24.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Bruxelles, le 24 octobre 2024) – Frontex, l’agence de garde-frontières et de garde-côtes de l’Union européenne (UE), devrait utiliser ses moyens de surveillance aérienne pour permettre de sauver les embarcations en détresse à temps, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, en lançant une nouvelle campagne, #AvecHumanité.
« Les avions et les drones de Frontex devraient se servir de leurs capacités de détection en mer Méditerranée pour sauver des vies », a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale à Human Rights Watch. « Alors que des milliers de personnes meurent chaque année en Méditerranée, il est vital que Frontex prenne toutes les mesures possibles pour aider à secourir les personnes se trouvant à bord d’embarcations impropres à la navigation et les transporter vers un lieu sûr. »
#AvecHumanitéAppel à Frontex pour aider à sauver des vies en mer
Site de la campagneAlors que les dirigeants européens intensifient les mesures visant à empêcher les migrants d’arriver sur le territoire de l’UE et à accélérer les refoulements, il est encore plus important de ne pas perdre de vue notre humanité commune, a affirmé Human Rights Watch. Des personnes fuyant des abus et des épreuves continueront d’entreprendre des voyages de plus en plus périlleux, et elles ne devraient pas être abandonnées et condamnées à la noyade.
Actuellement, quand les avions et les drones de Frontex repèrent des embarcations transportant des demandeurs d’asile, des réfugiés et des migrants en Méditerranée, l’agence alerte des centres de coordination des secours dans les États membres de l’UE ainsi qu’en Libye et en Tunisie. Toutefois, elle n’informe pas systématiquement les navires de sauvetage non gouvernementaux présents dans la zone en question, et n’émet pas non plus régulièrement de signaux d’urgence pour mobiliser tous les navires situés à proximité. Ceci a conduit à ce que des personnes soient interceptées par les forces libyennes ou tunisiennes et renvoyées de force dans ces pays, où elles risquent de subir de graves violations de leurs droits humains. Le fait de ne pas transmettre de signaux d’urgence systématiques peut aussi contribuer à des retards d’intervention qui auraient été évitables et à de tragiques naufrages.
Au cours de la dernière décennie, plus de 30 500 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée, selon l’Organisation internationale pour les migrations, dont au moins 1 600 (mortes ou disparues) depuis janvier 2024.
En 2022, une analyse des opérations de surveillance aérienne de Frontex réalisée par Human Rights Watch et Border Forensics a permis de conclure que les pratiques de l’agence la rendaient complice de cas bien documentés d’arrestation abusive et de détention arbitraire à durée indéterminée, et d’autres graves violations des droits humains, en Libye. En septembre 2024 sur le navire de sauvetage Geo Barents de Médecins Sans Frontières (MSF), Human Rights Watch a mené des entretiens approfondis avec 11 personnes qui venaient d’être secourues.
Toutes ont affirmé avoir subi des abus, notamment des violences sexuelles, du travail forcé et des passages à tabac, dans des centres de détention officiels libyens ou lors de leur captivité aux mains de trafiquants. La sage-femme du navire a déclaré que deux des femmes qui avaient été secourues avaient découvert qu’elles étaient enceintes après avoir été violées. Plusieurs des personnes interrogées avaient été détenues plusieurs fois après avoir été interceptées en mer.
Un jeune homme éthiopien âgé de 20 ans qui fuyait le conflit dans la région Amhara en Éthiopie avait été intercepté plus tôt cette année par les garde-côtes libyens et détenu pendant quatre mois au centre de détention al-Nasr à Zawiya (connu également sous le nom de prison d’Osama). Il a affirmé que le directeur du centre de détention avait exigé 3 000 dollars pour le remettre en liberté. Incapable de payer, il a affirmé qu’il avait travaillé, faisant du nettoyage et agissant comme interprète, jusqu’à ce que le directeur le laisse partir au bout de près de quatre mois. Décrivant la prison, il a dit : « Ils ont capturé de nombreuses personnes en mer, elles doivent payer pour pouvoir partir. »
La coordination de Frontex avec les forces tunisiennes dans le but de permettre des interceptions est également alarmante en raison de la détérioration de la situation dans le pays en matière de droits humains en général, et du risque de graves préjudices pour les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, a déclaré Human Rights Watch.
