06.11.2024 à 17:19
DOSSIER- PROCÈS DES VIOLS DE MAZAN : Le violeur, c’est l’homme ordinaire
Le Journal de l'insoumission n°1790, novembre 2024, par Anaïs Delaunay
Le procès des viols dits « de Mazan » s’est ouvert ce 2 septembre, générant une vague de colère, d’indignation et de soutien, bousculant de nouveau la société sept ans après #MeToo.
En réalité, pas grand-chose. Mazan, c’est ce que nous disent les féministes depuis longtemps, dans l’indifférence générale.
Derrière les viols de Mazan se dessine tout le continuum des violences sexistes et sexuelles. Partie d’un « simple » signalement d’un vigile de supermarché, l’interpellation de Dominique Pelicot pour avoir filmé sous les jupes de clientes va ainsi mettre fin à dix ans de viols. Dix ans pendant lesquels il a soumis chimiquement sa femme et proposé à des inconnus de la violer sur un forum en ligne.
Les viols de Mazan jettent une lumière crue sur l’étendue de la culture du viol. Ce n’est pas seulement le procès de Dominique Pelicot, mais aussi de 51 violeurs identifiés, parmi 72 hommes recensés. Tous des hommes ordinaires, de 26 à 71 ans. Pompier, militaire, gardien de prison, infirmier, journaliste, chauffeur routier, conseiller municipal… Ces « messieurs tout le monde » nous rappellent que les monstres n’existent pas, que les violences sexistes et sexuelles sont bien systémiques, et n’épargnent aucune catégorie de la société.
Les viols de Mazan, c’est un système de solidarité patriarcale qui permet aux hommes de continuer à violer en toute impunité. Selon Dominique Pelicot, 7 hommes sur 10 ont accepté, les 3 autres n’ont rien dit, n’ont pas dénoncé, se rendant ainsi complices.
Derrière les « Not All Men » niant le rôle structurant de la misogynie et du patriarcat, ce procès nous rappelle que 98 % des auteurs présumés de violences sexuelles sont des hommes, socialisés à réifier et violenter les femmes. Qu’en France, selon le Gouvernement, 217 000 femmes sont victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles par an. Que 9 victimes sur 10 de viols ou tentatives de viols connaissaient leur agresseur, et que dans près de la moitié des cas, c’est le conjoint ou l’ex-conjoint qui est l’auteur des faits.
Et j’ai cessé de t’appeler papa, Caroline Darian, fille de Dominique et Gisèle Pelicot, éd. Lattes,avril 2022
La levée du huis clos met également en lumière toute la violence du système judiciaire. Gisèle Pelicot elle-même dénonce les soupçons de complicité à son égard, affirme se sentir humiliée depuis son arrivée dans la salle d’audience et comprendre pourquoi les victimes ne portent pas plainte.
Le procès de Mazan rouvre ainsi le débat sur les pistes d’amélioration du traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles. Il nous rappelle qu’en France, moins de 10 % des victimes portent plainte, 80 % des plaintes sont classées sans suite et seuls 0,6 % des viols aboutissent à une condamnation. Lorsqu’il y a procès, c’est au prix de violences redoublées pour les victimes, qui sont culpabilisées et dont les besoins et psychotraumatismes sont ignorés.
Parmi ces pistes, et afin de sortir de la logique de « présomption de consentement », Sarah Legrain, députée LFI-NFP de Paris a redéposé sa proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol, tombée suite à la dissolution de l’Assemblée nationale.
Gisèle Pelicot a refusé le huis clos pour que cette affaire ne soit pas jugée à l’abri des regards. Elle souhaite que l’on sache ce qu’elle a vécu, pour que cela ne se reproduise plus, et que la honte change véritablement de camp. Avec la levée du huis clos, ce procès devient alors celui de toute une société imprégnée par la culture du viol, confrontée à sa propre responsabilité.
©Aline Dessine
Depuis le début du procès, des centaines de femmes sont venues soutenir Gisèle au tribunal d’Avignon par solidarité. Des dizaines de manifestations ont été organisées et sont prévues encore partout en France, en soutien à Gisèle et toutes les victimes de violences sexuelles, les 14 septembre et 19 octobre. Des milliers de tweets et d’articles analysent le procès, jour après jour, pour y détailler les faits, les questions posées à la victime, les arguments de la défense, la négation des faits par les accusés, et dénoncer ce qu’ils disent de notre loi, notre justice et notre société. De nombreuses tribunes féministes ont été rédigées pour rappeler que le rôle de la justice est de juger les violeurs, non les victimes, et demander une loi-cadre intégrale contre les violences.
