04.03.2025 à 07:00
Derrière la tronçonneuse de Musk, la guerre fiscale des milliardaires
Derrière les attaques spectaculaires d'Elon Musk contre les agences fédérales américaines, une autre bataille se prépare en coulisses : celle de l'extension des baisses d'impôts imposées par Trump en 2017, avec à la clé un coût astronomique pour les finances publiques américaines, et une cure d'austérité beaucoup plus drastique qui affecterait l'ensemble de la population.
En Europe, les assauts d'Elon Musk et de son DOGE contre les agences fédérales américaines occupent régulièrement la (…)
Derrière les attaques spectaculaires d'Elon Musk contre les agences fédérales américaines, une autre bataille se prépare en coulisses : celle de l'extension des baisses d'impôts imposées par Trump en 2017, avec à la clé un coût astronomique pour les finances publiques américaines, et une cure d'austérité beaucoup plus drastique qui affecterait l'ensemble de la population. En Europe, les assauts d'Elon Musk et de son DOGE contre les agences fédérales américaines occupent régulièrement la une des médias depuis l'inauguration de Donald Trump. Si, chez la plupart, ses annonces choc, sa stratégie de désinformation et ses menaces contre les fonctionnaires provoquent l'affolement, une minorité rêve que le même traitement soit appliqué un jour à la France. Mais derrière les attaques idéologiques contre USAID et les administrations chargées du climat ou de la lutte contre les discriminations, cibles privilégiées de l'extrême-droite au pouvoir, il y a aussi une autre bataille, de plus grande ampleur en termes financiers, qui se joue. « Dans l'immédiat, notre équipe voit dans le nouveau département de l'efficacité gouvernementale - plus connu sous le nom de DOGE - une réelle opportunité de réduire la sur-réglementation et le gaspillage. » C'est ainsi que le groupe de pression Americans for Prosperity (AFP) envisage les actions d'Elon Musk et de ses sbires : comme une opportunité de réduire drastiquement les dépenses publiques [1]. Pour AFP et les milliardaires qui le financent, il y a urgence. À la fin de l'année 2025, plusieurs mesures d'exemptions fiscales prises par la première administration Trump avec la loi « Tax Cuts and Jobs Act » ou TCJA de 2017 sont censées prendre fin. Americans for Prosperity, une organisation fondée par les frères Koch, multi-milliardaires libertariens, est sur le pied de guerre pour obtenir leur prolongation. Une prolongation dont le coût pour les finances publiques, ajouté à d'autres promesses fiscales de Donald Trump, pourrait s'élever à plus de 4 500 milliards de dollars sur dix ans. Le TCJA est sans doute l'une des principales réalisations du premier mandat de Donald Trump. Ce paquet historique de réductions fiscales a baissé les taux d'imposition pour les sociétés (de 35 à 21 %) et pour les particuliers, augmenté divers crédits d'impôt, ou encore relevé le plafond pour être soumis à l'impôt sur les successions (de 5,6 à 11,2 millions de dollars, ou 22,4 millions pour un couple marié). Les grandes fortunes avaient mobilisé d'importants moyens d'influence pour faire adopter cette législation. Les frères Koch auraient dépensé plus de 20 millions de dollars à travers leurs think tanks et autres groupes de lobbying pour promouvoir la réforme. Cet investissement s'est révélé plus que rentable puisque, selon les calculs de l'organisation Americans for Tax Fairness, en 2018, les Koch pouvaient espérer économiser entre 1 et 1,4 milliard de dollars par an grâce au TCJA. Selon le Center for Budget and Policies Priorities, si une majorité d'États-Uniens a effectivement vu ses impôts sur le revenu baisser, ce sont les ménages les plus riches, et en particulier les 1 % les plus fortunés, qui ont le plus bénéficié de cette réforme fiscale. Des chercheurs ont aussi analysé les impacts macro-économiques du TCJA, pour en conclure que si certaines entreprises ont réinvesti une partie de l'argent économisé, elles s'en sont aussi largement servi pour des opérations de rachat d'actions, et que les hausses de croissance et de salaire promises ont été moins importantes qu'annoncé. Au final, aucun des effets positifs sur l'économie ne compense l'aggravation du déficit budgétaire causé par ces pertes de revenu massives. La fin d'une partie des baisses d'impôts du TCJA étant prévue pour fin 2025, le sujet a évidemment été au cœur de la récente campagne électorale. La candidate démocrate Kamala Harris proposait ainsi de limiter les exemptions fiscales aux personnes gagnant moins de 400 000 dollars par an. Avec l'idée de préserver la classe moyenne, tout en limitant le déficit grâce à la taxation des plus hauts revenus. De son côté, Donald Trump veut non seulement pérenniser sa loi sur les baisses d'impôts, mais aller encore plus loin en y ajoutant de nouvelles exemptions fiscales (sur les pourboires, les heures supplémentaires et les versements de la sécurité sociale) et en baissant encore davantage le taux de l'impôt sur les sociétés, de 21 à 15 %. Son élection est donc une première victoire pour les grandes fortunes qui veulent préserver leurs avantages fiscaux. Cependant, le retour de Trump à la Maison Blanche ne suffira pas. D'une part, parce que ces mesures doivent être adoptées par le Sénat et la Chambre des représentants, et d'autre part, parce