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31.10.2025 à 08:42

LCI en guerre contre la taxe Zucman (et contre l'information)

Jérémie Younes

Texte intégral (2944 mots)

Émission spéciale sur LCI, ce lundi 27 octobre : l'économiste star Gabriel Zucman est l'invité de Darius Rochebin, et celui-ci organise un « match » avec l'éditorialiste maison, François Lenglet. L'occasion d'en savoir plus sur la fameuse taxe dont tout le monde parle ? Pas vraiment…

Une musique angoissante retentit, Darius Rochebin est debout, devant un écran rouge sur lequel est inscrit le titre : « Va-t-on taxer les riches ? » Au menu, un duel au sommet entre l'économiste qui a donné son nom à un célèbre impôt plancher sur le patrimoine des ultra-riches, Gabriel Zucman, et le journaliste François Lenglet. La joute s'annonce déséquilibrée ! Elle l'est : d'un côté, l'un des économistes les plus cités dans le monde, et de l'autre, un ancien professeur de littérature reconverti depuis des années en éditorialiste télévisuel « spécialisé » éco, sans qualification particulière dans la discipline.

Avant de lancer « l'affrontement », Darius Rochebin interroge Jérôme Guedj, en direct depuis l'Assemblée nationale, à propos de la « taxe Zucman light » que le Parti socialiste tente d'introduire dans le budget. « Merci infiniment Jérôme Guedj, vous avez fait le teasing vous-même de l'émission qui suit ! Regardez le débat, vous pouvez vous installer à la buvette, regardez le débat entre François Lenglet et Gabriel Zucman », insiste l'animateur. Mais l'apéritif n'était pas terminé… et Darius Rochebin se tourne vers son invité : l'inénarrable Jérôme Fourquet, encore et toujours lui. « Vous êtes le radiographiste, on peut dire ça comme ça, le radiologue de la France. Quel titre vous voulez que je vous donne ? », demande gentiment Darius Rochebin. « Sondeur », répond humblement Jérôme Fourquet. « Depuis tant d'années, reprend l'imperturbable animateur, qui n'a pas de mots assez forts pour proclamer son admiration, vous analysez vraiment, vous sondez les reins et les cœurs, mais profondément la culture française, la société française ». Fourquet est ici pour cadrer et encadrer le débat avec les platitudes conservatrices habituelles. Et comme à son habitude, il remplit à merveille sa fonction : l'État est « impécunieux », les « prélèvements obligatoires » et la « sphère publique » sont déjà « énormes », et Fourquet regrette que certains, à gauche notamment, « s'exonèrent de pistes de réformes sur l'ampleur de la dépense publique ». Darius Rochebin voit lui une « particularité française dans cette obsession des riches ». Après 10 minutes sur ce ton, qui indiquent très clairement de quel côté penche le plateau, arrive enfin l'économiste star, Gabriel Zucman. Mais d'abord, la pub…

Rochebin contre Zucman : « Vous êtes un combattant de gauche »

« Vous nous avez déjà rejoint Gabriel Zucman, bonsoir ! » Dès son introduction, Darius Rochebin change de ton :

- Darius Rochebin : Un mot sur les passions que vous suscitez. Moi, je suis frappé, je vois sur les réseaux sociaux […] à quel point votre nom même suscite des passionnés [sic], soit laudateurs soit au contraire qui vous détestent, les deux !

- Gabriel Zucman : Moi je suis chercheur, professeur, j'aime comprendre, expliquer…

- Darius Rochebin : Oh, attendez… Vous êtes devenu acteur politique !

- Gabriel Zucman : … j'espère utiliser cette occasion pour expliquer le problème d'injustice fiscale, et les solutions qu'on peut y apporter.

- Darius Rochebin : Vous êtes chercheur et vous êtes militant, je crois que vous ne vous en cachez pas ! Vous avez conseillé Sanders, aux États-Unis, qui est très marqué à gauche. Vous êtes un combattant de gauche, on peut dire ça ?

Gabriel Zucman n'est en plateau que depuis 30 secondes, mais il est déjà repeint : « acteur politique », « militant », « combattant de gauche ». Les téléspectateurs savent à quoi s'en tenir, et la présentation tranche avec celle du « radiographiste » qui « sonde les reins et les cœurs » du pays… Audacieux, Darius Rochebin, qui n'a pas de qualification particulière en économie, va oser quelque chose de fort : expliquer à un docteur en économie qu'il commet une confusion basique en économie ! S'abritant derrière un automatisme journalistique bien pratique – « beaucoup vous accusent de » –, le présentateur se transforme alors en professeur, le temps d'une tirade dont il ne semble pas mesurer le ridicule :

Darius Rochebin : Beaucoup vous accusent de faire une confusion entre ce qui est, pour être très précis, du cash, de l'argent cash dont les riches pourraient disposer, et ce qui est des actions, ce qui est une entreprise réelle. L'exemple de LVMH a été si souvent cité… La fortune de LVMH c'est de l'économie réelle, c'est pas comme dans Picsou une piscine avec des lingots d'or, c'est des emplois, des boutiques, des stocks, etc., etc., etc.

Comment est-il possible qu'un journaliste pense pouvoir apprendre cela à un docteur en économie ? Rochebin n'est pas le premier à avancer cet « argument », d'une confusion élémentaire entre « cash » et « actions », qui mettrait à bas l'idée de Zucman, cet incompétent. C'est en réalité l'élément de langage de toute l'éditocratie contre la taxe Zucman. « Non mais là il y a une mécompréhension, essaye néanmoins Zucman. Il s'agit de s'assurer que les personnes physiques, les ultra-riches, les personnes qui ont plus de 100 millions d'euros de patrimoine, payent un minimum d'impôt sur leur fortune personnelle. »

Peut-être n'est-il pas inutile, à ce stade, de rappeler que la chaine LCI appartient au groupe TF1, dont l'actionnaire principal est le groupe Bouygues, de la famille du même nom, certainement concernée par cette taxe ! Juge et partie, le présentateur insiste : « Mais c'est l'entreprise au total que vous allez taxer […]. Ces actions, c'est la réalité de l'entreprise, c'est ça que vous oubli… que vos détracteurs disent », rattrape sur le fil Darius Rochebin. « Vous faites erreur », tente à nouveau d'expliquer l'économiste. En vain : « Donc ils vont vendre des actions, chaque année ils vont vendre 2% de leurs actions, aux Chinois, aux Saoudiens, etc. », reprend l'intervieweur. « Oh non, il y a une mécompréhension à nouveau », tente une nouvelle fois Zucman, qui cache de plus en plus mal sa consternation.

