07.03.2025 à 06:00
Israël/Liban : Les attaques du Hezbollah ont mis en danger des civils
(New York) – Le Hezbollah n’a pas pris de précautions adéquates pour protéger les civils lors d’attaques menées contre Israël entre septembre et novembre 2024, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le Hezbollah a utilisé des armes explosives lors d’attaques contre des zones peuplées dans le nord d’Israël, sans d’abord avertir de manière efficace les civils de ces zones.
Human Rights Watch a précédemment documenté une série d’attaques illégales et de crimes de guerre apparents perpétrés par l’armée israélienne au Liban. Depuis l’accord de cessez-le-feu du 27 novembre 2024, les attaques israéliennes ont tué au moins 59 personnes au Liban, selon l’ONU.
« Les attaques meurtrières et illégales menées par l’armée israélienne au Liban ne donnent pas carte blanche au Hezbollah pour mettre en danger des civils en tirant des munitions explosives vers le nord d’Israël », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Une enquête internationale sur les actions d’Israël et du Hezbollah au regard des lois de la guerre est un pas nécessaire vers l’obligation de rendre des comptes pour les crimes éventuels. »
Le 6 octobre 2024, l’armée israélienne a publié des données selon lesquelles environ 12 400 projectiles ont été tirés vers Israël depuis le Liban, entre le 7 octobre 2023 et le 2 octobre 2024. Les munitions tirées depuis le Liban, selon ces données, ont tué au moins 30 civils. Une attaque menée le 27 juillet 2024 contre la ville de Majdal Shams, dans le Golan occupé, a en outre tué 12 enfants. Israël a affirmé qu’il s’est agi d’un tir de roquette mené par le Hezbollah, qui a nié toute responsabilité. Durant la même période (octobre 2023 – octobre 2024), les frappes israéliennes ont tué plus de 4 000 personnes au Liban, selon le ministère libanais de la Santé.
À partir de la mi-septembre 2024 et jusqu’au 27 novembre 2024, le Hezbollah semble avoir tiré contre le nord d’Israël des roquettes d’une portée plus longue, allant au-delà de la « zone d’évacuation » située le long de la frontière entre les deux pays ; certaines roquettes ont frappé des zones peuplées en Israël. Les déclarations du Hezbollah indiquent que leurs attaques ont notamment visé les villes de Delton, Kfar Vradim et Kiryat Shmona, entre autres, sans toutefois préciser quelle était l’éventuelle cible militaire visée dans chaque cas. Des installations militaires se trouvent dans certaines villes ciblées, comme Kiryat Shmona.
Le 26 octobre 2024, la branche militaire du Hezbollah a diffusé sur Telegram un avertissement appelant les habitants de ces villes et de 22 autres villes et villages du nord d’Israël à évacuer ces lieux immédiatement. Le Hezbollah a alors affirmé que ces villes « sont devenues un lieu de déploiement et d’implantation pour les forces militaires ennemies qui attaquent le Liban, [et] sont par conséquent devenues des cibles militaires légitimes pour les forces aériennes et pour les missiles de la Résistance islamique ».
Toutefois, les avertissements qui ne donnent pas aux civils suffisamment de temps pour partir vers une zone plus sûre ne sont pas considérés comme « efficaces » au regard du droit international. Les avertissements généraux qui n’apportent pas de précisons sur une attaque imminente ne peuvent pas être considérés comme « efficaces », et peuvent au contraire susciter la peur de manière inappropriée.
Entre fin septembre et novembre 2024, des salves d’attaques du Hezbollah ont tué au moins 15 civils et ont blessé plusieurs dizaines d’autres civils en Israël, selon les données publiées par divers médias et compilées par Human Rights Watch. Certaines zones où des civils ont été tués n’avaient pas été citées dans l’avertissement appelant à une évacuation, émis par le Hezbollah le 26 octobre.