que la « générosité » du nouveau président a un coût qui risque d'être insupportable pour les finances publiques : au moins 4 500 milliards de dollars sur les dix prochaines années. Pour compenser, il serait absolument nécessaire de sabrer dans les dépenses. Le 12 février dernier, la commission du budget de la Chambre des représentants a adopté un plan appelant à 2000 milliards de dollars de coupes dans le budget fédéral. Le gel des activités d'USAID, l'agence de développement des États-Unis au budget annuel d'environ 50 milliards de dollars, sera donc très, très loin de suffire. Les Républicains envisagent notamment des coupes dans Medicaid, le programme qui permet de fournir une assurance maladie aux personnes à faibles revenus. Mais il concerne des millions d'Américains et il ne sera pas si facile de le sacrifier. L'agitation et les outrances d'Elon Musk et de son DOGE, dans la logique de « submersion des médias » théorisée par Steve Bannon, sert à diffuser l'idée que l'État fédéral gaspille l'argent public et que c'est pour cette raison qu'il est indispensable de couper drastiquement dans les dépenses fédérales. En parallèle, comme en en 2017, les milliardaires et leurs think tanks se sont lancés dans la « bataille des idées ». Americans for Prosperity (AFP) a engagé une campagne à 20 millions de dollars pour pousser un narratif positif autour des exemptions fiscales, en axant leurs messages sur la protection des petites entreprises et des familles qui travaillent dur (« small businesses and hard working families ») – quand bien même les études d'impact montrent que ce ne sont pas eux qui bénéficient le plus du Tax Cuts and Job Act de 2017. Pour écraser tout débat sur la justice fiscale et la répartition de la charge de l'impôt, AFP prévoit du lobbying classique, avec un objectif de 1500 rendez-vous avec des responsables au Capitole, mais aussi une campagne de terrain avec du porte à porte, des appels téléphoniques et des actions en ligne, une forte couverture médiatique, et enfin un ciblage particulier des populations latinos, perçues comme pouvant devenir des alliées. Le but : convaincre le grand public de défendre une loi qui profite de manière disproportionnée aux plus riches. Outre les frères Koch, AFP est financé par diverses fondations et entreprises d'autres milliardaires conservateurs comme la famille DeVos, propriétaires de la multinationale Amway. L'héritière du deuxième fondateur de Amway, Barbara Van Andel-Gaby, est de son côté présidente de la Heritage Foundation, think tank ultra-influent à l'origine du « Project 2025 » (lire notre article) qui défend lui aussi les bienfaits du Tax Cuts and Job Act. Son époux, Richard Gaby, siège quant à lui au conseil d'administration du Club for Growth, un think tank également mobilisé pour pérenniser les exemptions fiscales de 2017. Ce « club » a reçu des millions de dollars des milliardaires Richard Uihlein et Jeff Yass. Selon le média Propublica, la famille Uihlein aurait bénéficié de 215 millions de dollars de déductions fiscales grâce au TCJA rien qu'en 2018. Richard Uihlen et sa femme sont également de généreux financeurs du parti Républicain, à qui ils donnent des millions de dollars à chaque cycle électoral. La future réforme fiscale de Donald Trump devra nécessairement passer par le Sénat et la Chambre des représentants, et les élus risquent donc de faire face à des choix compliqués. Avec la pression d'un gouvernement de milliardaires pour maintenir de coûteuses baisses d'impôts d'un côté, et de l'autre pour augmenter certaines dépenses comme celles allouées à la défense des frontières, les arbitrages pour limiter l'envolée du déficit seront complexes. Et pourraient bien les amener à imposer une douloureuse cure d'austérité dans les programmes qui concernent vraiment, cette fois ci, les « Américains qui travaillent dur ». De quoi provoquer de houleux débats dans les mois à venir, aux conséquences probablement plus profondes et durables que l'agitation actuelle du DOGE d'Elon Musk. Ces débats font aussi écho aux discussions budgétaires en France, où les cadeaux fiscaux faits aux entreprises et aux plus riches ces dernières années (baisse du taux des impôts sur les sociétés, exonérations de cotisations, flat tax, suppression de l'ISF…) ont également eu un coût pour les finances publiques, que certains voudraient amortir en s'attaquant aux dépenses. Cette approche, privilégiée à droite de l'échiquier politique, est aussi férocement défendue dans les médias et sur les réseaux sociaux par certains des think tanks et associations françaises liées au réseau Atlas (cf. notre enquête). L'Ifrap – dont les instances sont trustées par des grandes fortunes – appelle à des réductions « choc » des dépenses publiques, tout en s'opposant, par exemple, à la taxation des cent-millionnaires. De son côté, Contribuables associés, version française des « taxpayers associations » que l'on retrouve notamment aux États-Unis, rêve d'un Elon Musk en France, après avoir passé des années à faire de la suppression de l'ISF l'un de ses combats. La guerre fiscale qui va se jouer en 2025 outre-Atlantique, et les conséquences qu'elle aura sur les inégalités et la pauvreté pourraient bientôt trouver leur pendant en France. [1] La citation est extraite d'un mémo de 8 pages rendu public par le Guardian, dans lequel l'AFP explique sa stratégie pour prolognger les « tax cuts ». Texte intégral 2109 mots