Darius Rochebin semble ne pas entendre la réponse de son invité et s'en tient aux questions qu'il avait préparées : « Au fond, est-ce que vous n'êtes pas dans une logique de nationalisation partielle ? » « Il ne s'agit pas du tout d'une nationalisation », est encore obligé de déminer l'économiste, « une nationalisation c'est quand l'État prend 100% des actions, là on parle de 2%, dans un contexte où les fortunes en question ont augmenté de 10% par an en moyenne. » La démonstration ne perturbe pas notre intervieweur, persuadé qu'il peut « débunker » le scientifique depuis son poste de présentateur télé : il déploie alors un dernier artifice, avant de passer la main à François Lenglet. En l'occurrence, diffuser une « phrase choc » tenue la veille par Michel-Édouard Leclerc sur la même antenne :

Michel-Édouard Leclerc : Taxer des riches, pour prendre leur fric et le mettre dans un seau où il y a des trous, ça résout pas les problèmes des Français… Ça fait peut-être bander la gauche et ça fait peut-être éructer la droite et le patronat, mais ça ne résout rien !

Une déclaration « choc » qui ne comporte aucun argument, mais qui méritait bien une rediffusion ! Zucman en profite pour ignorer ce beau moment de télé et poursuit sa démonstration. Mais voilà que François Lenglet arrive…

Lenglet contre Zucman : « Vous allez tuer les boîtes »

Comme Darius Rochebin et toute la presse bourgeoise avant lui, François Lenglet consacre sa première intervention à faire passer Gabriel Zucman pour un amateur. Avec une petite subtilité : cette fois-ci, Gabriel Zucman n'est pas un idiot qui confond « cash » et « actions », mais un universitaire déconnecté du monde de l'entreprise : « Vous appréhendez les choses en éminent universitaire que vous êtes, concède François Lenglet, mais la réalité, c'est que les contribuables [visés par cette taxe] n'attendent pas sous le marteau fiscal que vous avez préparé pour eux ». Fier de sa punchline, Lenglet déroule ensuite les conséquences qu'aurait selon lui une taxe Zucman, tels des automatismes : évitement fiscal des ultra-riches, effets néfastes sur l'emploi et la croissance. « La réponse là-dessus », le presse Darius Rochebin : « Est-ce que oui ou non ça signifiera moins d'investissements, moins d'embauches, moins de ruissellement […] ? » « C'est évident ! », ponctue Lenglet. « Non, absolument pas », répond calmement Zucman qui rappelle – pour la troisième fois – que son idée est un impôt sur les fortunes personnelles des personnes physiques, non « pas sur les entreprises ». Pour la première fois, le présentateur admet sa confusion : « Pardonnez-moi mais les actions, c'est bien du capital ? Je ne vois pas la distinction […], les actions, c'est le capital ! » Le dispositif, très lourdement défavorable à l'invité interrompu toutes les 20 secondes, va alors se fracasser de manière spectaculaire sur la réponse de l'économiste :

Gabriel Zucman : J'insiste sur le fait que ce n'est pas un impôt sur les entreprises, les entreprises ne sont pas concernées, on ne vient pas taxer leur capital […]. Le rendement moyen, pour les personnes qui ont plus de 100 millions d'euros de patrimoine, c'est 6%. C'est nettement supérieur à 2%, donc les personnes ont largement de quoi payer l'impôt avec leurs liquidités. Quand les milliardaires prétendent ne pas avoir de liquidités, c'est qu'ils organisent leur propre illiquidité, précisément pour échapper à l'impôt sur le revenu. D'accord ? C'est très important de comprendre ça.

Darius Rochebin et François Lenglet ne l'avaient semble-t-il pas compris : la réponse installe, pour la première fois, un silence de mort dans le studio. Vexé, et sans doute conscient qu'il devenait difficile de réfuter l'économiste avec des arguments valables, François Lenglet passe à l'invective : « Vous allez tuer les boîtes. » Peu en verve, le journaliste essuie alors une série de revers de plus en plus humiliants : quand il mobilise l'exemple de Mistral AI, « l'espoir de l'intelligence artificielle française », pour affirmer que l'État ne sait pas gérer contrairement au privé, Zucman lui rappelle que « l'État est déjà au capital de Mistral » et que sa taxe ne changerait rien à cela – coup dur ; quand Lenglet pense que la proposition consiste à transférer chaque année 2% de l'entreprise à l'État, Zucman est (encore) obligé de reprendre le cancre en lui expliquant (à nouveau) que sa taxe vise les fortunes personnelles – il y a « encore une mécompréhension » ; quand, enfin, le chroniqueur économique explique dans un très long raisonnement que « vous ne pouvez pas taper les propriétaires des entreprises, sans taper indirectement les entreprises », Gabriel Zucman se contente, faute de temps, de lui dire que « tout cela est erroné ». C'est une constante tout au long de l'échange : l'économiste est obligé de commencer chacune de ses réponses en détricotant la question qui lui est adressée et les fausses évidences qui y sont repliées. « Vous faites erreur », « Non, absolument pas », « Non, non, pas du tout », « Il y a mécompréhension », « Il y a encore mécompréhension », « Tout cela est erroné », « Sur ce point également, vous faites erreur ». Un véritable parcours du combattant.

Sentant son collègue en difficulté, Darius Rochebin tourne une nouvelle page de l'entretien et montre des images de Javier Milei, le président libertarien conforté par des élections intermédiaires en Argentine, érigé pour l'occasion en modèle par LCI. Le bandeau est tout en sobriété : « J. Milei : le "tronçonneur" qu'il faut à la France ? »

Darius Rochebin pose la question de la comparaison internationale… et avoue une nouvelle fois son incompréhension (de manière involontaire) :

- Darius Rochebin : Dans quel pays une taxe comparable à celle que vous ambitionnez est à l'œuvre et fonctionne ?

- François Lenglet : Aucun !

- Gabriel Zucman : C'est normal, elle est très jeune cette taxe, tous ces travaux de recherches, [ce sont] des savoirs nouveaux, qui ont été créés il y a 3 ou 4 ans ! […]

- Darius Rochebin : Gabriel Zucman, je ne veux pas diminuer vos mérites, mais l'idée de taxer fortement les super-riches, c'est pas vous qui l'avez inventée…

- Gabriel Zucman : Mais c'est justement pas la proposition que je fais !

- Darius Rochebin : Un peu quand même…

- Gabriel Zucman : Mais non ! Puisque c'est un impôt plancher : si vous payez déjà, en impôt sur le revenu, 2% de votre fortune, vous n'aurez rien de plus à payer ! Ce que je propose, c'est simplement que si vous payez moins de 2%, vous auriez à payer la différence pour arriver à 2%. Ceci, uniquement pour les gens qui ont plus de 100 millions de patrimoine…

De cet échange, François Lenglet tire une conclusion : « Si ça n'a jamais été fait, est-ce que ce n'est pas tout simplement parce que vous voyez le monde comme un universitaire […], et que la plupart des gens qui sont aux manettes s'arrêtent au seuil de l'absurde, mais vous pas ! » Rire gras de Rochebin… « Vous voyez une mouche sur la table, vous tapez, vous cassez la table », poursuit le chroniqueur, toujours aussi sûr de lui. Darius Rochebin présente alors un graphique, qui entreprend une comparaison internationale sur le thème des fameux « prélèvements obligatoires » :

Problème : le graphique de Rochebin choisit arbitrairement de ne montrer que l'Allemagne, l'Espagne, et une moyenne de l'UE, laissant de côté d'autres pays dont le niveau de « prélèvements obligatoires » est plus proche du cas français. Zucman le leur signale : « Vous avez oublié quelques pays… Il y a la Suède, le Danemark, la Norvège… » Lenglet l'interrompt aussitôt, voyant là une occasion de fignoler son œuvre : « Il y a aussi Cuba, la Corée du Nord. » Qu'aurait-été une telle émission sans une pertinente comparaison avec la Corée du Nord ?

