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Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

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19.03.2025 à 05:00

Pakistan : Les renvois forcés d’Afghans les exposent à la persécution et à la misère

Human Rights Watch

Click to expand Image De nombreuses personnes afghanes qui étaient réfugiées au Pakistan, avant d’être contraintes de quitter ce pays, montaient à bord d'un bus à Karachi, au Pakistan, le 31 octobre 2023. Ce bus devait les ramener en Afghanistan. © 2023 Fareed Khan/AP Photo Les autorités pakistanaises ont intensifié la pression sur les réfugiés afghans pour qu'ils retournent en Afghanistan, où ils risquent d'être persécutés par les talibans et sont confrontés à des conditions économiques désastreuses.La situation des droits humains en Afghanistan n'a cessé de se détériorer depuis la prise de pouvoir par les talibans. Les personnes qui retournent dans ce pays y sont confrontées au chômage, à un système de santé défaillant et à une forte baisse de l'aide étrangère.Le Pakistan devrait mettre fin aux renvois forcés et aux expulsions d'Afghans. Les talibans devraient mettre fin aux abus et délivrer des documents d'identité à toutes les personnes revenues dans le pays. Les autres gouvernements devraient s’abstenir de renvoyer quiconque vers l’Afghanistan, compte tenu du risque d’abus dans ce pays.

(New York, 19 mars 2025) – Les autorités pakistanaises ont intensifié des pratiques abusives et d’autres moyens de pression visant des réfugiés afghans afin de les pousser à retourner en Afghanistan, bien qu’ils risquent d'y être persécutés par les talibans et confrontés à des conditions économiques désastreuses, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

La situation des droits humains en Afghanistan n'a cessé de se détériorer depuis le retour au pouvoir des talibans en août 2021. Les femmes et les filles n’y ont pas accès à l'enseignement post-primaire, et sont privées de plusieurs droits et de libertés. Les défenseurs des droits humains, les journalistes et les ex-fonctionnaires de l’ancien gouvernement sont particulièrement menacés. Toutes les personnes qui retournent en Afghanistan luttent pour survivre face au taux de chômage élevé, au système de santé défaillant et à la diminution de l'aide étrangère.

« Les autorités pakistanaises devraient immédiatement cesser de contraindre des Afghans à retourner dans leur pays, et permettre à ceux qui risquent l'expulsion de solliciter une protection au Pakistan », a déclaré Elaine Pearson, directrice de la division Asie à Human Rights Watch. « Les autorités talibanes en Afghanistan devraient empêcher toute représailles contre les Afghans revenus dans le pays, et mettre fin à leurs politiques abusives à l'encontre des femmes et des filles. »

Le 31 janvier, le ministère pakistanais de l'Intérieur a annoncé que les Afghans non munis de documents de séjour officiels, ainsi que les détenteurs de cartes de citoyenneté afghane, devaient quitter les villes d'Islamabad et de Rawalpindi ou risquer d’être expulsés du Pakistan. La directive ordonnait aussi aux Afghans titulaires d'une carte confirmant leur enregistrement en tant que réfugiés (« Proof of Registration Card », ou carte PoR) de quitter le pays avant le 30 juin.

En 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 35 personnes afghanes au Pakistan, ainsi qu’avec plusieurs Afghans revenus dans leur pays, au sujet des raisons de leur départ et des conditions de vie suite à leur retour dans leur pays. Human Rights Watch a également mené des entretiens avec des représentants d'organisations humanitaires apportant une aide aux réfugiés afghans, des deux côtés de la frontière.

Durant la période de septembre 2023 à janvier 2024, une précédente vague d'expulsions menées par le Pakistan a conduit au départ de plus de 800 000 Afghans – dont beaucoup étaient nés au Pakistan ou y vivaient depuis des décennies – vers l'Afghanistan. Depuis novembre 2024, les autorités pakistanaises ont renouvelé leur pression pour expulser les Afghans. Plus de 70 % des personnes rentrées en Afghanistan sont des femmes et des enfants, y compris des filles en âge de fréquenter l'école secondaire et des jeunes femmes qui n'auront plus accès à l'éducation.

Des policiers pakistanais ont perquisitionné des domiciles, battu et détenu arbitrairement des réfugiés afghans, et confisqué des documents dont des permis de séjour. Ils ont exigé des pots-de-vin pour permettre à des Afghans de rester au Pakistan. Les Nations Unies ont rapporté que la plupart des Afghans rentrés en Afghanistan ont invoqué la crainte d'être détenus par les autorités pakistanaises comme motif principal de leur départ.

Masood Rahmati, un journaliste sportif afghan, a déclaré que même les Afghans enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) ou possédant des cartes de séjour valides n'étaient pas en sécurité. « Nous avions des cartes PoR [Proof of Registration] », a déclaré Atifi. « Mais la police a découpé nos cartes, et nous a renvoyés en Afghanistan. »

Parmi les Afghans les plus exposés à des risques figurent ceux qui étaient affiliés aux forces de sécurité de l'ancien gouvernement afghan. Human Rights Watch et l'ONU ont documenté des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des arrestations et détentions arbitraires, ainsi que des actes de torture et autres mauvais traitements infligés à des personnes affiliées aux forces militaires et policières de l'ancien gouvernement, dont certaines étaient rentrées en Afghanistan après avoir d'abord cherché refuge au Pakistan. Les journalistes et les activistes qui ont fui au Pakistan après avoir critiqué les talibans craignent également des représailles. De plus, les talibans ont menacé, détenu arbitrairement et torturé des femmes qui protestaient contre leurs politiques.

« J'ai quitté l'Afghanistan parce que j'étais un militant des droits humains et que je protestais contre les talibans », a déclaré Naheed, qui, après avoir fui l'Afghanistan en août 2024, vivait caché au Pakistan, craignant d'être expulsé, et dont le nom de famille (comme celui d'autres personnes) n'est pas divulgué pour sa protection. « Une fois mon identité révélée, j'ai dû partir [vers un autre pays]. Je ne peux pas rentrer [en Afghanistan] tant que les talibans sont au pouvoir. »

De nombreux réfugiés afghans qui sont de retour dans leur pays ont dû laisser leurs biens et leurs économies au Pakistan, et disposent de peu de moyens de subsistance ou de terres en Afghanistan. Suite à la prise de pouvoir par les talibans, l'Afghanistan a perdu son accès au système bancaire international et à la quasi-totalité de l'aide étrangère au développement, qui finançait en grande partie l'ancien gouvernement afghan. Son économie s'est alors fortement contractée, entraînant la perte de dizaines de milliers d'emplois.

En janvier, plus de 22 millions d'Afghans, soit près de la moitié de la population, avaient besoin d'une aide alimentaire d'urgence et d'autres formes d'assistance, et on estimait à 3,5 millions le nombre d'enfants souffrant de malnutrition aiguë. Très peu de services de soutien sont disponibles pour les personnes handicapées. L'interdiction par les talibans d'employer des femmes dans des organisations non gouvernementales a aggravé la crise, en limitant leur accès à des emplois et à divers services.

