01.11.2024 à 05:00
Human Rights Watch
(Istanbul, 1er novembre 2024) – La détention illégale en Turquie du défenseur des droits humains Osman Kavala est due au fait que les procureurs et les tribunaux de ce pays opèrent sous le contrôle politique du gouvernement, ont déclaré trois organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, dans une intervention de tiers (« third-party intervention ») déposée auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernant cette affaire. Les trois organisations ont appelé à la libération immédiate d’Osman Kavala et à l’annulation de sa condamnation, conformément aux précédents arrêts contraignants de la Cour européenne.
Osman Kavala est emprisonné depuis sept ans, sa détention ayant débuté le 1er novembre 2017 ; le 25 avril 2022, il a été condamné a la prison à vie après avoir être reconnu coupable de « tentative de renversement du gouvernement », accusation infondée, à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Osman Kavala se trouve toujours en prison, malgré deux arrêts contraignants de la CEDH (rendus le 10 décembre 2019 et le 11 juillet 2022), qualifiant sa détention d’« arbitraire » et basée sur des « motifs politiques ». Osman Kavala purge une peine de prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle ; quatre autres personnes condamnées avec lui purgent des peines de prison de 18 ans pour leur rôle présumé dans les manifestations de masse de 2013, déclenchées par un plan de transformation urbaine autour du parc Gezi d’Istanbul.
En janvier 2024, les avocats d’Osman Kavala ont soumis à la CEDH une nouvelle requête qui évoquait de nombreuses violations de ses droits depuis l’arrêt rendu par la Cour le 10 décembre 2019 ; selon cet arrêt, Kavala avait été condamné en l’absence d’un « soupçon raisonnable qu’il ait commis une infraction », et que sa détention était plutôt motivée par des « motifs politiques » visant à « réduire [Kavala] au silence ».
Dans leur requête de janvier, les avocats d’Osman Kavala ont souligné le caractère illégal de sa détention qui se poursuit. Selon la requête, les violations des droits d’Osman Kavala – droit à un procès équitable, droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association – ainsi que la violation du principe de légalité conforme à l’État de droit, démontrent que les autorités turques ont continué à poursuivre leur objectif politique de réduire Kavala au silence et de le punir en raison de ses activités en tant que défenseur des droits humains. La requête rappelle également que les poursuites engagées contre lui et sa condamnation à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle, violent l’interdiction des traitements inhumains et dégradants et de la torture (stipulée par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme). La CEDH devrait rendre un nouvel arrêt dans les prochains mois.
La CEDH a accepté que Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes (CIJ) et Turkey Litigation Support Project soumettent une « intervention de tiers » dans cette affaire. Le 16 septembre, ces trois organisations ont conjointement soumis ce document afin de fournir des informations et un contexte supplémentaires pertinents que la Cour pourra prendre en considération lors de l’examen de la requête déposée par les avocats d’Osman Kavala. L’intervention de tiers souligne la tendance par les autorités turques à éviter la mise en œuvre des arrêts de la CEDH dans des affaires considérées comme politiquement sensibles, notamment celles impliquant des dissidents présumés.
Les trois organisations de défense des droits humains soulignent également les caractéristiques suivantes du système national turc : la mainmise des partis politiques au pouvoir sur le pouvoir judiciaire ; le manque d’indépendance du Conseil des juges et des procureurs, qui est devenu un mécanisme de consolidation d’une influence indue sur le pouvoir judiciaire ; de graves préoccupations concernant l’indépendance et l’efficacité de la Cour constitutionnelle turque ; et le mépris persistant par les autorités judiciaires turques à l’égard des arrêts de la CEDH, et des normes de jurisprudence établies.
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Vidéo de 2019 (sous-titres via cc)
Play Video31.10.2024 à 02:15
Human Rights Watch
Le gouvernement de la République démocratique du Congo semble avoir entrepris de remanier un plan visant à vendre aux enchères des droits de forage pétrolier et gazier dans 30 blocs répartis dans tout le pays. Le 11 octobre, le ministre congolais des Hydrocarbures avait annoncé avoir annulé la vente aux enchères de 27 concessions pétrolière, invoquant des dépôts de candidature tardifs, des offres inappropriées ou irrégulières et un manque de concurrence. Mais cette annonce n’a fait aucune mention de trois blocs de forage de gaz.
L’annonce de l’annulation avait été reçue avec soulagement par les organisations de défense de l’environnement et des droits humains, dans le pays et à l’étranger. En juillet 2022, le gouvernement de la RD Congo avait annoncé qu’il allait commencer à vendre aux enchères les droits de forage dans les 30 blocs. Les activités pétrolières actuelles de la RD Congo se sont, jusqu’à présent, limitées à la façade atlantique de l’ouest du pays, sur la côte et au large. Mais l’appel d’offres de 2022 a créé la possibilité d’une nouvelle production massive de combustibles fossiles à travers de vastes étendues de forêts et de tourbières dont l’existence est critique en matière de climat. Nombre de ces zones constituent l’habitat de communautés rurales, parmi lesquelles des peuples autochtones, qui ont affirmé n’avoir jamais été consultées.
Aggravant ces préoccupations, le gouvernement congolais a annoncé en mai 2023 qu’il avait entamé des négociations avec l’Ouganda voisin en vue de relier certaines concessions pétrolières de l’est de la RD Congo à l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), un oléoduc de 1 443 kilomètres de long en cours de construction afin de relier les champs pétroliers de l’ouest de l’Ouganda à la côte tanzanienne sur l’océan Indien. Human Rights Watch a documenté des violations des droits humains liées au processus d’acquisition de terres de l’EACOP en Ouganda, notamment une indemnisation inadéquate des propriétaires fonciers, ainsi que la répression exercée par le gouvernement ougandais à l’encontre des activistes opposés aux combustibles fossiles et des défenseurs de l’environnement.
L’annonce du ministre des Hydrocarbures n’a pas calmé ces inquiétudes. Environ 135 organisations — dont plus de la moitié sont congolaises — se sont jointes à une campagne dénommée « Notre terre sans pétrole », qui appelle à mettre fin de manière définitive à ces plans. Comme ces organisations l’ont souligné dans une déclaration diffusée aujourd’hui, l’annulation annoncée par le ministre n’est que partielle, le gouvernement ayant signalé qu’un nouveau processus d’appel d’offres « restreint » devait être lancé prochainement. Aucun autre détail n’a été fourni.
L’expansion massive de la production de pétrole et de gaz en RD Congo menacerait les droits humains et aggraverait la crise climatique. La campagne « Notre terre sans pétrole » a raison d’appeler le gouvernement à annuler définitivement tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers et d’exhorter à mettre fin à toute nouvelle initiative dans ce secteur.