Un homme a raconté avoir trouvé les corps de son fils, Omer, et de quatre ouvriers agricoles thaïlandais après une attaque du Hezbollah ayant touché un verger de pommiers près de Metula, le 31 octobre. « Je suis venu et j’ai vu la pire chose possible », a-t-il déclaré à Reuters. « Je ne pensais pas qu’il y avait 1 % de chance que l’un d’entre nous serait blessé, mais en fait, Omer a payé le prix fort. »
Avant le mois d’octobre 2023, l’arsenal de missiles et de roquettes du Hezbollah était principalement composé d’un grand nombre de roquettes d’artillerie sol-sol non guidées, selon des experts sur des questions militaires et sécuritaires effectuant des recherches auprès de sources ouvertes. Ces dernières années, le Hezbollah a affirmé être en mesure d’équiper des roquettes non guidées de systèmes de guidage et en octobre 2024, a diffusé des photos de roquettes présentant des caractéristiques qui semblent corroborer cette affirmation. Il n’existe toutefois pas de chiffres fiables ou indépendants sur le nombre total de roquettes qui auraient pu être équipées de systèmes de guidage. Human Rights Watch n’a pas été en mesure confirmer si des roquettes guidées d’artillerie avaient été utilisées lors des attaques qui ont tué des civils dans le nord d’Israël, de septembre à novembre 2024.
Les roquettes d’artillerie non guidées ne peuvent pas être dirigées avec précision vers une cible unique, et sont généralement tirées en salves de plusieurs munitions. Le Hezbollah n’a pas la capacite de cibler avec suffisamment de précision un bâtiment ou une fortification avec ses roquettes d’artillerie non guidées, qui ne permettent que de cibler une ville ou même un quartier avec une certain degré de précision.
Les attaques qui ne font pas de distinction entre les cibles militaires et les civils ou les biens civils violent les lois de la guerre. Le 29 janvier, Human Rights Watch a transmis au Hezbollah un courrier demandant des informations sur ses frappes dans le nord d’Israël et sur les mesures prises pour minimiser les dommages civils, mais n’a pas reçu de réponse.
Les attaques menées par le Hezbollah ont bouleversé la vie quotidienne dans une grande partie du nord d’Israël, paralysant l’activité économique et perturbant l’éducation d’environ 16 000 élèves. Le 16 octobre 2023, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation des habitants de 28 villages situés à environ deux kilomètres de la frontière avec le Liban. Le gouvernement israélien a ensuite élargi la portée géographique de cet ordre d’évacuation, qui a entraîné le déplacement de plus de 60 000 civils.
Selon le ministère israélien de l’Éducation, 16 000 élèves ont été évacués du nord d’Israël et plus de 90 écoles de la région ont été endommagées par des tirs de roquettes ou des activités militaires. Deux élèves de Katzrin ont déclaré au Times of Israel que, pendant plus d’un an, « nous avons étudié dans des remorques ; chaque fois qu’il y avait une alarme, on nous demandait d’aller dans un espace ouvert, parce qu’il n’y avait aucune protection ».
Selon les médias, les infrastructures de certains villages et villes frontaliers israéliens ont subi d’importants dégâts. Selon l’Agence France-Presse, plus de 60 % des bâtiments du village frontalier de Metula ont été détruits. L’Associated Press a indiqué que trois quarts des structures du village frontalier de Manara ont été endommagées pendant la guerre. Le Times of Israel a indiqué que 110 des 155 bâtiments de ce village avaient été endommagés, ainsi que diverses infrastructures dont des conduites d’eau, des câbles électriques et des tuyaux de gaz.
« Il n’y a plus rien où retourner », a indiqué au Times of Israel Galit Yousef, une habitante de Metula qui avait dû évacuer son domicile. « Ma maison a été touchée plusieurs fois.» Hagar Ehrlich, une habitante de Manara, a déclaré au même journal que « les dégâts dans le kibboutz sont incroyables ».
