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24.07.2025 à 11:05

L’internationalisation des extrêmes droites et ses conséquences pour l’Europe

Pablo Rotelli

De l’Argentine de Javier Milei à la Hongrie de Viktor Orban en passant par la réélection de Donald Trump et le gouvernement Meloni, cette nouvelle extrême droite s’internationalise et fait bloc. Chaque jour, elle réaffirme son allégeance aux classes dominantes, et tente de concurrencer les partis traditionnels dans la défense de leurs intérêts. Dans une […]
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De l’Argentine de Javier Milei à la Hongrie de Viktor Orban en passant par la réélection de Donald Trump et le gouvernement Meloni, cette nouvelle extrême droite s’internationalise et fait bloc. Chaque jour, elle réaffirme son allégeance aux classes dominantes, et tente de concurrencer les partis traditionnels dans la défense de leurs intérêts. Dans une conférence organisée en juin dernier en partenariat avec la fondation Gabriel Péri, Le Vent Se Lève revenait sur ses méthodes, ses contradictions et les résistances qu’elle suscite. Sont intervenus Giorgia Bulli, chercheure au département de sciences politiques et sociales de l’université de Florence (Italie), Charlotte Balavoine, administratrice de la Fondation Gabriel Péri, et Pablo Rotelli, maitre de conférences contractuel en sociologie à l’Université Toulouse Capitole et rédacteur au Vent Se Lève. La conférence a été animée par Lilith Verstrynge, politologue, secrétaire d’État aux droits sociaux et à l’Agenda 2030 dans le gouvernement espagnol (2022-2023), et conclue par Vincent Ortiz, rédacteur en chef adjoint du Vent Se Lève.

23.07.2025 à 18:19

Le plan israélien de « migration volontaire » des Gazaouis

Nicolas Destrée

Le Vent Se Lève publie une traduction partielle et commentée de l’analyse juridique de l’Euro-Med Human Rights Monitor relative au « plan de relocalisation » des Gazaouis promu par les responsables israéliens. Il inclut la mise en place de supposées « zones humanitaires » par la partie israélienne, qui sont au coeur des « négociations » avec la partie palestinienne sous […]
Texte intégral (2472 mots)

Le Vent Se Lève publie une traduction partielle et commentée de l’analyse juridique de l’Euro-Med Human Rights Monitor relative au « plan de relocalisation » des Gazaouis promu par les responsables israéliens. Il inclut la mise en place de supposées « zones humanitaires » par la partie israélienne, qui sont au coeur des « négociations » avec la partie palestinienne sous médiation internationale. L’avis de cet organisme juridique indépendant a été émis le 9 juillet 2025. Le lendemain, Kaja Kallas, Haute Représentante des Affaires Étrangères de l’Union européenne (UE), déclarait que l’Union aiderait Israël dans la mise en place de ces « zones humanitaires » ; plus tard, elle réitérait son refus de placer Israël sous sanctions ou de rompre l’accord préférentiel qui lie ce pays à l’UE. Pour l’Euro-Med Human Rights Monitor, le confinement des Palestiniens dans ces « zones humanitaires » équivaudrait à des pratiques de déplacement forcé et de détention indiscriminée. L’organisation estime que par son inaction continue, mais aussi par les déclarations de ses responsables, l’Union européenne est passible de complicité pour crime de génocide1. Traduction et commentaire par Nicolas Destrée.

Le plan israélien, annoncé par le Ministre de la Défense Israël Katz, visant à déplacer la totalité de la population de la bande de Gaza dans une soi-disant « zone humanitaire » située dans les ruines d’une partie de Rafah, dénote une dangereuse escalade dans le génocide en cours. Ce plan reflète un effort délibéré de dépeuplement de la Bande et d’imposition d’une nouvelle norme démographique ayant pour finalité la mise en place d’un projet colonial d’effacement de toute présence palestinienne.