« Ne me demandez pas de vous décrire la vie ici », a soupiré Mohmadullah, un Afghan qui a dû revenir à Kandahar en février 2024. « Il n'y a ni électricité, ni ventilateur. Ce n'est pas une vie. Notre tente est trouée, le sol devient mouillé [en cas de pluie]. Mes enfants s’endorment sans avoir assez mangé. »

Les femmes et les filles qui retournent en Afghanistan sont confrontées à de graves restrictions de leurs droits à l'éducation, à l'emploi et à la liberté de circulation. « Il y a une école juste en face de chez nous [à Kandahar], mais les filles n’ont pas le droit d’y aller », a déclaré Hamidullah, qui a vécu au Pakistan pendant 40 ans et a été expulsé vers l'Afghanistan en 2024. « Mes cinq filles allaient à l'école [au Pakistan]. »

Les pays qui accueillent des réfugiés afghans, notamment les États-Unis, l'Australie, le Royaume-Uni, le Canada et la Nouvelle-Zélande, devraient maintenir leur politique basée sur l’hypothèse qu’un retour en Afghanistan dans des conditions sûres n’est pas possible. Les expulsions d’Afghans par le Pakistan, ainsi que les mesures coercitives et les reconduites d’Afghans à la frontière, pourraient constituer des violations des obligations du Pakistan en tant qu’État partie à la Convention des Nations Unies contre la torture. Ces actions sont aussi susceptibles de violer le principe de non-refoulement inscrit dans le droit international coutumier ; ce principe interdit le renvoi forcé de personnes vers un pays où elles seraient exposées à un risque réel de persécution, de torture ou d'autres mauvais traitements, ou à une menace pour leur vie. L'Allemagne et d'autres pays ont également mis des Afghans en danger, en les expulsant vers l'Afghanistan.

« L’Afghanistan n’est pas un pays sûr pour le retour forcé d’Afghans réfugiés dans d’autres pays », a conclu Elaine Pearson. « Face à l’urgence de la situation au Pakistan, les autres pays qui se sont engagés à accueillir des Afghans exposés à des risques devraient accélérer les procédures de réinstallation de ces personnes. »

Suite détaillée en anglais.

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17.03.2025 à 14:00

Îles Salomon : Une communauté déplacée par la montée des eaux

Human Rights Watch

Play Video L'intensification des impacts du changement climatique aux Îles Salomon a déplacé les membres de la communauté Walande, parmi d’autres, menaçant leurs droits économiques, sociaux et culturels.Les membres de cette communauté ont quitté leur petite île pour se réinstaller sur la grande île de Malaita, en raison de la montée du niveau de la mer et de l'intensification des tempêtes. Mais ils demeurent confrontés à des menaces constantes liées aux impacts climatiques, à l'insécurité foncière, à un accès limité à la terre et à un soutien insuffisant.Le gouvernement des Îles Salomon devrait mettre en œuvre ses Directives sur la planification de réinstallations, en priorisant l'aide en fonction des besoins. Le gouvernement et les pays à revenu élevé devraient accroître le financement et l'assistance technique aux communautés menacées par le changement climatique, afin de faciliter leur éventuelle réinstallation d’une manière respectueuse de leurs droits.

(Honiara, Îles Salomon)– L'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon, ainsi que d’autres impacts climatiques aggravés par l'insécurité foncière, l'accès limité à la terre et l'insuffisance du soutien gouvernemental, compromettent les droits de la communauté autochtone Walande, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Malgré leur décision de quitter l’île où ils vivaient afin d’échapper aux effets du changement climatique, les membres de cette communauté sont toujours exposés à divers risques.

17 mars 2025 “There’s Just No More Land”

Le rapport de 66 pages, intitulé « “There’s Just No More Land”: Community-led Planned Relocation as Last-resort Adaptation to Sea Level Rise in Solomon Islands » (« “Il n'y a plus de terre” : La réinstallation d’une communauté due à l'élévation du niveau de la mer aux Îles Salomon »), explique pourquoi les membres de la communauté Walande ont pris la décision difficile de se réinstaller après des décennies d'adaptation au changement climatique, comment ils l’ont fait sans aide adéquate du gouvernement ni assistance internationale, et comment leurs droits économiques, sociaux et culturels continuent d’être menacés. Human Rights Watch a constaté que le gouvernement des Îles Salomon a pris certaines mesures importantes pour soutenir les communautés confrontées aux impacts les plus graves de la crise climatique, notamment en adoptant des Directives sur la planification de réinstallations, mais qu'il ne les a pas encore pleinement mises en œuvre.

« L'histoire de la communauté Walande devrait servir d’avertissement : les communautés ne peuvent pas faire face à la crise climatique, toutes seules », a déclaré Erica Bower, chercheuse à Human Rights Watch sur les déplacements liés à la crise climatique. « Le gouvernement des Îles Salomon pourrait jouer un rôle de leader mondial en matière de réinstallation planifiée d’une manière respectueuse des droits, mais seulement en appliquant d’urgence ses propres directives et en soutenant de façon adéquate les communautés déplacées par la crise climatique. » 

Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 130 personnes : des membres de la communauté Walande, des habitants d'autres villages côtiers aux Îles Salomon, des responsables gouvernementaux, et divers experts ; Human Rights Watch a aussi analysé des images satellite, des données sur l'aide à la réinstallation, ainsi que d’autres documents.

Click to expand Image Carte montrant l’emplacement du village de Walande, au sud-est de l’île de Malaita, l’une des Îles Salomon dans l’océan Pacifique. La capitale des Îles Salomon, Honiara, est située sur l’île de Guadalcanal à l’ouest de Malaita. © 2025 Human Rights Watch

La communauté Walande compte environ 800 personnes qui vivent sur la côte sud de Malaita, l’une des Îles Salomon. Jusqu'au milieu des années 2010, cette communauté vivait sur un petit îlot au large de de Malaita. Pendant des décennies, même après que leur îlot fut frappé par des cyclones et des tempêtes, les habitants reconstruisaient leurs maisons et tâchaient de s'adapter à leur environnement. Toutefois, suite aux marées dévastatrices de 2009, toute la communauté a fini par se réinstaller sur l’île de Malaita voisine.

L'expérience vécue par la communauté Walande met en lumière les dangers liés au manque de soutien par le gouvernement et par des donateurs internationaux à un tel projet de réinstallation. Malgré leur demande d'aide, les membres de la communauté ont en grande partie financé et exécuté leur réinstallation eux-mêmes. Cette réinstallation n'a toutefois permis qu'une sécurité à court terme. L'eau de mer brise déjà les digues censées protéger leur nouveau site, et est en train de détruire les sources de leur alimentation traditionnelle.

Comparaison entre deux images satellite (mai 2010 et juin 2024) 

Comparaison entre deux images satellite montrant le sud-est de l’île de Malaita (Îles Salomon), en mai 2010 et en juin 2024. 
27 mai 2010 : À gauche de l’image, l’on voit la côte de Malaita, avec quelques maisons, de nombreux arbres et une végétation allant jusqu’à la côte (ligne jaune). À droite de l’image de mai 2010, le petit îlot de Walande, avec de nombreuses maisons, est encore visible (tâche partiellement blanche).
27 juin 2024 : À gauche de cette image, sur la côte de Malaita, l’on voit plus de maisons, suite à la réinstallation des villageois de Walande, mais moins d’arbres, ainsi que l’érosion de la côte (ligne rouge). À droite, l’îlot de Walande n’est plus visible, ayant été submergé par la mer. 
© 2025 Images satellite Maxar/Airbus/Google Earth. Graphisme © Human Rights Watch.

La communauté Walande ne dispose que de fonds limités pour se protéger de l'élévation du niveau de la mer sur son nouveau site, sur l’île de Malaita ; ses droits fonciers y sont précaires, et elle n'a pas accès à d'autres terres plus éloignées de la mer. Certains membres envisagent une nouvelle relocalisation. « Nous cherchons à nouveau des terres situées a un niveau plus élevé », a expliqué un membre de la communauté.

Les femmes de la communauté de Walande sont particulièrement préoccupées, car leur contrôle sur les terres est limité par le système foncier patriarcal de la province de Malaita. Quelques femmes ont déclaré que des dirigeants communautaires les avaient même poussées à se marier en dehors de leur communauté, afin de mieux s’adapter à ces circonstances difficiles.