Human Rights Watch a précédemment documenté diverses attaques illégales et crimes de guerre commis par l’armée israélienne au Liban. Il s’agit notamment d’attaques apparemment délibérées contre des journalistes, des Casques bleus de l’ONU, des secouristes et des biens civils. L’armée israélienne a aussi déployé de manière illégale des engins piégés, ainsi que des munitions au phosphore blanc, y compris dans des zones résidentielles densément peuplées. Plus de 4 000 personnes ont été tuées au Liban entre octobre 2023 et janvier 2025, dont plus de 316 enfants, 240 secouristes et professionnels de la santé, et 790 femmes.
Selon le ministère libanais de la Santé publique, au moins 17 371 personnes ont été blessées dans des attaques au Liban. Plus d’un millier de frappes israéliennes menées le 23 septembre 2024 ont tué 558 personnes au Liban en cette seule journée, selon le ministère. Dans les semaines qui ont suivi, plus d’un million de personnes ont été déplacées, des milliers de bâtiments et de maisons ont été détruits et des villages frontaliers entiers ont été réduits en ruines. Suite à l’entrée en vigueur du cessez-le-feu de fin novembre, la majorité des personnes déplacées ont pu retourner chez elles ; toutefois, près de 100 000 personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du Liban.
Les Nations Unies devraient diligenter d’urgence, avec le soutien de ses pays membres, une enquête internationale sur les récentes hostilités au Liban et dans le nord d’Israël ; cette enquête devrait débuter immédiatement, afin de recueillir des informations, formuler des conclusions sur les violations du droit international, et aboutir à des recommandations en matière d’obligation de rendre des comptes. Les Nations Unies et les pays membres de l’ONU devraient veiller à ce que les violations commises par toutes les parties soient documentées, et à ce que les responsables rendent des comptes.
Le droit international humanitaire, qui rassemble les lois de la guerre, exige que les parties à un conflit prennent constamment soin, lors des opérations militaires, d’épargner la population civile et de « prendre toutes les précautions pratiquement possibles » pour éviter ou minimiser les pertes accidentelles de vies civiles et les dommages aux biens civils. Ces précautions comprennent le fait de faire tout ce qui est possible pour vérifier que les cibles d’attaque sont des objectifs militaires et non des civils ou des biens civils, de donner aux civils un « avertissement en temps utile et par des moyens efficaces » avant l’attaque quand les circonstances le permettent, et de s’abstenir d’attaquer si l’exigence de proportionnalité est violée.
Le droit international humanitaire exige que toutes les parties fassent la distinction entre les objectifs militaires et les civils et les biens civils et ne visent que des objectifs militaires. Les personnes qui commettent de graves violations des lois de la guerre avec une intention criminelle – c’est-à-dire intentionnellement ou par imprudence – peuvent être poursuivies pour crimes de guerre.
Israël et le Liban devraient approuver la Déclaration politique de 2022 sur la protection des civils contre les conséquences humanitaires de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. L’utilisation d’armes explosives à large rayon d’action dans des zones peuplées, en particulier par le biais de tirs de salves, met gravement en danger les civils et les biens civils, et doit être évitée.
« Il y a peu d’espoir que le cycle des abus prenne fin, tant que la culture de l’impunité perdurera », a conclu Adam Coogle. « Les autres États devraient veiller à ce que des enquêtes soient menées sur les individus responsables de violations du droit international, et des lois de la guerre. »
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OLJ
06.03.2025 à 10:21
Israël bloque à nouveau l'aide humanitaire à Gaza, mettant encore plus de vies en danger
Depuis le 2 mars 2025, le gouvernement israélien a de nouveau bloqué toute l'aide humanitaire entrant à Gaza, y compris le carburant, en violation flagrante du droit international humanitaire.