Les migrants originaires d’Afrique noire subissent tout particulièrement des mesures de discrimination et des abus de la part des autorités tunisiennes, notamment des expulsions collectives mais, un Syrien âgé de 24 ans a indiqué à Human Rights Watch que lui aussi avait été affecté.
Il a affirmé que les forces tunisiennes s’étaient livrées à des manœuvres dangereuses en mer quand elles ont intercepté son embarcation, en février 2024, avant de l’expulser par la suite, en même temps qu’une centaine d’autres personnes, vers la Libye, où il a été détenu au centre de détention d’al-Assa. Il a dû payer 1 500 dollars pour être libéré. Dans une déclaration conjointe signée le 10 octobre, 64 organisations, dont Human Rights Watch, ont exhorté l’UE à cesser de considérer la Tunisie comme un lieu sûr pour débarquer des personnes secourues en mer.
Le naufrage survenu au large de Pylos en 2023 a démontré comment une définition étroite de la notion de détresse pouvait avoir des conséquences mortelles. Après avoir repéré un chalutier lourdement surchargé dans la zone de recherche et de sauvetage grecque, Frontex a informé les autorités côtières compétentes mais n’a pas émis de signal d’urgence à tous les navires présents dans la zone, car l’agence n’a pas jugé qu’il existait un « risque imminent pour la vie humaine ». Quelques heures plus tard, le chalutier a chaviré et plus de 600 personnes ont péri noyées.
Bien qu’il existe des éléments de preuve indiquant que les garde-côtes grecs ont joué un rôle direct dans ce naufrage, une réaction rapide de la part de Frontex aurait pu permettre d’éviter cette tragédie. Une enquête menée par le Médiateur (Ombudsman) européen a permis de conclure en février 2024 que Frontex avait « des [directives] inadéquates » sur la manière de répondre à des urgences maritimes, « y compris en ce qui concerne l’émission de signaux d’urgence. »
Utilisé de manière appropriée, le soutien des avions et des drones de Frontex pourrait aider à sauver des vies. Par exemple, le 14 octobre 2023, un avion de Frontex a diffusé les coordonnées d’un canot pneumatique surchargé sur les ondes d’une station de radio ouverte, puis est retourné plus tard sur les lieux et a mis à jour ces coordonnées. Le navire de sauvetage de MSF Geo Barents a pu ensuite effectuer un sauvetage de nuit et secourir 64 personnes, dont des femmes et des enfants. Comme l’a souligné Fulvia Conte, qui dirigeait l’équipe de recherche et de sauvetage de MSF, « lorsqu’on a des coordonnées précises, prises du ciel avec une caméra thermique, bien sûr que cela facilite la recherche d’une embarcation ».
Frontex devrait prendre des mesures concrètes pour utiliser ses technologies et son savoir-faire pour sauver des vies, a déclaré Human Rights Watch. L’agence devrait s’assurer que l’emplacement exact des embarcations en détresse repérées par les moyens aériens de Frontex soit transmis systématiquement aux navires de sauvetage présents dans la zone et gérés par des organisations non gouvernementales et émettre plus fréquemment des signaux d’urgence sur la base d’une définition large de la notion de détresse. Les appareils aériens de Frontex devraient également surveiller les cas de détresse et porter assistance si nécessaire.
Par le biais de sa campagne #AvecHumanité, Human Rights Watch demande au public de regarder de plus près les vies et les droits qui sont menacés en mer Méditerranée, ainsi que l’humanité partagée avec les personnes qui entreprennent ces traversées, et exiger que les autorités responsables agissent de manière appropriée. Il s’agit-là de la première partie d’une campagne plus vaste visant à appeler l’UE à abandonner le transfert des responsabilités de ses États membres à des pays tiers comme la Libye, la Tunisie, le Liban, la Turquie et l’Égypte, où les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés risquent de subir des violations de leurs droits humains. Au contraire, l’UE devrait défendre les droits humains et agir plus efficacement pour assurer des voies d’accès sûres et légales vers l’Europe.
« En mettant en avant les aspirations des personnes qui entreprennent ces dangereux exodes, nous espérons que les Européen·ne·s se joindront à nous pour appeler Frontex à donner la priorité au sauvetage de vies en mer », a conclu Judith Sunderland. « Les garde-côtes européens devraient respecter le droit de l’UE et le droit international, ainsi que notre engagement commun envers l’humanité et la protection de vies humaines. »
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Articles
LaLibre.be Jeune Afrique
23.10.2024 à 22:52
Human Rights Watch
(Beyrouth, le 23 octobre 2024) – Les frappes répétées de l’armée israélienne contre l’association financière Al-Qard al-Hassan, affilié au Hezbollah au Liban, témoignent d’attaques délibérées contre des structures civiles qui constituent des crimes de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.
