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12.11.2024 à 09:49

La Turquie est l'un des endroits les plus dangereux au monde pour travailler (et l'un des plus hostiles envers les syndicats)

De tous les accidents du travail mortels dont il a été témoin et qu'il a recensés dans son pays, la Turquie, Murat Çakir ne saurait effacer de sa mémoire celui qui a coûté la vie à un enfant nommé Ahmet Yıldız. Il regarde avec tristesse les photos qu'il a conservées de lui sur son téléphone portable. Ahmet avait seulement 13 ans lorsqu'il est mort écrasé par une machine de pressage dans l'usine d'Adana où il travaillait. Il y touchait une cinquantaine d'euros par semaine, qui lui servaient à (…)

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Texte intégral (2639 mots)

De tous les accidents du travail mortels dont il a été témoin et qu'il a recensés dans son pays, la Turquie, Murat Çakir ne saurait effacer de sa mémoire celui qui a coûté la vie à un enfant nommé Ahmet Yıldız. Il regarde avec tristesse les photos qu'il a conservées de lui sur son téléphone portable. Ahmet avait seulement 13 ans lorsqu'il est mort écrasé par une machine de pressage dans l'usine d'Adana où il travaillait. Il y touchait une cinquantaine d'euros par semaine, qui lui servaient à payer son école. Malgré la gravité du drame, l'employeur a tenté d'étouffer l'affaire : lors de l'admission de l'enfant à l'hôpital, il a déclaré qu'il s'agissait d'un accident de la route. Malgré la gravité des faits et ses déclarations mensongères, le propriétaire, Ali Koç, n'a passé que trois mois en prison sur les cinq ans auxquels il avait été initialement condamné pour homicide involontaire. Le tribunal a commué cette peine au versement d'une amende de 30.040 livres turques (environ 790 euros au cours de 2013), payable en 24 mensualités.

Dans un entretien avec Equal Times à Istanbul, M. Murat Çakir, coordinateur et bénévole de la plateforme İşçi Sağlığı ve İş Güvenliği Meclisi (ISIG) (Observatoire de la santé et de la sécurité au travail) a expliqué que les parents d'Ahmet ne pouvaient pas parler aux médias, le propriétaire de l'usine ayant offert une somme d'argent en échange de leur silence. Pour M. Çakir et sa plateforme, plus que de simples accidents du travail, il conviendrait de parler de « meurtres liés au travail ». « Nous préférons les qualifier ainsi car ces décès auraient pu être évités si des mesures de sécurité adéquates avaient été prises. C'est l'employeur qui est en faute », explique-t-il.

Le pire pays en termes de mortalité liée au travail

La Turquie affiche l'un des taux les plus élevés d'accidents du travail en Europe et dans le monde. Au cours des neuf premiers mois de 2024, au moins 1.371 travailleurs y ont perdu la vie dans des accidents du travail, selon les derniers chiffres de l'ISIG. Le nombre de décès enregistrés pour l'ensemble de l'année 2023 s'élève à 1.932. À titre de comparaison, le nombre total d'accidents du travail ayant entraîné la mort – recensés par an dans l'ensemble de l'UE – s'élevait à 3.347, selon les données les plus récentes d'Eurostat.

Les secteurs tels que la construction, l'agriculture et les services sont ceux qui enregistrent le plus grand nombre de décès. Le secteur de la construction reste le plus meurtrier – avec les chutes de hauteur parmi les accidents les plus fréquents – et l'agriculture l'un des moins protégés, où les travailleurs sont les plus vulnérables.

De fait, en Turquie, les employeurs réduisent souvent leurs coûts au détriment de la sécurité de leurs travailleurs. L'absence de dispositifs de protection et les mauvaises conditions de travail sont des facteurs qui contribuent directement au nombre alarmant de décès. Balim Idil Deniz, avocate et bénévole de l'ISIG, souligne que « si le travailleur porte un casque ou un harnais, il ne peut pas se déplacer aussi vite que l'exige l'employeur. Les travailleurs se retrouvent donc à devoir choisir entre leur sécurité et leur travail. »

« Il ne s'agit pas de simples statistiques, mais de personnes, de pères, de mères et d'enfants qui partent travailler et ne reviennent jamais. Le système du travail en Turquie les considère comme remplaçables, mais pour leurs familles, ces décès détruisent tout. Il s'agit de meurtres, et quelqu'un doit être tenu pour responsable », a déclaré M. Çakir.

