation de rendre des comptes pour les graves crimes commis le 7 octobre 2023 et par la suite. Les autres gouvernements devraient prendre des mesures immédiates, dont des embargos sur les ventes d’armes, l’imposition de sanctions ciblées et l’appui à la Cour pénale internationale (CPI), conformément à leurs obligations juridiques internationales de prévenir et de faire cesser les violations commises par les parties au conflit, indépendamment de l’avancée ou non du plan Trump.
« Les deux années écoulées depuis le 7 octobre 2023 ont été marquées par un torrent apparemment incessant d’atrocités contre les civils, commises sans relâche et en toute impunité », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Les autres gouvernements ne devraient pas attendre l’adoption du plan Trump, ni de tout autre plan, pour agir afin d’empêcher que les personnes les plus en danger ne subissent de nouvelles souffrances. »
Les crimes atroces commis en Israël et en Palestine au cours des deux dernières années ont eu des répercussions dévastatrices sur les civils : des milliers de personnes ont été tuées, mutilées, affamées, déplacées de force, illégalement retenues en otages ou placées en détention, des villes et des quartiers ont été rasés, et d’innombrables communautés et vies humaines ont été dévastées, a déclaré Human Rights Watch.
Au cours des attaques du 7 octobre 2023, des combattants du Hamas et d’autres groupes armés palestiniens ont abattu plusieurs centaines de civils, lors d’un festival de musique et à leurs domiciles, dans une vingtaine de communautés du sud d’Israël. Des centaines de civils ont été pris en otages et beaucoup sont toujours détenus, y compris des personnes affamées dans des tunnels. Dans son rapport de juillet 2024, Human Rights Watch a conclu que des groupes armés palestiniens avaient commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, y compris des meurtres et l’emprisonnement illégal de personnes.
Click to expand Image Des photos d'otages israéliens détenus à Gaza étaient exposées sur le sol lors d'une manifestation organisée par leurs familles à Tel Aviv, le 27 septembre 2025. © 2025 Jack Guez/AFP via Getty ImagesLes gouvernements ayant de l’influence sur le Hamas et les autres groupes armés palestiniens devraient faire pression pour obtenir la libération rapide des civils israéliens retenus en otages, un crime de guerre toujours en cours, a déclaré Human Rights Watch.
À Gaza, les forces israéliennes ont tué des dizaines de milliers de Palestiniens, pour la plupart des civils ; elles ont décimé des familles entières et tué chaque jour, en moyenne, l’équivalent de toute une classe d’enfants. Les opérations militaires à Gaza ont laissé la plus grande partie du territoire en ruine, rasant des quartiers et des villes entières et endommageant gravement – voire détruisant – la majorité des domiciles, des établissements scolaires, des hôpitaux et des infrastructures civiles. Les autorités israéliennes ont causé une famine, employant la privation de nourriture comme arme de guerre et forçant presque toute la population à se déplacer à plusieurs reprises.
Les Nations Unies, les organisations de défense des droits humains et les médias ont régulièrement publié des informations sur les actions des autorités israéliennes ayant gravement violé le droit international à Gaza. Human Rights Watch a documenté de nombreuses violations des lois de la guerre qui constituent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, dont celui d’extermination, et des actes de génocide, ainsi que la violation d’ordonnances contraignantes de la Cour internationale de Justice.
En Cisjordanie, des centaines de Palestiniens ont été tués ou blessés, et des milliers d’autres ont été détenus, beaucoup sans jugement ni inculpation ; des dizaines de milliers d’habitants ont été déplacés, surtout par les forces israéliennes, mais aussi par des colons israéliens.
L’étendue des destructions à Gaza et les schémas des attaques ont démontré le dédain du gouvernement israélien vis-à-vis de ses obligations fondamentales en vertu du droit international. Le non-respect de ces normes a des répercussions qui vont bien au-delà d’Israël et de la Palestine. Si des États puissants ou leurs alliés bafouent le droit international humanitaire sans qu’il n’y ait de conséquences, ils portent atteinte à la crédibilité de tout le système juridique, et affaiblissent les protections pour les civils dans les conflits armés partout dans le monde, a déclaré Human Rights Watch.
Tous les États devraient agir pour prévenir de nouvelles atrocités et faire respecter l’universalité des droits humains. Ils devraient prendre des mesures pour faire cesser les abus en cours, appuyer des enquêtes crédibles et une véritable lutte contre l’impunité des responsables ; notamment les mesures suivantes :
Exhorter les autorités israéliennes à lever immédiatement et sans conditions les lourdes restrictions illégales qui entravent l’arrivée de l’aide humanitaire à Gaza.Exhorter le Hamas et les autres groupes armés palestiniens à libérer sans conditions tous les civils retenus en otages.Suspendre l’aide militaire et les transferts d’armes vers Israël, ainsi que vers le Hamas et les autres groupes armés palestiniens.Infliger des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et des gels des avoirs, aux responsables israéliens et aux autres personnes dont il est crédible de penser qu’elles sont impliquées dans les graves violations en cours.Suspendre les accords commerciaux préférentiels avec Israël et interdire le commerce avec les colonies illégales.Exprimer publiquement son soutien en faveur de la CPI et condamner fermement les tentatives d’intimider ses responsables et les personnes coopérant avec la Cour ou d’interférer avec son travail ; s’engager à soutenir l’application des mandats d’arrêts de la CPI.« La répression croissante sur le terrain, au cours des décennies où se succédaient divers “processus de paix”, devrait avoir clairement prouvé qu’il est insensé de compter uniquement sur des plans de paix pour mettre fin aux graves abus », a conclu Omar Shakir. « Les États devraient urgemment prendre des mesures concrètes pour protéger les plus de deux millions de Palestiniens de Gaza, ainsi que les otages israéliens. »
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