Les attaques israéliennes menées dans la nuit du 20 octobre ont touché près de 30 immeubles abritant des bureaux appartenant à Al-Qard al-Hassan (AQAH) dans le sud du Liban, dans la banlieue sud de Beyrouth et dans la vallée de la Bekaa, selon les médias. Les responsables israéliens ont affirmé qu’Al-Qard al-Hassan fournit des fonds au Hezbollah, lequel est engagé dans un conflit armé avec Israël, sans toutefois maintenir que le groupe financier est lui-même directement impliqué dans les hostilités. L’utilisation par un groupe armé d’une institution financière, d’une association ou d’une banque ne constitue pas une contribution effective à une action militaire ; une telle structure ne constitue donc pas une cible militaire légale, en vertu des lois de la guerre.
« Les frappes répétées de l’armée israélienne contre des institutions financières libanaises constituent une attaque délibérée et illégale contre la branche civile du Hezbollah », a déclaré Ramzi Kaiss, chercheur sur le Liban à Human Rights Watch. « Désigner une institution civile comme cible militaire en raison de son affiliation, plutôt que de sa contribution effective à une action militaire, met en danger toutes les opérations commerciales en temps de guerre. »
Les médias libanais ont signalé au moins trois frappes contre des bureaux d’Al-Qard al-Hassan dans la banlieue sud de Beyrouth, l’une d’entre elles ayant entraîné l’effondrement d’un immeuble de grande hauteur. D’autres bâtiments abritant des bureaux d’Al-Qard al-Hassan ont été frappés dans le sud du Liban, dans la vallée de la Bekaa, à Baalbek dans l’est du Liban, ainsi qu’à Hermel dans le nord du pays.
Un haut responsable des services de renseignement israéliens a déclaré aux médias que « le but de ces frappes [contre Al-Qard al-Hassan] est de cibler la capacité du Hezbollah à fonctionner pendant la guerre et [par la suite] … ainsi que l’emprise du Hezbollah sur de larges pans de la société libanaise ». Le 22 octobre, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a affirmé ceci sur X : « La dégradation des capacités du Hezbollah nécessite une campagne à la fois militaire et économique ».
Dans une vidéo publiée sur son compte X le 20 octobre, Avichay Adraee, le porte-parole de l’armée israélienne en langue arabe, a déclaré que « la plupart des sources de financement iraniennes et des revenus indépendants du Hezbollah sont déposées et gérées au sein des branches de l’association Al-Qard al-Hassan ». Adraee a déclaré que cette institution participe au financement des activités du Hezbollah contre Israël, et qu’elle est donc considérée comme une cible militaire. Tout au long de la soirée du 20 octobre, l’armée israélienne a émis au moins 24 avertissements visant l’évacuation de divers bâtiments dans le sud du Liban, la banlieue sud de Beyrouth, la vallée de la Bekaa et Baalbek.
Deux vidéos, géolocalisées par le collectif open source GeoConfirmed et vérifiées par Human Rights Watch, montrent le moment où une frappe aérienne a conduit à l’effondrement d’un immeuble qui abritait un bureau d’Al-Qard al-Hassan à Chiyah, dans la banlieue sud de Beyrouth. Une troisième vidéo vérifiée, tournée le lendemain, montre les décombres du bâtiment. Human Rights Watch a aussi examiné des photographies publiées par le site al-Nahar, qui montrent les dégâts causés aux alentours, et des documents avec le logo d’Al-Qard al-Hassan éparpillés sur le sol.
Deux autres vidéos, également géolocalisées par GeoConfirmed et vérifiées par Human Rights Watch, montrent d’autres immeubles liés à Al-Qard al-Hassan en proie aux flammes au sud de Beyrouth, à Bourj al-Barajneh et à Laylaki.