Ce n’est donc pas un procès comme les autres. Non pas parce qu’il serait extraordinaire ou « hors norme », mais par l’onde de choc qu’il provoque. Parce qu’il nous invite à questionner notre aveuglement complice, notre silence coupable. Celui des médecins, qui n’ont pas su repérer et alerter, malgré les nombreux examens médicaux. Celui des réseaux sociaux, qui se repaissent de détails sordides et sensationnels. Celui des médias, qui invitent Caroline Fourest sur leurs plateaux pour nous expliquer que « #MeToo va trop loin ». Celui des politiques d’austérité d’Emmanuel Macron, qui ont fait baisser le budget octroyé par femme victime de violences.
Pour lutter contre la culture du viol et les violences faites aux femmes, La France insoumise a formulé de nombreuses propositions dans des amendements, son livret Égalité femmes-hommes et son plan pour mettre fin aux féminicides.
Chaque année, ses député·es mènent la bataille budgétaire pour obtenir les 2,6 milliards d’euros demandés par les associations féministes. Les objectifs sont simples :
06.11.2024 à 16:53
RÉSISTANCES : MARTINIQUE Vie chère, accaparement des richesses et système colonial
Le Journal de l'insoumission n°1790, novembre 2024, par Anthony Brondel
En Martinique, la mobilisation populaire contre la vie chère s’intensifie et prend des proportions insurrectionnelles. L’installation du couvre-feu n’y aura rien fait. Les incendies et pillages se multiplient. L’aéroport et les écoles ont été fermés. On dénombre au moins 3 morts en marge des manifestations. Face à la vie chère, aucune proposition n’émane du gouvernement sinon l’envoi de renforts supplémentaires.
Comme en France, la Martinique a subi l’inflation mais de manière démultipliée. 90 % des produits consommés y sont importés, avec des intermédiaires qui se gavent à chaque étape. Résultat : le coût de l’alimentation en Martinique dépasse celui de l’hexagone de plus de 40 % selon l’INSEE.
Parmi les produits les plus impactés par ces hausses de prix, les produits de première nécessité, comme la nourriture, l’hygiène mais aussi l’eau (avec une variation de prix allant au-delà des + 200 %). L’eau du robinet n’est pas de bonne qualité car polluée à la chlordécone, un pesticide utilisé dans les bananeraies. La Martinique détient le « record » du monde du cancer de la prostate.
Pour prendre la mesure des écarts de prix le site internet kiprix.com compare les prix des produits de base de la Martinique avec ceux de la France hexagonale.
Plutôt que d’agir pour limiter les marges et baisser les prix, comme l’a proposé la France insoumise dans une proposition de loi le 17 octobre 2023, le gouvernement décide de réprimer la population. Le préfet de Martinique a décidé d’interdire toute manifestation, de mettre un couvre-feu depuis le 18 septembre et d’envoyer les CRS dans certaines zones de l’île, une première depuis 1959. La situation est d’autant plus explosive qu’en Martinique le taux de pauvreté est de 27,4 % (contre 13,6 % en France hexagonale).
Les Békés, descendants des colons esclavagistes ont gardé la mainmise sur l’économie de l’île. Ils contrôlent la production, la distribution et les circuits d’importation et bénéficient de relais puissants au cœur de l’État. Les monopoles et oligopoles des békés conduisent à des prix de vente disproportionnés et complètement injustifiables, qui ne sont pas fondés sur les coûts de production.
L’une des plus importantes familles békées est la famille Hayot. Yves Hayot était l’ancien directeur général de l’entreprise Lagarrigue qui a notamment commercialisé la chlordécone. Son frère Bernard, est la 1e fortune des Antilles françaises. À la tête du groupe éponyme GBH, premier employeur de l’île, il détient plusieurs grandes enseignes de supermarchés, de vente et location de voitures, d’entreprise de Rhums, etc. dans des positions de quasi-monopole.
En réprimant le mouvement social martiniquais contre la vie chère, plutôt que d’encadrer les marges, ce sont les intérêts des békés que le gouvernement protège plutôt que ceux de la population.
Un reportage de Romain Bolzinger en 2008 décrivait ce système de domination colonial et raciste.
Dans ce reportage, on retrouve Michel Barnier, l’actuel Premier ministre, qui avait accepté, alors qu’il était à la tête du ministère de l’Agriculture, l’organisation d’une réunion avec les pays producteurs de bananes, à l’initiative des békés, puis avait défendu leur position auprès de la Commission européenne.