Une réinstallation planifiée est une mesure d'adaptation de dernier recours comportant de graves risques. Toute planification doit respecter les principes des droits humains, tels que le consentement éclairé des membres de la communauté concernée, comme celle de Walande, et prévoir leur participation à toutes les étapes du processus. Le nouveau site d'installation d'une communauté doit permettre à ses membres de bénéficier de leurs droits économiques, sociaux et culturels.

En vertu du droit international, le gouvernement des Îles Salomon a l'obligation de protéger les communautés contre les risques climatiques prévisibles en prenant des mesures d’adaptation respectueuses de leurs droits, notamment les droits autochtones, les droits fonciers coutumiers et les droits des femmes. En 2022, le gouvernement des Îles Salomon a adopté des Directives sur la planification de réinstallations, qui établissent en théorie un cadre solide pour respecter ces obligations. Mais tant que ces Directives ne sont pas opérationnelles, les populations réinstallées ou en cours de réinstallation restent exposées aux effets du changement climatique, et aux risques pour leurs droits humains.

Click to expand Image Un jeune garçon, membre de la communauté de Walande (province de Malaita) aux Îles Salomon dans l’océan Pacifique, cherchait du poisson dans cette région affectée par le changement climatique. © 2025 Cyril Eberle for Human Rights Watch

Le gouvernement des Îles Salomon devrait pleinement mettre en œuvre ces Directives, notamment en établissant un plan d'évaluation à l'échelle nationale afin d'identifier les communautés les plus exposées aux risques climatiques, et de prioriser les mesures de soutien en fonction de leurs besoins. Le gouvernement devrait également augmenter le financement des relocalisations communautaires, en veillant à ce que les fonds couvrent non seulement les coûts de reconstruction des logements et de mesures sécuritaires, mais aussi la garantie de l'ensemble des droits, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et du patrimoine culturel.

En vertu du droit international relatif au climat et aux droits humains, les pays les plus développés ont l'obligation de soutenir l'adaptation des pays les moins développés, comme les Îles Salomon, au changement climatique. Pourtant, entre 2011 et 2021, les habitants des Îles Salomon n'ont reçu une aide internationale que de 20 dollars US en moyenne par an, pour faciliter leur adaptation au changement climatique.

Quelques pays ont commencé à soutenir les efforts d'adaptation menés par les communautés affectées, notamment l'Australie qui a cofinancé la mise en place du nouveau site de la communauté Walande. Cependant, les donateurs internationaux devraient rapidement intensifier leur assistance financière et technique afin de garantir que les Îles Salomon puissent répondre au changement climatique, et que les communautés en première ligne, comme celle de Walande, puissent s'adapter sur place ou se relocaliser en protégeant leurs droits, a déclaré Human Rights Watch.

Un rapport publié par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, ou IPCC en anglais) prévoit qu'« à mesure que le risque climatique s'intensifie, le besoin de relocalisations planifiées augmentera ». Tout pays doté d'un littoral devrait, au minimum, anticiper ce défi, en tirant les leçons des relocalisations menées par les communautés comme celle de Walande, et mettre en place des politiques comme l’adoption de directives semblables à celles élaborées aux Îles Salomon.

« Le soutien aux communautés qui sont en première ligne face à la crise climatique est déjà urgent, et ne fera que devenir plus impératif », a conclu Erica Bower. « Relever ces défis croissants ne sera pas possible sans mettre en œuvre des politiques axées sur les droits humains. »

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Médias

Radio France (podcast)

14.03.2025 à 23:30

Burkina Faso : Des milices pro-gouvernementales impliquées dans un massacre

Human Rights Watch

Click to expand Image Une capture d’écran d’une des vidéos analysée par Human Rights Watch montrant un t-shirt vert porté par un individu où on peut lire « Force Rapide de Kouka », une milice de la province de Banwa. © 2025 Privé

(Nairobi) – Des milices pro-gouvernementales au Burkina Faso sont impliquées dans des séquences vidéo circulant sur les réseaux sociaux et montrant le massacre de dizaines de civils dans et autour de la ville de Solenzo, dans l'ouest du pays, les 10 et 11 mars 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Les autorités devraient mener une enquête impartiale et poursuivre de manière appropriée tous les responsables de ces crimes graves.

Human Rights Watch a examiné 11 vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux à partir du 11 mars, montrant des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants morts, ainsi que des dizaines d'autres en vie, certains avec des blessures visibles, les mains et les pieds liés. Dans les vidéos, des hommes armés se tiennent à côté des corps ou marchent parmi eux, donnant des instructions aux personnes détenues et, dans certains cas, les insultant. Les hommes armés portent des uniformes identifiables de milices locales connues sous le nom de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Certains portent des T-shirts verts sur lesquels on peut lire « Groupe d'autodéfense de Mahouna » et « Force Rapide de Kouka », deux milices locales des localités de Mahouna et Kouka dans la province de Banwa, dont la capitale est Solenzo.

« Les vidéos macabres d'un massacre apparent perpétré par des milices pro-gouvernementales au Burkina Faso soulignent l'absence généralisée de reddition des comptes pour les crimes commis par ces forces », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités burkinabè devraient prendre des mesures immédiates pour mettre fin aux attaques des milices contre les civils en punissant les responsables d'atrocités comme celles commises à Solenzo. »

D'après l'analyse de vidéos, des informations collectées par des médias et des sources locales, la plupart des victimes semblent être de l'ethnie peule. Selon des sources, les 10 et 11 mars, des forces de sécurité et des milices alliées ont mené des opérations de grande envergure dans la campagne de Solenzo et ciblé des Peuls déplacés, apparemment en représailles contre la communauté, que le gouvernement accuse depuis longtemps de soutenir les combattants islamistes. Au Burkina Faso, les groupes armés islamistes ont concentré leurs efforts de recrutement sur les Peuls en exploitant leurs frustrations face à la corruption du gouvernement et à la concurrence pour les ressources naturelles.

Les autorités burkinabè n'ont publié aucune communication publique sur les vidéos – qui ont été visionnées des milliers de fois – ni sur les opérations militaires à Solenzo. Human Rights Watch n'a pas été en mesure de confirmer les lieux exacts où les vidéos ont été filmées.

Une vidéo de 29 secondes partagée sur Telegram le 12 mars montre une femme morte saignant de la tête sur le sol, à côté d'un enfant en bas âge dans un état apparemment critique, allongé face contre terre. On entend l'homme qui filme dire en mooré, une langue largement parlée au Burkina Faso : « C'est le travail de vos parents qui vous a amenés ici. Vous pensez que vous pouvez avoir tout le Burkina Faso. C'est votre fin. »

Une autre vidéo, d'une durée de deux minutes et huit secondes, montre une jeune femme au sol, qui semble gravement blessée, et un enfant d'environ deux ans à côté d'elle. On entend deux voix masculines s'exprimer en mooré et demander à la femme : « Tu dis que tu ne peux pas te lever – tu veux qu'on parte avec ton enfant ? Pourquoi ne te lèves-tu pas ? » La femme répond qu'elle a mal.

Quelqu'un hors champ dit : « Vous, les Peuls, vous pensez que vous pouvez prendre le contrôle du Burkina Faso ? Vous n'y arriverez jamais ! Ce qui vous reste à faire ici, c'est de disparaître. Où sont ceux qui portent des armes ? » La femme répond qu'elle ne sait pas, et l'une des deux voix masculines dit : « Comment se fait-il que tu ne saches pas ? Nous allons t'achever. » À la fin de la vidéo, un homme prend l'enfant dans ses bras.

