L'opération, lancée le 27 novembre, doit durer jusqu'au 10 janvier. Elle vise à actualiser les chiffres de la population après le passage du cyclone Chido, qui a bouleversé le bâti et déplacé des milliers de personnes en décembre 2024.
Elle vise aussi à clore une polémique récurrente sur le nombre d'habitants du 101e département français: l'estimation officielle de 329.000 habitants au 1er janvier 2025 est régulièrement contestée par les élus mahorais, qui évoquent jusqu'à 500.000 habitants compte tenu de l'immigration irrégulière, avec pour conséquence des collectivités sous-dotées.
Sitti Attoumane, elle, voit sa patience récompensée après plusieurs tentatives à la porte voisine. "C'est pour quoi ?", lance Moussoiena Saïd Hicham, l'habitant de l'appartement.
Après s'être présentée, Sitti Attoumane entre dans le salon. Nom, prénom, date de naissance, situation familiale et professionnelle, caractéristiques du logement... Le questionnaire de l'Insee se déroule méthodiquement.
"Quand les habitants sont là, ils répondent facilement", constate-t-elle, avant de repartir toquer à la porte suivante. Pour ceux qui ne répondent pas, elle repassera plus tard. "Le dimanche, ça fonctionne très bien", a-t-elle déjà remarqué.
En cas d'absence prolongée ou de refus, les agents interrogent les voisins. Si aucun chiffre ne ressort, "on impute une valeur moyenne de la taille des familles à Mayotte" pour ne pas pénaliser les communes dont les dotations dépendent du nombre d'habitants, explique Bertrand Kauffmann, chef de projet à l'Insee pour le recensement 2025.
Mais le cas reste rare: "A Mayotte, il n’y a que 4% des logements qu'on n'arrive pas à recenser", assure-t-il.
Dans l'immeuble en face, Gagnante Kuli répond aux mêmes questions. Elle espère que les statistiques recueillies aideront les pouvoirs publics à mettre en place des politiques adaptées aux besoins. "C'est bien de savoir combien de gens sont sans logement, ça permet d'avoir une idée du nombre d'habitations à construire", explique-t-elle.
Méfiance envers les gilets jaunes
Dans un bidonville de M'gombani, la mission s'avère plus délicate. "Dès qu'ils voient des gens en gilet jaune, ils se renferment", constate Saandia Mdallah, coordinatrice et agente de la commune de Mamoudzou, l'expliquant par la situation irrégulière de certains habitants sans papiers craignant d'être expulsés.
"On les rassure et on leur explique que ça ne consiste pas du tout en ça", assure-t-elle. Après avoir montré patte blanche, Sitti Attoumane reprend son questionnaire entre les cases en tôles, cette fois en shimaoré, l'une des langues de Mayotte: "Combien êtes vous à la maison ?", "De quelle nationalité êtes-vous ?", "Est-ce que vous avez au moins une pièce climatisée ?".
Malgré les réticences, les habitants finissent souvent par coopérer. "Les questions ne m'ont pas dérangée (...). On m'a expliqué à quoi ça sert et je comprends", dit une femme qui souhaite rester anonyme.
Les formulaires remplis, ils sont confiés aux coordinateurs. À Dembéni, commune voisine de Mamoudzou, ils s'empilent dans un bureau municipal. Anjili Abdou Langui les saisit dans un logiciel au fur et à mesure.
"Après, l'Insee viendra les chercher et fera son analyse", explique-t-il, derrière son écran. Comme les 700 agents recenseurs et 80 coordinateurs déployés sur l'île, Anjili Abdou Langui est employé par une mairie.
"Y'a pas mieux que de faire le travail nous-mêmes pour être convaincus de ce qui se fait sur le terrain", dit-il, estimant important que les communes participent au recensement avec l'Insee pour étouffer les polémiques sur la sous-estimation du nombre d'habitants.
Pour assurer un chiffre le plus robuste possible, l'Insee a travaillé pendant neuf mois avec les communes et réalisé des enquêtes cartographiques sur l'ensemble des logements. Dix agents, dont cinq venus en renfort, épaulent ce travail.
Une fois les données récoltées, il y aura "des phases de contrôle, de vérification (...) pour être sûr qu'on a oublié personne", précise Bertrand Kauffmann. Les premières estimations sont attendues à l'été 2026.