L’entité Al-Qard al-Hassan, affiliée au Hezbollah, est enregistrée en tant qu’association auprès du ministère de l’Intérieur libanais depuis les années 1980. Elle compterait des centaines de milliers de clients qui reçoivent des prêts garantis à taux zéro, d’un montant allant généralement jusqu’à 5 000 dollars. Al-Qard al-Hassan ne dispose pas de licence de la Banque centrale du Liban pour opérer en tant qu’institution financière, comme l’exigerait la loi libanaise sur la monnaie et le crédit ; l’association détient au moins 30 succursales, la plupart dans des zones à majorité chiite de la banlieue sud de Beyrouth, du sud du Liban et de la vallée de la Bekaa.
En 2007, le Département d’État américain a sanctionné Al-Qard al-Hassan en raison de son utilisation par le Hezbollah pour gérer ses « activités financières et accéder au système financier international ». Selon le Département d’État, le Hezbollah utilise Al-Qard al-Hassan pour transférer des fonds « via des comptes fictifs et des facilitateurs » et fournit « des services caractéristiques d’une banque pour soutenir le Hezbollah, tout en échappant à l’obtention de licences et à la supervision réglementaire appropriées ».
Depuis la crise économique de 2019 au Liban, un nombre croissant de Libanais, dont de nombreux musulmans chiites et partisans du Hezbollah, sont devenus clients d’Al-Qard al-Hassan, qui est considérée comme la « plus grande institution financière non bancaire accordant des microcrédits » dans le pays, selon l’Associated Press. En 2021, l’ancien chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a affirmé qu’Al-Qard al-Hassan avait accordé 3,7 milliards de dollars de prêts à 1,8 million de personnes depuis sa fondation dans les années 1980.
En 2023, trois députés libanais ont déposé une plainte auprès du procureur général du pays, alléguant qu’Al-Qard al-Hassan se livrait au blanchiment d’argent et à des malversations financières.
Le droit international humanitaire exige que toutes les parties au conflit fassent la distinction entre les objectifs militaires et les civils ou biens civils, et ne visent que les objectifs militaires. Ceux-ci sont définis ainsi : « En ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis ».
Bien que les déclarations de l’armée israélienne, du Département d’État américain et de Hassan Nasrallah démontrent qu’Al-Qard al-Hassan a des liens avec le Hezbollah et ses partisans, elle reste un objet civil. La « contribution effective » d’Al-Qard al-Hassan aux actions militaires du Hezbollah est trop atténuée pour fournir un « avantage militaire précis » et constituer une cible légitime. Autoriser de telles attaques signifierait de fait que toutes les institutions financières utilisées par toutes les parties au conflit pourraient devenir des objectifs militaires susceptibles d’être attaquées à tout moment, a déclaré Human Rights Watch.
Les individus qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire délibérément ou par imprudence – peuvent être poursuivis pour crimes de guerre. Les individus peuvent également être tenus pénalement responsables d’avoir aidé, facilité, aidé ou encouragé un crime de guerre. Tous les gouvernements qui sont parties à un conflit armé sont tenus d’enquêter sur les crimes de guerre présumés commis par des membres de leurs forces armées ou sur leur territoire.
En avril, le Conseil des ministres du Liban a demandé au ministère libanais des Affaires étrangères de déposer une déclaration auprès du greffier de la Cour pénale internationale (CPI) acceptant la compétence de la Cour sur les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023. Cependant, le ministère n’a jamais donné suite à cette demande et fin mai, le gouvernement a annulé sa décision initiale. Le Liban devrait d’urgence reconnaître la compétence de la CPI, afin de conférer au Procureur de la Cour un mandat pour enquêter sur les crimes internationaux graves commis au Liban.
Les alliés d’Israël devraient suspendre leur assistance militaire et leurs ventes d’armes à Israël, étant donné qu’ils ont été utilisés à plusieurs reprises pour commettre de graves violations des lois de la guerre, a déclaré Human Rights Watch.
« Le ciblage par l’armée israélienne d’associations et de groupes en raison de leur affiliation au Hezbollah viole les lois de la guerre ; en outre, étant donné que ces entités fournissent des services à des centaines de milliers de personnes au Liban, ces attaques risquent aussi de punir des personnes qui dépendent de ces services pour leur vie quotidienne », a conclu Ramzi Kaiss.
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23.10.2024 à 04:00
Human Rights Watch
(New York, 22 octobre 2024) – Suite a l’émission d’un mandat d’arrêt contre l’ex-Première ministre Sheikh Hasina, le gouvernement intérimaire du Bangladesh devrait modifier la loi sur le Tribunal international des crimes afin de garantir un processus judiciaire équitable et impartial, a recommandé Human Rights Watch dans une lettre adressée le 21 octobre au ministère bangladais du Droit, de la Justice et des Affaires parlementaires.