06.11.2024 à 16:40
ÉDITO : LE RN EST UNE SUPERCHERIE !
par Séverine Véziès - Le Journal de l'insoumission n°1790 novembre 2024
Pour celleux qui suivent de près l’actualité politique, ce n’est pas une nouvelle, le Rassemblement national n’est qu’une arnaque au service du bloc bourgeois. Loin des postures de communication et des grandes annonces et au-delà de ses fondations xénophobes et racistes, le RN est foncièrement antisocial, climatosceptique, autoritaire, homophobe, contre les droits des femmes et les libertés publiques.
À l’international ou en Europe, là où l’extrême droite gouverne, le constat est flagrant. En France, après avoir sauvé la peau de Macron, en votant contre la motion de destitution déposée par les insoumis·es, puis la peau du gouvernement Barnier en votant contre la motion de censure du NFP, lors des débats autour du Projet de Loi de Finances (PLF) et du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS), le RN a pris la tête de la ligne de défense du bloc bourgeois.
En commission des finances, le NFP a fait la preuve qu’un autre budget était possible. M. Barnier cherche 60 milliards d’économies, le NFP lui trouve 60 milliards de recettes supplémentaires. Comment ? En allant les chercher chez les plus riches et notamment chez celleux qui possèdent 45% du patrimoine du pays et qui ont vu leur patrimoine doublé en 7 ans. Merci Macron.
Alors que la macronie se désagrège et déserte les bancs de l’Assemblée, les député·es du RN sont à la rescousse pour s’opposer à toutes les mesures de justice sociale et fiscale portées par le Nouveau Front Populaire : rétablissement et renforcement de l’ISF, augmentation de la flat-tax, instauration d’une taxe de 2% sur la partie des patrimoines supérieure à 1 milliard d’euros (taxe Zucman),
c’est-à-dire une minorité d’ultra riches imposée à moins de 25 % de leur fortune… En commission des affaires sociales, le RN s’oppose par deux fois à l’amendement insoumis au PLFSS visant à abroger la réforme des retraites.
Inexorablement, la macronie se fond dans cet ensemble politique, que l’extrême droite domine de plus en plus, au service de la défense des intérêts de classe du bloc bourgeois. Pour ce faire, celui-ci lui offre tribunes politique, médiatique et intellectuelle. L’histoire nous l’enseigne : face à une crise et à une potentielle remise en cause de ses privilèges le bloc bourgeois s’allie avec l’extrême droite. Ces faits sont documentés. L’historien Yohan Chapoutot, spécialiste du nazisme et de l’Allemagne, rappelle le rôle joué par des industriels, des banquiers, des propriétaires terriens dans l’accession au pouvoir d’Hitler. Un choix qu’il décrit comme étant « totalement pragmatique » motivé aussi par la peur d’une « révolution communiste ».
Depuis 1930, la droite conservatrice allemande qu’incarne le président Paul Von Hindenburg gouvernait par décret-loi car sans majorité au Parlement. Ce mode de gouvernance contre le Parlement ne pouvant durer et voyant sa base partisane se réduire à peau chagrin, Hindenburg s’abandonne alors, lui et son pays, à la main des nazis, dont Franz von Papen, ex-chancelier de la droite catholique nationaliste, vantera le potentiel électoral, l’appareil militant et les forces miliciennes à même de rétablir un rapport de force favorable aux intérêts de la classe bourgeoise. L’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 résulte d’une sorte de communauté d’intérêt : « une angoisse civilisationnelle vis-à-vis du communisme, une peur culturelle que partagent pleinement les nazis et les autres droites européennes. »
Ne pas tirer les leçons de l’histoire, amène à la voir se répéter. Cet automne, en France, est apparue au grand jour la véritable polarisation des forces politiques dans le pays : l’extrême droite à la tête du bloc bourgeois ou le Nouveau Front Populaire à la tête du bloc progressiste et populaire, portant un programme de rupture clair à même de donner des perspectives d’espoir aux millions de personnes qui n’en peuvent plus. Mais l’enjeu n’est pas seulement national, partout dans le monde les forces réactionnaires s’allient afin de préserver l’ordre établi d’un capitalisme en crise. La France dans sa vocation universelle doit ouvrir la voie d’un nouvel ordre humaniste, de solidarité, de partage et de paix, respectueux de notre écosystème. La lutte contre l’extrême droite est non seulement une lutte antiraciste mais elle est aussi une lutte de classe. À nous de rassembler toutes celleux qui en souffrent et qui bien trop souvent, par résignation et lassitude, rejoignent le camp des abstentionnistes.