LePartisan.info À propos Podcasts Fil web Écologie Blogs Revues MÉDIAS
Human Rights Watch News
Souscrire à ce flux
Humans Right Watch enquête sur les violations des droits humains commises à travers le monde

Accès libre

▸ les 20 dernières parutions

22.07.2025 à 06:00

Mali : L’armée et le groupe Wagner ont exécuté et fait disparaître des civils peuls

Human Rights Watch

Click to expand Image Une photo non datée de combattants russes du groupe Wagner dans le nord du Mali, publiée par l’armée française en 2022. © 2022 Armée française via AP Photo Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025.Les soldats maliens et les combattants du groupe Wagner ont accusé la communauté peule de collaborer avec des groupes armés islamistes qui se battent pour prendre le contrôle de certaines parties du pays.L’Union africaine devrait accroitre ses efforts au Mali pour aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables.

(Nairobi, le 22 juillet 2025) – Les forces armées maliennes et leur allié, le groupe Wagner soutenu par la Russie, ont perpétré des dizaines d’exécutions sommaires et de disparitions forcées d’hommes de l’ethnie peule depuis janvier 2025, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

L’armée malienne et le groupe Wagner, qui mènent des opérations conjointes contre des groupes armés islamistes depuis plus de trois ans, semblent avoir exécuté au moins 12 hommes peuls et fait disparaître de force au moins 81 autres depuis janvier, dans le cadre d’opérations de contre-insurrection conduites dans plusieurs régions du pays contre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou Jama’at Nusrat al-Islam wa al-Muslimeen, JNIM) lié à Al-Qaïda. Des témoins ont indiqué que des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner ont commis des abus contre des personnes appartenant à l’ethnie peule, qu’ils accusent de collaborer avec le GSIM.

« La junte militaire malienne est en fin de compte responsable des exécutions sommaires et des disparitions forcées perpétrées par l’armée et par des combattants du groupe Wagner allié à l’armée », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « La junte devrait mettre fin aux abus, révéler où se trouvent les personnes détenues, mener des enquêtes et traduire les responsables en justice. »

L’Union africaine (UA) devrait faire pression sur la junte militaire malienne pour qu’elle enquête sur ces graves allégations, juge de manière équitable les responsables et accorde des réparations aux familles des victimes, a déclaré Human Rights Watch.

Entre février et mai 2025, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 29 personnes ayant eu connaissance des incidents, dont 16 témoins, 7 chefs de communauté, des activistes, des journalistes et des représentants d’organisations internationales. Le 10 juin, Human Rights Watch a adressé aux ministres de la Justice et de la Défense du Mali un courrier exposant ses conclusions et ses questions, mais n’a reçu aucune réponse.

Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles, corroborées par les Nations Unies, selon lesquelles l’armée et des combattants de Wagner ont exécuté 65 éleveurs et marchands de bétail peuls du village de Sebabougou, dans la région de Kayes, en avril après les avoir rassemblés et conduits vers un camp de l’armée.

Les groupes armés islamistes, qui sont impliqués dans de nombreux abus graves, ont longtemps concentré leurs efforts de recrutement au sein de la communauté peule. Les gouvernements maliens successifs ont fait l’amalgame entre la communauté peule et les combattants islamistes, mettant les Peuls dans une situation dangereuse.

Le 30 mars, l’armée malienne et des combattants de Wagner sont entrés dans le village de Belidanédji, dans la région de Ségou, et ont exécuté sommairement au moins six civils peuls qui s’enfuyaient ou se cachaient, d’après les récits de témoins. « Ils ont tiré dans dans la poitrine de mon ami devant moi », a raconté un homme de 47 ans. « Lorsque les soldats sont partis, nous avons récupéré cinq corps et évacué un homme blessé, mais il est décédé plus tard à l’hôpital. »

Les forces maliennes et des combattants de Wagner ont mené une opération dans le village de Kourma, dans la région de Ségou, le 19 mars. Un villageois de 50 ans a expliqué : « Ils [les soldats] ont frappé [les villageois] à coups de crosse de fusil avant de les entasser dans un pick-up. » Il a précisé qu’au moins 12 hommes peuls avaient été arrêtés. Leurs proches les ont cherchés dans plusieurs centres de détention, mais les autorités n’ont fourni aucune information sur leur emplacement.

Human Rights Watch documente des abus généralisés commis par l’armée malienne et le groupe Wagner lors d’opérations de contre-insurrection à travers le pays depuis 2021. Le 6 juin, le groupe Wagner a annoncé qu’il se retirait du Mali après avoir « accompli » sa mission. Des sources au sein des services de diplomatie et de sécurité ont déclaré aux médias que les combattants de Wagner seraient remplacés par Africa Corps, un groupe paramilitaire sous le contrôle direct du gouvernement russe qui a été créé après la mort du fondateur du groupe Wagner, Evgueni Prigojine, en 2023.

Le recadrage annoncé de la présence russe au Mali a coïncidé avec une série d’attaques majeures menées par des groupes armés islamistes et des groupes séparatistes touaregs en juin, au cours desquelles des dizaines de soldats maliens et quelques combattants d’Africa Corps ont été tués.

L’UA devrait accroitre ses efforts au Mali afin d’aider à protéger les civils des abus commis par toutes les parties belligérantes, y compris en soutenant les enquêtes sur les abus et en faisant pression pour l’ouverture de poursuites équitables. Cela est d’autant plus urgent que le Mali s’est retiré du bloc régional de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), en janvier, ce qui prive les victimes d’abus de la possibilité de recours devant la cour régionale ouest-africaine. Une mission de maintien de la paix des Nations Unies a quitté le Mali en 2023 à la demande de la junte militaire malienne, ce qui a accru les préoccupations concernant la protection des civils et la surveillance des abus.