***

Au total, il est peu probable que le téléspectateur ait pu se faire une idée claire à propos de la taxe Zucman avec cette « émission spéciale », tant la confusion a été entretenue par les questions des intervieweurs, qui ne semblaient certains que d'une chose : leur opposition à cette taxe. Pouvait-on s'attendre à autre chose, sur une chaîne détenue par l'un de ceux que cette taxe vise explicitement ? Probablement pas… Reste qu'à défaut d'information économique, cette émission « guet-apens » nous aura au moins informés sur le niveau de radicalisation de la presse bourgeoise face à tout ce qui se rapproche – de près, ou en l'occurrence, ici, d'assez loin – d'un horizon de justice fiscale.

Jérémie Younes

29.10.2025 à 08:31

Salamé, Demorand, Duhamel & cie : le grand braquage du service public

Pauline Perrenot

Texte intégral (3252 mots)

Le 18 octobre 2025 dans « Quelle époque ! » (France 2), Léa Salamé recevait ses anciens collègues de France Inter. Épicé sur le papier, le cocktail fut explosif à l'écran : cascade de mondanités et déluge de flatteries. Une fois de plus, la télévision a mis en scène l'entre-soi de journalistes s'adonnant à l'autocongratulation. Un grand moment de dépolitisation médiatique !

Comme à chaque rentrée médiatique, le gratin de France Inter se donne en spectacle hors les murs. En 2023, c'est « Quotidien » qui prenait en charge le numéro de claquettes, en accueillant en grande pompe la « dream team de la première matinale de France », Sonia Devillers, Léa Salamé et Nicolas Demorand. En 2024, c'est dans l'antre de la petite bourgeoisie décomplexée, « C à vous » (France 5), qu'eut lieu le grand déballage des stars de l'audiovisuel public, où les « moi je » tutoyèrent les platitudes pour un culte de la personnalité XXL : en l'occurrence, un « reportage » dans les couloirs de la Maison de la radio, où les têtes d'affiche (et la patronne de France Inter) sont interrogées sur les « secrets de l'alchimie » du « couple Salamé-Demorand », « secrets » ensuite commentés en plateau avec les concernés et deux de leurs collègues, Sonia Devillers et Charline Vanhoenacker. Du lourd. Mais « C à vous » n'avait pas atteint le sommet.

« Je me consume d'amour pour moi »

Avec le transfert de Léa Salamé de la grand-messe matinale de France Inter à la grand-messe vespérale de France 2, le théâtre de la saison 2025 était tout trouvé : non pas au 20h, point trop n'en faut, mais dans l'émission « Quelle époque ! », dont Léa Salamé est à la fois l'animatrice et la coproductrice via sa société Marinca Prod – un attelage aussi banal que lucratif dans l'audiovisuel public. Nous sommes donc le 18 octobre sur France 2 et c'est jour de fête : l'hôtesse ne cache pas son plaisir de siéger en plateau au côté de « [s]on ancienne famille », Nicolas Demorand, Sonia Devillers et l'immanquable Benjamin Duhamel. Une longue séquence s'amorce alors, où tout (ou presque) n'est que flagornerie. Meilleur du pire :

Une caméra cachée dans le salon des concernés n'aurait sans doute rien produit de différent. Et le montage est loin de trahir l'émission. Les séances d'autocongratulation à qui mieux mieux ont en effet occupé plus de la moitié du temps d'antenne (13 minutes et 30 secondes, précisément), auxquelles il faut ajouter trois épisodes de Benjamin-mania pour un total de 5 minutes et 10 secondes. Ces deux « volets » représentent à eux seuls les trois quarts de la séquence dédiée au trio de radio « le plus écouté de France » : « Je me consume d'amour pour moi : je provoque la flamme que je porte », disait Narcisse de lui-même [1].

Le reste de l'émission ? D'une part, une session de commentaires sur la rentrée politique (3 minutes), laquelle se réduit rapidement au commentaire d'un extrait d'une matinale de France Inter : un niveau d'auto-référencement à donner le tournis ! D'autre part, un passage obligé par le Mélenchon-bashing du moment (3 minutes 50 secondes), monté façon « Quotidien » pour le plus grand bonheur d'un plateau hilare [2]. Totalement creuses sur le fond, ces séquences témoignent surtout du rapport qu'entretiennent ces hauts-gradés des médias à la politique en général et au genre de l'interview politique en particulier : un faire-valoir, « un concours d'éloquence », « un jeu de rhétorique », bref, « un exercice de style ». Le sujet, c'est encore (et toujours) eux.

Léa Salamé ne s'y trompe pas et annonce d'emblée qu'elle ne reçoit pas les trois journalistes pour qu'ils analysent la crise politique en cours, mais bien plutôt pour qu'« ils nous [disent] comment ils ont vécu cette crise politique », ce qui n'est pas tout à fait la même chose. L'émission est faite de ce bois, où tout est prétexte à l'ultra-personnalisation. « Quand on est un intervieweur politique, on adore interviewer Jean-Luc Mélenchon parce qu'il a une culture formidable, que c'est un animal politique », plastronne le petit Duhamel dans le verbiage éculé du journalisme politique, lui dont la pratique du métier consiste pourtant à tout rapetisser, depuis le périmètre de la pensée autorisée jusqu'aux sujets de fond, évincés au profit de la politique politicienne. Ivres d'eux-mêmes, les journalistes vont jusqu'à se vivre comme les petits pères du peuple de France Inter : « Les auditeurs, vous les trouvez comment en cette rentrée ? », demande Léa Salamé à Nicolas Demorand, qui tantôt diagnostique une « demande d'intelligibilité », tantôt sent « qu'ils veulent cogner ». Comment lui donner tort sur ce point ?