La coercition s’étend au-delà de l’usage direct de la force militaire pour inclure la création de conditions insupportables qui rendent le maintien sur place pratiquement impossible

Le plan proposé a pour but, dans sa phase initiale, de regrouper des centaines de milliers de civils palestiniens dans la Bande de Gaza comme prélude à leur confinement dans une « zone humanitaire » bâtie sur les ruines d’une ville détruite, à laquelle manque même les moyens de subsistance les plus fondamentaux. La zone sera sera soumise à un strict contrôle sécuritaire, incluant de sévères restrictions relatives à la liberté d’aller et venir, y compris une interdiction de sortie de la zone. Cela revient à l’établissement d’un camp de concentration forclos, dans lequel la population sera détenue de force, en dehors de tout cadre juridique légitime.

NDLR : Le média israélien de gauche Haaretz évoque dans son éditorial du 10 juillet le terme de « camp de concentration » pour décrire lesdites « zones d’aides humanitaires ». Il estime que le strict parallèle entre « politique de concentration » et utilisation de chambres à gaz par le IIIè Reich (qui se trouvaient dans les camps d’extermination nazis et non de concentration) vise à museler les critiques. Ehud Olmert, ancien Premier ministre israélien, utilise la même dénomination2.

Le danger que représente ce plan est aggravé par l’approbation de ce que le Ministre de la Défense Israël Katz nomme une « migration volontaire » des Palestiniens, désignant clairement une politique de déplacement visant la population de Gaza

NDLR : Les déclarations de dirigeants israéliens sur le fait que les Palestiniens devraient « quitter volontairement Gaza » sont innombrables, et ont également été reprises par le Président Trump, et ce depuis plusieurs mois maintenant3.

Ce fait confirme que la concentration des personnes dans le sud n’est pas une mesure humanitaire mais une phase transitoire d’un plan systématique de dépopulation de Gaza. Celui-ci constitue une claire violation du droit international humanitaire, en particulier de l’interdiction absolue du déplacement forcé et de détention indiscriminée de populations protégées par la Quatrième Convention de Genève [article 49 NDLR]. Ces faits tombent sous le coup des chefs de déplacement forcé, de persécution, et d’apartheid, qui sont des schémas de politiques et pratiques qui tombent à elles seules sous le coup de crimes contre l’humanité selon le droit international humanitaire.

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Les déclarations du ministre de la Défense Israël Katz concernant l’exploitation du cessez-le-feu temporaire, actuellement en discussion, indiquent clairement qu’il n’aurait pas pour fonction de stopper le génocide mais de donner à l’armée israélienne le temps et les conditions logistiques pour établir des camps ayant pour fonction d’accueillir des centaines de milliers de civils, qui seront plus tard contraints de fuir sous la pression croissante des meurtres, de la famine, et du déplacement forcé. Selon le ministre israélien, le plan prévoit le transfert de 600 000 Palestiniens après les avoir assujettis à de soi-disant « contrôles de sécurité », leur imposant par là de sévères restrictions de mouvement et les empêchant de quitter la zone de sécurité [voir la déclaration initialement rapportée Haaretz NDLR]. Entre autres principes, le plan viole la norme impérative prohibant le génocide, qui ne peut être violée en aucune circonstance et impose des obligations légales immédiates à tous les États de prévention de ce crime, de mettre un terme à sa perpétration, et de tenir pour responsables les perpétrateurs de sa commission.

La contradiction entre l’annonce du Ministre de la Défense Israël Katz d’un plan de transfert forcé et de confinement des résidents de Gaza, avec celle du Chef de l’État Major de l’armée israélienne Eyal Zamir deux jours plus tôt arguant que le transfert de population n’est pas un objectif militaire, révèle une tentative de semer la confusion dans l’opinion publique et au sein de la communauté internationale. Alors que l’armée israélienne cherche à dénier de telles intentions, Israël Katz a révélé un plan détaillé qui concorde pleinement avec les agissements de l’armé israélienne sur le terrain : meurtres de masse, ordres d’évacuation forcées, ciblage délibéré des abris, confinement de centaines de milliers de personnes dans des zones assiégées.