Toutes les parties au conflit armé malien sont soumises au droit international humanitaire, notamment à l’article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949, et au droit de la guerre coutumier. L’article 3 commun interdit le meurtre, les traitements cruels et la torture de toute personne en détention. Les individus qui commettent des violations graves du droit de la guerre avec une intention criminelle ou qui sont impliqués au titre de la responsabilité de commandement peuvent faire l’objet de poursuites pour crimes de guerre.

Les détentions au secret documentées constituent des disparitions forcées et violent la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées à laquelle le Mali est un État partie.

Le Mali est également un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui a ouvert une enquête sur les crimes de guerre présumés commis dans le pays depuis 2012.

« Les hauts responsables maliens et russes devraient être conscients qu’ils peuvent être tenus pour responsables des crimes commis par leurs soldats et leurs combattants », a conclu Ilaria Allegrozzi. « Que l’Union africaine fasse enfin pression sur les autorités maliennes pour qu’elles enquêtent sur les abus et engagent des poursuites, ou que la Cour pénale internationale intervienne, ceux qui sont liés aux atrocités actuelles pourraient faire l’objet de procès à l’avenir. »

Pour connaître les conclusions détaillées, veuillez lire la suite.

Conflit au Mali et implication de la Russie

Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont combattu les groupes armés islamistes, y compris le GSIM et l’État islamique dans la province du Sahel. Les hostilités ont provoqué la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de 350 000 personnes.

La junte militaire malienne, qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en 2021, s’est appuyée sur le groupe Wagner soutenu par la Russie lors d’opérations de contre-insurrection.

Les autorités maliennes n’ont jamais reconnu publiquement la présence du groupe. En décembre 2021, la junte a déclaré que des instructeurs militaires russes se trouvaient au Mali dans le cadre d’un accord bilatéral avec la Russie, mais elle a nié la présence de combattants de Wagner. Cependant, Human Rights Watch et des médias ont fait état des activités du groupe Wagner et de ses abus au Mali.

En juin 2023, le ministre malien des Affaires étrangères, en réponse à un rapport de Human Rights Watch, a de nouveau nié la présence de tout groupe armé étranger et n’a pas mentionné le groupe Wagner. Cependant, les autorités russes ont reconnu la présence du groupe. En mai 2023, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré à un média que le groupe Wagner « fournit des services de sécurité » au gouvernement malien et a indiqué par la suite que les membres de Wagner travaillaient comme « instructeurs ».

Abus commis par l’armée dans la région de Douentza

Click to expand Image Image satellite datée du 5 février 2025 montrant des dizaines de tukuls et autres structures brûlées dans le village de Kobou après une attaque ayant eu lieu le 23 janvier. Image satellite © 2025 Airbus. Google Earth. Analyse et graphiques © 2025 Human Rights Watch

Meurtres et incendies de maisons, Kobou, 23 janvier

Le 23 janvier, vers 9 heures du matin, les forces armées maliennes sont entrées dans Kobou, un village situé dans une zone contrôlée par le GSIM, à bord de six pick-up, apparemment à la recherche de combattants islamistes. Plusieurs témoins ont rapporté qu’au cours de l’opération, des soldats ont tué un homme peul de 46 ans qui tentait de s’enfuir et ont exécuté sommairement deux autres hommes, âgés de 65 et 75 ans. Les corps des deux hommes âgés ont été retrouvés avec les yeux bandés et les mains liées derrière le dos. Les soldats ont aussi incendié au moins 30 maisons, d’après les témoignages.

La plupart des villageois ont fui à l’arrivée des soldats. « Nous, les Peuls, nous avons tous fui, car nous savons que les soldats s’en prendront à nous parce qu’ils nous considèrent comme des djihadistes », a expliqué un homme de 28 ans. « Si vous ne fuyez pas, les djihadistes vous tueront parce qu’ils diront que vous avez aidé les soldats. Personne ne nous épargne. »

Un éleveur peul de 35 ans, qui a perdu son père de 65 ans dans l’attaque, a raconté :

Il y a eu un mouvement de foule. Je me suis enfui, mais mon père ne pouvait pas courir parce qu’il était trop vieux et trop faible. Il est resté à la maison et quand les militaires sont arrivés, ils l’ont tué là-bas. Quand je suis rentré au village vers 16 heures, j’ai trouvé son corps dans la maison, les yeux bandés avec son turban et les mains liées. Ils lui ont tiré une balle à l’arrière de la tête.

Un homme de 29 ans, qui a perdu son frère âgé de 46 ans dans l’attaque, a expliqué :

Quand j’ai vu les soldats arriver, je suis parti en emmenant ma mère âgée sur ma moto et nous nous sommes cachés dans la brousse. … Nous avons entendu plusieurs coups de feu. … À notre retour, nous avons vu que trois personnes avaient été tuées, dont mon frère. J’ai trouvé son corps avec trois balles dans le dos à environ 300 mètres de la mosquée. J’ai également trouvé le corps d’un homme de 75 ans, les yeux bandés, tué d’une balle dans la tête devant la mosquée. Et puis j’ai vu le corps d’un autre homme qui a été tué chez lui.

Human Rights Watch a analysé des images satellite montrant des signes de bâtiments incendiés répartis dans tout le village les 23 et 24 janvier.