Radio des copains, radio des puissants

Comme en 2023 chez « Quotidien », puis chez « C à vous » en 2024, les journalistes entretiennent leur notoriété, soignent leur image de marque et cultivent cette « coolitude » que les stars de l'audiovisuel public ont en commun avec la bonne famille arrogante de « Quotidien ». Aussi rient-ils de bon cœur en se regardant eux-mêmes, ici dans des montages-photo coiffés de perruques extravagantes, là dans des archives télé, ou encore à l'antenne de France Inter, dont des extraits sont diffusés dans l'émission. La petite bourgeoisie s'amuse follement. Et elle se suffit à elle-même : « Je pense que j'ai jamais été aussi heureuse à la radio que cette année », déclare Sonia Devillers. Un aveu qui ravira tous les tâcherons (invisibilisés) de cette maison comme ceux qui luttent sans relâche contre le projet de holding, et ira sans nul doute droit au cœur de ses confrères et consœurs de la cellule « Investigation » : pas plus tard qu'en juin dernier, ces derniers dénonçaient « la remise en cause » de l'enquête sur France Inter à l'horizon de la rentrée 2025, notamment à travers la diffusion amputée aux trois quarts de « la seule émission d'investigation du service public de la radio », c'est-à-dire « la preuve empirique que les journalistes […] ne peuvent plus enquêter librement », en plus d'un (nouvel) affaiblissement du reportage et de l'écologie sur la même antenne [3].

Mais il faut croire que dans l'audiovisuel public comme ailleurs, le malheur des uns fait le confort des autres. L'épanouissement personnel est d'ailleurs une valeur cardinale pour Sonia Devillers, pour ne pas dire le cœur battant d'un projet journalistique, ainsi qu'elle l'explique à Léa Salamé après que cette dernière a salué son « côté psy » :

Sonia Devillers [réagissant à la rediffusion d'un extrait de son interview de François Cluzet] : C'est pas génial ? [François Cluzet] a 69 ans. Il a 69 ans. Il a passé son enfance à en crever que sa mère soit partie, qu'elle n'ait jamais donné signe […]. Il a frôlé la mort. Probablement que c'est dû à cette blessure. Et aujourd'hui, à 70 ans, il est capable de dire : cette femme, ma mère, voulait un orgasme, et c'était fondamental pour être heureuse. Moi, je trouve que ça vaut vraiment le coup de se lever le matin et de partager ça avec 2 millions de personnes.

C'est en tout cas une orientation éditoriale promue de longue date par la direction de France Inter, dont la matinale (encore) élargie porte assurément la marque, laissant la part belle – après la tranche d'« actualité politique » – aux formats magazines prioritairement tournés vers les catégories sociales dont les journalistes sont les plus proches. Si le féminisme bourgeois y est assurément bien loti, il n'empêche pas la matinale 2025 d'être sévèrement critiquée pour sa division genrée du travail, où entre 7h et 9h, une majorité d'hommes se chargent de politique, de géopolitique et d'économie, là où « les femmes, dans les deux heures qui suivent, font les sujets plus culturels et sociétaux... », comme l'expliquait le syndicaliste Lionel Thompson en juillet [4]. « Moi j'ai besoin de chair, j'ai besoin d'humanité, je pense que les auditeurs aussi en ce moment », soutient Sonia Devillers, dans une profession de foi reflétant d'abord et avant tout les intérêts de sa classe : « Et plus l'actu est dense, plus elle est chahutée, plus elle est tendue, et plus on a besoin de ces moments-là. » Dommage que dans les faits, ce journalisme d'« incarnation » soit voué à rimer, bien souvent, avec dépolitisation.

C'est en tout cas sans grande surprise que nous observons depuis quelques années l'ancienne animatrice de « L'instant M » (pour Médias) devenir l'un des piliers de ce haut-lieu de « la rationalisation néolibérale » qu'incarne la matinale de France Inter. Jusqu'à se féliciter de l'allongement de sa durée [5], et donc, implicitement, de son poids et de son influence politiques croissants au sein de Radio France, avec toutes les transformations structurelles que cela implique :

- Léa Salamé : Tous les matins, l'événement ! […] C'est de 7h du matin à 11h. Je me demandais si l'année prochaine vous alliez finir à midi ?!

- Sonia Devillers : Oui. Midi, 14h, ça se discute !

- Nicolas Demorand : […] On peut faire un 7h-19h aussi. [Éclats de rire.] 12h d'info ! […]

- Sonia Devillers : C'est très napoléonien !

En effet…

Benjamin-mania : petit éditocrate deviendra grand

Face à une telle décomplexion, il est cocasse d'entendre Benjamin Duhamel encenser les « belles valeurs » du service public. A fortiori quand la séquence se clôt sur une opération de câlinothérapie à l'endroit de cette ancienne star de BFM-TV. Assurée par Hugo Clément, chroniqueur permanent et lui aussi coproducteur de l'émission – décidément ! –, la séance succède au débrief de l'entretien « tendu » avec Jean-Luc Mélenchon :

Hugo Clément : Dans ce couloir après avoir quitté ce studio, [Jean-Luc Mélenchon] vous a fait le reproche d'être un « fils de » [...] parce que vous êtes issu d'une grande famille des médias… L'expression exacte qu'il aurait utilisée, c'est « gosse de riches ». Cette critique, est-ce que vous l'entendez ou est-ce que vous ne pouvez plus la supporter ?

La pudeur contraignant Hugo Clément à ne pas s'étendre sur la « grande famille » en question, rappelons tout de même que Benjamin Duhamel est le fils de Patrice Duhamel (ancien directeur général de France Télévisions) et de Nathalie Saint-Cricq (actuelle directrice des rédactions nationales de France Télévisions), le neveu d'Alain Duhamel, le cousin de l'ex-ministre Amélie Oudéa-Castéra, le conjoint de la matinalière de France Info (elle aussi ex-BFM-TV) Agathe Lambret, et que la famille Saint-Cricq est actionnaire historique de « La Nouvelle République du Centre-Ouest » (NRCO), un groupe de presse au chiffre d'affaires annuel de 70 millions d'euros.

L'occasion de (vraiment) parler de reproduction sociale ? Certainement pas sous la surveillance d'Hugo Clément : « Vous avez le sentiment, aujourd'hui, de devoir prouver plus que les autres ? » Ni sous celle de Léa Salamé : « Benjamin, vous avez raconté "lorsque je suis arrivé dans certains médias comme à LCI, certains ont tout fait pour me mettre des bâtons dans les roues". Est-ce que c'est le cas à France Inter ? » Une audace rarement égalée : tout occupés à fantasmer sur les entraves qu'aurait connues la carrière du jeune Duhamel, nos deux coproducteurs ignorent les critiques légitimes (et bien réelles) que lui adressèrent des salariés du service public [6]...

Réagissant à ces impitoyables prises à partie, Benjamin Duhamel conçoit que « certains Français soient exaspérés de voir des Duhamel partout ». C'est déjà ça ! Il poursuit en évoquant « l'ascenseur social qui ne fonctionne pas bien », dit entendre les « crispations » que le népotisme dont il récolte les fruits peut générer, avant de conclure de but en blanc : « Voilà, j'essaye de faire mon boulot. Et je veux juste qu'on me juge sur ce que je fais. » L'occasion de rappeler qu'une consécration médiatique comme la sienne doit beaucoup moins au « boulot » qu'à la parfaite conformité de ce « boulot » avec les attendus du monde journalistique tel qu'il va, et que les attendus en question s'apprennent et s'intègrent beaucoup mieux quand on s'appelle Duhamel. Une telle endogamie socioprofessionnelle ne pourvoit pas uniquement en capital économique, social et culturel – celui que légitiment, tout du moins, les journalistes de sa trempe : elle transmet ce rapport bourgeois, désinvolte et badin à la politique, mais aussi les codes, les manières d'être et de « faire le journalisme » qui font précisément les « grandes » carrières… et celles des Duhamel-Saint-Cricq en particulier.