NDLR : On en trouvera un compte-rendu dans le Times of Israel, qui note en introduction : « des universitaires israéliens de premier ordre ont averti que forcer les Palestiniens dans une aire confinée serait légalement injustifiable et constituerait un crime contre l’humanité ». Le plan vise, avec l’aide d’organisations « humanitaires » internationales privées, à l’image de la Gaza Humanitarian Foundation, à rassembler et concentrer la population de Gaza à Rafah, dans une zone dite « tampon », qui devrait s’étendre indéfiniment, avec des contrôles de sécurité biométriques à son entrée et l’interdiction d’en sortir par après, sous peine de déportation. Le ministre Israël Katz a affirmé que si la population palestinienne ne s’exécutait pas, ce serait « la ruine totale ou la destruction ».

Des preuves provenant du terrain démontrent que ces agissements constituent l’exécution d’un plan politique, et non le résultat d’opérations militaires d’urgence. Les déclarations de Katz, plus que le déni de l’armée, reflètent la véritable intention et la politique gouvernementale, ayant valeur de preuve conclusive d’un déplacement forcé mis en place sous couvert de prétexte militaire. L’utilisation de termes facteurs de confusion comme celui de « zone humanitaire » dans le contexte des crimes en cours, revient à tentative flagrante de dissimulation de ces crimes en tant que tel, et l’induction en erreur de la communauté internationale.

Les centres de distribution d’aide mis en place par la « Fondation Humanitaire de Gaza » [« Gaza Humanitarian Foundation »], située dans la soi-disant « zone humanitaire », est en effet devenue un lieu de pièges mortels, avec 758 Palestiniens tués et plus de 5000 blessés depuis l’ouverture du centre fin mai [Ce chiffre a entre-temps grimpé à mille selon l’ONU. La faim menace le personnel médical et les derniers journalistes sur place NDLR]. Ce fait constitue un avertissement de ce qui attend des centaines de milliers de civils si ces derniers étaient transférés de force dans cette zone sous un faux principe humanitaire.

Selon Reuters, le plan propose d’établir des « zones de transit » pour des Gazaouis qui y « résideraient temporairement », ouvrant potentiellement la voie à un transfert en dehors de la Bande. Ce modèle établit le déplacement forcé comme un objectif politique explicite ; des expressions comme « déradicaliser, ré-intégrer et préparer leur relocation s’ils le souhaitent » doivent être comprises comme autant d’outils rhétoriques visant à blanchir un processus pré-annoncé de nettoyage ethnique.

Le déplacement forcé constitue en tant que tel un crime selon le droit international, impliquant l’expulsion de personnes de zones où elles sont légalement présentes au moyen de la force, de la menace, et d’autres moyens coercitifs, et ce sans la moindre justification légale reconnue. La coercition, dans ce contexte, s’étend au-delà de l’usage direct de la force militaire pour inclure la création de conditions insupportables qui rendent le maintien sur place de la population pratiquement impossible et pose un risque grave à la vie, à la dignité, et aux conditions de subsistance. Cet environnement coercitif prend plusieurs formes : la peur de la violence, de la persécution, de la détention, de l’intimidation, de la famine, ou de n’importe quelle autre circonstance qui prive effectivement les individus de leur libre volonté et les oblige à partir.

Tout départ de la Bande de Gaza dans les conditions actuelles ne peut être considéré comme volontaire, du fait que la population est effectivement privée d’un choix libre et informé. Légalement, de tels départs constituent des déplacements forcés, ce qui est prohibé par le droit international.

L’indifférence des États parties et d’organisations des Nations Unies à l’encontre des politiques de déplacement forcé dans la Bande de Gaza ne peut être expliqué par leur inaptitude. Elle reflète le niveau de tolérance, et dans des cas particuliers, la complicité dans la mise en place de plans ayant pour but de dépeupler la Bande. Depuis l’émission du premier ordre d’évacuation massive par l’armée israélienne le 9 octobre 2023, des centaines d’autres ordres d’évacuation ont fait suite de manière continue, et ce sans la moindre pression effective pour stopper ce crime. Avec pour résultat que la majorité de la population de Gaza a été déplacée de force, laissée sans abri ni protection dans ce qui constitue l’un des cas les plus brutaux de déplacement forcé dans l’histoire contemporaine.