Dans une vidéo de 33 secondes, des hommes armés de couteaux et de fusils jettent un homme encore vivant sur un véhicule à trois roues chargé de ce qui semble être au moins 10 corps d'hommes et de femmes. Certains hommes armés célèbrent l’incident alors que le véhicule s'éloigne.

Human Rights Watch a dénombré 58 personnes qui semblent mortes ou mourantes dans les vidéos, une estimation prudente car certains corps ont été empilés sur d'autres. Deux corps paraissent être ceux d'enfants. Dans une vidéo, un homme est vivant et parle aux hommes en armes. Dans une autre, le même homme semble mort, son corps ayant été jeté à l'arrière du véhicule à trois roues. Dans une autre vidéo, quatre personnes, dont un jeune enfant, sont en vie, entourées d'environ 35 personnes mortes ou mourantes. Human Rights Watch n'a pas pu confirmer ce qui leur est arrivé.

Des médias internationaux comme l'AFP, RFI et Jeune Afrique ont fait état de ces meurtres dans les jours qui ont suivi le 11 mars.

Les groupes armés islamistes au Burkina Faso se sont rendus coupables de nombreuses et graves exactions, notamment de meurtres et de déplacements forcés de civils. Le Groupe pour le soutien de l'islam et des musulmans (GSIM, ou Jama'at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué à plusieurs reprises des civils ainsi que les forces de sécurité gouvernementales et les milices VDP dans la province de Banwa.

L'organisation non gouvernementale Armed Conflict Location and Event Data (ACLED) a rapporté que le 31 octobre 2024, le GSIM a tué 51 civils dans le village de Ban, à 15 kilomètres de Solenzo, en représailles apparentes contre la communauté locale accusée d'avoir rejoint les VDP. ACLED a également rapporté que le 21 novembre, le GSIM a attaqué les VDP dans le village de Baye, à 12 kilomètres de Solenzo, tuant 17 membres de la milice. Le 25 novembre, les habitants de Solenzo ont protesté contre l'insécurité croissante. La manifestation est devenue violente et la foule a tué le chef du village.

En réponse à la présence croissante de groupes islamistes armés, les forces de sécurité burkinabè et les VDP ont mené des opérations militaires dans la province de Banwa. Le 2 janvier 2025, le président Ibrahim Traoré a nommé le capitaine Papa Parfait Kambou commandant du Bataillon d'Intervention Rapide (BIR-18), une force spéciale impliquée dans les opérations de contre-insurrection, qui, selon l'agence de presse officielle burkinabè, est basée à Solenzo.

Human Rights Watch a établi que les forces armées burkinabè et les VDP ont commis des abus généralisés au cours des opérations de contre-insurrection dans tout le pays, y compris des meurtres illégaux de civils peuls qu'ils accusent de soutenir les combattants islamistes.

« Chaque attaque djihadiste s'accompagne de représailles », a déclaré un homme d'origine peule qui a fui la région de Solenzo il y a plus d'un an. « Être peul aujourd'hui est synonyme de terroriste.... Les membres de ma famille se trouvent toujours dans les environs de Bèna [à 16 kilomètres de Solenzo], et je crains que certains d'entre eux n'aient été attaqués à leur tour. »

Toutes les parties au conflit armé au Burkina Faso sont tenues de respecter le droit international humanitaire, qui comprend l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit international coutumier. L'article 3 commun interdit le meurtre, la torture et les mauvais traitements des civils et des combattants capturés. Les personnes qui commettent des violations graves des lois de la guerre avec une intention criminelle sont responsables de crimes de guerre. Les commandants qui savaient ou auraient dû savoir que leurs forces commettaient des abus graves et qui ne prennent pas les mesures nécessaires peuvent être poursuivis au titre de la responsabilité du commandement.

« Alors que le conflit armé au Burkina Faso entre dans sa neuvième année, les forces de sécurité et leurs milices alliées ainsi que les groupes armés islamistes commettent des crimes graves contre une population civile épuisée, sans craindre les conséquences », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Une réponse concertée des autorités aux informations impliquant les milices à Solenzo enverrait le message que le gouvernement prend au sérieux la fin de l'impunité. »

12.03.2025 à 15:30

Philippines : Duterte arrêté suite au mandat d’arrêt de la CPI

Human Rights Watch

Click to expand Image Un avion transportant l'ancien président Rodrigo Duterte vers La Haye décolle de Manille, aux Philippines, le 11 mars 2025.  © 2025 Aaron Favila/AP Photo

(Manille, le 12 mars 2025) – L'arrestation de l'ex-président des Philippines, Rodrigo Duterte, et son transfert à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye constituent un pas historique vers la justice, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le 11 mars, les autorités philippines, donnant suite à un mandat d'arrêt émis par la CPI et transmis à Interpol, ont arrêté Duterte à Manille. La CPI a requis son arrestation pour crimes contre l'humanité, liés aux exécutions extrajudiciaires présumées survenues entre 2011 et 2019. Le président Ferdinand Marcos Jr. a confirmé qu'un avion transportant Duterte à La Haye avait quitté l'aéroport international Ninoy Aquino de Manille à 23h03, le 11 mars.

« L'arrestation et le transfert à La Haye de l'ex-président Duterte constituent une victoire attendue depuis longtemps contre l'impunité aux Philippines, et un pas en avant dans la quête de justice pour les victimes et leurs familles », a déclaré Bryony Lau, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Cet événement historique envoie un message clair aux auteurs de violations des droits humains partout dans le monde : un jour, ils pourraient aussi être tenus responsables de leurs actes. »

Le mandat d’arrêt contre Duterte contient des allégations d’exécutions extrajudiciaires commises durant son mandat en tant que maire de Davao, puis dans le cadre de la brutale « guerre contre la drogue » menée à l’échelle nationale après son accession à la présidence en 2016.

Selon les statistiques officielles de la police, plus de 6 000 Philippins – principalement des personnes défavorisées vivant dans des zones urbaines – ont été tués dans le cadre de cette « guerre contre la drogue ». Toutefois, des organisations philippines de défense des droits humains affirment que le chiffre réel est nettement plus élevé, évoquant plus de 30 000 victimes. De nombreux enfants figuraient parmi les victimes, ou ont subi les conséquences néfastes de la campagne antidrogue de Duterte.

Des agents de la police nationale philippine ont perquisitionné des domiciles la nuit sans présenter de mandat, arrêtant puis exécutant des suspects, et fabriquant fréquemment des preuves pour justifier leurs actes. Parmi les milliers d'affaires, seul un très petit nombre ont fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites ; seules quatre affaires ont abouti à des condamnations, toutes concernant des policiers subalternes accusés d’avoir commis des exécutions extrajudiciaires.

La violence généralisée a incité le Bureau du Procureur de la CPI à ouvrir un examen préliminaire de la situation aux Philippines, ce qui a conduit le président Duterte à retirer ce pays du traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome, en mars 2018. Ce retrait est entré en vigueur un an plus tard. En vertu du Statut de Rome, la CPI conserve toutefois sa compétence sur les crimes commis avant ce retrait. L'ancienne Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a annoncé l'ouverture d'une enquête officielle en 2021.

Ces dernières années, le gouvernement philippin a modifié sa position concernant l'enquête de la CPI. Initialement, l'administration Marcos, entrée en fonction en 2022, avait contesté la compétence de la Cour sur les infractions présumées. Mais après une brouille politique entre les camps Marcos et Duterte en 2024, l'administration Marcos a assoupli son discours sur la CPI et a déclaré en novembre qu'elle collaborerait avec Interpol, l'organisation internationale de police criminelle, si un mandat d'arrêt visant Duterte était émis.