***

C'est un braquage en règle : à travers de tels programmes, l'audiovisuel public gonfle les capitaux (symboliques et/ou financiers) de celles et ceux qui l'accaparent et le tuent à petit feu. Via sa société de production, Léa Salamé est encore une fois la grande gagnante dans cette affaire, déjà rémunérée « aux alentours de 25 000 euros par mois » pour la présentation du 20h (Capital, 24/07), ce qui la classe (au moins) parmi le 1 % des salariés les mieux payés en France. Un tel état de fait, et l'entre-soi qui va avec, ne cessent de nuire à la défense du service public de l'information – comment justifier ce statu quo ? –, au moment même où l'extrême droite milite telle une machine de guerre en faveur de sa privatisation, dopant ainsi le combat ancestral d'une large partie du champ politique et journalistique – Libération inclus, fut un temps ! – pour le mettre à terre. Las… à force de déprédation structurelle et d'usurpation du sens même du « service public », le détricotage méthodique de l'audiovisuel public se poursuit. Encouragée de l'extérieur par trois décennies de politiques publiques au rabais et d'incessants appels à la privatisation, cette orientation est également tolérée en interne, appliquée par les directions et consentie, bon gré mal gré, par une partie de ses professionnels, au premier rang desquels les journalistes les plus en vue. Ces pressions opérant de manière dialectique pour un résultat très efficace, il est urgent de lutter sur tous les fronts à la fois, sous peine de rejoindre les (pâles) avocats de l'information publique dont le combat se réduit tantôt à livrer gages sur gages à l'extrême droite, tantôt à faire bloc pour « défendre ceux qui l'ont confisquée ».

Pauline Perrenot


[1] Ovide, « Légendes thébaines (3) : Narcisse et Écho », Les Métamorphoses, III, 463-464.

[2] La séquence a été captée par Ulyss sur X (19/10).

[4] Dans l'article de L'Humanité précédemment cité.

[5] « 7/9 » entre 2010 à 2022, la matinale est devenue un 7h - 9h30 jusqu'en 2023, puis un 7/10 jusqu'en juin 2025, et désormais, depuis septembre 2025, un 7/11.

[6] Voir par exemple ce communiqué du SNJ (4/06).

28.10.2025 à 13:51

L'outrecuidance bouffonne de FOG contre Bourdieu

Denis Perais, Maxime Friot

Lire plus (438 mots)

RTL, 24 octobre 2025.

« Il est une voix libre, un grand journaliste, un romancier qui accompagne notre vie politique depuis des décennies » l'introduit pompeusement un Thomas Sotto décidé à jouer à merveille son rôle de faire-valoir pour tournée promo. Franz-Olivier Giesbert a encore commis un livre (Voyage dans la France d'avant, Gallimard, 2025), et bien sûr les micros lui sont ouverts. Nous sommes le 24 octobre, sur RTL, et nous allons assister à un grand moment de radio :

- Thomas Sotto : Vous avez vos têtes et vous l'assumez. Robespierre, ça ne passe pas. Sartre et Simone de Beauvoir, non plus. […] Bourdieu, ça va pas non plus…

- FOG : Ah non Bourdieu, mais c'est ridicule !

- Thomas Sotto : Il est pour vous une des plus grandes impostures du XXe siècle.

- FOG : Bah oui, vous savez pourquoi ? J'ai pris un livre de Bourdieu, j'en ai 3 ou 4, j'ai ouvert par hasard, j'ai cité : c'est illisible, on ne comprend rien. C'est quand même terrible !

- Thomas Sotto : Vous ne l'aviez jamais ouvert avant ? Vous l'aviez dans votre bibliothèque ?

- FOG : Oui j'avais… mais j'avais remarqué, sauf que là j'ai fait un test, et faites-le, faites la même chose, prenez n'importe quelle page. Pas les bouquins avec Passeron, qui sont un peu… parce qu'il a fait un livre avec quelqu'un d'autre, c'était pas mal… Enfin « c'était pas mal », c'était pas terrible ! Mais, si vous voulez, c'est une pensée incompréhensible. Et tout ça, c'était le grand chic de l'époque. Souvenez-vous ! Tout le monde lisait des livres qu'on ne comprenait pas. […] Il est considéré comme un penseur par des gens évidemment qui lisent pas de livres.

Que dire d'une telle médiocrité ? Il y a un an, presque jour pour jour, nous écrivions que la « position dominante et légitime » occupée par Franz-Olivier Giesbert en disait long sur l'état du paysage médiatique. Il y a donc de quoi désespérer.

Maxime Friot et Denis Perais

27.10.2025 à 10:31

Alain Duhamel, squatteur médiatique

Thibault Roques

« Le prince des chroniqueurs politiques. »

- Alain Duhamel, Pape de l'éditocratie /
Texte intégral (1322 mots)

« La retraite, j'y songe depuis plusieurs années » (RTL, 3 janv. 2022) lâcha bien imprudemment Alain Duhamel un beau jour de janvier 2022. Trois ans plus tard, c'est chose faite. À moins que…

Vrai faux départ ?

Ce 2 septembre 2024, coup de tonnerre dans le landerneau médiatique : après 60 ans de bons et loyaux services, Alain Duhamel confirme à Alain Marschall et Olivier Truchot que sa retraite est imminente. Quelques jours plus tard, c'est au tour de leur consœur Aurélie Casse de revenir sur ce tremblement de terre : « Vous l'avez annoncé ce lundi, il était 17h40 » (« C l'hebdo », 7 sept. 2024). Qui s'empresse donc d'aller recueillir les confidences de son épouse, le tout accompagné d'un bandeau émouvant : « Le message de France Duhamel à son mari ». S'ensuivent quelques confessions intimes de notre éditorialiste sur sa rencontre avec sa future femme, « capable de plaisanteries incroyables » et pas avare de révélations : « Avec nos enfants, il y a 3 ans, on a quand même été au Maroc, c'était pas si mal que ça, à Noël. » Sans oublier l'essentiel : « Il est perfectionniste, alors il faut que la cravate soit bien repassée, que le pantalon… » La présentatrice, visiblement attendrie, ne peut contenir son émotion face aux épanchements de notre couple : « C'est beau de vous voir amoureux. J'aime bien vous entendre parler d'amour. »

Pape de l'éditocratie

Reste qu'Alain Duhamel est d'abord le modèle ultime de l'éditocrate accompli : omniprésent, omniscient… et toujours impeccablement neutre. C'est un fait, le roi du commentariat n'a jamais été avare de son temps (de parole) ni de sa plume (féroce). S'il débute dans la presse écrite au journal Le Monde, il se diversifie rapidement en intervenant sur la première chaîne de l'ORTF puis sur Antenne 2. Se démultipliant de façon étourdissante au fil du temps, on peut le voir, l'entendre ou le lire à peu près partout au gré des saisons, de RTL à France Télévisions, de Libération à Nice Matin, de L'Express à Témoignage Chrétien en passant par Le Point, BFM-TV ou encore Europe 1. La presse régionale n'est pas en reste puisqu'il gratifie aussi les lecteurs du Courrier de l'Ouest, des Dernières Nouvelles d'Alsace, de Presse-Océan, de L'Éclair, du Maine libre mais aussi de Vendée-Matin (liste non exhaustive) de ses analyses fulgurantes.