Cet article est une traduction partielle et commentée de l’Euro-Med Human Rights Monitor par Nicolas Destrée.

Note :

1 Une précision importante est nécessaire : selon les maigres informations disponibles à ce jour, la nécessité d’agir a fait consensus au sein des chancelleries européennes – ce qui semble confirmé par la déclaration du 21 juillet. Cependant, selon un article de Haaretz, un appel téléphonique entre Kaja Kallas, Haute Représentante des Affaires étrangères de la Commission et Gideon Sa’ar, Ministre des Affaires étrangères israélien, a permis de négocier le « soutien » à l’« aide humanitaire » en question, au mépris des règles démocratiques les plus élémentaires. Si des documents administratifs, comme le relevé d’appels téléphoniques, venaient confirmer ce fait, ce dernier tomberait sous plusieurs chefs d’accusations imprescriptibles : l’entente en vue de commettre le génocide – art. III b – et la complicité dans le génocide, en vertu de l’art. III e de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Organisation des Nations Unies, 9 décembre 1948, AGNU 260 A (III)).

2 Pour un aperçu historique plus général, on renverra à Aidan Forth, Camps, A Global History of Mass Confinment, (University Toronto Press, 2024), ainsi qu’à Julian Go, Policing Empires: Militarization, Race, and the Imperial Boomerang in Britain and the US (Oxford University Press, 2024).

3 Les « nouveaux historiens israéliens » ont montré comment depuis la Nakba, ou « catastrophe » de 1948, le thème de l’« émigration volontaire » est un prétexte servant à couvrir la colonisation. Voir Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la Palestine, La Fabrique, 2024 [2000].

21.07.2025 à 15:50

Les Bulgares révoltés contre l’entrée de leur pays dans la zone euro

Charis Marantzidou

Alors que les élites européennes ont applaudi le feu vert à l’entrée de la Bulgarie dans l’euro en 2026, la population doute fortement de cette transition monétaire. Outre les craintes légitimes sur une potentielle inflation durant le changement de monnaie, les Bulgares craignent aussi un scénario similaire à leur voisin grec, alors que leur pays est le plus pauvre de l’UE.
Texte intégral (2019 mots)

Alors que les élites européennes et bulgares ont applaudi le feu vert donné par la Commission européenne à l’entrée du pays balkanique dans l’euro, la population doute fortement de la pertinence de cette transition monétaire. Outre les craintes légitimes d’une potentielle inflation durant le changement de monnaie, les Bulgares craignent aussi un scénario similaire à leur voisin grec, alors que leur pays est le plus pauvre de l’UE. Une forte contestation a donc émergé dans ce pays moins europhile et moins atlantiste que la moyenne [1].

Ces dernières semaines, des milliers de Bulgares sont descendus dans les rues de la capitale, Sofia, pour protester contre l’adhésion du pays à la zone euro, qui doit prendre effet début 2026. Approuvée par la Commission européenne le 4 juin après de nombreuses tergiversations et négociations, la décision a déclenché un débat public féroce portant sur la politique fiscale et l’identité nationale. Des manifestants scandant « Non merci à l’euro » et dénonçant « l’euro-colonialisme » ont tenté de prendre d’assaut le Parlement et de mettre le feu à la mission de l’UE. Dans toute la ville, des slogans peints à la bombe en faveur de la monnaie nationale, le lev, suggèrent que la question est loin d’être réglée.

Autrefois État loyal au bloc soviétique, la Bulgarie s’est tournée vers l’Occident dans les années 1990. Tout les courants politiques, des ex-communistes aux anti-communistes historiques, ont affirmé leur souhait de rejoindre l’alliance euro-atlantique. La Bulgarie est d’abord entrée dans l’OTAN en 2004, puis dans l’UE trois ans plus tard. Pour l’establishment politique, l’adhésion à la zone euro est la prochaine étape logique, accordant au pays une place officielle au sein de l’Eurogroupe et lui permettant peut-être, à terme, de dépasser sa position périphérique.