Alors que la CPI est attaquée par certains gouvernements, comme l’illustre la récente décision du président américain Donald Trump d’infliger des sanctions à son Procureur, l'arrestation de Rodrigo Duterte et son transfert à La Haye confirment la pertinence de la Cour ; ceci montre son importance pour garantir que les auteurs de crimes graves soient tenus de rendre des comptes, a déclaré Human Rights Watch.

Le président Marcos devrait désormais prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre les violations persistantes des droits humains aux Philippines, comme les récentes exécutions extrajudiciaires et attaques contre des activistes et des organisations de la société civile. Le gouvernement philippin devrait aussi redevenir un pays membre de la CPI, une démarche soutenue par un nombre croissant de Philippins.

« Le président Marcos a fait un premier pas vers la fin de l'impunité qui règne depuis longtemps pour les meurtres liés aux affaires de drogue aux Philippines », a conclu Bryony Lau. « Il devrait aller encore plus loin, en annulant les décrets de Duterte qui ont déclenché la “guerre antidrogue”, et en donnant la priorité à des réformes en profondeur de la police philippine. »

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12.03.2025 à 05:00

RD Congo : Le M23 soutenu par le Rwanda cible des journalistes et des activistes

Human Rights Watch

Click to expand Image Des membres du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, sécurisent une rue avant l'arrivée du chef de l'Alliance Fleuve Congo (AFC), une alliance de partis politiques et de groupes armés comprenant le M23, à Goma, en République démocratique du Congo, le 1er février 2025. © 2025 Tony Karumba/AFP via Getty Images

Révision : Human Rights Watch a été alerté sur le fait qu'un numéro de téléphone couramment utilisé par Human Rights Watch et d'autres pour joindre le porte-parole de l'AFC, Lawrence Kanyuka, pourrait ne pas lui appartenir. Le 15 mars 2025, après que Human Rights Watch a publié le communiqué de presse ci-dessous citant Kanyuka, ce dernier a posté sur X qu'il ne nous avait pas parlé. Kanyuka et Human Rights Watch ont communiqué en utilisant le même canal WhatsApp depuis plusieurs années, notamment pour partager des communiqués et des réponses de l'AFC/M23 aux publications de Human Rights Watch. Nous enquêtons sur cette affaire.

Le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, et l’Alliance Fleuve Congo qui lui est alliée, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis la prise de Goma en janvier.Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux occupées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de faire leur travail sans menaces, violences ou pire.L’Union européenne, ses États membres et les autres gouvernements préoccupés par la situation devraient adopter d’urgence de nouvelles sanctions ciblées contre le M23, ainsi que contre les hauts fonctionnaires rwandais et congolais responsables d’abus graves. 

(Nairobi) – Le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda, ainsi que l’Alliance Fleuve Congo (AFC) dont le M23 fait partie, ont menacé, placé en détention et attaqué des journalistes, des détracteurs et des activistes de la société civile depuis leur prise de Goma dans l’est de la République démocratique du Congo à la fin du mois de janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. L’Alliance Fleuve Congo est une coalition politico-militaire qui inclut le M23.  

Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, les combattants du M23 ont fait des descentes dans des maisons et proféré des menaces de mort et de représailles, sapant le travail des médias indépendants et d’organisations de la société civile. Les combattants du M23 ont également placé en détention des leaders de la société civile et commis des exécutions sommaires, notamment le meurtre d’un chanteur qui était aussi activiste à son domicile et de cinq hommes soumis à du travail forcé. 

« Le M23, soutenu par le Rwanda, harcèle et attaque des activistes, des journalistes et des détracteurs pacifiques dans les zones qu’il contrôle à l’est de la RD Congo », a indiqué Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch. « Le rétablissement d’une certaine normalité dans les villes de Goma et de Bukavu, toutes deux contrôlées par le M23, exige de permettre aux journalistes et aux activistes de la société civile de faire leur travail sans menaces, violences ou pire. » 

Depuis la fin du mois de janvier, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus d’une vingtaine d’activistes congolais et de journalistes nationaux et étrangers dans les villes de Goma, Kinshasa et Bujumbura, et a examiné des enregistrements audio d’appels téléphoniques, des captures d’écran de messages et des enregistrements vidéo et audio de discours prononcés par des responsables de l’AFC et du M23. Human Rights Watch a reçu des informations crédibles indiquant que plus de 200 activistes ont fait des demandes de protection depuis que le M23 a lancé son offensive sur Goma en janvier puis a pris la capitale provinciale du Sud-Kivu, Bukavu, en février. 

Les autorités du M23 et de l’AFC ainsi que le gouvernement rwandais sont tenus de respecter le droit international humanitaire dans les zones qu’ils occupent. Ils devraient permettre aux activistes de la société civile et aux journalistes de travailler et de se déplacer librement, sauf pour des raisons impérieuses de sécurité, et faire rendre des comptes à leurs membres responsables d’abus. 

Le 5 mars, Human Rights Watch a transmis par courrier électronique ses conclusions préliminaires aux autorités rwandaises pour solliciter une réponse, mais n’a reçu aucun retour au moment de la publication du présent rapport.

Après la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, l’AFC a remplacé la police et d’autres institutions gouvernementales nationales dans la ville. Depuis lors, des combattants du M23 ont battu et exécuté sommairement des personnes suspectées de soutenir les forces armées congolaises et leurs alliés, ainsi que des criminels présumés, et ont pillé des maisons. 

Un habitant de Goma a raconté qu’un groupe de combattants du M23 est venu à son domicile le 29 janvier et l’a accusé d’avoir aidé leurs ennemis à tuer leurs « amis » sur la ligne de front. « Ils m’ont frappé le dos à coups de bâtons toute la journée », a-t-il expliqué. « Je ne peux plus marcher. Ils m’ont battu, m’ont agressé et ont pillé ma maison. » 

Le 13 février, des combattants du M23 ont abattu le chanteur et activiste Delphin Katembo Vinywasiki, connu sous le nom de Delcat Idengo, à son domicile, apparemment dans une situation de non-combat. Le 20 février, le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a accusé Delcat Idengo d’être membre du mouvement de jeunes Lutte pour le Changement (LUCHA), et a déclaré à Human Rights Watch que les combattants du M23 l’avaient tué parce qu’il portait des « insignes militaires ». Lors d’un autre incident, une source indépendante a rapporté que des combattants du M23 ont exécuté sommairement un activiste de la LUCHA ainsi que quatre autres hommes, après qu’ils ont effectué du travail forcé pour le groupe armé. 

Le M23 a depuis longtemps recours à des menaces et à l’intimidation pour restreindre l’accès de la population à l’information et étouffer les voix critiques. Les journalistes ont déjà rencontré des difficultés pour rendre compte de la situation à Goma.  

Le gouvernement rwandais a arrêté des civils congolais sans fondement juridique clair. En février, les autorités rwandaises ont arrêté un activiste congolais qui était entré au Rwanda avant de le remettre aux services de renseignement militaire du M23 à Goma, qui l’ont détenu pendant sept jours. Lawrence Kanyuka a confirmé que l’activiste avait été arrêté au Rwanda à la demande du M23, et détenu dans des installations des services de renseignement militaire parce qu’il « était opposé à notre régime » et avait « émis de nombreuses critiques à notre égard ». Plusieurs activistes congolais ont été placés en détention et menacés par des responsables de l’AFC et du M23. 