Le coordinateur de l'ISIG accuse également les entreprises occidentales opérant en Turquie de faire passer leurs profits avant la sécurité des travailleurs, en réduisant les coûts dans ce domaine. « Les entreprises occidentales investissent en Turquie non pas en raison de la qualité du travail, mais parce qu'elles peuvent exploiter les travailleurs avec moins de règles de sécurité et des salaires plus bas », explique-t-il.

Les décès dus à des accidents dans des secteurs clés tels que la construction et l'agriculture représentent déjà près de 50 % de l'ensemble des accidents du travail mortels. Selon l'ISIG, cette hausse se doit, en partie, à l'augmentation du nombre d'emplois temporaires et faiblement rémunérés, qui ne sont pas assortis des mesures de sécurité requises.

Ainsi, il n'est guère étonnant qu'en 2024, l'Indice des droits dans le monde de la Confédération syndicale internationale (CSI) ait classé la Turquie parmi les dix pires pays pour les travailleurs. Cet indice évalue le respect des droits des travailleurs dans le monde, et si la Turquie se trouve dans cette position, c'est notamment en raison de la répression syndicale, des piètres conditions de travail et de l'absence d'inspections du travail officielles et effectives, créant par là même un terreau fertile pour des taux élevés de mortalité au travail.

Le rapport de la CSI souligne en outre que la Turquie a régulièrement dérogé à son obligation de garantir le droit de grève et de négociation collective, enfreignant par-là même de façon systématique les droits des travailleurs. Ces informations sont corroborées par l'ISIG et les organisations syndicales turques telles que DISK et KESK (Confédération des employés du secteur public), qui font l'objet d'une répression intense et systématique, allant de l'imposition de seuils d'adhésion élevés à des formalités administratives complexes liées à la reconnaissance des syndicats, en passant par le licenciement de travailleurs pour avoir adhéré à un syndicat, voire l'arrestation de syndicalistes pour « terrorisme », ainsi que l'a dénoncé Amnesty International.

Le secteur de la construction – où, selon la confédération DISK-AR, moins de 5 % des effectifs sont syndiqués – est celui qui compte le plus grand nombre de décès liés au travail. En 2023, leur nombre a augmenté de 7,8 %, pour atteindre 552. À cela s'ajoutent 227 décès supplémentaires recensés entre janvier et juin 2024, signe que la croissance du secteur se fait au détriment de la sécurité des travailleurs. Par ailleurs, les régions touchées par le tremblement de terre, telles que Hatay et Kahramanmaraş, ont connu une augmentation marquée des accidents du travail ayant entraîné la mort, ce qui laisse supposer que les travailleurs ont continué à travailler dans des conditions dangereuses après le séisme. Un autre indicateur significatif est le manque d'inspections en matière de sécurité, avec seulement 0,4 % des lieux de travail inspectés en 2023.

S'agissant de l'agriculture, Seyir Aslan, membre de la DISK et président du syndicat Gıda-İş, qui représente les travailleurs de l'industrie alimentaire en Turquie, s'est penché sur les causes de la mortalité élevée dans ce secteur : la majorité des paysans sont employés au noir et ne disposent pas de syndicats ni de droits du travail fondamentaux. Leurs conditions de travail sont extrêmement précaires et ils travaillent sous la pression de contremaîtres ou « dayıbaşı », qui les contrôlent, découragent la syndicalisation, répriment leurs droits et n'hésitent pas à retenir leur salaire.

Des données manquantes

Selon Balim Idil Deniz, la crise de la mortalité au travail en Turquie résulte d'une combinaison de facteurs. L'absence de relevés statistiques adéquats constitue un problème majeur. « Le gouvernement ne dispose pas de données pour de nombreux travailleurs, en particulier dans les secteurs de l'agriculture, de la construction et des transports », explique l'avocate. Les chiffres officiels ne font état que de 200.000 travailleurs dans le secteur agricole, alors que l'ISIG estime que leur nombre réel est plus proche de deux millions.

Un autre facteur déterminant est la sous-déclaration des migrants et des travailleurs indépendants. Au cours du premier semestre de cette année, 33 immigrés, dont 19 Syriens, six Afghans et trois Iraniens, sont décédés des suites d'un accident du travail. Les données officielles n'incluent pas les travailleurs indépendants dans les statistiques sur les accidents du travail mortels. En d'autres termes, le nombre de blessés et de morts serait encore plus élevé si ces deux groupes étaient pris en compte.