Des responsables travaillant avec l'Unité des eaux des municipalités côtières de Gaza (CMWU) ont déclaré à Human Rights Watch que les réserves de carburant ne suffiraient à assurer le fonctionnement des installations d'eau que pendant une semaine, après quoi la quasi-totalité de l'eau produite par les puits et l'une des deux installations de dessalement en état de marche à Gaza ne pourraient plus fonctionner.
Selon ces responsables, les autorités israéliennes ont également rejeté les demandes du CMWU pour la réparation de l'une des trois conduites d'eau qui approvisionnent Gaza depuis Israël, qui est hors service depuis six semaines en raison des opérations militaires des forces israéliennes dans la zone tampon à l'est de Gaza.
Le 'Food Security Cluster', dirigé par les Nations Unies, a indiqué qu'au moins 80 cuisines communautaires de Gaza seront bientôt à court de nourriture si le blocage de l'aide se poursuit. Selon l'Associated Press, le Programme alimentaire mondial a averti le 5 mars qu'il ne disposait de suffisamment de vivres que pour maintenir les cuisines et boulangeries publiques ouvertes pendant moins de deux semaines si les autorités israéliennes n'autorisaient pas l'arrivée de nouvelles livraisons d'aide.
En réduisant l'aide humanitaire, Israël continue de bafouer les ordonnances contraignantes de la Cour internationale de justice. Human Rights Watch a documenté le fait que des milliers de Palestiniens à Gaza sont probablement morts, et continueront probablement de mourir, des suites de la malnutrition, de la déshydratation et de maladies résultant du blocage par les autorités israéliennes de l'accès à la nourriture, à l'eau et à d'autres fournitures nécessaires à la survie de la population de Gaza. Depuis le 7 octobre 2023, les autorités israéliennes ont commis le crime de guerre d'utiliser la famine comme méthode de guerre, le crime contre l'humanité d'extermination et des actes de génocide.
Pendant le cessez-le-feu qui est entré en vigueur à la mi-janvier 2025, l'accès des Palestiniens à la nourriture et à l'eau s'est amélioré ; davantage de camions sont entrés à Gaza et l'augmentation de la quantité de carburant a permis aux puits d'eau souterraine de doubler leur production d'eau.
Mais ils n'ont toujours pas atteint les niveaux d'accès d'avant le 7 octobre 2023, qui étaient déjà sévèrement restreints en raison du blocus illégal de Gaza par Israël depuis 2007. Israël continue d'empêcher les marchandises commerciales d'entrer à Gaza et refuse l'entrée d'équipements et de fournitures essentiels pour l'eau, l'assainissement et l'hygiène, ainsi que de matériaux tels que le ciment, nécessaires à la réparation et à la reconstruction des infrastructures endommagées et détruites.
Israël, en tant que partie belligérante, a l'obligation de faciliter l'aide humanitaire, qu'il y ait ou non un cessez-le-feu. En tant que puissance occupante, Israël est également tenu de garantir l'approvisionnement en nourriture et en fournitures médicales de la population de Gaza.
Les États devraient faire pression sur le gouvernement israélien pour qu'il lève immédiatement son blocus illégal de Gaza, rétablisse l'accès à l'eau et à l'électricité et autorise l'entrée de l'eau, de la nourriture, de l'aide médicale et du carburant dont la population a désespérément besoin.
06.03.2025 à 00:00
Corée du Nord : Des personnes ayant fui le pays décrivent la répression liée au Covid
(Séoul) – Des personnes ayant fui la Corée du Nord (République populaire démocratique de Corée) après le début de la pandémie de Covid-19 ont décrit la répression sévère et les restrictions imposées par le gouvernement sur les activités économiques depuis lors, ont déclaré aujourd’hui le Transitional Justice Working Group (Groupe de travail sur la justice transitionnelle, TJWG) et Human Rights Watch. Les gouvernements préoccupés devraient accroître leur soutien aux mesures visant la reddition de comptes, ainsi qu’aux organisations de la société civile qui défendent les droits des Nord-Coréens.