Les forces armées congolaises et leurs groupes armés alliés sont également responsables de graves abus. Lors des combats dans l’est de la RD Congo en 2024, plusieurs groupes armés alliés à l’armée congolaise ont multiplié les attaques contre les défenseurs des droits humains. Des journalistes ont rapporté avoir subi des pressions de la part du M23 et des autorités nationales congolaises afin qu’ils ne publient que des articles positifs sur les opérations militaires. 

Le gouvernement congolais a également menacé de prendre des mesures contre les journalistes qui couvrent le conflit dans le pays. Le 7 janvier, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a annoncé que Radio France Internationale, France 24 et le programme Afrique de TV5Monde risquaient d’être suspendus pour avoir fait état des « prétendues avancées des terroristes ». Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a averti que toute personne, y compris les journalistes, qui relaie des informations sur le M23 et les forces rwandaises ferait face à de graves conséquences légales, allant éventuellement jusqu’à la peine de mort. 

Les parties au conflit armé dans l’est de la RD Congo, y compris le Rwanda et le M23, ainsi que la RD Congo et ses groupes armés alliés, sont soumis au droit international humanitaire, ou droit de la guerre. Les textes de droit pertinents figurent dans les Conventions de Genève de 1949, notamment à l’article 3 commun, dans la Convention de La Haye de 1907, ainsi que dans le droit international coutumier. Le droit de l’occupation concernant la protection des civils s’applique aux zones, y compris Goma et Bukavu, que des forces rwandaises ou du M23 contrôlent. Alors que le droit de l’occupation permet aux forces d’occupation d’imposer des restrictions en matière de sécurité aux civils, il les oblige également, au fil du temps, à rétablir et à garantir l’ordre public et la vie civile pour la population occupée. 

L’Union européenne, ses États membres et les autres gouvernements préoccupés par la situation devraient adopter d’urgence de nouvelles sanctions ciblées contre le M23 et les hauts fonctionnaires rwandais et congolais responsables d’abus graves. 

Le 20 février, les États-Unis ont imposé des sanctions financières et matérielles au général James Kabarebe, ministre d’État et ancien commandant militaire du Rwanda, et à Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’AFC. Les gouvernements devraient également faire pression sur le Rwanda pour s’assurer que les civils, y compris les journalistes et les activistes, bénéficient de la liberté de mouvement dans le territoire contrôlé par le M23, conformément au droit international humanitaire. 

L’UE devrait également suspendre son accord sur les minerais avec le Rwanda à la lumière de l’implication des forces rwandaises dans des abus avec le M23, et revoir ses accords de coopération militaire et sécuritaire avec le Rwanda, y compris dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP). 

« En ces temps difficiles dans les villes contrôlées par le M23, la population locale a besoin d’accéder aux informations essentielles et à des actualités fiables », a conclu Clémentine de Montjoye. « Les gouvernements devraient faire pression sur le Rwanda pour s’assurer que le M23 permette aux journalistes et aux activistes de travailler sans restrictions inutiles qui exposent les civils à un risque accru. » 

Pour plus de précisions, veuillez lire la suite. 

Activistes et journalistes menacés à Goma 

L’offensive militaire du M23 en 2024 a entraîné la fermeture de nombreuses stations de radio locales en raison d’attaques directes, de pillages, de prises de contrôle du M23 et de journalistes qui ont fui les combats. Reporters sans frontières a rapporté que plus de 25 stations de radio dans la province du Nord-Kivu ont cessé leurs activités en raison des combats et des pillages. 

Depuis le début du mois de février, les nouvelles autorités administratives de l’AFC ont fait des déclarations menaçant la société civile, affirmant que l’AFC « fait le ménage » à Goma. De telles déclarations ont renforcé les craintes des journalistes et des activistes d’être pris pour cible. 

Quelques jours après avoir pris la ville, les combattants du M23 ont commencé à harceler les journalistes, les activistes et les leaders de la société civile qu’ils considéraient comme une menace. Le 27 janvier, le colonel Erasto Bahati Musanga, un commandant du M23 qui a depuis été nommé gouverneur de Goma, a téléphoné à un activiste de la ville pour lui dire qu’ils le recherchaient parce qu’ils avaient suivi son travail dans le domaine des droits humains, portant sur les abus commis par le M23. « Après cela, je n’ai plus passé deux nuits au même endroit », a raconté l’activiste. Un autre activiste a expliqué à Human Rights Watch qu’Erasto Bahati Musanga l’avait également menacé de la sorte. 

Les médias locaux ont rapporté que le 10 février, Ephraïm Kabasha, l’administrateur du territoire de Nyiragongo, juste au nord de Goma, a déclaré lors d’une réunion avec des chefs locaux que « la société civile et le CTJ [Conseil Territorial de la Jeunesse] sont les premiers semeurs de troubles et de conflits dans le territoire de Nyiragongo. Par conséquent, nous avons décidé de les écarter sous notre gouvernance. » 

Human Rights Watch a examiné des captures d’écran de messages qu’Ephraïm Kabasha a envoyés pour menacer un activiste avant la prise de Goma. Après la prise de contrôle par le M23, Ephraïm Kabasha a téléphoné à au moins un autre activiste. « Il m’a gravement menacé et m’a dit : “Je sais où tu es, tu ne peux pas t’échapper” », a raconté l’activiste. « Depuis, je me cache. Je ne sais pas comment nous pouvons quitter Goma. Des inconnus se sont aussi rendus au domicile de ma famille. » 

Au début du mois de mars, des combattants du M23 dans le Nord-Kivu ont détenu séparément deux leaders de la société civile, selon des informations crédibles. Les deux hommes avaient reçu des menaces du M23 en raison de leur travail sur le conflit. Ephraïm Kabasha aurait placé en détention Jacques Niyonzima, un leader de la société civile de Rutshuru, après son arrivée au bureau administratif du territoire de Nyiragongo. Le 4 mars, Ephraïm Kabasha a conduit l’homme dans un centre de détention militaire. Il a été libéré plus tard dans la journée après avoir été interrogé sur son travail sur les abus du M23. Jacques Niyonzima a été sévèrement battu et on lui a dit que d’autres seraient également arrêtés. 

À la demande de Human Rights Watch de répondre aux allégations le visant, Ephraïm Kabasha a répondu que Human Rights Watch n'était pas la police judiciaire et devait cesser de lui poser des questions. 

Le 3 mars, David Muisha, un leader de la société civile à Masisi, a été placé en détention à Goma et transféré vers un poste de police, selon des sources. Il a été libéré le 6 mars après avoir été battu et menacé en détention. Le 4 mars, à Goma, le M23 a placé en garde à vue Didace Jimmy Butsitsi Nchimiyimana, un activiste travaillant pour une organisation qui documente les crimes liés au M23 et à l’offensive militaire rwandaise dans l’est de la RD Congo. Des sources ont indiqué qu'il était détenu par le M23 à Goma dans un centre de détention militaire. 

Le 2 février, le membre de l’AFC Jean-Louis Kulu Musubao, aujourd’hui maire de la commune de Kirumba, a prononcé un discours à la paroisse CBCA Virunga et a déclaré que le M23 « ne veut plus de la société civile, des mouvements citoyens et des groupes de pression, comme le mouvement de jeunesse LUCHA. Si vous y prenez part, vous aurez affaire à nous. » 

Interrogé sur ces menaces privées et publiques, Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, a répondu à Human Rights Watch : « Il y a des règlements de comptes, des gens qui sont contre notre lutte, c’est tout à fait normal... Il y a des petits conflits auprès de la société civile qui travaille avec le gouvernement central… [mais] les mouvements citoyens c’est autre chose que la société civile. » Lawrence Kanyuka a également expliqué que des chefs de quartier locaux et des « points focaux » à Goma et Bukavu ont été emmenés à Bunagana, où le M23 possède une base, pour y recevoir une « formation idéologique ». 