Comment expliquer cette omniprésence ? Duhamel s'appuie sur une connaissance fine de tous les sujets ou presque, de l'Iran à la sociologie, de la politique (politicienne de préférence) à la justice et aux otages. Frotté de culture Sciences Po, il ne rechigne pas, en effet, à s'aventurer sur des terrains plus escarpés, ni même à répondre à des questions ineptes.

Centriste en tout

Le centrisme acharné d'Alain Duhamel n'est sans doute pas sans rapport avec sa surface médiatique. Apparu sur les écrans aux temps bénis de l'ORTF, épousant la ligne officielle des médias d'État de l'époque et représentant depuis toujours le cercle de la raison, il sait en toutes circonstances être « radicalement modéré » dixit (la moins modérée) Eugénie Bastié. Sa pensée parfaitement équilibrée, d'une neutralité et d'une tiédeur à toute épreuve, est certainement la meilleure explication de sa longévité dans les médias dominants. Rare imprudence, notre observateur avisé commit l'irréparable un jour de 2007, lors d'un débat à Sciences Po avec Marielle de Sarnez (alors leader du Modem, parti centriste), incapable qu'il fut de taire son intention de voter pour François Bayrou – il sera suspendu d'antenne par France 2 et RTL qui ne lui en tiendront pas rigueur puisqu'il reprendra du service seulement quelques mois plus tard.

Journalisme de révérence

Ne brillant certes pas par sa pugnacité ou son impertinence, il est passé à la postérité comme « l'intervieweur de présidents ». Si les chefs d'État successifs l'ont adoubé, c'est vraisemblablement qu'ils ne craignaient pas d'être malmenés par notre éditorialiste vedette – qu'ils décorèrent d'ailleurs de la Légion d'honneur en 2005. Quand on lorgne de telles médailles, mieux vaut en effet être du côté du manche, laisser parler ses intérêts de classe et se mettre ainsi au service des puissants. Voici par exemple ce qu'il disait sur les retraites : « L'opinion publique a évolué, on a pris conscience du fait que malheureusement, il était inéluctable d'allonger la durée de cotisations. » (RTL, 6 nov. 2007), martelant sur les mêmes ondes que « la réforme des retraites, c'est la plus urgente, la plus nécessaire » (RTL, 23 mars 2010). Comme le soulignait le regretté Michel Naudy, « vous ne restez jamais à l'antenne impunément, jamais ». Imaginez-donc 60 ans durant... Alain Duhamel peut également compter sur un club de collègues admiratifs qui voient en lui « le prince des chroniqueurs politiques » ; Sonia Devillers n'hésite pas à mordre dès l'entame de l'entretien qu'elle mène le 2 juillet dernier sur France Inter : « Vous qui êtes un grand éditorialiste... ». Même ses activités extra-médiatiques sont saluées à l'antenne : « Je peux le dire, je vous ai vu jouer au tennis et je vous ai trouvé remarquable » (Apolline de Malherbe, RMC, 3 sept. 2024). Mais Alain Duhamel sait aussi renvoyer l'ascenseur, notamment à son compère Jean-Pierre Elkabbach : « J'admire le virtuose inégalable ». On a les admirations qu'on mérite…

Dernier tour de piste médiatique ?

Après 60 ans de bons et loyaux services médiatiques, on aurait pu croire qu'Alain Duhamel allait enfin passer la main, comme il l'avait annoncé et comme sa femme l'avait exigé. Las… alors qu'il était théoriquement retraité depuis 2 mois déjà, il eut droit à une interview en pleine page dans le journal vespéral de référence (Le Monde, 7 sept. 2025). Mieux – ou pire – l'AFP (4 juil. 2025) nous informait au lendemain de sa retraite supposée que « dès la rentrée fin août, l'oncle de Benjamin Duhamel sera à l'antenne de la matinale de RTL tous les lundis à 09h10 pour commenter de grands thèmes d'actualité. Sur BFMTV, où il avait jusqu'à présent une émission quotidienne, il devrait intervenir le vendredi en fin d'après-midi ». Et les secousses politiques du moment ne sont pas de nature à nous rassurer puisque l'invité permanent des plateaux affirmait il y a quelques jours, un brin flagorneur, que « s'il se passe des choses importantes et qu'on me demande mon avis, surtout si c'est quelqu'un qui interroge bien… je vous dirai oui ». Tout récemment encore, il a élargi sa palette en intervenant dans l'émission « Quotidien » de Yann Barthès et semble donc plus que jamais parti pour rester. Laissons à France Duhamel le mot de la fin : « Ah oui, il a du mal à décrocher, c'est sûr… mais enfin il faudra que ça se termine, hein, vous êtes bien d'accord ? »

Thibault Roques

22.10.2025 à 20:02

Médias et journalisme : la revue de presse

Une revue de presse si ce n'est exhaustive, du moins indicative.
Semaine du 3 novembre 2025
Libération, 7/11 — France Info fait-elle du CNews avec sa nouvelle émission « le Pour et le Contre » ? Arrêt sur images, 7/11 — Taxe Zucman : la grande désinformation Le Monde, 7/11 — Chez Prisma Media, la reprise en main éditoriale touche aussi les magazines télé : « Depuis la fin de l'été, c'est comme si le rachat par Vivendi venait de devenir effectif » Blast, 7/11 — Sanction de CNews validée (…)

- L'actualité des médias /
Texte intégral (4326 mots)

Une revue de presse si ce n'est exhaustive, du moins indicative [1].

Semaine du 3 novembre 2025





Semaine du 27 octobre 2025







Semaine du 20 octobre 2025








[1] Précisons-le : référencer un article dans cette revue de presse ne signifie pas forcément que nous y souscrivons sans réserve.

22.10.2025 à 11:55

Duhamel, Mélenchon et le doigt d'honneur de « Quotidien » au journalisme

Jérémie Younes, Mathias Reymond

Texte intégral (1678 mots)

Un interrogatoire habituel sur France Inter… qui vire à la polémique politico-médiatique.

Lundi 13 octobre, Jean-Luc Mélenchon est l'invité de la « Grande Matinale » de France Inter. Le jour est spécial : les derniers Israéliens détenus par le Hamas ont été libérés le matin même, des Palestiniens sont relâchés par Israël et Donald Trump est à la Knesset pour présenter son dit « plan de paix ».