Le 17 octobre, le Tribunal international des crimes du Bangladesh (International Crimes Tribunal, ICT) a émis des mandats d’arrêt contre Sheikh Hasina et 44 autres personnes, dont des membres de haut rang de son cabinet. Mohammad Tajul Islam, le procureur en chef du tribunal, a déclaré que Sheikh Hasina « était à la tête de ceux qui ont commis des massacres, des meurtres et des crimes contre l’humanité », lors de leur réponse aux manifestations de masse contre son gouvernement en juillet et en août. Selon le ministre de la Santé du gouvernement intérimaire, plus de 1 000 personnes ont été tuées et plusieurs milliers d’autres manifestants ont été blessés en raison de l’utilisation excessive et indiscriminée de balles réelles par les forces de sécurité, et lors d’attaques violentes menées par des partisans du parti au pouvoir. Sheikh Hasina, qui a fini par démissionner et a fui en Inde, a reçu l’ordre de comparaître devant le tribunal d’ici le 18 novembre.
« Sheikh Hasina et d’autres personnes qui avaient des responsabilités de commandement devraient faire l’objet d’une enquête, être jugées et, si elles sont reconnues coupables, être tenues responsables des abus généralisés commis lors des manifestations de juillet et d’août », a déclaré Julia Bleckner, chercheuse senior auprès de la division Asie à Human Rights Watch. « La prise de mesures pour garantir des procès équitables permettrait de renforcer le processus de reddition de comptes, et constituerait le seul moyen de rendre une véritable justice aux victimes et à leurs familles. »
Le Tribunal international des crimes, qui a été établi sous le gouvernement de Sheikh Hasina en 2010 pour juger les crimes contre l’humanité commis au Bangladesh pendant la guerre de libération de 1971, a dans le passé été marqué par de nombreuses violations des normes relatives aux procès équitables. Parmi ces violations figuraient l’insuffisance de la collecte de preuves, le manque d’indépendance des juges dont certains étaient suspectés de collusion avec les procureurs, la subornation de témoins, le déni des droits de la défense, des cas de « disparition forcée » de proches des accusés, et le recours à la peine de mort.
Le Tribunal a demandé à l’Inde de procéder à l’extradition de Sheikh Hasina vers le Bangladesh afin qu’elle puisse y être jugée, en vertu de l’accord d’extradition précédemment conclu entre les deux pays. Plusieurs autres ex-dirigeants bangladais accusés par le Tribunal ont également fui vers l’Inde, ou vers d’autres pays. L’Inde et les autres pays concernés devraient soutenir le processus judiciaire du Bangladesh en adhérant aux accords d’extradition, une fois que le gouvernement bangladais aura décrété un moratoire sur la peine de mort, garanti la sécurité des accusés et agi pour assurer la tenue d’un procès équitable conformément aux normes internationales, a déclaré Human Rights Watch.
Suite du communiqué en ligne en anglais.
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22.10.2024 à 11:15
Human Rights Watch
(Nairobi) – La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) devrait se concentrer sur les problèmes les plus urgents auxquels est confronté le Burkina Faso lors de l'examen du pays qui aura lieu le 23 octobre 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le gouvernement burkinabè devrait de toute urgence protéger les civils affectés par le conflit armé, préserver l'espace civique pour les activistes, les journalistes et l'opposition politique, et veiller à ce que les auteurs de graves abus rendent des comptes.
La procédure d’examen des rapports des États, un mécanisme de l'Union africaine établi pour évaluer la conformité des États membres à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, exige des pays qu'ils soumettent des rapports réguliers détaillant les mesures, y compris législatives, prises pour faire respecter les droits consacrés par la Charte. Certains enjeux actuels en matière de droits humains au Burkina Faso ne sont pas ou peu abordés dans le rapport de mai 2023 soumis par les autorités du pays et qui couvre la période 2015-2021. Ces enjeux incluent les abus généralisés commis par les forces de sécurité de l'État et les groupes armés islamistes dans le cadre du conflit, les restrictions des droits et libertés fondamentaux et l'impunité généralisée.