« Lorsque nous sommes rentrés à Kobou, vers 16 heures, il y avait encore de la fumée et du feu », a décrit l’homme de 28 ans. « Nous avons éteint les dernières flammes et récupéré les corps des trois hommes tués pour les enterrer dans une fosse commune au cimetière du village. »

Abus commis par l’armée dans la région de Tombouctou

Enlèvements et exécutions à Farana, 26 mars

Le 26 mars, l’armée malienne a arrêté, passé à tabac et probablement tué quatre hommes peuls au bord d’une rivière dans le village de Farana, une zone où le GSIM mène des opérations et attaque les forces de sécurité. Des témoins ont déclaré avoir vu des soldats se diriger vers les berges de la rivière et arrêter les hommes, puis avoir constaté des preuves d’une attaque.

« Je me reposais près de la rivière avec mon frère et trois autres hommes lorsque, vers midi, des soldats sont arrivés à bord de camions pick-up et de véhicules blindés », a raconté un homme de 29 ans. Il s’est enfui, mais a déclaré que lorsqu’il est retourné près de la rivière quatre heures plus tard, il n’a trouvé aucun corps, mais « une mare de sang » et des restes humains. Il a rapporté les propos de quatre pêcheurs de l’ethnie Bozo qui ont été témoins des passages à tabac :

Les soldats ont torturé [les quatre hommes] jusqu’à ce qu’ils ne respirent plus et ont emmené les quatre corps avec eux. Sur place, j’ai trouvé beaucoup de sang et des morceaux de cerveau, une barre de fer avec des traces de sang et de la chair humaine collée dessus. Il y avait tellement de sang que c’était comme si 10 vaches avaient été abattues là-bas.

Un autre homme, âgé de 45 ans, dont le frère fait partie des quatre hommes disparus, a raconté que, lorsqu’il a appris qu’un convoi militaire arrivait au village, il s’est enfui avec presque tous les Peuls locaux : « Nous savons que, si un soldat aperçoit un Peul, c’est fini pour lui. »

Il a ajouté qu’il s’était caché dans la brousse à proximité et avait vu les véhicules militaires se diriger vers le bord de la rivière. « Ils ne sont pas entrés dans le village, ils sont allés vers la rivière. … J’étais inquiet parce que mon frère était là-bas. »

Quand les soldats sont partis, a poursuivi l’homme, il s’est rendu près de la rivière. « Je n’en croyais pas mes yeux », a-t-il expliqué. « C’était comme un abattoir. … Il y avait du sang partout, de la chair humaine collée sur des branches d’arbres, c’était horrible. »

Les quatre hommes sont toujours portés disparus. Leurs proches ont indiqué les avoir cherchés à la base militaire voisine de Soumpi en vain. Human Rights Watch a reçu une liste, établie par les proches, avec les noms des quatre hommes et leurs âges : 24, 38, 53 et 70 ans.

Les habitants et les proches pensent que les soldats ont pris pour cible les Peuls, car ils les accusent de collaborer avec le GSIM.

Abus commis par l’armée et le groupe Wagner dans la région de Kayes

Arrestations et meurtres à Sebabougou, 12 avril

Le 12 avril, les forces maliennes et des combattants de Wagner ont arrêté au moins 100 hommes peuls dans le village de Sebabougou, les accusant de collaborer avec les combattants islamistes. Des témoins, y compris des sources sécuritaires, ont expliqué que les soldats ont emmené les villageois au camp militaire de Kwala, à environ 30 kilomètres de là, où ils les ont détenus et en ont apparemment exécutés un grand nombre.

Un rapport de l’ONU a corroboré ces conclusions, exprimant l’« indignation face à l’exécution sommaire présumée de plusieurs dizaines de personnes … ainsi que la disparition forcée d’autres personnes » à Sebabougou. Les forces armées maliennes ont annoncé le 28 avril qu’elles avaient mené des opérations militaires entre le 11 et le 15 avril dans différentes zones, y compris Sebabougou et Kwala, et qu’elles avaient « neutralis[é] des groupes armés terroristes ».

Plusieurs témoins ont indiqué avoir vu les militaires et des combattants de Wagner arriver à Sebabougou vers 8 heures du matin à bord de plusieurs véhicules, tandis qu’un hélicoptère militaire survolait le village. Au marché aux bestiaux du village, ils ont ordonné à tout le monde de se rassembler devant le domicile du chef du village pour une réunion.

Un homme peul de 32 ans a déclaré :

Les gens s’y sont d’abord rendus volontairement, y compris certains Peuls, mais d’autres, comme moi, sont restés au marché. Mais vers midi, les militaires sont revenus au marché, forçant tous les Peuls à aller à la réunion. … J’ai décidé de fuir, car il me semblait que quelque chose clochait.

Un septuagénaire qui a assisté à la réunion a raconté : « Les soldats nous ont dit : “Tous ceux qui ont des liens avec des terroristes ne s’en tireront pas comme ça.” » Il a ajouté que les soldats ont ensuite rassemblé et arrêté environ 100 hommes peuls :

Vers 16 heures, ils ont bandé les yeux des Peuls avec leurs foulards ou d’autres vêtements et leur ont lié les mains dans le dos. Ils les ont emmenés vers leurs véhicules garés à l’extérieur du village et les ont chargés dans deux camions, puis sont repartis avec eux en direction de Kayes.