Acte 1 : L'interrogatoire

Lancé par Nicolas Demorand sur le gouvernement « Lecornu II », Mélenchon préfère commencer par un mot de « bonheur » en solidarité avec les familles des Israéliens et des Palestiniens libérés. Mais Benjamin Duhamel ne semble pas trop croire à son émotion : « […] Sauf que quand on a lu et vu un certain nombre de vos réactions […]. Vous avez par exemple écrit sur X, Jean-Luc Mélenchon : "Une fois de plus les Palestiniens devront subir un nouvel ordre politique étranger" », le tance l'intervieweur, en citant (à moitié) un tweet posté quatre jours plus tôt [1]. « L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a parlé d'un plan de paix à la dimension "néocoloniale" et "néolibérale" ! », poursuit Duhamel, qui semble découvrir l'existence de ces mots à l'antenne. Avant la banderille finale : « On entend ce que vous dites ce matin sur ce bonheur de voir les otages israéliens libérés… Est-ce pour autant difficile de reconnaître le succès diplomatique qui permet cette libération des otages ? » Au fur et à mesure de sa très longue question, on voit l'angle de Benjamin Duhamel se resserrer sur ce qui l'intéresse vraiment, qui n'est ni le cessez-le-feu, ni les otages israéliens… et encore moins les Palestiniens : faire avouer à Mélenchon que Trump avait raison ! « Pour les congratulations, on compte sur vous », le rabroue son invité.

L'échange se tend et Duhamel embraye sur son second angle : « Jean-Luc Mélenchon, une question très précise… [...] C'est une question qu'on a souvent posée aux insoumis, avec parfois des réponses assez floues : est-ce que vous êtes favorable à la démilitarisation du Hamas ? » La question est en effet souvent adressée aux responsables de gauche, et fait en cela figure d'exception au regard d'une longue liste de questions qui, elles, ne se posent jamais. Pas satisfait par la première réponse, Duhamel reprend : « [...] La dernière fois qu'il y a eu des élections, c'était en 2006, le Hamas a été élu à Gaza. » « Je viens de vous répondre », répète Jean-Luc Mélenchon. Mais Duhamel n'est toujours pas rassasié : « Donc le Hamas n'est pas disqualifié ? Puisque vous dites "ça dépendra du résultat des élections"… » Avant d'y revenir une quatrième et dernière fois : « Je constate qu'à la question "Le Hamas doit-il déposer les armes", qui est une question assez simple, vous n'y répondez pas. »

Acte 2 : Le doigt d'honneur

À la fin de l'interrogatoire, qui s'est prolongé autour de la question des retraites et de la censure du gouvernement Lecornu, Jean-Luc Mélenchon se lève en adressant un geste d'humeur de la main aux intervieweurs. Le soir-même, « Quotidien » (TMC) s'empare de la séquence comme d'une bombe. Le magazine de Yann Barthès diffuse des rushs de France Inter, sur lesquels on voit Mélenchon quitter le studio : « Et voici la fin de l'interview, décrit Barthès. Et la classe LFI, c'est des doigts menaçants [sic] et… un doigt ! Un doigt d'honneur aux journalistes du service public, c'est ça la classe LFI […] ! » Les images montrées par « Quotidien » ne sont pas très convaincantes, aussi l'animateur insiste-t-il – « Alors, après vérification, ceci est bien un doigt. » – en les rediffusant zoomées et ralenties… sans toutefois que les images ne soient plus concluantes.

Peu importe ! « Quotidien » semble sûr de son coup, et la séquence devient virale avec les tweets (simultanés et identiques) des chroniqueurs Jean-Michel Aphatie et Julien Bellver : « Avez-vous vu ce doigt d'honneur ? ».

La machine est lancée. Le lendemain, sur France Inter, Sophia Aram revient sur l'émission et assure, en présence de Benjamin Duhamel, que l'échange s'est « terminé par un doigt d'honneur ». Sur RMC, dans les « Grandes Gueules », on s'interroge : « Le doigt d'honneur de Jean-Luc Mélenchon au journaliste Benjamin Duhamel : honteux ? » Les chroniqueurs s'indignent et comparent cela à une « menace contre la presse ».

Sur Europe 1, c'est un festival, et Christine Kelly s'émeut : « Quel exemple pour nos jeunes, quel exemple pour la France ! » Dans le même studio, Erik Tegnér va plus loin : « Le service public a créé un monstre et ne le contrôle plus. » Le soir-même sur BFM-TV, c'est Marc Fauvelle qui affirme que « Jean-Luc Mélenchon est ressorti extrêmement fâché, hier, du studio de la matinale de France Inter [...] en faisant un doigt d'honneur ». « Mélenchon fait un doigt d'honneur », titrent deux journaux d'extrême droite, Valeurs Actuelles et le JDD. Sud Radio se délecte aussi de la séquence et titre une chronique de Périco Légasse : « Jean-Luc Mélenchon quitte le plateau en faisant un doigt d'honneur » – le titre ne reflète en rien la chronique, qui ne porte pas spécialement sur le doigt d'honneur… mais c'était le mot-clef du jour ! L'info intéresse aussi la presse people : « Jean-Luc Mélenchon exaspéré par Benjamin Duhamel : son doigt d'honneur n'est pas passé inaperçu… » (Gala, 14/10). Sur TF1, face à Manuel Bompard, Bruce Toussaint rebondit aussi à sa manière sur l'actualité du jour : « Vous allez me faire un doigt d'honneur en sortant du studio ? » Et la polémique ne pouvait échapper à « C à vous » (France 5, 16/10). Un « geste dont tout le monde parle », résume Anne-Élisabeth Lemoine, et qui a beaucoup choqué Bruce Toussaint, invité à commenter une scène « inadmissible ». Bref, la quasi-totalité de la presse a vu la même chose et le conditionnel n'est pas de rigueur. Il n'y a guère que Le Figaro – une fois n'est pas coutume – pour prendre à revers le torrent éditorial, y voyant « une polémique ridicule sur un supposé doigt d'honneur (qui n'en était pas un) » (16/10).

Comme souvent, le ridicule va culminer dans l'émission « Quelle Époque ! » de Léa Salamé sur France 2. La présentatrice du 20h a invité ses anciens collègues de France Inter, Nicolas Demorand, Benjamin Duhamel et Sonia Devillers à refaire le film. Ensemble, la petite bande de copains débriefe notamment « l'altercation » avec Jean-Luc Mélenchon. Le chroniqueur (et co-producteur de l'émission) Hugo Clément demande alors aux principaux intéressés, Demorand et Duhamel : « Vous, vous l'avez vu, ce doigt d'honneur ? » La séquence tourne en boucle depuis une semaine et c'est la première fois que la question leur est directement posée : « Non ! Non, non, non, répond sans hésitation Benjamin Duhamel, ni Nicolas ni moi ne voyons ce qui se passe en sortant du studio ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon réagit le 18 octobre, dans son émission « Allo Mélenchon », sur sa propre chaîne Youtube : « Je vais décevoir tout le monde ce soir, non, ce n'était pas un doigt d'honneur… »

Résumons : l'image utilisée par « Quotidien » n'est pas concluante, les témoins de la scène disent n'avoir rien vu, et le principal intéressé dément. Le faisceau d'éléments est bien faible, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais saturer l'espace médiatique d'une nouvelle polémique absurde contre la gauche ne se refuse sous aucun prétexte : pas même celui du journalisme.