Huit Nord-Coréens vivant actuellement à l’étranger ont décrit à TJWG et à Human Rights Watch la grave situation humanitaire et des droits humains dans le pays. Tous ont évoqué le manque d’informations sur le Covid-19, les restrictions de mouvement, ainsi que l’accès limité à la nourriture, aux médicaments et à des produits comme les engrais, le savon ou les piles électriques après que le bouclage renforcé des frontières en 2020. Ces personnes ont indiqué que le gouvernement avait intensifié son contrôle et sa surveillance idéologiques, ciblant en particulier les personnes qui étaient en contact avec des médias étrangers, et n’avait pas adopté de mesures pour atténuer l’impact économique des restrictions imposées.
« Les récits des Nord-Coréens ayant fui ce pays illustrent l’impact dévastateur des mesures répressives prises par le gouvernement face au Covid-19, qui ont réduit davantage encore les libertés déjà limitées des citoyens ordinaires », a déclaré Seungju Lee, experte auprès de TJWG. « Les gouvernements préoccupés devraient porter leur attention sur la crise humanitaire en Corée du Nord, et agir en faveur de l’obligation de rendre des comptes pour les abus. »
Entre mars 2024 et février 2025, TJWG et Human Rights Watch ont mené des entretiens avec trois hommes et cinq femmes originaires de diverses régions de Corée du Nord, qui ont fui ce pays entre 2020 et 2023. Ces huit personnes y avaient travaillé en tant que commerçant-e-s (cinq cas), pêcheurs (deux cas) et dans une usine (un cas). Parmi elles, sept personnes ont accepté de livrer leurs témoignages à condition que leur vrai nom ne soit pas utilisé, afin de protéger les membres de leurs familles vivant encore en Corée du Nord.
Cette analyse s’appuie aussi sur de précédentes recherches plus vastes menées entre 2014 et 2023 et sur des entretiens avec 147 Nord-Coréens à l’extérieur du pays, dont 32 avaient une connaissance pertinente des conditions récentes. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un échantillon exhaustif, la diversité des âges, des sexes, des régions, des classes sociales et des origines des personnes interrogées reflète les opinions générales des personnes qui ont fui le pays à cette époque.
Les récits concordent avec les conclusions du rapport publié en mars 2024 par Human Rights Watch, intitulé « “A Sense of Terror Stronger than a Bullet”: The Closing of North Korea 2018-2023 » (« “Un sentiment de terreur plus fort qu'une balle” : La fermeture de la Corée du Nord en 2018-2023 »). Human Rights Watch a constaté que pendant la pandémie de Covid-19, la Corée du Nord a mis en place des mesures excessives et inutiles qui ont accru l’isolement du pays, ainsi que la répression à l’encontre des citoyens. Les restrictions imposées aux personnes qui souhaitaient quitter la Corée du Nord lors de la pandémie de Covid-19, y compris l’ordre donné aux gardes-frontières de « tirer à vue » sur toute personne tentant de quitter le pays par sa frontière nord sans autorisation, ont rendu toute tentative de fuite presque impossible. Ces mesures ont également porté préjudice à l’économie, et érodé les droits sociaux et économiques.
Même avant la pandémie, la Corée du Nord était l’un des pays les plus répressifs et les plus isolés au monde, le gouvernement y contrôlant sévèrement l’information, les déplacements et la vie quotidienne. Des décennies de politiques gouvernementales privilégiant la militarisation et les programmes d’armement au détriment de la protection sociale ont laissé la population de la Corée du Nord, l’un des pays les plus pauvres du monde, en proie à une insécurité alimentaire chronique et à une malnutrition généralisée.