« L'examen du Burkina Faso par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples offre une occasion unique de dialoguer avec les autorités burkinabè sur leurs pratiques en matière de droits humains », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer pour l'Afrique à Human Rights Watch. « La CADHP devrait pousser les autorités burkinabè à donner la priorité à la protection des civils lors des opérations militaires, et à garantir le respect du droit international humanitaire. »
Le Burkina Faso lutte contre une insurrection menée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) depuis que ces groupes armés ont envahi le pays depuis le Mali en 2016. Le Burkina Faso a connu deux coups d'État militaires depuis 2022.
Le rapport du Burkina Faso décrit les mesures prises pour lutter contre « l'extrémisme violent » et le terrorisme, telles que la création d’un pôle chargé de l’enquête et de la poursuite des infractions de terrorisme, ainsi que la mobilisation de prévôts responsables de la discipline des militaires et de la protection des droits des détenus. Le rapport indique également que les forces de sécurité reçoivent une formation en matière de droits humains et de droit international humanitaire afin de prévenir les abus, et que les responsables d'« actes inhumains ou dégradants » sont tenus de rendre compte de leurs actes.
Human Rights Watch a documenté de graves abus commis par les forces de sécurité burkinabè lors d'opérations de contre-insurrection tout au long de la période couverte par le rapport et depuis lors, y compris des crimes contre l'humanité. Les soldats ont tué illégalement et fait disparaître de force des centaines de civils qu'ils accusaient de collaborer avec des groupes armés islamistes.
Les groupes armés islamistes ont commis de graves abus contre les civils, notamment des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des enlèvements et des pillages, et continuent d'assiéger de nombreuses villes et villages dans le pays.
En avril 2023, la CADHP a publié un communiqué à la suite du massacre de dizaines de civils présumément par les forces de sécurité dans le village de Karma, dans la province du Yatenga, exhortant les autorités à ouvrir des enquêtes et à « assurer la protection des civils ». En novembre 2023, le Groupe de travail sur la peine de mort, les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et les disparitions forcées en Afrique de la CADHP a signé une lettre d'appel urgent à la suite d'une attaque contre des civils dans le village de Zaongo, dans la province du Namentenga, demandant également l'ouverture d'une enquête.
En vertu du droit international, la responsabilité première d'assurer la justice pour les crimes les plus graves incombe au gouvernement burkinabè. Pourtant, il n'a fait que de faibles progrès en matière d'enquêtes, et encore moins en matière de poursuites judiciaires, contre les responsables des nombreux graves crimes commis dans le cadre du conflit armé depuis 2016. Le rapport du Burkina Faso ne fournit aucune information sur les enquêtes relatives aux abus présumés commis par les forces de sécurité gouvernementales au cours de la période couverte, ni sur d'éventuelles procédures judiciaires.
Le rapport mentionne également des mesures prises pour faire respecter les droits civils et politiques, notamment une loi de juin 2017 destinée à protéger les défenseurs des droits humains. Toutefois, les autorités burkinabè ont restreint les droits civils et politiques au cours de la période couverte par le rapport et depuis lors, a déclaré Human Rights Watch.
Depuis sa prise de pouvoir en 2022, la junte a systématiquement réprimé les activistes, les membres des partis d'opposition, les journalistes et ses détracteurs. Human Rights Watch a largement documenté le recours à la conscription illégale pour réduire au silence les dissidents, ainsi que les enlèvements et disparitions forcées de dizaines de détracteurs du gouvernement et de dissidents.
En décembre 2023, la CADHP s'est déclarée préoccupée par l'enlèvement de l'éminent défenseur des droits humains Daouda Diallo et par les « actes d’intimidation, de harcèlement judicaire et de représailles » à l'encontre de tous les défenseurs. En juillet, elle a dénoncé la disparition forcée présumée de trois journalistes burkinabè, appelant les autorités à fournir des informations sur le lieu où ils se trouvent et à les libérer. Les autorités n'ont fourni aucune information sur le lieu où se trouvent les journalistes, malgré les demandes de leurs familles et de leurs avocats.
La CADHP ne s'est pas rendue au Burkina Faso depuis plusieurs années. Elle devrait envisager de demander l'autorisation d'effectuer une visite officielle afin d'évaluer la situation des droits humains et de publier un rapport complet, a déclaré Human Rights Watch.