Des proches ont fourni à Human Rights Watch une liste contenant les noms de 65 hommes peuls arrêtés à Sebabougou, âgés de 30 à 65 ans, qui sont toujours portés disparus. Les villageois ont indiqué qu’ils n’ont pas pu obtenir d’informations sur le lieu où se trouvaient les hommes arrêtés. Un homme de 53 ans, dont le cousin âgé de 40 ans a été arrêté, a déclaré : « À partir [du moment de l’arrestation], nous avons cessé d’avoir des informations sur nos proches. »

Des membres des familles de ces hommes ont cherché à localiser leurs proches disparus jusqu’au 20 avril sans parvenir à savoir où ils se trouvaient. Les 21 et 22 avril, ils ont découvert au moins 43 corps en périphérie du camp militaire de Kwala. Bien qu’ils n’aient pas pu identifier ces corps du fait de leur décomposition, ils pensent que ce sont ceux des hommes arrêtés le 12 avril.

Un homme de 32 ans a raconté :

Le 21 avril, je me suis rendu à Kwala avec cinq autres personnes et nous avons découvert les corps de 13 hommes à environ sept kilomètres au nord du camp militaire. Les corps étaient dispersés et déjà décomposés. Le lendemain, nous avons trouvé 30 autres cadavres, dans le même état, à environ un kilomètre de l’endroit où nous avions découvert les 13 premiers. C’était horrible.

Des sources crédibles ont indiqué à Human Rights Watch qu'au moins 25 des personnes détenues ont été transférées du camp militaire de Kwala à la prison centrale de Bamako, environ une semaine après leur arrestation. Les sources ont déclaré que les 25 ont été présentées à un juge et libérées à la mi-juillet sans inculpation.

Abus commis par l’armée et le groupe Wagner dans la région de Ségou

Enlèvements et disparitions forcées à Kourma, 19 mars

Le 19 mars, l’armée malienne et des combattants de Wagner ont rassemblé 12 hommes peuls au marché aux bestiaux de Kourma, un village situé dans une zone contrôlée par le GSIM. Des proches ont fourni à Human Rights Watch une liste des noms des hommes, âgés de 22 à 62 ans. Les hommes sont toujours portés disparus.

Des témoins ont raconté que des soldats et des combattants de Wagner sont arrivés dans le village vers 8 heures du matin, ont encerclé le marché aux bestiaux et ont commencé à rassembler des hommes peuls. Ils ont accusé les hommes de collaborer avec le GSIM et les ont violemment battus avant de partir avec eux dans un pick-up en direction de la ville de Sokolo, située à environ 15 kilomètres, d’après les témoignages.

Un homme peul, âgé de 50 ans, a décrit les hommes armés comme des « soldats maliens et blancs » à bord d’au moins six pick-up et sept motos. Il a expliqué qu’il s’était caché dans un magasin appartenant à un homme de l’ethnie bambara, tandis que son fils, âgé de 22 ans, a été arrêté :

Les soldats, cinq Maliens et deux Russes, ont rassemblé les 12 personnes près du portail du marché. … Ils les ont giflés, les ont frappés à coups de bottes et de crosse de fusil et les ont traités de « terroristes ». Ils ont déchiré leurs vêtements pour leur bander les yeux, leur ont lié les mains et les pieds, puis … ils les ont jetés l’un après l’autre dans un pick-up comme des animaux.

Un autre homme peul, âgé de 66 ans, dont le fils de 25 ans a été arrêté, a décrit avoir vu vers 11 heures du matin un pick-up militaire avec environ 12 personnes à bord, « les yeux bandés » et « blessées », qui quittait le marché en direction de Sokolo.

Le lendemain, des proches des hommes arrêtés ont déclaré avoir signalé l’incident aux gendarmes de la base militaire de Sokolo. Une femme de 41 ans, dont le fils a été arrêté, a raconté :

J’ai trouvé deux gendarmes. Ils ont refusé que j’accède au camp, mais ils m’ont écoutée. J’ai expliqué ce qui s’était passé à Kourma. … Ils ont répondu que les personnes arrêtées à Kourma se portaient bien et que je ne devais pas m’inquiéter. J’ai demandé à en avoir la preuve. Ils m’ont dit de m’asseoir et de patienter. Je suis restée assise sur une chaise pendant plusieurs heures. Ils sont revenus plus tard pour me dire qu’ils n’avaient pas reçu de nouvelles et que je devais partir.

Meurtres, torture et détentions au secret à Belidanédji et Molodo, 30 mars

Le 30 mars vers 8 heures du matin, deux combattants du GSIM, dont un armé, sont entrés dans Belidanédji, un village situé dans une zone contrôlée par ce groupe, et ont battu au moins 20 femmes parce qu’elles ne portaient pas de voile, selon des témoins.

« Ils [les combattants] les ont fouettées, giflées, puis leur ont ordonné de se couvrir », a raconté un homme de 47 ans. « Ils ont dit que nous refusions de nous soumettre à la charia [loi islamique]. Nous, les hommes, étions impuissants, effrayés – pour nous, c’était une humiliation. »

Des témoins ont expliqué qu’une heure plus tard, les forces maliennes et des combattants de Wagner sont entrés dans le village à bord de trois pick-up et d’au moins un véhicule blindé. D’après les informations disponibles, les soldats ont affronté les combattants du GSIM et ont tué l’un d’eux, puis ont exécuté sommairement six civils peuls âgés de 35 à 63 ans.

« Pendant les combats, beaucoup d’entre nous ont fui, certains se sont cachés dans les rizières, d’autres ont sauté dans la rivière », a décrit un homme de 47 ans. « Les soldats ont ensuite pris le contrôle du village, … ont commencé à tuer des gens. Ils n’ont pas essayé de faire de distinction entre nous – ils nous considéraient tous comme des djihadistes. »

Un homme de 49 ans qui a perdu son frère dans l’attaque a indiqué qu’il avait fui Belidanédji lorsque le combattant du GSIM armé avait tiré le premier coup de feu, mais qu’il était revenu au village vers midi :

J’ai trouvé mon frère encore en vie, mais gravement blessé dans sa rizière. Il tenait sa main sur la blessure par balle qu’il avait à la poitrine. Sa main était couverte de sang. Des gens m’ont aidé à panser sa plaie et à l’évacuer vers l’hôpital de Diabaly sur ma moto. Mais il est mort deux jours plus tard.