Le TCJA, « opportunité d'une génération » pour les plus riches
Offensive au Congrès et « bataille des idées »
Gouvernement des milliardaires
13.02.2025 à 23:18
Trust et antitrust : une guerre de cent ans toujours en cours
1901. Dans la lignée des empires économiques construits autour du chemin de fer, industriels, banquiers de Wall Street et avocats d'affaires orchestrent la création aux États-Unis d'immenses monopoles dans des secteurs comme l'acier, l'électricité, les télécommunications, le tabac ou encore la viande, en mesure d'étouffer toute concurrence et d'imposer leurs tarifs et leurs pratiques aux petites entreprises et aux consommateurs. La contestation monte et finit par atteindre le Congrès et la (…)
- Multinationales. Une histoire du monde contemporain / American Tobacco, JP Morgan Chase, Swift, General Electric, États-Unis, Concentration et oligopoles, consommateurs, concurrence, normes et régulations, pouvoir des entreprises, Standard Oil, US Steel1901. Dans la lignée des empires économiques construits autour du chemin de fer, industriels, banquiers de Wall Street et avocats d'affaires orchestrent la création aux États-Unis d'immenses monopoles dans des secteurs comme l'acier, l'électricité, les télécommunications, le tabac ou encore la viande, en mesure d'étouffer toute concurrence et d'imposer leurs tarifs et leurs pratiques aux petites entreprises et aux consommateurs. La contestation monte et finit par atteindre le Congrès et la Maison Blanche. Extrait du livre Multinationales. Une histoire du monde contemporain (La Découverte, 2025). La seconde moitié du XIXe siècle a vu l'essor spectaculaire, aux États-Unis, de grandes entreprises qui se taillent d'immenses empires économiques à la faveur de l'expansion vers l'Ouest et de l'industrialisation. Mais la grogne monte dans le pays au même rythme que s'amassent les fortunes colossales des « barons voleurs », qui étranglent leurs concurrents et mettent sous leur coupe les petits producteurs. Le mouvement d'opposition aux nouveaux monopoles remporte une victoire en 1890 avec l'adoption du Sherman Act, première loi antitrust au monde, mais rien ne semble pouvoir arrêter le mouvement de concentration, qui se poursuit et s'étend à de nouveaux secteurs économiques. En 1901, la tension est à son comble. D'un côté, le banquier J. P. Morgan couronne sa carrière de bâtisseur de monopoles en orchestrant la fusion des actifs sidérurgiques d'Andrew Carnegie et de plusieurs de ses concurrents au sein de US Steel, nouveau géant de l'acier. De l'autre, le nouveau président Theodore Roosevelt se présente volontiers comme un trustbuster, un « pourfendeur de trusts ». Le locataire de la Maison Blanche ordonne des enquêtes sur les pratiques de ce même J. P. Morgan, puis sur la Standard Oil et l'American Tobacco Company, qui débouchent quelques années plus tard sur leur scission forcée. La bataille entre trusts et antitrusts ne fait que commencer. Avec le déplacement progressif de la frontière vers l'ouest, jusqu'au Pacifique, les États-Unis entament dans la seconde moitié du XIXe siècle leur intégration économique. Le pays est aussi grand qu'un continent, et les besoins sont immenses. En 1860, le contrat de construction de la première ligne de télégraphe transcontinentale est confié à Western Union. En 1862, Abraham Lincoln signe la loi qui rend possible la construction du chemin de fer transcontinental, achevé en 1869. Dans le même temps, les capitaux affluent d'Europe, de même que des vagues successives de migrants, bientôt venus aussi d'Asie, qui fournissent une main-d'œuvre corvéable à merci. C'est dans ce contexte favorable que naissent des empires industriels dont certains continueront à dominer l'économie étatsunienne, puis mondiale, jusqu'au XXIe siècle. John D. Rockefeller et le cabinet d'avocats d'affaires qui le conseille, Sullivan & Cromwell, loge ses différentes participations dans une société holding, sous la forme juridique d'une fiducie ("trust" en anglais), localisée dans le New Jersey. Les premiers monopoles se forment à l'échelle régionale, autour du télégraphe ou du transport par bateau, puis dans les chemins de fer. Après la multiplication de petites lignes commence une période de consolidation, grandement aidée par les fortunes que se sont assurées certains hommes d'affaires durant la guerre de Sécession (1861‑1865). Les compagnies ferroviaires nouent tout d'abord des accords informels pour tenter de réduire la compétition et maintenir les tarifs à un niveau élevé. Ces ententes cèdent bientôt la place à des prises de contrôle formelles. À l'époque, il est encore impossible légalement de construire des groupes économiques qui dépassent les frontières des États fédérés. John D. Rockefeller et le cabinet d'avocats d'affaires qui le conseille, Sullivan & Cromwell, trouvent la parade en 1882 en logeant ses différentes participations dans une société holding, sous la forme juridique d'une fiducie (trust en anglais, d'où le nom qui restera), localisée dans le New Jersey. Durant toutes ces années, le rail est le principal véhicule de la monopolisation. La Standard Oil de John D. Rockefeller tire une grande partie de sa puissance grâce au contrôle du