Plus d’une dizaine d’activistes et de journalistes ont raconté à Human Rights Watch qu’ils avaient été menacés par des combattants du M23 et qu’ils avaient peur pour leur sécurité. « Tous les activistes qui sont venus de Rutshuru [un territoire du Nord-Kivu] sont davantage en danger parce qu’ils sont connus de bon nombre des éléments du M23, en particulier ceux qui sont toujours à Goma », a expliqué un activiste qui est maintenant à Kinshasa. « Les menaces remontent à l’époque où les activistes ont fui Rutshuru, et maintenant que le M23 est à Goma, il demande à tous les activistes de rejoindre le mouvement et de remettre les copies de tous les rapports qu’ils ont établis contre le M23. » Un autre activiste de Rutshuru a fourni des captures d’écran et des enregistrements audio des menaces qu’il a reçues de la part de combattants et d’un commandant du M23 alors qu’il était à Goma, ce qui l’a incité à fuir avant que la ville ne soit prise. 

Plusieurs activistes et journalistes ont rapporté que des combattants et des commandants du M23 étaient venus dans leurs maisons depuis que le M23 avait pris le contrôle de Goma. Un activiste a raconté que des hommes qu’il croyait être des membres du M23 sont venus à son domicile à deux reprises. Il a indiqué qu’un commandant du M23 lui avait également téléphoné et l’avait accusé de travailler pour le président congolais Félix Tshisekedi : « Il m’a dit que… si je me rends, il ne m’arrivera rien à part quelques jours de prison pour que j’accepte de devenir l’un des leurs, mais que si je refuse et que le M23 m’attrape, je pourrais mourir. » Un journaliste qui vit dans la clandestinité a raconté que quatre combattants du M23 sont venus chez lui en jeep au début du mois de février. 

Deux journalistes qui ont fait des reportages à Bweremana, contrôlée par le M23, Jonas Kasula de Labeur Info et Jonathan Mupenda de Molière TV, ont déclaré avoir reçu des messages de menaces anonymes. Un message reçu le 9 janvier disait : « Vous étiez à Bweremana le 31 décembre et nous avions l’opportunité de vous assassiner. Sachez que nous surveillons tous vos mouvements. Lorsque nous arriverons à Goma, nous en finirons avec vous. » 

Le 18 février, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a exprimé son inquiétude pour la sécurité des avocats et d’autres membres du personnel judiciaire, en particulier ceux qui poursuivaient des personnes pour des crimes graves et qui se sont, depuis, évadées de prisons à Goma et à Bukavu. Le 17 février, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits humains a exprimé son « extrême préoccupation » quant à la situation des défenseurs des droits humains dans l’est de la RD Congo. 

Le 5 mars, la Rapporteuse spéciale a déclaré qu’elle avait reçu des « informations crédibles selon lesquelles des défenseurs des droits de l’homme sont détenus au secret, disparus de force et torturés à Rutshuru et Masisi, dans le Nord-Kivu, tandis qu’au moins six défenseurs des droits de l’homme sont portés disparus après avoir tenté de fuir Goma, suite à la prise de la ville par le M23 ». 

L’article 3 commun aux Conventions de Genève exige des autorités qu’elles traitent les civils avec humanité en permanence et interdit les atteintes portées à leur vie et à leur personne, ainsi que les meurtres et les atteintes à la dignité des personnes. La quatrième Convention de Genève, qui traite des obligations légales qui incombent aux forces d’occupation, autorise la détention de civils uniquement pour d’« impérieuses raisons de sécurité ». Pour prévenir toute privation de liberté arbitraire, les autorités sont tenues d’informer la personne arrêtée des motifs de son arrestation ; de traduire rapidement devant une autorité indépendante la personne arrêtée pour une infraction pénale ; et de lui donner la possibilité de contester la légalité de sa détention. 

Garantir la sécurité des activistes et des journalistes  

Au cours des récents combats, des milliers de civils congolais ont cherché à atteindre des zones plus sûres, soit en RD Congo, soit de l’autre côté de la frontière, au Rwanda ou au Burundi. Le Rwanda n’a pas stoppé la plupart des civils qui tentaient d’entrer dans le pays. Depuis la prise de Goma par le M23 et les forces rwandaises le 27 janvier, la fermeture de l’aéroport de Goma et leur prise de Bukavu le 16 février, il n’y a pas de voies sûres pour quitter Goma vers d’autres régions de la RD Congo. 

Des activistes inquiets pour leur sécurité dans les zones contrôlées par le M23 figurent parmi les personnes qui ont tenté de quitter Goma et Bukavu. Thomas D’Aquin Muiti Luanda, activiste et détracteur connu du gouvernement rwandais, et Clovis Munihire, coordinateur dans le Nord-Kivu d’un programme de désarmement dirigé par le gouvernement congolais avec qui Thomas D’Aquin Muiti Luanda a travaillé, ont été placés en détention à Gisenyi, au Rwanda, le 4 février après avoir traversé la frontière, a indiqué une source crédible à Human Rights Watch. Les autorités les ont détenus pendant plusieurs heures avant de les transférer au M23. Ils ont été libérés le 11 février sans avoir été informés des motifs de leur arrestation, ni avoir eu la possibilité de contester leur détention. 

Interrogé sur leur détention, Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, a répondu : «  Même quand on était à Rutshuru, Masisi, Kirumba, Kanyabayonga… ils étaient contre notre régime. Ils émettaient beaucoup de critiques à notre encontre. Nous sommes l’unique coq qui chante maintenant, nous n’avons pas le choix. » Il a expliqué que le renseignement militaire du M23 s’était occupé de leur cas. 

Un autre activiste qui tentait de fuir au Burundi en passant par le Rwanda a été placé en garde à vue le 12 février à la frontière de la RD Congo par des responsables rwandais, qui l’ont accusé de voyager avec de faux documents de voyage, selon plusieurs sources. L’activiste est membre d’une organisation qui documente des abus commis par les forces rwandaises et le M23. Les sources ont indiqué que les documents de voyage de l’activiste étaient authentiques et ont exprimé des inquiétudes quant au fait qu’il était pris pour cible en raison de son travail. 

Plusieurs activistes congolais qui ont fui vers Bujumbura, la plus grande ville du Burundi, ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils étaient préoccupés par le risque de retour forcé. Depuis la prise de Bukavu par le M23, plus de 60 000 personnes ont fui au Burundi. Human Rights Watch a appris le 15 février que les autorités burundaises avaient placé en détention plusieurs activistes parmi des hommes et des garçons congolais, et avaient menacé de les renvoyer en RD Congo. 

Le Rwanda et le Burundi, en tant que parties aux conventions de l’ONU et africaine relatives aux réfugiés, ont l’interdiction d’expulser ou de renvoyer des réfugiés vers des endroits où leur vie ou leur liberté seraient menacées, y compris en raison de leurs opinions politiques. Les gouvernements ont la responsabilité, en collaboration avec l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, de fournir une protection physique efficace aux demandeurs d’asile et aux réfugiés sur leur territoire. 

Exécutions sommaires commises par le M23 

Le M23 a un long passé de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire dans les zones qu’il contrôle, notamment des exécutions sommaires de civils et de combattants capturés. Depuis que le groupe a pris le contrôle de Goma à la fin du mois de janvier, les organisations nationales de la société civile, les médias et l’ONU ont fait état de meurtres commis par le M23. Les exécutions sommaires apparentes de deux détracteurs connus du M23 ont accru les craintes des activistes et des journalistes selon lesquelles les personnes jugées critiques à l’égard des autorités du M23 et de l’AFC pourraient être prises pour cible. 