L’homme de 47 ans a raconté qu’il s’était caché dans une rizière, qu’il avait été témoin d’une exécution sommaire et qu’il avait récupéré des corps :

Mon ami de 58 ans aussi se cachait ici, les militaires l’ont abattu. Ça s’est passé à moins de 100 mètres de là où j’étais. Les soldats l’ont vu, ils lui ont demandé de se mettre debout et de lever les mains, puis ils lui ont tiré dans la poitrine. … Lorsque les soldats sont partis, nous avons récupéré cinq cadavres [de civils] et avons aidé un homme gravement blessé. … Nous avons enterré deux hommes dans le cimetière du village le même jour. L’homme blessé est décédé après avoir été évacué à l’hôpital et les trois autres ont été enterrés par leurs proches dans des hameaux voisins.

Des témoins ont indiqué que les soldats et les combattants de Wagner qui sont entrés dans le village faisaient partie d’un convoi plus important, et que d’autres soldats et combattants de Wagner étaient restés à l’extérieur de Belidanédji. Ils ont décrit que les soldats déployés à l’extérieur du village ont arrêté deux hommes peuls, âgés de 48 et 50 ans, les ont torturés en les passant à tabac et les ont emmenés à la base militaire de Molodo, à environ 76 kilomètres de là, où ils ont été détenus au secret dans un conteneur pendant deux semaines.

Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles indiquant qu’au moins 20 personnes ont été exécutées sommairement à la base, dont au moins sept combattants islamistes capturés, mais ces informations n’ont pas pu être confirmées.

Arrestations et meurtres à Sikere, 14 mai

Tôt dans la matinée du 14 mai, les forces maliennes accompagnées de combattants de Wagner et de miliciens dozos, qui appartiennent principalement à l’ethnie bambara, ont encerclé Sikere, un village situé dans une zone contrôlée par le GSIM et peuplé de Bambaras, de Rimaïbés, un sous-groupe peul, et de Peuls. D’après les témoignages, les soldats et les combattants sont allés de porte en porte et ont rassemblé tous les hommes rimaïbés et peuls et les ont réunis dans un endroit proche de la mosquée. Ils les ont accusés de collaborer avec le GSIM et ont abattu quatre hommes.

Un homme de 48 ans a expliqué qu’il dormait lorsqu’un soldat malien et deux miliciens dozos ont fait irruption chez lui, ont pointé leurs fusils sur sa tête et lui ont ordonné de se rendre à pied à la mosquée. Il a raconté :

Quand je suis arrivé près de la mosquée, beaucoup d’autres hommes étaient déjà là. Ils nous ont bandé les yeux avec nos foulards. … Puis ils ont commencé à nous accuser. Ils ont dit que nous avions suivi un entraînement pour devenir djihadistes, … que nos proches sont du côté des djihadistes.

Un homme de 45 ans qui a été arrêté a expliqué :

Ils nous ont accusés d’être des djihadistes et de participer à des attaques contre les forces de sécurité. Le chef de notre village leur a répondu qu’ils n’avaient aucune preuve concrète de cela, puisqu’ils n’avaient trouvé aucune arme dans le village. Alors, un soldat nous a menacés : « Si jamais les djihadistes viennent attaquer Ngonado [un village bambara près de Sikere] en représailles à notre présence ici aujourd’hui, nous reviendrons vous exterminer jusqu’au dernier ! »

Après environ deux heures dans la mosquée, les soldats ont libéré tous les hommes rimaïbés et ont exécuté sommairement quatre hommes peuls. « Nous avons récupéré leurs corps : ils avaient tous été tués d’une balle dans la tête », a relaté l’homme de 45 ans. « Nous les avons enterrés dans une fosse commune dans le cimetière du village. »

Les villageois ont fourni à Human Rights Watch une liste des quatre hommes exécutés. Deux avaient 37 ans et les deux autres avaient respectivement 35 ans et 60 ans.

Les témoins et les habitants considèrent que l’attaque à Sikere a été menée en représailles contre la population locale accusée de soutenir le GSIM. Ils ont précisé que, dans les semaines précédant cette attaque, le GSIM avait attaqué les forces de sécurité, les miliciens Dozo et les combattants de Wagner dans la zone.

21.07.2025 à 06:00

États-Unis : Des migrants détenus en Floride dans des conditions abusives

Human Rights Watch

Click to expand Image © 2025 John Holmes pour Human Rights Watch

 

Des personnes détenues dans des centres de rétention pour migrants en Floride y sont soumises à des conditions inhumaines, notamment le refus de soins médicaux, le surpeuplement et des traitements dégradants. Au moins deux décès récents pourraient être liés à l’insuffisance de soins médicaux.Il ne s'agit pas d'incidents isolés, mais plutôt du résultat d'un système de détention fondamentalement défaillant et entaché de graves abus.Le gouvernement américain devrait privilégier les alternatives communautaires à la détention de migrants, remédier immédiatement aux conditions de détention abusives et autoriser un contrôle indépendant des centres de rétention.

(Washington, 21 juillet 2025) – Le gouvernement des États-Unis a soumis des migrants détenus dans trois centres de rétention en Floride à des conditions abusives et dégradantes, et dans certains cas à des risques mortels, ont déclaré Americans for Immigrant Justice, Human Rights Watch et Sanctuary of the South dans un rapport conjointement publié aujourd'hui.