transport du pétrole. À Chicago, c'est grâce à sa flotte de wagons réfrigérés que Cornelius Swift construit un empire de la viande. Andrew Carnegie bâtit sa fortune sur le contrôle de l'acier, dont l'industrie ferroviaire est si vorace. Qui contrôle le principal mode de transport des marchandises dans cet immense pays contrôle tout le reste de l'économie. Et peut imposer des tarifs prohibitifs à des clients qui n'ont pas d'autre choix que de les accepter. Le secteur agricole qui se développe dans les États du Sud et du Midwest est extrêmement dépendant du train pour écouler sa production. Les agriculteurs de ces régions ne sont en outre généralement desservis que par une compagnie unique en position de monopole, détenue par des industriels basés dans le Nord-Est ou en Californie. C'est de ce côté qu'émerge la contestation la plus précoce et la plus virulente du pouvoir des trusts. Les années 1870 et 1880 sont une époque d'intense mobilisation dans les zones rurales des États-Unis, nourrie d'une tradition de républicanisme agraire, la « démocratie jeffersonienne ». Le mouvement agrarien de La Grange, qui revendique un temps plusieurs centaines de milliers d'adhérents, cible les grandes compagnies de chemins de fer, et obtient des lois régulant les tarifs de fret ferroviaire dans plusieurs États comme l'Illinois, l'Iowa ou le Wisconsin. À l'initiative d'élus du Midwest et du Sud, le Congrès lance des commissions d'enquête sur les trusts et leurs pratiques, et adopte les premières lois antitrust. Le mouvement d'opposition aux monopoles atteint finalement la capitale fédérale. À l'initiative d'élus du Midwest et du Sud, le Congrès lance des commissions d'enquête sur les trusts et leurs pratiques, et adopte successivement deux lois historiques. L'Interstate Commerce Act de 1887 interdit les discriminations tarifaires en matière de transport ferroviaire et pose le principe que les prix doivent être « raisonnables et justes ». Le Sherman Act de 1890 s'attaque au pouvoir de monopole de certaines entreprises : les multiples manières dont certains empires industriels peuvent entraver le commerce d'autres acteurs économiques (à leurs concurrents par exemple), ou en dicter unilatéralement les conditions à leur profit. Sur le papier, ces deux législations ciblent la source même de la fortune d'entreprises comme Standard Oil, Swift & Co ou Carnegie Steel. Mais, fruits de compromis politiques difficiles, elles n'ont pas créé les outils nécessaires pour concrétiser leurs objectifs. La loi de 1887 met bien en place une commission de régulation, mais elle est dénuée de pouvoir. Quant au Sherman Act, il ne prévoit pas de sanctions administratives et confie le soin de sa mise en œuvre au Département de la Justice, qui, en cette décennie 1890, préfère ne rien faire. Parce que le débat démocratique mérite mieux que la com' du CAC 40. À court terme, les nouvelles législations n'ont donc que des effets très modestes, d'autant que, dans le même temps, le droit et la jurisprudence évoluent en un sens de plus en plus favorable aux grandes entreprises. En 1895, la Cour suprême consacre une interprétation extrêmement restrictive du Sherman Act, qui est alors surtout utilisé pour poursuivre des actions syndicales sous prétexte qu'elles nuisent au commerce entre États. Par une série de décisions à la fin des années 1880 sur des affaires opposant des autorités locales à des sociétés ferroviaires ou minières, la même Cour entérine le principe selon lequel « les entreprises sont des personnes » (corporations are people) et ont droit aux mêmes protections que les individus face aux discriminations et face à l'administration. En 1889, le New Jersey, qui se distingue à l'époque par sa législation accommodante pour les affaires (ce rôle sera bientôt repris par le Delaware), adopte une nouvelle loi favorisant encore davantage l'enregistrement de trusts et de regroupements d'entreprises, une législation rapidement imitée par d'autres États. Malgré le Sherman Act, le mouvement de concentration se poursuit à vive allure et dépasse désormais le seul secteur des chemins de fer. Dans l'industrie du tabac, James B. Duke est le premier à généraliser les machines à fabriquer des cigarettes, qui augmentent le rythme de production et lui permettent de racheter ou écraser ses concurrents pour construire le quasi-monopole de l'American Tobacco Company. Swift & Co. (aujourd'hui racheté par le géant brésilien JBS) met à profit sa position dominante dans le transport réfrigéré pour étendre son empire aux entrepôts, aux abattoirs et à toute la filière bovine. L'élection en 1896 à la Maison Blanche du républicain William McKinley, qui met immédiatement en place des tarifs douaniers protectionnistes, marque le début d'une période de concentration euphorique. L'élection en 1896 à la Maison Blanche du républicain William McKinley, qui met immédiatement en place des tarifs douaniers protectionnistes pour favoriser le développement de l'industrie étatsunienne, marque le début d'une période de concentration euphorique. C'est de cette époque que date la création d'entreprises comme United Fruit (créée en 1899 par la fusion entre la Tropical Trading and Transport Company et sa rivale Boston Fruit), Quaker Oats dans l'agroalimentaire (né de la fusion de quatre firmes concurrentes en 