La sous-déclaration concerne un grand nombre de personnes parmi les plus vulnérables, qui travaillent souvent dans des conditions extrêmement précaires et n'ont pas accès à des dispositifs de protection adéquats.

Selon Murat Çakir, « un grand nombre des personnes qui meurent dans des accidents du travail sont des migrants non déclarés ». Selon le HCNUR, la Turquie accueille quelque 3,5 millions de migrants, majoritairement des Syriens, représentant environ 4 % d'une population de 85 millions d'habitants.

En outre, le fléau du travail des enfants reste un problème dévastateur en Turquie. « Nous recensons chaque année 60 à 70 décès d'enfants liés à des accidents du travail, alors que les statistiques officielles n'en relèvent que trois ou quatre », explique M. Çakir. La plupart de ces mineurs travaillaient dans le secteur agricole, dans des conditions que l'ISIG qualifie d'exploitation sous couvert de « formation professionnelle », le tout sous les auspices du programme MESEM du gouvernement turc, qui a vocation à fournir une formation professionnelle aux mineurs. L'ISIG décrit le MESEM comme un employeur de main-d'œuvre bon marché qui expose ces enfants à des risques inutiles.

La position des syndicats

La crise de la sécurité au travail en Turquie a mobilisé plusieurs syndicats, dont le syndicat des travailleurs de la métallurgie et la plateforme DISK. Özkan Atar, président du Syndicat des métallurgistes, souligne que son secteur affiche l'un des taux d'accidents les plus élevés au monde. « Dans les usines où nous sommes organisés, nous procédons à des inspections annuelles et, en cas de risque, nous organisons des arrêts de travail », explique M. Atar.

En dehors des zones syndiquées, toutefois, les travailleurs ne sont pas protégés et peuvent être licenciés s'ils réclament de meilleures conditions de sécurité. « En d'autres termes, 90 % des travailleurs sont dépourvus d'un filet de sécurité syndical », a conclu M. Atar.

Dans son dernier communiqué en date, la plateforme syndicale DISK a dénoncé le fait que plus de 30.400 travailleurs ont perdu la vie depuis l'arrivée au pouvoir de l'AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, en 2002.

Selon le syndicat, l'absence d'inspections régulières et la priorité donnée aux intérêts du capital par rapport à la sécurité de l'emploi n'ont fait qu'exacerber la crise. Il dénonce, en outre, le fait que, bien que la Turquie ait ratifié des conventions internationales, telles que celles de l'OIT, la mise en œuvre de ces conventions demeure faible.

La DISK et le syndicat des travailleurs de la métallurgie critiquent vivement l'inaction du gouvernement. Equal Times a contacté le ministère turc du Travail et de la Sécurité sociale pour obtenir une réponse et d'éventuelles mesures préventives contre les accidents du travail mortels, mais n'avait toujours pas reçu de réponse à l'heure de publier ces lignes.

Ce silence tranche nettement avec l'urgence exprimée par les plateformes syndicales à travers des grèves et des manifestations dans tout le pays.

Des propositions pour réduire les accidents du travail mortels

Selon Murat Çakir et Balim Idil Deniz, la clé pour réduire les accidents du travail meurtriers en Turquie réside non seulement dans l'élaboration de nouvelles lois, mais aussi et surtout dans la mise en œuvre des lois existantes. « Ce n'est pas l'absence de lois qui pose problème, mais l'absence de mise en œuvre », souligne M. Çakir.

Au nombre de leurs recommandations, les militants soulignent la nécessité de renforcer l'organisation et la syndicalisation. En 2024, seul 1,48 % des travailleurs morts dans des accidents du travail étaient syndiqués, autrement dit, la grande majorité des travailleurs se trouvent dans une situation de vulnérabilité totale.

Mme Deniz insiste sur le fait qu'une « syndicalisation réelle constitue la clé pour améliorer les conditions de travail et la sécurité ». Cependant, le climat hostile envers les syndicats en Turquie reste un obstacle majeur.