21 juillet 2025 “You Feel Like Your Life is Over”

Ce rapport de 92 pages, intitulé « “You Feel Like Your Life is Over”: Abusive Practices at Three Florida Immigration Detention Centers Since January 2025 » (« “Vous avez l'impression que votre vie est finie” : Pratiques abusives dans trois centres de rétention pour migrants en Floride depuis janvier 2025 »), révèle que les personnes détenues au Krome North Service Processing Center (« Krome »), au Broward Transitional Center (« BTC ») et au Federal Detention Center de Miami (« FTC ») ont été enfermées dans des conditions de surpeuplement et d'insalubrité, soumises à des traitements dégradants, et privées d’accès à des soins médicaux rapides et adéquats. Le rapport décrit les expériences vécues par 17 migrants dans ces trois centres de rétention depuis le 20 janvier.

Americans for Immigrant Justice est un cabinet d'avocats à but non lucratif qui lutte pour la justice pour les migrants par le biais d’assistance juridique, de litiges visant des changements à long terme, ainsi que des actions de plaidoyer et de sensibilisation. Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale internationale qui enquête sur des violations des droits humains dans le monde entier, publie des rapports et vise à promouvoir la justice et l’obligation de rendre des comptes. Sanctuary of the South est une association dont la mission est de promouvoir la justice et la libération de personnes injustement détenues, en s’appuyant sur « l'amour et le soutien mutuel ».

Les chercheur-euse-s des trois organisations ont mené des entretiens avec des migrants actuellement ou précédemment détenus, des membres de leurs familles et des avocats spécialisés en droit de l'immigration ; les chercheur-euse-s ont aussi analysé les données publiées par les services d'immigration et de douane des États-Unis (Immigration and Customs Enforcement, ICE), ainsi que d'autres documents officiels.

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Donald Trump, son administration a provoqué une forte hausse du nombre de migrants détenus à travers le pays. Les données de l'ICE montrent qu’à la mi-avril, le taux de population dans 45 des 181 centres de rétention officiels à travers le pays dépassait la capacité contractuelle prévue.

La hausse du nombre de personnes détenues par l'ICE a été particulièrement forte en Floride, suite aux politiques fédérales et étatiques qui ont élargi le champ d'application des mesures de contrôle de l'immigration. Dans le centre Krome, le nombre de migrants détenus a plus que triplé au cours des trois premiers mois de 2025, atteignant un niveau près de trois fois sa capacité opérationnelle. Le centre FDC, conçu à l’origine comme prison fédérale, a commencé à être utilisé pour détenir des centaines de migrants en février.

Centres de rétention pour migrants en FloridePopulation quotidienne moyenne Click to expand Image Le nombre moyen de personnes détenues quotidiennement dans les centres de rétention pour migrants en Floride est passé d'environ 1 480 en mars 2024 à environ 3 280 en mars 2025. © 2025 Human Rights Watch

« L'escalade des mesures contre l’immigration et les tactiques répressives de l'administration Trump terrorisent des communautés et déchirent des familles ; ceci est particulièrement cruel en Floride, dont la prospérité repose pourtant sur ses communautés immigrées », a déclaré Katie Blankenship, avocate spécialisée en droit de l'immigration et cofondatrice de Southern Sanctuary. « L'approche rapide, chaotique et cruelle utilisée pour arrêter et détenir des personnes a des conséquences mortelles, et provoque une crise des droits humains qui affectera cet État et le pays tout entier pendant des années. »

Les chercheur-euse-s ont constaté que les détenus de Krome étaient régulièrement enfermés dans des cellules glaciales, surpeuplées et sans literie, qu’ils étaient privés d'accès à des mesures hygiéniques et que lors de leur transport, ils étaient menottés de manière prolongée et injustifiée. Les personnes détenues dans les trois centres n'ont pas pu bénéficier des soins médicaux nécessaires, notamment pour des maladies chroniques comme le diabète, l'asthme et le VIH. Des femmes ont été détenues à Krome, un centre de rétention conçu pour des hommes, sans accès à des soins adaptés à leur genre ni à leur intimité. Au moins deux décès en détention – l'un à Krome et l'autre au BTC – pourraient être liés à une négligence médicale.

Un homme détenu au centre Krome a déclaré qu'on lui y avait refusé des soins médicaux pour une hernie étranglée, jusqu'à ce qu'il s'effondre de douleur. « Le médecin de l'hôpital m'a dit que si je n'étais pas venu à ce moment-là, mes intestins se seraient probablement rompus », a-t-il affirmé. « J'ai dû me jeter par terre pour obtenir de l'aide. »

Cet homme a aussi déclaré avoir vu d’autre détenus de Krome ligotés et frappés, après une manifestation pacifique et leur refus de de monter dans un bus qui devait les transférer vers un autre centre : « Ils leur ont sauté dessus, les ont ligotés et les traînés [vers le bus]. »

Une détenue a déclaré avoir été punie pour avoir sollicité un soutien psychologique : « Si vous demandez de l'aide, ils vous détiennent [à l'isolement]. Si vous pleurez, ils peuvent vous placer [à l'isolement] pendant deux semaines. Alors les gens préfèrent ne rien dire. »

Cette détenue a aussi déclaré avoir été témoin de la mort de Marie Ange Blaise, une Haïtienne âgée de 44 ans, après que le personnel a tardé à appeler les secours. « Nous avons commencé à crier à l'aide, mais les gardiens nous ont ignorés », a-t-elle expliqué. « Lorsque les secours sont arrivés, elle ne bougeait plus. »

Au cours d'un incident particulièrement dégradant, des détenus du centre FDC ont été contraints de manger alors que leurs mains étaient menottées derrière le dos. « Nous devions nous pencher et manger la nourriture placée sur des chaises, rien qu’avec la bouche, comme des chiens », a déclaré Harpinder Chauhan, un entrepreneur britannique arrêté par l'ICE lors d'un rendez-vous avec les services d'immigration. Chauhan, qui souffre de diabète et de maladies cardiaques, a déclaré s'être vu refuser de l'insuline à plusieurs reprises pendant sa détention dans chacun des trois centres (Krome, FDC et BTC) ; au centre BTC, il a fini par s’effondrer après presque une semaine, et a alors été hospitalisé.

