Du traitement de l'affaire Legrand-Cohen à une supposée sévérité accrue de son instance contre les chaînes de la sphère Bolloré, le président de l'Arcom, Martin Ajdari, a ouvert le bal des auditions de cette commission en répondant pendant deux heures aux parlementaires qui ne l'ont pas ménagé.
Décidée dans la foulée de la polémique autour des deux journalistes du service public Thomas Legrand et Patrick Cohen, accusés de connivence avec le PS, la commission d'enquête s'ouvre dans une période tendue pour les stations de l'audiovisuel public, sur fond de guerre ouverte avec les médias Bolloré, qui les accusent de pencher trop à gauche, et de perspectives budgétaires difficiles, en particulier pour France Télévisions.
Dans ce contexte, Martin Ajdari s'est dit "convaincu", dans son introduction, "du rôle central" que le service public de l'audiovisuel "doit jouer, que ce soit pour garantir le pluralisme au côté des groupes privés, les conditions du débat démocratique et la confrontation des idées" notamment.
"Appartenant à tous et financé par tous, le service public doit s'adresser à tous et jouer un rôle fédérateur", a-t-il insisté, un rôle selon lui encore plus important dans "une société qui se polarise et qui se fragmente".
"émoi manifeste"
Mais rapidement, les échanges se sont corsés, en particulier avec le rapporteur Charles Alloncle, membre du groupe UDR d’Éric Ciotti, allié du RN et à l'origine de la commission d'enquête.
Ce dernier a posé plusieurs questions sur une possible différence de traitement par l'Arcom entre France Inter et les chaînes de la sphère Bolloré comme CNews ou C8, dont la fréquence n'a pas été renouvelée.
"Vous ne comprenez pas l'indignation?" au sujet de l'affaire Legrand-Cohen, a questionné M. Alloncle. Martin Ajdari lui a répondu qu'il faudrait être "sourd ou aveugle pour ne pas voir (l')émoi" provoqué, qu'il a qualifié de "manifeste", après la diffusion, début septembre, d'une vidéo montrant les deux éditorialistes au restaurant avec deux responsables du PS.
Mais le dirigeant de l'Arcom a rappelé que Thomas Legrand, dont les propos captés dans la vidéo (Rachida "Dati, on s'en occupe") ont fait polémique, a été suspendu de l'antenne par France Inter, et que Patrick Cohen "n'a pas tenu de tels propos".
Philippe Ballard (RN) a poursuivi l'offensive en accusant certains programmes d'hostilité ouverte à son parti.
Questionné sur de possibles conflits d'intérêts, Martin Ajdari a aussi dû s'expliquer sur des éléments de sa vie privée.
L'audiovisuel public est accusé par une partie de la droite et le Rassemblement national, dont des dirigeants souhaitent la privatisation, de partialité en faveur de la gauche. De leur côté, Radio France et France Télévisions ont récemment assigné CNews, Europe 1 et le JDD, des médias dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, devant le tribunal des activités économiques pour "dénigrement".
Face aux craintes exprimées à gauche d'une "instrumentalisation" de la commission d'enquête, son président Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) a promis qu'il n'y aurait aucun "tabou" mais pas non plus de "procès à charge".
"Cette commission d'enquête ne se transformera pas en plus grand cabaret du monde où chacun vient faire son numéro", a-t-il insisté.
Charles Alloncle a, quant à lui, promis un programme "extrêmement dense" avec "au minimum une cinquantaine d'auditions", dont celles des patronnes de France Télévisions et Radio France, Delphine Ernotte Cunci et Sibyle Veil.