Un ex-pêcheur originaire d’une région reculée de la Corée du Nord a fourni ce témoignage : « Les mesures gouvernementales contre le Covid-19 m’ont bloqué l’accès à la mer, alors j’ai décidé de m’échapper… [Fin 2020,] quelques personnes sont allées [pêcher]… mais l’une d’elles s’est fait prendre ». Il a ajouté que les autorités locales avaient cloué une feuille sur la porte de la maison de ce pécheur, avec l’inscription : « Traitre - N’approchez pas ». Il a ajouté que les autorités avaient envoyé le pêcheur capturé dans un camp de travaux forcés de longue durée (« kyohwaso », ou « centre de rééducation par le travail »).
Les personnes interrogées ont évoqué la répression accrue, le climat de peur et le contrôle idéologique subi en Corée du Nord. Plusieurs d’entre elles ont aussi indiqué que le nombre d’exécutions publiques a augmenté depuis 2020. Kim Il Hyuk, un négociant en riz de la province du Hwanghae du Sud qui a quitté la Corée du Nord en mai 2023, a déclaré n’avoir vu aucune exécution entre 2012 et 2019, mais que cela avait changé en 2020. « J’ai vu des gens se faire tirer dessus tous les deux mois en 2020 », a-t-il déclaré. « En 2022 et 2023, il y a eu trois exécutions par peloton d’exécution tous les deux mois. »
Les restrictions renforcées imposées par le gouvernement nord-coréen après 2020, s’ajoutant au strict contrôle de la population dans un climat de peur, ont aggravé la situation déjà abjecte des droits humains, ont observé Human Rights Watch et TJWG. Les nombreuses mesures gouvernementales ont inversé la tendance des années précédentes, lors desquelles un léger relâchement du contrôle gouvernemental avait conduit à des commerces transfrontaliers informels, certaines activités de marché privé non réglementées, des déplacements à l’intérieur du pays sans obtention préalable d’un permis, ainsi que l’accès dans certains cas à des médias étrangers non autorisés.
La Corée du Nord continue de rejeter les preuves accablantes de ses violations systématiques des droits humains. En novembre 2024, au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, un représentant de ce pays a dénoncé une résolution concernant les droits humains en Corée du Nord, en tant que « provocation politique ». Dans sa réponse officielle à l’Examen périodique universel de l’ONU au sujet de la Corée du Nord, son gouvernement a revendiqué des « résultats remarquables » quant au respect des droits humains, tout en mettant l’accent sur ses mesures contre le Covid-19. Cependant, sous le règne de Kim Jong-un, le gouvernement nord-coréen est devenu de plus en plus sensible aux critiques sur son bilan en matière de droits humains.
Dans le même temps, des organisations nord-coréennes de défense des droits humains travaillant à l’extérieur du pays sont confrontées à de graves réductions de financement. Les gouvernements préoccupés devraient soutenir ces organisations qui visent à élargir l’accès à des informations indépendantes, soutenir les Nord-Coréens ayant fui le pays, documenter les abus et plaider en faveur de la justice.
Lors de sa 58ème session qui en cours, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU devrait renouveler le mandat de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme en Corée du Nord, et actualiser le mandat du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à l’égard de l’obligation de rendre des comptes pour les graves abus en Corée du Nord. Le Conseil devrait adopter une résolution exigeant une enquête plus approfondie sur les liens entre la militarisation en Corée du Nord, dont le secteur de l’armement est en croissance, et les violations des droits humains dans ce pays.
« Le gouvernement nord-coréen a exploité la pandémie de Covid-19 pour durcir son contrôle sur la population et ses mesures répressives, laissant des gens mourir de faim tout en renforçant son emprise sur le pouvoir », a déclaré Lina Yoon, chercheuse senior sur la péninsule coréenne à Human Rights Watch. « La communauté internationale devrait faire pression pour que les responsables rendent des comptes, et soutenir résolument les organisations qui œuvrent à la protection des droits des Nord-Coréens. »
Suite détaillée, comprenant des témoignages : en ligne en anglais.
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