Les chercheur-euse-s ont recueilli des témoignages sur le problème de surpeuplement dans les centres ; des personnes y ont été détenues pendant plusieurs jours pendant que leurs dossiers étaient traités, assis et dormant sur des sols en béton lors de températures parfois glaciales, dans des pièces conçues pour accueillir beaucoup moins de personnes pendant des périodes beaucoup plus courtes. Un homme a décrit avoir dormi à côté des toilettes, dans une pièce tellement surpeuplée que les gens devaient s'enjamber pour se déplacer. Un autre homme a affirmé qu’il s’est vu refuser l'accès à l'eau et au savon pendant 20 jours consécutifs. Au centre Krome, certaines cellules étaient occupées par plus du double du nombre de personnes correspondant à leur capacité prévue.

Des femmes détenues au centre Krome pendant que leurs demandes d’asile étaient traitées ont déclaré avoir été confinées dans des pièces dont les toilettes exposées étaient visibles pour les hommes détenus dans des cellules adjacentes. « Si des hommes se mettaient debout sur des chaises, ils pouvaient avoir une vue directe sur notre pièce et sur les toilettes », a déclaré une femme argentine. « Nous avons supplié [les gardiens] de nous autoriser à prendre une douche, mais ils ont dit que c'était impossible car c'était un centre conçu [en principe] pour des hommes. »

Ces conditions bafouent le droit international, et semblent également enfreindre certaines normes essentielles du gouvernement fédéral américain. Les normes de détention de l'agence ICE exigent un traitement humain, l'accès aux soins médicaux et la protection contre les abus. Les chercheur-euse-s ont toutefois constaté que l'ICE et ses prestataires ne respectent pas ces obligations.

« Des mères, des pères, des frères et des sœurs, des enfants et des amis proches de citoyens américains sont arrachés à leurs foyers et à leurs communautés, et disparaissent dans un système de détention profondément préjudiciable et déshumanisant », a déclaré Denise Noonan Slavin, conseillère senior du directeur exécutif d'Americans for Immigrant Justice. « Permettre que ces injustices perdurent est à la fois dégradant et profondément contraire aux valeurs fondamentales que les États-Unis sont censés défendre. »

Le gouvernement américain devrait mettre fin à son recours à la détention de migrants en tant que conséquence automatique de la quasi-totalité des arrestations effectuées lors de la vague d’opérations des agents de l'ICE, et privilégier plutôt des alternatives communautaires à la détention, ont déclaré les trois organisations. L'ICE devrait immédiatement mettre fin aux conditions de détention abusives, garantir aux migrants l'accès aux soins médicaux et de santé mentale, et permettre un contrôle indépendant des centres de rétention.

« Le gouvernement américain détient de nombreuses personnes qui ne représentent aucune menace pour la sécurité publique, dans des conditions qui portent atteinte aux droits humains fondamentaux et à la dignité humaine », a conclu Belkis Wille. « Les États-Unis ont la responsabilité de traiter toutes les personnes détenues avec dignité et humanité. »

……………..

Articles

Le Figaro  L'Express/AFP 

Le Devoir  20Minutes.ch

18.07.2025 à 17:26

Angola : La police a recouru à une force excessive contre des manifestants pacifiques

Human Rights Watch

Click to expand Image Des membres de la Force d'intervention rapide d'Angola bloquaient une route à Luanda, face à des manifestants qui protestaient contre la hausse des prix du carburant et des coûts de transport, le 12 juillet 2025. © 2025 Julio Pacheco Ntela/AFP via Getty Images

(Johannesburg) – La police angolaise a fait un usage excessif de la force et procédé à des arrestations arbitraires lors de la dispersion de manifestants pacifiques à Luanda, la capitale, le 12 juillet, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc de manière injustifiée et a agressé des manifestants, blessant plusieurs personnes. Les policiers ont également arrêté 17 manifestants, dont certains n'ont été libérés qu'après une intervention judiciaire.

Le gouvernement devrait enquêter rapidement et impartialement sur le recours à la force et sur les arrestations, et sanctionner ou poursuivre les responsables, quel que soit leur rang.

« Les Angolais devraient pouvoir manifester pacifiquement contre des politiques gouvernementales sans subir un recours excessif à la force ni d'autres violations de leurs droits fondamentaux », a déclaré Ashwanee Budoo-Scholtz, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait ouvrir une enquête impartiale sur ces abus et demander des comptes aux responsables. »

Des centaines de personnes ont participé à la manifestation, qui a débuté dans le quartier de São Paulo à Luanda et devait se terminer au Largo 1º de Maio, une place d’une grande importance symbolique dans le centre-ville. Des mouvements de jeunesse et des organisations de la société civile avaient appelé à manifester, suite à la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant et de supprimer les subventions aux transports publics, sans aucune consultation publique préalable.