1901, aujourd'hui filiale de PepsiCo) ou encore Amalgamated Copper dans le secteur minier (né en 1899 de la réunion autour d'Anaconda Copper, à l'initiative de John D. Rockefeller, des principales sociétés minières exploitant du cuivre). Wall Street joue un rôle central dans la création de ces nouveaux géants privés. J.P. Morgan, à lui seul, orchestre avec l'aide du cabinet Sullivan & Cromwell la création de General Electric en 1892, par réunion des entreprises de Thomas Edison avec le groupe Thomson-Houston, puis celle de US Steel en 1901, en regroupant l'entreprise sidérurgique de Carnegie avec plusieurs de ses concurrents, et celle de International Harvester en 1902 en fusionnant plusieurs compagnies de machines agricoles. En 1907, il prend le contrôle de AT&T et annonce son intention de racheter des firmes rivales, alors qu'il contrôle déjà la moitié du marché national du téléphone. Dans son livre The Truth about the Trusts (« la vérité sur les trusts »), l'analyste financier John Moody, fondateur de l'agence de crédit qui porte encore son nom, calcule en 1904 que Wall Street, au cours des années précédentes, a organisé le regroupement de 8 664 entreprises au sein de 445 trusts, dont une bonne partie enregistrée dans le New Jersey. Résultat de cette frénésie : le front des adversaires des trusts s'élargit considérablement. Aux agriculteurs du Sud et du Midwest s'ajoutent désormais les petites entreprises écrasées par les monopoles, les rivaux déchus, et tous ceux qui subissent les hausses de prix qu'ils sont désormais en mesure d'imposer. Les syndicats, eux, sont mitigés : s'ils craignent la capacité accrue des patrons à jouer sur les divisions entre travailleurs, ils estiment aussi avoir plus de chances d'obtenir des succès face aux grandes entreprises. En 1901, au moment même où la vague de concentrations atteint son apogée avec la création de US Steel, un événement inattendu change la donne politique. William McKinley est assassiné par le militant anarchiste Leon Czolgosz, ce qui ouvre les portes de la Maison Blanche à son vice- président, Theodore Roosevelt, un représentant de l'aile progressiste du Parti républicain. S'il s'est surtout fait connaître par son enthousiasme pour la guerre menée contre l'Espagne à Cuba, Roosevelt fait de la lutte contre les abus des monopoles une priorité. Cette fois, le poids du pouvoir Dès 1902, une procédure est engagée contre le « trust du bœuf », un groupe de six entreprises dominé par Swift & Co. qui se partagent le marché de la viande et dont Chicago est la plaque tournante. Le premier à se retrouver dans le viseur est J.P. Morgan. Sur instruction de la Maison Blanche, le Procureur général des États-Unis engage en 1902 des poursuites dans le cadre du Sherman Act contre le financier qui vient de se liguer avec d'autres hommes d'affaires pour fusionner trois compagnies de chemins de fer du Midwest et former le monopole de la Northern Securities Company. En 1904, la Cour suprême tranche en faveur de Roosevelt, et les trois compagnies sont à nouveau séparées. Dès 1902 également, une autre procédure est engagée contre le « trust du bœuf », un groupe de six entreprises dominé par Swift & Co. qui se partagent le marché de la viande et dont Chicago est la plaque tournante. La Cour suprême confirme les sanctions en 1905. Conforté par ces succès, le président ordonne le lancement de poursuites contre la Standard Oil en 1906, et contre American Tobacco Company en 1907. Ces procédures sont lancées sur la base des enquêtes approfondies menées par une nouvelle entité créée en 1903 au sein de l'administration fédérale : le « Bureau of Corporations » (« bureau des grandes entreprises »). Dans les deux cas, la Cour suprême tranchera à nouveau en faveur du pouvoir exécutif, et imposera en 1911 le démantèlement partiel des empires bâtis par John D. Rockefeller et James B. Duke. Si Roosevelt soigne ainsi son image de trustbuster, il est aussi très politique dans le choix de ses cibles. Il n'est pas contre la concentration et les monopoles en soi, tant qu'ils sont mis au service de l'intérêt général et de la puissance des États-Unis. Ce qu'il veut éviter, c'est que des hommes d'affaires et des chefs d'entreprise deviennent suffisamment puissants pour échapper au contrôle du pouvoir politique. Il ne souhaite pas la disparition des trusts, mais une collaboration plus étroite entre l'État fédéral et les champions industriels. C'est la vision qu'il défend sous le nom de « nouveau nationalisme » quand il se représente à l'élection présidentielle en 1912 sous la casquette du Parti progressiste (les Républicains ayant préféré la candidature de Howard Taft). Durant la campagne, il ne manque pas une occasion de vilipender les puissances de l'argent. Mais il trouve face à lui un candidat démocrate qui incarne une vision très différente de l'antitrust : Woodrow Wilson. « Si le gouvernement entreprend de réguler le monopole, le monopole veillera en retour à réguler le gouvernement. » Wilson et la majorité démocrate qui arrive au pouvoir avec lui en 1913 héritent de la tradition contestataire des États du Sud et du Midwest. Critiques de la position de Roosevelt, qu'ils décrivent comme une simple « supervision des monopoles », ils entendent s'attaquer au mal à la racine. Ils n'ont aucune confiance dans le pouvoir