Pierre Katema Byamungu

Click to expand Image Pierre Katema Byamungu. © Privé

Le 12 février, dans le territoire de Kalehe, dans la province du Sud-Kivu, le M23 a forcé Pierre Katema Byamungu, membre du mouvement activiste de la LUCHA, et sept autres hommes, dont des membres d’un conseil local de la jeunesse, à effectuer du travail non rémunéré, a rapporté une source indépendante à Human Rights Watch.

Après avoir transporté des combattants du M23 blessés et morts depuis le village de Muhongoza, ils ont été conduits au village de Buziralo. Le M23 a accusé Pierre Katema Byamungu et les autres d’être des membres des Wazalendos, une coalition de groupes armés alliés à l’armée congolaise. La source a indiqué que les combattants du M23 ont ensuite exécuté Pierre Katema Byamungu et quatre autres hommes. 

Le porte-parole de l’AFC, Lawrence Kanyuka, a déclaré à Human Rights Watch le 20 février que le M23 n’était pas responsable de ces meurtres. 

Delphin Katembo Vinywasiki (Delcat Idengo) 

Le 13 février, à Goma, des combattants du M23 ont abattu Delphin Katembo Vinywasiki, un chanteur et activiste connu sous le nom de Delcat Idengo. 

Click to expand Image Delphin Katembo Vinywasiki (Delcat Idengo). © Ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine de la République démocratique du Congo

Les témoignages audio et vidéo que Human Rights Watch a examinés indiquent que, lorsque des jeeps sont arrivées chez Delcat Idengo, ce dernier a tenté de s’enfuir et des hommes armés l’ont abattu. Des vidéos et des photographies prises après le meurtre montrent de multiples blessures sur le corps de Delcat Idengo, plus précisément à la tête, aux bras et à la main droite. Des experts médico-légaux indépendants ont conclu que Delcat Idengo semble s’être protégé la tête avec ses bras lorsqu’on lui a tiré dessus. 

Lawrence Kanyuka a confirmé que des combattants du M23 ont tué Delcat Idengo et l’a accusé d’être un membre de la LUCHA. « On a interdit à la population de porter des insignes militaires », a déclaré Lawrence Kanyuka. « On l’a trouvé chez lui avec des insignes militaires lors d’une opération de ratissage. » 

Les informations concernant les vêtements que Delcat Idengo portait lorsqu’il a été tué sont contradictoires. Les médias ont rapporté que Delcat Idengo tournait un clip de musique lorsqu’il a été abattu. Certaines photos prises après le meurtre et diffusées sur les réseaux sociaux le montrent en pantalon de camouflage de style militaire ; d’autres le montrent portant un pantalon blanc avec un drapeau congolais brodé. Cela suggère que quelqu’un a changé le pantalon de Delcat Idengo après qu’il a été tué. Aucune arme n’est visible sur les photographies. 

Un membre de la LUCHA a indiqué que Delcat Idengo était actif dans le mouvement entre 2018 et 2020 à Beni. En 2021, Delcat Idengo a été poursuivi, mais finalement acquitté pour avoir insulté le président Félix Tshisekedi et propagé de « fausses rumeurs » dans des chansons accusant Félix Tshisekedi de ne pas tenir ses promesses. Dans d’autres chansons, Delcat Idengo a également critiqué le M23 et d’autres groupes armés. Il attendait son procès après avoir été emprisonné en 2024 pour avoir prétendument incité à un soulèvement armé afin de forcer les Casques bleus de l’ONU à quitter le pays. Selon des informations relayées par les médias, il s’était échappé de la prison de Goma lors de l’offensive du M23 sur la ville. Le 12 février, la veille de son meurtre, il a sorti une chanson critiquant « l’occupation tutsie » et le M23.  

Restrictions des médias dans l’est de la RD Congo 

Restrictions imposées par le Rwanda et le M23 

Conformément au droit international humanitaire, les journalistes qui réalisent des reportages dans des zones de conflit armé doivent être protégés et respectés. Cependant, les puissances occupantes peuvent prendre des mesures pour garantir la sécurité de leurs forces, à condition que ces mesures soient proportionnées et légales. 

Plusieurs journalistes ont déclaré que Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l’AFC, demandait aux journalistes étrangers de présenter une accréditation de presse rwandaise pour être autorisés à franchir la frontière pour rejoindre Goma. L’aéroport de Goma étant fermé, toutes les personnes se rendant à Goma doivent passer par le Rwanda. Lawrence Kanyuka a indiqué à Human Rights Watch que les journalistes pouvaient accéder aux zones contrôlées par le M23 avec une accréditation de presse rwandaise ou ougandaise. 

Des témoins ont expliqué avoir vu des hauts responsables rwandais, y compris des membres du Service du Porte-Parole du Gouvernement rwandais, et Vincent Karega, ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands Lacs, à Gisenyi, au Rwanda, organiser des transferts de journalistes à Goma. La décision du Rwanda de traiter les accréditations de presse pour les zones contrôlées par le M23 est révélatrice de la proximité du pays avec le groupe armé. 

Des sources ont déclaré que Lawrence Kanyuka avait demandé à certains journalistes de remplir un formulaire détaillé, examiné par Human Rights Watch, recueillant notamment des informations sur le sujet et la nature de leurs reportages et les lieux où ils souhaitaient travailler. Lawrence Kanyuka a indiqué à Human Rights Watch que les sommes versées pour l’accréditation ne dépassaient pas 500 dollars US. Cependant, des sources ont affirmé que Lawrence Kanyuka avait exigé des paiements pour l’accréditation allant de 600 à 1 000 dollars, ce que Lawrence Kanyuka a confirmé. 

Restrictions des médias et de la liberté d’expression par le gouvernement congolais 

Le gouvernement congolais a souvent restreint les médias et le droit à la liberté d’expression dans l’est de la RD Congo pour des motifs politiques apparents. 

Au cours de l’offensive du M23 sur Goma à la fin du mois de janvier 2025, les autorités congolaises ont coupé Internet et, en février, ont bloqué l’accès à des réseaux sociaux tels que TikTok et X. 

Bien avant les récents combats, les autorités congolaises ont ciblé des détracteurs présumés du gouvernement, procédant à des arrestations, des détentions et des poursuites motivées par des considérations politiques. En mai 2021, le gouvernement a instauré l'état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, ce qui a facilité les restrictions de la couverture médiatique indépendante du conflit, notamment les restrictions imposées par l’organe gouvernemental de régulation des médias, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC). 

En février 2024, le CSAC a publié une directive appelant les médias à ne pas diffuser de débats sur les opérations de l’armée congolaise sans la présence d’au moins un « expert en la matière ». Il a également indiqué aux journalistes d’éviter les émissions à téléphone ouvert portant sur le conflit et de s’abstenir d'interviewer les « forces négatives ». 

En avril, le CSAC a recommandé aux médias de ne plus « diffuser les informations en rapport avec la rébellion dans l’est de la RDC sans se référer aux sources officielles [gouvernementales] ». 

En juillet, le CSAC a suspendu le journaliste Jessy Kabasele à la suite d’une interview radiophonique avec Koffi Olomide, un chanteur, au cours de laquelle ce dernier a critiqué la réponse de l’armée au M23. Le régulateur des médias a indiqué que Jessy Kabasele n’avait pas recadré correctement les propos de Koffi Olomide, qui « sape[nt] les énormes efforts et sacrifices consentis par le Gouvernement de la République ». 

En juillet, des hommes non identifiés ont enlevé l’activiste Fortifi Lushima après qu’il a critiqué à la télévision la réponse du gouvernement au conflit. Il a été libéré quelques jours plus tard. 

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