Jérémie Younes et Mathias Reymond


[1] « Après tant de morts et de mois de génocide, un cessez-le-feu est à l'ordre du jour à Gaza. Comment ne pas s'en réjouir. Comment ne pas s'associer à la joie et à l'espérance des familles de tous les otages et prisonniers. Mais une fois de plus, les Palestiniens devront subir un nouvel ordre politique étranger. Et qui peut croire à la parole de Trump ? Depuis notre continent, venons en appui lucide et vigilant au cessez-le-feu en restant attentifs et mobilisés. » (X, 9/10).

21.10.2025 à 19:20

Libérations en Israël/Palestine : le deux poids, deux mesures bat son plein

Pauline Perrenot

Texte intégral (1491 mots)

Le 13 octobre, conformément à l'une des premières étapes du dit « plan Trump », des libérations d'Israéliens et de Palestiniens ont eu lieu. Mais comme en janvier 2025, dans les grands médias, un seul de ces deux événements a réellement existé.

Une allégorie. C'est ainsi que peut se lire la double page « Événement » de Libération le 13 octobre. Une allégorie du traitement médiatique dominant, marqué par un double standard structurel, constant, n'ayant de cesse de signifier sur tous les tons possibles et toutes les formes imaginables qu'une vie israélienne est supérieure à une vie palestinienne.

Sur la forme, d'abord : relégués en queue de peloton, les prisonniers palestiniens tiennent dans deux colonnes, presque à la marge. Le titre les dit « bientôt libres », mais la mise en scène les enferme sur un sixième de double page. Et cette cruelle disproportion parle d'elle-même, où, par contraste, les visages des uns disent la non-humanité des autres, les noms et les âges lisibles des uns disent l'inexistence des autres, les biographies des uns disent que les autres ne sont rien. Le journal donne aussi la mesure d'une architecture inversement proportionnelle : « 20 otages » d'un côté, « 2 000 prisonniers » de l'autre ; un rapport de 1 à 100 dans le réel et un rapport inverse de 1 à 6… dans la couverture journalistique.

Sur le fond, nulle surprise non plus : Libération dit des prisonniers ce qu'Israël veut bien en dire et reprend par conséquent ses catégories, tout en recopiant quelques éléments présents dans « la liste publiée par le ministère israélien de la Justice », la seule et unique source. Ceci expliquant cela, les Palestiniens ne sont que des chiffres : ici « 250 condamnés à perpétuité », là « 1 700 gazaouis emprisonnés depuis le 7 octobre mais considérés comme "non terroristes" », « 22 mineurs », « 221 originaires de Cisjordanie », etc. Les quatre noms présents, assortis des crimes commis, suffisent à estampiller le groupe entier : « suspects », « danger ». La Une du quotidien avait du reste donné le ton. Sur la photo : deux jeunes femmes israéliennes, émues, mobilisées pour les otages, alors que flottent en arrière-plan les drapeaux israélien et américain. Et ce gros titre : « Israël-Gaza. La fin des calvaires ? » Le faux équilibre, dans toute sa splendeur.

La récolte ne sera guère meilleure le lendemain. Si Libération informe a minima sur les conditions d'arrestation et de détention des Palestiniens [1], toujours aucun reportage sur leur libération, alors que la Cisjordanie est accessible… et que la double page d'ouverture affiche un reportage XXL à Tel-Aviv. La partie israélienne fait d'ailleurs de nouveau la Une – « L'otage israélien Omri Miran, lors des retrouvailles avec sa femme » – sous le gros titre « Le premier jour d'après ».

Ce coup de projecteur sur Libération révèle des biais présents partout ailleurs. Le 14 octobre, aucun lecteur de PQR en France n'aura par exemple vu de Palestiniens à la Une [2]. Idem en couverture d'une large partie de la presse quotidienne nationale.

Dans le reste de la PQR, les titres en manchette prennent le relais de ce deux poids, deux mesures. « Israël-Gaza : otages libérés, enfin le jour d'après », titre Sud Ouest. « Otages libérés : vers une paix durable pour Gaza ? » s'interroge L'Écho républicain, sans visiblement mesurer la dissonance (et l'incongruité) à l'œuvre dans ce titre. Même tonalité, mêmes œillères en Une de L'Est éclair, sur un mode cette fois affirmatif : « Les 20 derniers otages israéliens libérés, l'espoir de paix renaît à Gaza ». Entre-soi au carré à La Charente Libre : « Israël et Trump célèbrent le retour des otages après 738 jours de captivité ». Et cette mention spéciale pour La Provence qui, sous le titre « Vingt otages vivants de retour en Israël », se fend de cet entrefilet : « Les vingt derniers otages vivants retenus par le Hamas ont été remis hier à Israël. Reportage avec la communauté juive de Marseille. » Un épisode anecdotique quoique significatif du lien effectué par les chefferies éditoriales entre Israéliens et « communauté juive » en France. Le point commun à tous ces titres ? Les Palestiniens n'y figurent pas. Ils ne sont pas un « événement ». Ils ne font pas partie de l'équation. Et ce ne sont pas les pages intérieures qui comblent le vide, où l'on comprend aisément, à la seule lecture des titres, où se porte l'attention journalistique. Comme dans le cas de Libération, les Palestiniens font au mieux l'objet de quelques lignes. Au pire, ce qui est plus souvent le cas, ils ne sont nulle part.

***

Dans les médias, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de l'audiovisuel [3], le traitement de l'information invisibilise les Palestiniens tout en mettant en avant des gros titres liant la libération des otages israéliens à « la paix », comme si cette dernière se résumait au sort des Israéliens. Ce raccourci s'inscrit dans la continuité du discours dominant depuis le « plan Trump », qui entretient une confusion entre « cessez-le-feu » et « paix », un concept que l'écrivain palestinien Jadd Hilal qualifie de « performatif », occultant moult enjeux relatifs à l'autodétermination des Palestiniens, et notamment « l'idée de justice » [4].

Pauline Perrenot


[1] Via l'interview de l'ancienne directrice d'Addameer, une ONG palestinienne de soutien aux prisonniers et de défense des droits humains.

[2] La Une de La Dépêche, découpée en deux photos distinctes, capture une scène qui semble se dérouler à Ramallah, en Cisjordanie. Mais contrairement à la photo du dessus, où l'on distingue clairement un otage israélien, aucun Palestinien libéré n'est identifié en tant que tel.

[3] Voir par exemple la critique de LCI par Arrêt sur images (17/10).

[4] « Plan Trump pour Gaza : "Au mieux de la pensée magique, au pire une planification cynique" », Mediapart, 9/10.

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