exécutif ou les juges pour lutter efficacement contre les trusts, les jugeant trop susceptibles d'être influencés par les industriels. Comme le dit Wilson au cours de la campagne : « Si le gouvernement entreprend de réguler le monopole, le monopole veillera en retour à réguler le gouvernement. » Certains démocrates proposent même alors des nationalisations, ou bien de rétablir un système d'autorisation préalable de la constitution de grandes sociétés à capitaux par les pouvoirs publics. Le Clayton Act, finalement adopté en 1914, est une nouvelle solution de compromis. Il ne va pas jusqu'à interdire purement la constitution de monopoles, comme le souhaitaient certains démocrates. Le caractère éventuellement abusif d'un monopole doit être tranché au cas par cas. Mais, de manière plus précise que le Sherman Act, il cible et interdit un certain nombre de pratiques constitutives du pouvoir de monopole, comme la discrimination tarifaire ou encore les participations croisées entre entreprises au niveau du capital ou des conseils d'administration. La nouvelle législation prévoit aussi, contrairement à la précédente, la mise en place d'une administration spécifiquement chargée de veiller à sa mise en œuvre : la Federal Trade Commission (FTC, Commission fédérale du commerce). La dénonciation des monopoles ne se joue pas seulement à Washington. Elle se joue aussi dans l'opinion et au niveau du droit. La première décennie du XXe siècle aux États-Unis est une période de floraison du journalisme d'investigation. Les articles de magazines et les livres d'Ida Tarbell, d'Upton Sinclair et d'autres auteurs que l'on désigne bientôt du nom de muckrakers (littéralement, « râtisseurs de fange ») portent à la connaissance du public les abus de la Standard Oil et des géants de la viande, ainsi que la corruption des politiciens. En même temps émerge une nouvelle génération de militants et d'avocats soucieux de l'intérêt public, comme Louis Brandeis. Engagé au cours des décennies précédentes dans plusieurs batailles juridiques d'ampleur contre le pouvoir des grandes entreprises, Brandeis se fait connaître en défendant avec succès une loi de l'Oregon régulant les conditions de travail en s'appuyant pour la première fois sur un ensemble de documents d'expertise et d'études sociales prouvant l'utilité de la loi dans la vie réelle. Durant la campagne électorale de 1912, Brandeis conseille Woodrow Wilson et il est l'un des inspirateurs de la création de la FTC. Au grand dam des industriels et de leurs alliés, le président démocrate le nomme à la Cour suprême en 1916. La Cour suprême finit par trancher en 1911. La Standard Oil est divisée de force en trente-quatre sociétés différentes, sur une base régionale. Entre-temps, celle-ci a fini par trancher en 1911 les deux principales procédures antitrust initiées durant le second mandat de Roosevelt. La Standard Oil est divisée de force en trente-quatre sociétés différentes, sur une base régionale. Les principales sont la Standard Oil of New Jersey (futur Exxon), la Standard Oil of New York (futur Mobil), la Standard Oil of California (futur Chevron), la Standard Oil of Ohio (qui sera rachetée par BP) et la Standard Oil of Indiana (futur Amoco, rachetée elle aussi par BP). Les plus grosses d'entre elles rejoignent bientôt l'oligopole pétrolier qui sera connu plus tard sous le nom des « sept sœurs ». En outre, les intérêts capitalistiques de la famille Rockefeller dans chacune des sociétés sont préservés, et la scission a pour résultat de gonfler la valeur cumulée des actions détenues et de faire de John D. Rockefeller – alors retiré des affaires – l'homme le plus riche du monde. La Cour suprême répartit de manière similaire les actifs d'American Tobacco Company en quatre sociétés distinctes qui avaient été regroupées par James B. Duke – American Tobacco Company, R. J. Reynolds, Liggett & Myers, et Lorillard –, et l'oblige à revendre ses parts dans British American Tobacco, la coentreprise créée avec les Britanniques d'Imperial Tobacco pour conquérir les marchés internationaux. Dans les deux cas, les monopoles sont certes démantelés, mais ils ne font que céder la place à des entreprises dont beaucoup restent très grosses et qui forment immédiatement une sorte de cartel. On reste loin de la vision « jeffersonienne » d'une redistribution radicale du pouvoir économique. Dans le cas de AT&T, c'est une autre solution que la scission qui est trouvée en 1913 par l'administration et les dirigeants de l'entreprise. Dans le cadre d'un accord extrajudiciaire, l'État fédéral renonce à ses poursuites dans le cadre du Sherman Act à condition que le géant des télécommunications cède ses parts dans Western Union et qu'il laisse ses concurrents se connecter librement à son réseau de longue distance. La position monopolistique de AT&T se trouve confortée, à condition qu'elle serve l'intérêt public sous la supervision de l'administration. Dans les années 1950, les autorités forcent AT&T à donner librement accès à certains brevets qu'elle contrôle – une mesure qui joue un rôle important dans l'émergence de la Silicon Valley Ce n'est pas la dernière fois que les fonctionnaires antitrust s'attaquent à AT&T. Dans les années 1950, ils forcent l'entreprise à donner librement accès à certains brevets qu'elle contrôle – une mesure qui