« La syndicalisation sauve des vies : sans elle, les lieux de travail sont dépourvus de la surveillance qui permet de prévenir les accidents mortels. Les lieux de travail syndiqués sont plus sûrs, avec moins d'accidents et de décès, en particulier dans les secteurs à haut risque tels que la construction et l'agriculture », explique Kıvanç Eliaçık, de la plateforme DISK.

Une autre solution clé est la transparence. Mme Deniz insiste sur le fait que « si le gouvernement publiait des statistiques fiables et complètes sur le travail, nous pourrions mesurer l'ampleur du problème et agir en conséquence ». Actuellement, le manque de données précises et accessibles rend difficile l'élaboration de politiques publiques efficaces en matière de protection des travailleurs.

Enfin, tous deux s'accordent pour dire que le gouvernement devrait mettre en place des inspections régulières et rigoureuses dans tous les secteurs d'activité, en imposant des sanctions beaucoup plus sévères aux employeurs qui ne respectent pas les règles de sécurité. Selon Çakir, « une solution consisterait à obliger les employeurs à mettre en œuvre des programmes de sécurité assortis d'inspections régulières. Cela implique aussi qu'il faille changer les mentalités pour ce qui est des droits des travailleurs ».

Selon les estimations des Nations Unies, environ 2,78 millions de personnes meurent chaque année des suites d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

07.11.2024 à 22:36

Trump, saison 2 : pourquoi les droits des travailleurs américains sont sur le gril ?

Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.
D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des (…)

- L'explication / , , , , , , , , , , ,
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Donald J. Trump a non seulement remporté l'élection pour devenir le 47e président des États-Unis, mais il l'a fait avec une marge encore plus importante que la première fois, celles et ceux qui s'intéressent au sort des travailleurs américains tournent désormais leur attention vers les implications possibles de la victoire de Trump pour les syndicats et les travailleurs.

D'aucuns voient dans cette victoire une nouvelle catastrophique pour les droits reproductifs des femmes, les droits des migrants et les droits des personnes LGBTQ+, pour la quête permanente de justice raciale et l'absolue nécessité de prendre des mesures climatiques urgentes et audacieuses pour enrayer l'accélération du réchauffement de la planète, ainsi que pour tout espoir d'une paix juste en Palestine et en Ukraine et pour la démocratie dans le monde entier.

  • Mais qu'en est-il pour les droits des travailleurs ?

M. Trump ne s'est guère étendu sur les politiques du travail qu'il serait susceptible de mettre en œuvre en cas d'élection ; il a surtout insisté sur sa promesse d'augmenter les tarifs douaniers pour protéger les emplois américains et de mener, selon ses termes, « la plus grande opération de déportation de l'histoire de notre pays », laquelle toucherait des millions de travailleurs sans papiers. Toutefois, selon une analyse détaillée du Washington Post basée sur des entretiens avec huit anciens fonctionnaires de l'administration Trump et sept experts conservateurs du monde du travail, les politiques de l'emploi de M. Trump devraient se concentrer sur les points suivants : le limogeage de membres du National Labor Relations Board, nommés par Biden (qui ont préparé le terrain pour un certain nombre de campagnes syndicales importantes, notamment chez Amazon et Starbucks) ; la révision des règles fédérales en matière d'heures supplémentaires afin que moins de travailleurs soient éligibles au paiement des heures supplémentaires ; la limitation de l'accès aux droits et aux prestations pour les travailleurs à bas salaires, en particulier ceux de l'économie des petits boulots ou « gig economy » ; et l'assouplissement des protections en matière de santé et de sécurité sur le lieu de travail, entre autres mesures.

Il a aussi été question de mettre fin aux taxes fédérales sur les pourboires et aux taxes sur la rémunération des heures supplémentaires, bien que certains économistes aient suggéré qu'une telle mesure entraînerait un coût économique important tout en creusant les inégalités.

  • Quels indices pourrait nous donner son précédent mandat sur ce qu'une deuxième présidence Trump dans ce domaine ?

Trump est anti-réglementation, anti-syndicat et farouchement pro-entreprise – son principal soutien lors de cette campagne électorale n'est autre que le patron ultra-conservateur et antisyndical de Tesla, Elon Musk – et les politiques qu'il a menées au cours de son premier mandat en attestent.