« La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples devrait discuter de manière approfondie des graves abus commis par les forces de sécurité burkinabè et par les groupes armés islamistes, ainsi que de la nécessité d'assurer la reddition des comptes », a conclu Allan Ngari. « La CADHP devrait également recommander des mesures concrètes pour garantir la protection des activistes, des journalistes et des opposants politiques au Burkina Faso, afin de leur permettre d'effectuer leur travail sans crainte. »
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Articles
DW
22.10.2024 à 06:00
Human Rights Watch
(Beyrouth) – Le 11 octobre, la Haute Cour britannique a rendu une ordonnance autorisant un défenseur des droits humains saoudien vivant au Royaume-Uni à porter plainte contre le gouvernement saoudien pour avoir utilisé contre lui des logiciels espions, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Yahya Assiri, un éminent défenseur des droits humains saoudien, affirme que les autorités saoudiennes l’ont ciblé par le biais de logiciels espions entre 2018 et 2020.
L’ordonnance de la Haute Cour permet à Yahya Assiri de porter plainte contre l’Arabie saoudite dans le cadre du système juridique britannique. Le 28 mai, Assiri avait déposé une plainte contre l’Arabie saoudite pour l’avoir ciblé avec des logiciels espions ; dans sa plainte, il affirmait que le gouvernement saoudien l’avait harcelé, avait utilisé à mauvais escient ses informations privées et avait interféré de manière abusive avec ses téléphones portables.
« Le gouvernement saoudien est accusé d’avoir utilisé le logiciel espion Pegasus de NSO Group pour surveiller et réduire au silence des défenseurs des droits humains saoudiens pendant des années en toute impunité », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur l’Arabie saoudite à Human Rights Watch. « Le procès intenté par Yahya Assiri devant un tribunal britannique est un pas important vers la reddition de comptes par le gouvernement saoudien après des années de répression transnationale et de violations répétées des droits humains. »
Des personnes ayant critiqué le gouvernement saoudien et des dissidents ont publiquement exprimé leurs inquiétudes quant à l’utilisation par les autorités saoudiennes de technologies de surveillance pour pirater leurs appareils et leurs comptes en ligne. Dans sa plainte, Assiri a déclaré que le gouvernement saoudien avait ciblé ses appareils avec des logiciels espions à plusieurs reprises entre 2018 et 2020.
Yahya Assiri est un éminent militant saoudien des droits humains qui a fondé l’organisation saoudienne de défense des droits humains ALQST, basée à Londres ; il avait précédemment été un membre fondateur du Parti de l’Assemblée nationale, un parti d’opposition saoudien. En 2013, il a quitté l’Arabie saoudite est s’est installé au Royaume-Uni, par crainte pour sa sécurité en raison de son travail en faveur des droits humains, et y a obtenu l’asile en 2017.
L’ordonnance émise par la Haute Cour du Royaume-Uni constitue une étape importante vers l’obligation de rendre des comptes pour les attaques présumées du gouvernement saoudien contre Assiri, a déclaré Human Rights Watch. Les gouvernements de divers pays devraient interdire la vente, l’exportation, le transfert et l’utilisation de technologies de surveillance jusqu’à ce que des mesures de protection des droits humains soient mises en place.
En 2018, Citizen Lab, un centre de recherche universitaire basé au Canada, a conclu que les messages suspects reçus par Assiri semblaient représenter des tentatives d’infecter l’un des ses téléphones portables « avec le logiciel espion Pegasus de NSO Group ». Assiri et ses avocats affirment que le gouvernement saoudien a infecté un autre téléphone portable d’Assiri avec un logiciel espion fabriqué par une autre société israélienne, QuaDream, en 2018. Ils ont déclaré qu’en juillet 2020, un autre appareil d’Assiri a été piraté à l’aide de Pegasus.
Le logiciel Pegasus est fabriqué et vendu par la société israélienne NSO Group. Cette société affirme qu’elle n’accorde de licence pour Pegasus qu’à des gouvernements. Les clients de NSO Group installent subrepticement le logiciel espion Pegasus sur les téléphones portables des personnes ciblées. Une fois que le logiciel Pegasus est installé sur un appareil, le client peut le transformer en un puissant outil de surveillance en obtenant un accès complet à sa caméra, ses appels, ses médias, son microphone, ses e-mails, ses SMS et d’autres fonctions, permettant de surveiller la personne ciblée et ses contacts.
Suite du communiqué en ligne en anglais.
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