joue un rôle important dans l'émergence de la Silicon Valley. Lancée dans les années 1970, une nouvelle procédure acte en 1982 la séparation de AT&T en sept sociétés différentes, sur une base régionale comme pour la Standard Oil en 1911. Mais le contexte est on ne peut plus différent. La scission de 1982 s'inscrit dans le cadre des politiques de libéralisation et d'ouverture à la concurrence qui sont lancées aux États-Unis et ensuite en Europe. L'adoption du Clayton Act dans les semaines qui suivent la déclaration de guerre en Europe marque en réalité la fin du premier âge d'or de l'antitrust, marqué par plusieurs victoires au moins symboliques. Avant même leur entrée dans le premier conflit mondial, les États-Unis passent sous un régime d'économie de guerre, où la collaboration entre administration et industriels passe au premier plan. Durant la période de boom économique des années 1920, la majorité républicaine interprète la législation antimonopole en un sens restrictif. Profitant de l'étendue de leur marché domestique, les grandes entreprises étatsuniennes continuent à grandir, et sont bientôt prêtes à conquérir le reste du monde. Sous l'impulsion de Wright Patman, représentant démocrate du Texas issu de la tradition antimonopolistique du Sud, la FTC s'attaque avec succès au pouvoir croissant de la chaîne de grande distribution A&P. Ce n'est qu'avec le New Deal que l'antitrust revient quelque peu à l'ordre du jour. Sous l'impulsion de Wright Patman, représentant démocrate du Texas issu de la tradition antimonopolistique du Sud, la FTC s'attaque avec succès au pouvoir croissant de la chaîne de grande distribution A&P, accusée d'imposer des conditions draconiennes à ses fournisseurs. Les New Dealers ciblent également le monopole d'Alcoa sur l'aluminium, avec sans doute d'autant plus d'empressement que l'entreprise appartient à Andrew Mellon, l'ancien secrétaire au Trésor, qu'ils accusent également d'évasion fiscale. Jusque dans les années 1970, l'arsenal des lois antitrust reste suffisamment dissuasif pour pousser les grandes entreprises à se développer en investissant de nouveaux secteurs plutôt qu'en rachetant leurs concurrents directs – d'où l'émergence de vastes conglomérats, comme celui de la General Electric, qui seront progressivement dépecés dans les années 1980. Symbole de ce changement d'époque : Exxon et Mobil, les deux principaux héritiers de la Standard Oil, refusionnent en 1999 avec la bénédiction du président Bill Clinton. C'est alors qu'a lieu une profonde réorientation des politiques antitrust, inspirée par des représentants de l'école de Chicago comme Richard Posner ou Robert Bork. Auteurs en 1978 respectivement de Antitrust Law : an Economical Perspective et de The Antitrust Paradox, ils argumentent que la concentration et les fusions de grandes entreprises bénéficient aux consommateurs. Ils réussissent à imposer la doctrine du « bien-être du consommateur » (consumer welfare), selon laquelle les monopoles et les grandes fusions sont légitimes tant que les entreprises concernées peuvent argumenter qu'elles se traduiront par des baisses de prix. C'est le début d'une grande vague de concentrations, alimentée par le boom des marchés financiers, qui se poursuit encore aujourd'hui. Aux États-Unis et bientôt en Europe, les autorités de concurrence approuvent sans trop sourciller tous les projets de fusion qui leur sont présentés et se préoccupent surtout de faire la chasse aux aides d'État et aux monopoles publics. Symbole de ce changement d'époque : Exxon et Mobil, les deux principaux héritiers de la Standard Oil, refusionnent en 1999 avec la bénédiction du président Bill Clinton. En 2005, cinq des sept entreprises issues du démantèlement de AT&T en 1982 sont à nouveau regroupées, et reprennent le nom de AT&T. Deux autres s'unissent pour former son principal concurrent, Verizon. Ce n'est qu'avec l'essor du numérique que la lutte contre les monopoles revient finalement sur le devant de la scène. Dès les années 1990, la législation antitrust est utilisée pour forcer Microsoft à renoncer en partie à sa stratégie consistant à profiter de la position dominante de son système d'exploitation Windows pour contrôler également le marché des logiciels et notamment de la navigation sur le web. Mais c'est surtout dans les années 2010 et 2020, avec la croissance fulgurante des Gafam, que les invocations du glorieux passé de l'antitrust se multiplient, avec des appels à démanteler les nouveaux monopoles que sont Amazon, Google et Facebook. Malgré l'éloignement apparent entre l'âge du télégraphe et du chemin de fer et celui du web et de l'intelligence artificielle, les débats actuels sur les monopoles ne sont pas sans rappeler ceux du tout début du XXe siècle. (c) La Découverte, tous droits réservés Texte intégral 4700 mots
Baronnies industrielles
Soutenez l'Observatoire
Rachats et fusions sous le signe de Wall Street
De Theodore Roosevelt à Woodrow Wilson, l'antitrust au pouvoir
exécutif est du côté de l'antitrust.Démantèlements
Une bataille sans cesse rejouée
13.02.2025 à 23:18
L'histoire des multinationales est notre histoire
Les multinationales sont omniprésentes dans le monde d'aujourd'hui. Mais comment sont-elles devenues aussi riches et aussi grosses ? Un détour par l'histoire pour comprendre le monde contemporain.