La Bulgarie est d’abord entrée dans l’OTAN en 2004, puis dans l’UE trois ans plus tard. Pour l’establishment politique, l’adhésion à la zone euro est la prochaine étape logique, lui permettant peut-être, à terme, de dépasser sa position périphérique.

Le mouvement en faveur de l’adhésion est mené par un large bloc politique, comprenant le parti de centre-droit au pouvoir, les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), ainsi que ses partenaires de coalition, le Parti socialiste de centre-gauche (BSP) et le parti nationaliste-populiste « There is Such a People » (ITN). Initialement prévue pour le 1er janvier 2024, la transition a été retardée de deux ans en raison de la montée en flèche de l’inflation, qui a dépassé les 15 % à la suite de la pandémie.

Ce retard a enhardi les détracteurs de la transition, tout comme la crise politique apparemment insoluble que traverse la Bulgarie, avec sept élections anticipées et huit premiers ministres au cours des quatre dernières années. À la suite des grandes manifestations contre la corruption qui ont eu lieu en 2020 et qui ont contribué à renverser le gouvernement de Boyko Borissov, le président du GERB, le pays a connu une série de coalitions fragiles et d’accords de partage du pouvoir. Le GERB reste le plus grand parti, mais avec une cote de popularité réduite à environ 25 % dans les sondages, il doit maintenant compter sur divers alliés pour maintenir sa majorité. L’actuel Premier ministre, Rosen Zhelyazkov, se présente comme une force stabilisatrice ayant pour mandat de faire baisser les prix et de soutenir les petites entreprises, mais il est considéré par beaucoup comme une marionnette de Borissov : faible, corrompu et désireux de s’attirer les bonnes grâces de Bruxelles.

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Les partisans de la zone euro, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Bulgarie, soulignent que le lev est depuis longtemps lié à l’euro. En 2020, la Bulgarie a en effet rejoint le mécanisme de change européen, conçu pour maintenir un système de change stable entre l’euro et les monnaies nationales des autres pays de l’UE, faisant ainsi de la « souveraineté monétaire » un fantasme nostalgique. Selon eux, l’achèvement de la transition permettrait à la Bulgarie de bénéficier d’un essor du tourisme et des investissements étrangers. La question plus profonde, bien sûr, est la position de la Bulgarie dans la sphère du pouvoir occidental. À Bruxelles et à Washington, le pays est depuis longtemps considéré comme le « maillon faible » de l’UE en raison de la fragilité de ses institutions politiques, sensibles aux pressions économiques et diplomatiques de la Russie, en particulier dans des domaines tels que l’énergie, les infrastructures et les secteurs des médias et de l’information. L’adhésion s’inscrit dans une tentative plus large de fortifier la frontière orientale de l’OTAN contre une telle influence et d’unifier « l’Occident ».

Le grand public, quant à lui, voit les choses différemment. Plus de 60 % d’entre eux déclarent ne pas considérer la Russie comme une menace. Certes, depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, Moscou est devenu de plus en plus impopulaire en Bulgarie, avec près de 34 % d’opinions négatives, mais cela ne se traduit pas par un soutien à l’alignement occidental. Il n’y a pas de majorité en faveur d’une alliance avec l’OTAN et l’UE. Il existe également une forte opposition à la poursuite de la guerre, ce qui a incité le gouvernement à envoyer des armes et des munitions de manière clandestine, par l’intermédiaire de pays tiers. Près de 30 % des citoyens déclarent ne pas savoir s’ils sont favorables à l’Ouest ou à l’Est. Sur la question de l’adhésion à l’euro, 51% des Bulgares y sont opposés et 43% y sont favorables.

51% des Bulgares sont opposés à l’entrée dans l’euro, contre 43% qui y sont favorables.

Jusqu’à présent, la gauche bulgare – qui comprend un large éventail de partis regroupés au sein de la coalition électorale « Gauche unie » du BSP – s’est principalement rangée du côté de l’establishment sur la question de l’intégration européenne, permettant au parti d’extrême droite Revival de s’imposer comme la principale opposition. Fondé en 2014, Revival est passé du statut d’outsider politique à celui de troisième parti de l’assemblée législative après les élections de 2022, au cours desquelles il a fait campagne sur une plateforme anti-vaccins, anti-LGBT et anti-UE. Avec environ 15 % des voix, il a joué un rôle de premier plan dans les récentes manifestations.