Selon la fédération syndicale AFL-CIO : « Au cours de ses quatre précédentes années de mandat, le président Trump a affaibli les syndicats et les travailleurs tout en favorisant les concessions fiscales aux plus riches. Il a rempli les tribunaux de juges qui veulent faire reculer nos droits en tant que travailleurs. Il a réduit notre sécurité au travail. Il a donné carte blanche aux grandes entreprises pour baisser les salaires et rendre plus difficile pour les travailleurs de se regrouper au sein d'un syndicat ». Il a, notamment, promulgué plusieurs décrets exécutifs visant à réduire le pouvoir des syndicats, en particulier ceux qui représentent les travailleurs fédéraux. Il a noyauté le National Labor Relations Board en nommant des personnes qui avaient tendance à voter en faveur des employeurs plutôt que des travailleurs. Il a failli à sa promesse de faire revenir les emplois manufacturiers bien rémunérés dans des États comme la Pennsylvanie, le Michigan et l'Ohio. Il a réduit de 21 % le budget du Département du Travail et n'a pas soutenu les appels en faveur d'une augmentation du salaire minimum fédéral, qui a été maintenu à 7,25 USD de l'heure depuis 2009 (bien que le salaire minimum n'ait pas changé non plus sous l'administration Biden-Harris).

  • On entend beaucoup parler du « Project 2025 ». De quoi s'agit-il et quelles en sont les implications pour les travailleurs aux États-Unis ?

Project 2025 est un document politique de 922 pages préparé par le think tank conservateur Heritage Foundation, qui propose une stratégie de refonte totale du gouvernement américain. S'agissant du monde du travail à proprement parler, le rapport présente, entre autres mesures, des propositions visant à limiter le droit d'organisation, à autoriser les États à interdire les syndicats, à abroger les lois sur le paiement des heures supplémentaires, à intensifier les descentes des services d'immigration sur le lieu de travail et à supprimer les protections en matière de santé et de sécurité ainsi que les protections contre le travail des enfants, le tout dans le but de « stimuler la création d'emplois et l'investissement, les salaires plus élevés et la productivité ». Bien que Trump ait cherché à prendre ses distances avec ce document, celui-ci a été rédigé par un réseau d'une centaine de personnes associées à son équipe gouvernementale.

  • Les syndicats américains ont-ils soutenu Donald Trump ou Kamala Harris ?

La plupart des grands syndicats américains ont apporté leur soutien à la campagne de Kamala Harris, et certains, comme l'AFL-CIO et le syndicat des travailleurs de l'automobile UAW, figuraient au nombre des intervenants lors de la convention nationale démocrate de 2024. Il convient de noter que le syndicat Teamsters a choisi de ne soutenir aucun des deux candidats (bien que le président du syndicat, Sean O'Brien, soit devenu le premier membre des Teamsters, en 121 ans d'existence, à prendre la parole lors de la convention nationale républicaine). M. Trump a également obtenu le soutien de l'International Union of Police Association.

  • Trump a remporté le vote populaire avec une marge significative. Comment expliquer le soutien des électeurs de la classe ouvrière au vu de sa position anti-ouvrière ?

De multiples facteurs expliquent le soutien populaire à Donald Trump. Beaucoup de gens se souviennent de la période qui a précédé la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine comme d'une époque où ils avaient plus d'argent en poche, et ils attribuent cela à la gestion économique de Donald Trump plutôt qu'aux événements mondiaux plus larges. Ils se rallient par ailleurs à son discours lorsqu'il se présente comme une alternative au statu quo – une alternative à ce qu'il nomme le « marécage » de Washington – qui a fait fi de la voix des « gens ordinaires ». On ne peut pas ignorer non plus l'attrait qu'exerce sa position agressivement nativiste, xénophobe et anti-immigration sur une frange de l'électorat qui cherche la cause de son mécontentement économique au bas de l'échelle plutôt qu'au sommet.

Pour aller plus loin :

« Les travailleurs syndiqués, un électorat indispensable pour Kamala Harris, mais pas acquis d'avance » – The Conversation

« Le retour du travailleur sur la scène politique américaine » – Le Monde Diplomatique (Novembre 2024)

« États-Unis. Le bilan de la présidence Trump en matière d'emploi : quels défis pour les organisations syndicales ? » Par Donna Kesselman, dans Chronique Internationale de l'IRES (2021)

« Projet 2025 présente un plan anti syndical » Par Jenny Brown (Labor Notes), traduction d'un article paru dans Jacobin.

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