« La manifestation… était un moyen légitime d'exprimer notre mécontentement face à la décision du gouvernement angolais de mettre en œuvre des politiques antisociales », a déclaré Simão Afonso, un avocat qui a contribué à obtenir l'autorisation de la manifestation, et a ensuite fourni une assistance juridique aux détenus. « La réaction répressive de la police nationale est profondément regrettable. … L'État ne remplit pas ses obligations légales à l’égard des garanties fondamentales des droits et des libertés des citoyens. »

Le 12 juillet, le porte-parole du commandement général de la police angolaise a affirmé dans une déclaration aux médias que l'intervention de la police lors de la marche « visait à maintenir l'ordre et la tranquillité publics, les manifestants n'ayant pas suivi le parcours [autorisé] ».

Cependant, Aidilson Manuel, activiste et porte-parole de la manifestation, a déclaré que l'organisation de cet événement était conforme aux exigences gouvernementales : « Le 10 juillet, nous avons adressé une lettre au gouvernement provincial de Luanda pour l'informer de la manifestation. Nous avons également transmis la même lettre au commandement de la police provinciale, qui nous a contactés pour discuter du trajet. La police a suggéré un itinéraire différent de celui que nous avions proposé. L'approbation officielle est arrivée le 11 juillet vers 16 heures, c’était une réponse favorable. »

Malgré l'autorisation officielle, la police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes et à coups de matraques dès que le groupe s'est approché du Largo 1º de Maio. « Sans aucun avertissement préalable, la répression a commencé brutalement », a déclaré Aidilson Manuel.

Aidilson Manuel a ajouté que quatre personnes avaient été grièvement blessées : « Une personne a été touchée directement au visage par une grenade lacrymogène, provoquant une profonde coupure nécessitant une intervention chirurgicale. Une autre a subi une grave blessure à la bouche et a dû être soignée d'urgence. Deux autres manifestants ont subi des fractures et des blessures graves après avoir été agressés par des policiers. »

Le porte-parole de la police a déclaré que deux personnes avaient été blessées lors de la manifestation. Cependant, les médias ont signalé qu'au moins neuf personnes avaient été blessées.

L'Angola est un État partie à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, ainsi qu’au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; en vertu de ces instruments juridiques, le gouvernement a l’obligation de respecter et de protéger le droit de réunion pacifique et la liberté d'expression.

Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, ainsi que les Lignes directrices pour le maintien de l'ordre lors des rassemblements en Afrique, prévoient un recours à la force uniquement en cas de stricte nécessité. Lorsqu'ils recourent à la force, les responsables de l'application des lois doivent faire preuve de retenue et agir proportionnellement à la gravité de l'infraction, et à l'objectif légitime visé.

En 2020, les Nations Unies ont publié des Lignes directrices portant sur l’utilisation des armes à létalité réduite dans le cadre de l’application des lois ; selon ce texte, les gaz lacrymogènes ne doivent être utilisés que lorsque cela est nécessaire pour prévenir des violences physiques, et ne doivent pas être employés pour disperser des manifestations non violentes.

Human Rights Watch a précédemment documenté des cas où les forces de sécurité angolaises ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques, et ont procédé à des arrestations arbitraires. Les appels lancés par Human Rights Watch et d'autres organisations en faveur de réformes significatives et concrètes des méthodes employées par les forces de sécurité ont abouti à certaines mesures visant un meilleur respect des normes internationales en matière de droits humains. Toutefois, le recours persistant à une force policière excessive lors de manifestations montre que les mesures prises jusqu'à présent sont insuffisantes, a déclaré Human Rights Watch.

« Le recours excessif à la force par la police contre des manifestants pacifiques s'inscrit dans le cadre plus large des problèmes liés aux forces de sécurité en Angola », a observé Ashwanee Budoo-Scholtz. « Le gouvernement devrait adopter et appliquer des réformes globales portant sur le comportement des forces de sécurité, afin de garantir que les policiers respectent la loi et soient tenus responsables lorsqu'ils violent les droits des manifestants. »

……………

3 / 20
  GÉNÉRALISTES
Basta
Blast
Le Canard Enchaîné
L'Autre Quotidien
Alternatives Eco.
La Croix
Le Figaro
France 24
France-Culture
FTVI
HuffPost
L'Humanité
LCP / Public Senat
Le Media
Le Monde
Libération
Mediapart
La Tribune
 
  EUROPE ‧ RUSSIE
Courrier Europe Centrale
Desk-Russie
Euractiv
Euronews
Toute l'Europe
 
  Afrique du Nord ‧ Proche-Orient
Haaretz
Info Asie
Inkyfada
Jeune Afrique
Kurdistan au féminin
L'Orient - Le Jour
Orient XXI
Rojava I.C
 
  INTERNATIONAL
CADTM
Courrier International
Equaltimes
Global Voices
I.R.I.S
The New-York Times
 
  OSINT ‧ INVESTIGATION
OFF Investigation
OpenFacto°
Bellingcat
Disclose
Global.Inv.Journalism
 
  MÉDIAS D'OPINION
AOC
Au Poste
Cause Commune
CrimethInc.
L'Insoumission
Les Jours
LVSL
Médias Libres
Politis
Quartier Général
Rapports de force
Reflets
Reseau Bastille
Rézo
StreetPress
 
  OBSERVATOIRES
Armements
Acrimed
Catastrophes naturelles
Conspis
Culture
Curation IA
Extrême-droite
Human Rights
Inégalités
Information
Internet actu ✝
Justice fiscale
Liberté de création
Multinationales
Situationnisme
Sondages
Street-Médics
Routes de la Soie
🌓