Le parti s’est joint au président bulgare Rumen Radev pour demander un référendum sur la question de l’euro, proposition que le gouvernement a rejetée. Il a également tenté d’entraver le processus au Parlement, en occupant le podium lors d’un vote crucial et en bombardant le gouvernement de motions de défiance. Certains hauts responsables du parti ont récemment rencontré une délégation des Républicains américains et ont proposé de lier le lev au dollar plutôt qu’à l’euro.

Comme la Bulgarie, la Grèce s’est efforcée de respecter les critères de Maastricht – en mettant en œuvre diverses réformes néolibérales – avant d’adopter l’euro en 2002. Cependant, l’accumulation d’une dette publique excessive et d’une croissance relativement lente, résultant de son rôle périphérique dans l’économie de l’UE, a conduit à une crise politico-économique.

Si l’opposition de l’extrême droite au changement de monnaie peut être motivée en partie par l’opportunisme, elle peut néanmoins invoquer des précédents. Comme la Bulgarie, la Grèce s’est efforcée de respecter les critères de Maastricht – en mettant en œuvre diverses réformes néolibérales – avant d’adopter l’euro en 2002. Cependant, l’accumulation d’une dette publique excessive et d’une croissance relativement lente, résultant de son rôle périphérique dans l’économie de l’UE, a conduit à une crise politico-économique d’une décennie qui s’est répercutée sur tout le continent, culminant dans une série de mesures d’austérité qui ont détruit la souveraineté fiscale du pays. La Banque centrale bulgare a cherché à minimiser ces comparaisons en présentant la débâcle grecque comme le résultat d’une mauvaise gestion politique plutôt que comme un problème structurel.

L’autre parallèle évident est la Croatie, qui est devenue en 2023 le vingtième État à adopter l’euro. Nombre de Croates accusent la nouvelle monnaie d’être à l’origine de l’augmentation du coût de la vie, car les entreprises ont arrondi le prix des produits de base tels que la nourriture et les vêtements lors de la conversion de la kuna (ancienne monnaie croate, ndlr) vers l’euro. Cette situation, ainsi que l’augmentation des factures d’énergie et des impôts, a affaibli le parti au pouvoir, le HDZ. Privé de sa majorité parlementaire lors des élections de 2024, il a été contraint de former une coalition avec le Mouvement de la patrie, parti d’extrême droite, qui s’est vu attribuer trois ministères et une série d’autres concessions. L’agitation populaire s’est poursuivie en janvier, lorsqu’une vague de boycotts des supermarchés par les consommateurs a déferlé sur le pays, obligeant la coalition à introduire des plafonds de prix sur des dizaines de produits.

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Le consensus des élites bulgare sur la nécessité de l’euro est donc très éloigné de l’opinion publique. En traitant la dissidence comme de la désinformation, le gouvernement a évité de répondre aux inquiétudes politiques légitimes. Le fossé n’a fait que se creuser ces derniers mois, alors que les politiques erratiques de Trump ont ébranlé les marchés financiers et déstabilisé les monnaies, tout en introduisant des incertitudes sur les relations entre les États-Unis et l’Union européenne. Pendant des années, la Bulgarie a été incapable de transcender son statut d’État le plus pauvre de l’UE. Lors des dernières élections, le taux de participation est tombé à un niveau historiquement bas de 34 %. Sans perspectives, beaucoup de Bulgares préfèrent partir vivre à l’étranger : depuis le sommet atteint à la fin des années 1980, la population a diminué de plus de 2,2 millions d’habitants (la Bulgarie comptait 6,4 millions d’habitants en 2023, ndlr). Le processus est bien connu dans les pays européens les plus isolés : stagnation économique, désillusion croissante et radicalisation de l’extrême droite. Une nouvelle monnaie non désirée pourrait accélérer ces tendances.

[1] Article issu de notre partenaire New Left RevMarantzidouiew, originellement publié .

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