- Multinationales. Une histoire du monde contemporainMultinationales. Une histoire du monde contemporain est un livre collectif co-dirigé par Olivier Petitjean (Observatoire des multinationales) et Ivan du Roy (Basta !) paru aux éditions La Découverte en février 2025. Il propose un détour par l'histoire pour pour prendre de la hauteur et mieux comprendre les enjeux brûlants d'aujourd'hui. Nous en publions quelques bonnes feuilles. Qu'on consomme leurs produits, qu'on admire leurs marques ou qu'on dénonce leurs pratiques, les multinationales sont omniprésentes. Mais les connaît-on vraiment ? Comment sont-elles devenues ce qu'elles sont aujourd'hui ? Cette somme ambitieuse, associant chercheurs et journalistes, offre une fresque mondiale et une généalogie critique inédites. Elle inscrit les entreprises et les marques dans la « grande histoire » et raconte les choix économiques, politiques, juridiques, techniques, financiers ou culturels qui ont rendu possible leur essor. De la Compagnie française des pétroles à Total, des premiers câbles télégraphiques sous-marins aux géants du Web, de Rockefeller à Elon Musk, de la Compagnie des Indes orientales au « Commodity Trading », de IG Farben au RoundUp, de la machine à coudre Singer à ChatGPT, des « républiques bananières » au lobbying intensif, ce livre retrace la montée en puissance progressive des multinationales, de la seconde moitié du xixe siècle jusqu'à nos jours, à travers une série de dates emblématiques complétées par des portraits et le récit de plusieurs épisodes clés. L'histoire des multinationales épouse celles des relations entre États, des conflits et des grandes crises, qui sont souvent des moments d'enrichissement et de rupture. Elle suit de près la trajectoire des changements technologiques, que ces entreprises ont contribué à orienter et accélérer. Elle accompagne la transformation de nos vies quotidiennes, à travers l'avènement d'une société de consommation de masse à l'échelle du globe, et aujourd'hui le tout-numérique. Elle est aussi l'histoire de la transformation de notre environnement naturel, de l'extraction des matières premières, de la production d'énergie à une échelle toujours plus importante, jusqu'à engendrer des menaces inédites. L'histoire des multinationales est donc notre histoire. Multinationales. Une histoire du monde contemporain, co-dirigé par Olivier Petitjean et Ivan du Roy, éditions La Découverte, 2025, 860 pages, 28 euros. Avec des contributions de Pauline Barraud de Lagerie, Sarah Benabou, Kenneth Bertrams, Barnabé Binctin, Olivier Blamangin, Cyprien Boganda, Christophe Bonneuil, Emma Bougerol, François Bouloc, Adrià Budry Carbo, Erika Campelo, Thomas Cantaloube, Michel Capron, Sophie Chapelle, Maxime Combes, Mickaël Correia, Sandra Cossart, Nicolas Delalande, Alain Deneault, Pierre-Yves Donzé, Vincent Drezet, François-Xavier Dudouet, Agathe Duparc, Mathilde Dupré, Olivier Favier, Jean-Baptiste Fressoz, Pauline Gensel, Aurore Gorius, Jean-Christophe Graz, Stéphane Heim, Tristan Jacques, François Jarrige, Nicolas Jounin, Rachel Knaebel, Sandrine Kott, Stéphanie Kpenou, Frédéric Lemaire, Sophie Lemaitre, Rozenn Le Saint, Nelo Molter Magalhães, Guy Pichard, Sabine Pitteloud, Dominique Plihon, Clément Séhier, Claude Serfati, Nikos Smyrnaios, Annie Thébaud-Mony, Claude Vaillancourt, Guillaume Vénetitay, Julien Vercueil, Scott Viallet-Thévenin, Gérard Vindt, Alexis Vrignon, Nolwenn Weiler. Voir la page du livre sur le site des éditions La Découverte. Un autre extrait du livre est accessible sur le site de Basta ! : 1992. Comment Total et consorts nous ont fait perdre un temps précieux dans la lutte contre le réchauffement, par Christophe Bonneuil Texte intégral 682 mots